Liberté de création architecture et patrimoine (Deuxième lecture - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine.
Discussion des articles (Suite)
ARTICLE 20
Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication . - L'archéologie préventive est l'un des derniers points sensibles de notre discussion. J'espère que nous pourrons nous rapprocher encore. L'enjeu majeur est la politique scientifique d'archéologie préventive - 30 000 dossiers par an, 2 500 diagnostics, seulement 500 fouilles. On a pu croire que nous voulions rétablir le monopole de l'Inrap, ce n'est nullement le cas excepté pour les fouilles sous-marines. Nous cherchons le bon équilibre entre les opérateurs, qui sont tous bienvenus ; les services des collectivités territoriales ont toute leur place comme éléments d'un pôle public de l'archéologie préventive. Pour preuve, le montant de la redevance pour l'archéologie préventive reversée par l'État aux collectivités territoriales s'est élevé à 10 millions l'an dernier, alors que son produit n'était que de 5 millions.
Le texte qui arrive de l'Assemblée nationale est équilibré et reconnaît la place de chacun ; le Gouvernement accepte de faire des pas vers le texte de votre commission, en particulier pour substituer la « maîtrise scientifique » à la « maîtrise d'ouvrage scientifique ». La commission a de son côté accepté de faire un pas vers le Gouvernement sur la convention ou sur la régulation.
Nous ne voulons pas revenir sur la question du CIR mais nous contrôlerons son usage.
Mme Françoise Férat. - Cela va de soi.
Mme Audrey Azoulay, ministre. - D'autres points sont en débat, la territorialité des services des collectivités territoriales, la procédure d'agrément ou celle de transmission des offres. L'objectif du Gouvernement est de rendre le système plus efficace, de faciliter la décision des aménageurs tout en garantissant que l'État assure sa mission scientifique sur l'ensemble de la chaîne.
M. François Commeinhes . - La commission de la culture propose un texte équilibré, avec des avancées notables ; mais plusieurs dispositions de l'article 20 imposeront de nouvelles contraintes aux collectivités territoriales : dès lors qu'elles devront signer une convention avec l'État, elles souhaitent le principe de volontariat, il en va de leur autonomie pour concilier aménagement du territoire et préservation du patrimoine. Tous les acteurs publics doivent trouver leur place.
Quelle solution, pour une archéologie préventive équilibrée, qui préserve le secteur des turbulences passées ? J'en appelle au maintien du texte de la commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Marie-Pierre Monier . - Ce texte ne doit pas opposer les acteurs, mais consolider le service public dont nous avons besoin, garant de la qualité scientifique en lien avec les services des collectivités territoriales et les entreprises privées ; le texte de l'Assemblée nationale veut éviter qu'un acteur ne s'empare du secteur en pratiquant du dumping. La Cour des comptes souligne qu'il va dans la bonne direction, avec le contrôle scientifique par l'Inrap et à condition d'un contrôle plus effectif par l'État.
L'article 20 reconnaît le rôle des collectivités territoriales, c'est nouveau ; l'habilitation pérenne remplacera l'agrément délivré tous les cinq ans, c'est aussi un progrès. Le rôle des services d'archéologie des collectivités territoriales en matière de recherche est reconnu. Nous approuvons enfin les possibilités de dérogation au principe de spécialité territoriale.
Le groupe socialiste proposera des amendements pour rétablir une partie du texte de l'Assemblée nationale, tout en recherchant des compromis. Nous souhaitons tous que la CMP aboutisse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Pierre Laurent . - Le patrimoine archéologique est un bien commun de la nation, ce qui implique un service public fort de l'archéologie préventive, garant de la qualité. La loi de 2003 a fragilisé le secteur en encourageant une concurrence dévastatrice et une certaine dispersion des données.
Ce texte est resté dans un entredeux. D'un côté on distingue opportunément services territoriaux de l'archéologie préventive habilités et entreprises privées agréées ; on rappelle le rôle de l'État comme garant de la qualité scientifique des opérations ; on fait de l'Inrap le filet de sécurité quand il y a défaillance ; on réforme le régime de propriété des biens trouvés. De l'autre, on se contente d'aménager la concurrence, y compris entre services territoriaux ; on se limite à un contrôle a posteriori des actes de candidature ; on autorise la sous-traitance et on supprime le monopole de l'Inrap sur les fouilles sous-marines... C'est dire qu'il reste beaucoup de progrès à faire, nous les proposerons par des amendements.
M. le président. - Amendement n°49, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéas 6 à 10
Remplacer ces alinéas par huit alinéas ainsi rédigés :
...) La seconde phrase est supprimée ;
...) Sont ajoutés six alinéas ainsi rédigés :
« Il veille à la cohérence et au bon fonctionnement du service public de l'archéologie préventive dans ses dimensions scientifique, économique et financière, notamment dans le cadre des missions prévues à l'article L. 523-8-1.
« Il exerce la maîtrise scientifique des opérations d'archéologie préventive et, à ce titre :
« 1° Prescrit les mesures visant à la détection, à la conservation ou à la sauvegarde par l'étude scientifique du patrimoine archéologique ;
« 2° Désigne le responsable scientifique de toute opération ;
« 3° Assure le contrôle scientifique et technique et évalue ces opérations ;
« 4° Est destinataire de l'ensemble des données scientifiques afférentes aux opérations. » ;
Mme Marie-Pierre Monier. - Nous faisons de l'État le garant de la qualité scientifique de l'ensemble des opérations d'archéologie préventive, garant aussi du bon fonctionnement et de la cohérence du service public. Il n'y a pas deux conceptions idéologiques opposées, l'une s'abritant derrière un État tout puissant, l'autre ultralibérale... Par souci du compromis, nous substituons l'expression « maîtrise scientifique » à celle de « maîtrise d'ouvrage scientifique ».
M. le président. - Sous-amendement n°222 à l'amendement n°49 de M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain, présenté par Mme Férat, au nom de la commission.
Amendement n° 49, alinéa 5
Après le mot :
préventive
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
dans sa dimension scientifique, ainsi que dans ses dimensions économique et financière dans le cadre des missions prévues à l'article L. 523-8-1.
Mme Françoise Férat, rapporteur de la commission de la culture. - Nous précisons le champ d'application de la régulation économique et financière de l'État.
M. le président. - Amendement n°154 rectifié, présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste, identique à l'amendement n°49.
Mme Marie-Christine Blandin. - Nous posons le principe d'une régulation du service public de l'archéologie préventive par l'État et lui confions la maîtrise scientifique des opérations archéologiques. Il s'agit d'apporter des garanties nécessaires et homogènes pour une politique publique de l'archéologie préventive de qualité.
La France est leader, elle a une connaissance scientifique approfondie, professionnalisée, sans rupture avec le CNRS et les bénévoles : il faut préserver ces ressources.
Mme Françoise Férat, rapporteur. - Je me félicite de ce compromis, l'État doit être responsable de la qualité des opérations, les aménageurs, maîtres d'ouvrage, n'en n'ont pas les compétences.
Cependant, qu'entend-on par régulation ? Un contrôle des moyens et capacités des opérateurs, ce qui est acceptable, ou un numerus clausus déguisé pour réduire la concurrence au bénéfice de l'Inrap, que nous ne voulons pas ?
Avis favorable aux amendements nos49 et 154 rectifié, sous réserve du sous-amendement n°222.
Mme Audrey Azoulay, ministre. - Je vous remercie pour votre esprit d'ouverture, la « maîtrise scientifique » donne toute sa place à l'État dans sa mission scientifique : avis favorable aux amendements nos49 et 154 rectifié. Cependant, le sous-amendement n°222 me gêne, puisque le contrôle ne se ferait qu'au moment de l'octroi de l'agrément - alors qu'il faut pouvoir contrôler tout au long de la procédure, c'est plus protecteur : avis défavorable.
Mme Françoise Férat, rapporteur. - Je suis surprise car à tout moment l'État peut retirer l'agrément.
Le sous-amendement n°222 est adopté.
Les amendements identiques nos49 et 154 rectifié, sous-amendés, sont adoptés.
M. le président. - Amendement n°69 rectifié bis, présenté par Mmes Estrosi Sassone et Cayeux, MM. Saugey et de Legge, Mme Deseyne, MM. Milon, Pillet, Raison, Commeinhes, J.P. Fournier, Legendre, César, Lefèvre, Bizet, Longuet, Morisset et Cornu, Mme Hummel, MM. P. Leroy, Dufaut, Nougein, Doligé, Mandelli, Revet et Chaize, Mmes Lopez, Lamure et Deromedi, MM. Dallier, de Raincourt, Rapin, Charon, Chasseing, Gremillet et B. Fournier, Mme Duchêne et MM. Pierre, Chatillon, Vasselle, Gilles et Husson.
Alinéa 14
Rétablir le 2° quater dans la rédaction suivante :
2° quater L'article L. 522-5 est ainsi modifié :
a) Au second alinéa, après le mot : « définir » sont insérés les mots : « , après enquête publique conduite par les autorités publiques compétentes, » ;
b) Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« L'État recueille l'avis des maires des communes sur le territoire desquelles sont situés les projets de zones de présomption de prescriptions archéologiques et, le cas échéant, celui des présidents des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d'urbanisme.
« Les zones de présomption de prescriptions archéologiques sont indiquées sur un ou plusieurs documents graphiques et annexées au plan local d'urbanisme ou au document d'urbanisme en tenant lieu, ou à la carte communale.
« Le certificat d'urbanisme prévu à l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme indique si le terrain est situé dans une zone de présomption de prescriptions archéologiques. » ;
Mme Vivette Lopez. - Comme en première lecture, nous voulons une meilleure information et une simplification de la carte archéologique. Relevant davantage du document scientifique, les zones de présomption de fouilles seraient annexées au plan local d'urbanisme ou à la carte communale, au même titre que les risques environnementaux par exemple, afin d'anticiper d'éventuels retards pour les projets de construction et faciliter la lecture des documents par les élus, pour les entreprises que pour les particuliers.
Les zones de présomption de prescription permettent une saisine automatique du préfet de région aux fins de prescription en dehors de tout seuil d'opération. Aujourd'hui, ces zones, comme l'état de l'inventaire des vestiges archéologiques, sont intégrées à une carte archéologique... difficilement compréhensible. On nous oppose le risque de pillages, mais les zones seraient cartographiées sans qu'il soit précisé la nature des vestiges découverts ou leur localisation exacte.
Il est également nécessaire, toujours au titre de l'information et des nécessités d'anticipation de l'aléa archéologique, d'indiquer dans les certificats d'urbanisme si le terrain, objet de la demande, est situé dans une zone de présomption de prescription.
Mme Françoise Férat, rapporteur. - Les ZPA n'étant pas opposables, elles ne peuvent pas figurer au PLU : avis défavorable.
Mme Audrey Azoulay, ministre. - Même avis.
M. Alain Marc. - Dans l'Aveyron, nous avons de très nombreux mégalithes, beaucoup ont disparu car ils ne figurent pas sur des cartes. Cet amendement est utile.
M. Daniel Gremillet. - Il faut revenir à l'esprit de la première lecture, celui de l'information et de la simplification plutôt que celui de la procédure.
L'amendement n°69 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°50, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéas 18 et 19
Rédiger ainsi ces alinéas :
« L'habilitation est attribuée, à la demande de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales dont relève le service, après avis du Conseil national de la recherche archéologique, par arrêté des ministres chargés de la culture et de la recherche. Elle est délivrée au vu d'un dossier établissant la capacité scientifique et technique du service et son organisation administrative. Ce dossier contient un projet de convention avec l'État fixant notamment les modalités de sa participation à l'exploitation scientifique des opérations d'archéologie préventive.
« L'habilitation est valable sur le territoire de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales demandeur. Elle permet de réaliser des diagnostics dans les conditions définies à l'article L. 523-4. L'habilitation permet de réaliser des opérations de fouille dont l'emprise est localisée en tout ou partie sur le territoire de la collectivité ou du groupement. Dans les autres cas, le représentant de l'État dans la collectivité territoriale ou dans le groupement de collectivités territoriales peut autoriser la collectivité ou le groupement habilité à réaliser une fouille en dehors de son ressort territorial. » ;
Mme Marie-Pierre Monier. - Nous voulons préciser les modalités d'habilitation des services d'archéologie des collectivités territoriales : une convention est indispensable pour vérifier les compétences et les ressources mises à disposition de l'archéologie préventive - plutôt qu'une habilitation automatique. Nous faisons un pas vers la commission en prévoyant la possibilité de dérogation au principe de spécialité territoriale.
M. le président. - Amendement n°94, présenté par M. Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Alinéa 18
Compléter cet alinéa par quatre phrases ainsi rédigées :
Ce dossier contient un projet de convention avec l'État fixant notamment les modalités de sa participation à l'exploitation scientifique des opérations d'archéologie préventive. L'habilitation est valable sur le territoire de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales demandeur. Elle permet de réaliser des diagnostics dans les conditions définies à l'article L. 523-4. L'habilitation permet de réaliser des opérations de fouille dont l'emprise est localisée en tout ou partie sur le territoire de la collectivité ou du groupement.
M. Pierre Laurent. - En supprimant le conventionnement préalable et la spécialisation territoriale des services d'archéologie préventive des collectivités, la commission a méconnu les fondements de la décentralisation et, sous couvert d'encourager les partenariats, favorisé la mise en concurrence des services. Les plus gros en profiteront en intervenant loin de leur base territoriale.
Bref, on favorise à la fois, et de façon contradictoire, la concentration des activités archéologiques et la multiplication des acteurs intervenant sur un même chantier - et ce, alors que l'ouverture à la concurrence en 2003 a eu des conséquences néfastes.
M. le président. - Amendement n°205 rectifié, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 18
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ce dossier contient un projet de convention avec l'État fixant notamment les modalités de sa participation à l'exploitation scientifique des opérations d'archéologie préventive.
Mme Audrey Azoulay, ministre. - Cet amendement précise que l'habilitation est accompagnée d'un projet de convention - non de la convention elle-même. Celle-ci pourra comporter des éléments comme l'élaboration des cartes archéologiques, la planification des diagnostics ou la valorisation de la recherche. Je ne doute pas que ces conventions dynamiseront le dialogue local.
M. le président. - Sous-amendement n°221 à l'amendement n°205 rectifié du Gouvernement, présenté par Mme Férat, au nom de la commission.
Amendement n° 205 rectifié, alinéa 3
1° Supprimer le mot :
notamment
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette convention peut traiter d'autres sujets sous réserve de l'accord des deux parties.
Mme Françoise Férat, rapporteur. - Nous précisons que la convention doit porter obligatoirement sur les modalités de la participation des collectivités territoriales à l'exploitation scientifique des opérations d'archéologie préventive.
M. le président. - Amendement n°217, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 19
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L'habilitation est valable sur le territoire de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales demandeur. Elle permet de réaliser des diagnostics dans les conditions définies à l'article L. 523-4. L'habilitation permet de réaliser des opérations de fouille dont l'emprise est localisée en tout ou partie sur le territoire de la collectivité ou du groupement. Dans les autres cas, le représentant de l'État peut autoriser la collectivité ou le groupement habilité à réaliser une fouille en dehors de son ressort territorial. » ;
Mme Audrey Azoulay, ministre. - Cet amendement rétablit le principe de spécialité territoriale, assorti de dérogations. Ainsi, lorsqu'une opération est à cheval sur deux territoires, la collectivité peut réaliser la totalité du diagnostic et des fouilles au-delà de son seul ressort territorial. Elle peut également, sur autorisation du représentant de l'État, y être habilitée pour répondre à un enjeu scientifique ou à la nécessité de mutualiser les compétences.
L'amendement revient également sur l'habilitation automatique des services aujourd'hui agréés. Les autorisations accordées avant la loi resteront valables jusqu'au terme des cinq ans prévus, puis les collectivités territoriales constitueront un dossier d'habilitation, qui sera alors pérenne. Bref, nous sécurisons la situation actuelle.
M. le président. - Sous-amendement n°238 à l'amendement n°217 du Gouvernement, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain.
Amendement n° 217, alinéa 3
1° Première phrase
Après les mots :
sur le territoire
insérer les mots :
de la région de rattachement
2° Troisième phrase
Après les mots :
est localisée
rédiger ainsi la fin de la phrase :
sur le territoire de la région de rattachement de la collectivité ou du groupement.
3° Dernière phrase
Remplacer les mots :
son ressort territorial
par les mots :
ce territoire
Mme Marie-Pierre Monier. - La régionalisation de l'habilitation s'impose au regard de la réalité de la carte archéologique et de l'absence de services d'archéologie préventive dans tous les départements.