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Table des matières
Questions prioritaires de constitutionnalité
Mission d'information (Candidatures)
Transparence financière des entreprises à vocation internationale
M. Éric Bocquet, auteur de la proposition de loi
M. Philippe Dominati, rapporteur de la commission des finances
M. Christian Eckert, secrétaire d'État
M. Christian Eckert, secrétaire d'État
Mission d'information (Nominations)
Organisme extraparlementaire (Candidature)
Mme Éliane Assassi, auteure de la proposition de loi
M. Alain Marc, rapporteur de la commission des lois
Questions prioritaires de constitutionnalité
M. Didier Guillaume, auteur de la proposition de résolution
Organisme extraparlementaire (Nomination)
Ordre du jour du jeudi 19 mai 2016
SÉANCE
du mercredi 18 mai 2016
98e séance de la session ordinaire 2015-2016
présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président
Secrétaires : Mme Corinne Bouchoux, M. Jean-Pierre Leleux.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Retrait d'une question orale
M. le président. - J'informe le Sénat que la question orale n°1399 de M. Jean Louis Masson est retirée de l'ordre du jour de la séance du mardi 7 juin, ainsi que du rôle des questions orales, à la demande de son auteur.
Questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. - Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 18 mai 2016, deux décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur la visite des navires par les agents des douanes II ; et le prononcé d'une amende civile à l'encontre d'une personne morale à laquelle une entreprise a été transmise.
Mission d'information (Candidatures)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la désignation des vingt-sept membres de la mission d'information sur l'intérêt et les formes possibles de mise en place d'un revenu de base en France, créée à l'initiative du groupe socialiste et républicain en application du droit de tirage prévu par l'article 6 bis du Règlement.
En application de l'article 8, alinéas 3 à 11, et de l'article 110 de notre Règlement, la liste des candidats établie par les groupes a été publiée.
Elle sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure.
Transparence financière des entreprises à vocation internationale
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à assurer la transparence financière et fiscale des entreprises à vocation internationale, présentée par M. Éric Bocquet et plusieurs de ses collègues.
Discussion générale
M. Éric Bocquet, auteur de la proposition de loi . - Cette proposition de loi vise à assurer la transparence financière et fiscale des entreprises à vocation internationale.
Vaste programme, aurait dit le général de Gaulle. Elle est d'une actualité criante : Panama papers, Luxleaks... Depuis la crise de 2007-2008 surtout, la transparence financière est devenue incontournable dans le débat public. Le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), Oxfam, Attac, le Secours catholique et de nombreux autres syndicats et organisations en ont fait un cheval de bataille.
Que serait une concurrence libre et non faussée si certains parvenaient à s'exonérer des règles qui s'imposent à tous ? Quand un joueur triche, c'est la partie elle-même qui est faussée.
Si le reporting pays par pays devenait la règle, bien des fraudes seraient évitées : c'est ce que propose notre texte. Les activités économiques n'auraient rien à craindre et nous distinguons bien sûr la situation des PME, à l'origine de fraudes modestes, et les grands groupes. Alors que le seuil de 750 millions d'euros, souvent évoqué, exclurait près de 90 % des entreprises multinationales selon l'OCDE, tel est le sens du seuil de 40 millions d'euros de chiffre d'affaires annuels, qui correspond à la définition, selon la Commission européenne, de la grande entreprise, à partir duquel les informations suivantes seraient demandées : l'implantation dans chaque territoire, la nature de leurs activités et leur localisation géographique ; leur chiffre d'affaires ; le nombre de leurs salariés sur une base équivalent à temps plein ; la valeur de leurs actifs et coût annuel de la conservation desdits actifs ; les ventes et achats ; le résultat d'exploitation avant impôt ; les impôts payés sur le résultat et les subventions publiques reçues.
Dix régions françaises (sur 22) avaient exigé dès 2011 des banques avec lesquelles elles travaillaient de publier des informations pays par pays, suivies par une vingtaine de villes. À partir de 2013, la France est à la pointe de l'Europe sur le sujet, l'ancien maire de Londres M. Boris Johnson, qualifierait sans doute la France de Nation de « sans culottes ».
Nous avons été le premier pays européen à introduire cette obligation pour les établissements financiers dans la loi bancaire du 26 juillet 2013. Nous avons oeuvré également à jouer un rôle essentiel dans l'introduction d'une obligation similaire pour les banques européennes, dans la directive CRD IV en juin 2013.
Malheureusement, la proposition de reporting pays par pays avancée dans le cadre du projet BEPS (Base erosion and profit shifting) et adoptée par le G20 d'Antalya est insuffisante puisque confidentielle et limitée à des échanges entre administrations fiscales. Investisseurs et salariés des entreprises concernées sont aussi intéressées par de telles informations !
Les députés européens se sont prononcés très largement, le 8 juillet dernier, sur la directive sur les droits des actionnaires, pour le reporting pays par pays. La Commission européenne a lancé une étude d'impact sur le reporting public.
La France enverrait un signal fort à la communauté internationale en adoptant la démarche que nous préconisons. Elle s'est déjà engagée dans cette voie, en accroissant les obligations de reporting des banques - sans grand effet à ce stade.
Le reporting à grande échelle joue sur le risque d'image des entreprises. Voyez cette grande marque de café poursuivie au Royaume-Uni pour avoir minoré les impôts dus à Sa Majesté. On avance souvent l'argument du coût pour l'entreprise. Or il est minime et le secret des affaires n'est pas menacé.
Tant qu'un reporting public, pays par pays, ne sera pas adopté, des citoyens continueront à faire les frais de la confidentialité à l'instar d'Antoine Deltour, le lanceur d'alerte du Luxleaks dont le procès vient de s'achever.
Les conséquences concrètes de l'absence de transparence, au contraire, sont désastreuses. McDonald's a fait l'objet de deux enquêtes de l'administration fiscale en 2014 : 2,2 milliards d'euros avaient été soustraits au fisc français, transférés directement au Luxembourg et en Suisse, à cause d'un système interne qui place chaque franchise en déficit, ce qui prive également les salariés de toute participation au bénéfice. Ainsi, les 1 000 salariés des 18 restaurants de l'Ouest parisien doivent savoir que le total des redevances versées au groupe atteint 19 % à 24 % du chiffre d'affaires, au titre des loyers et de l'utilisation de la marque.
Je sais que je ne vous aurai pas tous convaincus. Le vote d'aujourd'hui pourra retarder la mise en oeuvre d'une véritable transparence ; c'est pourtant le sens de l'histoire et comme l'écrivait Yasmina Khadra : « N'est jamais seul celui qui marche vers la lumière ». (Applaudissements sur les bancs des groupes communiste républicain et citoyen, socialiste et républicain et écologiste ; MM. Pierre-Yves Collombat et Marc Laménie applaudissent aussi)
M. Philippe Dominati, rapporteur de la commission des finances . - Le manque à gagner lié à l'évasion fiscale est compris entre 50 milliards et 70 milliards d'euros par an. Sous l'impulsion du G20, l'OCDE, et notamment Pascal Saint-Amans que nous avons entendu le 9 mars dernier, a engagé une vaste réflexion sur la fiscalité.
Le projet BEPS comporte quinze mesures, dont, au titre de l'action n°13, un mécanisme de reporting confidentiel, à l'attention des administrations fiscales, pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 750 millions d'euros.
La France a anticipé, dans la loi de finances pour 2016, en imposant une déclaration des activités pays par pays selon les critères du BEPS. Les premières déclarations interviendront en conséquence fin 2017.
Deux secteurs sont déjà soumis à davantage de publicité : la banque, et les industries extractives ; mais le bilan de ces mécanismes est encore incertain.
Dans le projet de loi de finances pour 2015, puis celui pour 2016, des amendements avaient été adoptés puis supprimés, visant à élargir de telles dispositions.
Dans le cadre de son contrôle sur l'article de la loi de finances initiale pour 2016 introduisant les déclarations d'activités fiscales, le Conseil constitutionnel a écarté le grief invoqué sur le fondement du principe de liberté d'entreprendre. Dans la motivation de sa décision, il a relevé que les informations fournies ne pouvaient être rendues publiques. Un doute existe donc sur la constitutionnalité d'un dispositif de déclarations publiques.
Le 12 avril dernier, la Commission européenne a rendu publique une proposition obligeant les entreprises réalisant au moins 750 millions d'euros de chiffre d'affaires, à déclarer leurs activités pays par pays.
Cette proposition de loi, de son côté, retient le seuil de 40 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel, et impose la communication d'informations contenues dans les déclarations fiscales.
Je vous proposerai de rejeter ses deux articles. Le seuil, d'abord, rompt avec le consensus trouvé au sein de l'OCDE et participerait d'une insécurité juridique nuisible au climat économique. Ces informations pourraient en outre surtout être analysées, avant la société civile, par les concurrents.
La transparence ne peut être accrue qu'à l'échelle européenne. Nous risquons en outre de négliger le fait que les pôles de consommation ont migré vers les pays émergents.
La France est le quatrième pays au monde de localisation de sièges de grandes entreprises multinationales et le premier en Europe. Dès lors, l'extension des déclarations d'activités pays par pays, fiscales comme publiques, conduirait notre pays à divulguer un nombre d'informations plus important que d'autres pays. C'est un enjeu que le législateur doit prendre en compte et qui mérite, à tout le moins, une étude d'impact précise, française et européenne. C'est pourquoi je vous demande de ne pas adopter les deux articles de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Vincent Capo-Canellas applaudit aussi)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget . - Vous le savez, le reporting pays par pays, dont le sigle anglais est CBCR, depuis votre vote de la loi de finances pour 2016, existe bel et bien entre administrations, pour les sociétés de plus de 750 millions d'euros de chiffre d'affaires, tête ou filiale française d'un groupe. Les informations demandées sont les suivantes : agrégats économiques, comptables et fiscaux, ainsi que des informations sur la localisation et l'activité des entités le constituant.
Cet ensemble permet de suivre la répartition de la valeur dans les groupes. Ce travail a été concrétisé par la signature par plus de 30 pays le 27 janvier à Paris d'un accord multilatéral rendant possible l'échange automatique entre les administrations fiscales. Le seuil de 750 millions d'euros concerne 200 entreprises ayant un siège en France, et environ 1 200 filiales de groupes étrangers.
Vous abaissez le seuil de chiffre d'affaires à 40 millions d'euros, ce qui élargit considérablement le périmètre du dispositif, soit.
Vous avez cité un cas précis. Des procédures sont en cours. Le secret fiscal m'empêche d'en dire plus. Sachez toutefois qu'en 2015, cinq grandes entreprises multinationales ont donné lieu à des notifications de redressements s'élevant à 3,3 milliards d'euros : c'est dire l'ampleur des enjeux !
L'administration fiscale s'attache à examiner les flux financiers intragroupes et l'établissement stable des entreprises. L'impôt n'est pas toujours payé, dit-on. Je réponds : les procédures sont rigoureuses, précises, elles s'appliquent.
Vous voulez aller plus loin, donc. Avant-même les Panama papers qui ont créé une émotion légitime dans l'opinion publique, nous avions publiquement annoncé, avec Michel Sapin, que nous étions favorables à un reporting public dans un cadre européen. Je regrette la confusion qu'a entraînée le débat à l'Assemblée nationale, sur le projet de loi de finances rectificative 2015, quelques semaines après l'adoption du CBCR entre administrations en projet de loi de finances 2016, sur un premier amendement en ce sens, en l'absence de toute initiative européenne.
Le Conseil constitutionnel a relevé un risque d'inconstitutionnalité du mécanisme proposé par les députés, heureusement retiré à temps. Il ne s'est jamais agi de couvrir les fraudeurs, contrairement à ce qu'on a pu lire.
Dans sa décision du 10 juin 2004, le Conseil constitutionnel a bâti une jurisprudence très stricte sur la transposition des directives européennes.
Son considérant est très clair : en substance, il consiste à marquer que le juge constitutionnel français n'a pas à juger de la constitutionnalité des directives européennes, considérant que la directive est déjà passée au crible du droit fondamental européen, donc des traités auxquels la France est partie - sauf à ce que la directive contredise « l'identité constitutionnelle de la France », par exemple le principe de laïcité ; mais je ne pense pas que le principe de libre entreprise fasse partie de ce bloc. Dès lors, le contrôle de constitutionnalité se contente de vérifier que la loi ne contredise pas ouvertement la directive ; mais une fois que l'on se situe dans ce cadre européen, on peut avancer, et c'est bien l'intention du Gouvernement, qui rejoint la vôtre.
Seulement, votre proposition de loi ne transpose pas la directive. Les informations sont étendues à la valeur des actifs et aux subventions publiques reçues.
Le Gouvernement n'y est pas favorable en l'état mais nous pourrions y revenir dans le cadre de la loi Sapin II. M. Sapin, dont je vous prie d'excuser l'absence, en raison de son départ pour le Japon, plaide pour plus de transparence auprès de ses homologues, et le commissaire Pierre Moscovici semble acquis à cette cause.
Une directive européenne étant en cours d'élaboration, le Gouvernement considère que vous ne sauriez adopter ce texte sans encourir un risque constitutionnel. Nous vous demandons par conséquent de ne pas l'adopter en l'état. Vous comprenez toutefois que nous partageons le même objectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Thierry Foucaud . - Les arguments du ministre sont donc techniques et d'opportunité. Ne pas imposer de charges nouvelles aux entreprises, dites-vous...
D'abord la cible serait trop large ? Tout de même, 5 000 entreprises sur 3,5 millions, c'est assez peu... Les Panama papers, après les LuxLeaks, Wikileaks et autres listes révélées par les lanceurs d'alerte, ont suffisamment montré la nécessité d'agir.
Invoquer le secret des affaires, pour tenter de démontrer l'inopportunité de la proposition de loi, c'est presque faire de l'optimisation fiscale, sinon de la fraude, un secret industriel !
C'est précisément pour protéger nos groupes et entreprises de la concurrence déloyale que nous avons besoin de ce reporting fiscal. La France fut pionnière de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises et de nombreux chefs d'entreprises s'engagent dans cette démarche éthique.
Pervenche Bérès a rappelé que les socialistes et radicaux européens bataillaient depuis longtemps en ce sens.
Que craint-on véritablement dans cette affaire ? Venons-en donc au seuil. À 750 millions d'euros, 90 % des multinationales sont exemptées de toute obligation.
Le seuil de 40 millions d'euros de chiffre d'affaires, cela correspond à la définition européenne d'une « grande entreprise ». Nous retenons également un seuil de 250 salariés : nous sommes loin des structures supportant des charges administratives insurmontables.
Le dernier argument technique, relatif au secret des affaires, ne tient pas : ces entreprises publient déjà largement ces informations dans leurs comptes, les banques font déjà du reporting depuis 2013. De nombreux chefs d'entreprises, je l'ai dit, tiennent à l'éthique ; de nombreux salariés publient des rapports détaillés sur leur responsabilité sociale. Les entreprises qui trichent bénéficient de l'honnêteté de celles qui paient. Moins d'argent public, c'est moins d'écoles, moins d'hôpitaux...
Le reporting public, transparent, pays par pays peut contribuer à rendre plus efficace la lutte contre la fraude fiscale, pratique sans merci et sans faux-semblant, comme l'a rappelé l'affaire des Panama papers. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes socialiste et républicain et écologiste)
M. Jacques Chiron . - Faire de la lutte contre l'évasion fiscale une priorité s'impose : tous les grands maux de notre société en procèdent plus ou moins directement. Cette conclusion est celle qui ressort des nombreux travaux du Sénat, comme de ceux de l'OCDE. Nous savons comment lutter contre. Par la convergence d'une part : faire en sorte qu'aucune législation ne soit assez permissive pour autoriser ces pratiques. Par la transparence ensuite, en mettant de la lumière là où les fraudeurs croient trouver de l'ombre.
Comment procéder ? Le débat est déplacé sur le terrain des relations entre États souverains. D'aucuns proposent de partir seul en espérant que les autres nous suivront. D'autres misent sur la coopération en amont. « Si tu veux aller vite, marche seul ; si tu veux aller loin, marchons ensemble », dit un proverbe africain. Partisans de cette seconde méthode, nous ne voterons pas ce texte. Créons une puissante dynamique internationale. Certes, cela prend du temps. Mais c'est une nécessité.
Mesurons les progrès accomplis depuis 2012 : des initiatives nationales ont d'abord amélioré la coopération administrative. Puis nous sommes passés d'une concurrence d'États souverains à une communauté d'intérêts, au sein de laquelle les informations s'échangent automatiquement.
Dans le processus, le premier retard était technique - la connaissance de l'impôt, le second juridique et le troisième informatique. En a résulté un partage des tâches, en particulier avec les lanceurs d'alerte. Tous les acteurs jouent désormais leur rôle. Depuis 2012, 70 mesures de lutte contre la fraude fiscale ont été adoptées et les stratégies des grands groupes dénoncées. Le reporting pays par pays est déjà en vigueur pour les banques et les industries extractives. Le projet de loi Sapin, de son côté, améliore la protection des lanceurs d'alerte.
Une directive européenne étant en préparation, nous ne voterons pas ce texte. J'espère que les parlementaires européens sauront faire bouger les lignes, en particulier pour abaisser le seuil de déclenchement de la mesure : comme les socialistes européens, je suis personnellement favorable à un seuil de chiffre d'affaires de 40 millions d'euros.
Mais prenons quelques instants pour nous réjouir : si le principe de reporting pays par pays est validé à l'échelle européenne, nous aurons mis le pied dans la porte.
Donnons sa chance au débat parlementaire européen. Ne soyons toutefois pas naïfs : méfions-nous des lobbies et des pays à la position ambiguë comme le Royaume-Uni, l'Irlande ou encore le Luxembourg qui pratiquent une fiscalité agressive, voire à la carte. Un peu plus loin, les États-Unis sont intraitables avec leurs citoyens installés à l'étranger mais abritent en leur propre sein un véritable paradis fiscal, le Delaware.
Fixer unilatéralement, hors mouvement européen, un seuil de 40 millions d'euros pour le reporting aurait des effets pervers et jetterait la confusion. Alimentons plutôt la dynamique européenne, il sera toujours temps de trouver un plan B si elle échoue. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. François Fortassin applaudit aussi)
M. André Gattolin . - Longtemps, les paradis fiscaux ont été considérés comme des astuces exotiques, presque sans portée ; puis, avec la crise de 2008, la mansuétude a laissé place à l'effarement devant les égoïsmes de la ploutocratie : après la prise de conscience de l'opinion publique, les politiques se sont saisis du sujet ; huit ans après, l'OCDE produit enfin des normes... Que d'atermoiements... Comment ne pas désespérer de la chronique des départs répétés de membres de cabinets ministériels vers la finance privée ? Comment croire à la volonté de régulation quand on voit la collusion des milieux financiers avec leurs régulateurs ? La nomination de M. Juncker a envoyé un signal désastreux.
La complexité des données n'est pas un argument pour en refuser la publication ; voter aussi est compliqué... Chacun est légitime à être informé. Les LuxLeaks ont démontré que la compréhension, pour être collective, nécessitait de la transparence. En ce sens, cette proposition de loi s'inscrit dans le sens de l'histoire.
La compétitivité des entreprises serait mise en danger ? Au contraire, la réputation se nourrit de transparence ; et celle-ci, qui donne un avantage d'image aux entreprises vertueuses, ne remet en cause ni le libéralisme ni l'esprit d'initiative. Pour répondre à l'exemple donné par le rapporteur, des exceptions peuvent toujours être apportées.
La France ne saurait avancer toute seule ? Certes, l'Union européenne serait un échelon plus pertinent... mais à condition d'avancer ; or la proposition de la Commission européenne est un leurre dangereux, qui ne s'intéresse qu'aux activités intra-européennes et agrège les données hors Union. Autant dire que toute ambition est enterrée... La transparence n'est pas la panacée, mais elle est utile pour bousculer la tiédeur des décideurs.
Cette proposition de loi pourrait certes être améliorée, le seuil, un mécanisme d'exception... Mais nous n'en sommes qu'à la première lecture, le volontarisme doit s'affirmer. Le groupe écologiste votera pour ! (Applaudissements sur les bancs des groupes communiste républicain et citoyen et écologiste ; MM. François Fortassin et Pierre-Yves Collombat applaudissent aussi)
M. Jean-Claude Requier . - La transparence financière et fiscale des multinationales est assurément un sujet d'actualité : l'optimisation fiscale représente 50 à 70 milliards d'euros par an à l'échelle européenne, alors que le déficit public de la France s'élève à 77 milliards d'euros - c'est un enjeu pour les finances publiques comme pour la cohésion sociale. L'optimisation fiscale est injuste socialement en ce qu'elle est contraire au principe d'égalité devant l'impôt, et nuisible économiquement en ce qu'elle fausse la concurrence.
Cette proposition de loi oblige certaines entreprises à publier des informations pays par pays ; et elle élargit le champ des personnes à agir devant le tribunal de commerce en cas de refus de publication. Le seuil de 40 millions d'euros de chiffre d'affaires me paraît trop bas : ne grevons pas la compétitivité de nos PME ; et la publication d'informations sensibles, stratégiques, pourraient favoriser la concurrence.
Enfin, une action seulement nationale ne saurait être efficace : réglons-nous plutôt sur la directive en cours d'élaboration. Pourquoi ne pas étendre le dispositif prévalant pour les banques et les industries extractives aux entreprises du numérique avant de s'attaquer à nos champions nationaux ?
Si l'unanimité du groupe du RDSE s'accorde sur le principe de ce texte, sa majorité en désapprouve les dispositions.
M. Vincent Capo-Canellas . - Les révélations des Panama papers comme de l'affaire Luxleaks ont mis à jour la vulnérabilité de nos systèmes fiscaux et l'ampleur considérable de certaines pratiques aux conséquences éthiques et économiques importantes. L'OCDE puis l'Union européenne ont évolué, pris des engagements - M. le ministre nous annonce une transposition de la directive à venir dans la loi Sapin II. Bien avant, le Sénat avait pris des initiatives, grâce notamment à la commission d'enquête rapportée par M. Bocquet, à laquelle Mme Goulet a pris une part active.
Deux familles d'instrument juridiques sont opérantes contre les pratiques frauduleuses : l'échange d'informations entre États, qui est l'affaire de l'administration, et le reporting qui est davantage celle des citoyens. L'OCDE a privilégié la première, qui s'étend et produit des résultats mais il faut sans doute aller plus loin. On peut comprendre l'impatience de l'opinion publique devant la lenteur de la prise de décision au niveau international comme devant les délais de transcription...
Le reporting a contre lui d'être antiéconomique ; il présente en outre un risque constitutionnel rappelé par le ministre et le rapporteur, et le seuil fait débat.
La coopération internationale, l'échange d'informations pourraient donc être la voie la plus fructueuse ; nos concitoyens ne cesseront pas d'utiliser des IPhones, de commander sur Amazon ou de consulter Google parce que ces entreprises sont en délicatesse avec les services fiscaux...
Nous partageons l'objectif de cette proposition de loi mais non les moyens proposés pour l'atteindre. Le groupe UDI-UC ne la votera pas. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Patricia Morhet-Richaud . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Membre de la délégation sénatoriale aux entreprises, je suis particulièrement heureuse de m'exprimer sur cette proposition de loi.
La crise de 2008 a poussé de nombreux États, en particulier au sein de l'Union européenne, à se saisir du problème de l'optimisation fiscale. De grands groupes ont fait de celle-ci un outil de développement, mais entre elle et la fraude, la frontière est ténue ; et les PME ne sont guère concernées, elles qui ne disposent pas de bataillons de comptables et d'experts fiscalistes. Elles s'inquiètent surtout de la conformité de leurs déclarations. Les PME ne sont pas en position de pratiquer le chantage à l'emploi...
La concurrence joue à l'échelle mondiale. Vouloir, seuls, laver plus blanc que blanc est contreproductif. Une directive est en cours d'élaboration, mieux vaudrait s'y raccrocher plutôt que d'alourdir les contraintes pour nos seules entreprises. Le risque constitutionnel n'est en outre pas négligeable. Le groupe Les Républicains votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - L'évasion fiscale coûterait six fois le déficit de la sécurité sociale... En 2010, les pays en développement ont vu partir 850 milliards vers les paradis fiscaux, soit dix fois le montant de l'aide internationale au développement. L'évasion fiscale pèse sur la capacité de la communauté internationale à résoudre les grands problèmes de l'heure, outre qu'elle va souvent de pair avec ces fléaux que sont le blanchiment d'argent et la corruption - c'est ce que montre l'Organisation internationale parlementaire contre la corruption dont je promeus le développement en France.
Outre l'éthique, c'est la loyauté de la concurrence que l'évasion fiscale met à mal. Il y beaucoup d'hypocrisie : d'un côté, tout expatrié est assimilé à un exilé fiscal, de l'autre, on épargne les grands groupes internationaux... Le Gouvernement n'a pas toujours été exemplaire, comme lorsqu'il renouvelle le contrat du ministère de la défense avec Microsoft... Et mettre un État sur la liste noire peut avoir des retombées diplomatiques graves pour une efficacité proche de zéro.
La meilleure arme reste la transparence ; je suis favorable, à titre personnel, à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains). S'abriter derrière la directive en préparation pour le refuser n'est pas un service à rendre à l'idée européenne.
La transparence menacerait les entreprises ? Je n'y crois pas car on accède déjà à ces informations, que les plus petites des PME fournissent déjà au registre du commerce. À qui dévoiler, ensuite ? Si les scandales ont été mis à jour, c'est bien grâce à la persévérance de la société civile - l'administration, elle, n'a pas toujours les moyens d'agir.
Certains éléments de la proposition de loi mériteraient d'être retravaillés : le contenu des informations, le seuil... Je m'abstiendrai donc. J'espère que nos débats augurent d'avancées dans le projet de loi relatif à la transparence et à la modernisation de la vie économique. (Applaudissements sur les bancs des groupes communiste républicain et citoyen et écologiste)
Mme Nicole Duranton . - Le scandale des Panama papers a renforcé l'idée dans l'opinion que l'évasion fiscale est un phénomène de grande ampleur. Voilà le contexte dans lequel nous débattons aujourd'hui d'une proposition de loi qui va plus loin que l'OCDE, plus loin que la Commission européenne. Le texte de loi abaisse le seuil de manière déraisonnable, obligeant quelque 5 000 entreprises à de nouvelles contraintes - toutes n'en ont pas les moyens. Si la France est en avance, comme avec le reporting des banques, le risque en termes de compétitivité impose de n'imposer les déclarations qu'au niveau européen - sans compter le risque constitutionnel. Pourquoi les entreprises françaises devraient-elles être plus contraintes, plus transparentes que leurs concurrentes ? Ne faisons pas de la transparence et de la morale l'affaire d'un seul pays. Je ne suis pas favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Merci pour vos propos de responsabilité, nous avons un devoir de précision et de pédagogie car la situation n'est pas aussi binaire que certains l'affirment et que certains de nos concitoyens l'entendent.
Les différences d'appréciation sur les seuils ne doivent pas masquer notre effort collectif, souvent à l'initiative du Parlement, contre l'évasion fiscale. Notre objectif est bien le même, celui de la justice fiscale, il faut le dire à nos concitoyens pour les réconcilier avec le politique.
Il y a eu des excès par le passé qui ont jeté la suspicion, nous avons désormais des conventions fiscales avec nombre de pays, qui fonctionnent à merveille et pour des montants qui en surprendraient plus d'un ici...
Aujourd'hui, les administrations fiscales ont accès aux rulings... Certains voudraient aller plus loin sur les seuils, mais ce n'est pas le principal. L'obstacle constitutionnel est bien plus sérieux. Si nous avons pu transcrire la directive pour les banques avec un peu d'avance, c'est qu'elle était sur le point d'être achevée ; nous n'en sommes pas là aujourd'hui avec le reporting...
Sur le montant de la fraude, prudence : les chiffres varient et, par nature, la fraude est dissimulée... Et ses limites avec l'optimisation agressive et l'optimisation tout court sont poreuses...
Il est donc d'attendre la directive, que nous transcrirons immédiatement ; les choses auront peut-être suffisamment avancé au moment de l'examen de la loi Sapin. Mais n'accréditons pas l'idée que le rejet de cette proposition de loi serait un signe de faiblesse ou de complaisance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Je voterai ce texte, le reporting public est souhaitable - je l'avais dit en loi de finances. Des progrès ont été faits, c'est vrai, mais il faut aller plus vite et plus loin. Nos amendements en faveur du reporting des banques avaient été acceptés parce qu'ils apportaient du poids dans la négociation européenne, c'est la même démarche aujourd'hui - c'est particulièrement utile en ces temps où la transparence est devenue une exigence démocratique.
Monsieur le ministre, saisissez ce soutien parlementaire qui vous sera précieux dans les négociations européennes, nous avons besoin d'un front large face à des pays qui n'ont pas intérêt à la transparence. Et, une fois que la directive aura fixé un seuil, il sera difficile d'y revenir. Je dois dire enfin ma perplexité : ce qui serait inconstitutionnel en France deviendrait constitutionnel si la décision est prise au niveau de l'Union. Voilà qui est incompréhensible pour nos concitoyens et source de fragilité pour nos institutions. (Applaudissements sur les bancs des groupes communiste républicain et citoyen et écologiste)
M. Marc Laménie . - L'évasion fiscale, voilà ce contre quoi nous voulons lutter. Fixer le seuil à 40 millions d'euros de chiffre d'affaires, ce serait élargir excessivement le nombre d'entreprises contraintes, il faut faire attention. Je me rallie à la position de notre rapporteur.
M. Pierre-Yves Collombat . - L'hémisphère droit de notre assemblée ignore ce que fait l'hémisphère gauche, c'est un phénomène habituel... Nous déplorons tous la fraude fiscale, qui équivaut au montant du déficit du pays... Ce texte demande un peu de lumière, il ne va pas supprimer les paradis fiscaux, mais on nous dit que l'Union européenne ne nous le permet pas... Du côté droit, on nous explique qu'il n'y a pas d'urgence, qu'il faut être plusieurs pour agir et, mieux, que la proposition est inconstitutionnelle - je n'ai toujours pas compris pourquoi. Comme si le politique n'existait plus...
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Il vaut mieux comprendre quand on fait la loi...
M. Pierre-Yves Collombat. - Faire la loi ? J'aimerais bien ! (Rires sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen) Il semblerait qu'elle est plutôt faite par le Conseil constitutionnel, le Conseil d'État et Bruxelles ! Je voterai ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, communiste républicain et citoyen)
M. Philippe Dominati . - Le seuil me préoccupe, car je me soucie des capacités exportatrices de nos entreprises : à 40 millions d'euros, on est encore petit à l'échelle mondiale. Nous avons auditionné une entreprise sous-traitante de l'automobile qui a peu de produits et veut s'implanter en Europe centrale : si elle devait fournir les informations demandées, sa stratégie serait compromise...
Ensuite, il semble que nous n'ayons pas convaincu tous nos partenaires européens sur les données publiques : attention à ne pas aller plus loin que nos concurrents - c'est encore plus vrai vis-à-vis de l'Amérique du Nord et de l'Asie.
M. Éric Bocquet . - Merci à tous pour vos interventions, qui démontrent bien l'importance du sujet - je rappelle que le rapport de notre commission d'enquête avait été adopté à l'unanimité. L'affaire des Panama papers ne concerne qu'un cabinet d'avocats, il y a 20 000 avocats fiscalistes à Chypre... C'est dire qu'il reste beaucoup à faire.
Ce matin, le procureur national financier Mme Houlette, personne de grande qualité, a évoqué une coopération chaotique et lente avec certains pays ; nous avons demandé des noms : la Russie, l'Ile Maurice et la Suisse... Si l'on ne force pas un peu la marche, on risque d'attendre très longtemps ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
À la demande du groupe communiste républicain et citoyen, l'article premier est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°225 :
Nombre de votants3 | 39 |
Nombre de suffrages exprimés33 | 7 |
Pour l'adoption 3 | 2 |
Contre | 305 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ARTICLE 2
M. le président. - Si l'article 2 n'était pas adopté, il n'y aurait pas lieu de voter sur l'ensemble du texte. De ce fait, il n'y aurait pas d'explications de vote non plus.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Il est surprenant d'entendre tourner en dérision les arguments constitutionnels. Le Conseil constitutionnel a validé le reporting sous la réserve qu'il ne soit pas public, ce qui porterait atteinte à la liberté d'entreprendre.
M. Pierre-Yves Collombat. - C'est un scandale de dire ça !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - C'est le garant de notre Constitution qui le dit... On pourra lui opposer, dès lors qu'il existera une directive européenne, que nous aurons l'obligation, constitutionnelle elle aussi, de la transcrire.
L'article 2 n'est pas adopté.
En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.
Mission d'information (Nominations)
M. le président. - Je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidats pour la mission d'information sur l'intérêt et les formes possibles de mise en place d'un revenu de base en France.
La présidence n'a reçu aucune opposition. En conséquence, la liste des candidats est ratifiée, et je proclame membres de la mission d'information : MM. Michel Amiel, Pierre Camani, Daniel Chasseing, René Danesi, Serge Dassault, Mme Annie David, M. Jean Desessard, Mmes Chantal Deseyne, Élisabeth Doineau, Nicole Duranton, Frédérique Espagnac, MM. Jean-Pierre Grand, Jean-François Husson, Éric Jeansannetas, Dominique de Legge, Jean-Baptiste Lemoyne, Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Anne-Catherine Loisier, Patricia Morhet-Richaud, MM. Robert Navarro, Daniel Percheron, Mme Christine Prunaud, M. Yves Rome, Mme Patricia Schillinger, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle et Yannick Vaugrenard.
Avis sur une nomination
M. le président. - En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires étrangères a émis un vote favorable (22 voix pour, 5 voix contre, 10 bulletins blancs ou nuls) à la nomination de M. Rémy Rioux aux fonctions de directeur général de l'Agence française de développement.
Organisme extraparlementaire (Candidature)
M. le président. - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein du conseil d'administration du Centre scientifique et technique du bâtiment.
La commission des affaires économiques propose la candidature de M. Bruno Sido.
Cette candidature a été publiée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
Contrôles d'identité abusifs
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à lutter contre les contrôles d'identité abusifs.
Discussion générale
Mme Éliane Assassi, auteure de la proposition de loi . - D'abord, merci au rapporteur bien que je ne partage pas ses conclusions, et regrette qu'il n'ait pas auditionné les associations des droits de l'homme.
Depuis le rapport « Vivre ensemble » d'Olivier Guichard de 1976 jusqu'à celui de l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ) en 2007, on n'a cessé de déplorer l'écart grandissant entre police et population. Malgré le manque de données, de nombreuses publications ont établi la réalité des contrôles au faciès, inefficaces et humiliants. Le collectif « Stop le contrôle au faciès » a rapporté cinq ans de contrôles d'identité abusifs. Je salue leur combat car ces abus sont une réalité incontestable. En moyenne, selon une étude du CNRS et de l'Open Society Justice Initiative, une personne noire a six fois plus de chance d'être contrôlée qu'une personne blanche, une personne « arabe » huit fois plus.
La cour d'appel de Paris a d'ailleurs condamné l'État pour discrimination le 24 juin 2015. Sans mettre en cause un usage ciblé et approprié des contrôles, notre objectif est de rétablir une relation de confiance entre la police et la jeunesse - pour qui la rencontre des policiers est, avec l'école, le premier contact avec la République. Beaucoup de policiers sont d'ailleurs favorables à une réécriture de l'article 72-8 du code de procédure pénale et à l'expérimentation du récépissé.
Aujourd'hui même, les policiers manifestent, et nous comprenons leur exaspération. (Exclamations au centre) Surmenés, ils ne comprennent plus le sens de leur mission, et en souffrent les premiers. Aux gardiens de la paix, on a substitué les forces de l'ordre : glissement sémantique révélateur d'une désincarnation et d'une instrumentalisation politique. Lisez La Force de l'ordre de Didier Fassin, il révèle le désoeuvrement et l'ennui des policiers, la pression de la politique du chiffre, les formes invisibles de violence et de discrimination, et en définitive la réalité de leur mission : protéger un certain ordre social plutôt que la sécurité des populations.
Modifier l'article 72-8 du code de procédure pénale, rendre applicable en cas de contrôle d'identité l'article 225-1 du code pénal sur les discriminations et lancer une expérimentation au titre de l'article 37-1 de la Constitution sur la délivrance d'un récépissé, voilà ce que nous proposons. Il faudra également améliorer la formation des agents. Le rapporteur a balayé ces propositions par des arguments techniques sans chercher à les améliorer. Or le juridique sert le politique pas l'inverse...
Dire que notre proposition de loi supprime toute possibilité de procéder à des contrôles est de pure mauvaise foi. Mais cela ne m'étonne pas, car nous sommes bien entrés dans l'ère du soupçon, et le gouvernement actuel poursuit la politique sécuritaire de M. Sarkozy... Aurions-nous mal lu l'engagement n° 30 du candidat Hollande ? Il était pourtant clair : « Je lutterai contre le délit de faciès dans les contrôles d'identité par une procédure respectueuse des citoyens »...
Cette initiative, tôt ou tard, aboutira. Là où la société civile lève l'omerta, les politiques faiblissent. Un mouvement est lancé ; il est encore temps, chers collègues, de le rejoindre. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit aussi)
M. Alain Marc, rapporteur de la commission des lois . - Ce texte déstabiliserait fortement le cadre des contrôles d'identité, plus que jamais nécessaires, et créerait une forte insécurité juridique pour les agents, je vous proposerai donc de le rejeter.
Mais revenons d'abord sur le droit actuel. Toute personne présente sur le territoire national peut se voir demander par un agent des forces de l'ordre de justifier de son identité, soit dans le cadre de la police judiciaire - pour rechercher les auteurs d'infractions ou empêcher leur commission imminente - ou administrative - pour prévenir une atteinte à l'ordre public. Le cadre des contrôles d'identité, s'il est complexe, est stable. Dans les deux cas, les contrôles doivent être motivés par des éléments concrets et rattachés à la personne.
Deux autres procédures existent : les contrôles systématiques sur réquisition du procureur de la République, dans un lieu et pour une durée déterminés par lui, et les contrôles dits Schengen. En complément, les véhicules et, depuis la loi du 22 mars 2016, les bagages peuvent être contrôlés également.
Tous ces contrôles doivent être réalisés par un officier de police judiciaire (OPJ) ou un OPJ adjoint, ils sont placés sous le contrôle du procureur de la République, le contentieux relevant du juge judiciaire. Le régime est aujourd'hui stabilisée, la Cour de cassation exigeant des motivations précises et non abstraites : qu'une personne s'éloigne d'un groupe ne suffit pas, par exemple, il faut qu'elle change de direction à l'arrivée de la police.
Cette proposition de loi remplace, comme critères des contrôles d'identité dans le cadre de la police judiciaire, les « raisons plausibles de soupçonner » que la personne a commis ou tenté de commettre une infraction, etc., par des « raisons objectives et individualisées ». Il faudrait donc l'avoir identifiée avant... Le texte supprime en outre les fondements légaux de tous les autres types de contrôle d'identité, ce qui priverait les forces de l'ordre de moyens indispensables pour prévenir les infractions et aurait des conséquences catastrophiques sur la lutte contre l'immigration clandestine.
Quant au récépissé, il y a d'autres moyens d'éviter les discriminations, comme le confirme le Défenseur des droits : le port d'un matricule sur l'uniforme depuis 2014, la plateforme de signalement auprès des inspections, les caméras mobiles... D'ailleurs, 239 faits seulement ont été signalés à l'inspection générale de la police nationale en 2014 et 2015 sur des millions de contrôle, et l'association « Stop le contrôle au faciès » elle-même ne signale que 400 faits par an...
Mme Éliane Assassi. - Allons, c'est une petite association !
M. Alain Marc, rapporteur. - Ce texte alimenterait, enfin, une défiance injustifiée à l'égard des forces de l'ordre, bras armé de la démocratie, qui méritent de pouvoir travailler efficacement au service de nos institutions et de nos libertés. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage . - Le sujet est délicat, il faut le traiter avec rigueur.
Saluons les femmes et les hommes de nos forces de l'ordre, qui protègent les Français de la délinquance et de la criminalité et garantissent l'exercice de nos libertés, au péril parfois de leur vie : l'an dernier, plus de 18 000 policiers et gendarmes ont été blessés, 8 ont trouvé la mort dans l'exercice de leurs fonctions. Ils méritent tout notre respect. Parce qu'ils exercent des prérogatives de puissance publique, policiers et gendarmes se doivent aussi d'être exemplaires, et sont d'ailleurs soumis à un triple contrôle, hiérarchique, juridictionnel, et de la part d'autorités indépendantes. Nul écart n'est toléré. Comme le dit le ministre de l'intérieur, le droit s'applique aussi à ceux qui ont pour mission de le faire respecter : c'est cela, l'état de droit.
On ne saurait cependant accuser les forces de l'ordre de tout.
Mme Éliane Assassi. - Qui les accuse ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. - Policiers et gendarmes, qui font preuve d'un dévouement exemplaire, ont besoin de notre soutien en cette période.
Mme Éliane Assassi. - Ils l'ont ! Parlez-nous plutôt du texte !
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. - Cette proposition de loi paraît au Gouvernement inutile, voire dangereuse. La réécriture proposée du premier alinéa de l'article 78-2 n'apporterait aucune garantie supplémentaire : un contrôle doit déjà être motivé par des éléments objectifs et individualisés, dont il est fait état dans le procès-verbal d'interpellation. En revanche, on ne saurait prétendre à la certitude : en cas de délit flagrant, la mission des forces de l'ordre est d'interpeller son auteur et non de contrôler son identité...
Pis, la rédaction proposée serait dangereuse, car elle supprimerait le mot « soupçon » choisi en 2002, en référence à l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, pour rappeler que la présomption d'innocence s'applique. La nouvelle terminologie, sans équivalent ailleurs dans le code ou dans le droit européen, serait source d'insécurité juridique.
Ensuite, ce texte supprimerait plusieurs cas de contrôles, ce qui serait dangereux en ces temps de menace terroriste. D'abord ceux sur réquisition du parquet, c'est-à-dire sous le contrôle de l'autorité judiciaire. Ensuite, les contrôles destinés à prévenir une atteinte à l'ordre public, par exemple lors de manifestations ou aux abords des stades. Enfin, les contrôles Schengen dont nous avons besoin dans la lutte contre les passeurs, les trafiquants de tout poil et les réseaux terroristes.
Quant au récépissé, le Gouvernement en comprend et respecte la logique, mais cette procédure rare à l'étranger serait bureaucratique et compliquerait excessivement le travail des forces de l'ordre. Ce n'est d'ailleurs pas le moyen le plus efficace de prévenir le risque de contrôles discriminatoires. Depuis 2012, le Gouvernement a beaucoup fait pour rapprocher les forces de l'ordre et la population et tenir l'engagement du président de la République. Un code déontologique commun à la police et à la gendarmerie est entré en vigueur en janvier 2014 ; les contrôles d'identité sont strictement encadrés ainsi que les palpations de sécurité. (Mme Esther Benbassa le conteste) Les formations avec mise en situation ont été développées dès l'école de police, sans parler de la plateforme de signalement ouverte en 2013, du port du matricule sur l'uniforme depuis 2014, ou des caméras mobiles dont l'utilisation est encadrée par l'article 32 du projet de loi de lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme.
Je pense également au renforcement de la fonction de délégué pour la cohésion entre la police et la population (DCPP), au recrutement de réservistes pour constituer des relais entre les forces de l'ordre et les habitants, commerçants et associations. Dans les zones de sécurité prioritaires (ZSP), des stratégies de préventions adaptées au contexte sont élaborées, en concertation avec les acteurs locaux. Les forces de l'ordre vont ainsi à la rencontre de la population, expliquant leurs objectifs tout en prenant la mesure des problématiques de chaque quartier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jacques Bigot . - Les abus existent, on ne peut les nier. L'État a été condamné : les cinq arrêts de la Cour d'appel de Paris - dossiers actuellement en cassation - sont éloquents. Le ministère de l'intérieur s'est d'ailleurs saisi de cette question en 2014 après le rapport fourni du Défenseur des droits. Le nouveau code de déontologie, qui fait partie du code de la sécurité intérieure, est fondamental ; son article R 434-14 rappelle que les policiers font preuve de courtoisie et usent du vouvoiement, son article R 434-16 que le contrôle d'identité ne doit pas se fonder sur une caractéristique physique à moins d'un signalement. En cas de non-respect de ses dispositions, l'article R 434-27 prévoit des sanctions disciplinaires. Qu'elles s'appliquent, ce sera plus efficace. Des formations sont dispensées, où le Défenseur des droits intervient.
Ensuite, depuis l'arrêté du 24 décembre 2013, le matricule est porté sur l'uniforme, bientôt viendront les caméras mobiles - je regrette qu'elles ne puissent être déclenchées à l'initiative des personnes contrôlées, mais cela viendra ! (Mme Esther Benbassa ironise) La plateforme de signalement renforcera aussi le respect des règles.
Changer la rédaction de l'article 78-2 du code de procédure pénale exposerait à des contentieux, alors que la jurisprudence s'est stabilisée sur la notion de « raison plausible ». Comment exiger une raison individualisée avant de connaître l'identité de la personne ? Plus incompréhensible encore, la proposition de loi supprime les contrôles d'identité sur réquisition du parquet, pour prévenir une atteinte à l'ordre public ou dans les zones frontalières, empêchant ainsi la protection de la société.
Sur le récépissé, le rapport du Défenseur des droits de 2014 était très complet. Il en existe plusieurs variantes, de la carte de visite façon VRP (Exclamations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen) jusqu'à l'attestation nominative indiquant les motifs du contrôle et enregistrée - on imagine les problèmes organisationnels... Le récépissé n'a pas fait reculer les discriminations aux États-Unis. Passons plutôt par la formation, par les élus dont le Défenseur des droits soulignait le rôle. À nous de faire remonter l'information, de convaincre la police que les abus localisés doivent cesser pour que règne la confiance.
C'est pourquoi le groupe socialiste ne votera pas votre proposition en l'état. Il convient de conserver une police républicaine et une gendarmerie au service des droits de nos concitoyens.
L'éthique et la déontologie sont des vertus dans lesquelles nous pouvons croire. Point n'est besoin de ce formalisme excessif qui laisse entendre que les policiers se livrent à des abus et qui risque de créer de la confusion. (Mme Cécile Cukierman proteste)
Mme Esther Benbassa . - L'objet de cette proposition de loi me tient particulièrement à coeur : j'ai d'ailleurs déposé un texte similaire peu de temps après mon élection, dès le 6 novembre 2011. Je vous invite à lire l'enquête de terrain des sociologues Fabien Jobard et René Lévy publiée chez CNRS Éditions, menée à partir de leurs observations à la gare du Nord et à la station Châtelet-Les Halles. Ils montrent que les contrôles se fondent principalement sur l'apparence et que les personnes perçues comme « Noires » - j'insiste sur ces guillemets - ont entre trois et onze fois plus de risque d'être contrôlées que les personnes perçues comme « Blanches » et les personnes perçues comme « Arabes » sept fois plus. L'habillement est un autre facteur discriminant. Les contrôles visent en priorité les vêtements associés à différentes cultures dites « jeunes ». (Exclamations à droite) Les jeunes forment 10 % de la population mais 47 % des personnes contrôlées. Or deux tiers des individus habillés en style « jeune » appartiennent aux minorités dites visibles.
Il est assurément devenu indispensable de clarifier le régime juridique du contrôle d'identité.
Seul un récépissé me semble de nature à freiner l'inflation des contrôles. Le candidat Hollande avait fait de la lutte contre le délit de faciès un axe important de sa campagne. (M. François Bonhomme s'exclame) C'était son engagement n°30. Le Défenseur des droits et les associations de défense des droits de l'homme plaidaient également dans ce sens. Mais la déchéance de nationalité est passée par là... Et l'on a préféré autoriser l'utilisation de caméras piétons... actionnées, ou non, par les policiers, de leur propre initiative !
Cessons de sataniser la police et reconnaissons son mérite en ces temps troubles. Le comité des droits de l'homme de l'ONU n'en a pas moins dénoncé l'usage excessif de la force par la police.
Laissez-moi vous citer le témoignage d'Issa, un jeune Parisien de 14 ans, d'origine capverdienne, qui dénonce les multiples contrôles d'identité, qu'il a dû subir, dans une même journée, simplement pour s'être baladé aux Halles avec son ami Alex : « je suis grand pour mon âge, je me fais trop souvent contrôler, je voulais juste savoir, pourquoi on est contrôlé ? Et... ça va s'arrêter quand ? »
Oui, bonne question : « ça va s'arrêter quand ? » (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Pierre-Yves Collombat . - Les contrôles au faciès sont une réalité, fâcheuse pour un pays qui refuse en principe toute discrimination.
Cette proposition de loi part donc d'une bonne intention, mais elle revient à interdire les contrôles préventifs. Pour moi, le problème ne tient pas à l'existence des contrôles, mais à leurs modalités. Obliger les agents à mentionner expressément toutes les caractéristiques, les raisons du contrôle, ses conséquences, justifications, etc. ainsi que l'exige cette proposition de loi, découragerait par avance tout fonctionnaire de police, si zélé fût-il, d'y procéder à titre préventif.
Le récépissé serait pour certains la panacée ; j'en doute. Les études montrent que le récépissé ferait baisser le nombre de contrôles au faciès, mais n'est-ce pas un effet des études elles-mêmes ? Je reste dubitatif...
Ce texte va trop loin et mieux vaudrait améliorer les méthodes de recrutement des policiers, rendre les recours plus efficaces et, par exemple, prévoir d'afficher clairement le matricule de chaque agent sur son uniforme.
Bref, il y a un vrai problème, mais la solution proposée n'est pas la bonne. Les membres du RDSE s'abstiendront, pour marquer leur accord avec les objectifs des auteurs du texte ou voteront contre, pour insister sur son caractère impraticable : une solution d'équilibre, donc, conformément à l'habitude de notre groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; sourires sur divers bancs)
M. Yves Détraigne . - Cette proposition de loi, intéressante dans son principe, manque de réalisme, et risque de créer plus de problèmes qu'elle n'en résoudrait.
Le régime des contrôles est stabilisé. Pourquoi supprimer les fondements légaux des contrôles sur réquisition, de police administrative et des contrôles en zone frontalière - dits Schengen ?
Le récépissé, quant à lui, alourdirait la procédure et aurait un coût non négligeable.
Réduisons plutôt les formalités administratives des agents. Le Défenseur des droits a de plus relevé qu'un tel document ne prouverait en rien le caractère discriminatoire d'un contrôle.
Matricule apparent et caméras piétons, désormais généralisés, sont plus efficaces pour calmer les esprits et éviter l'escalade.
La formation initiale et continue des policiers et des gendarmes, comme les principes du nouveau code déontologique commun, a été renforcée : c'est la voie à privilégier.
Accréditer l'idée que la police privilégie les contrôles au faciès serait une provocation, en ce jour de manifestation contre « la haine anti-flics ». Nous ne voterons pas ce texte. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Laurence Cohen . - Si j'ai bien entendu, l'on nous taxe de laxistes, au pire d'irresponsables, au mieux d'utopistes...
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Oui.
Mme Laurence Cohen. - L'on nous accuse de remettre en cause le travail de la police... Mais dans quelle démocratie vivons-nous si déposer un texte améliorant les contrôles de police devient à ce point impossible ?
De nombreux chercheurs ont révélé la réalité des contrôles ; comme beaucoup d'entre nous, je n'ai jamais été contrôlée. Ce sont essentiellement les jeunes hommes originaires de l'immigration et arborant une tenue vestimentaire urbaine. Mettez-vous à la place de ces jeunes, contrôlés plusieurs fois par jour sur le chemin de l'école ! Comment le vivriez-vous ? Ne vous sentiriez pas stigmatisés ? Comment conserver une vision inclusive de la nationalité, de la citoyenneté, dans ces conditions ?
C'est pour cela que le mouvement jeune communiste a décidé de lancer une grande campagne contre les contrôles au faciès, qui prolonge le travail de terrain de nombreuses associations et ONG, dont le syndicat des avocats de France, le syndicat de la magistrature, mais aussi de syndicalistes policiers, qui ont lancé une pétition, afin de sensibiliser les élu(e)s et les citoyennes et citoyens. Notre proposition concrétise ce travail de terrain en modifiant une loi profondément injuste et inégalitaire. Nous avons pu vérifier l'urgence d'une telle proposition quand nous sommes allés avec Christian Favier, à la rencontre de jeunes du Val-de-Marne, dans des quartiers populaires : tous décrivent la même réalité de stigmatisation, de harcèlement. Leurs mères, leurs parents corroborent leurs propos, qui attestent d'une dégradation manifeste des relations entre la police et la population.
Le comportement des policiers, envers des mineurs souvent, est inacceptable, et les plaintes restent rares - celle déposée par 18 mineurs contre une brigade du XIIe arrondissement de Paris demeure une exception.
Si d'autres pays ont décidé d'agir, nous le pourrons aussi. Ils ont démontré que le récépissé améliorait les conditions sociales, sans faire augmenter la délinquance. L'État a même été condamné par une juridiction dans cinq cas - sur 13 personnes ayant saisi la justice.
Nicole Borvo Cohen-Seat, Éliane Assassi au Sénat, Marie-George Buffet à l'Assemblée nationale, ont réalisé un important travail, base de ce texte de bon sens. Lors du colloque, que nous avons organisé le 29 avril dernier au Sénat, des magistrats ont démontré que le flou actuel de la rédaction de l'article 78-2 du code pénal ouvre le champ à des contrôles au faciès. Nous ne faisons que proposer une expérimentation, des villes sont volontaires - Évry, Dijon et Paris - pourquoi la refuser ?
Si elle ne donne rien, nous renoncerons au récépissé policier, madame la ministre ! On est montrés du doigt, mais pourquoi on est montrés du doigt, m'a écrit une petite fille.
Faisons en sorte que notre belle devise républicaine, Liberté, Égalité, Fraternité, vaille pour tout enfant de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; Mmes Esther Benbassa et Marie-Noëlle Lienemann applaudissent également)
M. François Bonhomme . - Quand on connait les vicissitudes et les difficultés du maintien de l'ordre, on reste pantois devant une telle proposition de loi.
Rien de plus faux et trompeur que l'analyse sur laquelle elle repose. Matricule visible, code de déontologie, pré-plainte en ligne : beaucoup a été fait depuis des années pour améliorer les relations entre la police et la population.
Le texte supprimerait ipso facto tout fondement légal des contrôles, hors ceux effectués sur réquisitions judiciaires.
Prenons l'idée du récépissé comme une piqûre de rappel, douloureuse certes, à l'égard du président de la République, pour ses promesses de campagne non tenues...Je félicite d'ailleurs la ministre pour sa souplesse lexicale à ce propos !
Le texte procède des travaux d'un « collectif », proclame-t-on à l'envi sur les bancs du groupe CRC : n'est-ce pas ce nom que les partis utilisent pour faire passer en contrebande leurs propres idées ? (Marques d'indignation sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste également)
Mme Éliane Assassi. - Qu'en savez-vous ?
M. François Bonhomme. - Peut-on fonder un texte de loi sur des travaux aussi sommaires ? (Nouvelles interruptions sur les mêmes bancs)
M. Jean-Pierre Bosino. - Allez donc dans les quartiers populaires ! Les caméras mobiles seront des éléments bien plus probants...
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - N'importe quoi ! (On le conteste vigoureusement aussi sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. François Bonhomme. - En attendant leur mise en place officielle, certains policiers en sont réduits à s'acheter des caméras Gopro sur leurs propres deniers !
Comment s'en étonner lorsque les agoras improvisées ressemblent davantage à une cour des miracles ?
Pour la première fois, des policiers manifestent pour dénoncer les violences en hausse dont ils sont victimes (Vives exclamations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Mme Éliane Assassi. - C'est leur droit ! Et certains le font avec le soutien du FN !
M. François Bonhomme. - Les policiers remplissent une mission fondamentale, et des plus difficiles, surtout dans la période actuelle : ce n'est pas le moment de leur compliquer la tâche. Au lieu de quoi, la CGT a fait circuler des affiches scandaleuses sur lesquelles figure un alignement de rangers souillées de sang : tous les partis ne l'ont pas condamnée ! (Vives protestations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Je tiens à redire tout notre soutien aux policiers et aux forces de l'ordre : oui, assurer la sécurité est une tâche noble et exigeante, pour laquelle ils méritent toute notre reconnaissance et notre admiration !
(Bravos et applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Yves Détraigne applaudit aussi)
M. Yves Pozzo di Borgo . - Je veux d'abord saluer le travail remarquable des forces de l'ordre en contexte d'état d'urgence ; 3 000 manifestations ont lieu à Paris chaque année. Ils doivent de plus faire face à la gestion du mouvement « Nuit Debout » et des casseurs, demain de la très problématique « fan zone tour Eiffel » dans le cadre de l'Euro 2016. Les rudes épreuves auxquelles ils sont confrontés entraînent un épuisement bien compréhensible ; d'où leur manifestation de ce jour !
En période normale, l'usage parfois abusif et répété des contrôles d'identité peut nourrir l'humiliation qui est ressentie à cette occasion et envenime les relations entre la police et certains segments de la population. Mme Benbassa a rappelé les chiffres de l'étude du CNRS.
J'approuve l'objectif de cette proposition de loi - j'avais moi-même déposé un texte analogue en 2012, fondée sur les travaux de feu Dominique Baudis, alors Défenseur des droits. Par respect pour sa mémoire, je continue le combat. Le récépissé me semble utile, et contrebalancerait la retenue administrative créée par la loi sur le crime organisé et la lutte contre le terrorisme. D'où l'amendement que je présenterai tout à l'heure.
Les arguments de la ministre, eux, me semblent un peu caricaturaux et je ne partage pas non plus tous ceux du rapporteur. (Applaudissements sur quelques bancs au centre, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; Mme Esther Benbassa et Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudissent aussi)
Mme Nicole Duranton . - Je veux d'abord saluer nos forces de l'ordre, harcelées depuis des mois, qui défilent aujourd'hui contre la haine « anti-flic ».
M. Charles Revet. - Très bien !
Mme Nicole Duranton. - La démocratie ne peut laisser la rue aux minorités haineuses et cagoulées !
Mme Éliane Assassi. - Quel rapport avec cette proposition de loi ?
Mme Nicole Duranton. - Cette proposition de loi...
Mme Éliane Assassi. - Ah !
Mme Nicole Duranton. - ...est aberrante et provocatrice dans le contexte actuel ; elle supprime les fondements des contrôles d'identité préventifs et créerait une insécurité juridique forte autour de leur application par les forces de l'ordre.
Certains CRS sortent à présent du silence : ils ont besoin d'un capitaine à la barre, fixant un cap. Ils n'en peuvent plus des ordres et contre-ordres qui créent le désordre !
Mme Éliane Assassi. - Revenez au texte !
Mme Nicole Duranton. - Privés des moyens de lutter contre l'immigration irrégulière, empêchés de procéder à des contrôles préventifs, les policiers seraient rendus bien impuissants par ce texte, purement démagogique. Faisons preuve de plus de respect et de considération pour les policiers et les gendarmes qui risquent leur vie quotidiennement pour nous protéger.
Remettons de l'ordre dans ce désordre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
La discussion générale est close.
M. le président. - J'appelle chacun à la concision : nous devons examiner une autre proposition de loi à 18 h 30...
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. - J'ai fait référence à l'engagement n°30 du président de la République. Certains ne l'ont manifestement pas lu, permettez-moi d'en citer les termes exacts : « Lutter contre le délit de faciès » lors des contrôles d'identité avec une nouvelle procédure respectueuse des citoyens »...
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Je soutiendrai cette proposition de loi importante. Le récépissé n'était en effet pas en tant que tel cité dans cet engagement, mais il était bel et bien dans le programme du parti socialiste, élaboré lors d'une convention dont je me souviens parfaitement et qui portait le beau titre d'égalité réelle... (Exclamations à droite) Et permettez-moi aussi de citer le mouvement des jeunes socialistes, qui, lui aussi, s'engage à lutter contre les contrôles au faciès ! La République ne peut pas plus tolérer la discrimination que le communautarisme. La réalité, c'est que certains jeunes sont contrôlés cinq fois par jour par le même agent, que la délinquance dans les quartiers concernés n'en subit aucune conséquence et que 99,9 % de ces contrôles n'ont aucune efficacité !
M. François Bonhomme. - D'où sort ce chiffre ? Vous vous arrangez avec les statistiques et avec la réalité...
Mme Éliane Assassi. - Qu'en savez-vous ? Avez-vous jamais mis les pieds dans un quartier populaire ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Ces contrôles, créant du ressentiment, minent l'adhésion à la communauté nationale. Écoutons ces jeunes, ceux du collectif « Quoi ma gueule ? En finir avec les contrôles au faciès. Soyons intraitables avec les comportements discriminatoires ! (Vifs applaudissements sur la plupart des bancs à gauche)
M. André Reichardt . - Je suis, ainsi que les membres du groupe Les Républicains, contre ces contrôles d'identité abusifs qui nourrissent le sentiment d'une sous-citoyenneté néfaste à la cohésion nationale ; cette proposition de loi cherche une solution à un vrai problème ; j'avais moi-même cosigné une proposition de loi, avec vingt-six de mes collègues, tendant à la simplification et l'équilibre du droit pénal et de la procédure pénale, poursuivant, entre autres, le même objectif ; malheureusement, elle n'est pas encore inscrite à l'ordre du jour.
Mais la notion de « raisons objectives et individualisées » me semble trop restrictive : il importe de préserver la capacité d'analyse et de déduction de l'officier ou de l'agent de police judiciaire. L'adjectif « plausible » signifie « qui semble devoir être admis ». II implique donc là un processus intellectuel d'analyse d'une situation matérielle donnée et la formulation d'une déduction.
Les contrôles d'identité discriminatoires sont déjà proscrits pour les articles R.434-11 et R.434-16 du code de la sécurité intérieure. Il aurait mieux valu renforcer l'engagement de la responsabilité de l'État en cas de contrôle discriminatoire, celui-ci étant défini comme réalisé sous l'influence d'une erreur tellement manifeste qu'un officier de police judiciaire normalement soucieux de ses devoirs n'y aurait pas été entraîné ou encore comme celui qui révèle l'animosité personnelle, l'intention de nuire ou qui procède d'un comportement anormalement déficient. Les abus ainsi commis seraient plus faciles à sanctionner a posteriori, ce qui entraînerait une autolimitation.
L'amendement n°1 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Pozzo di Borgo.
Alinéa 5
Remplacer cet alinéa par neuf alinéas ainsi rédigés :
« Les contrôles d'identité réalisés en application du présent article donnent lieu, à peine de nullité, à l'établissement d'un procès-verbal. Il mentionne :
« - l'identité de la personne contrôlée ;
« - le(s) motif(s) du contrôle ;
« - le jour, le lieu, et l'heure du contrôle d'identité ;
« - le matricule de l'agent ayant procédé au contrôle d'identité ;
« - l'aboutissement du contrôle d'identité ;
« - les observations éventuelles de la personne ayant fait l'objet du contrôle.
« Un décret en Conseil d'État fixe les modalités de publicité de l'immatriculation des officiers de police judiciaire, des agents de police judiciaire et des agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1 du présent code. Il fixe également les modalités de garantie de l'anonymat des personnes contrôlées. Il détermine les voies de recours administratifs, auprès de l'inspection générale de la police nationale, ouvertes au bénéfice des personnes soumises à des contrôles d'identité non justifiés au sens du présent article.
« La loi de finances de l'année détermine les indicateurs de performance pertinents pour mesurer l'évolution de la fréquence de ces recours. »
M. Yves Pozzo di Borgo. - Cet amendement précise les mentions obligatoires du procès-verbal.
En Hongrie, au Royaume-Uni - qui utilise un tel récépissé depuis 1984 -, l'expérience est positive. En Espagne, les effets du programme lancé dès 2007 dans la ville de Fuenlabrada, dans la banlieue de Madrid, comportant une forte population immigrée, ont été immédiats, tout en faisant baisser la délinquance.
M. le président. - Amendement n°3, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 5
Remplacer cet alinéa par sept alinéas ainsi rédigés :
« Les contrôles d'identité réalisés en application du présent article donnent lieu, à peine de nullité, à l'établissement d'un document spécifiant :
« 1° Les motifs justifiant le contrôle ainsi que la vérification d'identité ou la fouille ;
« 2° Le jour et l'heure à partir desquels le contrôle ou la fouille a été effectué ;
« 3° Le matricule de l'agent ayant procédé au contrôle ou à la fouille ;
« 4° Les observations de la personne ayant fait l'objet du contrôle ou de la fouille.
« Ce document est signé par l'intéressé ; en cas de refus de signer, mention en est faite. Un double est remis à l'intéressé.
« Un procès-verbal retraçant l'ensemble des contrôles est transmis au procureur de la République.
Mme Esther Benbassa. - Cet amendement formalise le récépissé, que nous appelons de nos voeux depuis de nombreuses années. Chaque personne pourra ainsi, le cas échéant, faire valoir le caractère abusif du contrôle subi.
Nous dénonçons la violence « anti-flic » (« Ah ! » à droite) et les contrôles abusifs avec la même force.
Je suis convaincue que le récépissé limitera les abus et l'humiliation que subit une partie de la jeunesse dans sa vie quotidienne !
M. Alain Marc. - Retrait ou avis défavorable ; pour les raisons évoquées précédemment.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. - Même avis. Des outils et garanties nombreux ont été mis en place depuis 2012.
Mme Esther Benbassa. - Pour quels résultats ?
M. Jacques Bigot. - Laissons la police travailler avec les nouvelles garanties - matricule, caméras, plateforme de signalements sur internet. Il est encore trop tôt pour instaurer un tel récépissé.
L'amendement n°2 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°3.
Mme Éliane Assassi. - M. Masson n'est pas là pour défendre son amendement : il illustre là son manque de courage politique. Mais je veux néanmoins lui rappeler, par micro interposé, qu'il a une chance inouïe de bénéficier de l'immunité parlementaire, car l'exposé des motifs de son amendement n°1 relève de l'incitation à discrimination religieuse, qui serait sanctionnée pénalement en dehors de l'enceinte parlementaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes communiste républicain et citoyen et écologiste ; Mmes Esther Benbassa et Marie-Noëlle Lienemann applaudissent aussi)
À la demande du groupe communiste républicain et citoyen, l'article premier de la proposition de loi est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°226 :
Nombre de votants33 | 8 |
Nombre de suffrages exprimés33 | 4 |
Pour l'adoption | 33 |
Contre 30 | 1 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - Il est 18 h 30, les quatre heures de l'ordre du jour réservé au groupe CRC sont écoulées. Je dois interrompre l'examen du texte. Il reviendra à la Conférence des présidents de l'inscrire ultérieurement à notre ordre du jour.
Questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. - Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 18 mai 2016, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, le Conseil d'État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions du b ter du 6 de l'article 145 du code général des impôts, dans leur rédaction issue de l'article 39 de la loi du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 (Régime fiscal des sociétés mères).
En outre, le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 18 mai 2016, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, le Conseil d'État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le second alinéa du IV de l'article 1736 du code général des impôts, issu de la loi du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012 (Infractions commises par les tiers déclarants).
Le texte de ces décisions de renvoi est disponible à la direction de la Séance.
La séance, suspendue à 18 h 30, reprend à 18 h 35.
Crédit immobilier français
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution, présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution, visant à protéger le système du crédit immobilier français dans le cadre des négociations de Bâle.
Discussion générale
M. Didier Guillaume, auteur de la proposition de résolution . - (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Je m'élève, en mon nom personnel et au nom du groupe socialiste, contre les exactions commises envers les forces de l'ordre cet après-midi. Leurs auteurs doivent être condamnés. Nous apportons notre soutien aux forces de police. (Applaudissements)
Il y a huit ans, éclatait aux États-Unis la crise des subprimes, entraînant la crise des dettes souveraines en Europe. Nous en sortons à peine mais, déjà, des risques pèsent sur notre économie. Leur source se trouve dans les travaux du Comité de Bâle, créé en 1974 par les banques centrales elles-mêmes afin de veiller à la solidité du système financier. L'objectif est louable et le Comité a adopté des règles prudentielles utiles après 2008 avec l'accord de Bâle III. Leur révision nous inquiète.
Le projet du Comité remettrait en question le modèle français du crédit immobilier. Tout crédit présente un risque, mais la France en fait porter une partie sur les banques avec l'analyse de la solvabilité de l'emprunteur et le recours majoritaire au taux fixe. Le Comité de Bâle voudrait imposer des taux variables comme l'hypothèque au lieu du cautionnement. Ces dispositions sont inacceptables.
Ces mesures techniques et technocratiques témoignent d'une grande méconnaissance de la réalité française - 80 % des crédits aux particuliers en France le sont à l'habitat, il y a moins de 1 % d'impayés - et menacent tant les plus modestes de nos concitoyens que l'équilibre du financement du logement et le secteur de l'immobilier.
Nous ne pouvons l'accepter et contrer la menace pendant qu'il est encore temps. La France agit pour que les banques soient au service de l'économie réelle, l'Europe aussi ; la régulation est en effet indispensable. Mais le Comité de Bâle fait fausse route, réglementer n'est pas standardiser. Notre modèle de crédit est équilibré, il permet d'acheter, de transmettre un patrimoine ; les banquiers de Bâle doivent prendre en compte cette spécificité. Ils veulent la stabilité ? Pourquoi renier un modèle stable ?
Quelle place pour la politique face à des institutions non élues ? Le Comité de Bâle n'a aucune légitimité populaire, ne dispose d'aucun espace démocratique mais il nous imposerait ses décisions, lui qui est aussi opaque que le sont les négociations sur le traité transatlantique. Or l'opacité alimente la défiance des citoyens envers les institutions. Ils attendent que nous les défendions : si nous ne lançons pas l'alerte, personne ne pourra s'opposer aux décisions du Comité.
Nous vous savons très mobilisé, monsieur le ministre, avec ce texte nous voulons vous aider. Le huis clos technocratique ne doit pas prendre le dessus sur l'assemblée démocratique : nous proposons de donner mandat au Gouvernement et à la Banque de France de défendre notre modèle de crédit. La crise des subprimes n'est pas venue d'Europe, ne nous laissons pas imposer des règles qui ont conduit l'économie mondiale dans le mur. L'enjeu n'est pas qu'économique. Avec cette proposition de résolution, nous affirmons que la régulation financière est un sujet politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. André Gattolin . - Le Comité de Bâle a vu son rôle s'accroître avec la crise des subprimes et les accords de Bâle III ont renforcé les contraintes prudentielles des établissements financiers. Il s'apprêterait à resserrer encore les contraintes de fonds propres, ce qui affecterait les banques françaises dont les prêts sont très majoritairement à taux fixe. Cette proposition de résolution relaie cette inquiétude, celle du lobby bancaire comme du BTP ; M. Guillaume vient d'en dire les arguments.
S'il avait prévalu aux États-Unis en 2007, le modèle français aurait évité la crise des subprimes et ses désastreuses conséquences ; mais refuser toute nouvelle exigence en termes de fonds propres est plus discutable. Les banques disposent de plus de 858 millions d'euros d'encours de crédits immobiliers, elles se livrent à une guerre des taux et se rattrapent sur le coût de l'assurance et les frais courants. Elles pourraient augmenter légèrement leurs taux et baisser dans le même temps les coûts annexes, ce qui serait neutre pour l'emprunteur. Mais le problème est ailleurs - la rentabilité et le cours boursier sur lequel sont indexées les stock-options... Elles pourraient accroître leur capital à condition de distribuer moins de dividendes, qui atteignent 173 % de la mise en réserve. Notre économie pâtit de ces choix d'affectation.
Nous ne souscrivons pas au raisonnement de cette proposition de résolution. Les banques françaises sont promptes à lancer l'alerte, comme nous l'a dit le gouverneur de la Banque de France. Cependant, parce que le groupe écologiste veut préserver notre système de crédit immobilier, il s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Pierre-Yves Collombat . - Sans être ému comme les auteurs de cette proposition par un taux de croissance de 1,2 % que rien ne garantit, ni par la réponse européenne à une crise venue des États-Unis mais rendue européenne par un système financier gorgé de créances douteuses et un mode de construction de l'euro qui n'est pas viable, je les félicite de leur clairvoyance. Car le danger est réel.
Le groupe RDSE unanime approuve sans réserve cette résolution et tous ses détails pourvu qu'on ne se couche pas au prétexte, comme le disait une grande humaniste qui a fait depuis beaucoup d'adeptes, qu'il n'y a pas d'alternative possible. J'y suis donc favorable.
Mais quand même... Que signifie cette alerte ? Que les leçons n'ont pas été tirées de la crise par les gardiens du système financier. Les remèdes pour prévenir de futures crises sont pires que le mal... On n'a pas sauvé la Grèce, on a sauvé les banques françaises et allemandes en Grèce ; on a appelé les épargnants à la rescousse des banques sans interdire la spéculation aux banques... Pénaliser les prêts à taux fixe au profit des prêts à taux variable, c'est déplacer le risque des banques vers les particuliers ; préférer l'hypothèque au cautionnement, c'est inciter à la titrisation, aux produits dérivés, à la spéculation. Et comme par hasard, la Commission européenne et la BCE veulent relancer la titrisation - sans risque, évidemment. Ils sont irrécupérables...À se demander si Viviane Forester n'a pas raison, qui écrit : le système se nourrit des catastrophes qu'il crée... (Applaudissements)
M. Francis Delattre . - Je partage l'objectif de pérenniser notre modèle de financement de l'immobilier, qui a montré sa résilience pendant la crise. Cet objectif doit toutefois être concilié avec la nécessité de finaliser le nouveau cadre réglementaire, dont les accords de Bâle III sont un jalon essentiel.
Nos concitoyens s'inquiètent ; en France, le risque de taux est supporté par les banques, non par les ménages. Mais notre attachement au modèle français ne doit pas faire sous-estimer le risque pour les banques ; la mauvaise gestion du risque par les caisses d'épargne aux États-Unis a coûté 120 milliards de dollars aux contribuables américains dans les années 1980...
Le Comité de Bâle souhaite améliorer la convergence d'appréciation du risque de taux. D'après nos informations, il n'y aura pas de nouvelles charges en fonds propres imposées aux banques européennes, c'est positif. Il reviendra au superviseur européen d'apprécier ce qu'il en est pour les banques françaises. Je suis confiant même s'il faudra rester vigilant. Le travail de régulation a été fait en France.
Quant au risque de crédit, les banques ont le choix entre l'approche standard et leur modèle interne. Je souhaite qu'elles puissent continuer à suivre cette deuxième voie, qui concerne 85 % des crédits immobiliers français et a fait ses preuves. Reste à harmoniser les critères entre banques. Enfin, le cautionnement doit être reconnu par le comité de Bâle : qu'en est-il, monsieur le ministre ?
Pourquoi les hypothèques sont-elles si chères en France ? Nous nous privons là d'un outil utile.
Il est possible de concilier stabilité financière et pérennité de notre modèle : nous serons particulièrement vigilants sur les négociations en cours. (Applaudissements)
M. Michel Canevet . - Je m'élève à mon tour contre les exactions envers les forces de l'ordre, je souhaite que leurs auteurs soient retrouvés et arrêtés.
Je remercie le groupe socialiste d'avoir pris l'initiative de ce débat, qui pose la question du logement dans notre pays : en 2012, le candidat Hollande promettait 500 000 logements nouveaux par an, nous étions l'an dernier à 380 000, nous sommes loin des promesses et des besoins de nos concitoyens. Les maires et les présidents d'EPCI qui siègent dans cet hémicycle savent que les listes d'attente s'allongent...
Le comité de Bâle, depuis quarante ans, a eu un rôle positif face à des crises importantes ; grâce à lui, nous avons des règles prudentielles, indispensables à la confiance dans notre système bancaire. Je veux rassurer M. Guillaume : Bâle ne fait que définir des normes, à chaque pays de les traduire dans sa législation.
De plus, le gouverneur de la Banque de France nous a dit en commission des finances que la priorité était d'achever Bâle III plutôt que de décider d'un Bâle IV.
Les dispositions en cours de discussion peuvent inquiéter, car la France est très attachée à la propriété individuelle - 57 % des Français sont propriétaires, 68 % sur mon territoire. La moyenne nationale est malheureusement en baisse. Sur les presque 1 000 milliards d'encours, la majeure partie va à des clients déjà propriétaires - les nouveaux accédants représentant 16,6 % du volume. Le taux fixe est protecteur : 85 % des crédits à long terme sont à taux fixe - l'expérience des emprunts toxiques dans les collectivités territoriales nous rappelle la dangerosité des taux variables.
M. Charles Revet. - Exactement !
M. Michel Canevet. - Nous devons préserver notre modèle, c'est celui qui sécurise le plus les emprunteurs. Le groupe UDI-UC votera cette proposition de résolution. (Applaudissements)
M. Thierry Foucaud . - En 2012, le secteur du crédit immobilier a connu des moments difficiles dans notre pays ; un plan de résolution a été mis en place au Crédit Immobilier de France (CIF). Depuis, le personnel a payé la facture et les prêts gérés par le CIF ont été placés, sous le contrôle des SACICAP (sociétés anonymes coopératives d'intérêt collectif pour l'accession à la propriété), dans une structure d'extinction. Malgré le nombre très réduit de défauts de paiement, certaines de ces sociétés ont été dans l'incapacité de majorer leurs fonds propres. Le modèle économique du crédit immobilier en France risque d'être confronté aux décisions du Comité de Bâle.
Cette norme de Bâle III, qui n'a pas été adoptée aux États-Unis, impose une part de fonds propres équivalant à 4,5 % du total du bilan plus un matelas de sécurité de 2,5 %, et des engagements limités à trente fois les fonds propres. Ces exigences sont évidemment en forte contradiction avec le modèle de distribution de prêts des SACICAP... Dans ces conditions, l'établissement qui a une activité de dépôt renchérit ses services et accroît la sélectivité de sa politique de prêts, ou accroît le rendement des prêts en les indexant par exemple sur l'inflation - on connaît le danger.
Nous comprenons bien l'intérêt de cette proposition de résolution, surtout au moment où les accédants à la propriété subissent le regroupement des moyens publics dans le giron d'Action Logement. N'ayons pas peur des mots : ils risquent fort d'être sacrifiés sur l'autel de la régulation budgétaire.
Le groupe CRC votera cette proposition de résolution, vous pouvez compter sur notre vigilance. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et communiste républicain et citoyen)
M. Richard Yung . - À Bâle, le Gouvernement ne siège pas, la France est représentée par la Banque de France et l'Autorité de régulation prudentielle. Ce sont ces institutions que nous voulons aider dans la négociation de Bâle III. La France manque aujourd'hui d'alliés face à l'offensive des États-Unis et l'Europe est trop dispersée.
D'autres débats se posent, celui des ratios de fonds propres notamment. Les États-Unis appliquent des ratios plus élevés mais seulement à leurs sept ou huit banques systémiques quand nos banques sont universelles. Et ils appliquent les critères de Bâle quand ça les arrange...
M. François Marc. - Exactement !
M. Richard Yung. - Et personne n'y peut rien, la gouvernance est floue : tantôt c'est le Comité de Bâle, tantôt c'est le G20. Faisons donc valoir nos arguments, nous devons tenir bon et ferme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-Claude Lenoir . - La crise économique a pris naissance dans le système de financement du logement aux États-Unis - et il n'est nulle raison que nous le préférions au nôtre, qui fonctionne très bien, grâce aux conditions du crédit : taux fixe, cautionnement, corrélation à la solvabilité de l'emprunteur plutôt qu'à la valeur du bien.
Les menaces sont considérables. Le Comité de Bâle s'oriente vers des choix opposés : taux variable, valeur du bien plutôt que solvabilité, hypothèque plutôt que cautionnement. Nous vous demandons, monsieur le ministre, de porter notre parole auprès de la Banque de France, pour défendre notre système de crédit immobilier, défendre notre spécificité. Des secteurs entiers s'inquiètent à raison.
Cette semaine, nous avons examiné deux textes d'origine parlementaire, utiles au pays : hier sur l'enfouissement des déchets nucléaires, aujourd'hui sur le crédit immobilier - je le souligne pour ceux qui douteraient encore de l'utilité des propositions de loi : c'est l'honneur du Sénat de se retrouver sur des textes importants pour nos concitoyens, pour notre système de financement, pour tous ceux qui participent à la construction de logements. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Daniel Raoul . - En relisant attentivement la littérature autour du Comité de Bâle, je n'ai pu m'empêcher de me rappeler les propos d'un ancien candidat à l'élection présidentielle, chantre de la rupture, et qui appelait en particulier à rompre avec notre modèle de crédit immobilier pour adopter celui, anglo-saxon, de l'hypothèque. C'était en septembre 2006, à la veille de la crise des subprimes. Aujourd'hui encore, des millions d'Américains sont grevés de dette ou dorment dehors.
Notre modèle a résisté à la crise quand nos grands voisins, l'Allemagne, l'Espagne ou encore l'Italie, connaissaient une contraction du crédit. D'après une étude de mars 2015, notre taux d'impayés demeure particulièrement bas : il est inférieur à 2 %, grâce aux règles prudentielles, au taux fixe - qui protège l'emprunteur sans l'empêcher de renégocier son prêt en cas de baisse des taux - et à un système de cautionnement efficace et relativement peu coûteux. L'an dernier, les crédits immobiliers ont progressé en France de 4,1 %.
Pour répondre au défi de l'accession sociale à la propriété, mieux vaut solvabiliser la demande que de recourir à l'hypothèse. C'est ce que nous avons fait avec le prêt à taux zéro (PTZ), considérablement élargi l'an dernier puisqu'il peut désormais couvrir 40 % du prix d'acquisition dans le neuf. Les plafonds de revenus ont également été rehaussés, et les emprunteurs peuvent commencer à rembourser après cinq, dix, voire vingt ans.
Le groupe socialiste soutient donc vigoureusement cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Cette proposition de résolution est largement approuvée dans cette assemblée. J'aimerais rassurer mes collègues écologistes : non, nous ne cherchons pas à soutenir le lobby bancaire, mais à maintenir l'accès au crédit du plus grand nombre. Si des obstacles étaient érigés sur la voie de l'accession à la propriété, ce sont nos concitoyens qui en pâtiraient, à commencer par les plus modestes.
Je défends donc les taux fixes, qui font porter le risque sur les banques plutôt que sur les emprunteurs, et je préfère la caution à l'hypothèque. M. Raoul a été gentil : M. Sarkozy allait jusqu'à proposer la catastrophique hypothèque rechargeable.
M. Jean-Claude Lenoir. - On s'éloigne du sujet ! Le Sénat est devenu une tribune électorale.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Certes, l'accession sociale à la propriété a connu un trou d'air. Mais les mesures prises récemment, PTZ ou amélioration de la quotité, ont déjà redressé la barre. L'accession sociale répond aux aspirations des Français tout en favorisant la mixité sociale et la sortie de certains locataires du parc HLM, attention à ne pas la freiner. Je ne doute pas que le Gouvernement relaiera nos préoccupations auprès de la Banque de France et de l'ACPR, qui siègent à Bâle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget . - Cette proposition de résolution, déposée en avril dernier, souligne à juste titre les atouts du modèle français du crédit immobilier. Il ne serait pas acceptable qu'il soit remis en cause par le Comité de Bâle à cause d'un calibrage inadapté.
Les caractéristiques de notre modèle, souvent mal comprises à l'étranger, lui valent sa robustesse. L'an dernier, notre taux d'impayés était le plus faible d'Europe, cinq fois plus faible qu'en Allemagne et quinze fois plus faible qu'au Royaume-Uni, en Espagne ou en Italie.
Les travaux sont en cours au Comité de Bâle, qui publie des documents destinés à la consultation publique - je le dis à ceux qui parlaient d'opacité. Les parties ont ainsi pu réagir. Il s'agit bien d'assurer la stabilité financière en améliorant la mesure du risque, et non de freiner ou d'interdire des pratiques telles que le taux fixe ou le cautionnement. Ces travaux devraient aboutir fin 2016. Nous souhaitons que le calibrage final soit ajusté en fonction des résultats de toutes les études d'impact, quantitatives comme qualitatives. Lors de la transposition des nouvelles règles en droit européen, le Gouvernement sera attentif à ce que les spécificités françaises soient prises en compte. De même, nous veillerons à ce que l'impact sur les banques françaises des normes relatives aux fonds propres soit maîtrisé, conformément aux conclusions des ministres des finances du G20.
Soyez assurés que le Gouvernement usera de tout son poids pour que vos préoccupations, tant économiques que sociales, soient prises en compte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et au centre)
M. le président. - La Conférence des présidents a décidé que les interventions en discussion générale vaudraient explications de vote.
La proposition de résolution est adoptée.
Organisme extraparlementaire (Nomination)
M. le président. - La commission des affaires économiques a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du Règlement.
En conséquence, je proclame M. Bruno Sido membre du conseil d'administration du Centre scientifique et technique du bâtiment.
Prochaine séance demain, jeudi 19 mai 2016, à 10 h 30.
La séance est levée à 19 h 50.
Jacques Fradkine
Direction des comptes rendus
Ordre du jour du jeudi 19 mai 2016
Séance publique
À 10 h 30
Présidence : M. Claude Bérit-Débat, vice-président
Secrétaires : Mme Frédérique Espagnac
M. Jackie Pierre
1. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, habilitant le Gouvernement à adopter des mesures relevant du domaine de la loi pour simplifier et rationaliser l'organisation de la collecte de la participation des employeurs à l'effort de construction et la distribution des emplois de cette participation (n° 481, 2015-2016).
Rapport de Mme Valérie Létard, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 596, 2015-2016).
Texte de la commission (n° 597, 2015-2016).
De 14 h 30 à 18 h 30
Présidence : M. Jean-Pierre Caffet, vice-président
Ordre du jour réservé au groupe écologiste
2. Proposition de résolution, présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution, pour l'instauration d'un revenu de base (n° 353, 2015-2016).
3. Suite de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à favoriser l'ancrage territorial de l'alimentation (n° 303, 2015-2016).
Rapport de M. Joël Labbé, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 426, 2015-2016).
Texte de la commission (n° 427, 2015-2016).
Analyse des scrutins publics
Scrutin n° 225 sur l'article premier de la proposition de loi tendant à assurer la transparence financière et fiscale des entreprises à vocation internationale.
Résultat du scrutin
Nombre de votants :339
Suffrages exprimés :337
Pour :32
Contre :305
Le Sénat n'a pas adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (144)
Contre : 142
Abstention : 1 - Mme Joëlle Garriaud-Maylam
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat
Groupe socialiste et républicain (109)
Pour : 2 - M. Henri Cabanel, Mme Marie-Noëlle Lienemann
Contre : 107
Groupe UDI-UC (42)
Contre : 41
N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Nathalie Goulet
Groupe communiste républicain et citoyen (20)
Pour : 20
Groupe du RDSE (17)
Pour : 1 - M. Pierre-Yves Collombat
Contre : 15
Abstention : 1 - M. Robert Hue
Groupe écologiste (10)
Pour : 9
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Hervé Poher
Sénateurs non inscrits (6)
N'ont pas pris part au vote : 6 - MM. Philippe Adnot, Jean Louis Masson, Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier, Alex Türk
Scrutin n° 226 sur l'article premier de la proposition de loi visant à lutter contre les contrôles d'identité abusifs.
Résultat du scrutin
Nombre de votants :338
Suffrages exprimés :334
Pour :33
Contre :301
Le Sénat n'a pas adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (144)
Contre : 142
N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard
Groupe socialiste et républicain (109)
Pour : 1 - Mme Marie-Noëlle Lienemann
Contre : 106
Abstention : 1 - Mme Evelyne Yonnet
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Richard Yung
Groupe UDI-UC (42)
Pour : 2 - Mme Catherine Morin-Desailly, M. Yves Pozzo di Borgo
Contre : 38
Abstentions : 2 - MM. Vincent Capo-Canellas, Loïc Hervé
Groupe communiste républicain et citoyen (20)
Pour : 20
Groupe du RDSE (17)
Contre : 12
Abstention : 1 - M. Pierre-Yves Collombat
N'ont pas pris part au vote : 4 - MM. Joseph Castelli, Jean-Noël Guérini, Robert Hue, Raymond Vall
Groupe écologiste (10)
Pour : 10
Sénateurs non inscrits (6)
Contre : 3
N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier