Débat sur le projet de programme de stabilité (Suite)
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics . - Merci, monsieur le président, de présider vous-même ce débat important, qui nous permet de nous projeter dans l'avenir, de manifester notre volonté et nos engagements vis-à-vis de nos partenaires. L'absence de vote n'est pas une nouveauté ; il n'y en eut pas davantage en 2012, et aucune règle ne nous y oblige. Vos interventions témoignent néanmoins de l'intérêt que tous, vous apportez à ces questions.
Par rapport aux débats sur la loi de finances initiale, peu de nouveautés. J'y vois la preuve de notre sérieux, le reflet de la continuité indispensable de notre politique économique et budgétaire, avec la mise en oeuvre du pacte de responsabilité et de solidarité. Après les 24 milliards d'euros en 2015, il représentera, avec le CICE, 34 milliards de baisse de charges pour les entreprises.
M. Didier Guillaume. - Très bien !
M. Michel Sapin, ministre. - Cet effort devait être fait, nos entreprises en avaient besoin. Depuis le 1er janvier, 92 % d'entre elles sont exonérées de C3S, de surtaxe d'impôt sur les sociétés, et 90 % des salariés sont concernés par les allègements de cotisation qui améliorent la compétitivité de nos entreprises, notamment industrielles.
Côté particuliers, 12 millions de foyers fiscaux ont vu leur impôt baisser en trois ans, soit deux tiers des contribuables. Cela représente un gain de pouvoir d'achat de 5 milliards d'euros.
Si la réduction des déficits est indispensable - il faut regarder plus loin que le bout de son nez, et nous prenons des engagements à long terme ! -, nous la menons à un rythme compatible avec le soutien à l'activité économique. L'an passé, nous avons réussi sur les deux tableaux, de front ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Alain Bertrand applaudit également)
Personne ne peut contester que la croissance s'est établie sur des bases solides en 2015 : nous partions d'une hypothèse de 1 %, la réalité a été de 1,2 %.
M. Francis Delattre. - C'est moins que chez nos voisins européens !
M. Michel Sapin, ministre. - Cette dynamique, portée par la consommation et l'investissement, s'accélèrera en 2016. Ces chiffres ne sont pas trafiqués, orientés... (Mouvements à droite)
M. Rémy Pointereau. - Sur le chômage, par exemple ?
M. Michel Sapin, ministre. - Le débat démocratique est utile, mais les faits sont têtus ! Le pouvoir d'achat des ménages augmente fortement, de 1,8 %. Pas par hasard, mais grâce à la politique de modération fiscale, la faible inflation et la baisse du prix du pétrole.
Il faut remonter à 2007 pour trouver une telle progression ! Nous avons enfin réussi à effacer des années de baisse cumulées. La hausse devrait se poursuivre dans les années à venir.
Cela ne signifie pas que tout va mieux, que rien ne va mal - mais il n'y a pas lieu de verser dans le manichéisme.
M. Jean-Louis Carrère. - Eh oh, l'UMP ! (Sourires à gauche)
M. Michel Sapin, ministre. - Grâce au pacte de responsabilité, le taux de marge des entreprises reviendra en 2017 à son niveau d'avant-crise.
M. Francis Delattre. - En restant douze points derrière l'Allemagne !
M. Michel Sapin, ministre. - Cela crée un environnement favorable à l'accélération de l'investissement des entreprises, en hausse de 2 % en 2015, de 3 % en 2016. L'économie française, nul ne peut le contester, a renoué avec les créations d'emplois : 100 000 l'an passé dans le secteur privé. Les déclarations d'embauche se multiplient cette année, surtout dans les TPE-PME. Sur l'ensemble du premier trimestre, le chômage baisse de 50 000 unités. C'est une première sur une telle durée. Ce n'est pas le fruit du hasard, mais d'une politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Éric Doligé. - Non, du mode de calcul !
M. Michel Sapin, ministre. - Le déficit public a atteint avec un an d'avance le niveau anticipé pour 2016. Cela assure une stabilité essentielle. Le HCFP a estimé notre objectif de croissance « atteignable », ce qui, dans sa phraséologie, est un compliment, tous les observateurs attentifs le savent !
Des économies nouvelles seront nécessaires pour financer les mesures annoncées début 2016, notamment le plan d'urgence pour l'emploi, et compenser les effets de l'inflation, qui devrait être quasi nulle cette année - d'où la principale modification apportée au programme de stabilité.
L'objectif est bien de ramener le déficit à 3,3 % en 2016 et à 3 % en 2017. Beaucoup d'autres pays sont certes mieux placés, mais il faut mesurer le chemin parcouru : en 2011, l'Allemagne était déjà en équilibre, quand nous avions 6 % de déficit ! (« Eh oui ! » à gauche)
M. Alain Bertrand. - Et qui était président ?
M. François Marc. - L'héritage, toujours !
M. Michel Sapin, ministre. - Il est plus aisé de passer de zéro à un léger excédent que de se hisser d'un déficit de 6 % à 3,3 % ! C'est indiscutable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Dernier point : les impôts. Ils baissent en France ! C'est une réalité sur les feuilles d'impôt, une réalité statistique. (Marques d'ironie à droite)
M. Jean-Louis Carrère. - Concentrez-vous sur les primaires !
M. Michel Sapin, ministre. - Les prélèvements obligatoires, c'est-à-dire le cumul des impôts et taxes, a diminué en 2015, et continuera à diminuer en 2016 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mieux : nous avons su baisser conjointement les prélèvements obligatoires et les déficits. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. François Marc. - C'est très fort !
M. Michel Sapin, ministre. - Cette démarche sera poursuivie ; comme promis, il n'y aura pas de nouvelle hausse d'impôt.
Les dépenses publiques n'ont progressé en 2015 que d'environ 1 %. Deux années de suite, c'est inédit, et cela ne tient pas qu'à la charge de la dette - chacun pourra comparer les chiffres des dernières années. Corollaire, la part des dépenses publiques dans le PIB diminue, pour atteindre 55,3 %, soit le niveau de 2011.
Nous ne renonçons pas pour autant à financer nos priorités : éducation nationale, sécurité, justice, défense, sans compter les nouvelles mesures en matière de lutte antiterroriste ou de politique de l'emploi. Toute dépense supplémentaire, M. Eckert nous le dira, sera intégralement financée par des économies.
La dette n'aura progressé que de 0,4 point en 2015. Entre 2007 et 2012, elle avait augmenté de 25 % ! (On renchérit à gauche, on proteste à droite)
M. Alain Bertrand. - Il a raison !
M. Michel Sapin, ministre. - Poursuivre la maîtrise des dépenses, la baisse du déficit, des prélèvements obligatoires, pour favoriser la croissance et les emplois de demain, voilà notre stratégie. (Applaudissements chaleureux sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Alain Bertrand applaudit aussi)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget . - Beaucoup de choses ayant été dites, et fort bien, j'adapterai mon propos. D'année en année, les mêmes remarques sont répétées sur les mêmes bancs.
Il y a un an, l'opposition disait ne pas croire à nos prévisions macroéconomiques. Tous les adjectifs dont les dictionnaires regorgent ont servi à critiquer nos hypothèses : trafiquées, trop ambitieuses, inatteignables, irréalistes... (On renchérit sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Une croissance de 1 % était trop optimiste ? Elle fut de 1,2 % ! Il y a un an encore, on disait que le niveau de l'inflation était surestimé. J'entends encore Gilles Carrez, l'Ifrap, dire qu'il manquerait 10 milliards d'euros de recettes de TVA : elles sont pourtant au rendez-vous ! (Mme Evelyne Yonnet applaudit)
On alertait encore sur les milliards de dépenses nouvelles imprévues qui seraient décidées à chaque discours par un président réputé dépensier : en matière de sécurité, de défense... Souvenez-vous !
Même chose cette année : 2 milliards d'euros pour le plan emploi, 900 millions pour l'agriculture, 600 millions pour la hausse du point d'indice des fonctionnaires, 250 millions pour le fonds de transition énergétique... On arrive en effet à près de 4 milliards d'euros de dépenses nouvelles cette année. Comme l'an passé, elles seront couvertes, par des économies supplémentaires !
L'exécution budgétaire, avec un déficit de 3,5 %, a été meilleure que prévue, dégageant un excédent de 6 milliards d'euros. (Applaudissements nourris sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Daniel Laurent. - Et la dette ?
Comment ferons-nous cette année ? La réserve de précaution a été augmentée de 1,8 milliards par le gel de crédits reportés de 2015 - c'est une première. Des crédits seront ouverts fin mai, notamment pour le ministère du travail, en procédant à des annulations. Et nous réaliserons en fin de gestion les économies nécessaires pour faire face aux aléas traditionnels. Votre scepticisme a un air de déjà vu...
Il y a un point cependant qui devrait vous inquiéter et qui m'inquiète, moi qui suis d'ordinaire plutôt serein et d'un naturel optimiste... Le motif de cette inquiétude, c'est ce que je lis dans ce document (l'orateur brandit ledit) issu de la journée de travail du parti Les Républicains consacrée à la dépense publique et à la fiscalité, plus précisément à sa page 17, la dernière... Je partage votre analyse, madame Keller, il y a une « urgence absolue à redresser les comptes publics ». Or quelles sont les prévisions de déficit public de votre parti ? Pour 2017, 3,5 %... (Marques d'ironie sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Pour 2018, 3,5 %... (Exclamations sur les mêmes bancs) Autant dire un renoncement face à cette « urgence absolue »... Vous laissez filer le déficit... Quant à la dette publique... Certains semblent attendre avec gourmandise qu'elle dépasse les 100 % pour pouvoir crier à la catastrophe... Toujours page 17 du document du parti Les Républicains, prévision pour 2019, 100,5 %... Voilà un autre renoncement... (Mêmes mouvements ; protestations à droite) C'est vrai, ces chiffres font froid dans le dos... Le Gouvernement, quant à lui, s'interdit de renoncer. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Alain Bertrand applaudit aussi)
Le débat est clos.
M. le président. - Il vous faudra, monsieur le ministre, diversifier vos lectures... Je me réjouis que ce débat ait eu lieu.