Protection de la nation (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote solennel par scrutin public sur le projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, de protection de la nation.

Explications de vote

M. François Zocchetto .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains) Le 16 novembre dernier, réunis en Congrès, nous partagions la volonté du président de la République de répondre aux barbares et d'envoyer un message d'unité à la nation. Ce qui s'est passé ce matin à Bruxelles ne fait que renforcer notre détermination.

Notre devoir de parlementaires est de légiférer, de contrôler l'action du Gouvernement et d'écouter nos concitoyens. Depuis la mi-novembre, le Sénat a usé de toutes ces prérogatives.

Aujourd'hui, nous sommes réunis en constituants. C'était la volonté du président la République, non la nôtre. C'est son droit, comme c'eût été son droit de nous consulter ; cela nous aurait évité le long chemin erratique que nous avons connu. Nous avions besoin d'union et d'espoir, vous avez semé la division et l'amertume. Nous avions besoin de consensus, vous nous proposez un compromis laborieux.

Le Sénat est allé jusqu'au bout de ses compétences constitutionnelles. S'il revenait à la deuxième chambre de s'aligner, monsieur le garde des Sceaux,...

M. Hubert Falco.  - Très bien !

M. François Zocchetto.  - ...il fallait commencer l'examen de ce texte au Sénat et demander à votre majorité de se caler sur nous. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UDI-UC)

M. Jacques Mézard.  - Excellent !

M. François Zocchetto.  - L'article premier de ce texte, très technique, sera utile pour utiliser l'état d'urgence sans risque constitutionnel. Le Sénat, dans une majorité très élargie, a réalisé un travail d'une grande qualité en instaurant des contrepoids puissants au profit du Parlement et du juge.

L'article 2, disons-le très clairement, est dépourvu de toute dimension opérationnelle ; il est d'ordre symbolique. Après un drame, un pays a certes besoin de se rassembler autour d'un symbole mais encore faut-il que ce symbole soit le bon. Or la déchéance de nationalité est un symbole négatif, un symbole de césure. Nous voulons l'égalité pour les Français mais ils ne sont pas identiques : il y a les Français de naissance et ceux qui le sont devenus par acquisition ; il y a ceux qui ont une autre nationalité, ceux qui n'ont que celle-ci... Au lieu de proposer un symbole qui rassemble, le Gouvernement a instillé durant des mois la suspicion et la division.

Le Gouvernement nous laissait le choix entre deux mauvaises réponses. La première aurait été de dire : non merci ! Cela aurait été perçu comme une inconséquence : les Français ont retenu que nous avons tous applaudi à Versailles. Quand bien même ce geste marquait d'abord notre volonté d'unité nationale, nous ne pouvons pas nous offrir le luxe de la versatilité en cette période.

Faut-il pour autant créer de l'apatridie ? Au nom de notre histoire et de nos engagements internationaux, cela est simplement impossible. Sans compter que le texte de l'Assemblée nationale inscrivait la déchéance pour tous dans la Constitution pour la réduire ensuite aux binationaux dans le texte d'application. (M. Charles Revet renchérit) Le Sénat a choisi la clarté et, je l'espère, la moins mauvaise solution.

Depuis des mois, le Sénat a démontré sa détermination à lutter contre le terrorisme. Sans attendre les appels du Gouvernement, il a créé commissions d'enquête et missions d'information, il a adopté dès décembre dernier une proposition de loi, dont le Gouvernement reprend d'ailleurs des éléments aujourd'hui. Monsieur le garde des Sceaux, je compte sur vous pour le rappeler à M. Le Roux qui a tenu ce matin des propos tout à fait intolérables ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. Hubert Falco.  - Honte à lui !

M. François Zocchetto.  - La vraie question est : comment traiter le mal à la racine ? Comment des jeunes nés au pays des Lumières peuvent-ils être séduits par le fanatisme ? Comprendre, non pour justifier excuser ou se culpabiliser, mais pour agir plus efficacement et valoriser ce qui fonctionne. Les 66 millions de Français récusent la barbarie : c'est là l'espoir de la France ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-UC et Les Républicains)

Mme Éliane Assassi .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, républicain et citoyen) La barbarie de Daech a frappé une nouvelle fois ce matin. Nous nous inclinons devant les victimes et adressons toute notre solidarité au peuple belge. Ce que nous redoutions est arrivé : des attentats suicides sur notre continent, frappant aveuglément des innocents au nom d'une idéologie fanatique.

Oui, la guerre qui fait rage ailleurs s'insinue dans notre pays et nous devons nous mobiliser pour repousser les agressions de Daech. Mais ce projet de loi constitutionnel ne répond pas à ce légitime besoin. Nous ne votons pas cet après-midi pour déterminer s'il faut, oui ou non, combattre Daech. Le groupe CRC, qui a toujours combattu les choix diplomatiques à l'origine du chaos au Moyen-Orient, refuse une révision contraire à nos principes républicains.

L'état d'urgence et la déchéance de nationalité sont parfaitement inutiles et inefficaces. Les partisans du texte le disent eux-mêmes, ces mesures relèvent du symbole. La constitutionnalité de l'état d'urgence ne fait que le sacraliser - et non le sécuriser, comme le dit le Premier ministre. Si le Sénat a réintroduit la compétence du juge judiciaire, mieux aurait valu rappeler clairement qu'il ne saurait y avoir d'ordre public sans libertés. La notion de péril imminent, monsieur le président Bas, n'empêchera pas un état d'urgence ad vitam aeternam ; le péril peut être imminent et permanent.

L'empilement des lois antiterroristes n'a pas résolu le problème de l'islam radical depuis 1986 : des milliers de jeunes sont tentés par la radicalisation. Ramener la paix dans une région en guerre depuis des décennies : voici la priorité ! La France doit faire cesser le jeu dangereux de l'Arabie Saoudite, du Qatar, des Émirats arabes unis mais aussi de la Turquie de l'autoritaire Erdogan qui met plus d'énergie à lutter contre les démocrates kurdes qu'à empêcher les livraisons d'armes et de pétrole aux terroristes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; M. Gérard Longuet et M. Philippe Bonnecarrère applaudissent aussi)

Donner des moyens à l'école pour créer du lien social, donner à chacun sa place dans la société en particulier par le travail, faire vivre la laïcité : voici la solution. Ce n'est pas nous qui avons parlé d'apartheid social après les attentats de janvier, c'est le Premier ministre ! Le discours sécuritaire n'est pas la solution, au contraire. Le recul de l'État de droit signifiera une victoire pour Daech.

La déchéance de nationalité clive, divise. Ce qui a choqué, c'est qu'on définisse la nationalité pour la première fois dans notre Constitution par la négation. C'est contraire aux valeurs de la gauche mais aussi aux principes républicains. À l'Assemblée nationale, le Gouvernement, après l'avoir réservée aux binationaux, s'est ralliée à une déchéance de nationalité pour tous tout en affirmant qu'il refusait l'apatridie - qui en résulte pourtant. Ici, il a aidé M. Bas à imposer le texte de la majorité sénatoriale en recourant à la procédure. Ce pas de deux est insupportable.

Avec ce texte, vous attisez la peur et la haine envers une population qui, de près ou de loin, n'a rien à voir avec les terroristes. Vous bafouez cette vieille Europe qui avait refusé la guerre en Irak en 2003, comme l'accord avec la Turquie sur les réfugiés bafoue nos valeurs. L'Europe égoïste, l'Europe forteresse oublie ce qu'elle portait aux nues lors de sa création : les droits de l'homme.

Monsieur le garde des Sceaux, le groupe CRC votera à l'unanimité et sans hésitation contre ce texte qui, s'il était adopté, ternirait la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Éric Doligé.  - Excessif !

M. Didier Guillaume .  - Au nom du groupe socialiste et républicain, je veux dire toute notre solidarité aux victimes des attentats de Bruxelles.

Après la France, le Mali et la Turquie, la Belgique... Le monde entier était Charlie Hebdo en janvier 2015, il était Paris en novembre dernier, il est aujourd'hui Bruxelles.

Oui, nous sommes en guerre. À travers Bruxelles, le président Hollande l'a dit, c'est l'Europe qui est visée. La réponse doit donc forcément être européenne. Plus que jamais, nous devons faire preuve d'unité nationale et faire vivre nos valeurs. Aujourd'hui, je n'ai pas envie de polémiquer.

Les valeurs de la République sont un bouclier autour duquel nous devons souder les Français. Les trois couleurs, bleu, blanc et rouge, qui représentent ces valeurs, ont été brandies dans les rues, arborées aux fenêtres. Notre hymne a été chanté...

M. Roger Karoutchi.  - Certains ne l'ont pas voulu...

M. Didier Guillaume.  - Pas dernièrement, monsieur Karoutchi.

Dès le lendemain des attentats de janvier 2015, la France a montré qu'elle est libre, fière, émancipée et bigarrée. Certains de nos concitoyens étaient méfiants à l'égard de notre drapeau : pour eux, il signifiait repli sur soi, rejet de l'autre et nationalisme. Il a fallu un attentat dramatique pour que les Français se lèvent. Je souhaite qu'ils restent debout pour défendre la nation et la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Trop longtemps, nous avons déserté le combat pensant que nos valeurs étaient du domaine de l'acquis. La montée du communautarisme a fait penser à certains que la laïcité était trop molle. Redonnons-lui du sens pour l'intégrer à un patriotisme rénové. Sans cela, la xénophobie, le racisme et l'autre montré du doigt continueront. Soyons des maillons de la chaîne de valeurs républicaines. Nous pouvons nombreux les partager, nous pouvons nombreux les brandir, nous pouvons nombreux les faire prospérer ;

Pour lutter contre l'obscurantisme et la xénophobie, pour que notre pays ne soit pas fracturé, pour que l'attentat de ce matin ne fasse pas resurgir les maladies du passé, rassemblons-nous ; en cette période, faire ressurgir les vieilles oppositions serait dramatique. Il est urgent que l'Europe se réveille et que le projet PNR aboutisse ! (Mmes Isabelle Debré et Nathalie Goulet, MM. Philippe Dallier et Jean-Pierre Sueur renchérissent)

Ce n'est pas en internant les personnes fichées S que nous règlerons le problème du terrorisme. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Pour revenir au texte, l'article premier a été voté à une très large majorité. Nous avons refusé l'article 2. Notre groupe est divisé, comme la société ; mais nous avons tous voté contre le choix de la stigmatisation des binationaux.

M. François Grosdidier.  - C'est le choix du président de la République ! (Plusieurs sénateurs renchérissent à droite)

M. Didier Guillaume.  - Des orateurs du groupe Les Républicains affirment qu'ils voteront le texte en signe de soutien au Gouvernement... À eux, je rappelle que, si nous en sommes là, c'est parce qu'un compromis a été passé à l'Assemblée nationale entre les groupes Les Républicains et socialiste et républicain.

M. Charles Revet.  - Une synthèse !

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est Sarkozy-Fillon !

M. Didier Guillaume.  - Une réforme constitutionnelle suppose un accord transpartisan. Chacun prendra ses responsabilités...

M. Alain Fouché.  - Nous, cela ne nous posera pas de problèmes !

M. Didier Guillaume.  - Pour finir, je salue le président et rapporteur Bas (Applaudissements) qui a su, fort de ses connaissances et de sa volonté d'avancer, faire progresser nos débats tout en regrettant que nous n'ayons pas trouvé de terrain d'entente sur l'article 2 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Esther Benbassa .  - Exprimons d'abord toute la solidarité et les sentiments de fraternité du groupe écologiste pour le peuple belge.

Je suis stupéfaite d'entendre des députés socialistes accuser la droite sénatoriale d'irresponsabilité parce qu'elle n'entend pas voter conforme la révision constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe UDI-UC)

Nous savons ce que vivent les Belges. Un peu de décence n'aurait pas été de trop ! (Approbations à droite et au centre) L'arrestation de Salah Abdeslam le prouve : ce qui est vital pour la lutte antiterroriste est la coopération et la coordination de la police et des services de renseignement européens, et non l'inflation législative.

Le Premier ministre l'avait annoncé en ouvrant la discussion générale, la proposition du Sénat ne rassemblera jamais les trois cinquièmes. Aussi devait-il, pour lui complaire, voter le texte conforme. Mais voici que certains ont osé émettre des réserves... Plutôt que de répondre, monsieur le garde des Sceaux, vous avez préféré vous taire. Je vous ai interrogé sur les abus durant la COP21. Votre silence était-il un aveu ? Avant la prolongation de l''état d'urgence, on comptait déjà 3189 perquisitions administratives menées de jour et de nuit, dont certaines avec grand fracas et parfois humiliation de familles, 541 armes saisies, 382 interpellations, 406 assignations à résidence, 200 poursuites judiciaires engagées, dont seulement quatre effectivement en lien avec le terrorisme.

L'urgence est de pister de futurs terroristes, de réformer nos services de renseignements, de raccourcir les délais d'intervention de la police, de mieux gérer le numéro vert saturé le 13 novembre ou la communication à l'intérieur de la police, de faire lire à vos collaborateurs les travaux des chercheurs sur le terrorisme, d'investir plus et mieux pour désendoctriner et réinsérer les candidats au djihadisme, d'assainir son terrain.

À vous écouter, la déchéance de nationalité ne concernerait que les terroristes et ne choquerait que les âmes sensibles. Peu importe les 5 millions de Français binationaux, qui se sentent visés et tous ceux qui sont scandalisés de voir un Gouvernement de gauche faire une telle proposition !

Je regrette que le président Bas, avec la bénédiction du Gouvernement, ait utilisé notre Règlement, pour réduire à néant la discussion sur les amendements de suppression de l'article 2.

M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois.  - Ils ont été présentés !

Mme Esther Benbassa.  - Ils étaient cosignés par plus de 70 sénateurs venant de tous les bancs.

Le 16 novembre dernier, le Parlement était réuni autour du président de la République avec le sens aigu d'une responsabilité commune. Cela valait-il blanc-seing pour faire adopter des réformes électoralistes ? L'unité nationale, brandie comme une arme pour faire taire toute opposition, est une utopie. Décréter la déchéance de nationalité n'unit pas et rassure encore moins. Le débat prendra fin aujourd'hui, que l'article 2 soit retiré ou que le texte soit définitivement enlisé. Le temps est venu de passer à l'action et de combattre le terrorisme. Le groupe votera contre cette révision ! (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Jean Louis Masson .  - Ce texte ne sera pas efficace contre le terrorisme mais il permet d'affirmer un symbole, celle de notre détermination contre les terroristes. Cependant, il ne faut pas se voiler la face : la source commune aux attentats, c'est le communautarisme musulman !

Mme Bariza Khiari.  - Encore !

M. Jean Louis Masson.  - Une de ses facettes est la hausse exponentielle des binationaux. Les médias, les partis, les prétendus intellectuels bien-pensants nous expliquent qu'il faut éviter les amalgames. Personne ne confond islam et islamisme, musulman et terroriste ; en revanche, tout le monde sait que les attentats ont été commis par des musulmans extrémistes, la plupart issus de l'immigration et binationaux ! Sur les quatre arrêtés la semaine dernière : un est franco-marocain, trois sont franco-turcs. Le dire, ce n'est pas affirmer que tous les binationaux sont des terroristes. Puisque le Sénat aime les statistiques, les binationaux ont mille fois plus de chances de devenir terroristes, que des Français de souche ! (Vives exclamations sur tous les bancs)

M. François Grosdidier.  - C'est une honte !

Mme Éliane Assassi.  - C'est intolérable ! C'est du racisme ! (On renchérit à gauche)

M. Jean Louis Masson.  - Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont les statistiques !

Arrêtons de travestir la réalité : ces attentats ne sont pas le fait de quelques illuminés. Partout dans le monde, des pays sont mis à feu et à sang au nom de Mahomet. Des milliers de lycéens et collégiens ont refusé de respecter une minute de silence après les attentats de janvier, voire s'en sont même réjouis ! (Exclamations indignées à gauche et sur les bancs du RDSE) La binationalité favorise le glissement vers le communautarisme... (Huées sur les mêmes bancs)

M. Jacques Mézard .  - Le 13 novembre, les Bruxellois ont pleuré pour Paris. Aujourd'hui, c'est nous qui pleurons pour Bruxelles. Nos pensées vont vers eux, même si notre devoir est de continuer le travail qui nous a été confié.

Ce texte a suivi un parcours chaotique, et c'est un euphémisme, parce qu'il est le fruit d'une succession d'ambiguïtés. Aucune ambiguïté sur la détermination de l'exécutif à lutter contre Daech, je le soutiens dans la tâche difficile qui est la sienne. En revanche, cette révision constitutionnelle, dont le but était de cristalliser et de cimenter un moment d'unité nationale, nécessitait une véritable concertation et un consensus préalable entre tous les partis pour éviter toute manoeuvre politique, quelle qu'elle soit. Si l'intention était peut-être pure, la réalisation a demandé des circonvolutions compliquées.

La réunion du Congrès, une initiative heureuse, fut un grand moment d'émotion partagée, comme si à travers les parlementaires, chaque village, chaque quartier, applaudissait le président de la République et chantait La Marseillaise. Pour autant, ce n'était pas un blanc-seing !

Ce texte est-il nécessaire et utile ? Il suffit de se plonger dans l'excellent rapport de M. Bas pour voir qu'il n'était ni nécessaire ni utile. Le Conseil constitutionnel lui-même a dit par trois fois que la loi de 1955 était constitutionnelle, donc qu'il n'avait guère besoin de réviser la Constitution.

Est-ce un progrès des libertés de constitutionnaliser un troisième régime d'exception ?

Mme Éliane Assassi.  - Non !

M. Jacques Mézard.  - De nombreux parlementaires l'ont dit, s'il n'y avait eu que l'article premier, il n'y aurait pas nécessité de réunir le Congrès. La déchéance de nationalité existe, ce texte ne la crée pas. Le président Badinter l'a dit, il suffisait de modifier l'article 25 du code civil. Il fallait choisir entre rejet de l'apatridie et déchéance pour tous. On nous a beaucoup répété que le débat ne portait pas sur des règles de droit mais sur des symboles... Chacun appréciera. Les symboles ne figurent pas parmi les priorités des Français ; leur préoccupation est la sécurité, l'emploi et le pouvoir d'achat.

Le groupe RDSE votera en majorité contre le texte, certains parmi nous s'abstiendront. En revanche, je veux saluer la qualité des débats. Comment être indifférent à l'émotion de Bariza Khiari, à la fougue de Claude Malhuret ?

C'est pourquoi nous avons été choqués des attaques préméditées et déplacées proférées contre le Sénat par d'éminents membres de l'Assemblée nationale, voire du Gouvernement.

Quand on veut rassembler, il faut commencer par respecter ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, UDI-UC, Les Républicains et communiste républicain et citoyen)

M. Bruno Retailleau .  - Rien de ce qu'est humain ne nous est étranger, comme disait Térence : nous sommes tous belges aujourd'hui.

Une arrestation ne fait pas le printemps de la paix. Nous sommes en face d'une organisation qui rend coup pour coup. En même temps qu'elle subit un recul territorial, elle a la capacité de frapper partout sur la planète. Oui nous sommes en guerre, dans une guerre qui ne dit pas son nom, qui s'est affranchie des frontières et des codes militaires, une guerre qui n'aura pas d'armistice, qui ne s'arrêtera pas par l'éradication de Daech et qui durera longtemps, très longtemps.

Oui, nous sommes en guerre. Il faudra à la France et aux Français une volonté farouche, une volonté tenace. il faut que le peuple français se rassemble, il faut que le Sénat s'en montre digne.

Le Sénat l'a été durant ces débats. Je ne répondrai à aucune des attaques qui nous tirent vers le bas. Merci à Esther Benbassa et à Jacques Mézard. Tout ce qui divise nuit et je ne me laisserai pas aller à la facilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Je salue mes amis centristes et mes camarades du groupe Les Républicains (On s'amuse de ce terme à droite). Nous avons dit depuis le départ que l'état d'urgence n'avait pas besoin d'être constitutionnalisé, mais nous avons tendu la main. La déchéance est une arme symbolique - mais ne laissons pas à Daech le monopole de la puissance du symbole !

Notre nation est une nation civique. Elle n'est pas fondée sur le droit du sang mais sur le droit du sol. La nationalité, qui peut s'acquérir, peut aussi se perdre si le sang est versé en France ou en Belgique.

Seul le texte Sénat est fidèle à la révision constitutionnelle que voulait le Gouvernement ! Pourquoi nous le reprocher ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UDI-UC)

La droite était rassemblée, c'est la gauche qui était divisée. D'ailleurs, une figure iconique du Gouvernement a démissionné pour cette raison !

Ne demandez pas aux sénateurs de jeter aux orties leurs convictions.

Avec le Premier ministre, en janvier, la déchéance de nationalité n'est ni conforme à nos valeurs ni à nos engagements internationaux... Et maintenant, elle le serait devenue ? Vous ne pouvez pas vous appuyer sur la position du groupe Les Républicains de l'Assemblée nationale. Christian Jacob a dit que ses collègues voteraient pour que le Sénat réécrive le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Notre seule ligne, c'est la protection de la France et l'unité nationale ; nous n'en avons pas dévié. Je sais que le peuple français trouvera, comme il l'a toujours fait, les ressources en lui-même pour éradiquer Daech et le totalitarisme islamique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Scrutin public solennel

M. le président.  - Il va être procédé dans les conditions prévues par l'article 56 du Règlement au scrutin public solennel sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle de protection de la nation.

Ce scrutin, de droit en application de l'article 59 du Règlement, sera ouvert dans quelques instants. Il aura lieu en salle des Conférences.

Je remercie nos collègues Mme Colette Mélot, MM. François Fortassin et Serge Larcher, secrétaires du Sénat, qui vont superviser ce scrutin.

Une seule délégation de vote est admise par sénateur.

La séance, suspendue à 16 h 15, reprend à 16 h 35.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°184 sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle de protection de la nation, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote :

Nombre de votants 348
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l'adoption 176
Contre 161

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements au centre et à droite)

La séance, suspendue à 16 h 40, reprend à 16 h 45.