Liberté de création, architecture et patrimoine (Suite)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine.
Discussion des articles (Suite)
ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 11 A
Mme la présidente. - Amendement n°437 rectifié, présenté par Mmes Laborde et Jouve, MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mme Malherbe et MM. Requier et Vall.
Après l'article 11 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois est autorisée la reproduction par le cinéma, la photographie, la peinture ou le dessin des oeuvres de toute nature situées de manière permanente dans l'espace public, y compris à l'intérieur des bâtiments ouverts au public, ainsi que la distribution et la communication publique de telles copies. »
Mme Françoise Laborde. - Nous voulons faciliter la diffusion des oeuvres.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur de la commission de la culture. - Cet amendement introduit une exception large au droit dit « de panorama ». Nous préférons la rédaction du projet de loi sur le numérique, qui vient d'être étudié à l'Assemblée nationale, car elle encadre mieux les choses. Retrait pour le moment.
Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. - Même avis. Les contours de l'exception ont été précisés de façon très stricte à l'Assemblée nationale. Votre amendement inclut des usages commerciaux, susceptibles de porter préjudice aux droits des architectes et autres graphistes.
La France est, par ma bouche, une force de propositions au niveau européen. Une décision européenne sur la répartition de la valeur est en préparation ; j'ai apporté des réponses très concrètes et innovantes.
Mme Françoise Laborde. - Merci pour ces informations.
L'amendement n°437 rectifié est retiré.
L'article 11 est adopté.
ARTICLE 11 BIS
Mme la présidente. - Amendement n°247, présenté par M. Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
, ainsi que des raisons pour lesquelles il n'a, le cas échéant, pas pris de telles mesures
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Le CSA doit motiver les raisons pour lesquelles il ne sanctionne pas un éditeur de services radiophoniques n'ayant pas respecté les dispositions en faveur de la diversité musicale sur les ondes. Il ne s'agit pas pour nous de remettre en cause l'indépendance du gendarme de l'audiovisuel : ses raisons pour ne pas faire respecter la loi peuvent gagner à être connues.
Mme la présidente. - Amendement identique n°334, présenté par le Gouvernement.
Mme Fleur Pellerin, ministre. - Le CSA doit rendre compte du respect de la règle des quotas et aussi expliquer pourquoi il n'a pas, le cas échéant, sanctionné certaines pratiques.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. - La commission a considéré qu'il était superfétatoire d'exiger du CSA qu'il motive ses refus de sanctionner. L'affaire ne va pas bouleverser la planète !
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, les amendements identiques nos247 et 334, mis aux voix par assis et levé, ne sont pas adoptés.
L'article 11 bis est adopté.
ARTICLE 11 TER
Mme la présidente. - Amendement n°248, présenté par M. Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Alinéa 2, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
Mme Christine Prunaud. - Les quotas musicaux, loin de limiter la liberté, sont un atout pour les artistes, reconnus et en devenir, pour les auditeurs, pour les radios : cela évite que les auditeurs soient exaspérés d'entendre le même morceau toutes les quarante-cinq minutes. L'obligation d'un engagement pour la diversité sera bien fragile si des dérogations sont possibles.
Mme la présidente. - Amendement identique n°352, présenté par le Gouvernement.
Mme Fleur Pellerin, ministre. - Mon amendement, identique, revient à la rédaction initiale de l'article 11 ter, pour lutter contre le contournement des règles du CSA par les radios.
Si un titre représente à lui seul plus de la moitié de la diffusion francophone d'une radio, les autres titres ne sont pas pris en compte dans le calcul au titre des quotas.
Mme la présidente. - Amendement identique n°450 rectifié, présenté par Mmes Laborde et Jouve, MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mme Malherbe et MM. Requier et Vall.
Mme Françoise Laborde. - Cet amendement redonne toute sa substance au seuil inscrit dans la loi.
Les amendements nos206 rectifié et 207 rectifié ne sont pas défendus.
Mme la présidente. - Amendement n°357 rectifié bis, présenté par M. Sueur.
Compléter cet article par quatre alinéas ainsi rédigées :
« Pour les radios spécialisées dont le genre musical identitaire ne comprend de fait que peu de titres francophones, le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut accorder une dérogation spéciale à la proportion de titres francophones définie au présent 2° bis, en contrepartie d'engagements relatifs à la programmation et à sa diversité, pouvant notamment inclure, pour une période donnée :
« - la diffusion d'un nombre minimal d'artistes et de titres différents, avec un plafonnement du nombre de rediffusions pour les artistes et les titres les plus diffusés ;
« - le respect d'une part minimale de nouveaux talents ou de nouvelles productions dans l'ensemble de la programmation ainsi que parmi les titres les plus diffusés ;
« - la captation et la diffusion d'un nombre minimal de spectacles vivants. »
M. Jean-Pierre Sueur. - Je suis attaché à la loi de 1986 et aux quotas dans les programmes de variétés francophones. Toutefois, des radios spécialisées dans le jazz, la musique du monde, la musique sud-américaine, apportent une grande diversité de musique. Or elles ont des difficultés à respecter les quotas.
Cet amendement crée une exception sous garanties pour répondre à cette situation.
Mme la présidente. - Amendement identique n°382, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste.
M. André Gattolin. - Les quotas remettent en cause la survie de radios qui jouent pourtant un rôle considérable dans la diversité musicale. Il est dommage que la « musique de variété », dans la loi Léotard de 1986, ne soit pas mieux définie. Les quotas ne sont pas toujours respectés.
Appliqué à la lettre, le système inscrit dans ce texte ferait disparaître nombre de radios et conduirait à une uniformisation de l'offre musicale à la radio... Cet amendement accorde une dérogation aux radios spécialisées, en contrepartie d'exigences en matière de diversité et de promotion des jeunes talents - notion dont la définition est lâche, puisqu'est un jeune talent celui qui n'a pas déjà reçu deux disques d'or.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. - Nous sommes tous d'accord pour appliquer des quotas et pour éviter, dans leur application, la concentration sur quelques titres. L'Assemblée nationale a donc eu raison de favoriser une plus grande prise en compte des jeunes talents. (M. Charles Revet renchérit) Mais c'est une telle usine à gaz - ne l'aggravons pas.
La commission laisse donc une petite souplesse au CSA sur le seuil des dix titres, en contrepartie d'engagements spécifiques des radios en soutien à la chanson française. Je regretterais que notre rédaction disparaisse. Avis défavorable à ces amendements.
Mme Fleur Pellerin, ministre. - Les amendements nos357 rectifié bis et 382 répondent à un véritable enjeu. Prendre en considération la spécificité de certaines radios spécialisées est une bonne idée. Néanmoins leur rédaction pose des difficultés, définition du périmètre et ampleur des contreparties.
Je vous propose que nous travaillions ensemble pour trouver une solution juridiquement robuste. Retrait.
M. Éric Doligé. - Je partage les objectifs de MM. Sueur et Gattolin. J'aime à m'évader en écoutant des musiques différentes. Je suivrai néanmoins la position du rapporteur car le système des quotas est déjà si compliqué ! Il n'empêche, rien n'est dit sur le degré de souplesse que le CSA devra gérer.
Je me pose des questions sur certaines musiques, comme le rap : les textes en sont parfois effarants. N'y aurait-il pas moyen de les censurer ?
M. André Gattolin. - C'est de la chanson francophone !
M. Éric Doligé. - Une censure mériterait peut-être d'être mise à l'étude, surtout dans les circonstances actuelles...
M. David Assouline. - Le dispositif vise essentiellement les grandes radios, qui matraquent toujours avec les mêmes titres, non les petites radios spécialisées. Personne n'a encore trouvé la solution pour que la souplesse offerte aux petits ne profite d'abord aux gros.
J'invite les auteurs des amendements et le rapporteur à travailler avec la ministre pour éviter que cette souplesse ne se transforme en un cheval de Troie.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - La francophonie doit être défendue tous les jours. Cette petite flamme est parfois bien ténue.
La diversité des talents en France et dans le monde francophone rend possible le respect de l'obligation de diversité. Promouvoir les Cowboys fringants ou A Filetta serait souhaitable.
À titre conservatoire, je me rallie à l'amendement du Gouvernement ; la souplesse pourrait être prise pour de la faiblesse.
M. Marc Laménie. - Les amendements de MM. Sueur et Gattolin témoignent de leur passion pour la culture. Il est vrai que la culture et la musique sont des domaines passionnants. En respectant toutes les musiques, nous devons défendre la musique francophone. Mais faisons oeuvre de souplesse et évitons les mécanismes trop complexes. Je ferai confiance au rapporteur.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. - Je suis prêt à travailler avec la ministre avant la deuxième lecture. Mais nous ne devons pas adopter aujourd'hui le texte du Gouvernement, car l'article serait conforme et nous ne pourrions plus en parler.
Je propose à MM. Sueur et Gattolin de retirer leurs amendements, de retenir la rédaction de la commission pour nous laisser le temps d'améliorer la rédaction pendant la navette. (M. Charles Revet renchérit) Nous avons tous le même objectif.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, les amendements identiques nos248, 352 et 450 rectifié, mis aux voix par assis et levé, sont adoptés.
M. Jean-Pierre Sueur. - J'ai bien entendu M. le rapporteur et apprécié les déclarations de Mme la ministre. Je comprends qu'il y aura un travail approfondi ; je retire donc mon amendement.
L'amendement n°357 rectifié bis est retiré.
M. André Gattolin. - Je suis pour la protection de la langue française et si certains textes ne sont pas de grande qualité, je n'irai pas jusqu'à partager la préconisation de M. Doligé. Veillons à préserver la diversité, quand dans d'autres pays, en Italie par exemple, l'uniformisation de la radio est extrême. Grâce à la pige musicale en temps réel, comme le fait Yacast, nous pouvons savoir ce qui est diffusé et quand. Mais compte tenu de l'engagement de Mme la ministre, je retire mon amendement.
L'amendement n°382 est retiré.
Mme Fleur Pellerin, ministre. - Je demande une suspension de séance.
La séance, suspendue à 13 heures, est reprise à 13 h 5.
M. David Assouline. - Pour que le débat ait lieu, et que le travail soit fait pendant la navette, je reprends l'amendement n°357 rectifié bis de Jean-Pierre Sueur.
Mme la présidente. - Ce sera l'amendement n°357 rectifié ter.
M. Charles Revet. - Cet amendement dit le contraire de ce qui vient d'être voté...
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. - Je regrette que la formulation que j'avais proposée n'ait pas été retenue. Même si je ne souscris pas à l'amendement de Jean-Pierre Sueur, l'adopter est la seule solution technique pour maintenir le débat et éviter un vote conforme. Ayant réuni à l'instant la commission (Sourires), j'invite la majorité à s'abstenir.
Mme Fleur Pellerin, ministre. - Sagesse exemplaire !
L'amendement n°357 rectifié ter est adopté.
L'article 11 ter, modifié, est adopté, de même que les articles 12 et 13.
ARTICLE ADDITIONNEL
Mme la présidente. - Amendement n°376, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste.
Après l'article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du patrimoine est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa de l'article L. 131-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les livres édités sous une forme numérique font l'objet d'une obligation de dépôt légal. » ;
2° Le premier alinéa de l'article L. 132-1 est complété par les mots : « , ou pour les livres édités sous forme numérique, à la transmission d'un fichier » ;
3° Après le i de l'article L. 132-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...) Celles qui éditent des livres sous forme numérique. »
M. André Gattolin. - Défendu !
Mme Françoise Gatel. - Bravo !
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. - L'élargissement du dépôt légal au livre numérique est bienvenu, mais le coût en est inconnu. Avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. - Le dispositif actuel du dépôt légal du web convient : des organismes collectent eux-mêmes tous les contenus numériques relevant du patrimoine national - et pas seulement les livres. Cela correspond du reste à ce que pratique la BNF en matière de livres numériques, prenant l'initiative de la collecte. Ce système est souple, et moins coûteux. Avis défavorable à un dépôt légal obligatoire.
L'amendement n°376 est adopté et devient un article additionnel.
ARTICLE 13 BIS
Mme la présidente. - Amendement n°501, présenté par M. Leleux, au nom de la commission.
Alinéa 5, première phrase
1° Au début, insérer les mots :
Le champ et
2° Remplacer le mot :
définies
par le mot :
définis
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. - Cet amendement précise que l'accord professionnel relatif à l'obligation de recherche, par les producteurs, d'une exploitation suivie des oeuvres audiovisuelles, définit non seulement les conditions de sa mise en oeuvre, mais également son champ d'application.
L'amendement n°501, acceptépar le Gouvernement, est adopté.
L'article 13 bis, modifié, est adopté.
Les articles 13 ter et 13 quater sont adoptés.
ARTICLES ADDITIONNELS
Mme la présidente. - Amendement n°107 rectifié bis, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 13 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les personnes exerçant l'une des activités définies à l'article L. 7122-2 du code du travail sont soumises aux dispositions de l'article L. 430-2 du code de commerce, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État.
Mme Sylvie Robert. - L'écosystème du spectacle vivant est en mutation. L'activité a crû de 70 % pour 600 millions d'euros de billetterie. Mais une concentration verticale et horizontale est à l'oeuvre, c'est un vrai danger pour la diversité. L'uniformisation menace. Les spectacles à petit budget ont de plus en plus de mal à trouver des salles. Ne laissons pas se développer un système à deux vitesses. Il ne s'agit pas d'entraver la liberté d'entreprendre ni la concurrence, bien sûr. Aux États-Unis, les prix des billets a doublé à cause de la concentration dans le secteur.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. - Faut-il remettre en cause les seuils actuels, qui s'appliquent à toutes les activités économiques ? L'amendement pourrait aussi être censuré pour incompétence négative, puisqu'il renvoie à un décret en Conseil d'Etat. Enfin, il existe déjà les sanctions pour abus de position dominante. Avis défavorable.
Mme Fleur Pellerin, ministre. - La diversité est un objectif central ; je comprends l'inquiétude des artistes devant la concentration d'entreprises de plus en plus oligopolistiques. L'Autorité de la concurrence exerce un contrôle sur tous les secteurs, y compris artistiques. Votre amendement est satisfait. Mais nous devons mieux cerner les contours du problème. J'ai souhaité que mon ministère réalise une étude sur les grandes salles. Elle sera finalisée avant la deuxième lecture. Sagesse.
M. David Assouline. - Nous sentons le danger de ces concentrations, en particulier horizontales : le producteur possède aussi la salle et la billetterie, ce qui peut nuire à la diversité de l'offre.
Peut-on établir des règles différentes de celles qui sont en vigueur dans le reste de l'économie ? L'étude de Mme la ministre nous permettra d'y répondre. Cet amendement a eu le mérite de mettre le débat sur la table.
M. Alain Vasselle. - Les troupes de théâtre amateur ont de grandes difficultés pour trouver une salle - à un coût supportable et qui remplisse toutes les conditions de sécurité.
Mme Sylvie Robert. - Le fil rouge est la diversité. Après les propos de la ministre, je retire mon amendement.
L'amendement n°107 rectifié bis est retiré.
La séance est suspendue à 13 h 30.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance est reprise à 15 heures.