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Table des matières
Organisme extraparlementaire (Candidature)
Demande d'avis sur une nomination
Engagement de la procédure accélérée
Questions prioritaires de constitutionnalité
Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie
Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission de la culture
Organisme extraparlementaire (Nomination)
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur
Lenteur du processus parlementaire
Rentrée scolaire en Guadeloupe-Martinique
Reconquête de la biodiversité (Suite)
Discussion générale commune (Suite)
Reconquête de la biodiversité (Suite)
Discussion des articles du projet de loi
Organisme extraparlementaire (Candidature)
Demande d'avis sur une nomination
Engagement de la procédure accélérée
Questions prioritaires de constitutionnalité
Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie
Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission de la culture
Organisme extraparlementaire (Nomination)
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur
Lenteur du processus parlementaire
Rentrée scolaire en Guadeloupe-Martinique
Reconquête de la biodiversité (Suite)
Discussion générale commune (Suite)
Reconquête de la biodiversité (Suite)
Discussion des articles du projet de loi
Ordre du jour du mercredi 20 janvier 2016
SÉANCE
du mardi 19 janvier 2016
53e séance de la session ordinaire 2015-2016
présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente
Secrétaires : M. Serge Larcher, M. Jean-Pierre Leleux.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site internet du Sénat, est adopté sous les réserves d'usage.
Organisme extraparlementaire (Candidature)
Mme la présidente. - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir lui faire connaître le nom d'un sénateur désigné pour siéger au sein du Conseil national du développement et de la solidarité internationale. La commission des affaires étrangères a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Henri de Raincourt comme membre titulaire pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été publiée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
Sénateur en mission
Mme la présidente. - Par courrier en date du 18 janvier 2016, M. le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l'article L.O. 297 du code électoral, M. Jérôme Durain, sénateur de Saône-et-Loire, en mission temporaire auprès de Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique. Cette mission portera sur la proposition d'un cadre législatif et réglementaire favorisant le développement en France des compétitions de jeux vidéo.
Demande d'avis sur une nomination
Mme la présidente. - Conformément au cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, M. le président du Sénat a saisi la commission des affaires sociales pour qu'elle procède à l'audition et émette un avis sur la nomination de Mme Agnès Buzin dont la nomination aux fonctions de présidente de la Haute Autorité de santé est envisagée.
CMP (Demande de constitution)
Mme la présidente. - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi d'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée. Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du Règlement.
Accord en CMP
Mme la présidente. - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur la proposition de loi créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
Engagement de la procédure accélérée
Mme la présidente. - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen du projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées, déposé sur le Bureau du Sénat le 2 décembre 2015.
Dépôt de documents
Mme la présidente. - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre l'avenant n°1 à la convention du 2 septembre 2010 entre l'État, l'Agence nationale de la recherche et la Caisse des dépôts et consignations relative au programme d'investissements d'avenir, action « France Brevets » ; l'avenant n°3 à la convention du 29 juillet 2010 entre l'État et l'Agence nationale de la recherche relative au programme d'investissements d'avenir, action « Valorisation, fonds national de valorisation » ; la convention entre l'État et l'Agence nationale de la recherche relative au programme d'investissements d'avenir, action « Instituts convergences ».
Ces documents ont été transmis à la commission des finances, à la commission des affaires économiques et à celle de la culture.
Questions prioritaires de constitutionnalité
Mme la présidente. - Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date des 14 et 15 janvier, trois décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur le cumul des poursuites pénales pour délit d'initié avec des poursuites devant la commission des sanctions de l'AMF pour manquement d'initié ; l'exclusion de certains compléments de prix du bénéfice de l'abattement pour durée de détention en matière de plus-value mobilière ; l'incompatibilité de l'exercice de l'activité de conducteur de taxi avec celle de conducteur de VTC.
En outre, le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le lundi 18 janvier 2016, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, le Conseil d'État a adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant respectivement sur l'article 8 de la loi du 3 avril 1955 (Fermetures de salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion et interdictions de réunions dans le cadre de l'état d'urgence) ; et sur le I de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 dans sa rédaction résultant de la loi du 20 novembre 2015 (Perquisitions administratives dans le cadre de l'état d'urgence). Le texte de ces décisions de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Délégation (Candidature)
Mme la présidente. - Le groupe Les Républicains a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, en remplacement de Mme Vivette Lopez, démissionnaire. Cette candidature a été publiée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du Règlement.
Reconquête de la biodiversité
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages et de la proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la nomination à la présidence du conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité.
Il a été décidé que ces deux textes feraient l'objet d'une discussion générale commune.
Discussion générale commune
Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie . - Je suis très heureuse de présenter devant vous ce texte qui veut donner un nouvel élan à la protection et à la valorisation de nos richesses naturelles, en donnant force de loi à ce choix, à ce modèle de civilisation nouveau : agir non plus contre la nature mais avec elle, la traiter en partenaire dans une chaîne dont nous faisons partie. Créer la croissance verte et la croissance bleue, c'est notre nouvelle frontière, une nouvelle alliance entre l'humanité et la nature.
Je remercie vos commissions et leurs rapporteurs, qui ont minutieusement examiné le texte. En 2007 déjà, les sénateurs Laffitte et Saunier avaient rédigé, au nom de l'Opesct, un rapport au titre éloquent : « La biodiversité, l'autre choc, l'autre chance », qui disait déjà l'urgence à agir et le potentiel scientifique, technique et économique de la diversité du vivant.
Adopté en mars dernier par l'Assemblée nationale, ce texte a aussi bénéficié de la contribution des ONG et associations et de consultations participatives, à l'initiative de Joël Labbé, que je félicite, recueillant 50 000 votes.
Ces contributions ont alimenté des amendements, et nous regardons encore comment y donner suite.
Ce texte s'inscrit dans le même esprit que la loi pour la transition énergétique : avec ces deux textes, la France se dote du cadre législatif le plus complet, le plus volontariste d'Europe. Ils donnent corps à une avancée majeure en reconnaissant la relation entre réchauffement climatique et biodiversité, les impacts du dérèglement climatique sur les écosystèmes, et la valorisation de la biodiversité comme solution d'atténuation et d'adaptation à la dérive du climat. En témoigne l'agenda des solutions qui accompagne l'accord de Paris. De nombreuses coalitions internationales ont été signées pour agir sans délai, comme le pacte de Paris sur l'eau, qui regroupe 305 organisations et 87 États.
Je pense aux actions de replantations des mangroves dont je me suis engagée à protéger 55 000 hectares d'ici 2020, surtout outre-mer, ou aux récifs coralliens, essentiels comme nurseries pour la faune aquatique, l'épuration des eaux ou la captation du carbone, dont 75 % seront protégés d'ici 2021.
La COP21 a accéléré la prise de conscience des enjeux et donne un éclairage particulier à vos travaux. Dans ce contexte d'urgence, alors que l'activité humaine détruit la biodiversité à un rythme inédit, au point que certains experts parlent de sixième extinction de masse, ce texte s'attaque à un problème global : 60 % des espèces sont en effet en situation défavorable en Europe, et 420 millions d'oiseaux ont disparu en trente ans. La biodiversité s'érode à une cadence qui dépasse sa capacité de régénération.
Selon Hubert Reeves, nous coupons la branche sur laquelle nous sommes assis ; c'est nous qui sommes désormais dans le collimateur de ce phénomène destructeur. La reconquête de la biodiversité, impérative, est possible mais nécessite la mobilisation de tous. Faire de l'urgence une chance, rétablir avec la nature des relations fructueuses, bonnes pour la santé et l'emploi, faire de la France un pays d'excellence environnementale, tel est l'objectif.
La France est riche en merveilles naturelles : c'est le premier pays européen pour la variété des oiseaux, des mammifères et des amphibiens ; elle possède le deuxième domaine maritime, la quatrième superficie de récifs coralliens. C'est aussi le sixième pays abritant le plus d'espèces menacées...
Cette loi de mobilisation inscrit des principes opérationnels et crée l'Agence française pour la biodiversité, outil d'expertise et de pilotage unique au monde regardé avec attention par nos voisins.
Au fil des ans, la France s'est dotée de moyens de protection de ses paysages, comme le Conservatoire du littoral, les parcs nationaux et régionaux, les parcs marins ou les grands sites. Mais face à la pression croissante des activités humaines, cela reste insuffisant.
Pour tirer parti du patrimoine sans l'épuiser, nous inscrivons dans le code de l'environnement trois grands principes : d'abord, la solidarité écologique, la reconnaissance scientifique de l'interaction des écosystèmes, car la biodiversité est un tissu vivant de la planète dans lequel tout se tient, qu'il ne s'agit pas de mettre sous cloche. Deuxième principe : le triptyque « éviter, réduire, compenser », c'est-à-dire anticiper, intégrer en amont les impacts sur la biodiversité. La compensation n'est pas un permis de détruire mais une obligation de responsabilité. D'où l'importance d'une élaboration partenariale et participative des politiques ; d'où la mise en mouvement des territoires autour des trames vertes et bleues et l'arrivée de la deuxième étape du fonds de transition énergétique. Troisième principe : innover sans piller, soutenir l'innovation et les emplois de la croissance verte et bleue en luttant contre la biopiraterie. Les ressources génétiques et les connaissances traditionnelles doivent être mises en valeur pour le profit des populations, des petites entreprises et de la recherche. Le potentiel est grand, dans l'agroalimentaire, la cosmétique ou la pharmacie. Je veillerai à ce qu'aucun dépôt intempestif de brevet ne vienne limiter l'accès à des ressources dont il s'agit de partager les bénéfices.
L'Agence française pour la biodiversité, avec une seule instance scientifique, une seule instance de concertation déclinée dans les outre-mer, sera plus efficace que les trop nombreux organismes existants.
M. Jean-Louis Carrère. - Tous localisés à Paris !
Mme Ségolène Royal, ministre. - C'est un outil très attendu, qui reprend un engagement du président de la République lors de la conférence environnementale de 2014. Une mission de préfiguration a été installée dès octobre 2014. L'Agence sera donc opérationnelle tout de suite. Atelier sur les outre-mer en février dernier, séminaire en mai, assises de la biodiversité à Dijon en juin dernier associant les professionnels de la biodiversité : la concertation a été large.
L'Agence française pour la biodiversité bénéficiera, outre son budget de 230 millions d'euros, de 60 millions d'euros au titre des programmes d'investissement d'avenir. Elle regroupera l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema), le groupement d'intérêt public Atelier technique des espaces naturels, l'Agence des aires marines protégées, l'établissement public des Parcs nationaux de France. Elle passera des conventions de partenariat avec le Museum d'histoire naturelle, l'Ifremer, l'Office national de la chasse et de la faune sauvage par exemple (ONCFS). Je sais que certains regrettent que ce dernier ne la rejoigne pas mais le partenariat devrait créer une dynamique positive. Sa logique en réseau permettra de faire des économies de fonctionnement. Ce sera un lieu d'excellence menant des actions de recherche volontaristes, assurant une meilleure visibilité de notre stratégie et un décloisonnement des instruments.
Je déposerai des amendements afin de lever une ambiguïté de la loi Modernisation de l'action publique afin que les communes ou EPCI qui ont transféré leur compétence dans le domaine de l'eau à un syndicat puissent lever la taxe prévue à cet effet. Je vous proposerai une rédaction souple pour permettre l'adoption d'un dispositif particulier, région par région : ce qui compte, c'est l'efficacité. Toutes les collectivités sont concernées, notamment les départements qui gèrent les espaces naturels sensibles. L'élargissement de la compétence des agences de l'eau apportera plus de financement.
Les paysages du quotidien contribuent puissamment à l'image de la France et à la qualité de vie des Français. Ils font partie de notre histoire, de notre identité commune. Je remettrai le 3 février le grand prix des paysages : les citoyens du monde doivent prendre soin de leur jardin planétaire et en partager les beautés.
La biodiversité est très concrète : elle concerne la santé de tout un chacun. Une nature malmenée, c'est un risque sanitaire accru. Ce texte facilitera le recours au traitement naturel de l'eau, interdit le rejet en mer d'eaux de ballast non traitées et fait la part belle au génie écologique, encouragé par le plan santé environnement 2015-2019. Parmi les objectifs de santé publique : la réduction de l'utilisation des pesticides, le développement du programme « terre saine, communes sans pesticide », l'interdiction de l'épandage autour des écoles, la restauration de la qualité écologique des eaux marines, avec l'interdiction, dès 2016, des sacs plastiques à usage unique.
Nous avons prévu des actions d'accompagnement de la loi, dans lesquelles les collectivités territoriales ont toute leur place, notamment les territoires à énergie positive.
La biodiversité est une opportunité de développement économique et de création d'emplois ancrés sur les territoires. C'est la croissance bleue et la croissance verte : innovation scientifique et technique, développement de filières d'avenir, création d'emplois peuvent s'appuyer sur la transition énergétique. Les emplois directs dans les parcs naturels ou les aires marines protégées sont déjà 40 000. Les métiers des jardins et paysages représentent 150 000 emplois, et un marché de 10 milliards d'euros ; la pêche, l'agriculture, la sylviculture, la première transformation : deux millions d'emplois, et cinq millions d'emplois indirects, dans le tourisme, la filière bois, la cosmétique.
L'essor rapide du génie écologique qui représente déjà un demi-millier d'entreprises et 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires est le signe avant-coureur du possible et une raison supplémentaire d'agir. Le présent texte doit accentuer ce tournant en facilitant la création de réseaux de startups et de PME dans le bio-mimétisme et la bio-inspiration.
Comme le disait Robert Barbault : « La biodiversité est une véritable bibliothèque d'innovations, auprès de laquelle les bibliothèques de tous nos pays réunis ne représentent même pas un bout d'étagère ». Je pourrais aussi citer la chimie verte, soutenue par le programme des investissements d'avenir, ou les trophées de la stratégie nationale de la biodiversité... Les exemples ne manquent pas.
Il s'agit d'une loi d'action et de mobilisation des forces vives, qui poursuit aussi un objectif de simplification. J'ai été attentive aux remarques de vos commissions sur les quinze habilitations à légiférer par ordonnances : tous ces articles seront supprimés, soit que les ordonnances aient été intégrées dans le texte, soit que les questions aient été traitées par circulaire (M. Jean-Claude Lenoir s'en félicite). C'est ma façon de vous montrer combien je suis sensible à la qualité de vos travaux et de coconstruire avec vous cette loi magnifique. (Applaudissements sur les bancs des groupes communiste républicain et citoyen, socialiste et républicain, RDSE et écologiste)
M. Jérôme Bignon, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Adopté en Conseil des ministres en 2014, ce texte a déjà connu un long cheminement. Ma tâche de rapporteur a été passionnante : les très nombreuses auditions menées et contributions reçues, que j'ai toutes décortiquées, ont fini de me convaincre que le sujet est capital. Merci aux collègues de la commission de l'aménagement du territoire, et à son président, qui ont rendu possible la construction d'une solution, sans doute imparfaite, mais qui atteint un équilibre pragmatique et réfléchi. La commission a adopté 222 amendements, issus de tous les groupes ; elle a repris la quasi-totalité de ceux de Mme Primas, une vingtaine d'amendements de simplification de Rémy Pointereau, une dizaine d'amendements portés par M. Cardoux au nom du groupe d'études chasse.
Il s'agit, avec ce texte, de la planète que nous laisserons à nos petits-enfants, aux conditions de la survie sur terre. Elizabeth Kolbert, lauréate du prix Pulitzer, a enquêté sur « La sixième extinction ». Elle relève que nous sommes entrés dans une ère nouvelle, celle de l'anthropocène, celle de la première extinction massive d'espèces causée par la seule action humaine. Les signaux d'alarme pleuvent : le taux d'extinction des amphibiens est 45 000 fois plus élevé que la normale ; un tiers des coraux, des mollusques d'eau douce, des requins et des raies, un quart des mammifères, un cinquième des reptiles, un sixième des oiseaux sont en voie d'extinction. Nous devons, en conscience, changer notre regard sur notre modèle de développement, sur notre action quotidienne. Saisissons la crise comme une opportunité dynamique pour valoriser la vie sur terre, tout en la protégeant.
Ce texte n'est pas une énième loi agricole, une loi chasse ou une loi nature statique consistant à mettre les paysages sous cloche ; c'est la clef de réussite de l'accord de Paris comme la loi de transition énergétique. Si nous ne le prenions pas au sérieux, nous ne ferions que reculer pour mieux sauter. On ne peut plus cloisonner les sujets en arguant d'intérêts sectoriels. Nous avons tous salué l'accord historique signé par plus de 190 pays. Nous sommes certes 348, mais le Sénat gagnerait à se situer comme déjà par le passé au-dessus de la mêlée, en montrant son engagement, son sens de la responsabilité et sa modernité.
Notre commission a eu la conscience de l'urgence, cherché raisonnablement un compromis équilibré, recentré le texte sur ses véritables enjeux en excluant les articles anti-chasse ou pro-chasse, hors sujet, et allégé les contraintes pour les acteurs.
La commission a supprimé à titre conservatoire l'article 34, qui crée des zones prioritaires pour la biodiversité. Nous nous sommes rendus en Alsace avec MM. Longeot et Médevielle, auxquels s'est joint M. Kennel. Il est toujours important d'aller sur le terrain.
M. Jean-Louis Carrère. - Très bien.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Nous avons constaté que la création de la zone prioritaire de biodiversité était inutile, compte tenu du travail déjà mené entre la chambre d'agriculture, les services de l'État et les agriculteurs ; la ministre en a convenu avec nous. Ce n'était pas le bon outil pour protéger le grand hamster.
Je me suis aussi rendu avec Mme Primas dans les Yvelines, département confronté à de gros problèmes d'urbanisation, où la compensation a été rendue obligatoire. Mise en oeuvre de manière intelligente et pragmatique, elle offre un complément de revenu aux agriculteurs et n'est plus douloureuse avec la contractualisation.
Nous devons simplifier le droit et alléger les contraintes, sans verser dans le simplisme - forme de poujadisme - ni dans l'opacité et la complexité, ennemies du législateur. Nous avons opté pour une rationalisation de l'Agence française pour la biodiversité.
Le titre IV tient compte de la position exceptionnelle de notre pays - à la fois fournisseur et utilisateur de ressources génétiques - au regard du protocole de Nagoya. Il s'agit de garantir que les ressources seront utilisées de manière durable et que les collectivités locales recevront des retombées justes et équitables. Je souhaite que nous réussissions cette mutation. Le pape François - en dehors de toutes considérations théologiques - nous appelle à redéfinir le progrès ; cet appel devrait nous rassembler. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UDI-UC)
Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques . - L'accélération fulgurante du développement économique aux XIXe et XXe siècles, emblématique de la conquête de l'homme sur la nature, a été un corollaire du progrès et de la prospérité, malheureusement au détriment de l'environnement. Depuis maintenant un demi-siècle, nous avons pris conscience de la raréfaction des ressources et de la dégradation des écosystèmes. Le monde économique doit intégrer ces enjeux nouveaux ; l'économie bleue et l'économie verte montrent que la protection de l'environnement peut aussi être une opportunité.
La législation environnementale a pris depuis les années 1970 une importance croissante au niveau national, européen et même mondial, comme en témoignent la généralisation des études d'impact, les directives Oiseaux et Habitats, et plus récemment l'Accord de Paris.
Ce texte arrive après les lois Grenelles I et II, qui en ont construit les fondations. La commission des affaires économiques s'en est saisie pour avis car préoccupations environnementales et économiques ne sont pas dissociables. L'ensemble des acteurs économiques - agriculteurs ou chasseurs, premières vigies de la biodiversité, doivent être associés dans une démarche partenariale, loin de l'écologie punitive. Certaines dispositions, surtout après la première lecture à l'Assemblée nationale, n'en étaient malheureusement pas éloignées. La multiplication des zonages, l'enchevêtrement des normes suscitent l'incompréhension sur le terrain, voire l'hostilité.
La commission des affaires économiques a donc proposé de supprimer certaines mesures source de complexité pour les élus locaux, notamment en matière d'urbanisme : ainsi des articles 29 bis, 32 quater, 36 quinquies A et 34, en privilégiant le réalisme plutôt que l'idéologie. À l'article 33, nous rappelons que le but principal est le développement, en équilibrant les obligations et contreparties des agriculteurs. Nul doute que nous aurons de riches débats à l'article 35, sur les résidus de produits pharmaceutiques ou l'interdiction des néonicotinoïdes...
Il ne n'agit pas d'une loi chasse ou d'une loi pêche. À cet égard, de nombreux amendements adoptés nuitamment par l'Assemblée nationale ont été mal perçus, notamment dans les zones rurales, où la chasse est socialement centrale. Merci à M Cardoux pour notre travail conjoint sur ce sujet.
Attention enfin, aux articles 18 et suivants, à ne pas pénaliser la recherche, publique ou privée, alors qu'une compétition mondiale fait rage dans le génie génétique. Je défendrai au nom de la commission des affaires économiques des positions qui ont été guidées par un souci d'équilibre entre le développement économique et la préservation de la biodiversité. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UDI-UC)
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission de la culture . - La commission de la culture s'est saisie pour avis des articles 69 à 71 ainsi que de l'article 74, mais pas sur la création de l'Agence française pour la biodiversité, même si certaines de ses missions nous intéressent. Nous vérifierons que les établissements d'enseignement et de recherche consultent bien les bases de données prévues et que la diffusion des connaissances sur la biodiversité est effective.
Nous avons cherché à concilier la protection du patrimoine avec le développement économique et à mieux associer les citoyens. Ce texte prévoit un grand ménage de printemps dans les 4 800 sites inscrits, qui représentent 2,5 % du territoire. Il est vrai qu'on y trouve de tout. La procédure date de 1930, l'inscription sur la liste départementale a été utilisée à des motifs hétérogènes et n'assure pas une protection suffisante. Ainsi, l'avis de l'architecte des bâtiments de France n'est-il que consultatif...
Le Gouvernement propose à l'article 69 de geler la liste des sites inscrits et de les redistribuer par arrêté dans d'autres catégories d'ici 2026. Certains seraient tout bonnement radiés : les sites dégradés de manière irréversible ou privilégiés par ailleurs. C'est surtout le gel qui inquiète les élus et les associations : l'impossibilité à l'avenir d'inscrire un site nous privera d'un outil souple, antichambre du classement et permettant un accès aux architectes des bâtiments de France. Faut-il croire que le Gouvernement veuille recentrer ses forces sur les sites les plus sensibles en laissant les collectivités territoriales orchestrer seules la protection de leur territoire ?
À l'article 74, les députés ont supprimé - contre l'avis du Gouvernement et de la commission - la dérogation relative aux bâches publicitaires lors de travaux sur les monuments classés ou inscrits, qui permettait d'affecter des recettes publicitaires aux travaux. Nous proposons de la rétablir.
Mme Sophie Primas. - Très bien !
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. - C'est pourquoi la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a rétabli la dérogation telle qu'elle existe aujourd'hui - et décidé de travailler sur le sujet dans le cadre de la loi Création, architecture et patrimoine que nous examinerons très prochainement. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - (Applaudissements au centre) Je veux d'abord féliciter Jérôme Bignon qui a fourni un travail colossal, rencontré près de 200 personnes, dans un délai contraint. Je remercie aussi les rapporteurs pour avis des commissions des affaires économiques et de la culture, ainsi que l'ensemble des membres de la commission du développement durable et des groupes politiques qui ont permis l'adoption consensuelle de ce texte. Merci à vous enfin, madame la ministre, pour votre écoute.
Ce texte a été adopté par notre commission le 8 juillet dernier avec plus de 220 amendements, qui reflètent toutes les sensibilités. Il est équilibré, réaliste, pragmatique, et même simplificateur, à l'image de ce que notre commission avait proposé pour la loi sur la transition énergétique, ce qu'appréciera M. Pointereau.
Je souhaite que nos débats en séance se déroulent eux aussi, comme en commission, sans a priori idéologique, sans postures, sans clivage partisan, mais de manière constructive. Les enjeux doivent nous rassembler. Ils prolongent l'accord historique signé à Paris le 12 décembre dernier. À nous de respecter l'engagement pris devant toute la planète, de le mettre en oeuvre concrètement et ce projet doit y contribuer.
Les interactions entre climat et biodiversité sont nombreuses : croissance des animaux, des plantes, migrations, voire disparitions d'espèces dépendent directement du réchauffement climatique. Le GIEC prévoit d'ailleurs la disparition de 20 % à 30 % des espèces animales et végétales, du fait du réchauffement climatique. La France est particulièrement exposée en raison de la diversité de ses territoires, notamment outre-mer.
Les écosystèmes agissent en retour sur nos cultures, nos civilisations, nos modes de vie, qu'ils ont contribué à modeler. Grâce à des stratégies efficaces, il est possible d?atténuer les conséquences du changement climatique. La biodiversité peut ainsi freiner la croissance du taux de CO2, au moyen des puits de carbone.
Elle n'est pas enfin sans lien sur notre économie, elle représente à cet égard un atout, car elle fournit des opportunités économiques et d'innovation - je pense au biomimétisme.
Ce texte est donc bienvenu, et attendu : adopté en conseil des ministres le 26 mars 2014, à l'Assemblée nationale le 24 mars 2015, par notre commission en juillet, il offre une vision juste et dynamique de la biodiversité. Il nous revient d'adopter une vision plus équilibrée et plus pragmatique du texte voté à l'Assemblée nationale, sans bouleverser les équilibres trouvés, une vision positive. Veillons à légiférer sans perdre de vue l'intérêt général ! (Applaudissements au centre, ainsi que sur les bancs du RDSE ; M. Jérôme Bignon, rapporteur, et Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis, applaudissent également)
Mme Évelyne Didier . - Quatre ans après la Conférence environnementale, nous voici enfin réunis pour protéger la biodiversité, donc assurer un avenir à l'humanité. La France a un rôle particulier à jouer, qui possède la deuxième façade maritime au monde, grâce notamment à ses territoires d'outre-mer, chers à Paul Vergès, ici présent.
Ce texte, dans la lignée de la loi fondatrice de 1976, est très attendu. Nous partageons toutefois la vision de la biodiversité comme système vivant, dynamique et interactif et non plus seulement, comme dans la loi de 1976, comme élément purement patrimonial.
Il y a urgence à agir, les chiffres ont été rappelés : 17 000 espèces disparaissent chaque année ! Les scientifiques tirent tous le signal d'alarme, en signalant ce qu'ils nomment la « sixième crise d'extinction ». Il y a dix ans déjà, un colloque organisé ici-même par nos collègues Jean-François Legrand et Marie-Christine Blandin, parrainé par Hubert Reeves, en dressait le constat. Le consensus progresse dans la société civile, grâce à des personnalités comme Nicolas Hulot, qui nous appelle à oser changer la société.
La création de l'Agence française pour la biodiversité procède d'une bonne démarche : la biodiversité est un tout. Or 225 millions d'euros lui seront consacrés, qui représentent les moyens additionnés des structures existantes ; les besoins étaient pourtant chiffrés à 400 millions d'euros par an par les deux rapports de préfiguration... Une chose est claire : les ressources des agences de l'eau - 150 millions - ne suffiront pas. De plus, ce financement provient en très grande partie - 80 % - des ménages ! L'élargissement des compétences des agences de l'eau - à l'ensemble de la biodiversité terrestre - par l'amendement adopté à l'Assemblée nationale ne peut donc pas nous satisfaire. Le Grenelle avait pourtant abouti à l'objectif de 300 millions d'euros par an fléché vers la biodiversité. Enfin qu'attendre des agences si l'État continue de ponctionner leur fonds de roulement ?
La mission de préfiguration renvoie maintenant la question du financement au comité pour l'économie verte : espérons qu'elle ne subisse pas le même sort que Bercy a réservé en matière fiscale au groupe sur les déchets ! Un débat doit rapidement être ouvert sur les moyens de l'Agence française pour la biodiversité, sujet encore évoqué aux Assises nationales de la biodiversité de 2015.
Il est regrettable que le dialogue n'ait pas été plus poussé avec les organisations syndicales, qui loin de considérer la création de l'agence comme une chance, s'inquiètent d'abord des conditions de la disparition de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema). Ainsi, 76 suppressions d'emplois sont prévues en 2016 dans le périmètre de la future Agence française pour la biodiversité : est-ce cohérent ? Le statut du personnel de l'office doit être précisé. En attendant, nous soutiendrons leur grève, le 4 février prochain. Nous déposerons un amendement d'appel sur ce point.
L'Agence française pour la biodiversité travaillera avec les régions volontaires, dites-vous madame la ministre. Nous n'approuvons pas cette tendance au transfert de compétences... L'État ne doit pas se désengager du soutien à la biodiversité. Le Conseil national est, lui, opportun, de même que l'article 4 sur les stratégies nationales. Toutefois, nous proposerons des amendements sur la notion de services écosystémiques et nous opposerons aux tentatives de marchandisation de la nature, qui se multiplient avec les brevets sur le vivant et appauvrissent la notion de bien commun qui devrait prévaloir. Certains se résolvent à faire prendre en charge la nature par le marché. Si tous les pays et l'OMC décidaient de faire de la politique, on pourrait affirmer que l'économie est au service des hommes et pas le contraire. Mais je rêve ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, républicain et citoyen ; M. Joël Labbé applaudit aussi)
Nous proposerons de rétablir, au titre V, l'article sur les produits phytosanitaires de la famille des néonicotinoïdes.
Le principe ERC est reconnu dans notre droit et nos engagements internationaux. Mais le dispositif de réserves d'actifs, dont l'efficacité n'est pas démontrée, engage la financiarisation du vivant ; nous ne le soutiendrons pas.
À quand une COP sur la biodiversité à Paris madame la ministre ?
Mme Ségolène Royal, ministre. - Il y en aura une au Mexique en décembre.
M. François Patriat. - Très bien !
Mme Évelyne Didier. - Madame la ministre, je salue votre engagement et votre écoute, ainsi que ceux de notre rapporteur. Ce texte marque des progrès, nous serons attentifs à leur application. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen, du groupe écologiste ; M. Raymond Vall applaudit aussi)
M. Hervé Poher . - (Applaudissements sur plusieurs bancs socialistes) Le projet de loi s'intitule : « reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ». Chaque mot compte. La reconquête, voilà une véritable ambition. Oui, le champ d'intervention est ambitieux, qui embrasse tout notre patrimoine commun, notre héritage, reçu, si j'ose dire, en indivision. Il en va de notre responsabilité : quelles que soient nos sensibilités, face aux enjeux de la « sixième extinction » on ne peut plus attendre ni rester inerte.
On reproche souvent aux décideurs un manque de continuité dans l'action. Ce reproche ne peut vous être fait, madame la ministre : vous avez un fil rouge, une vision ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Dans cette enceinte, on entend surtout les termes juridiques code, norme, droit. Permettez-moi de situer mon intervention sur un autre terrain, plus philosophique, mettre de la tendresse dans un océan de pragmatisme...
M. Didier Guillaume. - Très bien !
M. Hervé Poher. - J'ai eu l'honneur de présider un parc naturel régional, terrain d'expérimentation, d'exception, d'excellence. Permettez-moi de citer mon dernier discours en cette qualité. « N'oubliez jamais, disais-je, que les gens ont besoin qu'on leur raconte une histoire : joyeuse ou triste, vraisemblable ou impossible, réaliste ou fantasmagorique... Peu importe : le principal, c'est qu'on leur raconte une histoire.
« Si nous, décideurs, nous ne le faisons pas, les gens écriront une histoire eux-mêmes et le résultat ne sera pas toujours ce qu'on aurait souhaité ».
Le mot « reconquête » signifie tout cela : une belle aventure, celle racontée par Nicolas Hulot ou Yann Arthus-Bertrand. L'ours, le dauphin, l'éléphant, font partie de notre enfance. Une fleur, fût-elle modeste, est l'image même de la beauté ; un coucher de soleil sur un horizon vierge offre un moment de plaisir inoubliable ; la coccinelle reste, elle, pour les enfants, la bête à bon dieu (On apprécie sur divers bancs) : que d'histoires à raconter ! N'oublions pas ce que veulent les gens, n'oublions pas notre patrimoine commun !
Nous avons des débats ; il est normal que chacun défende sa vision de la nature, la situation des agriculteurs. Mais n'oublions pas que la nature n'est pas réductible à des normes, car elle engage tout le vivant.
Je vous en remercie au nom, madame la ministre, de ce texte qui parle à notre raison mais aussi à notre coeur, à celui de grand-père qu'est le mien. Puisse ce texte préparer l'avenir des générations futures. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et écologiste)
M. Jean-Pierre Sueur. - Merci pour ce discours très littéraire !
M. Ronan Dantec . - Près d'un an après sa première lecture à l'Assemblée nationale, nous abordons enfin ce texte ! À ce stade du débat, j'ai déjà quelques craintes. Celle d'abord, que la coalition de lobbies de toute sorte, mus par la conception d'une agriculture toujours plus shootée aux produits phytosanitaires, le droit des uns de chasser sans contrainte, des autres de polluer de même, de réaliser des infrastructures qui alimentent le BTP, ne fasse résonner ici cette petite musique bien connue, selon laquelle « l'environnement, ça commence à bien faire » !
Il faut beaucoup d'abnégation pour faire avancer ce pays sur la voie de la protection de la nature. Il suffit de comparer la situation de l'ours en France et chez nos voisins pour s'en convaincre. En Espagne et en Italie, on brandit volontiers dans les régions concernées leur présence comme un argument de promotion touristique. En Grèce, une autoroute a été détournée pour ne pas leur nuire. Dans nos Pyrénées, pendant ce temps, deux ours bruns mâles en désespoir de se perpétuer, parcourent en vain des dizaines de kilomètres en se frottant sur les troncs pour y laisser leur trace olfactive. (Mouvements divers) Oui, en France, membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, on n'est pas capable de relâcher deux ourses pour permettre leur reproduction dans les Pyrénées occidentales d'où elles ont totalement disparu...C'est aussi dans notre beau pays que l'on défend bec et ongle la chasse à la glu - je m'étonne que personne n'ait encore demandé le retour des pièges à mâchoires... (Fortes exclamations à droite)
Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis. - Provocations inutiles !
M. Ronan Dantec. - Les schémas régionaux de cohérence écologique et de la diversité, adoptés l'an passé, sont de réelles avancées. On ne peut donc que s'inquiéter du souhait de Xavier Bertrand, à peine élu, de supprimer le CRCE, outil clé de la protection de la biodiversité de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie.
La question de la compensation restera centrale. Pour certains aménageurs, le principe ERC revient surtout à éviter ou réduire la compensation (Sourires...)
La spoliation des communautés locales de leur savoir-faire fera aussi l'objet de notre vigilance...
Trouver l'équilibre entre activité humaine et protection de l'environnement est un impératif. À défaut, nous disparaîtrons.
Avançons et ne laissons pas les ourses célibataires se morfondre dans nos Pyrénées. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)
M. Stéphane Ravier . - La biodiversité doit être un souci permanent car sans elle, plus de vie humaine. Elle doit être envisagée dans sa globalité. Ce texte révèle aussi une contradiction majeure, puisqu'il s'appuie sur le modèle économique ultralibéral et mondialiste qui crée ce qu'il combat. Comment peut-on continuer à débattre ici la main sur le coeur de la biodiversité et en même temps de continuer à négocier ou plutôt à se faire tordre le bras par les cosignataires du traité TAFTA ? Défendons plutôt notre patrimoine économique ! Dans ma région, 15 millions de repas de cantine sont servis annuellement dans les lycées. Qu'attendons-nous pour les approvisionner produits localement ? Nul doute que le super-résistant niçois relaiera mon appel (Sourires)
Pendant que vous prônez ici le respect de la nature, le Premier ministre laisse faire sans broncher une pollution chimique sans vergogne qui menace les calanques marseillaises, en autorisant le rejet de polluants toxiques par la société Altéo, au nom du chantage à l'emploi : autre incohérence...
La mal nommée chasse à la glu fait encore l'objet de l'acharnement idéologique d'ayatollahs verdoyants n'ayant connu d'autres marais que celui des bobos de Paris... Heureusement que la commission a supprimé son interdiction ! En revanche, nous réitérons notre soutien à l'interdiction des néonicotinoïdes et nous regrettons que la commission ait supprimé cette interdiction.
Nous sommes, nous, favorable à une véritable écologie, débarrassée de tout écologisme. Je conclurai avec les propos du Saint-Père dans son encyclique Laudato Si, largement citée lors de la COP21 : « Une stratégie de changement réel exige de repenser la totalité des processus, puisqu'il ne suffit pas d'indure des considérations écologiques superficielles pendant qu'on ne remet pas en cause la logique sous-jacente à la culture actuelle ».
M. Guillaume Arnell . - Je m'exprimerai sur un autre ton. Le projet de loi crucial et attendu prolonge les décisions prises à la COP21 ; le Gouvernement confirme ainsi des priorités.
En août dernier, l'ONG Global Footprint Nework, inventeure du concept d'empreinte écologique, révélait que la couverture de nos besoins nécessiterait une planète supplémentaire ; deux, d'ici 2030 ! C'est dire l'ampleur du défi que nous devons relever.
La France possède le deuxième espace maritime au monde, une triple façade maritime, une biodiversité remarquable grâce aux outremers et se situe au cinquième rang mondial pour le nombre d'espèces menacées. Notre responsabilité est toutefois globale, et dépasse nos frontières ; 15 % des espèces mondiales sont en danger.
Cette loi annonce un tournant majeur pour la prise de conscience environnementale. En tentant de fournir des alternatives concrètes, cette loi et la loi Transition énergétique offrent des solutions viables pour emprunter le chemin d'une croissance verte et bleue. Cette politique ne se limite pas à la volonté de limiter la détérioration de la biodiversité : elle encourage également la recherche et l'innovation, maillons indispensables de la chaîne de transition écologique.
La création de l'Agence française pour la biodiversité (AFB), instance unique, unifiera la mise en oeuvre de la stratégie écologique. Le Comité national de biodiversité est une autre avancée. En charge du pôle développement durable de ma collectivité, j'insiste sur l'indispensable représentation dans ces deux instances, de tous nos territoires d'outre-mer qui abritent une part colossale de la biodiversité de notre pays.
La détérioration des mangroves nous rend plus vulnérables aux catastrophes naturelles. Les dégâts causés à Saint-Martin par les multiples ouragans, Luis et Marilyn en 1995 et plus récemment Gonzalo nous l'ont amèrement rappelé. La prolifération des algues sargasses sur nos littoraux et l'arrivée d'espèces dévastatrices dans nos eaux - tel le poisson-lion - sont autant de menaces à la préservation de notre biodiversité.
Ces phénomènes ont aiguisé notre sensibilité à ces questions, et nous restons vigilants sur le niveau de la mer. Nous serons soucieux de diffuser les bons messages à nos compatriotes et suivrons ces débats avec le plus vif intérêt. Nous voulons l'approuver. Notre vote de mardi prochain dépendra de leur résultat. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et socialiste et républicain)
Mme Chantal Jouanno . - Ces questions suscitent parfois des oppositions fortes parce qu'elles engagent des philosophies de l'homme. La création de l'AFB est une avancée incontestable. Elle avait déjà été prévue par le Grenelle, que je présidais alors. Ma vie de secrétaire d'État à l'écologie fut écourtée. Je regrette que l'Office national de la Chasse et de la faune sauvage (ONCFS) n'intègre pas l'Agence, d'autant que le monde de la chasse connaît bien la biodiversité.
La ratification du protocole de Nagoya reconnaîtra officiellement que la biodiversité participe au développement économique ainsi que son caractère patrimonial pour les peuples autochtones. Pour ces deux seules raisons, j'approuve ce texte.
Nous devrions assister ici même à des débats scientifiques avec Hubert Reeves, Gilles Boeuf, Jean-Marie Pelt, s'il était encore parmi nous, pour battre en brèche l'idée darwinienne selon laquelle l'homme s'opposerait au reste de la nature. Du protozoaire à la sexualité humaine, il y a un continuum ; nos cellules sont d'ailleurs majoritairement d'origine extra-humaine... Vous êtes tous, du reste, une ode à la biodiversité : songez que vous contenez dix fois plus de cellules non humaines qu'humaines... C'est dire la gravité qu'aurait la 6e extinction.
La clarification de la compensation, l'interdiction du chalutage profond des néonicotinoïdes, de certaines méthodes de chasse comme celle à la glu...
M. Stéphane Ravier. - Allez sur le terrain, vous verrez ce qu'il en est !
Mme Chantal Jouanno. - ...sont indispensables. Je vous invite à écouter les scientifiques, plutôt que de faire de la politique. (« Oh ! » à droite ; applaudissements au centre, ainsi que sur les bancs des groupes écologiste et RDSE)
M. Louis Nègre . - Notre époque semblait n'avoir que des incertitudes et des inquiétudes à nous proposer. L'accord de la COP21 nous a offert une accalmie, et le travail de Jérôme Bignon nous trace des perspectives.
Il faut questionner notre modèle économique, j'en conviens. Notre modèle de développement nous emprisonne dans une forme d'adolescence économique dont il nous faut sortir.
La loi de transition énergétique nous permettait déjà de sortir de ce paradigme et de bousculer quelques lobbies. Cette loi la complète et revêt un caractère d'urgence : notre maison brûle - pour reprendre les mots tant du pape François que d'Hubert Reeves.
Le rapport, en juin dernier, des plus grandes universités américaines, évoquait une 6e extinction de masse : la maison est en feu !
Saint-Exupéry l'a dit : on n'hérite pas la terre de nos aïeux, on l'emprunte à nos enfants... Notre responsabilité humaine, morale et politique est engagée.
Ce texte comporte des avancées importantes, ambitieuses - mais son architecture est-elle cohérente ? Je serai critique sur des articles additionnels introduits à l'Assemblée nationale, qui affaiblissent la rédaction initiale : l'article 74 contre les bâches publicitaires, par exemple, sans parler des centaines d'amendements apparus ces derniers jours. Ces ajouts confirment l'adage « le mieux est l'ennemi du bien » - je salue les suppressions faites en commission.
Ce texte ne fait cependant qu'effleurer la réforme des polices de l'environnement, c'est dommage. Même remarque pour le système d'accès et de partage des avantages - toutes les inquiétudes ne sont pas levées.
Enfin, à l'article 33, notre rapporteur a sécurisé le nouveau contrat, au bénéfice des professions agricoles : les agriculteurs seront libres de consentir aux obligations environnementales ; je compte sur leur compétence, leur connaissance du terrain, leur amour de la nature pour être ambitieux dans la reconquête d'une biodiversité dont les Français sont si fiers...
À l'article 69, la possibilité de réinscrire de nouveaux sites est une bonne chose.
Ce texte rationnel et ambitieux était devenu brouillon après son passage à l'Assemblée nationale ; le Sénat fait oeuvre utile en lui redonnant force, équilibre, pragmatisme : je voterai ce texte nécessaire pour l'avenir de la planète.
Organisme extraparlementaire (Nomination)
Mme la présidente. - La commission des affaires étrangères a proposé une candidature pour le Conseil national du développement et de la solidarité internationale. La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du Règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Henri de Raincourt membre titulaire du Conseil national du développement et de la solidarité internationale.
Délégation (Nomination)
Mme la présidente. - Je rappelle au Sénat que le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Le délai prévu par l'article 8 du Règlement est expiré. La présidence n'a reçu aucune opposition. En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Christiane Hummel, membre de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, en remplacement de Mme Vivette Lopez, démissionnaire.
La séance est suspendue à 16 h 35.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 16 h 45.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je veux saluer avant cela des militaires de l'opération Sentinelle, tirailleurs d'Épinal, présents en tribune, qui assurent, avec les forces de police et de gendarmerie, notre sécurité. (Mmes les sénatrices et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent)
Plan pour l'emploi (I)
M. Jean-Claude Boulard . - Madame la ministre de l'emploi, le plan annoncé hier par le président de la République répond à une urgence sociale. Oui, un jeune en formation, c'est mieux qu'un jeune au chômage (Exclamations à droite). Au-delà de l'allègement du coût de la première embauche et la simplification des recrutements, il faut oeuvrer à la correction de l'inadaptation de notre marché de l'emploi - qu'illustre le trop grand nombre de postes non pourvus. Le numérique est un secteur d'avenir, il y a dans nos quartiers des jeunes dynamiques qui maîtrisent mieux le langage de l'informatique que celui de Molière... Qu'envisagez-vous de faire concrètement, madame la ministre, pour assurer le succès du plan ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social . - Les conditions de croissance seront meilleures en 2016 qu'en 2015. (Exclamations et marques d'ironie à droite) Mais nous savons qu'une partie des personnes les moins qualifiées restent au bord du chemin. L'enjeu est de partir des besoins, bassin d'emploi par bassin d'emploi. J'ai saisi les Dirrecte et les directeurs régionaux de Pôle Emploi pour construire des parcours de formation et d'insertion dans les secteurs stratégiques comme la transition énergétique et le numérique.
Le plan a aussi vocation à stimuler la création d'emplois, à mieux accompagner la création d'entreprise. Toutes ces mesures sont bonnes pour la compétitivité de notre pays et remédier à l'inadéquation offre-demande.
Début février, les partenaires sociaux et les régions seront réunis pour décliner les modalités d'application de ce plan. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-Claude Boulard. - Depuis janvier 2015, tout invite à l'union et au rassemblement. J'espère que cela vaudra aussi pour l'emploi.
Plan pour l'emploi (II)
M. Jean-François Longeot . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC) Après l'annonce du plan pour l'emploi par le président de la République, nous sommes tout sauf convaincus - d'abord par son coût, non couvert, ni par son ampleur. Seulement 1 % des chômeurs seront couverts par la nouvelle offre de formation...
M. Didier Guillaume. - C'est déjà ça !
M. Jean-François Longeot. - Et la prime à l'embauche n'est pas opportune : les entreprises ont besoin d'une baisse pérenne de leurs charges. Veut-on donner l'illusion d'une baisse du chômage avant les élections ?
Commençons par réformer le droit du travail et notre système de formation, donnons plus d'autonomie aux régions, plus de souplesse aux entreprises. Le Sénat, en 2015, proposait de confier le service public de l'emploi aux régions. Le Gouvernement s'y est opposé... Monsieur le Premier ministre, qu'en pensez-vous ?
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social . - Vous n'êtes pas convaincus qu'il faut former les chômeurs ? (Exclamations à droite) L'Allemagne forme 2 chômeurs sur 10, l'Autriche, 4 sur 10 ; nous seulement 1 sur 10 ! Nous allons proposer des formations supplémentaires, loin de tout traitement statistique (mouvements divers à droite) puisque ces chômeurs ne disparaîtront pas des chiffres de Pôle emploi. Ces formations seront adaptées aux besoins opérationnels des entreprises.
Tous les acteurs de l'emploi doivent prendre leur responsabilité. Le Premier ministre organisera un séminaire (marques d'ironie à droite) avec les régions, les partenaires sociaux, les représentants de l'État et pour une mise en oeuvre opérationnelle concertée. Et nous sommes ouverts à toutes les expérimentations. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Situation de l'agriculture
M. Jean-Claude Lenoir . - (Applaudissements à droite) L'agriculture et l'élevage traversent une crise sans précédent. Le Gouvernement a pris des mesures conjoncturelles. De son côté, le Sénat, sous l'impulsion de son président, travaille sans relâche à des mesures structurelles pour offrir des perspectives au monde agricole ; c'est en particulier l'objet de la proposition de loi que nous avons adoptée en décembre et qui arrive à l'Assemblée nationale le 4 février prochain. La soutiendrez-vous, monsieur le ministre ? (Applaudissements au centre et à droite)
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement . - La crise de l'élevage, que ce soit pour le lait ou la viande bovine, est avant tout une crise du marché européen et mondial. Pour la filière porcine, la crise dure depuis près de dix ans. Les dispositions du pacte de responsabilité consacrées à l'agriculture et à l'agroalimentaire se montent à 4,3 milliards d'euros, soit l'équivalent du budget de mon ministère...
M. François Grosdidier. - Répondez à la question !
M. Stéphane Le Foll, ministre. - Vos propositions doivent compléter les mesures que nous avons prises. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-Claude Lenoir. - La logorrhée n'est pas la meilleure réponse à une question précise ! (Exclamations à gauche ; applaudissements à droite) Les éleveurs connaissent un véritable désarroi, chacun ici peut en témoigner. Le premier semestre s'annonce particulièrement difficile ; or nous proposons de rééquilibrer les relations entre tous les acteurs de la filière, de financer l'investissement et la gestion des risques et aléas, notamment sanitaires.
Nous avons entendu la réponse du porte-parole du Gouvernement, nous attendions celle du ministre des agriculteurs ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UDI-UC)
Virus Zika
M. Guillaume Arnell . - Madame la ministre des affaires sociales, selon le dernier bulletin de la cellule épidémiologique interrégionale Antilles-Guyane, nous faisons face, avec le virus Zika, au début d'une épidémie mondiale. Transmis par piqures de moustique tigre, ce virus est dangereux, surtout pour les femmes enceintes, mais encore peu connu. Apparue en Asie-Pacifique, la maladie a gagné l'Amérique latine en 2015 ; entre 400 000 et 2,3 millions de cas sont recensés. Les premiers cas ont été détectés fin novembre 2015 en Guyane et aux Antilles où ils sont plus de 600 désormais. Comprenez notre inquiétude. Quelles mesures prendrez-vous pour faire face au phénomène ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes . - Les premiers cas autochtones ont été détectés fin décembre 2015 en Guyane. La Martinique connaît avec 47 cas confirmés un début d'épidémie ; de même la Guyane, avec 15 cas ; et les premiers cas ont été constatés en Guadeloupe et à Saint-Martin.
Comme la dengue et le chikungunya, les symptômes sont grippaux et généralement peu importants, mais des complications neurologiques sont possibles ainsi que des cas de malformation des foetus.
Dès les premiers cas connus, j'ai pris des mesures d'information de la population - des messages ont été diffusés aux voyageurs et aux professionnels de santé. Les autorités sanitaires locales ont été mobilisées. Les directeurs d'ARS ont déployé des plans d'action. L'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires se tient prêt. Et j'attends cette semaine les recommandations du Haut Conseil en santé publique. Comme vous le voyez, les pouvoirs publics sont mobilisés.
Fiches S
Mme Corinne Bouchoux . - Monsieur le ministre de l'intérieur, quelles sont les modalités d'ouverture et le contenu des fiches S ? Les différentes catégories ? Les modalités de mise à jour ? Suffit-il, par exemple, d'être contre un aéroport, pour être fiché ainsi ? Quelles garanties nous prémunissent-elles contre les mésusages ? Quels sont les recours ? Comment sort-on du fichier ? Comment éviter des erreurs matérielles ? Quid des homonymies ? Quelle collaboration avec la Cnil ? Qui les consulte ? Le savez-vous ? Les citoyens doivent être éclairés. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur . - Les services de renseignements seraient-ils plus dangereux que les terroristes eux-mêmes ? (Rires et applaudissements à droite et sur quelques bancs des groupes socialiste et républicain et UDI-UC)
La fiche S n'est pas une fiche de culpabilité mais de mise en attention des services, en raison du comportement d'un individu ou du risque qu'il présente, notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Ces fiches ont une durée de vie d'un an et peuvent être réévaluées à tout moment. Après un an, les services disposent de deux mois pour justifier leur prorogation ; au-delà, elles sortent du dispositif.
Des homonymies ? Non : la mention de la date de naissance écarte tout risque. J'ai encore beaucoup de choses à vous dire mais le président me rappelle à mon temps de parole... Vous me poserez la prochaine fois une autre question... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Corinne Bouchoux. - Il n'y avait ni malice ni soupçon dans mon propos. Dans un État de droit, aucune question ne doit être taboue. Nous serons très satisfait d'avoir pourvu aux risques si d'aventure, demain, nous connaissions un régime moins démocratique que le nôtre...
Plan pour l'emploi (III)
M. Jean-Pierre Bosino . - Madame la ministre du travail, quand allez-vous renoncer aux vieilles recettes, celles de Raymond Barre il y a quarante ans ? Les aides aux entreprises, les exonérations sont inefficaces et coûteuses, elles ne créent pas d'emploi. Vous annoncez 500 000 formations nouvelles... Où est la nouvelle politique industrielle ? Où est la relance du pouvoir d'achat pour la croissance ? L'annonce faite hier est une liste à la Prévert de mesures toutes plus libérales que les autres. Mais l'interdiction des licenciements boursiers, votée par la gauche au Sénat en 2011, vous n'y pensez plus... Allez-vous enfin renoncer aux vieilles recettes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social . - Investir dans la formation de 500 000 demandeurs d'emploi, ce n'est pas une recette libérale !
M. Didier Guillaume. - Très bien !
Mme Myriam El Khomri, ministre. - L'investissement humain en direction des chômeurs et de leur qualification est déterminant pour la compétitivité de notre économie. Le compte personnel d'activité est une mesure de progrès social...
M. Didier Guillaume. - Une grande avancée !
Mme Myriam El Khomri, ministre. - ...qui attache des droits aux personnes, tout au long de leur carrière, plutôt qu'aux statuts : voilà comment on élabore un nouveau modèle social. Le statu quo n'est plus possible. Le pacte de responsabilité, le CICE ne sont pas des cadeaux aux entreprises, ils construisent un écosystème. Je crois au dialogue social et à la force des syndicats. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)
M. Jean-Pierre Bosino. - Ne nous faites pas dire que l'investissement humain n'est pas une bonne chose ; mais vous ne faites que répondre aux exigences du patronat et des actionnaires. Votre politique ne sert pas les intérêts des travailleurs. Il est temps de mettre en oeuvre les promesses de 2012. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Grippe aviaire
M. Jean-Louis Carrère . - Monsieur le ministre de l'agriculture, nous faisons face à une épizootie d'influenza aviaire qui touche 18 départements, dont les cinq d'Aquitaine. Elle nous contraint à un dépeuplement total de la zone ; il devra se faire dans le respect des oiseaux. Rendez-vous compte : cela concerne 28 millions de canards, soit tous ceux de mon département et les trois quarts des canards IGP du Sud-Ouest. L'euthanasie n'a pas la faveur de la profession, qui préfère attendre la fin du cycle naturel des animaux ; elle a été entendue.
Le manque à gagner serait de 250 à 400 millions d'euros. Quid de la prise en charge par l'État ? De la règle de minimis ? Pour tout cela, aidez-nous, l'agriculture fait partie de notre identité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement . - Les conséquences de la décision que j'ai prise sont lourdes pour toute la filière, en effet. Mais elles seraient plus lourdes encore sans cette décision.
Le vide sanitaire - c'est une première - a commencé le 18 janvier et se terminera en avril pour un redémarrage de l'élevage à la fin du second trimestre. On ne peut prendre aucun risque. Cela aura, vous l'avez dit, des conséquences économiques. La commission européenne m'a confirmé l'aide accordée à la France ; tous les producteurs, petits ou grands, les abattoirs seront concernés. Des aides pour perte de revenus seront mises en place. Les détails seront finalisés la semaine prochaine avec tous les représentants de la filière. Au jour où le gavage est décrié à l'Assemblée nationale par une vedette d'outre-Atlantique, je défendrai la filière avicole, croyez-moi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Lenteur du processus parlementaire
M. François Pillet . - Lors de ses voeux, le président de la République a évoqué la lenteur du travail parlementaire. Or le Gouvernement nous soumet à une inflation législative sans précédent - par exemple la loi Transition énergétique et ses 215 articles. Vous recourez presque systématiquement à la procédure accélérée mais laissez passer six mois entre les lectures - . Voyez la loi Macron qui a occupé une année entière, devenue fourre-tout en passant de 106 à 300 articles... Sans parler de ses décrets d'application : 84 sont toujours en attente de publication ... Ne vaudrait - il pas mieux, pour conclure le travail législatif dans de meilleurs délais, des textes plus réfléchis, plus aboutis ? (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Nous sommes tous concernés par votre question puisque c'est de notre pays qu'il s'agit. Je salue l'initiative de M. Larcher de rétablir l'utilisation de l'article 41 de la Constitution qui allège le travail parlementaire. Nous devons continuer dans ce sens. La plupart des lois sont adoptées en moins de 150 jours, quoique des textes aient un parcours excédant les 300 jours ; mais la loi relative à l'état d'urgence, conformément aux attentes des Français, a été adoptée en quelques jours seulement. Vous reconnaîtrez avec moi que malgré la réforme de 2008 subsistent des redondances entre les travaux en commission et en séance. Nous devons aller plus loin, le président de la République nous y invite, pourvu que soit préservée l'intensité réformatrice.
M. François Pillet. - Examen législatif ou ordonnances, la comparaison est plutôt à notre avantage... Les réformes sociétales sont toutes d'application immédiate, les textes économiques sont à la traîne... (Applaudissements au centre et à droite)
Emploi
M. Claude Nougein . - Monsieur le Premier ministre, la bonne nouvelle est arrivée : le chômage est tombé à 6 %... en Allemagne, au Royaume-Uni... Il décroît en Espagne. En France, au contraire, il progresse : c'est que nous récoltons la folie fiscale que vous avez semée : la pression fiscale atteint 47 % du PIB, nous sommes au deuxième rang mondial, dix points de plus que chez nos concurrents. La courbe du chômage s'inversera peut-être cosmétiquement grâce à l'habileté du président de la République, que je connais bien... Pourquoi investir en France quand l'impôt sur les sociétés est à 33 %, contre 25 % en moyenne européenne, quand l'ISF accentue la pression, quand les actionnaires sont plus taxés qu'ailleurs : vous paralysez les entreprises ! Le président de la République n'a annoncé que des demi-mesures. Monsieur le Premier ministre, quand prendrez-vous les mesures structurelles qui s'imposent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget . - Malgré ce que vous dites, la pression fiscale n'a jamais autant baissé depuis dix ans ! (On s'interroge à droite) Le CICE réduit les impôts des entreprises de 18 milliards d'euros par an ; le pacte de responsabilité, les contributions sociales de 7 milliards. Nous avons réduit d'un milliard la fiscalité sur les travailleurs indépendants, nous réduisons de 500 millions l'impôt des entreprises qui investissent. Alors, dire que le Gouvernement écrase les entreprises, ça suffit ! (Exclamations à droite ; applaudissements à gauche) Monsieur le sénateur, il vous reste un peu de temps pour nous exposer les mesures structurelles que vous appelez de vos voeux !
M. Claude Nougein. - Tous les pays dont le chômage a diminué n'ont pas fait le CICE... (Les exclamations sur les bancs du groupe socialiste et républicain rendent le propos inaudible ; applaudissements à droite)
Rentrée scolaire en Guadeloupe-Martinique
M. Jacques Cornano . - Madame la ministre de l'éducation nationale, je vous interroge sur la répartition des postes enseignants à la rentrée 2016 ; les 6 539 postes marquent un effort sans précédent. Dans l'académie de Guadeloupe pourtant, aucune création dans le premier degré, 35 suppressions dans le deuxième... C'est incompréhensible, compte tenu du niveau d'illettrisme et du nombre d'élèves en décrochage scolaire. Sans parler des 65 % de chômeurs parmi les jeunes de moins de 25 ans. Vous n'avez manifestement pas tenu compte du caractère archipélagique de notre territoire. Le malaise des enseignants et des familles est profond.
La Guadeloupe a pourtant un formidable potentiel ; des moyens supplémentaires sont nécessaires. Nos jeunes doivent pouvoir croire en l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Le Gouvernement fait des efforts considérables pour l'enseignement depuis 2012 (marques d'ironie à droite) et les 60 000 nouveaux postes annoncés seront bien un rendez-vous à la fin du quinquennat - nous en sommes à 47 000.
À la rentrée 2016, premier et deuxième degrés confondus, la Martinique perd 1 639 élèves et la Guadeloupe 2 336. La réalité est donc moins dure que ce à quoi la démographie aurait dû conduire. Nous mettons l'accent sur le primaire - plus de maîtres que de classes, préscolarisation. Aucun poste n'est supprimé dans le premier degré.
L'éducation prioritaire profite enfin largement aux Antilles avec en Guadeloupe trois établissements en REP+ et 13 en REP, quand la Martinique compte neuf établissements en REP+ et 13 en REP. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
La séance est suspendue à 17 h 35.
présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente
La séance reprend à 17 h 45.
Reconquête de la biodiversité (Suite)
Discussion générale commune (Suite)
Mme Annick Billon . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC) L'évolution de la biodiversité est préoccupante, particulièrement en France : en tant que huitième pays hébergeant le plus grand nombre d'espèces menacées, nous avons une responsabilité colossale. Ce texte transpose le droit international en matière de défense de la biodiversité, autour de l'institution opérationnelle qu'est l'Agence française pour la biodiversité.
Les principes fondamentaux déclinés dans les titres I et II apportent une conception plus dynamique de la biodiversité que la définition, inscrite dans le code de l'environnement, découlant de la convention des Nations unies de 1992. Nous saluons la transposition du triptyque « éviter, réduire, compenser ». Agriculture, sylviculture et environnement sont complémentaires : on ne peut opposer défense de la nature et exploitation économique des ressources naturelles. D'où la nécessité d'un profond changement de culture. Des méthodes agricoles innovantes existent : en Vendée, l'Association pour la promotion d'une agriculture durable promeut les semis directs sous couvert végétal.
Il faut clarifier les objectifs et simplifier les structures. Notre groupe a déposé des amendements pour améliorer la représentation des acteurs économiques dans la gouvernance, meilleure façon de favoriser la mutation de leur activité. Grâce à Jérôme Bignon, tous les acteurs sont représentés au sein du Conseil national ; mais soyons lucides, c'est l'AFB qui prendra les décisions.
Le réchauffement climatique aide des espèces exotiques invasives importées à se développer dans le marais vendéen, comme la Jussie et la Myriophylle du Brésil. Parmi les plantes terrestres, citons le Baccharis. L'arrachage coûte très cher. L'ensemble de ces espèces devrait être interdit à la vente. Côté faune, même constat : les acteurs locaux luttent contre les rongeurs aquatiques nuisibles, ragondins et rats musqués, à leurs frais. L'écrevisse de Louisiane ruine la biodiversité des marais, mais la complexité de la réglementation freine toute action.
Nous saluons ce texte, en espérant que l'accompagnement réglementaire et financier nécessaires suivra. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-UC et Les Républicains)
Mme la présidente. - Un petit fascicule pédagogique vous a été distribué, qui illustre très bien les thèmes abordés.
M. Gérard Longuet. - C'est mieux avec les images !
Mme Nicole Bonnefoy . - En décembre, 195 pays réunis à Paris par le président de la République ont fait de la COP 21 un grand succès. Cet accord capital signifie que plus personne ne nie la gravité et l'origine humaine du dérèglement climatique.
Ce texte nous encourage et nous engage : ce n'est que le début d'un travail colossal ; mais c'est une base solide qui doit nous servir à approfondir la redéfinition de notre modèle de développement. Nous devons collectivement changer, prendre des mesures fortes, être exigeants avec nous-mêmes. Impossible de réduire nos émissions sans modifier nos comportements, sans renoncer à l'idée que les exigences environnementales et sanitaires seraient un frein à l'activité économique.
Selon une étude présentée à Bonn en 2008, le coût de l'inaction est estimé entre 1 350 et 3 100 milliards d'euros par an. Ne pas agir nous coûte très cher. Or les externalités négatives sont systématiquement écartées quand il s'agit d'évaluer le coût de notre modèle économique et industriel.
Parmi les coûts induits de la pollution : les dépenses de dépollution, les coûts de santé, la dégradation de l'attractivité de nos territoires.
Si nous pouvons entendre la détresse des agriculteurs face aux réglementations, nous devons prendre conscience, en responsabilité, que l'accumulation des contraintes est d'abord la conséquence de pratiques déraisonnables.
Dans un rapport de décembre 2015, le Commissariat général au développement durable a estimé que sur 2,2 millions de tonne de produits phytosanitaires utilisés en 2013, les deux tiers seraient en surdose. Le trop plein se disperse dans l'air, l'eau, les sols. Cela coûte 3 milliards d'euros par an pour les seuls services de l'eau potable et de l'assainissement. Ayons cela en tête lorsque le modèle intensif est présenté comme le moins cher, les projets de réduction des intrants comme irréalistes...
Les questions environnementales ne sont pas des questions à la mode : ce sont des réalités. La sixième extinction de masse dont parlent les scientifiques a déjà commencé : la moitié des espèces que nous connaissons pourraient disparaitre d'ici un siècle.
Ce projet de loi propose une riche palette d'outils, quarante ans après la loi sur la nature de 1976. Les diverses mesures qu'il contient sur tant de sujets serviront les grandes valeurs : la solidarité écologique, le principe « éviter, réduire, compenser », la mise en mouvement des territoires, la nécessité d'innover sans piller, la mutualisation des savoirs et des sciences participatives.
M. Jean Desessard. - Très bien.
Mme Nicole Bonnefoy. - Le groupe socialiste défendra quelques amendements ambitieux : l'action de groupe dans le domaine environnemental, la création des zones prioritaires pour la biodiversité, le renforcement des mesures compensatoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste)
M. Joël Labbé . - Je regrette l'absence de notre collègue national-populiste, qui a la gâchette si facile contre les écologistes...
M. Jean-Louis Carrère. - Mais vous n'êtes pas une espèce en voie de disparition !
M. Joël Labbé. - Ce texte, qui élève le débat, fait suite à l'accord historique du 12 décembre 2015, premier accord universel visant à assurer l'avenir de l'humanité. Il y aura un avant et un après COP 21 : ce projet de loi arrive au bon moment. La biodiversité souffre du réchauffement climatique, mais elle est indispensable pour y remédier.
Ce texte a connu quelques avancées à l'Assemblée nationale, quelques reculs en commission du développement durable.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Oh !
M. Joël Labbé. - Mais c'était avant la COP 21 ! Mme Blandin regrettait que le Grenelle de l'environnement n'ait pas créé d'Agence française pour la biodiversité ; c'est désormais chose faite, même si nous regrettons qu'elle ne comporte pas l'ONCFS. Nous serons particulièrement attentifs à l'article 18, sur l'accès et le partage des avantages liés aux ressources, en veillant à ce que les communautés d'habitants soient mieux associées.
L'interdiction des brevets du vivant, la suspension des cultures issues de mutagénèses, les dispositions relatives à l'étiquetage des huîtres en fonction de leur origine, l'énergie animale et la reconnaissance du statut de meneur territorial nous tiennent à coeur, tout comme l'interdiction des néonicotinoïdes, sur lesquels de nouvelles études confirment ce que je vous ai toujours dit : ils perturbent non seulement les abeilles, mais tous les êtres vivants présents dans le sol, plus nombreux dans une poignée de terre qu'il n'y a d'êtres humains sur terre. Le sol, c'est la vie, et la vie c'est le sol ; la chimie y crée beaucoup de désordres. L'Anses le dit : les néonicotinoïdes sont néfastes.
Merci, madame la ministre et monsieur le rapporteur, d'avoir joué le jeu de la plateforme « Parlement et citoyens », qui a reçu 9 300 contributions. C'est un moyen moderne de reconnecter les citoyens et les politiques que nous sommes.
Notre vote final sur ce texte dépendra de nos travaux. Toujours optimiste, j'espère que nous pourrons le signer des deux mains... (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et quelques bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Raymond Vall . - Merci à Jérôme Bignon pour son rapport remarquable. Il y a urgence, pour la biodiversité et pour l'homme : nous menaçons la nature, avec des conséquences incalculables. Modifier 50 % de la surface du globe engendrera un effondrement économique - or nous en sommes à 43 %... Nous n'avons pas suffisamment tenu compte des avis des scientifiques. Voici 25 ans qu'Hubert Reeves, parrain de l'Agence française pour la biodiversité, parcourt le monde, la France - le Gers - pour nous faire prendre conscience que nous sommes interdépendants et que nous ne pourrons pas changer de planète avant longtemps !
Outre le principe de solidarité écologique et celui de compensation, l'inscription du préjudice écologique dans le code civil, apportée par notre commission, est à saluer.
La majorité de notre groupe votera ce texte. Les territoires à énergie positive en témoignent, c'est au plus près du terrain que nous avancerons.
Nous devons traiter le sujet préoccupant des néonicotinoïdes, dont l'impact sur les abeilles est avéré. Pouvons-nous encore nous dire incompétents, alors que le titre I consacre le principe de l'action préventive ? Madame la ministre, il faudra agir auprès de nos partenaires européens pour obtenir un moratoire, à défaut d'interdiction.
Saluons encore la prise en compte des paysages, avec l'introduction de l'objectif de qualité paysagère dans les Scot. C'est un encouragement pour les territoires qui, comme le mien, se sont engagés dans un plan paysage.
Cette loi est une étape décisive, qui s'inscrit dans le prolongement du Grenelle, de la loi de transition énergétique et de la COP. Hubert Reeves le dit : la biodiversité nous concerne tous, nous en sommes tous dépendants.
Nous présenterons une centaine d'amendements ; mais nous ne pouvons pas ne pas trouver un consensus. La politique doit laisser la place à la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-Noël Cardoux . - Ce texte, qui aurait dû faire l'objet d'un dialogue constructif, apaisé et fructueux entre tous les acteurs, risque d'être un rendez-vous manqué avec les chasseurs et les pêcheurs.
Vous affirmez que ce n'est pas une loi chasse et pêche. Mais au gré des amendements adoptés à l'Assemblée nationale, et de ceux déposés au Sénat, certains parlementaires ont voulu faire de ce texte une attaque en règle contre la chasse et ses particularismes locaux, qu'ils méconnaissent totalement... (MM. Jean-Louis Carrère et Éric Doligé applaudissent)
Le président de la République l'a reconnu le 20 octobre, les chasseurs sont déçus d'être incompris alors qu'ils entretiennent la flore et la faune. Ils ont sauvé des zones humides ; l'ONCFS finance la répression contre le braconnage. N'en déplaise à M. Dantec, les chasseurs s'imposent des contraintes ! Avec 3,6 milliards d'euros par an, 26 000 emplois et 75 millions d'heures de bénévolat, le président de la République a jugé prioritaire de renforcer l'activité cynégétique, atout pour le développement diversifié de nos territoires ruraux. Rappelons que le Sénat a voté à l'unanimité la suppression de la baisse du plafond de redevances cynégétiques affectées à l'ONCFS, avec l'avis favorable du Gouvernement.
Le groupe chasse a déposé en commission des amendements défensifs, car nous avons eu l'impression que l'interdiction de la chasse à la glu était pour certains le coeur de la lutte pour la biodiversité ! Il y a là bien de la désinformation.
M. Jean-Louis Carrère. - Je le démontrerai.
M. Jean-Noël Cardoux. - Merci à la commission d'avoir supprimé les amendements d'agression votés par l'Assemblée nationale.
Les chasseurs sont devenus très méfiants face à ces mises en cause systématiques. D'où nos amendements offensifs. L'espèce humaine fait partie de la biodiversité : la nature ne doit pas être un sanctuaire réservé à la faune et la flore où l'homme n'aurait pas sa place. Merci, madame Primas, de dire que les chasseurs sont les premières vigies de la biodiversité. Nous tenons à ce que les principes d'usage et d'utilisation durable de la nature soient repris, et que la non-régression écologique soit repoussée. De même, nous proposons de maintenir l'indépendance de l'ONCFS, qui représente plus de 1,2 million de personnes et toute une filière au même titre que la filière agricole ou forestière. L'Office passera une convention avec l'AFB, mais ne doit pas se diluer dans un organisme qui aurait pour finalité de restreindre les temps de chasse.
Nous allons débattre de manière apaisée. J'espère que les arguments des chasseurs, prédateurs entrants dans un cycle naturel, seront entendus, car chacun a intérêt à ce que le vote soit consensuel. La défense de la biodiversité mérite mieux qu'un combat dogmatique contre une activité naturelle et millénaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDI-UC et du groupe Les Républicains ; MM. Jean-Louis Carrère et Jean-Claude Luche applaudissent aussi)
M. Pierre Médevielle . - Mme Jouanno a rappelé la genèse du texte, à laquelle elle a participé, et dont de nombreuses dispositions viennent mettre en oeuvre des protocoles internationaux ; Mme Billon a affirmé la position de notre groupe par rapport aux principes généraux.
Les titres IV et V du texte reflètent bien l'ambivalence qui doit être la nôtre. Approche défensive au titre V tout d'abord, qui se fonde sur la prise de conscience de l'urgence : il n'y a plus de tergiversations possibles, d'autant que le climat évolue plus vite que prévu. Les outils sont toutefois perfectibles : ainsi, le mécanisme de compensation devrait associer systématiquement les acteurs locaux, et notamment les associations de chasseurs et de pêcheurs. Il conviendrait de confier à l'Observatoire national de la consommation des espaces agricoles un état des lieux des atteintes à la biodiversité.
Les obligations réelles environnementales pérenniseront des actions en faveur de la biodiversité pour un coût moindre pour la collectivité.
Les néonicotinoïdes, dénoncés par l'Anses, ont une nocivité avérée. Il faut les interdire, comme le propose Chantal Jouanno.
Le débat sur la chasse à la glu, sujet anecdotique n'a pas sa place ici : concentrons-nous sur le fond du texte, sans nous éparpiller - d'autant que cette pratique traditionnelle n'a pas pour but de tuer des animaux mais d'attraper des appelants.
Il y a une autre manière d'aborder la biodiversité, c'est l'approche prospective et positive. Le titre IV, qui transpose le protocole de Nagoya sur l'accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles, montre combien la biodiversité est une richesse inestimable pour la France. La défendre, c'est préparer l'avenir, environnemental et économique.
Enfin, la compensation des atteintes à la biodiversité est de nature à réconcilier environnement et activité économique, et pourra constituer une source de revenus complémentaires pour les agriculteurs.
Ce projet de loi qui sonne comme un cri d'alarme est aussi un formidable message d'espoir. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-UC et RDSE ; M. Joël Labbé applaudit également)
M. Jean-Yves Roux . - Les hommes savent protéger leur patrimoine culturel, à peine commence-t-on à protéger notre patrimoine naturel, affirmait déjà la Déclaration internationale des droits de la mémoire de la terre, signée le 13 juin 1991 à Digne-les-Bains.
Ce texte est une bonne nouvelle pour les territoires ruraux et montagnards, qui entendent valoriser un patrimoine multiforme, interdépendant, vivant. Nous devons, plus que jamais, privilégier une approche globale. C'est le sens de l'inscription de la géodiversité et du support minéral dans la biodiversité.
Les territoires peuvent tirer avantage d'une valorisation raisonnée et durable de leurs écosystèmes. Je plaide pour que la future AFB se soucie de la préservation de la ressource en eau et de l'entretien des cours d'eau notamment en montagne. Où en sont les discussions sur les possibles dérogations aux débits réservés en zone de montagne en cas de sécheresse ?
Pierre-Yves Collombat, tirant les leçons des inondations dramatiques, a bien posé le problème du curage : l'article 215-15 du code de l'environnement encadre le curage au point de le rendre impossible, au détriment de la faune et de la flore : l'AFB s'en occupera-t-elle ? Pourra-t-elle piloter des expérimentations ? Des initiatives sont-elles prévues ? Là où il y a une volonté, il y a un chemin : nous y sommes. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Michel Vaspart . - Ce texte nous parvient au terme d'un tortueux parcours initié dès 2012. La démocratie n'y a pas gagné. Je salue le travail considérable et remarquable de notre rapporteur, qui a su instiller du réalisme là où la gauche, à l'Assemblée nationale, en avait manqué.
J'ai une pensée pour la Bretagne, les Côtes-d'Armor en particulier, dont les difficultés sont très loin des préoccupations de ceux qui ont rédigé ce texte. Heureusement, de l'équilibre y a été porté. Monsieur le ministre, est-il possible de préserver l'espèce des agriculteurs ? Est-elle en voie de disparition ? (Applaudissements au centre et à droite)
Les restrictions paysagères, toujours plus nombreuses, rendent l'activité plus difficile, alors que l'intérêt du pays demande d'aller dans le sens de l'ouverture, de la simplification, de la relance.
Tâchons d'aller au-delà des compromis actuels, pour être plus utile aux acteurs économiques : c'est notre rôle en séance plénière. Je soutiendrai les amendements de nos collègues Pointereau, Bailly, Cardoux.
Pour ma part, je vous proposerai d'agir pour le lombricompostage, un sujet moins mineur qu'il n'y paraît, et plus symbolique de nos blocages administratifs... Je vous lis ce mail que j'ai reçu : « à l'heure où nous cherchons à réduire les déchets, à avoir un environnement plus sain, à sensibiliser nos concitoyens à l'environnement, certaines activités sont incapables de démarrer en France, croulant sous le poids de législations et réglementations non proportionnées qui bloquent toute initiative. C'est ainsi que toute société qui souhaiterait développer le lombricompostage ou produire des insectes type coccinelle pour lutter de façon écologique contre les ravageurs des cultures au lieu d'utiliser des produits chimiques, ou encore produire des escargots pour la transformation ultérieure, est soumise à une réglementation extrêmement contraignante concernant la faune sauvage captive, à savoir l'obtention d'une autorisation préfectorale d'ouverture qui requiert également que l'entretien des animaux soit placé sous la responsabilité d'une personne titulaire du « certificat de capacité » délivré en application de l'article L. 423-2 du code de l'environnement ». Au même titre que les zoos et les cirques ! (Exclamations à droite) Je rappelle qu'il est question ici de lombrics, coccinelles, et escargots ... (Même mouvement)
De la simplification avant toute chose... Rapprochons l'écologie de l'économie !
M. Rémy Pointereau. - Très bien !
M. Michel Vaspart. - Notre pays a besoin de réalisme. Comme le disait Darwin : « Ce n'est pas la poule la plus forte ou la plus intelligente qui l'emporte, mais celle qui s'adapte ». (Applaudissements à droite et au centre)
M. Jean-Baptiste Lemoyne . - Nous y voilà, à ce débat sur le vivant et le milieu ! Notre territoire, de la Bourgogne à la barrière de corail en Nouvelle-Calédonie, offre un patrimoine naturel exceptionnel. Cependant la « mégamachine » entrevue dans les années cinquante par Lewis Mumford, devient réalité, ballottant les individus - comme Henry George Thoreau l'avait prédit dans Walden ou la vie dans les bois dès le XIXe siècle, parlant de « la cité désespérée », mais aussi de « la campagne désespérée » où, nous dit le poète, c'est « le courage de la loutre et du rat musqué » qui nous consolera de notre existence faite de « tranquille désespoir ».
Quel sens donner à la vie, dans ces conditions ? À nous d'avoir conscience de la Terre, et de nos « petites patries », contre la tyrannie du temps : au naufrage mondial, répondons par l'ancrage local.
Ne cédons pas à cette passion française, qui consiste à désigner systématiquement des boucs émissaires - nous avons besoin de tout le monde, or les ouvriers de la terre, que sont les chasseurs, les agriculteurs, les élus locaux se sentent visés. Je pense, en particulier, à un amendement de Mme Blandin tendant à interdire la chasse le mercredi...
Mme Marie-Christine Blandin. - Pardon, il n'est plus là !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Je salue le travail de nos rapporteurs pour un texte qui construit avec plutôt que contre. La régulation des espèces implique une intervention : les chasseurs en sont des acteurs majeurs, nos rapporteurs l'ont compris.
Je salue l'amendement de Sophie Primas qui intègre à l'ONCFS des représentants des collectivités locales, sans toucher au principe selon lequel les représentants issus des milieux cynégétiques représentent la moitié des membres du conseil.
Je salue aussi la suppression de l'article 34 : le contrat vaut mieux que la contrainte.
De même, un amendement utile de Jérôme Bignon à l'article 27 associe les chambres d'agricultures à la procédure d'élaboration de la charte d'un parc naturel régional.
C'est au prix du dépassement des clivages artificiels que nous pourrons répondre à l'immense défi qui nous attend et éviter le terrible scénario imaginé par ces poètes chanteurs québécois que sont les Cowboys Fringants dans leur très belle chanson Plus Rien :
« Il ne reste que quelques minutes à ma vie
Tout au plus quelques heures je sens que je faiblis
Mon frère est mort hier au milieu du désert
Je suis maintenant le dernier humain de la terre
On m'a décrit jadis, quand j'étais un enfant
Ce qu'avait l'air le monde il y a très très longtemps
Quand vivaient les parents de mon arrière grand-père
Et qu'il tombait encore de la neige en hiver
En ces temps on vivait au rythme des saisons
Et la fin des étés apportait la moisson
Une eau pure et limpide coulait dans les ruisseaux
Où venaient s'abreuver chevreuils et orignaux
Mais moi je n'ai vu qu'une planète désolante
Paysages lunaires et chaleur suffocante
Et tous mes amis mourir par la soif ou la faim
Comme tombent les mouches jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien...
Plus rien...
Plus rien... »
(Applaudissements sur plusieurs bancs, à droite, au centre, et sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jacques Cornano . - Ce texte est très attendu et très important puisqu'il modifie notre conception de la nature, du rôle qu'y prend l'homme, de la fragilité de la biodiversité.
La biodiversité de la Guadeloupe - Grande Terre corallienne au sol calcaire peu accidenté, Basse Terre, volcanique culminant à la Soufrière -, est méconnue alors qu'elle est particulièrement riche, de sa flore terrestre comme maritime : c'est un véritable hot spot de la biodiversité, qui offre un formidable champ d'expérimentation et appelle des solutions originales, notamment juridiques.
Cependant, la destruction des espèces et la fragilité de notre biodiversité nécessitent d'agir vite.
Ce texte exige des compléments et des précisions, - en particulier sur l'accès au patrimoine génétique -, j'avais compris que la France devait mieux reconnaître les savoirs traditionnels, en particulier.
N'attendons pas du droit des effets qu'il ne peut avoir, comme nous le rappelle opportunément le professeur Prieur, mais cela ne doit pas nous empêcher d'agir. (Applaudissements)
M. Gérard Cornu . - Je salue à mon tour le travail colossal de notre rapporteur, son écoute.
Le capital vert s'érode de jour en jour ; des espèces disparaissent, les sols et les océans sont pillés, les espaces diminuent, le climat se réchauffe... Tous les indicateurs de la biodiversité sont au rouge.
M. Ronan Dantec. - Très bien !
M. Gérard Cornu. - Qu'allons-nous léguer à nos enfants ? Quarante ans après la loi de 1976, ce sujet devrait faire consensus, comme lors du Grenelle de l'environnement conduit par Jean-Louis Borloo. Rien de tel, hélas ! Par son acharnement idéologique contre ceux qui vivent et travaillent sur les territoires, le Gouvernement n'a pas pu faire consensus.
La biodiversité doit articuler l'environnement et l'économie plutôt que de les opposer et mettre la nature sous cloche. Nous devons préciser les missions des instances nouvelles. Cependant ce texte alourdit les règles pour les agriculteurs, qui, pourtant, entretiennent les haies et les prairies : ils sont d'accord pour agir, mais pas pour la biodiversité promue par le Gouvernement.
J'entends le souci d'équilibre et le pragmatisme du rapporteur ; cependant, je m'associe à M. Pointereau, pour les agriculteurs, les chasseurs, les pêcheurs, véritables artisans, petites mains de nos paysages, de nos rivières, mémoires vivantes de nos paysages, de nos vallées, de nos plateaux : voilà la réalité !
Ce texte facilitera-t-il la reconquête de la biodiversité ? Non, nous sommes même loin des objectifs du Grenelle, ce texte se limite à de l'affichage : comme les Français, j'attends du concret ! (Applaudissements à droite et au centre)
La discussion générale commune est close.
La séance est suspendue à 19 heures.
présidence de M. Hervé Marseille, vice-président
La séance reprend à 21 h 05.
Conférence des présidents
M. le président. - Je vais vous donner lecture des conclusions de la Conférence des présidents.
La Conférence des présidents a tout d'abord décidé d'ouvrir cette nuit et celle de demain ainsi qu'éventuellement vendredi matin et après-midi pour terminer l'examen du projet de loi et de la proposition de loi organique sur la biodiversité.
Pour le reste, l'ordre du jour des séances jusqu'au mardi 26 janvier inclus demeure inchangé.
MERCREDI 27 JANVIER 2016
À 14 h 30
- Suite éventuelle du projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires
- Proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs
- Projet de loi relatif aux réseaux des chambres de commerce et d'industrie et des chambres de métiers et de l'artisanat
Le soir
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie
- Suite de l'ordre du jour de l'après-midi
JEUDI 28 JANVIER 2016
À 10 h 30
- 1 convention internationale en forme simplifiée
- Suite éventuelle de l'ordre du jour de la veille
- Projet de loi ratifiant l'ordonnance portant réduction du nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées
À 15 heures
- Questions d'actualité au Gouvernement
Éventuellement, à 16 h 15 et le soir
- Suite de l'ordre du jour du matin
La semaine du 2 février est une semaine sénatoriale.
MARDI 2 FÉVRIER 2016
À 14 h 30
- Proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste
À 16 h 45
- Questions d'actualité au Gouvernement
À 17 h 45, le soir et, éventuellement, la nuit
- Suite de la proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste
MERCREDI 3 FÉVRIER 2016
De 14 h 30 à 18 h 30
Ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain :
- Suite de la proposition de loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire
- Proposition de loi visant à permettre l'application aux élus locaux des dispositions relatives au droit individuel à la formation
De 18 h 30 à 20 heures et de 21 h 30 à minuit
Ordre du jour réservé au groupe RDSE :
- Proposition de loi constitutionnelle visant à inscrire les principes fondamentaux de la loi du 9 décembre 1905 à l'article premier de la Constitution
- Proposition de loi organique visant à supprimer les missions temporaires confiées par le Gouvernement aux parlementaires et proposition de loi organique visant à supprimer le remplacement des parlementaires en cas de prolongation d'une mission temporaire
JEUDI 4 FÉVRIER 2016
À 10 h 30
- Proposition de résolution européenne sur les conséquences du traité transatlantique pour l'agriculture et l'aménagement du territoire
- Suite éventuelle de la proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste
À 14 h 30, le soir et, éventuellement, la nuit
Ordre du jour réservé au groupe communiste républicain et citoyen :
- Proposition de loi favorisant l'accès au logement social pour le plus grand nombre
- Suite éventuelle de l'ordre du jour du matin
- Proposition de loi portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes et proposition de loi organique relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes
Les semaines des 8 et 15 février sont réservées par priorité au Gouvernement.
MARDI 9 FÉVRIER 2016 à 14 h 30, le soir et la nuit, le matin étant réservé aux questions orales et MERCREDI 10 FÉVRIER 2016, à 14 h 30, le soir et la nuit
- Projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine
JEUDI 11 FÉVRIER 2016
À 10 h 30
- Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes par M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes
- 4 conventions internationales en forme simplifiée
- Suite du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine
À 15 heures
- Questions d'actualité au Gouvernement
À 16 h 15, le soir et, éventuellement, la nuit
- Suite du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine
MARDI 16 FÉVRIER 2016
À 15 h 15
- Explications de vote des groupes sur le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine
De 16 heures à 16 h 30
- Vote solennel par scrutin public, en salle des Conférences, sur ce projet de loi
À 16 h 30
- Proclamation du résultat du scrutin public sur ce projet de loi
À 16 h 45
- Questions d'actualité au Gouvernement
À 17 h 45 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l'immigration
MERCREDI 17 FÉVRIER 2016
À 14 h 30
- Suite de l'ordre du jour de la veille
- Proposition de loi organique et proposition de loi de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle
À 17 h 30
- Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 18 et 19 février
Le soir et la nuit
- Suite de l'ordre du jour de l'après-midi
JEUDI 18 FÉVRIER 2016
À 10 h 30
- Deux conventions fiscales avec Singapour d'une part, et la Suisse, d'autre part
- Suite de la proposition de loi organique et de la proposition de loi de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle
À 14 h 30 et le soir
- Suite de l'ordre du jour du matin
- Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture de la proposition de loi relative à la protection de l'enfant
Il en est ainsi décidé.
Reconquête de la biodiversité (Suite)
M. le président. - Nous reprenons la discussion du projet de loi.
Discussion des articles du projet de loi
ARTICLE PREMIER
Mme Marie-Christine Blandin . - Depuis le 28 décembre 2015, les arrêtés de protection des géotopes sont parus. Vous avez respecté votre engagement envers les géologues, madame la ministre, avec cet article premier qui inclut la géodiversité dans notre patrimoine commun. Il y va de nos paysages, de nos cultures et notamment de notre viticulture. Selon que le sous-sol est jurassique moyen ou jurassique supérieur, vous aurez un Côte de Beaune ou un Côte de Nuits ; l'appellation Chablis vous sera refusée s'il y a de petites huîtres fossiles...
Tout comme notre organisme héberge 2 kilos de microorganismes, biodiversité indispensable à notre santé, les sols non empoisonnés abritent une masse d'animaux et de bactéries dont le poids dépasse celui des troupeaux qui pâturent en surface.
Recevez, madame la ministre, la gratitude des géologues, des pédologues et des défenseurs de l'humus. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)
M. Joël Guerriau . - Nous avons la responsabilité d'entretenir et de protéger un écosystème mis à mal par l'homme.
Cet article 1er enrichit notre code de l'environnement par des concepts et un vocabulaire renouvelé et raisonné ; il donne en effet une définition large, dynamique de la biodiversité, qui intègre l'ensemble du vivant et tient compte de l'avis des chercheurs. Il reste un long chemin à parcourir pour protéger notre planète ; nous soutenons, pour l'heure, cette rédaction.
M. Roland Courteau . - Élargir cette définition aux espaces terrestres et marins s'imposait : la Méditerranée abrite à elle seule près de 10 % des espèces marines connues. La biodiversité englobe en outre les paysages, diurnes et nocturnes, car l'excès de lumière artificielle affecte la vie des insectes. Je regrette la suppression de cette mention, tout comme celle des sols, qui ne figurent plus dans le texte de la commission. Ils sont pourtant un bien commun au même titre que l'eau et l'air, et ne se réduisent pas à leur seule valeur foncière. Ce n'est pas un hasard si l'ONU a fait de 2015 l'année internationale du sol. Celui-ci abrite le quart des espèces et rend une multitude de services à l'humanité, que nous payons bien mal de retour puisque 500 000 hectares, l'équivalent d'un département, ont été artificialisés entre 2006 et 2014. Épuisement des substances nutritives, salinisation, pollution : 33 % des sols mondiaux sont dégradés !
Merci, madame la ministre, d'attirer notre attention sur cette situation alarmante : les espèces vivantes s'éteignent mille fois plus vite qu'au cours des 65 millions d'années d'évolution ! Prévenons la sixième extinction de masse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Joël Labbé applaudit également)
M. Maurice Antiste . - Ce débat témoigne d'une volonté de donner de l'ampleur à la politique de protection de la nature. Les territoires français d'outre-mer sont riches d'espèces animales et végétales, la biodiversité y est foisonnante et unique : 3 % des mollusques, 2 % des poissons, 6 % des oiseaux, 10 % des récifs coralliens. Les outremers concentrent 80 % de la biodiversité française, mais cette richesse patrimoniale est surexploitée, polluée, menacée par des espèces invasives. Ce texte prévoit heureusement des solutions pertinentes au moyen d'un opérateur intégré - l'Agence française pour la biodiversité, à laquelle il faudra prévoir des délégations ultramarines.
Vous avez consenti à une préfiguration faisant de la Martinique un territoire pilote. Pouvez-vous préciser le champ d'action du futur établissement public de coopération environnementale (EPCE), ses missions, son financement et son lien organique avec la gouvernance de l'AFB ? (M. Joël Labbé applaudit).
M. François Grosdidier . - La biodiversité est parfois tournée en dérision ; l'urgence économique et sécuritaire tend à reléguer au second plan les enjeux écologiques.
Il est stérile d'opposer environnement et développement, écologie et économie, nature et humanité. Il n'y a pas lieu de cliver ainsi le débat, même si ces questions touchent au fondement philosophique de notre engagement. Notre famille politique défend une éthique de responsabilité. Il s'agit de transmettre à nos enfants ce que nous avons reçu en héritage ; la biodiversité en fait partie. L'on n'imagine pas, en effet, un monde sans lions, sans tigres, sans éléphants, et l'on demande aux populations locales de protéger ces animaux bien plus dangereux pour elles que nos trente ours ou nos trois cents loups... (M. Gérard Bailly s'exclame).
Même d'un point de vue utilitariste et anthropocentré, la biodiversité nous est indispensable, ne serait-ce que pour la pharmacopée : la biodiversité contient les molécules qui seront les remèdes de demain. Il a été rendu hommage à Hubert Reeves ; permettez-moi de saluer la mémoire du grand botaniste Jean-Marie Pelt, qui nous invitait à sortir de notre apathie et d'agir pour protéger la biodiversité. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)
Mme Ségolène Royal, ministre. - Le titre Ier affirme que la biodiversité fait partie du patrimoine commun de la nation, et qu'elle génère des services écosystémiques et des valeurs d'usage indispensables ; il inscrit également explicitement dans notre droit le triptyque éviter-réparer-compenser.
Votre commission du développement durable a introduit un article 2 bis très important et utile puisqu'il introduit dans le code civil un titre relatif à la responsabilité du fait des atteintes à l'environnement. Le Gouvernement le soutient.
Les articles 3, 3 bis et 3 ter sur la notion de continuité écologique, la pollution lumineuse et les richesses pédologiques sont d'autres avancées utiles ; l'article 4 précise le rôle de l'AFB dans les stratégies nationales et régionales.
L'article 1er définit la biodiversité en précisant, modification importante, qu'il y a un milieu naturel terrestre et un milieu marin. L'Assemblée nationale avait repris la définition issue de la convention de 1992 ; votre commission l'a simplifiée. Cette rédaction fait consensus parmi les scientifiques, le Gouvernement la soutient.
Cet article donne de la biodiversité une vision plus dynamique en incluant la capacité à préserver les espèces, le géotope et le patrimoine géologique. Les députés avaient introduit les sols dans cette définition ; votre commission les en a retirés. Le débat devra lever les inquiétudes concernant le droit de propriété, l'activité agricole. On compte 260 millions d'animaux dans un mètre cube de prairie permanente ; un hectare de sol forestier compte plus d'organismes vivants qu'il y a d'humains sur terre... Je serai très à l'écoute du débat.
M. le président. - Amendement n°456, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 3
Rétablir le 2° dans la rédaction suivante :
2° Les mots : « sites et paysages » sont remplacés par les mots : « sites, les paysages diurnes et nocturnes » ;
M. Ronan Dantec. - Pour lutter contre les pollutions lumineuses et préserver l'environnement nocturne, cet amendement précise que l'importance des paysages s'apprécie de jour comme de nuit, et non pas uniquement de manière spatiale. Il est cohérent avec notre amendement n°149 à l'article 3 - accepté par la commission - qui fixe comme objectif la sauvegarde de l'environnement nocturne.
M. le président. - Amendement identique n°524 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
M. Raymond Vall. - La pollution lumineuse met en cause de nombreuses fonctions physiologiques, alors que 28 % des vertébrés et 64 % des invertébrés vivent partiellement ou totalement la nuit.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Cet article sera le socle du droit de l'environnement. Si nous commençons à qualifier les paysages, nous n'en sortirons pas. L'idée est sympathique, mais elle n'a pas sa place ici. Je ne suis pas sûr, au demeurant, de savoir ce qu'est un paysage nocturne... Avis défavorable.
Mme Ségolène Royal, ministre. - Par cohérence avec le vote des députés, avis favorable.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, les amendements identiques nos456 et 524 rectifié, mis aux voix par assis et levé, ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°121 rectifié bis, présenté par MM. Courteau et M. Bourquin et Mme Bataille.
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Après le mot : « végétales », sont insérés les mots : « , les sols » ;
M. Roland Courteau. - Cet amendement réintroduit les sols parmi les éléments constitutifs du patrimoine commun de la nation. Patrimoine génétique immense, concentrant au moins 25 % de la biodiversité terrestre, ils fournissent de très nombreux services.
Les sols sont le support du vivant. Or selon le Partenariat mondial des sols, 33 % des sols dans le monde sont dégradés. En France, le constat est également alarmant avec 11 millions d'hectares touchés par l'érosion et 610 000 hectares urbanisés chaque année.
M. le président. - Amendement identique n°457 rectifié, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.
M. Ronan Dantec. - On ne défendra pas la biodiversité si l'on ne défend pas les sols : la dégradation des sols agricoles est un enjeu absolument fondamental, et la principale atteinte à la biodiversité. Je ne comprends pas que cette mention soit écartée. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)
M. le président. - Amendement identique n°525 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
M. Jean-Claude Requier. - Un front commun Mézard-Dantec, c'est assez rare pour être souligné ! (Sourires)
Clemenceau disait que la guerre était une chose trop sérieuse pour être confiée aux militaires ; cela vaut aussi pour l'écologie : ne la confions pas aux seuls écologistes ! (Applaudissements sur de nombreux bancs)
M. Jean-Louis Carrère. - Bravo !
M. Rémy Pointereau. - Excellent !
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Avis défavorable. Les dictionnaires comme les scientifiques sont formels : la géodiversité comprend déjà les sols. Position sémantique, donc.
Mme Ségolène Royal, ministre. - Sagesse. Les sols participent à la biodiversité, incontestablement, mais les mentionner à cet article aurait une portée normative limitée, et risque de nourrir les inquiétudes sur l'instabilité juridique pour les activités agricoles et le droit de propriété. La richesse des sols est formidable, vous avez raison, mais elle est incluse dans la définition.
M. Michel Raison. - Attention aux chiffres. L'urbanisation ne concerne pas 600 000 mais 60 000 hectares par an ! Or si ce chiffre-là est faux, les autres peuvent l'être aussi.
Beaucoup ici sont contre la mondialisation. Cela se défend, mais ne confondons pas ce qui se fait en Chine, en Amérique du Sud ou dans les anciens pays communistes et ce qui se fait en France ! Il est faux, et déshonorant, d'accuser les agriculteurs de ne pas respecter les sols qu'ils vont transmettre à leurs enfants. C'est méconnaitre les efforts considérables, les évolutions techniques, le niveau de formation des agriculteurs, qui est au moins de niveau 4. Ils connaissent le fonctionnement de leurs sols, savent reconnaitre un sol acide, un sol calcaire, un sol isomorphe... (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Évelyne Didier. - N'opposons pas les défenseurs des agriculteurs, qui seraient d'un côté de l'hémicycle, et ceux qui leur seraient hostiles de l'autre ! (On le revendique sur les bancs du groupe Les Républicains). Dire que les sols sont essentiels pour le vivant, ce n'est pas être contre les agriculteurs ! Ils sont d'ailleurs les premiers à en connaître l'importance. M. Emorine le sait, nous ne goûterions pas des vins aussi fameux en Bourgogne si les moines n'avaient eu une connaissance intime de l'acidité des sols. (On invoque la laïcité sur certains bancs du groupe Les Républicains)
Je pensais soutenir ces amendements, mais l'argument du rapporteur mérite d'être entendu : évitons d'introduire des clivages inutiles. Mais ne pensez pas être seuls à défendre les agriculteurs ! (Applaudissements à gauche)
Mme Sophie Primas. - Nous sommes tous conscients de l'importance des sols pour la biodiversité et pour l'agriculture. Nous avons déjà légiféré, dans des lois d'urbanisme, pour limiter l'artificialisation des sols et privilégier la densification. En l'occurrence, dans un texte sur la biodiversité, veillons à ne pas introduire des questions complexes de droit du sol, au risque de crisper les agriculteurs et d'autres professionnels ; suivons le rapporteur.
M. Joël Labbé. - Je faisais partie en 2015, année mondiale des sols, de la délégation auprès de Stéphane Le Foll pour le lancement de l'opération « 4 pour 1 000 ». Il n'y a rien de clivant ici : tous les agriculteurs pensent que les sols vivants de la terre nourricière doivent être préservés ! Je ne comprends pas la tournure du débat, contraire à toute sagesse et à tout bon sens. Envoyons un signal positif de reconquête de la biodiversité !
M. Ronan Dantec. - Le terme « géodiversité » met l'accent sur la nécessité de préserver la diversité ; celui de « sol » insiste sur leur aspect économique. Cela plaide pour en conserver la mention à l'article premier. Il n'y a pas ici de clivage entre les défenseurs des agriculteurs et ceux qui ne connaitraient pas les paysans. Notre vision de l'agriculture, c'est plus d'actifs agricoles ! En Loire-Atlantique, un certain projet très contesté fait l'unanimité du monde agricole contre lui, car tous les agriculteurs défendent la préservation des sols.
M. Alain Vasselle. - Écoutez donc le rapporteur !
M. Roland Courteau. - Le terme de géodiversité est ambigu, en effet. En quoi reconnaitre que les sols font partie du patrimoine commun de la nation serait-il contraire aux intérêts des agriculteurs ? Je ne comprends pas...
M. Alain Vasselle. - L'amendement est satisfait par la rédaction de l'article, la ministre vous l'a confirmé !
M. Roland Courteau. - Ce n'est pas notre interprétation.
M. Gérard Bailly. - Je rejoins M. Raison. Il faut protéger la surface agricole si l'on veut nourrir la planète demain ! Que signifie « restaurer » les sols ? Les agriculteurs les auraient-ils détruits ? Pourra-t-on encore labourer demain ? (Exclamations à gauche). On a vu les conséquences des lois Grenelle, des lois Santé : désormais, interdit d'aller chercher un produit chez le vétérinaire, c'est celui-ci qui doit faire des kilomètres ! Les agriculteurs craignent que demain, on leur interdise de labourer. Certes, dans certaines régions, les labours ont été supprimés, mais cela n'est pas toujours possible : je ne voudrais pas que le pouvoir réglementaire restreigne davantage l'activité agricole. (Marques d'approbation sur plusieurs bancs à droite).
M. Hervé Maurey, président de la commission. - Le rapporteur a été très clair, mais manifestement pas très bien compris. Selon le site de l'Inventaire national du patrimoine naturel, la géodiversité est l'ensemble des éléments des sous-sols, sols et paysages qui, assemblés les uns aux autres, constituent des systèmes organisés, issus de processus géologiques. C'est très clair, les débats éclaireront l'interprétation du texte. Ne rendons pas les lois plus bavardes encore...
M. Louis Nègre. - Si nous nous engageons dans des débats sémantiques sans objet, nous n'avancerons guère. De grâce, concentrons-nous sur l'essentiel : sauver la biodiversité.
Les amendements identiques nos121 rectifié bis, 457 rectifié, 525 rectifié bis ne sont pas adoptés.
L'article premier est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°122 rectifié, présenté par MM. Courteau et M. Bourquin et Mme Bataille.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le livre II du code de l'environnement est complété par un titre ... ainsi rédigé :
« Titre ...
« Préservation et protection des sols
« Art. L. 230-... - Est d'intérêt général la protection des sols contre les processus de dégradation, tant naturels que provoqués par les activités humaines, qui compromettent la capacité des sols à remplir chacune de leurs fonctions écologiques, économiques, sociales et culturelles.
« L'État et ses établissements publics, les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics ainsi que les personnes privées concourent, chacun dans le domaine de sa compétence et dans les limites de sa responsabilité, à une politique dont l'objectif est la protection et l'utilisation durable des sols. Cette politique comprend des mesures de suivi des sols, de prévention de leur dégradation, d'utilisation rationnelle et durable ainsi que de remise en état et d'assainissement des sols dégradés de manière à leur restituer un niveau de fonctionnalité qui respecte les besoins des générations futures. »
M. Roland Courteau. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°458, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.
M. Ronan Dantec. - Défendu.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - L'article premier suffit, il n'y a pas lieu du surcharger le code environnement de dispositions incantatoires. Retrait ?
Mme Ségolène Royal, ministre. - Je comprends votre objectif. Je suis sensible à l'enjeu de la gestion durable des sols ; avec Stéphane Le Foll, nous avons confié une enquête à nos deux inspections, afin de définir une stratégie nationale des sols, avec des mesures de suivi et de prévention. Cela pourra donner lieu à des dispositions législatives. Dans ces circonstances, retrait.
Les amendements identiques nos122 rectifié et 458 sont retirés.
M. le président. - Amendement n°266 rectifié, présenté par Mme Bonnefoy et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l'article L. 312-19 du code de l'éducation est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elle comporte également une sensibilisation à la préservation de notre biodiversité, notamment par la création de jardins de la biodiversité dans les écoles élémentaires. »
Mme Nicole Bonnefoy. - Les habitudes se prennent dès le plus jeune âge : il faut sensibiliser et former à la biodiversité dès le primaire, comme à l'alimentation ou au gaspillage alimentaire. Cela peut passer par la création de jardins de la biodiversité, par exemple. C'était une proposition de la mission d'information sur les pesticides, je compte donc sur le soutien de Mme Primas !
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Excellente idée, qui relève du temps périscolaire...
M. Alain Néri. - Merci de le conforter !
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - ... donc du pouvoir réglementaire, sans jugement de valeur. Il conviendrait donc de suggérer à Mme Vallaud-Belkacem de prendre un arrêté en ce sens. (Marques d'approbation à droite) Retrait.
Mme Nicole Bonnefoy. - On l'a fait sur l'alimentation, pourquoi pas ici ?
M. Rémy Pointereau. - Qui paiera ?
Mme Ségolène Royal, ministre. - Retrait pour le même motif. Soyons rigoureux quant à l'élaboration de la norme législative, dans le cadre du code de l'environnement. Et vous modifiez là le code de l'éducation... Cela dit, votre excellente idée mérite d'être appliquée, non seulement à l'école élémentaire, mais aussi au collège et au lycée.
L'amendement n°266 rectifié est retiré.
ARTICLE 2
M. Jean-Louis Carrère . - Nous entamons avec cet article le débat sur la question des usages, et je vous parlerai de deux chasses traditionnelles, qui concernent des passereaux des Landes : la première, au Pinson des arbres et au Pinson du Nord ; la seconde au Bruant ortolan. Ces chasses impressionnent, mais ce prélèvement ancestral, qui ne blesse pas les animaux dont on sait qu'ils sont en surnombre, ne saurait être interdit sur des motifs liés à la biodiversité. Les chasseurs acceptent de diminuer leurs chasses si les espèces sont menacées, nous avons commandé des études scientifiques dont le résultat ne fait aucun doute, j'ai eu le courage d'aller au-devant d'une assemblée d'un millier de chasseurs pour porter cette parole sur le terrain, mais ils se voient opposés des arguments d'anti-chasseurs venus de Paris bardés de caméras, qui n'hésitent pas à déposer des plaintes, que des magistrats instruisent - sanctionnant ensuite ce que l'exécutif tolère. Madame la ministre, vous l'avez compris, je vous lance un appel ! (On approuve sur plusieurs bancs à droite)
M. Raymond Vall. - Très bien !
M. Roland Courteau . - Cet article, consacré au principe ERC et au principe de solidarité écologique, est utile, en particulier les compensations et la notion de perte nette de biodiversité : mieux vaut prévenir que réparer, donc réduire le risque et le compenser quand il se produit. Plus l'exigence de réparation sera forte, plus les entreprises réduiront leurs impacts.
M. François Grosdidier . - La biodiversité est un patrimoine systémique et cet article rappelle que nous avons la responsabilité de ce bien commun : la compensation s'impose, c'est l'apport de cet article. L'article 2 bis en tire les conséquences, dans le sens que nous avions pris avec M. Retailleau dans la proposition de loi déposée en 2013 que l'Assemblée nationale n'a jamais cru bon d'examiner. La responsabilité environnementale entre dans le code civil via la notion de préjudice écologique : bienvenue !
M. le président. - Amendement n°1 rectifié quater, présenté par M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Vasselle, Mme Canayer, MM. Gilles, Pointereau, Milon, Mouiller et Panunzi, Mme Gruny, M. Kennel, Mme Lopez, MM. Bouchet, Laufoaulu, D. Laurent, Trillard, César, Mayet, Lemoyne, Cornu, Morisset et Laménie, Mmes Micouleau et Primas, M. Commeinhes, Mme Giudicelli, M. Charon, Mme Lamure, MM. Vaspart, Doligé, J.P. Fournier, Poniatowski, Genest, Danesi, Grand, Bizet, Pillet, Pellevat, Pinton, de Nicolaÿ, Revet, Lefèvre, B. Fournier, Longuet, Pintat, Vial et Darnaud, Mme Morhet-Richaud, MM. Allizard, Delattre, Masclet, P. Leroy et Lenoir, Mme Deseyne et MM. A. Marc, Dassault, Chasseing, Raison, Gremillet, Luche, Houpert, Savary, Médevielle, Guerriau, D. Dubois et Gournac.
Après l'alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après la première phrase du premier alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Elles prennent en compte les valeurs intrinsèques ainsi que les différentes valeurs d'usage de la biodiversité reconnues par la société. » ;
M. Jean-Noël Cardoux. - L'usage vise les réalités humaines, très nombreuses et diverses, souvent ancestrales, il faut en tenir compte. Pourquoi avoir accepté en commission l'amendement Dantec sur la définition des écosystèmes en y incluant les interactions, mais en ne reconnaissant pas les usages ?
M. le président. - Amendement identique n°79 rectifié ter, présenté par MM. Bérit-Débat, Patriat et Carrère, Mmes Cartron et D. Michel, MM. Vaugrenard, Camani, Labazée, Roux et Manable, Mmes Jourda, Herviaux et Bataille, MM. Montaugé, Lalande, Jeansannetas, Lorgeoux, J.C. Leroy, Chiron et Courteau, Mme Riocreux et MM. Mazuir, Madrelle, Cazeau et Raynal.
M. Claude Bérit-Débat. - Le groupe chasse du Sénat partage unanimement cet objectif.
M. le président. - Amendement identique n°528 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Amiel, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.
M. Guillaume Arnell. - Notre commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a reconnu utilement les valeurs d'usage de la biodiversité, elles sont inestimables : nous précisons que les mesures prises en faveur de la biodiversité doivent les prendre en compte.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Défavorable. La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a déjà repoussé ces amendements, leur préférant la rédaction qu'elle a adoptée reconnaissant la valeur d'usage des ensembles écosystémiques. Ne compliquons pas davantage le code de l'environnement. Nous ne cessons d'en appeler à la simplification, et proposons sans cesse d'en rajouter !
Mme Ségolène Royal, ministre. - Même avis.
M. Alain Vasselle. - Le texte de la commission constate que le patrimoine commun de la nation « génère des services écosystémiques et des valeurs d'usage », alors que ces amendements vont plus loin, en demandant la prise en compte de ces usages, qui en deviendraient opposables. Ce n'est pas surcharger ce texte, mais l'infléchir : adoptons-les, quitte à améliorer la rédaction en CMP, ce sera un signal fort.
M. Jean-Noël Cardoux. - Merci d'expliciter notre démarche, monsieur Vasselle : effectivement, la rédaction actuelle n'est qu'un constat, pas une prise en compte positive. En Amazonie, des populations indigènes, autarciques, utilisent la biodiversité - il faut envers eux aller plus loin que le simple constat, pour les protéger, les prendre en compte : c'est le même raisonnement ici.
M. Daniel Dubois. - Le principe du développement durable prend en compte l'environnement, le social mais aussi l'économique : l'alinéa introduisant le principe de solidarité écologique semble donner le primat à l'environnement sur l'activité humaine ; je voterai donc cet amendement, qui le contrebalance.
Mme Évelyne Didier. - On confond bien ici l'outil et son usage. Quand on définit un marteau on ne dit pas quels en sont les usages : ici, vous désignez l'usage, au lieu de l'objet - et vous prenez le risque de verrouiller ces usages.
M. René-Paul Savary. - Que veut dire « ce patrimoine (...) génère des services écosystémiques et des valeurs d'usage » ? C'est un truisme ! Il faut dire clairement à nos concitoyens de quoi il s'agit !
Mme Évelyne Didier. - Ils l'ont compris.
M. René-Paul Savary. - Je vous propose de sous-amender pour préciser que la prise en compte des usages est nécessaire.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Le texte ne s'arrête pas au paragraphe que vous citez, lisez la suite de l'article : tout ce que vous demandez y figure. Qui plus est, qu'est-ce qu'une « valeur intrinsèque » ?
Les amendements identiques nos1 rectifié quater, 79 rectifié ter et 528 rectifié sont adoptés.
M. le président. - Amendement n°18, présenté par Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Après l'alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° À la fin du 1°, les mots : « à un coût économiquement acceptable » sont supprimés ;
Mme Évelyne Didier. - Le principe de précaution, principe fondamental du droit de l'environnement, posé à Rio, est contesté, détourné, au motif, absolument faux, qu'il entraverait la recherche et le développement et conduirait à l'inaction : nous l'inscrivons explicitement dans la loi ici, en supprimant la notion - introduite en 1995 par la loi Barnier - de « coût économique acceptable » qui le fragilise.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a rejeté votre amendement, un juste équilibre ayant été trouvé avec la loi Barnier.
Mme Ségolène Royal, ministre. - Même avis.
L'amendement n°18 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°320, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 8
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Ce principe implique d'éviter les atteintes significatives à l'environnement et à défaut, de les réduire. Par dérogation au principe de prévention, pour les atteintes à la biodiversité qui n'ont pu être évitées ou réduites, des mesures de compensation doivent être prises en dernier lieu pour les réparer.
« Les mesures de compensation doivent être additionnelles, respecter l'équivalence écologique et être effectives pendant toute la durée des impacts. Leur réalisation est soumise à une obligation de résultat. » ;
M. Ronan Dantec. - Nous voulons placer la compensation en dérogation de l'action préventive elle-même obligatoire. Nous nous rapprocherions ainsi du droit européen.
M. le président. - Amendement n°531 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mme Laborde et MM. Mézard, Requier et Vall.
Alinéa 8
Supprimer le mot
significatives
M. Jean-Claude Requier. - Même objectif...de l'axe Dantec-Requier. (Sourires)
M. le président. - Amendement n°225 rectifié, présenté par Mme Billon, MM. D. Dubois et Luche, Mme Loisier et MM. L. Hervé, Guerriau, Cadic, Longeot, Lasserre et Roche.
Alinéa 8
Après le mot :
compenser
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
, lorsque cela est possible, les atteintes notables qui n'ont pu être évitées et suffisamment réduites. » ;
Mme Annick Billon. - Nous précisons la notion de compensation, qui est très large, pour mieux prendre en compte la dimension environnementale, sociale et économique à respecter.
M. le président. - Amendement identique n°329 rectifié, présenté par M. Revet, Mme Lamure, M. Lenoir, Mme Canayer et M. D. Laurent.
Mme Élisabeth Lamure. - Défendu.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Les mesures de compensation sont soumises à obligation de résultat. L'Agence française pour la biodiversité précisera les règles. Avis défavorable à l'amendement n°320.
La compensation est déjà un dernier recours et il ne faut pas donner l'idée que l'écart à l'obligation puisse être plus grande. Avis défavorable à l'amendement n°531 rectifié. Même avis aux amendements nos225 rectifié et 329 rectifié.
Mme Ségolène Royal, ministre. - Sagesse sur l'amendement n°320 ; je ne crois pas capital que la compensation doive être définie si précisément. Retrait sur les autres : la rédaction issue de votre commission est satisfaisante, plus équilibrée.
M. Alain Vasselle. - Le terme « significatif » est-il normatif ? Comment le juge l'appréciera-t-il d'un territoire à un autre ?
L'amendement n°320 n'est pas adopté.
L'amendement n°531 rectifié est retiré.
Les amendements identiques nos225 rectifié et 329 rectifié ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°267, présenté par M. Poher, Mme Bonnefoy, MM. Cornano et Filleul, Mme Herviaux, M. Miquel, Mme Tocqueville et M. Yung.
Alinéa 9
Rétablir le 2° bis dans la rédaction suivante :
2° bis Le même 2° est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce principe doit viser un objectif d'absence de perte nette, voire tendre vers un gain de biodiversité ; »
M. Hervé Poher. - Nous rétablissons le principe d'absence de perte nette de biodiversité. C'est dans la logique même du français dans l'expression « ERC ». Autant l'expliciter ! Ensuite, nous ajoutons « tendre vers un gain », c'est le sens même de la reconquête, sauf à l'envisager d'emblée comme un échec. (M. Joël Labbé applaudit)
M. le président. - Amendement identique n°302, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.
M. Ronan Dantec. - Quelle ambition pour ce texte en matière de biodiversité où nous avons déjà beaucoup perdu ? Il s'agit bien de reconquête : nous pouvons regagner en biodiversité, c'est le sens de cet amendement. Cette rédaction signifie que nous voulons des progrès tangibles. (M. Joël Labbé applaudit)
M. le président. - Amendement n°533 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Amiel, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.
Alinéa 9
Rétablir le 2° bis dans la rédaction suivante :
2° bis Le même 2° est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce principe doit viser un objectif d'absence de perte nette de la biodiversité ; »
M. Jean-Claude Requier. - Nous reprenons le principe déterminant d'absence de perte nette de biodiversité adopté à l'Assemblée nationale et découlant en particulier du principe de prévention.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Les amendements identiques nos267 et 302 rétablissent une phrase sans effet juridique sur ces principes généraux du droit de l'environnement : défavorable. Même avis sur l'amendement n°533 rectifié qui, même s'il est plus timoré, reste aussi flou. Je rappelle que nous en sommes à l'article L. 110-1 du code de l'environnement qui traite des principes généraux du droit de l'environnement.
Mme Ségolène Royal, ministre. - Favorable à la rédaction des amendements identiques nos267 et 302, qui reviennent au texte adopté à une très large majorité à l'Assemblée nationale.
Il ne s'agit pas d'une obligation de résultat mètre carré par mètre carré ; mais vous avez dit la régression très dangereuse de la biodiversité : nous devons affirmer que nous visons une reconquête, y compris pour le monde agricole - il n'y a pas d'ambiguïté.
M. Alain Vasselle. - Cette rédaction ne figurait pas dans le projet du Gouvernement : elle a été ajoutée par l'Assemblée nationale. Nous avons voté contre les atteintes significatives à l'environnement, mais ici on parle d'interdire les pertes nettes : est-ce la même jauge ? C'est contradictoire...
M. Ronan Dantec. - S'il n'y a pas de perte significative, on n'engage pas de mesure ; cependant, en cas d'opération plus lourde, nécessitant l'emploi de deniers publics, on vise à reconquérir : c'est cohérent.
Les amendements nos267 et 302 ne sont pas adoptés.
L'amendement n°533 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°172 rectifié, présenté par MM. Pellevat et D. Dubois.
Alinéas 10 et 11
Supprimer ces alinéas.
M. Cyril Pellevat. - Nous proposons d'enlever du texte le principe de solidarité écologique qui est incantatoire, juridiquement contestable, sujet à interprétations contradictoires ; ne répond pas aux objectifs de l'article L. 110-1, censé énoncer des principes directeurs du droit de l'environnement ; méconnaît les exigences constitutionnelles de normativité, d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi.
M. le président. - Amendement n°226 rectifié, présenté par Mme Billon, MM. Longeot, Roche et Lasserre, Mme Loisier et MM. L. Hervé, Guerriau, Cadic et Luche.
Alinéa 11
Remplacer les mots :
toute prise de décision publique
par les mots :
les plans et programmes publics
Mme Annick Billon. - Nous proposons d'appliquer le principe de solidarité écologique aux plans et programmes publics.
M. le président. - Amendement identique n°330 rectifié, présenté par M. Revet, Mme Lamure, M. Lenoir, Mme Canayer et M. D. Laurent.
Mme Élisabeth Lamure. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°268, présenté par M. Poher et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 11
Supprimer le mot :
directement
M. Hervé Poher. - Nous supprimons la référence aux territoires « directement » concernés, qui exclut des territoires touchés par des équipements : une ligne TGV peut être préjudiciable à la biodiversité, par exemple. Les sangliers de ma commune en ont vu leurs habitudes profondément bouleversées, s'aventurant jusqu'à des terres agricoles qu'ils ne fréquentaient pas auparavant.
M. le président. - Amendement identique n°303, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.
M. Ronan Dantec. - Il n'y a pas d'un côté les défenseurs des animaux, de l'autre ceux des humains...Effectivement, les conséquences de l'ensemble des impacts, directs ou indirects, peuvent être très importantes et doivent être prises en compte.
M. le président. - Amendement identique n°526 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier, Vall et Barbier.
M. Raymond Vall. - Défendu.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Le principe de solidarité écologique est utile à la responsabilité environnementale et le Conseil d'État a souligné que sa mention légale aurait des effets sur le pouvoir réglementaire : défavorable à l'amendement n°172 rectifié.
Même avis sur les amendements nos226 rectifié et 330 rectifié identiques. Le principe de solidarité écologique de l'alinéa 11 implique la prise en compte des interactions entre écosystèmes : l'appliquer plus largement au stade de la prise de décision n'est pas très clair...
Avis défavorable aux amendements nos268, 303 et 526 rectifié bis également. La notion de « territoire indirectement concerné » était bien floue, bien trop large, elle aurait compliqué la réalisation des études d'impact.
Mme Ségolène Royal, ministre. - Même avis sur les amendements nos172, 226 et 330, qui ne servent pas les objectifs de la loi.
Les amendements nos268 et identiques reviennent au texte de l'Assemblée nationale : avis favorable, par cohérence. Inclure les territoires indirectement concernés introduit de la souplesse dans le dispositif, puisqu'il s'agit de territoires « soit directement concernés », « soit indirectement concernés ».
M. Daniel Dubois. - « Le principe de solidarité écologique appelle à prendre en compte dans toute prise de décision publique ayant une incidence notable sur l'environnement directement concernés, les interactions des écosystèmes des êtres vivants et des milieux naturels ou aménagés ». Il y a déjà le principe de précaution pour empêcher tout mouvement, voici que la solidarité écologique obligera à tout démontrer, et Alur prive de tout terrain pour des projets : à part vivre dans des réserves d'Indiens, que pourra-t-on faire dans les territoires ruraux ?
Mme Marie-Christine Blandin. - Demandez simplement à la ministre de faire preuve de prudence dans la rédaction du décret...
La solidarité écologique n'est rien d'autre que l'interdépendance entre espèces : c'est un état de fait.
Ce paragraphe parle des projets d'aménagement humains, pas des terriers de castors. Prendre en compte toutes les interactions, alors que nous sommes dans le même bateau planétaire, est un minimum dans un texte sur la biodiversité.
M. Alain Vasselle. - L'intervention publique, cela concerne autant l'État que les collectivités territoriales... Les travaux routiers des communes devront-ils être précédés systématiquement d'étude d'impact ? Jusqu'où devra-t-on aller, madame la ministre ?
M. Joël Bailly. - Nous avons tous, élus locaux, en mémoire un certain nombre de dossiers retardés en raison de la protection des papillons ou des crapauds... Dans mon département, un virage routier dangereux n'a jamais pu être modifié à cause de la présence d'une certaine espèce de fleur... De même, tel projet de photovoltaïque est passé de 14 à 8 hectares pour préserver l'habitat de tel papillon. Voilà sur quoi on bute pour développer des énergies renouvelables !
L'amendement n°172 rectifié n'est pas adopté.
Les amendements identiques nos226 rectifié et 330 rectifié ne sont pas adoptés.
Les amendements identiques nos268, 303, 526 rectifié bis ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°304, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.
I. - Après l'alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 7° Le principe de non régression en matière d'environnement selon lequel les dispositions législatives et réglementaires nécessaires pour protéger l'environnement et la biodiversité ne doivent pas entraîner un recul dans le niveau de protection déjà atteint. »
II. - Alinéa 14
Supprimer cet alinéa.
M. Ronan Dantec. - L'étude d'impact précise que l'introduction d'un principe de non-régression a été suggérée. Il peut s'entendre comme une non-régression du droit appliquée à la protection de la biodiversité ou une non-régression de la biodiversité, aussi appelée « pas de perte nette de biodiversité », développée notamment dans la stratégie européenne pour la biodiversité. Aucune de ces deux acceptions n'a malheureusement été retenue.
M. le président. - Amendement n°3 rectifié quater, présenté par M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Vasselle, Mme Canayer, MM. Gilles, Pointereau, Milon, Mouiller et Panunzi, Mme Gruny, M. Kennel, Mme Lopez, MM. Bouchet, Laufoaulu, D. Laurent, Trillard, Mandelli, César, Mayet, Lemoyne, Cornu, Morisset et Laménie, Mmes Micouleau et Primas, M. Commeinhes, Mme Giudicelli, M. Charon, Mme Lamure, MM. Vaspart, Doligé, J.P. Fournier, Poniatowski, Genest, Danesi, Grand, Bizet, Pillet, Pellevat, Pinton, de Nicolaÿ, Revet, Lefèvre, B. Fournier, Longuet, Pintat, Vial et Darnaud, Mme Morhet-Richaud, MM. Allizard, Delattre, Masclet, P. Leroy et Lenoir, Mme Deseyne et MM. A. Marc, Dassault, Chasseing, Raison, Gremillet, Luche, Houpert, Savary, Médevielle, Guerriau, D. Dubois et Gournac.
Alinéa 14
Supprimer cet alinéa.
M. Jean-Noël Cardoux. - L'alinéa 14 prévoit la possibilité d'introduire à terme un principe de non-régression en matière environnementale. Cela rappelle les « avantages acquis » en matière sociale ! Autrement dit, on s'apprête à mettre le monde sous cloche. Il y a une vingtaine d'années, les propriétaires devaient nettoyer les lits des rivières des arbres morts dont la présence pouvait causer des inondations. Il est désormais interdit de procéder à un tel nettoyage pour ne pas troubler les castors - moyennant quoi les rivières débordent. N'entrons pas dans cette logique perverse.
M. le président. - Amendement identique n°81 rectifié ter, présenté par MM. Bérit-Débat, Patriat et Carrère, Mmes Cartron et D. Michel, MM. Vaugrenard, Camani, Labazée, Roux et Manable, Mmes Jourda, Herviaux et Bataille, MM. Montaugé, Lalande, Lorgeoux, J.C. Leroy, Jeansannetas, Chiron et Courteau, Mme Riocreux et MM. Mazuir, Madrelle, Cazeau et Raynal.
M. Claude Bérit-Débat. - C'est le même. Je pourrais citer pour ma part l'exemple des cormorans...
M. le président. - Amendement identique n°530 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Arnell, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.
M. Guillaume Arnell. - Introduire à terme un principe de non-régression en matière environnementale poserait de sérieuses difficultés. C'est contraire à la vision dynamique de la biodiversité : une espèce actuellement menacée ne le restera pas forcément à l'avenir.
M. le président. - Amendement n°216, présenté par MM. Antiste, Cornano et Karam.
Alinéa 14
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
II. - Le II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Le principe de non régression en matière d'environnement selon lequel les dispositions législatives et réglementaires nécessaires pour protéger l'environnement et la biodiversité ne doivent pas entrainer un recul dans le niveau de protection déjà atteint. »
M. Maurice Antiste. - Le principe de non-régression du droit de l'environnement a fait l'objet d'une résolution adoptée au dernier congrès mondial de l'Union internationale pour la conservation de la nature. Identifié lors des états généraux de modernisation du droit de l'environnement, il figure dans la feuille de route pour la modernisation du droit de l'environnement. Ce principe devrait même être adossé à la Constitution au sein de la Charte de l'environnement, et son champ d'application élargi au-delà de la biodiversité.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Distinguons le principe lui-même de son niveau d'inscription dans la hiérarchie des normes. Ce principe fait débat depuis 1987 au niveau européen. Ce n'est donc pas nouveau... La régression, en matière environnementale, peut procéder d'initiatives humaines, ou des circonstances. Renvoyer à un rapport peut apparaître souhaitable ; la commission est défavorable à ces amendements de suppression.
Mme Ségolène Royal, ministre. - Le Gouvernement s'est engagé à remettre ce rapport au Parlement. Retrait de ces amendements ? Il est prématuré de faire figurer ce principe dans le droit sans avoir mesuré toutes ses conséquences.
M. Michel Raison. - Le 3 avril 2015, un communiqué indiquait l'attachement de la ministre à ce principe de non-régression. Rendre un rapport, c'est déjà mettre le doigt dans un engrenage dangereux. Pourquoi les seuils fixés par le législateur seraient-ils tous bons, et à toujours relever ? La non-régression est une forme de prétention de notre part. Pourquoi entraver notre liberté de décision ? L'évolution ne commande-t-elle pas plutôt de s'adapter ? Je vous demande de supprimer l'alinéa 14.
M. Alain Vasselle. - La Haute Assemblée n'est guère encline à voter des rapports, souvent remisés dans les placards des ministères...
La commission des lois a récemment examiné une proposition de loi constitutionnelle portée par Rémy Pointereau interdisant toute « surtransposition » du droit européen. C'est pourtant ce à quoi l'on s'applique ici. Il n'est d'ailleurs pas un sujet qui y échappe - gavage des oies, période de chasse... Gardons-nous de tout excès de zèle !
M. Ronan Dantec. - Je retire l'amendement n°304. Le débat montre à quel point nous avons besoin d'un rapport ! Cormorans, oies, chasse... Ce n'est pas le sujet ici, nous parlons de non-régression des grands équilibres en matière de biodiversité.
L'amendement n°304 est retiré.
M. Jean-Noël Cardoux. - En effet le rapport sera utile pour que chacun comprenne... Le rapporteur fait la promotion d'une vision dynamique de la biodiversité. C'est contraire au principe de régression.
Jadis, les sarcelles d'été ont disparu parce qu'il y avait eu une sécheresse au Sahel avant de réapparaître. Heureusement que l'on a résisté à la tentation de les inscrire alors sur la liste des espèces à protéger d'urgence. Laissons-nous la possibilité d'évoluer.
M. Louis Nègre. - Le principe de non-régression est un grand principe, dites-vous, et n'a rien à voir avec les cormorans. Moi qui suis maire, je connais les difficultés pratiques d'arbitrage auxquelles les élus sont confrontés sur le terrain : les sujets ont donc bien des points communs...
M. Claude Bérit-Débat. - Je remercie Mme la ministre pour son avis de sagesse.
M. François Grosdidier. - Pourquoi légiférons-nous si ce n'est pour arrêter l'érosion de la biodiversité ? J'ai aussi des problèmes de cormorans. Il s'agit de préserver les équilibres, et cela exige des ajustements constants. Le principe de non-régression est important, mais doit être concilié. Il faut l'inscrire dans la loi.
M. Ronan Dantec et Mme Évelyne Didier. - Très bien !
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Dans quel engrenage mettrions-nous le doigt ? Réfléchir n'engage à rien. Bruxelles s'y emploie : prenons garde à ne pas nous voir imposer le respect d'une norme à laquelle nous ne serions pas préparés. À ce stade, peu de gens peuvent dire précisément en quoi consiste ce principe. N'ayons pas d'inquiétudes infondées ; le processus est encore long, d'un rapport à l'application de la loi...
M. Maurice Antiste. - La sagesse serait d'accepter le rapport proposé par la ministre.
Les amendements identiques nos3 rectifié quater 81 rectifié ter, 530 rectifié sont adoptés.
L'amendement n°216 est retiré.
M. le président. - Amendement n°2 rectifié quater, présenté par M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Vasselle, Mme Canayer, MM. Gilles, Pointereau, Milon, Mouiller et Panunzi, Mme Gruny, M. Kennel, Mme Lopez, MM. Bouchet, Laufoaulu, D. Laurent, Trillard, César, Mayet, Lemoyne, Cornu, Morisset et Laménie, Mmes Micouleau et Primas, M. Commeinhes, Mme Giudicelli, M. Charon, Mme Lamure, MM. Vaspart, Doligé, J.P. Fournier, Poniatowski, Genest, Danesi, Grand, Bizet, Pillet, Pellevat, Pinton, de Nicolaÿ, Revet, Lefèvre, B. Fournier, Longuet, Pintat, Vial et Darnaud, Mme Morhet-Richaud, MM. Allizard, Delattre, Masclet, P. Leroy et Lenoir, Mme Deseyne et MM. A. Marc, Dassault, Chasseing, Raison, Béchu, Gremillet, Luche, Houpert, Savary, Médevielle, Guerriau, D. Dubois et Gournac.
Après l'alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Le principe de la conservation par l'utilisation durable, selon lequel la pratique des usages est un instrument au service de la conservation de la biodiversité. »
M. Jean-Noël Cardoux. - Les lois adoptées en matière de protection, de mise en valeur, de restauration, de remise en état et de gestion des espaces, des ressources et milieux naturels, des sites et paysages, de la qualité de l'air, des espèces animales et végétales, de la diversité et des équilibres biologiques obéissent à certains principes : principe de précaution, principe d'action préventive et de correction, principe pollueur-payeur, principe d'accessibilité aux informations environnementales et principe de participation.
Cela n'inclut pas les nouveaux concepts et principes internationaux relatifs à l'utilisation durable de la biodiversité. Cet amendement y remédie.
M. le président. - Amendement identique n°80 rectifié ter, présenté par MM. Bérit-Débat, Patriat et Carrère, Mmes Cartron et D. Michel, MM. Vaugrenard, Camani, Labazée, Roux et Manable, Mmes Jourda, Herviaux et Bataille, MM. Montaugé, Lalande, Lorgeoux, J.C. Leroy, Jeansannetas, Chiron et Courteau, Mme Riocreux et MM. Mazuir, Madrelle, Cazeau et Raynal.
M. Claude Bérit-Débat. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°529 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Amiel, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.
M. Guillaume Arnell. - C'est le même.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Avis défavorable à l'introduction dans le code de l'environnement d'un principe sans portée normative. Nos lois sont assez bavardes.
De plus, la pratique des usages n'est pas, a priori, au service de la biodiversité : ce sont tel ou tel usage utile à la biodiversité, qu'il faut encourager. Un amendement adopté en commission satisfait sur le fond ces amendements.
Mme Ségolène Royal, ministre. - Même avis.
Les amendements identiques nos2 rectifié quater, 80 rectifié ter et 529 rectifié sont adoptés.
M. le président. - Amendement n°417, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 13
Après le mot :
lequel
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
certaines surfaces agricoles et forestières sont porteuses d'une biodiversité spécifique et variée et les activités agricoles et forestières doivent contribuer à la préservation des continuités écologiques et de la biodiversité. »
M. Ronan Dantec. - Cet amendement rend hommage aux activités agricoles et forestières.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Avis défavorable. Toutes les surfaces sont porteuses d'une biodiversité spécifique.
Mme Ségolène Royal, ministre. - « Certaines surfaces », ce n'est guère précis. N'affaiblissons pas l'article.
L'amendement n°417 est retiré.
M. le président. - Amendement n°379 rectifié, présenté par Mme Jourda et M. Cabanel.
Apre?s l'alinéa 13
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Dans un délai de trois ans a? compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la mise en oeuvre du principe de solidarité écologique pre?vu au 6° de l'article L. 110-1 du code de l'environnement.
Mme Gisèle Jourda. - La prise en compte des notions de « solidarité écologique » et d'incidence « notable » dans les décisions publiques est nouvelle et sera forcément soumise a? des interprétations.
Un rapport peut être un outil efficace, dont il ne faut pas se priver.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Avis défavorable à un nouveau rapport. Le travail de contrôle du Parlement peut emprunter d'autres voies, une mission d'information par exemple.
Mme Ségolène Royal, ministre. - Même avis.
Mme Gisèle Jourda. - Je ne perçois pas bien la logique de la réponse, mais soit.
L'amendement n°379 rectifié est retiré.
M. Daniel Dubois. - L'article L. 110-1 du code de l'environnement repose sur trois piliers : environnemental, économique et social. Toute action publique se verra confrontée à de grandes difficultés, et les occupations de terrains vont se multiplier. Les zadistes ont de beaux jours devant eux ! Je ne voterai pas cet amendement.
M. Alain Vasselle. - J'ai senti le rapporteur très contrarié que nous ne votions pas dans le sens qu'il souhaitait. Il nous a expliqué que nous nous tirions une balle dans le pied en n'acceptant pas le rapport sur le principe de non-régression. Pourquoi ne pas accepter celui-là ? Le Parlement fait aussi se pencher sur le principe de non-régression dans le cadre de sa fonction de contrôle.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Il en faut plus que le rejet d'un amendement que je soutiens pour me contrarier. Un rapport pour examiner l'opportunité d'instituer un principe nouveau n'est pas comparable à un rapport pour apprécier une politique déjà inscrite dans notre droit positif. Rien n'interdira à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable de se saisir du sujet pour d'éclairer plus avant notre Haute Assemblée.
L'article 2, modifié, est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°13 rectifié ter, présenté par M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Vasselle, Mme Canayer, MM. Gilles, Pointereau, Milon, Mouiller et Panunzi, Mme Gruny, M. Kennel, Mme Lopez, MM. Bouchet, D. Laurent, Trillard, Mandelli, César, Mayet, Lemoyne, Cornu, Morisset et Laménie, Mmes Micouleau et Primas, M. Commeinhes, Mme Giudicelli, M. Charon, Mme Lamure, MM. Vaspart, Doligé, J.P. Fournier, Poniatowski, Genest, Danesi, Grand, Bizet, Pillet, Pellevat, Pinton, de Nicolaÿ, Revet, Lefèvre, B. Fournier, Longuet, Pintat, Vial et Darnaud, Mme Morhet-Richaud, MM. Allizard, Delattre, Masclet, P. Leroy et Lenoir, Mme Deseyne et MM. A. Marc, Dassault, Chasseing, Luche, Gremillet, Houpert, Savary, Médevielle, Guerriau et D. Dubois.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 2° du III de de l'article L. 110-1 du code de l'environnement est ainsi rédigé :
« 2° La préservation de la biodiversité, des milieux, des ressources ainsi que la sauvegarde des services qu'ils fournissent et des usages qui s'y rattachent ; »
M. Jean-Noël Cardoux. - Nous proposons de faire explicitement référence à la préservation des services et des usages parmi les finalités du développement durable : ils ne doivent pas être vus comme un problème mais comme une partie de la solution, car les utilisateurs de la ressource ont intérêt à la conserver. Un exemple précis : un chasseur aménageur qui veut rénover son marais doit s'adresser à l'Onema, il se heurte à des contraintes administratives, à des années d'attente, à des frais, et le plus souvent à un refus. Ce sont ces contraintes qui expliquent les inondations meurtrières !
M. le président. - Amendement identique n°82 rectifié ter, présenté par MM. Bérit-Débat, Patriat et Carrère, Mmes Cartron et D. Michel, MM. Vaugrenard, Camani, Labazée, Roux et Manable, Mmes Jourda, Herviaux et Bataille, MM. Montaugé, Lalande, Lorgeoux, J.C. Leroy, Jeansannetas, Chiron et Courteau, Mme Riocreux et MM. Mazuir, Madrelle, Cazeau et Raynal.
M. Claude Bérit-Débat. - La sauvegarde des usages est indispensable, l'exemple cité par M. Cardoux est parlant.
M. le président. - Amendement identique n°532 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Amiel, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.
M. Jean-Claude Requier. - Défendu.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - La préservation des usages n'est pas un principe, même en le répétant. Ils peuvent être des instruments au service du principe de préservation des milieux : avis défavorable.
Mme Ségolène Royal, ministre. - Même avis.
Mme Marie-Christine Blandin. - De quels usages parlez-vous ? Si l'on ignore que ces amendements sont signés par les chasseurs, on pourrait penser qu'ils visent les randonneurs qui cueillent les aconits, ou ceux qui jettent des matelas dans les ravines ! Il ne faut pas bloquer les évolutions, disiez-vous pourtant... Et vous ne visez pas même les seuls usages « légaux ». Il y a cinquante ans, une telle rédaction aurait conduit à préserver le droit de clouer des chouettes sur les portes !
M. Jean-Noël Cardoux. - J'ai cité la randonnée, la cueillette des champignons, l'herboristerie... Si vous n'aviez pas attaqué les chasseurs, ils ne seraient pas sur la défensive.
M. Ronan Dantec. - On en a besoin !
M. Jean-Noël Cardoux. - Des chasseurs qui réhabilitent des marais pour la chasse à la bécassine les ouvrent aux randonneurs en période de non chasse et construisent des miradors d'observation de la faune : vous faites un mauvais procès !
Les amendements identiques nos13 rectifié ter, 82 rectifié ter et 532 rectifié sont adoptés et deviennent article additionnel.
Mardi 19 janvier 2016 |
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Sommaire
Organisme extraparlementaire (Candidature)1
Sénateur en mission1
Demande d'avis sur une nomination1
CMP (Demande de constitution)1
Accord en CMP1
Engagement de la procédure accélérée1
Dépôt de documents1
Questions prioritaires de constitutionnalité2
Délégation (Candidature)2
Reconquête de la biodiversité2
Discussion générale commune2
Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie2
M. Jérôme Bignon, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable2
Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques2
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission de la culture2
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable2
Mme Évelyne Didier2
M. Hervé Poher2
M. Ronan Dantec2
M. Stéphane Ravier2
M. Guillaume Arnell2
Mme Chantal Jouanno2
M. Louis Nègre2
Organisme extraparlementaire (Nomination)2
Délégation (Nomination)2
Questions d'actualité2
Plan pour l'emploi (I)2
M. Jean-Claude Boulard2
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social2
Plan pour l'emploi (II)2
M. Jean-François Longeot2
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social2
Situation de l'agriculture2
M. Jean-Claude Lenoir2
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement2
Virus Zika2
M. Guillaume Arnell2
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes2
Fiches S2
Mme Corinne Bouchoux2
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur2
Plan pour l'emploi (III)2
M. Jean-Pierre Bosino2
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social2
Grippe aviaire2
M. Jean-Louis Carrère2
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement2
Lenteur du processus parlementaire2
M. François Pillet2
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement2
Emploi2
M. Claude Nougein2
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget2
Rentrée scolaire en Guadeloupe-Martinique2
M. Jacques Cornano2
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche2
Reconquête de la biodiversité (Suite)2
Discussion générale commune (Suite)2
Mme Annick Billon2
Mme Nicole Bonnefoy2
M. Joël Labbé2
M. Raymond Vall2
M. Jean-Noël Cardoux2
M. Pierre Médevielle2
M. Jean-Yves Roux2
M. Michel Vaspart2
M. Jean-Baptiste Lemoyne2
M. Jacques Cornano2
M. Gérard Cornu2
Conférence des présidents2
Reconquête de la biodiversité (Suite)2
Discussion des articles du projet de loi2
ARTICLE PREMIER2
Mme Marie-Christine Blandin2
M. Joël Guerriau2
M. Roland Courteau2
M. Maurice Antiste2
M. François Grosdidier2
ARTICLES ADDITIONNELS2
ARTICLE 22
M. Jean-Louis Carrère2
M. Roland Courteau2
M. François Grosdidier2
SÉANCE
du mardi 19 janvier 2016
53e séance de la session ordinaire 2015-2016
présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente
Secrétaires : M. Serge Larcher, M. Jean-Pierre Leleux.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site internet du Sénat, est adopté sous les réserves d'usage.
Organisme extraparlementaire (Candidature)
Mme la présidente. - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir lui faire connaître le nom d'un sénateur désigné pour siéger au sein du Conseil national du développement et de la solidarité internationale. La commission des affaires étrangères a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Henri de Raincourt comme membre titulaire pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été publiée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
Sénateur en mission
Mme la présidente. - Par courrier en date du 18 janvier 2016, M. le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l'article L.O. 297 du code électoral, M. Jérôme Durain, sénateur de Saône-et-Loire, en mission temporaire auprès de Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique. Cette mission portera sur la proposition d'un cadre législatif et réglementaire favorisant le développement en France des compétitions de jeux vidéo.
Demande d'avis sur une nomination
Mme la présidente. - Conformément au cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, M. le président du Sénat a saisi la commission des affaires sociales pour qu'elle procède à l'audition et émette un avis sur la nomination de Mme Agnès Buzin dont la nomination aux fonctions de présidente de la Haute Autorité de santé est envisagée.
CMP (Demande de constitution)
Mme la présidente. - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi d'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée. Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du Règlement.
Accord en CMP
Mme la présidente. - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur la proposition de loi créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
Engagement de la procédure accélérée
Mme la présidente. - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen du projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées, déposé sur le Bureau du Sénat le 2 décembre 2015.
Dépôt de documents
Mme la présidente. - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre l'avenant n°1 à la convention du 2 septembre 2010 entre l'État, l'Agence nationale de la recherche et la Caisse des dépôts et consignations relative au programme d'investissements d'avenir, action « France Brevets » ; l'avenant n°3 à la convention du 29 juillet 2010 entre l'État et l'Agence nationale de la recherche relative au programme d'investissements d'avenir, action « Valorisation, fonds national de valorisation » ; la convention entre l'État et l'Agence nationale de la recherche relative au programme d'investissements d'avenir, action « Instituts convergences ».
Ces documents ont été transmis à la commission des finances, à la commission des affaires économiques et à celle de la culture.
Questions prioritaires de constitutionnalité
Mme la présidente. - Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date des 14 et 15 janvier, trois décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur le cumul des poursuites pénales pour délit d'initié avec des poursuites devant la commission des sanctions de l'AMF pour manquement d'initié ; l'exclusion de certains compléments de prix du bénéfice de l'abattement pour durée de détention en matière de plus-value mobilière ; l'incompatibilité de l'exercice de l'activité de conducteur de taxi avec celle de conducteur de VTC.
En outre, le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le lundi 18 janvier 2016, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, le Conseil d'État a adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant respectivement sur l'article 8 de la loi du 3 avril 1955 (Fermetures de salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion et interdictions de réunions dans le cadre de l'état d'urgence) ; et sur le I de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 dans sa rédaction résultant de la loi du 20 novembre 2015 (Perquisitions administratives dans le cadre de l'état d'urgence). Le texte de ces décisions de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Délégation (Candidature)
Mme la présidente. - Le groupe Les Républicains a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, en remplacement de Mme Vivette Lopez, démissionnaire. Cette candidature a été publiée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du Règlement.
Reconquête de la biodiversité
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages et de la proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la nomination à la présidence du conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité.
Il a été décidé que ces deux textes feraient l'objet d'une discussion générale commune.
Discussion générale commune
Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie . - Je suis très heureuse de présenter devant vous ce texte qui veut donner un nouvel élan à la protection et à la valorisation de nos richesses naturelles, en donnant force de loi à ce choix, à ce modèle de civilisation nouveau : agir non plus contre la nature mais avec elle, la traiter en partenaire dans une chaîne dont nous faisons partie. Créer la croissance verte et la croissance bleue, c'est notre nouvelle frontière, une nouvelle alliance entre l'humanité et la nature.
Je remercie vos commissions et leurs rapporteurs, qui ont minutieusement examiné le texte. En 2007 déjà, les sénateurs Laffitte et Saunier avaient rédigé, au nom de l'Opesct, un rapport au titre éloquent : « La biodiversité, l'autre choc, l'autre chance », qui disait déjà l'urgence à agir et le potentiel scientifique, technique et économique de la diversité du vivant.
Adopté en mars dernier par l'Assemblée nationale, ce texte a aussi bénéficié de la contribution des ONG et associations et de consultations participatives, à l'initiative de Joël Labbé, que je félicite, recueillant 50 000 votes.
Ces contributions ont alimenté des amendements, et nous regardons encore comment y donner suite.
Ce texte s'inscrit dans le même esprit que la loi pour la transition énergétique : avec ces deux textes, la France se dote du cadre législatif le plus complet, le plus volontariste d'Europe. Ils donnent corps à une avancée majeure en reconnaissant la relation entre réchauffement climatique et biodiversité, les impacts du dérèglement climatique sur les écosystèmes, et la valorisation de la biodiversité comme solution d'atténuation et d'adaptation à la dérive du climat. En témoigne l'agenda des solutions qui accompagne l'accord de Paris. De nombreuses coalitions internationales ont été signées pour agir sans délai, comme le pacte de Paris sur l'eau, qui regroupe 305 organisations et 87 États.
Je pense aux actions de replantations des mangroves dont je me suis engagée à protéger 55 000 hectares d'ici 2020, surtout outre-mer, ou aux 75 % des récifs coralliens, essentiels comme nurseries pour la faune aquatique, l'épuration des eaux ou la captation du carbone, dont 75 % seront protégés d'ici 2021.
La COP21 a accéléré la prise de conscience des enjeux et donne un éclairage particulier à vos travaux. Dans ce contexte d'urgence, alors que l'activité humaine détruit la biodiversité à un rythme inédit, au point que certains experts parlent de sixième extinction de masse, ce texte s'attaque à un problème global : 60 % des espèces sont en effet en situation défavorable en Europe, et 420 millions d'oiseaux ont disparu en trente ans. La biodiversité s'érode à une cadence qui dépasse sa capacité de régénération.
Selon Hubert Reeves, nous coupons la branche sur laquelle nous sommes assis ; c'est nous qui sommes désormais dans le collimateur de ce phénomène destructeur. La reconquête de la biodiversité, impérative, est possible mais nécessite la mobilisation de tous. Faire de l'urgence une chance, rétablir avec la nature des relations fructueuses, bonnes pour la santé et l'emploi, faire de la France un pays d'excellence environnementale, tel est l'objectif.
La France est riche en merveilles naturelles : c'est le premier pays européen pour la variété des oiseaux, des mammifères et des amphibiens ; elle possède le deuxième domaine maritime, la quatrième superficie de récifs coralliens. C'est aussi le sixième pays abritant le plus d'espèces menacées...
Cette loi de mobilisation inscrit des principes opérationnels et crée l'Agence française pour la biodiversité, outil d'expertise et de pilotage unique au monde regardé avec attention par nos voisins.
Au fil des ans, la France s'est dotée de moyens de protection de ses paysages, comme le Conservatoire du littoral, les parcs nationaux et régionaux, les parcs marins ou les grands sites. Mais face à la pression croissante des activités humaines, cela reste insuffisant.
Pour tirer parti du patrimoine sans l'épuiser, nous inscrivons dans le code de l'environnement trois grands principes : d'abord, la solidarité écologique, la reconnaissance scientifique de l'interaction des écosystèmes, car la biodiversité est un tissu vivant de la planète dans lequel tout se tient, qu'il ne s'agit pas de mettre sous cloche. Deuxième principe : le triptyque « éviter, réduire, compenser », c'est-à-dire anticiper, intégrer en amont les impacts sur la biodiversité. La compensation n'est pas un permis de détruire mais une obligation de responsabilité. D'où l'importance d'une élaboration partenariale et participative des politiques ; d'où la mise en mouvement des territoires autour des trames vertes et bleues et l'arrivée de la deuxième étape du fonds de transition énergétique. Troisième principe : innover sans piller, soutenir l'innovation et les emplois de la croissance verte et bleue en luttant contre la biopiraterie. Les ressources génétiques et les connaissances traditionnelles doivent être mises en valeur pour le profit des populations, des petites entreprises et de la recherche. Le potentiel est grand, dans l'agroalimentaire, la cosmétique ou la pharmacie. Je veillerai à ce qu'aucun dépôt intempestif de brevet ne vienne limiter l'accès à des ressources dont il s'agit de partager les bénéfices.
L'Agence française pour la biodiversité, avec une seule instance scientifique, une seule instance de concertation déclinée dans les outre-mer, sera plus efficace que les trop nombreux organismes existants.
M. Jean-Louis Carrère. - Tous localisés à Paris !
Mme Ségolène Royal, ministre. - C'est un outil très attendu, qui reprend un engagement du président de la République lors de la conférence environnementale de 2014. Une mission de préfiguration a été installée dès octobre 2014. L'Agence sera donc opérationnelle tout de suite. Atelier sur les outre-mer en février dernier, séminaire en mai, assises de la biodiversité à Dijon en juin dernier associant les professionnels de la biodiversité : la concertation a été large.
L'Agence française pour la biodiversité bénéficiera, outre son budget de 230 millions d'euros, de 60 millions d'euros au titre des programmes d'investissement d'avenir. Elle regroupera l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema), le groupement d'intérêt public Atelier technique des espaces naturels, l'Agence des aires marines protégées, l'établissement public des Parcs nationaux de France. Elle passera des conventions de partenariat avec le Museum d'histoire naturelle, l'Ifremer, l'Office national de la chasse et de la faune sauvage par exemple (ONCFS). Je sais que certains regrettent que ce dernier ne la rejoigne pas mais le partenariat devrait créer une dynamique positive. Sa logique en réseau permettra de faire des économies de fonctionnement. Ce sera un lieu d'excellence menant des actions de recherche volontaristes, assurant une meilleure visibilité de notre stratégie et un décloisonnement des instruments.
Je déposerai des amendements afin de lever une ambiguïté de la loi Modernisation de l'action publique afin que les communes ou EPCI qui ont transféré leur compétence dans le domaine de l'eau à un syndicat puissent lever la taxe prévue à cet effet. Je vous proposerai une rédaction souple pour permettre l'adoption d'un dispositif particulier, région par région : ce qui compte, c'est l'efficacité. Toutes les collectivités sont concernées, notamment les départements qui gèrent les espaces naturels sensibles. L'élargissement de la compétence des agences de l'eau apportera plus de financement.
Les paysages du quotidien contribuent puissamment à l'image de la France et à la qualité de vie des Français. Ils font partie de notre histoire, de notre identité commune. Je remettrai le 3 février le grand prix des paysages : les citoyens du monde doivent prendre soin de leur jardin planétaire et en partager les beautés.
La biodiversité est très concrète : elle concerne la santé de tout un chacun. Une nature malmenée, c'est un risque sanitaire accru. Ce texte facilitera le recours au traitement naturel de l'eau, interdit le rejet en mer d'eaux de ballast non traitées et fait la part belle au génie écologique, encouragé par le plan santé environnement 2015-2019. Parmi les objectifs de santé publique : la réduction de l'utilisation des pesticides, le développement du programme « terre saine, communes sans pesticide », l'interdiction de l'épandage autour des écoles, la restauration de la qualité écologique des eaux marines, avec l'interdiction, dès 2016, des sacs plastiques à usage unique.
Nous avons prévu des actions d'accompagnement de la loi, dans lesquelles les collectivités territoriales ont toute leur place, notamment les territoires à énergie positive.
La biodiversité est une opportunité de développement économique et de création d'emplois ancrés sur les territoires. C'est la croissance bleue et la croissance verte : innovation scientifique et technique, développement de filières d'avenir, création d'emplois peuvent s'appuyer sur la transition énergétique. Les emplois directs dans les parcs naturels ou les aires marines protégées sont déjà 40 000. Les métiers des jardins et paysages représentent 150 000 emplois, et un marché de 10 milliards d'euros ; la pêche, l'agriculture, la sylviculture, la première transformation : deux millions d'emplois, et cinq millions d'emplois indirects, dans le tourisme, la filière bois, la cosmétique.
L'essor rapide du génie écologique qui représente déjà un demi-millier d'entreprises et 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires est le signe avant-coureur du possible et une raison supplémentaire d'agir. Le présent texte doit accentuer ce tournant en facilitant la création de réseaux de startups et de PME dans le bio-mimétisme et la bio-inspiration.
Comme le disait Robert Barbault : « La biodiversité est une véritable bibliothèque d'innovations, auprès de laquelle les bibliothèques de tous nos pays réunis ne représentent même pas un bout d'étagère ». Je pourrais aussi citer la chimie verte, soutenue par le programme des investissements d'avenir, ou les trophées de la stratégie nationale de la biodiversité... Les exemples ne manquent pas.
Il s'agit d'une loi d'action et de mobilisation des forces vives, qui poursuit aussi un objectif de simplification. J'ai été attentive aux remarques de vos commissions sur les quinze habilitations à légiférer par ordonnances : tous ces articles seront supprimés, soit que les ordonnances aient été intégrées dans le texte, soit que les questions aient été traitées par circulaire (M. Jean-Claude Lenoir s'en félicite). C'est ma façon de vous montrer combien je suis sensible à la qualité de vos travaux et de coconstruire avec vous cette loi magnifique. (Applaudissements sur les bancs des groupes communiste républicain et citoyen, socialiste et républicain, RDSE et écologiste)
M. Jérôme Bignon, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Adopté en Conseil des ministres en 2014, ce texte a déjà connu un long cheminement. Ma tâche de rapporteur a été passionnante : les très nombreuses auditions menées et contributions reçues, que j'ai toutes décortiquées, ont fini de me convaincre que le sujet est capital. Merci aux collègues de la commission de l'aménagement du territoire, et à son président, qui ont rendu possible la construction d'une solution, sans doute imparfaite, mais qui atteint un équilibre pragmatique et réfléchi. La commission a adopté 222 amendements, issus de tous les groupes ; elle a repris la quasi-totalité de ceux de Mme Primas, une vingtaine d'amendements de simplification de Rémy Pointereau, une dizaine d'amendements portés par M. Cardoux au nom du groupe d'études chasse.
Il s'agit, avec ce texte, de la planète que nous laisserons à nos petits-enfants, aux conditions de la survie sur terre. Elizabeth Kolbert, lauréate du prix Pulitzer, a enquêté sur « La sixième extinction ». Elle relève que nous sommes entrés dans une ère nouvelle, celle de l'anthropocène, celle de la première extinction massive d'espèces causée par la seule action humaine. Les signaux d'alarme pleuvent : le taux d'extinction des amphibiens est 45 000 fois plus élevé que la normale ; un tiers des coraux, des mollusques d'eau douce, des requins et des raies, un quart des mammifères, un cinquième des reptiles, un sixième des oiseaux sont en voie d'extinction. Nous devons, en conscience, changer notre regard sur notre modèle de développement, sur notre action quotidienne. Saisissons la crise comme une opportunité dynamique pour valoriser la vie sur terre, tout en la protégeant.
Ce texte n'est pas une énième loi agricole, une loi chasse ou une loi nature statique consistant à mettre les paysages sous cloche ; c'est la clef de réussite de l'accord de Paris comme la loi de transition énergétique. Si nous ne le prenions pas au sérieux, nous ne ferions que reculer pour mieux sauter. On ne peut plus cloisonner les sujets en arguant d'intérêts sectoriels. Nous avons tous salué l'accord historique signé par plus de 190 pays. Nous sommes certes 348, mais le Sénat gagnerait à se situer comme déjà par le passé au-dessus de la mêlée, en montrant son engagement, son sens de la responsabilité et sa modernité.
Notre commission a eu la conscience de l'urgence, cherché raisonnablement un compromis équilibré, recentré le texte sur ses véritables enjeux en excluant les articles anti-chasse ou pro-chasse, hors sujet, et allégé les contraintes pour les acteurs.
La commission a supprimé à titre conservatoire l'article 34, qui crée des zones prioritaires pour la biodiversité. Nous nous sommes rendus en Alsace avec MM. Longeot et Médevielle, auxquels s'est joint M. Kennel. Il est toujours important d'aller sur le terrain.
M. Jean-Louis Carrère. - Très bien.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Nous avons constaté que la création de la zone prioritaire de biodiversité était inutile, compte tenu du travail déjà mené entre la chambre d'agriculture, les services de l'État et les agriculteurs ; la ministre en a convenu avec nous. Ce n'était pas le bon outil pour protéger le grand hamster.
Je me suis aussi rendu avec Mme Primas dans les Yvelines, département confronté à de gros problèmes d'urbanisation, où la compensation a été rendue obligatoire. Mise en oeuvre de manière intelligente et pragmatique, elle offre un complément de revenu aux agriculteurs et n'est plus douloureuse avec la contractualisation.
Nous devons simplifier le droit et alléger les contraintes, sans verser dans le simplisme - forme de poujadisme - ni dans l'opacité et la complexité, ennemies du législateur. Nous avons opté pour une rationalisation de l'Agence française pour la biodiversité.
Le titre IV tient compte de la position exceptionnelle de notre pays - à la fois fournisseur et utilisateur de ressources génétiques - au regard du protocole de Nagoya. Il s'agit de garantir que les ressources seront utilisées de manière durable et que les collectivités locales recevront des retombées justes et équitables. Je souhaite que nous réussissions cette mutation. Le pape François - en dehors de toutes considérations théologiques - nous appelle à redéfinir le progrès ; cet appel devrait nous rassembler. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UDI-UC)
Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques . - L'accélération fulgurante du développement économique aux XIXe et XXe siècles, emblématique de la conquête de l'homme sur la nature, a été un corollaire du progrès et de la prospérité, malheureusement au détriment de l'environnement. Depuis maintenant un demi-siècle, nous avons pris conscience de la raréfaction des ressources et de la dégradation des écosystèmes. Le monde économique doit intégrer ces enjeux nouveaux ; l'économie bleue et l'économie verte montrent que la protection de l'environnement peut aussi être une opportunité.
La législation environnementale a pris depuis les années 1970 une importance croissante au niveau national, européen et même mondial, comme en témoignent la généralisation des études d'impact, les directives Oiseaux et Habitats, et plus récemment l'Accord de Paris.
Ce texte arrive après les lois Grenelles I et II, qui en ont construit les fondations. La commission des affaires économiques s'en est saisie pour avis car préoccupations environnementales et économiques ne sont pas dissociables. L'ensemble des acteurs économiques - agriculteurs ou chasseurs, premières vigies de la biodiversité, doivent être associés dans une démarche partenariale, loin de l'écologie punitive. Certaines dispositions, surtout après la première lecture à l'Assemblée nationale, n'en étaient malheureusement pas éloignées. La multiplication des zonages, l'enchevêtrement des normes suscitent l'incompréhension sur le terrain, voire l'hostilité.
La commission des affaires économiques a donc proposé de supprimer certaines mesures source de complexité pour les élus locaux, notamment en matière d'urbanisme : ainsi des articles 29 bis, 32 quater, 36 quinquies A et 34, en privilégiant le réalisme plutôt que l'idéologie. À l'article 33, nous rappelons que le but principal est le développement, en équilibrant les obligations et contreparties des agriculteurs. Nul doute que nous aurons de riches débats à l'article 35, sur les résidus de produits pharmaceutiques ou l'interdiction des néonicotinoïdes...
Il ne n'agit pas d'une loi chasse ou d'une loi pêche. À cet égard, de nombreux amendements adoptés nuitamment par l'Assemblée nationale ont été mal perçus, notamment dans les zones rurales, où la chasse est socialement centrale. Merci à M Cardoux pour notre travail conjoint sur ce sujet.
Attention enfin, aux articles 18 et suivants, à ne pas pénaliser la recherche, publique ou privée, alors qu'une compétition mondiale fait rage dans le génie génétique. Je défendrai au nom de la commission des affaires économiques des positions qui ont été guidées par un souci d'équilibre entre le développement économique et la préservation de la biodiversité. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UDI-UC)
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission de la culture . - La commission de la culture s'est saisie pour avis des articles 69 à 71 ainsi que de l'article 74, mais pas sur la création de l'Agence française pour la biodiversité, même si certaines de ses missions nous intéressent. Nous vérifierons que les établissements d'enseignement et de recherche consultent bien les bases de données prévues et que la diffusion des connaissances sur la biodiversité est effective.
Nous avons cherché à concilier la protection du patrimoine avec le développement économique et à mieux associer les citoyens. Ce texte prévoit un grand ménage de printemps dans les 4 800 sites inscrits, qui représentent 2,5 % du territoire. Il est vrai qu'on y trouve de tout. La procédure date de 1930, l'inscription sur la liste départementale a été utilisée à des motifs hétérogènes et n'assure pas une protection suffisante. Ainsi, l'avis de l'architecte des bâtiments de France n'est-il que consultatif...
Le Gouvernement propose à l'article 69 de geler la liste des sites inscrits et de les redistribuer par arrêté dans d'autres catégories d'ici 2026. Certains seraient tout bonnement radiés : les sites dégradés de manière irréversible ou privilégiés par ailleurs. C'est surtout le gel qui inquiète les élus et les associations : l'impossibilité à l'avenir d'inscrire un site nous privera d'un outil souple, antichambre du classement et permettant un accès aux architectes des bâtiments de France. Faut-il croire que le Gouvernement veuille recentrer ses forces sur les sites les plus sensibles en laissant les collectivités territoriales orchestrer seules la protection de leur territoire ?
À l'article 74, les députés ont supprimé - contre l'avis du Gouvernement et de la commission - la dérogation relative aux bâches publicitaires lors de travaux sur les monuments classés ou inscrits, qui permettait d'affecter des recettes publicitaires aux travaux. Nous proposons de la rétablir.
Mme Sophie Primas. - Très bien !
C'est pourquoi la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a rétabli la dérogation telle qu'elle existe aujourd'hui - et décidé de travailler sur le sujet dans le cadre de la loi Création, architecture et patrimoine que nous examinerons très prochainement. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - (Applaudissements au centre) Je veux d'abord féliciter Jérôme Bignon qui a fourni un travail colossal, rencontré près de 200 personnes, dans un délai contraint. Je remercie aussi les rapporteurs pour avis des commissions des affaires économiques et de la culture, ainsi que l'ensemble des membres de la commission du développement durable et des groupes politiques qui ont permis l'adoption consensuelle de ce texte. Merci à vous enfin, madame la ministre, pour votre écoute.
Ce texte a été adopté par notre commission le 8 juillet dernier avec plus de 220 amendements, qui reflètent toutes les sensibilités. Il est équilibré, réaliste, pragmatique, et même simplificateur, à l'image de ce que notre commission avait proposé pour la loi sur la transition énergétique, ce qu'appréciera M. Pointereau.
Je souhaite que nos débats en séance se déroulent eux aussi, comme en commission, sans a priori idéologique, sans postures, sans clivage partisan, mais de manière constructive. Les enjeux doivent nous rassembler. Ils prolongent l'accord historique signé à Paris le 12 décembre dernier. À nous de respecter l'engagement pris devant toute la planète, de le mettre en oeuvre concrètement et ce projet doit y contribuer.
Les interactions entre climat et biodiversité sont nombreuses : croissance des animaux, des plantes, migrations, voire disparitions d'espèces dépendent directement du réchauffement climatique. Le GIEC prévoit d'ailleurs la disparition de 20 % à 30 % des espèces animales et végétales, du fait du réchauffement climatique. La France est particulièrement exposée en raison de la diversité de ses territoires, notamment outre-mer.
Les écosystèmes agissent en retour sur nos cultures, nos civilisations, nos modes de vie, qu'ils ont contribué à modeler. Grâce à des stratégies efficaces, il est possible d?atténuer les conséquences du changement climatique. La biodiversité peut ainsi freiner la croissance du taux de CO2, au moyen des puits de carbone.
Elle n'est pas enfin sans lien sur notre économie, elle représente à cet égard un atout, car elle fournit des opportunités économiques et d'innovation - je pense au biomimétisme.
Ce texte est donc bienvenu, et attendu : adopté en conseil des ministres le 26 mars 2014, à l'Assemblée nationale le 24 mars 2015, par notre commission en juillet, il offre une vision juste et dynamique de la biodiversité. Il nous revient d'adopter une vision plus équilibrée et plus pragmatique du texte voté à l'Assemblée nationale, sans bouleverser les équilibres trouvés, une vision positive. Veillons à légiférer sans perdre de vue l'intérêt général ! (Applaudissements au centre, ainsi que sur les bancs du RDSE ; M. Jérôme Bignon, rapporteur, et Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis, applaudissent également)
Mme Évelyne Didier . - Quatre ans après la Conférence environnementale, nous voici enfin réunis pour protéger la biodiversité, donc assurer un avenir à l'humanité. La France a un rôle particulier à jouer, qui possède la deuxième façade maritime au monde, grâce notamment à ses territoires d'outre-mer, chers à Paul Vergès, ici présent.
Ce texte, dans la lignée de la loi fondatrice de 1976, est très attendu. Nous partageons toutefois la vision de la biodiversité comme système vivant, dynamique et interactif et non plus seulement, comme dans la loi de 1976, comme élément purement patrimonial.
Il y a urgence à agir, les chiffres ont été rappelés : 17 000 espèces disparaissent chaque année ! Les scientifiques tirent tous le signal d'alarme, en signalant ce qu'ils nomment la « sixième crise d'extinction ». Il y a dix ans déjà, un colloque organisé ici-même par nos collègues Jean-François Legrand et Marie-Christine Blandin, parrainé par Hubert Reeves, en dressait le constat. Le consensus progresse dans la société civile, grâce à des personnalités comme Nicolas Hulot, qui nous appelle à oser changer la société.
La création de l'Agence française pour la biodiversité procède d'une bonne démarche : la biodiversité est un tout. Or 225 millions d'euros lui seront consacrés, qui représentent les moyens additionnés des structures existantes ; les besoins étaient pourtant chiffrés à 400 millions d'euros par an par les deux rapports de préfiguration... Une chose est claire : les ressources des agences de l'eau - 150 millions - ne suffiront pas. De plus, ce financement provient en très grande partie - 80 % - des ménages ! L'élargissement des compétences des agences de l'eau - à l'ensemble de la biodiversité terrestre - par l'amendement adopté à l'Assemblée nationale ne peut donc pas nous satisfaire. Le Grenelle avait pourtant abouti à l'objectif de 300 millions d'euros par an fléché vers la biodiversité. Enfin qu'attendre des agences si l'État continue de ponctionner leur fonds de roulement ?
La mission de préfiguration renvoie maintenant la question du financement au comité pour l'économie verte : espérons qu'elle ne subisse pas le même sort que Bercy a réservé en matière fiscale au groupe sur les déchets ! Un débat doit rapidement être ouvert sur les moyens de l'Agence française pour la biodiversité, sujet encore évoqué aux Assises nationales de la biodiversité de 2015.
Il est regrettable que le dialogue n'ait pas été plus poussé avec les organisations syndicales, qui loin de considérer la création de l'agence comme une chance, s'inquiètent d'abord des conditions de la disparition de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema). Ainsi, 76 suppressions d'emplois sont prévues en 2016 dans le périmètre de la future Agence française pour la biodiversité : est-ce cohérent ? Le statut du personnel de l'office doit être précisé. En attendant, nous soutiendrons leur grève, le 4 février prochain. Nous déposerons un amendement d'appel sur ce point.
L'Agence française pour la biodiversité travaillera avec les régions volontaires, dites-vous madame la ministre. Nous n'approuvons pas cette tendance au transfert de compétences... L'État ne doit pas se désengager du soutien à la biodiversité. Le Conseil national est, lui, opportun, de même que l'article 4 sur les stratégies nationales. Toutefois, nous proposerons des amendements sur la notion de services écosystémiques et nous opposerons aux tentatives de marchandisation de la nature, qui se multiplient avec les brevets sur le vivant et appauvrissent la notion de bien commun qui devrait prévaloir. Certains se résolvent à faire prendre en charge la nature par le marché. Si tous les pays et l'OMC décidaient de faire de la politique, on pourrait affirmer que l'économie est au service des hommes et pas le contraire. Mais je rêve ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, républicain et citoyen ; M. Joël Labbé applaudit aussi)
Nous proposerons de rétablir, au titre V, l'article sur les produits phytosanitaires de la famille des néonicotinoïdes.
Le principe ERC est reconnu dans notre droit et nos engagements internationaux. Mais le dispositif de réserves d'actifs, dont l'efficacité n'est pas démontrée, engage la financiarisation du vivant ; nous ne le soutiendrons pas.
À quand une COP sur la biodiversité à Paris madame la ministre ?
Mme Ségolène Royal, ministre. - Il y en aura une au Mexique en décembre.
M. François Patriat. - Très bien !
Mme Évelyne Didier. - Madame la ministre, je salue votre engagement et votre écoute, ainsi que ceux de notre rapporteur. Ce texte marque des progrès, nous serons attentifs à leur application. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen, du groupe écologiste ; M. Raymond Vall applaudit aussi)
M. Hervé Poher . - (Applaudissements sur plusieurs bancs socialistes) Le projet de loi s'intitule : « reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ». Chaque mot compte. La reconquête, voilà une véritable ambition. Oui, le champ d'intervention est ambitieux, qui embrasse tout notre patrimoine commun, notre héritage, reçu, si j'ose dire, en indivision. Il en va de notre responsabilité : quelles que soient nos sensibilités, face aux enjeux de la « sixième extinction » on ne peut plus attendre ni rester inerte.
On reproche souvent aux décideurs un manque de continuité dans l'action. Ce reproche ne peut vous être fait, madame la ministre : vous avez un fil rouge, une vision ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Dans cette enceinte, on entend surtout les termes juridiques code, norme, droit. Permettez-moi de situer mon intervention sur un autre terrain, plus philosophique, mettre de la tendresse dans un océan de pragmatisme...
M. Didier Guillaume. - Très bien !
M. Hervé Poher. - J'ai eu l'honneur de présider un parc naturel régional, terrain d'expérimentation, d'exception, d'excellence. Permettez-moi de citer mon dernier discours en cette qualité. « N'oubliez jamais, disais-je, que les gens ont besoin qu'on leur raconte une histoire : joyeuse ou triste, vraisemblable ou impossible, réaliste ou fantasmagorique... Peu importe : le principal, c'est qu'on leur raconte une histoire.
« Si nous, décideurs, nous ne le faisons pas, les gens écriront une histoire eux-mêmes et le résultat ne sera pas toujours ce qu'on aurait souhaité ».
Le mot « reconquête » signifie tout cela : une belle aventure, celle racontée par Nicolas Hulot ou Yann Arthus-Bertrand. L'ours, le dauphin, l'éléphant, font partie de notre enfance. Une fleur, fût-elle modeste, est l'image même de la beauté ; un coucher de soleil sur un horizon vierge offre un moment de plaisir inoubliable ; la coccinelle reste, elle, pour les enfants, la bête à bon dieu (On apprécie sur divers bancs) : que d'histoires à raconter ! N'oublions pas ce que veulent les gens, n'oublions pas notre patrimoine commun !
Nous avons des débats ; il est normal que chacun défende sa vision de la nature, la situation des agriculteurs. Mais n'oublions pas que la nature n'est pas réductible à des normes, car elle engage tout le vivant.
Je vous en remercie au nom, madame la ministre, de ce texte qui parle à notre raison mais aussi à notre coeur, à celui de grand-père qu'est le mien. Puisse ce texte préparer l'avenir des générations futures. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et écologiste)
M. Jean-Pierre Sueur. - Merci pour ce discours très littéraire !
M. Ronan Dantec . - Près d'un an après sa première lecture à l'Assemblée nationale, nous abordons enfin ce texte ! À ce stade du débat, j'ai déjà quelques craintes. Celle d'abord, que la coalition de lobbies de toute sorte, mus par la conception d'une agriculture toujours plus shootée aux produits phytosanitaires, le droit des uns de chasser sans contrainte, des autres de polluer de même, de réaliser des infrastructures qui alimentent le BTP, ne fasse résonner ici cette petite musique bien connue, selon laquelle « l'environnement, ça commence à bien faire » !
Il faut beaucoup d'abnégation pour faire avancer ce pays sur la voie de la protection de la nature. Il suffit de comparer la situation de l'ours en France et chez nos voisins pour s'en convaincre. En Espagne et en Italie, on brandit volontiers dans les régions concernées leur présence comme un argument de promotion touristique. En Grèce, une autoroute a été détournée pour ne pas leur nuire. Dans nos Pyrénées, pendant ce temps, deux ours bruns mâles en désespoir de se perpétuer, parcourent en vain des dizaines de kilomètres en se frottant sur les troncs pour y laisser leur trace olfactive. (Mouvements divers) Oui, en France, membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, on n'est pas capable de relâcher deux ourses pour permettre leur reproduction dans les Pyrénées occidentales d'où elles ont totalement disparu...C'est aussi dans notre beau pays que l'on défend bec et ongle la chasse à la glu - je m'étonne que personne n'ait encore demandé le retour des pièges à mâchoires... (Fortes exclamations à droite)
Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis. - Provocations inutiles !
M. Ronan Dantec. - Les schémas régionaux de cohérence écologique et de la diversité, adoptés l'an passé, sont de réelles avancées. On ne peut donc que s'inquiéter du souhait de Xavier Bertrand, à peine élu, de supprimer le CRCE, outil clé de la protection de la biodiversité de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie.
La question de la compensation restera centrale. Pour certains aménageurs, le principe ERC revient surtout à éviter ou réduire la compensation (Sourires...)
La spoliation des communautés locales de leur savoir-faire fera aussi l'objet de notre vigilance...
Trouver l'équilibre entre activité humaine et protection de l'environnement est un impératif. À défaut, nous disparaîtrons.
Avançons et ne laissons pas les ourses célibataires se morfondre dans nos Pyrénées. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)
M. Stéphane Ravier . - La biodiversité doit être un souci permanent car sans elle, plus de vie humaine. Elle doit être envisagée dans sa globalité. Ce texte révèle aussi une contradiction majeure, puisqu'il s'appuie sur le modèle économique ultralibéral et mondialiste qui crée ce qu'il combat. Comment peut-on continuer à débattre ici la main sur le coeur de la biodiversité et en même temps de continuer à négocier ou plutôt à se faire tordre le bras par les cosignataires du traité TAFTA ? Défendons plutôt notre patrimoine économique ! Dans ma région, 15 millions de repas de cantine sont servis annuellement dans les lycées. Qu'attendons-nous pour les approvisionner produits localement ? Nul doute que le super-résistant niçois relaiera mon appel (Sourires)
Pendant que vous prônez ici le respect de la nature, le Premier ministre laisse faire sans broncher une pollution chimique sans vergogne qui menace les calanques marseillaises, en autorisant le rejet de polluants toxiques par la société Altéo, au nom du chantage à l'emploi : autre incohérence...
La mal nommée chasse à la glu fait encore l'objet de l'acharnement idéologique d'ayatollahs verdoyants n'ayant connu d'autres marais que celui des bobos de Paris... Heureusement que la commission a supprimé son interdiction ! En revanche, nous réitérons notre soutien à l'interdiction des néonicotinoïdes et nous regrettons que la commission ait supprimé cette interdiction.
Nous sommes, nous, favorable à une véritable écologie, débarrassée de tout écologisme. Je conclurai avec les propos du Saint-Père dans son encyclique Laudato Si, largement citée lors de la COP21 : « Une stratégie de changement réel exige de repenser la totalité des processus, puisqu'il ne suffit pas d'indure des considérations écologiques superficielles pendant qu'on ne remet pas en cause la logique sous-jacente à la culture actuelle ».
M. Guillaume Arnell . - Je m'exprimerai sur un autre ton. Le projet de loi crucial et attendu prolonge les décisions prises à la COP21 ; le Gouvernement confirme ainsi des priorités.
En août dernier, l'ONG Global Footprint Nework, inventeure du concept d'empreinte écologique, révélait que la couverture de nos besoins nécessiterait une planète supplémentaire ; deux, d'ici 2030 ! C'est dire l'ampleur du défi que nous devons relever.
La France possède le deuxième espace maritime au monde, une triple façade maritime, une biodiversité remarquable grâce aux outremers et se situe au cinquième rang mondial pour le nombre d'espèces menacées. Notre responsabilité est toutefois globale, et dépasse nos frontières ; 15 % des espèces mondiales sont en danger.
Cette loi annonce un tournant majeur pour la prise de conscience environnementale. En tentant de fournir des alternatives concrètes, cette loi et la loi Transition énergétique offrent des solutions viables pour emprunter le chemin d'une croissance verte et bleue. Cette politique ne se limite pas à la volonté de limiter la détérioration de la biodiversité : elle encourage également la recherche et l'innovation, maillons indispensables de la chaîne de transition écologique.
La création de l'Agence française pour la biodiversité (AFB), instance unique, unifiera la mise en oeuvre de la stratégie écologique. Le Comité national de biodiversité est une autre avancée. En charge du pôle développement durable de ma collectivité, j'insiste sur l'indispensable représentation dans ces deux instances, de tous nos territoires d'outre-mer qui abritent une part colossale de la biodiversité de notre pays.
La détérioration des mangroves nous rend plus vulnérables aux catastrophes naturelles. Les dégâts causés à Saint-Martin par les multiples ouragans, Luis et Marilyn en 1995 et plus récemment Gonzalo nous l'ont amèrement rappelé. La prolifération des algues sargasses sur nos littoraux et l'arrivée d'espèces dévastatrices dans nos eaux - tel le poisson-lion - sont autant de menaces à la préservation de notre biodiversité.
Ces phénomènes ont aiguisé notre sensibilité à ces questions, et nous restons vigilants sur le niveau de la mer. Nous serons soucieux de diffuser les bons messages à nos compatriotes et suivrons ces débats avec le plus vif intérêt. Nous voulons l'approuver. Notre vote de mardi prochain dépendra de leur résultat. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et socialiste et républicain)
Mme Chantal Jouanno . - Ces questions suscitent parfois des oppositions fortes parce qu'elles engagent des philosophies de l'homme. La création de l'AFB est une avancée incontestable. Elle avait déjà été prévue par le Grenelle, que je présidais alors. Ma vie de secrétaire d'État à l'écologie fut écourtée. Je regrette que l'Office national de la Chasse et de la faune sauvage (ONCFS) n'intègre pas l'Agence, d'autant que le monde de la chasse connaît bien la biodiversité.
La ratification du protocole de Nagoya reconnaîtra officiellement que la biodiversité participe au développement économique ainsi que son caractère patrimonial pour les peuples autochtones. Pour ces deux seules raisons, j'approuve ce texte.
Nous devrions assister ici même à des débats scientifiques avec Hubert Reeves, Gilles Boeuf, Jean-Marie Pelt, s'il était encore parmi nous, pour battre en brèche l'idée darwinienne selon laquelle l'homme s'opposerait au reste de la nature. Du protozoaire à la sexualité humaine, il y a un continuum ; nos cellules sont d'ailleurs majoritairement d'origine extra-humaine... Vous êtes tous, du reste, une ode à la biodiversité : songez que vous contenez dix fois plus de cellules non humaines qu'humaines... C'est dire la gravité qu'aurait la 6e extinction.
La clarification de la compensation, l'interdiction du chalutage profond des néonicotinoïdes, de certaines méthodes de chasse comme celle à la glu...
M. Stéphane Ravier. - Allez sur le terrain, vous verrez ce qu'il en est !
Mme Chantal Jouanno. - ...sont indispensables. Je vous invite à écouter les scientifiques, plutôt que de faire de la politique. (« Oh ! » à droite ; applaudissements au centre, ainsi que sur les bancs des groupes écologiste et RDSE)
M. Louis Nègre . - Notre époque semblait n'avoir que des incertitudes et des inquiétudes à nous proposer. L'accord de la COP21 nous a offert une accalmie, et le travail de Jérôme Bignon nous trace des perspectives.
Il faut questionner notre modèle économique, j'en conviens. Notre modèle de développement nous emprisonne dans une forme d'adolescence économique dont il nous faut sortir.
La loi de transition énergétique nous permettait déjà de sortir de ce paradigme et de bousculer quelques lobbies. Cette loi la complète et revêt un caractère d'urgence : notre maison brûle - pour reprendre les mots tant du pape François que d'Hubert Reeves.
Le rapport, en juin dernier, des plus grandes universités américaines, évoquait une 6e extinction de masse : la maison est en feu !
Saint-Exupéry l'a dit : on n'hérite pas la terre de nos aïeux, on l'emprunte à nos enfants... Notre responsabilité humaine, morale et politique est engagée.
Ce texte comporte des avancées importantes, ambitieuses - mais son architecture est-elle cohérente ? Je serai critique sur des articles additionnels introduits à l'Assemblée nationale, qui affaiblissent la rédaction initiale : l'article 74 contre les bâches publicitaires, par exemple, sans parler des centaines d'amendements apparus ces derniers jours. Ces ajouts confirment l'adage « le mieux est l'ennemi du bien » - je salue les suppressions faites en commission.
Ce texte ne fait cependant qu'effleurer la réforme des polices de l'environnement, c'est dommage. Même remarque pour le système d'accès et de partage des avantages - toutes les inquiétudes ne sont pas levées.
Enfin, à l'article 33, notre rapporteur a sécurisé le nouveau contrat, au bénéfice des professions agricoles : les agriculteurs seront libres de consentir aux obligations environnementales ; je compte sur leur compétence, leur connaissance du terrain, leur amour de la nature pour être ambitieux dans la reconquête d'une biodiversité dont les Français sont si fiers...
À l'article 69, la possibilité de réinscrire de nouveaux sites est une bonne chose.
Ce texte rationnel et ambitieux était devenu brouillon après son passage à l'Assemblée nationale ; le Sénat fait oeuvre utile en lui redonnant force, équilibre, pragmatisme : je voterai ce texte nécessaire pour l'avenir de la planète.
Organisme extraparlementaire (Nomination)
Mme la présidente. - La commission des affaires étrangères a proposé une candidature pour le Conseil national du développement et de la solidarité internationale. La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du Règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Henri de Raincourt membre titulaire du Conseil national du développement et de la solidarité internationale.
Délégation (Nomination)
Mme la présidente. - Je rappelle au Sénat que le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Le délai prévu par l'article 8 du Règlement est expiré. La présidence n'a reçu aucune opposition. En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Christiane Hummel, membre de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, en remplacement de Mme Vivette Lopez, démissionnaire.
La séance est suspendue à 16 h 35.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 16 h 45.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je veux saluer avant cela des militaires de l'opération Sentinelle, tirailleurs d'Épinal, présents en tribune, qui assurent, avec les forces de police et de gendarmerie, notre sécurité. (Mmes les sénatrices et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent)
Plan pour l'emploi (I)
M. Jean-Claude Boulard . - Madame la ministre de l'emploi, le plan annoncé hier par le président de la République répond à une urgence sociale. Oui, un jeune en formation, c'est mieux qu'un jeune au chômage (Exclamations à droite). Au-delà de l'allègement du coût de la première embauche et la simplification des recrutements, il faut oeuvrer à la correction de l'inadaptation de notre marché de l'emploi - qu'illustre le trop grand nombre de postes non pourvus. Le numérique est un secteur d'avenir, il y a dans nos quartiers des jeunes dynamiques qui maîtrisent mieux le langage de l'informatique que celui de Molière... Qu'envisagez-vous de faire concrètement, madame la ministre, pour assurer le succès du plan ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social . - Les conditions de croissance seront meilleures en 2016 qu'en 2015. (Exclamations et marques d'ironie à droite) Mais nous savons qu'une partie des personnes les moins qualifiées restent au bord du chemin. L'enjeu est de partir des besoins, bassin d'emploi par bassin d'emploi. J'ai saisi les Dirrecte et les directeurs régionaux de Pôle Emploi pour construire des parcours de formation et d'insertion dans les secteurs stratégiques comme la transition énergétique et le numérique.
Le plan a aussi vocation à stimuler la création d'emplois, à mieux accompagner la création d'entreprise. Toutes ces mesures sont bonnes pour la compétitivité de notre pays et remédier à l'inadéquation offre-demande.
Début février, les partenaires sociaux et les régions seront réunis pour décliner les modalités d'application de ce plan. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-Claude Boulard. - Depuis janvier 2015, tout invite à l'union et au rassemblement. J'espère que cela vaudra aussi pour l'emploi.
Plan pour l'emploi (II)
M. Jean-François Longeot . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC) Après l'annonce du plan pour l'emploi par le président de la République, nous sommes tout sauf convaincus - d'abord par son coût, non couvert, ni par son ampleur. Seulement 1 % des chômeurs seront couverts par la nouvelle offre de formation...
M. Didier Guillaume. - C'est déjà ça !
M. Jean-François Longeot. - Et la prime à l'embauche n'est pas opportune : les entreprises ont besoin d'une baisse pérenne de leurs charges. Veut-on donner l'illusion d'une baisse du chômage avant les élections ?
Commençons par réformer le droit du travail et notre système de formation, donnons plus d'autonomie aux régions, plus de souplesse aux entreprises. Le Sénat, en 2015, proposait de confier le service public de l'emploi aux régions. Le Gouvernement s'y est opposé... Monsieur le Premier ministre, qu'en pensez-vous ?
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social . - Vous n'êtes pas convaincus qu'il faut former les chômeurs ? (Exclamations à droite) L'Allemagne forme 2 chômeurs sur 10, l'Autriche, 4 sur 10 ; nous seulement 1 sur 10 ! Nous allons proposer des formations supplémentaires, loin de tout traitement statistique (mouvements divers à droite) puisque ces chômeurs ne disparaîtront pas des chiffres de Pôle emploi. Ces formations seront adaptées aux besoins opérationnels des entreprises.
Tous les acteurs de l'emploi doivent prendre leur responsabilité. Le Premier ministre organisera un séminaire (marques d'ironie à droite) avec les régions, les partenaires sociaux, les représentants de l'État et pour une mise en oeuvre opérationnelle concertée. Et nous sommes ouverts à toutes les expérimentations. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Situation de l'agriculture
M. Jean-Claude Lenoir . - (Applaudissements à droite) L'agriculture et l'élevage traversent une crise sans précédent. Le Gouvernement a pris des mesures conjoncturelles. De son côté, le Sénat, sous l'impulsion de son président, travaille sans relâche à des mesures structurelles pour offrir des perspectives au monde agricole ; c'est en particulier l'objet de la proposition de loi que nous avons adoptée en décembre et qui arrive à l'Assemblée nationale le 4 février prochain. La soutiendrez-vous, monsieur le ministre ? (Applaudissements au centre et à droite)
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement . - La crise de l'élevage, que ce soit pour le lait ou la viande bovine, est avant tout une crise du marché européen et mondial. Pour la filière porcine, la crise dure depuis près de dix ans. Les dispositions du pacte de responsabilité consacrées à l'agriculture et à l'agroalimentaire se montent à 4,3 milliards d'euros, soit l'équivalent du budget de mon ministère...
M. François Grosdidier. - Répondez à la question !
M. Stéphane Le Foll, ministre. - Vos propositions doivent compléter les mesures que nous avons prises. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-Claude Lenoir. - La logorrhée n'est pas la meilleure réponse à une question précise ! (Exclamations à gauche ; applaudissements à droite) Les éleveurs connaissent un véritable désarroi, chacun ici peut en témoigner. Le premier semestre s'annonce particulièrement difficile ; or nous proposons de rééquilibrer les relations entre tous les acteurs de la filière, de financer l'investissement et la gestion des risques et aléas, notamment sanitaires.
Nous avons entendu la réponse du porte-parole du Gouvernement, nous attendions celle du ministre des agriculteurs ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UDI-UC)
Virus Zika
M. Guillaume Arnell . - Madame la ministre des affaires sociales, selon le dernier bulletin de la cellule épidémiologique interrégionale Antilles-Guyane, nous faisons face, avec le virus Zika, au début d'une épidémie mondiale. Transmis par piqures de moustique tigre, ce virus est dangereux, surtout pour les femmes enceintes, mais encore peu connu. Apparue en Asie-Pacifique, la maladie a gagné l'Amérique latine en 2015 ; entre 400 000 et 2,3 millions de cas sont recensés. Les premiers cas ont été détectés fin novembre 2015 en Guyane et aux Antilles où ils sont plus de 600 désormais. Comprenez notre inquiétude. Quelles mesures prendrez-vous pour faire face au phénomène ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes . - Les premiers cas autochtones ont été détectés fin décembre 2015 en Guyane. La Martinique connaît avec 47 cas confirmés un début d'épidémie ; de même la Guyane, avec 15 cas ; et les premiers cas ont été constatés en Guadeloupe et à Saint-Martin.
Comme la dengue et le chikungunya, les symptômes sont grippaux et généralement peu importants, mais des complications neurologiques sont possibles ainsi que des cas de malformation des foetus.
Dès les premiers cas connus, j'ai pris des mesures d'information de la population - des messages ont été diffusés aux voyageurs et aux professionnels de santé. Les autorités sanitaires locales ont été mobilisées. Les directeurs d'ARS ont déployé des plans d'action. L'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires se tient prêt. Et j'attends cette semaine les recommandations du Haut Conseil en santé publique. Comme vous le voyez, les pouvoirs publics sont mobilisés.
Fiches S
Mme Corinne Bouchoux . - Monsieur le ministre de l'intérieur, quelles sont les modalités d'ouverture et le contenu des fiches S ? Les différentes catégories ? Les modalités de mise à jour ? Suffit-il, par exemple, d'être contre un aéroport, pour être fiché ainsi ? Quelles garanties nous prémunissent-elles contre les mésusages ? Quels sont les recours ? Comment sort-on du fichier ? Comment éviter des erreurs matérielles ? Quid des homonymies ? Quelle collaboration avec la Cnil ? Qui les consulte ? Le savez-vous ? Les citoyens doivent être éclairés. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur . - Les services de renseignements seraient-ils plus dangereux que les terroristes eux-mêmes ? (Rires et applaudissements à droite et sur quelques bancs des groupes socialiste et républicain et UDI-UC)
La fiche S n'est pas une fiche de culpabilité mais de mise en attention des services, en raison du comportement d'un individu ou du risque qu'il présente, notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Ces fiches ont une durée de vie d'un an et peuvent être réévaluées à tout moment. Après un an, les services disposent de deux mois pour justifier leur prorogation ; au-delà, elles sortent du dispositif.
Des homonymies ? Non : la mention de la date de naissance écarte tout risque. J'ai encore beaucoup de choses à vous dire mais le président me rappelle à mon temps de parole... Vous me poserez la prochaine fois une autre question... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Corinne Bouchoux. - Il n'y avait ni malice ni soupçon dans mon propos. Dans un État de droit, aucune question ne doit être taboue. Nous serons très satisfait d'avoir pourvu aux risques si d'aventure, demain, nous connaissions un régime moins démocratique que le nôtre...
Plan pour l'emploi (III)
M. Jean-Pierre Bosino . - Madame la ministre du travail, quand allez-vous renoncer aux vieilles recettes, celles de Raymond Barre il y a quarante ans ? Les aides aux entreprises, les exonérations sont inefficaces et coûteuses, elles ne créent pas d'emploi. Vous annoncez 500 000 formations nouvelles... Où est la nouvelle politique industrielle ? Où est la relance du pouvoir d'achat pour la croissance ? L'annonce faite hier est une liste à la Prévert de mesures toutes plus libérales que les autres. Mais l'interdiction des licenciements boursiers, votée par la gauche au Sénat en 2011, vous n'y pensez plus... Allez-vous enfin renoncer aux vieilles recettes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social . - Investir dans la formation de 500 000 demandeurs d'emploi, ce n'est pas une recette libérale !
M. Didier Guillaume. - Très bien !
Mme Myriam El Khomri, ministre. - L'investissement humain en direction des chômeurs et de leur qualification est déterminant pour la compétitivité de notre économie. Le compte personnel d'activité est une mesure de progrès social...
M. Didier Guillaume. - Une grande avancée !
Mme Myriam El Khomri, ministre. - ...qui attache des droits aux personnes, tout au long de leur carrière, plutôt qu'aux statuts : voilà comment on élabore un nouveau modèle social. Le statu quo n'est plus possible. Le pacte de responsabilité, le CICE ne sont pas des cadeaux aux entreprises, ils construisent un écosystème. Je crois au dialogue social et à la force des syndicats. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)
M. Jean-Pierre Bosino. - Ne nous faites pas dire que l'investissement humain n'est pas une bonne chose ; mais vous ne faites que répondre aux exigences du patronat et des actionnaires. Votre politique ne sert pas les intérêts des travailleurs. Il est temps de mettre en oeuvre les promesses de 2012. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Grippe aviaire
M. Jean-Louis Carrère . - Monsieur le ministre de l'agriculture, nous faisons face à une épizootie d'influenza aviaire qui touche 18 départements, dont les cinq d'Aquitaine. Elle nous contraint à un dépeuplement total de la zone ; il devra se faire dans le respect des oiseaux. Rendez-vous compte : cela concerne 28 millions de canards, soit tous ceux de mon département et les trois quarts des canards IGP du Sud-Ouest. L'euthanasie n'a pas la faveur de la profession, qui préfère attendre la fin du cycle naturel des animaux ; elle a été entendue.
Le manque à gagner serait de 250 à 400 millions d'euros. Quid de la prise en charge par l'État ? De la règle de minimis ? Pour tout cela, aidez-nous, l'agriculture fait partie de notre identité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement . - Les conséquences de la décision que j'ai prise sont lourdes pour toute la filière, en effet. Mais elles seraient plus lourdes encore sans cette décision.
Le vide sanitaire - c'est une première - a commencé le 18 janvier et se terminera en avril pour un redémarrage de l'élevage à la fin du second trimestre. On ne peut prendre aucun risque. Cela aura, vous l'avez dit, des conséquences économiques. La commission européenne m'a confirmé l'aide accordée à la France ; tous les producteurs, petits ou grands, les abattoirs seront concernés. Des aides pour perte de revenus seront mises en place. Les détails seront finalisés la semaine prochaine avec tous les représentants de la filière. Au jour où le gavage est décrié à l'Assemblée nationale par une vedette d'outre-Atlantique, je défendrai la filière avicole, croyez-moi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Lenteur du processus parlementaire
M. François Pillet . - Lors de ses voeux, le président de la République a évoqué la lenteur du travail parlementaire. Or le Gouvernement nous soumet à une inflation législative sans précédent - par exemple la loi Transition énergétique et ses 215 articles. Vous recourez presque systématiquement à la procédure accélérée mais laissez passer six mois entre les lectures - . Voyez la loi Macron qui a occupé une année entière, devenue fourre-tout en passant de 106 à 300 articles... Sans parler de ses décrets d'application : 84 sont toujours en attente de publication ... Ne vaudrait - il pas mieux, pour conclure le travail législatif dans de meilleurs délais, des textes plus réfléchis, plus aboutis ? (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Nous sommes tous concernés par votre question puisque c'est de notre pays qu'il s'agit. Je salue l'initiative de M. Larcher de rétablir l'utilisation de l'article 41 de la Constitution qui allège le travail parlementaire. Nous devons continuer dans ce sens. La plupart des lois sont adoptées en moins de 150 jours, quoique des textes aient un parcours excédant les 300 jours ; mais la loi relative à l'état d'urgence, conformément aux attentes des Français, a été adoptée en quelques jours seulement. Vous reconnaîtrez avec moi que malgré la réforme de 2008 subsistent des redondances entre les travaux en commission et en séance. Nous devons aller plus loin, le président de la République nous y invite, pourvu que soit préservée l'intensité réformatrice.
M. François Pillet. - Examen législatif ou ordonnances, la comparaison est plutôt à notre avantage... Les réformes sociétales sont toutes d'application immédiate, les textes économiques sont à la traîne... (Applaudissements au centre et à droite)
Emploi
M. Claude Nougein . - Monsieur le Premier ministre, la bonne nouvelle est arrivée : le chômage est tombé à 6 %... en Allemagne, au Royaume-Uni... Il décroît en Espagne. En France, au contraire, il progresse : c'est que nous récoltons la folie fiscale que vous avez semée : la pression fiscale atteint 47 % du PIB, nous sommes au deuxième rang mondial, dix points de plus que chez nos concurrents. La courbe du chômage s'inversera peut-être cosmétiquement grâce à l'habileté du président de la République, que je connais bien... Pourquoi investir en France quand l'impôt sur les sociétés est à 33 %, contre 25 % en moyenne européenne, quand l'ISF accentue la pression, quand les actionnaires sont plus taxés qu'ailleurs : vous paralysez les entreprises ! Le président de la République n'a annoncé que des demi-mesures. Monsieur le Premier ministre, quand prendrez-vous les mesures structurelles qui s'imposent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget . - Malgré ce que vous dites, la pression fiscale n'a jamais autant baissé depuis dix ans ! (On s'interroge à droite) Le CICE réduit les impôts des entreprises de 18 milliards d'euros par an ; le pacte de responsabilité, les contributions sociales de 7 milliards. Nous avons réduit d'un milliard la fiscalité sur les travailleurs indépendants, nous réduisons de 500 millions l'impôt des entreprises qui investissent. Alors, dire que le Gouvernement écrase les entreprises, ça suffit ! (Exclamations à droite ; applaudissements à gauche) Monsieur le sénateur, il vous reste un peu de temps pour nous exposer les mesures structurelles que vous appelez de vos voeux !
M. Claude Nougein. - Tous les pays dont le chômage a diminué n'ont pas fait le CICE... (Les exclamations sur les bancs du groupe socialiste et républicain rendent le propos inaudible ; applaudissements à droite)
Rentrée scolaire en Guadeloupe-Martinique
M. Jacques Cornano . - Madame la ministre de l'éducation nationale, je vous interroge sur la répartition des postes enseignants à la rentrée 2016 ; les 6 539 postes marquent un effort sans précédent. Dans l'académie de Guadeloupe pourtant, aucune création dans le premier degré, 35 suppressions dans le deuxième... C'est incompréhensible, compte tenu du niveau d'illettrisme et du nombre d'élèves en décrochage scolaire. Sans parler des 65 % de chômeurs parmi les jeunes de moins de 25 ans. Vous n'avez manifestement pas tenu compte du caractère archipélagique de notre territoire. Le malaise des enseignants et des familles est profond.
La Guadeloupe a pourtant un formidable potentiel ; des moyens supplémentaires sont nécessaires. Nos jeunes doivent pouvoir croire en l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Le Gouvernement fait des efforts considérables pour l'enseignement depuis 2012 (marques d'ironie à droite) et les 60 000 nouveaux postes annoncés seront bien un rendez-vous à la fin du quinquennat - nous en sommes à 47 000.
À la rentrée 2016, premier et deuxième degrés confondus, la Martinique perd 1 639 élèves et la Guadeloupe 2 336. La réalité est donc moins dure que ce à quoi la démographie aurait dû conduire. Nous mettons l'accent sur le primaire - plus de maîtres que de classes, préscolarisation. Aucun poste n'est supprimé dans le premier degré.
L'éducation prioritaire profite enfin largement aux Antilles avec en Guadeloupe trois établissements en REP+ et 13 en REP, quand la Martinique compte neuf établissements en REP+ et 13 en REP. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
La séance est suspendue à 17 h 35.
présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente
La séance reprend à 17 h 45.
Reconquête de la biodiversité (Suite)
Discussion générale commune (Suite)
Mme Annick Billon . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC) L'évolution de la biodiversité est préoccupante, particulièrement en France : en tant que huitième pays hébergeant le plus grand nombre d'espèces menacées, nous avons une responsabilité colossale. Ce texte transpose le droit international en matière de défense de la biodiversité, autour de l'institution opérationnelle qu'est l'Agence française pour la biodiversité.
Les principes fondamentaux déclinés dans les titres I et II apportent une conception plus dynamique de la biodiversité que la définition, inscrite dans le code de l'environnement, découlant de la convention des Nations unies de 1992. Nous saluons la transposition du triptyque « éviter, réduire, compenser ». Agriculture, sylviculture et environnement sont complémentaires : on ne peut opposer défense de la nature et exploitation économique des ressources naturelles. D'où la nécessité d'un profond changement de culture. Des méthodes agricoles innovantes existent : en Vendée, l'Association pour la promotion d'une agriculture durable promeut les semis directs sous couvert végétal.
Il faut clarifier les objectifs et simplifier les structures. Notre groupe a déposé des amendements pour améliorer la représentation des acteurs économiques dans la gouvernance, meilleure façon de favoriser la mutation de leur activité. Grâce à Jérôme Bignon, tous les acteurs sont représentés au sein du Conseil national ; mais soyons lucides, c'est l'AFB qui prendra les décisions.
Le réchauffement climatique aide des espèces exotiques invasives importées à se développer dans le marais vendéen, comme la Jussie et la Myriophylle du Brésil. Parmi les plantes terrestres, citons le Baccharis. L'arrachage coûte très cher. L'ensemble de ces espèces devrait être interdit à la vente. Côté faune, même constat : les acteurs locaux luttent contre les rongeurs aquatiques nuisibles, ragondins et rats musqués, à leurs frais. L'écrevisse de Louisiane ruine la biodiversité des marais, mais la complexité de la réglementation freine toute action.
Nous saluons ce texte, en espérant que l'accompagnement réglementaire et financier nécessaires suivra. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-UC et Les Républicains)
Mme la présidente. - Un petit fascicule pédagogique vous a été distribué, qui illustre très bien les thèmes abordés.
M. Gérard Longuet. - C'est mieux avec les images !
Mme Nicole Bonnefoy . - En décembre, 195 pays réunis à Paris par le président de la République ont fait de la COP 21 un grand succès. Cet accord capital signifie que plus personne ne nie la gravité et l'origine humaine du dérèglement climatique.
Ce texte nous encourage et nous engage : ce n'est que le début d'un travail colossal ; mais c'est une base solide qui doit nous servir à approfondir la redéfinition de notre modèle de développement. Nous devons collectivement changer, prendre des mesures fortes, être exigeants avec nous-mêmes. Impossible de réduire nos émissions sans modifier nos comportements, sans renoncer à l'idée que les exigences environnementales et sanitaires seraient un frein à l'activité économique.
Selon une étude présentée à Bonn en 2008, le coût de l'inaction est estimé entre 1 350 et 3 100 milliards d'euros par an. Ne pas agir nous coûte très cher. Or les externalités négatives sont systématiquement écartées quand il s'agit d'évaluer le coût de notre modèle économique et industriel.
Parmi les coûts induits de la pollution : les dépenses de dépollution, les coûts de santé, la dégradation de l'attractivité de nos territoires.
Si nous pouvons entendre la détresse des agriculteurs face aux réglementations, nous devons prendre conscience, en responsabilité, que l'accumulation des contraintes est d'abord la conséquence de pratiques déraisonnables.
Dans un rapport de décembre 2015, le Commissariat général au développement durable a estimé que sur 2,2 millions de tonne de produits phytosanitaires utilisés en 2013, les deux tiers seraient en surdose. Le trop plein se disperse dans l'air, l'eau, les sols. Cela coûte 3 milliards d'euros par an pour les seuls services de l'eau potable et de l'assainissement. Ayons cela en tête lorsque le modèle intensif est présenté comme le moins cher, les projets de réduction des intrants comme irréalistes...
Les questions environnementales ne sont pas des questions à la mode : ce sont des réalités. La sixième extinction de masse dont parlent les scientifiques a déjà commencé : la moitié des espèces que nous connaissons pourraient disparaitre d'ici un siècle.
Ce projet de loi propose une riche palette d'outils, quarante ans après la loi sur la nature de 1976. Les diverses mesures qu'il contient sur tant de sujets serviront les grandes valeurs : la solidarité écologique, le principe « éviter, réduire, compenser », la mise en mouvement des territoires, la nécessité d'innover sans piller, la mutualisation des savoirs et des sciences participatives.
M. Jean Desessard. - Très bien.
Mme Nicole Bonnefoy. - Le groupe socialiste défendra quelques amendements ambitieux : l'action de groupe dans le domaine environnemental, la création des zones prioritaires pour la biodiversité, le renforcement des mesures compensatoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste)
M. Joël Labbé . - Je regrette l'absence de notre collègue national-populiste, qui a la gâchette si facile contre les écologistes...
M. Jean-Louis Carrère. - Mais vous n'êtes pas une espèce en voie de disparition !
M. Joël Labbé. - Ce texte, qui élève le débat, fait suite à l'accord historique du 12 décembre 2015, premier accord universel visant à assurer l'avenir de l'humanité. Il y aura un avant et un après COP 21 : ce projet de loi arrive au bon moment. La biodiversité souffre du réchauffement climatique, mais elle est indispensable pour y remédier.
Ce texte a connu quelques avancées à l'Assemblée nationale, quelques reculs en commission du développement durable.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Oh !
M. Joël Labbé. - Mais c'était avant la COP 21 ! Mme Blandin regrettait que le Grenelle de l'environnement n'ait pas créé d'Agence française pour la biodiversité ; c'est désormais chose faite, même si nous regrettons qu'elle ne comporte pas l'ONCFS. Nous serons particulièrement attentifs à l'article 18, sur l'accès et le partage des avantages liés aux ressources, en veillant à ce que les communautés d'habitants soient mieux associées.
L'interdiction des brevets du vivant, la suspension des cultures issues de mutagénèses, les dispositions relatives à l'étiquetage des huîtres en fonction de leur origine, l'énergie animale et la reconnaissance du statut de meneur territorial nous tiennent à coeur, tout comme l'interdiction des néonicotinoïdes, sur lesquels de nouvelles études confirment ce que je vous ai toujours dit : ils perturbent non seulement les abeilles, mais tous les êtres vivants présents dans le sol, plus nombreux dans une poignée de terre qu'il n'y a d'êtres humains sur terre. Le sol, c'est la vie, et la vie c'est le sol ; la chimie y crée beaucoup de désordres. L'Anses le dit : les néonicotinoïdes sont néfastes.
Merci, madame la ministre et monsieur le rapporteur, d'avoir joué le jeu de la plateforme « Parlement et citoyens », qui a reçu 9 300 contributions. C'est un moyen moderne de reconnecter les citoyens et les politiques que nous sommes.
Notre vote final sur ce texte dépendra de nos travaux. Toujours optimiste, j'espère que nous pourrons le signer des deux mains... (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et quelques bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Raymond Vall . - Merci à Jérôme Bignon pour son rapport remarquable. Il y a urgence, pour la biodiversité et pour l'homme : nous menaçons la nature, avec des conséquences incalculables. Modifier 50 % de la surface du globe engendrera un effondrement économique - or nous en sommes à 43 %... Nous n'avons pas suffisamment tenu compte des avis des scientifiques. Voici 25 ans qu'Hubert Reeves, parrain de l'Agence française pour la biodiversité, parcourt le monde, la France - le Gers - pour nous faire prendre conscience que nous sommes interdépendants et que nous ne pourrons pas changer de planète avant longtemps !
Outre le principe de solidarité écologique et celui de compensation, l'inscription du préjudice écologique dans le code civil, apportée par notre commission, est à saluer.
La majorité de notre groupe votera ce texte. Les territoires à énergie positive en témoignent, c'est au plus près du terrain que nous avancerons.
Nous devons traiter le sujet préoccupant des néonicotinoïdes, dont l'impact sur les abeilles est avéré. Pouvons-nous encore nous dire incompétents, alors que le titre I consacre le principe de l'action préventive ? Madame la ministre, il faudra agir auprès de nos partenaires européens pour obtenir un moratoire, à défaut d'interdiction.
Saluons encore la prise en compte des paysages, avec l'introduction de l'objectif de qualité paysagère dans les Scot. C'est un encouragement pour les territoires qui, comme le mien, se sont engagés dans un plan paysage.
Cette loi est une étape décisive, qui s'inscrit dans le prolongement du Grenelle, de la loi de transition énergétique et de la COP. Hubert Reeves le dit : la biodiversité nous concerne tous, nous en sommes tous dépendants.
Nous présenterons une centaine d'amendements ; mais nous ne pouvons pas ne pas trouver un consensus. La politique doit laisser la place à la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-Noël Cardoux . - Ce texte, qui aurait dû faire l'objet d'un dialogue constructif, apaisé et fructueux entre tous les acteurs, risque d'être un rendez-vous manqué avec les chasseurs et les pêcheurs.
Vous affirmez que ce n'est pas une loi chasse et pêche. Mais au gré des amendements adoptés à l'Assemblée nationale, et de ceux déposés au Sénat, certains parlementaires ont voulu faire de ce texte une attaque en règle contre la chasse et ses particularismes locaux, qu'ils méconnaissent totalement... (MM. Jean-Louis Carrère et Éric Doligé applaudissent)
Le président de la République l'a reconnu le 20 octobre, les chasseurs sont déçus d'être incompris alors qu'ils entretiennent la flore et la faune. Ils ont sauvé des zones humides ; l'ONCFS finance la répression contre le braconnage. N'en déplaise à M. Dantec, les chasseurs s'imposent des contraintes ! Avec 3,6 milliards d'euros par an, 26 000 emplois et 75 millions d'heures de bénévolat, le président de la République a jugé prioritaire de renforcer l'activité cynégétique, atout pour le développement diversifié de nos territoires ruraux. Rappelons que le Sénat a voté à l'unanimité la suppression de la baisse du plafond de redevances cynégétiques affectées à l'ONCFS, avec l'avis favorable du Gouvernement.
Le groupe chasse a déposé en commission des amendements défensifs, car nous avons eu l'impression que l'interdiction de la chasse à la glu était pour certains le coeur de la lutte pour la biodiversité ! Il y a là bien de la désinformation.
M. Jean-Louis Carrère. - Je le démontrerai.
M. Jean-Noël Cardoux. - Merci à la commission d'avoir supprimé les amendements d'agression votés par l'Assemblée nationale.
Les chasseurs sont devenus très méfiants face à ces mises en cause systématiques. D'où nos amendements offensifs. L'espèce humaine fait partie de la biodiversité : la nature ne doit pas être un sanctuaire réservé à la faune et la flore où l'homme n'aurait pas sa place. Merci, madame Primas, de dire que les chasseurs sont les premières vigies de la biodiversité. Nous tenons à ce que les principes d'usage et d'utilisation durable de la nature soient repris, et que la non-régression écologique soit repoussée. De même, nous proposons de maintenir l'indépendance de l'ONCFS, qui représente plus de 1,2 million de personnes et toute une filière au même titre que la filière agricole ou forestière. L'Office passera une convention avec l'AFB, mais ne doit pas se diluer dans un organisme qui aurait pour finalité de restreindre les temps de chasse.
Nous allons débattre de manière apaisée. J'espère que les arguments des chasseurs, prédateurs entrants dans un cycle naturel, seront entendus, car chacun a intérêt à ce que le vote soit consensuel. La défense de la biodiversité mérite mieux qu'un combat dogmatique contre une activité naturelle et millénaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDI-UC et du groupe Les Républicains ; MM. Jean-Louis Carrère et Jean-Claude Luche applaudissent aussi)
M. Pierre Médevielle . - Mme Jouanno a rappelé la genèse du texte, à laquelle elle a participé, et dont de nombreuses dispositions viennent mettre en oeuvre des protocoles internationaux ; Mme Billon a affirmé la position de notre groupe par rapport aux principes généraux.
Les titres IV et V du texte reflètent bien l'ambivalence qui doit être la nôtre. Approche défensive au titre V tout d'abord, qui se fonde sur la prise de conscience de l'urgence : il n'y a plus de tergiversations possibles, d'autant que le climat évolue plus vite que prévu. Les outils sont toutefois perfectibles : ainsi, le mécanisme de compensation devrait associer systématiquement les acteurs locaux, et notamment les associations de chasseurs et de pêcheurs. Il conviendrait de confier à l'Observatoire national de la consommation des espaces agricoles un état des lieux des atteintes à la biodiversité.
Les obligations réelles environnementales pérenniseront des actions en faveur de la biodiversité pour un coût moindre pour la collectivité.
Les néonicotinoïdes, dénoncés par l'Anses, ont une nocivité avérée. Il faut les interdire, comme le propose Chantal Jouanno.
Le débat sur la chasse à la glu, sujet anecdotique n'a pas sa place ici : concentrons-nous sur le fond du texte, sans nous éparpiller - d'autant que cette pratique traditionnelle n'a pas pour but de tuer des animaux mais d'attraper des appelants.
Il y a une autre manière d'aborder la biodiversité, c'est l'approche prospective et positive. Le titre IV, qui transpose le protocole de Nagoya sur l'accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles, montre combien la biodiversité est une richesse inestimable pour la France. La défendre, c'est préparer l'avenir, environnemental et économique.
Enfin, la compensation des atteintes à la biodiversité est de nature à réconcilier environnement et activité économique, et pourra constituer une source de revenus complémentaires pour les agriculteurs.
Ce projet de loi qui sonne comme un cri d'alarme est aussi un formidable message d'espoir. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-UC et RDSE ; M. Joël Labbé applaudit également)
M. Jean-Yves Roux . - Les hommes savent protéger leur patrimoine culturel, à peine commence-t-on à protéger notre patrimoine naturel, affirmait déjà la Déclaration internationale des droits de la mémoire de la terre, signée le 13 juin 1991 à Digne-les-Bains.
Ce texte est une bonne nouvelle pour les territoires ruraux et montagnards, qui entendent valoriser un patrimoine multiforme, interdépendant, vivant. Nous devons, plus que jamais, privilégier une approche globale. C'est le sens de l'inscription de la géodiversité et du support minéral dans la biodiversité.
Les territoires peuvent tirer avantage d'une valorisation raisonnée et durable de leurs écosystèmes. Je plaide pour que la future AFB se soucie de la préservation de la ressource en eau et de l'entretien des cours d'eau notamment en montagne. Où en sont les discussions sur les possibles dérogations aux débits réservés en zone de montagne en cas de sécheresse ?
Pierre-Yves Collombat, tirant les leçons des inondations dramatiques, a bien posé le problème du curage : l'article 215-15 du code de l'environnement encadre le curage au point de le rendre impossible, au détriment de la faune et de la flore : l'AFB s'en occupera-t-elle ? Pourra-t-elle piloter des expérimentations ? Des initiatives sont-elles prévues ? Là où il y a une volonté, il y a un chemin : nous y sommes. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Michel Vaspart . - Ce texte nous parvient au terme d'un tortueux parcours initié dès 2012. La démocratie n'y a pas gagné. Je salue le travail considérable et remarquable de notre rapporteur, qui a su instiller du réalisme là où la gauche, à l'Assemblée nationale, en avait manqué.
J'ai une pensée pour la Bretagne, les Côtes-d'Armor en particulier, dont les difficultés sont très loin des préoccupations de ceux qui ont rédigé ce texte. Heureusement, de l'équilibre y a été porté. Monsieur le ministre, est-il possible de préserver l'espèce des agriculteurs ? Est-elle en voie de disparition ? (Applaudissements au centre et à droite)
Les restrictions paysagères, toujours plus nombreuses, rendent l'activité plus difficile, alors que l'intérêt du pays demande d'aller dans le sens de l'ouverture, de la simplification, de la relance.
Tâchons d'aller au-delà des compromis actuels, pour être plus utile aux acteurs économiques : c'est notre rôle en séance plénière. Je soutiendrai les amendements de nos collègues Pointereau, Bailly, Cardoux.
Pour ma part, je vous proposerai d'agir pour le lombricompostage, un sujet moins mineur qu'il n'y paraît, et plus symbolique de nos blocages administratifs... Je vous lis ce mail que j'ai reçu : « à l'heure où nous cherchons à réduire les déchets, à avoir un environnement plus sain, à sensibiliser nos concitoyens à l'environnement, certaines activités sont incapables de démarrer en France, croulant sous le poids de législations et réglementations non proportionnées qui bloquent toute initiative. C'est ainsi que toute société qui souhaiterait développer le lombricompostage ou produire des insectes type coccinelle pour lutter de façon écologique contre les ravageurs des cultures au lieu d'utiliser des produits chimiques, ou encore produire des escargots pour la transformation ultérieure, est soumise à une réglementation extrêmement contraignante concernant la faune sauvage captive, à savoir l'obtention d'une autorisation préfectorale d'ouverture qui requiert également que l'entretien des animaux soit placé sous la responsabilité d'une personne titulaire du « certificat de capacité » délivré en application de l'article L. 423-2 du code de l'environnement ». Au même titre que les zoos et les cirques ! (Exclamations à droite) Je rappelle qu'il est question ici de lombrics, coccinelles, et escargots ... (Même mouvement)
De la simplification avant toute chose... Rapprochons l'écologie de l'économie !
M. Rémy Pointereau. - Très bien !
M. Michel Vaspart. - Notre pays a besoin de réalisme. Comme le disait Darwin : « Ce n'est pas la poule la plus forte ou la plus intelligente qui l'emporte, mais celle qui s'adapte ». (Applaudissements à droite et au centre)
M. Jean-Baptiste Lemoyne . - Nous y voilà, à ce débat sur le vivant et le milieu ! Notre territoire, de la Bourgogne à la barrière de corail en Nouvelle-Calédonie, offre un patrimoine naturel exceptionnel. Cependant la « mégamachine » entrevue dans les années cinquante par Lewis Mumford, devient réalité, ballottant les individus - comme Henry George Thoreau l'avait prédit dans Walden ou la vie dans les bois dès le XIXe siècle, parlant de « la cité désespérée », mais aussi de « la campagne désespérée » où, nous dit le poète, c'est « le courage de la loutre et du rat musqué » qui nous consolera de notre existence faite de « tranquille désespoir ».
Quel sens donner à la vie, dans ces conditions ? À nous d'avoir conscience de la Terre, et de nos « petites patries », contre la tyrannie du temps : au naufrage mondial, répondons par l'ancrage local.
Ne cédons pas à cette passion française, qui consiste à désigner systématiquement des boucs émissaires - nous avons besoin de tout le monde, or les ouvriers de la terre, que sont les chasseurs, les agriculteurs, les élus locaux se sentent visés. Je pense, en particulier, à un amendement de Mme Blandin tendant à interdire la chasse le mercredi...
Mme Marie-Christine Blandin. - Pardon, il n'est plus là !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Je salue le travail de nos rapporteurs pour un texte qui construit avec plutôt que contre. La régulation des espèces implique une intervention : les chasseurs en sont des acteurs majeurs, nos rapporteurs l'ont compris.
Je salue l'amendement de Sophie Primas qui intègre à l'ONCFS des représentants des collectivités locales, sans toucher au principe selon lequel les représentants issus des milieux cynégétiques représentent la moitié des membres du conseil.
Je salue aussi la suppression de l'article 34 : le contrat vaut mieux que la contrainte.
De même, un amendement utile de Jérôme Bignon à l'article 27 associe les chambres d'agricultures à la procédure d'élaboration de la charte d'un parc naturel régional.
C'est au prix du dépassement des clivages artificiels que nous pourrons répondre à l'immense défi qui nous attend et éviter le terrible scénario imaginé par ces poètes chanteurs québécois que sont les Cowboys Fringants dans leur très belle chanson Plus Rien :
« Il ne reste que quelques minutes à ma vie
Tout au plus quelques heures je sens que je faiblis
Mon frère est mort hier au milieu du désert
Je suis maintenant le dernier humain de la terre
On m'a décrit jadis, quand j'étais un enfant
Ce qu'avait l'air le monde il y a très très longtemps
Quand vivaient les parents de mon arrière grand-père
Et qu'il tombait encore de la neige en hiver
En ces temps on vivait au rythme des saisons
Et la fin des étés apportait la moisson
Une eau pure et limpide coulait dans les ruisseaux
Où venaient s'abreuver chevreuils et orignaux
Mais moi je n'ai vu qu'une planète désolante
Paysages lunaires et chaleur suffocante
Et tous mes amis mourir par la soif ou la faim
Comme tombent les mouches jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien...
Plus rien...
Plus rien... »
(Applaudissements sur plusieurs bancs, à droite, au centre, et sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jacques Cornano . - Ce texte est très attendu et très important puisqu'il modifie notre conception de la nature, du rôle qu'y prend l'homme, de la fragilité de la biodiversité.
La biodiversité de la Guadeloupe - Grande Terre corallienne au sol calcaire peu accidenté, Basse Terre, volcanique culminant à la Soufrière -, est méconnue alors qu'elle est particulièrement riche, de sa flore terrestre comme maritime : c'est un véritable hot spot de la biodiversité, qui offre un formidable champ d'expérimentation et appelle des solutions originales, notamment juridiques.
Cependant, la destruction des espèces et la fragilité de notre biodiversité nécessitent d'agir vite.
Ce texte exige des compléments et des précisions, - en particulier sur l'accès au patrimoine génétique -, j'avais compris que la France devait mieux reconnaître les savoirs traditionnels, en particulier.
N'attendons pas du droit des effets qu'il ne peut avoir, comme nous le rappelle opportunément le professeur Prieur, mais cela ne doit pas nous empêcher d'agir. (Applaudissements)
M. Gérard Cornu . - Je salue à mon tour le travail colossal de notre rapporteur, son écoute.
Le capital vert s'érode de jour en jour ; des espèces disparaissent, les sols et les océans sont pillés, les espaces diminuent, le climat se réchauffe... Tous les indicateurs de la biodiversité sont au rouge.
M. Ronan Dantec. - Très bien !
M. Gérard Cornu. - Qu'allons-nous léguer à nos enfants ? Quarante ans après la loi de 1976, ce sujet devrait faire consensus, comme lors du Grenelle de l'environnement conduit par Jean-Louis Borloo. Rien de tel, hélas ! Par son acharnement idéologique contre ceux qui vivent et travaillent sur les territoires, le Gouvernement n'a pas pu faire consensus.
La biodiversité doit articuler l'environnement et l'économie plutôt que de les opposer et mettre la nature sous cloche. Nous devons préciser les missions des instances nouvelles. Cependant ce texte alourdit les règles pour les agriculteurs, qui, pourtant, entretiennent les haies et les prairies : ils sont d'accord pour agir, mais pas pour la biodiversité promue par le Gouvernement.
J'entends le souci d'équilibre et le pragmatisme du rapporteur ; cependant, je m'associe à M. Pointereau, pour les agriculteurs, les chasseurs, les pêcheurs, véritables artisans, petites mains de nos paysages, de nos rivières, mémoires vivantes de nos paysages, de nos vallées, de nos plateaux : voilà la réalité !
Ce texte facilitera-t-il la reconquête de la biodiversité ? Non, nous sommes même loin des objectifs du Grenelle, ce texte se limite à de l'affichage : comme les Français, j'attends du concret ! (Applaudissements à droite et au centre)
La discussion générale commune est close.
La séance est suspendue à 19 heures.
présidence de M. Hervé Marseille, vice-président
La séance reprend à 21 h 05.
Conférence des présidents
M. le président. - Je vais vous donner lecture des conclusions de la Conférence des présidents.
La Conférence des présidents a tout d'abord décidé d'ouvrir cette nuit et celle de demain ainsi qu'éventuellement vendredi matin et après-midi pour terminer l'examen du projet de loi et de la proposition de loi organique sur la biodiversité.
Pour le reste, l'ordre du jour des séances jusqu'au mardi 26 janvier inclus demeure inchangé.
MERCREDI 27 JANVIER 2016
À 14 h 30
- Suite éventuelle du projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires
- Proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs
- Projet de loi relatif aux réseaux des chambres de commerce et d'industrie et des chambres de métiers et de l'artisanat
Le soir
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie
- Suite de l'ordre du jour de l'après-midi
JEUDI 28 JANVIER 2016
À 10 h 30
- 1 convention internationale en forme simplifiée
- Suite éventuelle de l'ordre du jour de la veille
- Projet de loi ratifiant l'ordonnance portant réduction du nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées
À 15 heures
- Questions d'actualité au Gouvernement
Éventuellement, à 16 h 15 et le soir
- Suite de l'ordre du jour du matin
La semaine du 2 février est une semaine sénatoriale.
MARDI 2 FÉVRIER 2016
À 14 h 30
- Proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste
À 16 h 45
- Questions d'actualité au Gouvernement
À 17 h 45, le soir et, éventuellement, la nuit
- Suite de la proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste
MERCREDI 3 FÉVRIER 2016
De 14 h 30 à 18 h 30
Ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain :
- Suite de la proposition de loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire
- Proposition de loi visant à permettre l'application aux élus locaux des dispositions relatives au droit individuel à la formation
De 18 h 30 à 20 heures et de 21 h 30 à minuit
Ordre du jour réservé au groupe RDSE :
- Proposition de loi constitutionnelle visant à inscrire les principes fondamentaux de la loi du 9 décembre 1905 à l'article premier de la Constitution
- Proposition de loi organique visant à supprimer les missions temporaires confiées par le Gouvernement aux parlementaires et proposition de loi organique visant à supprimer le remplacement des parlementaires en cas de prolongation d'une mission temporaire
JEUDI 4 FÉVRIER 2016
À 10 h 30
- Proposition de résolution européenne sur les conséquences du traité transatlantique pour l'agriculture et l'aménagement du territoire
- Suite éventuelle de la proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste
À 14 h 30, le soir et, éventuellement, la nuit
Ordre du jour réservé au groupe communiste républicain et citoyen :
- Proposition de loi favorisant l'accès au logement social pour le plus grand nombre
- Suite éventuelle de l'ordre du jour du matin
- Proposition de loi portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes et proposition de loi organique relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes
Les semaines des 8 et 15 février sont réservées par priorité au Gouvernement.
MARDI 9 FÉVRIER 2016 à 14 h 30, le soir et la nuit, le matin étant réservé aux questions orales et MERCREDI 10 FÉVRIER 2016, à 14 h 30, le soir et la nuit
- Projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine
JEUDI 11 FÉVRIER 2016
À 10 h 30
- Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes par M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes
- 4 conventions internationales en forme simplifiée
- Suite du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine
À 15 heures
- Questions d'actualité au Gouvernement
À 16 h 15, le soir et, éventuellement, la nuit
- Suite du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine
MARDI 16 FÉVRIER 2016
À 15 h 15
- Explications de vote des groupes sur le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine
De 16 heures à 16 h 30
- Vote solennel par scrutin public, en salle des Conférences, sur ce projet de loi
À 16 h 30
- Proclamation du résultat du scrutin public sur ce projet de loi
À 16 h 45
- Questions d'actualité au Gouvernement
À 17 h 45 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l'immigration
MERCREDI 17 FÉVRIER 2016
À 14 h 30
- Suite de l'ordre du jour de la veille
- Proposition de loi organique et proposition de loi de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle
À 17 h 30
- Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 18 et 19 février
Le soir et la nuit
- Suite de l'ordre du jour de l'après-midi
JEUDI 18 FÉVRIER 2016
À 10 h 30
- Deux conventions fiscales avec Singapour d'une part, et la Suisse, d'autre part
- Suite de la proposition de loi organique et de la proposition de loi de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle
À 14 h 30 et le soir
- Suite de l'ordre du jour du matin
- Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture de la proposition de loi relative à la protection de l'enfant
Il en est ainsi décidé.
Reconquête de la biodiversité (Suite)
M. le président. - Nous reprenons la discussion du projet de loi.
Discussion des articles du projet de loi
ARTICLE PREMIER
Mme Marie-Christine Blandin . - Depuis le 28 décembre 2015, les arrêtés de protection des géotopes sont parus. Vous avez respecté votre engagement envers les géologues, madame la ministre, avec cet article premier qui inclut la géodiversité dans notre patrimoine commun. Il y va de nos paysages, de nos cultures et notamment de notre viticulture. Selon que le sous-sol est jurassique moyen ou jurassique supérieur, vous aurez un Côte de Beaune ou un Côte de Nuits ; l'appellation Chablis vous sera refusée s'il y a de petites huîtres fossiles...
Tout comme notre organisme héberge 2 kilos de microorganismes, biodiversité indispensable à notre santé, les sols non empoisonnés abritent une masse d'animaux et de bactéries dont le poids dépasse celui des troupeaux qui pâturent en surface.
Recevez, madame la ministre, la gratitude des géologues, des pédologues et des défenseurs de l'humus. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)
M. Joël Guerriau . - Nous avons la responsabilité d'entretenir et de protéger un écosystème mis à mal par l'homme.
Cet article 1er enrichit notre code de l'environnement par des concepts et un vocabulaire renouvelé et raisonné ; il donne en effet une définition large, dynamique de la biodiversité, qui intègre l'ensemble du vivant et tient compte de l'avis des chercheurs. Il reste un long chemin à parcourir pour protéger notre planète ; nous soutenons, pour l'heure, cette rédaction.
M. Roland Courteau . - Élargir cette définition aux espaces terrestres et marins s'imposait : la Méditerranée abrite à elle seule près de 10 % des espèces marines connues. La biodiversité englobe en outre les paysages, diurnes et nocturnes, car l'excès de lumière artificielle affecte la vie des insectes. Je regrette la suppression de cette mention, tout comme celle des sols, qui ne figurent plus dans le texte de la commission. Ils sont pourtant un bien commun au même titre que l'eau et l'air, et ne se réduisent pas à leur seule valeur foncière. Ce n'est pas un hasard si l'ONU a fait de 2015 l'année internationale du sol. Celui-ci abrite le quart des espèces et rend une multitude de services à l'humanité, que nous payons bien mal de retour puisque 500 000 hectares, l'équivalent d'un département, ont été artificialisés entre 2006 et 2014. Épuisement des substances nutritives, salinisation, pollution : 33 % des sols mondiaux sont dégradés !
Merci, madame la ministre, d'attirer notre attention sur cette situation alarmante : les espèces vivantes s'éteignent mille fois plus vite qu'au cours des 65 millions d'années d'évolution ! Prévenons la sixième extinction de masse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Joël Labbé applaudit également)
M. Maurice Antiste . - Ce débat témoigne d'une volonté de donner de l'ampleur à la politique de protection de la nature. Les territoires français d'outre-mer sont riches d'espèces animales et végétales, la biodiversité y est foisonnante et unique : 3 % des mollusques, 2 % des poissons, 6 % des oiseaux, 10 % des récifs coralliens. Les outremers concentrent 80 % de la biodiversité française, mais cette richesse patrimoniale est surexploitée, polluée, menacée par des espèces invasives. Ce texte prévoit heureusement des solutions pertinentes au moyen d'un opérateur intégré - l'Agence française pour la biodiversité, à laquelle il faudra prévoir des délégations ultramarines.
Vous avez consenti à une préfiguration faisant de la Martinique un territoire pilote. Pouvez-vous préciser le champ d'action du futur établissement public de coopération environnementale (EPCE), ses missions, son financement et son lien organique avec la gouvernance de l'AFB ? (M. Joël Labbé applaudit).
M. François Grosdidier . - La biodiversité est parfois tournée en dérision ; l'urgence économique et sécuritaire tend à reléguer au second plan les enjeux écologiques.
Il est stérile d'opposer environnement et développement, écologie et économie, nature et humanité. Il n'y a pas lieu de cliver ainsi le débat, même si ces questions touchent au fondement philosophique de notre engagement. Notre famille politique défend une éthique de responsabilité. Il s'agit de transmettre à nos enfants ce que nous avons reçu en héritage ; la biodiversité en fait partie. L'on n'imagine pas, en effet, un monde sans lions, sans tigres, sans éléphants, et l'on demande aux populations locales de protéger ces animaux bien plus dangereux pour elles que nos trente ours ou nos trois cents loups... (M. Dominique Bailly s'exclame).
Même d'un point de vue utilitariste et anthropocentré, la biodiversité nous est indispensable, ne serait-ce que pour la pharmacopée : la biodiversité contient les molécules qui seront les remèdes de demain. Il a été rendu hommage à Hubert Reeves ; permettez-moi de saluer la mémoire du grand botaniste Jean-Marie Pelt, qui nous invitait à sortir de notre apathie et d'agir pour protéger la biodiversité.
Mme Ségolène Royal, ministre. - Le titre Ier affirme que la biodiversité fait partie du patrimoine commun de la nation, et qu'elle génère des services écosystémiques et des valeurs d'usage indispensables ; il inscrit également explicitement dans notre droit le triptyque éviter-réparer-compenser.
Votre commission du développement durable a introduit un article 2 bis très important et utile puisqu'il introduit dans le code civil un titre relatif à la responsabilité du fait des atteintes à l'environnement. Le Gouvernement le soutient.
Les articles 3, 3 bis et 3 ter sur la notion de continuité écologique, la pollution lumineuse et les richesses pédologiques sont d'autres avancées utiles ; l'article 4 précise le rôle de l'AFB dans les stratégies nationales et régionales.
L'article 1er définit la biodiversité en précisant, modification importante, qu'il y a un milieu naturel terrestre et un milieu marin. L'Assemblée nationale avait repris la définition issue de la convention de 1992 ; votre commission l'a simplifiée. Cette rédaction fait consensus parmi les scientifiques, le Gouvernement la soutient.
Cet article donne de la biodiversité une vision plus dynamique en incluant la capacité à préserver les espèces, le géotope et le patrimoine géologique. Les députés avaient introduit les sols dans cette définition ; votre commission les en a retirés. Le débat devra lever les inquiétudes concernant le droit de propriété, l'activité agricole. On compte 260 millions d'animaux dans un mètre cube de prairie permanente ; un hectare de sol forestier compte plus d'organismes vivants qu'il y a d'humains sur terre... Je serai très à l'écoute du débat.
M. le président. - Amendement n°456, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 3
Rétablir le 2° dans la rédaction suivante :
2° Les mots : « sites et paysages » sont remplacés par les mots : « sites, les paysages diurnes et nocturnes » ;
M. Ronan Dantec. - Pour lutter contre les pollutions lumineuses et préserver l'environnement nocturne, cet amendement précise que l'importance des paysages s'apprécie de jour comme de nuit, et non pas uniquement de manière spatiale. Il est cohérent avec notre amendement n°149 à l'article 3 - accepté par la commission - qui fixe comme objectif la sauvegarde de l'environnement nocturne.
M. le président. - Amendement identique n°524 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
M. Raymond Vall. - La pollution lumineuse met en cause de nombreuses fonctions physiologiques, alors que 28 % des vertébrés et 64 % des invertébrés vivent partiellement ou totalement la nuit.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Cet article sera le socle du droit de l'environnement. Si nous commençons à qualifier les paysages, nous n'en sortirons pas. L'idée est sympathique, mais elle n'a pas sa place ici. Je ne suis pas sûr, au demeurant, de savoir ce qu'est un paysage nocturne... Avis défavorable.
Mme Ségolène Royal, ministre. - Par cohérence avec le vote des députés, avis favorable.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, les amendements identiques nos456 et 524 rectifié, mis aux voix par assis et levé, ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°121 rectifié bis, présenté par MM. Courteau et M. Bourquin et Mme Bataille.
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Après le mot : « végétales », sont insérés les mots : « , les sols » ;
M. Roland Courteau. - Cet amendement réintroduit les sols parmi les éléments constitutifs du patrimoine commun de la nation. Patrimoine génétique immense, concentrant au moins 25 % de la biodiversité terrestre, ils fournissent de très nombreux services.
Les sols sont le support du vivant. Or selon le Partenariat mondial des sols, 33 % des sols dans le monde sont dégradés. En France, le constat est également alarmant avec 11 millions d'hectares touchés par l'érosion et 610 000 hectares urbanisés chaque année.
M. le président. - Amendement identique n°457 rectifié, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.
M. Ronan Dantec. - On ne défendra pas la biodiversité si l'on ne défend pas les sols : la dégradation des sols agricoles est un enjeu absolument fondamental, et la principale atteinte à la biodiversité. Je ne comprends pas que cette mention soit écartée. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)
M. le président. - Amendement identique n°525 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
M. Jean-Claude Requier. - Un front commun Mézard-Dantec, c'est assez rare pour être souligné ! (Sourires)
Clemenceau disait que la guerre était une chose trop sérieuse pour être confiée aux militaires ; cela vaut aussi pour l'écologie : ne la confions pas aux seuls écologistes ! (Applaudissements sur de nombreux bancs)
M. Jean-Louis Carrère. - Bravo !
M. Rémy Pointereau. - Excellent !
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Avis défavorable. Les dictionnaires comme les scientifiques sont formels : la géodiversité comprend déjà les sols. Position sémantique, donc.
Mme Ségolène Royal, ministre. - Sagesse. Les sols participent à la biodiversité, incontestablement, mais les mentionner à cet article aurait une portée normative limitée, et risque de nourrir les inquiétudes sur l'instabilité juridique pour les activités agricoles et le droit de propriété. La richesse des sols est formidable, vous avez raison, mais elle est incluse dans la définition.
M. Michel Raison. - Attention aux chiffres. L'urbanisation ne concerne pas 600 000 mais 60 000 hectares par an ! Or si ce chiffre-là est faux, les autres peuvent l'être aussi.
Beaucoup ici sont contre la mondialisation. Cela se défend, mais ne confondons pas ce qui se fait en Chine, en Amérique du Sud ou dans les anciens pays communistes et ce qui se fait en France ! Il est faux, et déshonorant, d'accuser les agriculteurs de ne pas respecter les sols qu'ils vont transmettre à leurs enfants. C'est méconnaitre les efforts considérables, les évolutions techniques, le niveau de formation des agriculteurs, qui est au moins de niveau 4. Ils connaissent le fonctionnement de leurs sols, savent reconnaitre un sol acide, un sol calcaire, un sol isomorphe... (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Évelyne Didier. - N'opposons pas les défenseurs des agriculteurs, qui seraient d'un côté de l'hémicycle, et ceux qui leur seraient hostiles de l'autre ! (On le revendique sur les bancs du groupe Les Républicains). Dire que les sols sont essentiels pour le vivant, ce n'est pas être contre les agriculteurs ! Ils sont d'ailleurs les premiers à en connaître l'importance. M. Emorine le sait, nous ne goûterions pas des vins aussi fameux en Bourgogne si les moines n'avaient eu une connaissance intime de l'acidité des sols. (On invoque la laïcité sur certains bancs du groupe Les Républicains)
Je pensais soutenir ces amendements, mais l'argument du rapporteur mérite d'être entendu : évitons d'introduire des clivages inutiles. Mais ne pensez pas être seuls à défendre les agriculteurs ! (Applaudissements à gauche)
Mme Sophie Primas. - Nous sommes tous conscients de l'importance des sols pour la biodiversité et pour l'agriculture. Nous avons déjà légiféré, dans des lois d'urbanisme, pour limiter l'artificialisation des sols et privilégier la densification. En l'occurrence, dans un texte sur la biodiversité, veillons à ne pas introduire des questions complexes de droit du sol, au risque de crisper les agriculteurs et d'autres professionnels ; suivons le rapporteur.
M. Joël Labbé. - Je faisais partie en 2015, année mondiale des sols, de la délégation auprès de Stéphane Le Foll pour le lancement de l'opération « 4 pour 1 000 ». Il n'y a rien de clivant ici : tous les agriculteurs pensent que les sols vivants de la terre nourricière doivent être préservés ! Je ne comprends pas la tournure du débat, contraire à toute sagesse et à tout bon sens. Envoyons un signal positif de reconquête de la biodiversité !
M. Ronan Dantec. - Le terme « géodiversité » met l'accent sur la nécessité de préserver la diversité ; celui de « sol » insiste sur leur aspect économique. Cela plaide pour en conserver la mention à l'article premier. Il n'y a pas ici de clivage entre les défenseurs des agriculteurs et ceux qui ne connaitraient pas les paysans. Notre vision de l'agriculture, c'est plus d'actifs agricoles ! En Loire-Atlantique, un certain projet très contesté fait l'unanimité du monde agricole contre lui, car tous les agriculteurs défendent la préservation des sols.
M. Alain Vasselle. - Écoutez donc le rapporteur !
M. Roland Courteau. - Le terme de géodiversité est ambigu, en effet. En quoi reconnaitre que les sols font partie du patrimoine commun de la nation serait-il contraire aux intérêts des agriculteurs ? Je ne comprends pas...
M. Alain Vasselle. - L'amendement est satisfait par la rédaction de l'article, la ministre vous l'a confirmé !
M. Roland Courteau. - Ce n'est pas notre interprétation.
M. Gérard Bailly. - Je rejoins M. Raison. Il faut protéger la surface agricole si l'on veut nourrir la planète demain ! Que signifie « restaurer » les sols ? Les agriculteurs les auraient-ils détruits ? Pourra-t-on encore labourer demain ? (Exclamations à gauche). On a vu les conséquences des lois Grenelle, des lois Santé : désormais, interdit d'aller chercher un produit chez le vétérinaire, c'est celui-ci qui doit faire des kilomètres ! Les agriculteurs craignent que demain, on leur interdise de labourer. Certes, dans certaines régions, les labours ont été supprimés, mais cela n'est pas toujours possible : je ne voudrais pas que le pouvoir réglementaire restreigne davantage l'activité agricole. (Marques d'approbation sur plusieurs bancs à droite).
M. Hervé Maurey, président de la commission. - Le rapporteur a été très clair, mais manifestement pas très bien compris. Selon le site de l'Inventaire national du patrimoine naturel, la géodiversité est l'ensemble des éléments des sous-sols, sols et paysages qui, assemblés les uns aux autres, constituent des systèmes organisés, issus de processus géologiques. C'est très clair, les débats éclaireront l'interprétation du texte. Ne rendons pas les lois plus bavardes encore...
M. Louis Nègre. - Si nous nous engageons dans des débats sémantiques sans objet, nous n'avancerons guère. De grâce, concentrons-nous sur l'essentiel : sauver la biodiversité.
Les amendements identiques nos121 rectifié bis, 457 rectifié, 525 rectifié bis ne sont pas adoptés.
L'article premier est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°122 rectifié, présenté par MM. Courteau et M. Bourquin et Mme Bataille.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le livre II du code de l'environnement est complété par un titre ... ainsi rédigé :
« Titre ...
« Préservation et protection des sols
« Art. L. 230-... - Est d'intérêt général la protection des sols contre les processus de dégradation, tant naturels que provoqués par les activités humaines, qui compromettent la capacité des sols à remplir chacune de leurs fonctions écologiques, économiques, sociales et culturelles.
« L'État et ses établissements publics, les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics ainsi que les personnes privées concourent, chacun dans le domaine de sa compétence et dans les limites de sa responsabilité, à une politique dont l'objectif est la protection et l'utilisation durable des sols. Cette politique comprend des mesures de suivi des sols, de prévention de leur dégradation, d'utilisation rationnelle et durable ainsi que de remise en état et d'assainissement des sols dégradés de manière à leur restituer un niveau de fonctionnalité qui respecte les besoins des générations futures. »
M. Roland Courteau. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°458, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.
M. Ronan Dantec. - Défendu.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - L'article premier suffit, il n'y a pas lieu du surcharger le code environnement de dispositions incantatoires. Retrait ?
Mme Ségolène Royal, ministre. - Je comprends votre objectif. Je suis sensible à l'enjeu de la gestion durable des sols ; avec Stéphane Le Foll, nous avons confié une enquête à nos deux inspections, afin de définir une stratégie nationale des sols, avec des mesures de suivi et de prévention. Cela pourra donner lieu à des dispositions législatives. Dans ces circonstances, retrait.
Les amendements identiques nos122 rectifié et 458 sont retirés.
M. le président. - Amendement n°266 rectifié, présenté par Mme Bonnefoy et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l'article L. 312-19 du code de l'éducation est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elle comporte également une sensibilisation à la préservation de notre biodiversité, notamment par la création de jardins de la biodiversité dans les écoles élémentaires. »
Mme Nicole Bonnefoy. - Les habitudes se prennent dès le plus jeune âge : il faut sensibiliser et former à la biodiversité dès le primaire, comme à l'alimentation ou au gaspillage alimentaire. Cela peut passer par la création de jardins de la biodiversité, par exemple. C'était une proposition de la mission d'information sur les pesticides, je compte donc sur le soutien de Mme Primas !
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Excellente idée, qui relève du temps périscolaire...
M. Alain Néri. - Merci de le conforter !
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - ... donc du pouvoir réglementaire, sans jugement de valeur. Il conviendrait donc de suggérer à Mme Vallaud-Belkacem de prendre un arrêté en ce sens. (Marques d'approbation à droite) Retrait.
Mme Nicole Bonnefoy. - On l'a fait sur l'alimentation, pourquoi pas ici ?
M. Rémy Pointereau. - Qui paiera ?
Mme Ségolène Royal, ministre. - Retrait pour le même motif. Soyons rigoureux quant à l'élaboration de la norme législative, dans le cadre du code de l'environnement. Et vous modifiez là le code de l'éducation... Cela dit, votre excellente idée mérite d'être appliquée, non seulement à l'école élémentaire, mais aussi au collège et au lycée.
L'amendement n°266 rectifié est retiré.
ARTICLE 2
M. Jean-Louis Carrère . - Nous entamons avec cet article le débat sur la question des usages, et je vous parlerai de deux chasses traditionnelles, qui concernent des passereaux des Landes : la première, au Pinson des arbres et au Pinson du Nord ; la seconde au Bruant ortolan. Ces chasses impressionnent, mais ce prélèvement ancestral, qui ne blesse pas les animaux dont on sait qu'ils sont en surnombre, ne saurait être interdit sur des motifs liés à la biodiversité. Les chasseurs acceptent de diminuer leurs chasses si les espèces sont menacées, nous avons commandé des études scientifiques dont le résultat ne fait aucun doute, j'ai eu le courage d'aller au-devant d'une assemblée d'un millier de chasseurs pour porter cette parole sur le terrain, mais ils se voient opposés des arguments d'anti-chasseurs venus de Paris bardés de caméras, qui n'hésitent pas à déposer des plaintes, que des magistrats instruisent - sanctionnant ensuite ce que l'exécutif tolère. Madame la ministre, vous l'avez compris, je vous lance un appel ! (On approuve sur plusieurs bancs à droite)
M. Raymond Vall. - Très bien !
M. Roland Courteau . - Cet article, consacré au principe ERC et au principe de solidarité écologique, est utile, en particulier les compensations et la notion de perte nette de biodiversité : mieux vaut prévenir que réparer, donc réduire le risque et le compenser quand il se produit. Plus l'exigence de réparation sera forte, plus les entreprises réduiront leurs impacts.
M. François Grosdidier . - La biodiversité est un patrimoine systémique et cet article rappelle que nous avons la responsabilité de ce bien commun : la compensation s'impose, c'est l'apport de cet article. L'article 2 bis en tire les conséquences, dans le sens que nous avions pris avec M. Retailleau dans la proposition de loi déposée en 2013 que l'Assemblée nationale n'a jamais cru bon d'examiner. La responsabilité environnementale entre dans le code civil via la notion de préjudice écologique : bienvenue !
M. le président. - Amendement n°1 rectifié quater, présenté par M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Vasselle, Mme Canayer, MM. Gilles, Pointereau, Milon, Mouiller et Panunzi, Mme Gruny, M. Kennel, Mme Lopez, MM. Bouchet, Laufoaulu, D. Laurent, Trillard, César, Mayet, Lemoyne, Cornu, Morisset et Laménie, Mmes Micouleau et Primas, M. Commeinhes, Mme Giudicelli, M. Charon, Mme Lamure, MM. Vaspart, Doligé, J.P. Fournier, Poniatowski, Genest, Danesi, Grand, Bizet, Pillet, Pellevat, Pinton, de Nicolaÿ, Revet, Lefèvre, B. Fournier, Longuet, Pintat, Vial et Darnaud, Mme Morhet-Richaud, MM. Allizard, Delattre, Masclet, P. Leroy et Lenoir, Mme Deseyne et MM. A. Marc, Dassault, Chasseing, Raison, Gremillet, Luche, Houpert, Savary, Médevielle, Guerriau, D. Dubois et Gournac.
Après l'alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après la première phrase du premier alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Elles prennent en compte les valeurs intrinsèques ainsi que les différentes valeurs d'usage de la biodiversité reconnues par la société. » ;
M. Jean-Noël Cardoux. - L'usage vise les réalités humaines, très nombreuses et diverses, souvent ancestrales, il faut en tenir compte. Pourquoi avoir accepté en commission l'amendement Dantec sur la définition des écosystèmes en y incluant les interactions, mais en ne reconnaissant pas les usages ?
M. le président. - Amendement identique n°79 rectifié ter, présenté par MM. Bérit-Débat, Patriat et Carrère, Mmes Cartron et D. Michel, MM. Vaugrenard, Camani, Labazée, Roux et Manable, Mmes Jourda, Herviaux et Bataille, MM. Montaugé, Lalande, Jeansannetas, Lorgeoux, J.C. Leroy, Chiron et Courteau, Mme Riocreux et MM. Mazuir, Madrelle, Cazeau et Raynal.
M. Claude Bérit-Débat. - Le groupe chasse du Sénat partage unanimement cet objectif.
M. le président. - Amendement identique n°528 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Amiel, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.
M. Guillaume Arnell. - Notre commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a reconnu utilement les valeurs d'usage de la biodiversité, elles sont inestimables : nous précisons que les mesures prises en faveur de la biodiversité doivent les prendre en compte.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Défavorable. La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a déjà repoussé ces amendements, leur préférant la rédaction qu'elle a adoptée reconnaissant la valeur d'usage des ensembles écosystémiques. Ne compliquons pas davantage le code de l'environnement. Nous ne cessons d'en appeler à la simplification, et proposons sans cesse d'en rajouter !
Mme Ségolène Royal, ministre. - Même avis.
M. Alain Vasselle. - Le texte de la commission constate que le patrimoine commun de la nation « génère des services écosystémiques et des valeurs d'usage », alors que ces amendements vont plus loin, en demandant la prise en compte de ces usages, qui en deviendraient opposables. Ce n'est pas surcharger ce texte, mais l'infléchir : adoptons-les, quitte à améliorer la rédaction en CMP, ce sera un signal fort.
M. Jean-Noël Cardoux. - Merci d'expliciter notre démarche, monsieur Vasselle : effectivement, la rédaction actuelle n'est qu'un constat, pas une prise en compte positive. En Amazonie, des populations indigènes, autarciques, utilisent la biodiversité - il faut envers eux aller plus loin que le simple constat, pour les protéger, les prendre en compte : c'est le même raisonnement ici.
M. Daniel Dubois. - Le principe du développement durable prend en compte l'environnement, le social mais aussi l'économique : l'alinéa introduisant le principe de solidarité écologique semble donner le primat à l'environnement sur l'activité humaine ; je voterai donc cet amendement, qui le contrebalance.
Mme Évelyne Didier. - On confond bien ici l'outil et son usage. Quand on définit un marteau on ne dit pas quels en sont les usages : ici, vous désignez l'usage, au lieu de l'objet - et vous prenez le risque de verrouiller ces usages.
M. René-Paul Savary. - Que veut dire « ce patrimoine (...) génère des services écosystémiques et des valeurs d'usage » ? C'est un truisme ! Il faut dire clairement à nos concitoyens de quoi il s'agit !
Mme Évelyne Didier. - Ils l'ont compris.
M. René-Paul Savary. - Je vous propose de sous-amender pour préciser que la prise en compte des usages est nécessaire.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Le texte ne s'arrête pas au paragraphe que vous citez, lisez la suite de l'article : tout ce que vous demandez y figure. Qui plus est, qu'est-ce qu'une « valeur intrinsèque » ?
Les amendements identiques nos1 rectifié quater, 79 rectifié ter et 528 rectifié sont adoptés.
28
ARTICLE 2 BIS
Mme Ségolène Royal, ministre. - Cet article inséré par votre commission du développement durable introduit la responsabilité environnementale dans le code civil. Toute personne qui cause un dommage à l'environnement est tenue de le réparer, avec la possibilité de dommages et intérêts. C'est opportun, le Gouvernement y est favorable.
M. Bruno Retailleau. - Cet article reprend une proposition de loi de 2012 dont j'étais l'auteur et que nous avions votée à l'unanimité, mais il faudra la compléter. Ce dispositif a été inspiré par l'Erika, en décembre 1999 - un combat juridique que j'ai mené pendant treize ans et qui a abouti en septembre 2012 à la décision de la Cour de cassation reconnaissant le préjudice écologique.
Pourquoi l'insérer dans le code civil ? Il n'existe pour l'heure que dans la jurisprudence, mais des décisions de justice sont parfois contradictoires. Comme disait Victor Hugo, il est temps de faire entrer le droit dans la loi. Le droit de la responsabilité a du mal à saisir cette nouvelle notion car la nature n'étant pas une personne, le préjudice et la réparation posent problème.
Je suis heureux de l'avis favorable du Gouvernement. En 2012, la garde des sceaux avait demandé à un groupe de travail présidé par M. Jégouzo de définir des modalités d'application. Quel seuil de gravité pour déclencher le fait générateur ? Le groupe de travail a retenu la notion d'anormalité. Qui a intérêt à agir ? L'État, les collectivités territoriales, les associations. Quel régime de réparation ? Plutôt en nature. Quels délais de prescription ? Le groupe de travail a préconisé deux ans. Il faut adopter cet article...et le rendre opérationnel madame la ministre.
L'amendement n°173 est retiré.
L'amendement n°482 rectifié n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°305, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.
Rédiger ainsi cet article :
Après le titre IV bis du livre III du code civil, il est inséré un titre IV ter ainsi rédigé :
« TITRE IV TER
« DE LA RESPONSABILITÉ DU FAIT DES ATTEINTES À L'ENVIRONNEMENT
« Art. 1386-19. - Toute personne qui cause un dommage à l'environnement est tenue de le réparer.
« Art. 1386-20. - Le dommage à l'environnement s'entend de l'atteinte anormale aux éléments et aux fonctions des écosystèmes ainsi qu'aux bénéfices collectifs tirés par l'homme de l'environnement.
« Art. 1386-21. - Sans préjudice des procédures instituées par les articles L. 160-1 et suivants du code de l'environnement, l'action en réparation du dommage à l'environnement visé à l'article 1386-19 est ouverte à l'État, au ministère public, aux collectivités territoriales ainsi qu'à leurs groupements dont le territoire est concerné, aux établissements publics, aux fondations et associations, ayant pour objet la protection de la nature et de l'environnement.
« Art. 1386-22. - La réparation du dommage à l'environnement s'effectue prioritairement en nature, par des mesures de réparation primaire, complémentaire et le cas échéant, compensatoire.
« Lorsque la réparation en nature du dommage n'est pas possible, la réparation se traduit par une compensation financière versée à l'État ou à un organisme désigné par lui et affectée, dans les conditions prévues par un décret en Conseil d'État, à la protection de l'environnement.
« Art. 1386-23. - Les dépenses exposées pour prévenir la réalisation imminente d'un dommage, en éviter l'aggravation ou en réduire les conséquences peuvent donner lieu au versement de dommages et intérêts, dès lors qu'elles ont été utilement engagées.
« Art. 1386-24. - Lorsque l'auteur du dommage a commis intentionnellement une faute grave, notamment lorsque celle-ci a engendré un gain ou une économie pour son auteur, le juge peut le condamner, par une décision spécialement motivée, au paiement d'une amende civile. Cette amende est proportionnée à la gravité de la faute commise, aux facultés contributives de l'auteur ou aux profits qu'il en aura retirés. L'amende ne peut excéder le décuple du montant du profit ou de l'économie réalisés. Si le responsable est une personne morale, l'amende peut être portée à 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice au cours duquel le dommage a été commis. Cette amende est affectée au financement d'opérations de protection et de restauration de l'environnement dans les conditions prévues par un décret en Conseil d'État. »
M. Ronan Dantec. - Les propositions de la commission Jégouzo pourront être traduites dans la loi. L'affaire Erika, effectivement, a fait changer le regard et le droit sur le préjudice écologique, c'est essentiel pour la biodiversité - qui ne se limite pas aux dates d'ouverture de la chasse au gibier d'eau ! J'espère que nous serons tous d'accord.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Je rejoins le président Retailleau qui nous avait proposé une avancée juridique importante : nous l'avons déposée comme telle, sans la compléter, pour qu'elle serve de base de travail ; il faut y travailler, avec la garde des sceaux comme avec notre commission des lois. Ce sujet cependant est régalien, au Gouvernement de réunir des juristes et des parlementaires. Qu'en pensez-vous, madame la ministre ?
Mme Ségolène Royal, ministre. - Mon département, voisin de la Vendée, a lui aussi été victime de l'Erika. Je propose que la rédaction de M. Retailleau serve de base de travail pour être prêts d'ici la deuxième lecture au Sénat. Des questions comme les délais de prescription ou de l'intérêt à agir devraient pouvoir être tranchées assez rapidement.
M. Ronan Dantec. - D'accord. Je suis disponible pour travailler sur ces sujets d'ici la deuxième lecture.
L'amendement n°305 est retiré.
M. le président. - Amendement n°58 rectifié, présenté par M. Pointereau, Mme Morhet-Richaud, MM. Chaize, Commeinhes et Mouiller, Mme Cayeux, MM. Pinton, de Nicolaÿ, Milon, Mayet, Cardoux, Vaspart et Cornu, Mme Primas, MM. Poniatowski et D. Laurent, Mme Lamure, M. Danesi, Mme Troendlé, MM. Bizet, César, Laménie et Pierre, Mme Canayer, MM. Lenoir, P. Leroy, B. Fournier et Bas, Mme Gruny et MM. Raison, Savary, Kennel, Bockel et Husson.
Alinéas 4 et 5
Après le mot :
dommage
insérer les mots :
grave et notable
M. Rémy Pointereau. - Nous proposons de graduer la compensation en fonction de la gravité des atteintes à l'environnement, afin de viser les dommages exceptionnels comme le naufrage de l'Erika. L'absence de précisions entrainerait un risque de jurisprudence.
L'amendement n°483 rectifié n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°404 rectifié, présenté par MM. Gremillet, Lenoir, Bizet, Milon, J.P. Fournier et G. Bailly, Mme Deromedi, M. Chatillon, Mmes Lamure et Lopez, MM. Pellevat, Savary, Morisset, Calvet, Mandelli et Pierre, Mmes Primas et Morhet-Richaud et M. Mouiller.
Alinéa 4
Après le mot :
dommage
insérer les mots :
grave et durable
M. Daniel Gremillet. - Même objet : il s'agit d'encadrer l'appréciation du juge.
M. le président. - Amendement n°174, présenté par M. Pellevat.
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Constitue un dommage à l'environnement toute détérioration grave et mesurable de l'environnement.
M. Cyril Pellevat. - Je suis disponible pour participer au groupe de travail et retire mes amendements.
L'amendement n°174 est retiré.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - La proposition de Mme la ministre me paraît sage : travaillons, d'ici la deuxième lecture, à partir du texte de M. Retailleau, sans retenir ici d'amendements. Ils seront versés au dossier, mais sont prématurés pour l'heure.
Mme Ségolène Royal, ministre. - Retrait, même si ces amendements sont justifiés sur le fond. Il est évident que le préjudice devra être grave et notable. La commission Jégouzo avait retenu la notion d'atteinte « anormale ». Je vous propose de mettre rapidement en place notre groupe de travail, afin d'aboutir à un texte opérationnel et une jurisprudence stable.
M. Bruno Retailleau. - Ce que nous visons, c'est de mieux établir la sécurité, de mettre fin aux contradictions jurisprudentielles.
La proposition de loi initiale concevait un régime de responsabilité pour faute. Le groupe de travail de M. Jégouzo a préféré un régime de responsabilité sans faute inspiré par la théorie du trouble anormal de voisinage. Je crois que nous pourrions aujourd'hui accepter la notion de gravité, cela rassurerait les acteurs économiques.
J'aime la liberté, mais bornée par la responsabilité - comme dans le principe pollueur-payeur. Cela suppose un encadrement.
M. Rémy Pointereau. - Le monde agricole, effectivement, s'inquiète : il peut y avoir des micro dommages, des bidons renversés... Je veux bien me rallier à M. Gremillet.
L'amendement n°58 rectifié est retiré.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°404 rectifié, mis aux voix par assis et levé, est adopté.
Les amendements nos175, 176, 177, 178 sont retirés.
M. le président. - Amendement n°306, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.
Alinéa
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 1386-21. - Les dépenses exposées par le demandeur pour prévenir la réalisation imminente d'un dommage à l'environnement, en éviter l'aggravation ou en réduire les conséquences constituent un préjudice réparable, dès lors qu'elles ont été utilement engagées.
M. Ronan Dantec. - Nous proposions de faire référence au dommage à l'environnement, mais je veux bien retirer pour en débattre après.
L'amendement n°306 est retiré, ainsi que l'amendement n°307.
L'article 2 bis, modifié, est adopté.
ARTICLE 3
Mme Ségolène Royal, ministre . - L'inscription des continuités écologiques dans le code de l'environnement est très utile à la biodiversité. Trames verte et bleue, schémas de cohérence écologique mettent en connexion des zones de biodiversité et prennent en compte les particularités de chaque territoire pour réparer les continuités.
M. le président. - Amendement n°308, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 3
Supprimer les mots :
et l'utilisation durable
M. Ronan Dantec. - Nous proposons de supprimer la mention de l'utilisation durable. Cette notion est trop vague et pose la question des moyens que l'on emploie pour assurer cette durabilité.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Nous avons précisé à l'article L 110-2 que les lois et règlements contribuent à l'équilibre harmonieux entre zones urbaines et zones rurales, mais aussi vers une utilisation durable des continuités écologiques. Avis défavorable.
Mme Ségolène Royal, ministre. - Sagesse.
L'amendement n°308 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°149, présenté par Mme Billon et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants-UC.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le deuxième alinéa de l'article L. 110-2 du code de l'environnement est complété par les mots : « , y compris nocturne ».
Mme Annick Billon. - Nous ajoutons un objectif de sauvegarde de l'environnement nocturne, en réponse à l'ambition de la loi Grenelle I de lutter contre l'éclairage excessif.
M. le président. - Amendement identique n°309, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.
M. Ronan Dantec. - Un paysage au clair de lune mérite d'être préservé. La notion de paysage nocturne n'a pas été retenue à l'article premier, nous y revenons ici.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - À l'article premier, nous avons supprimé une mention peu normative ; cet amendement vise l'excès d'éclairage artificiel, qui peut affecter le caractère nocturne. À titre personnel, j'y suis favorable. La commission a émis un avis de sagesse.
Mme Ségolène Royal, ministre. - Les scientifiques confirment que les activités nocturnes contribuent à fragmenter les espaces : avis favorable.
Les amendements identiques n°309 et n°149 sont adoptés.
L'article 3, modifié, est adopté.
La séance, suspendue à minuit 45, reprend à minuit 50
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°47 rectifié quater, présenté par M. G. Bailly, Mme Mélot et MM. Trillard, Vasselle, Revet et Lenoir.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre Ier du livre Ier du même code est complété par un article L. 110-... ainsi rédigé :
« Art. L. 110-... - Certaines activités économiques telles que l'élevage herbivore sont reconnues comme contributrices à la protection de l'environnement. »
M. Gérard Bailly. - On a beaucoup parlé d'animaux sauvages, insectes, oiseaux, poissons, mais il ne faut pas oublier les animaux d'élevage, en particulier les herbivores. Que seraient nos montagnes, nos prairies, nos paysages sans eux ? La plupart des « espaces naturels » à préserver sont, d'abord, des constructions humaines, entretenues par plusieurs générations d'agriculteurs. Nous proposons d'intégrer au code de l'environnement un principe de reconnaissance de la notion de contributeur à la protection de l'environnement.
M. le président. - Amendement n°150, présenté par Mme Billon et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants-UC.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre Ier du livre Ier du même code est complété par un article L. 110-... ainsi rédigé :
« Art. L. 110-... - Certaines activités économiques, comme l'élevage herbivore, peuvent être reconnues comme contribuant à la protection de l'environnement et de la biodiversité. »
Mme Annick Billon. - Défendu.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Certaines activités économiques ont un impact positif sur la biodiversité, mais faut-il pour autant l'ériger en principe ? Quelle serait la portée normative de cette reconnaissance ? La contribution des grandes prairies aux paysages, du reste, figure dans un amendement de M. Bailly auquel la commission a donné un avis favorable, il aura donc satisfaction.
Mme Ségolène Royal, ministre. - L'élevage herbivore est déterminant dans l'entretien des paysages et des sols, il évite la déprise rurale et agricole, notamment en zone de moyenne montagne, mais cela ne justifie pas un article de loi ici : retrait.
M. Gérard Bailly. - D'accord. Mais après ce credo, il faudra signifier dans le texte le rôle des herbivores.
Les amendements nos47 rectifié quater et 150 sont retirés.
L'article 3 bis est adopté.
ARTICLE 3 TER
M. le président. - Amendement n°405 rectifié, présenté par MM. Gremillet, Lenoir, Bizet, Milon, J.P. Fournier et G. Bailly, Mme Deromedi, M. Chatillon, Mmes Lamure et Lopez, MM. Pellevat, Savary, Morisset, Calvet, Mandelli et Pierre, Mme Primas, M. D. Laurent, Mme Morhet-Richaud et M. Mouiller.
Supprimer cet article.
M. Daniel Gremillet. - Le Muséum national d'histoire naturelle n'a pas vocation à réaliser cet inventaire, alors que le groupement d'intérêt scientifique Sol (GIS Sol), qui regroupe notamment l'Inra, l'Ademe l'Institut de recherche pour le développement et l'Inventaire forestier national gère déjà un système d'information sur les sols. Mieux vaudrait charger l'observatoire national des espaces agricoles naturels et forestiers de proposer des outils et des méthodologies opérationnelles.
L'amendement n°484 rectifié n'est pas défendu.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Votre crainte n'est pas fondée. Si le Museum a la responsabilité scientifique de cet inventaire, c'est bien l'État qui le pilote, et qui peut le confier au GIS Sol. En outre, le Museum travaille déjà avec les chambres d'agriculture sur cette question, notamment par le biais de l'Observatoire agricole de la biodiversité.
Mme Ségolène Royal, ministre. - Le code de l'environnement dit bien que l'inventaire est piloté par l'État, sous la responsabilité scientifique du Museum. L'opérateur peut très bien être le GIS Sol. Le Gouvernement souhaite que les données soient accessibles, en open data, aux entreprises dans le domaine du génie écologique.
Retrait, au bénéfice de l'amendement que je présente ensuite - qui a l'avantage d'inclure la transition numérique, afin que la France ne prenne aucun retard dans la création de services intelligents, qui concernent à la fois la transition énergétique et la biodiversité.
M. Daniel Gremillet. - Entendu, je le retire. Cet amendement allait cependant plus loin. Je souhaiterais qu'il soit tenu compte de nos propositions.
L'amendement n°405 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°596 rectifié bis, présenté par le Gouvernement.
Rédiger ainsi cet article :
Le code de l'environnement est ainsi modifié :
1° Au septième alinéa de l'article L. 371-3, le mot : "régionaux" est remplacé par le mot : " territoriaux" ;
2° La seconde phrase du III de l'article L. 411-3 est supprimée ;
3° L'article L. 411-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 411-5. - I. - L'inventaire national du patrimoine naturel est institué pour l'ensemble du territoire national terrestre, fluvial et marin. On entend par inventaire national du patrimoine naturel, l'inventaire des richesses écologiques, faunistiques, floristiques, géologiques, pédologiques, minéralogiques et paléontologiques.
« L'État en assure la conception, l'animation et l'évaluation.
« Les maîtres d'ouvrage, publics ou privés, doivent contribuer à cet inventaire national par la saisie ou, à défaut, le versement des données brutes de biodiversité acquises à l'occasion des études d'évaluation préalable ou de suivi des impacts, réalisés dans le cadre de l'élaboration des plans et programmes mentionnés à l'article L. 122-4 et des projets d'aménagement soumis à l'approbation de l'autorité administrative.
« On entend par données brutes de biodiversité, les données d'observation de taxons, d'habitats d'espèces ou naturels obtenues par observation directe, par bibliographie ou par acquisition de données auprès d'organismes détenant des données existantes.
« La saisie ou le versement de données s'effectue au moyen d'une application informatique mise gratuitement à la disposition des maîtres d'ouvrage par l'État.
« II. - En complément de l'inventaire national du patrimoine naturel, les collectivités territoriales peuvent contribuer à la connaissance du patrimoine naturel par la réalisation d'inventaires locaux ou territoriaux ou d'atlas de la biodiversité, ayant notamment pour objet de réunir les connaissances nécessaires à l'élaboration du schéma régional de cohérence écologique mentionné à l'article L. 371-3 ou à la mise en oeuvre des articles L. 412-2-1 et suivants lorsque la région concernée a adopté la délibération prévue à l'article L. 412-12-1.
« Le préfet de région, les préfets de départements et les autres collectivités territoriales concernées sont informés de ces réalisations.
« III. - Les inventaires mentionnés au présent article sont conduits sous la responsabilité scientifique du Muséum national d'histoire naturelle qui en assure la validation et la diffusion conformément aux principes définis aux articles L. 127-1 et suivants.
« Sauf cas prévus par l'article L. 124-4, les données brutes contenues dans les inventaires mentionnés au présent article sont diffusées comme des données publiques, gratuites, librement ré-utilisables. » ;
4° Le titre 1er du livre III est abrogé.
Mme Ségolène Royal, ministre. - Au départ, cette mesure relevait d'une autorisation de légiférer par ordonnance, demandée par le Gouvernement. Je l'ai transformée en amendement, afin que vous soyez pleinement saisis. Il s'agit de consolider la montée en puissance et la densité de l'inventaire national du patrimoine naturel, mis en ligne par le Muséum : 14 millions de données, plus de 145 000 espèces, 16 600 photographies en ligne, 110 000 consultations par mois et de visites numériques... Il est ouvert aux chercheurs et le sera aux entreprises et autres utilisateurs de ces données. Il sera alimenté par les collectivités et les maîtres d'ouvrage qui doivent réaliser des études d'impact. Cet inventaire doit en effet bénéficier de travaux et projets en open data.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Avis très favorable à cet amendement, conforme à l'engagement pris par le Gouvernement de ne pas légiférer par ordonnance sur ce point. Il respecte en outre l'article 3 ter introduit par la commission.
Mme Évelyne Didier. - C'est en effet un très bon amendement qui, sur la forme, évite le recours aux ordonnances, et, quant au fond, permettra de superposer toutes les données issus de divers réseaux, cadastres, en utilisant les études concernant toutes les parcelles, cours d'eau, etc, afin de disposer de connaissances solides. J'y vois un moyen de se poser les bonnes questions, d'approfondir la réflexion, bref de faire un grand pas en avant.
L'amendement n°596 rectifié bis est adopté et devient l'article 3 ter.
M. le président. - Nous avons examiné 59 amendements au cours de cette séance. Il en reste 492.
Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 20 janvier, à 14 h 30.
La séance est levée à 1 h 10.
Jacques Fradkine
Direction des comptes rendus analytiques
Ordre du jour du mercredi 20 janvier 2016
Séance publique
À 14 h 30, le soir et la nuit
Présidence : Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente M. Jean-Pierre Caffet, vice-président
Secrétaires : Mme Catherine Tasca et M. Bruno Gilles
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (n° 608, 2014-2015) et proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la nomination à la présidence du conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité (n° 609, 2014-2015).
Rapport de M. Jérôme Bignon, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (n° 607 tomes I et II, 2014-2015).
Texte de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (n° 608, 2014-2015).
Avis de Mme Françoise Férat, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n° 581, 2014-2015).
Avis de Mme Sophie Primas, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 549, 2014-2015).
Texte de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (n°609, 2014-2015).