Projet de loi de finances pour 2016 (Nouvelle lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Discussion générale
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget . - Une semaine après l'examen en première lecture de ce projet de loi de finances et du projet de loi de finances rectificative, nous nous retrouvons pour clore l'automne budgétaire.
Voilà un mois que nous discutons de ces deux textes ; je n'insisterai donc pas sur leur contenu. Mais souvenez-vous de la situation il y a exactement un an : on nous disait que le déficit allait augmenter ; que les impôts ne rentraient pas ; que le Gouvernement ne serait pas en capacité de baisser les impôts comme annoncé ; et même que la Commission européenne allait nous sanctionner de manière imminente... Or si le déficit public atteignait 4,3 % en 2013, 3,9 % en 2014 et 3,8 % en 2015, en 2016 il devrait se réduire à 3,3 %. Les déficits publics sont au plus bas depuis 2008. La dette sociale a commencé à refluer, la dette publique devrait être stabilisée l'an prochain. La dépense publique, elle, augmente, c'est normal dans une économie en croissance, mais à un rythme historiquement bas ; car nous finançons les nouveaux moyens par des économies sur les dépenses non prioritaires.
Certes, le chemin vers l'assainissement complet des finances publiques est encore long. Mais les chiffres témoignent d'une nette amélioration.
Quel a été le rôle du Gouvernement dans cette amélioration ? Dès le printemps, en raison des risques apparus, nous avons dégagé 4 milliards d'euros d'économies complémentaires, tout en mobilisant des moyens pour assurer la sécurité des Français, financés à leur tour par des économies de sorte que la dépense totale n'augmente pas.
L'an dernier, on voyait dans le rendement plus faible que prévu des impôts, dû au contexte macro-économique, le signe d'un prétendu exil fiscal. On n'en entend plus parler... Et nous anticipons des plus-values par rapport aux prévisions du printemps. Chacun le sait, les prévisions sont par nature difficiles, surtout lorsqu'elles concernent l'avenir... (Sourires)
Dans le même temps, les baisses d'impôts promises sont mises en oeuvre. Le secteur productif et l'emploi bénéficieront de 7 milliards d'euros d'allègements supplémentaires en 2016, et 5 milliards profiteront aux ménages en 2015 et 2016. Le taux de prélèvement obligatoire passera ainsi de 44,9 % du PIB en 2014 à 44,5 % en 2016.
On disait enfin, l'an dernier, que la Commission européenne était sur le point de prononcer des sanctions contre la France. Il n'en a rien été. Nous respectons strictement la recommandation transmise par Bruxelles en début d'année, et notre pays a montré qu'il continuait à jouer un rôle majeur dans l'Union, par exemple lors de la résolution de la crise grecque.
Voilà le bilan de l'année écoulée. En cas de rejet du texte, le Gouvernement demandera à l'Assemblée nationale de statuer définitivement. Je vous invite à ne pas laisser à celle-ci le dernier mot. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances . - J'ai peur que le Sénat ne vous suive pas, monsieur le ministre... La CMP du 10 décembre, sans surprise, a échoué, en raison de divergences de fond, résumées dans le texte de la question préalable : aucune marge de sécurité malgré des prévisions de croissance fragiles, une réduction trop faible des déficits, des économies insuffisantes pour l'État et ses opérateurs, une nouvelle hausse des effectifs hors sécurité et justice (M. le ministre le conteste), l'absence d'effort sur le temps de travail et la masse salariale de l'État, qui représente 40 % de la dépense.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - C'est faux !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Sans compter la nouvelle baisse des dotations aux collectivités territoriales, dont nous acceptions le principe, mais dont devraient être défalquées les nouvelles charges imposées aux collectivités territoriales, telles qu'identifiées par le Conseil national d'évaluation des normes (CCEN) ; cette baisse pèsera sur l'investissement public, donc sur le secteur du bâtiment. Rien non plus qui soit de nature à mettre fin à la « rupture entre les Français et l'impôt » dont parle le Premier ministre.
L'Assemblée nationale a adopté 38 articles dans le texte du Sénat, confirmé la suppression de six articles et accepté certaines de nos modifications à 26 articles. Ainsi, la baisse de TVA à 5,5 % a été réservée aux produits d'hygiène féminine. Même chose sur le suramortissement des coopératives, l'éligibilité dès 2015 des dépenses des collectivités territoriales dans le cadre du plan France très haut débit (THD) au Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), les taxes affectées à l'office national de la chasse ou aux chambres d'agriculture. Les députés ont maintenu le principe de la déclaration des revenus réalisés par les particuliers sur les plateformes en ligne, même si l'obligation est devenue récapitulatif annuel ; il est heureux que l'on avance enfin sur cette question.
L'Assemblée nationale a aussi confirmé l'essentiel des modifications que nous avions apportées à l'article 43 sur les aides fiscales en faveur de l'outre-mer, à l'article 34 sur le prélèvement à la source, à l'article 47 exonérant de TFNB les terrains Natura 2 000. Elle a confirmé également la suppression de plusieurs articles, dont les articles 46 ter et 58 quinquies.
Des divergences importantes demeurent cependant, sur l'impôt sur le revenu, la fiscalité des opérateurs de télécom - c'est bien une hausse de la fiscalité, contrairement aux promesses - et l'amendement Ayrault instaurant une dégressivité de la CSG.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Le Gouvernement s'y est opposé.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - De même sur l'extension de l'amortissement accéléré des robots industriels dans les ETI, la suppression des taxes à faible rendement, la décote Duflot...
En seconde partie, l'Assemblée nationale a rétabli les missions rejetées par le Sénat et est revenue sur les économies que nous souhaitions. Bien que la navette ait été fructueuse, il a semblé à la commission des finances qu'il ne servait à rien de poursuivre ; elle proposera au Sénat d'opposer au texte la question préalable. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Yvon Collin . - La politique économique du Gouvernement a le soutien de la grande majorité du groupe RDSE. En première lecture, nous avons fait adopter quelques-uns de nos 60 amendements, dont la baisse de la TVA sur les produits d'hygiène féminine. L'Assemblée nationale a aussi repris les modifications apportées par le Sénat en seconde partie pour concrétiser les annonces du président de la République à la suite des attentats. L'impératif de sécurité ne met pas à mal la réduction du déficit public - qui restera estimé à 3,3 % - c'est une bonne nouvelle.
Dommage, en revanche, que le nombre de ménages assujettis à l'impôt sur le revenu soit encore réduit, même si cela augmentera le pouvoir d'achat de certains d'entre eux. Il est temps de revenir aux principes de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, selon laquelle chacun contribue aux charges publiques selon ses moyens. Nous continuons de plaider pour un impôt universel et citoyen.
Un effort important est demandé aux collectivités territoriales. Espérons que la baisse des dotations n'aura pas d'incidence trop négative sur l'activité alors que la reprise reste précaire. Nous déplorons aussi la faible attention apportée au monde rural, c'est-à-dire aux racines de notre pays. L'attaque contre les dispositifs de solidarité - la baisse par exemple des sommes affectées au Fonds de garantie des calamités agricoles - est un très mauvais signal.
Les élections régionales montrent qu'il y a véritablement urgence, dans la période difficile que traverse le pays, à répondre aux attentes de nos concitoyens. Réfractaire aux postures partisanes, le groupe RDSE s'opposera en majorité à la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Vincent Delahaye . - J'ai entendu dans vos propos, monsieur le ministre, l'écho de l'excellent service de communication de Bercy... Ce budget est fait de faux-semblants : on fait semblant de baisser le déficit, de faire des prévisions crédibles, de baisser les impôts, de faire des économies, de maîtriser la dette...
Après avoir augmenté de 3 milliards entre 2013 et 2014, le déficit demeure en 2016 au même niveau qu'en 2015, 73 milliards d'euros, au lieu d'environ 50 milliards au milieu des années 2000. Vos prévisions sur l'inflation et la masse salariale sont jugées très optimistes par la Cour des comptes. Quand vous annoncez une hausse des salaires de 2,8 % et de l'investissement de 5 %, pensez-vous que beaucoup de Français vous croient ?
Vous annoncez une baisse de 2 milliards de l'impôt sur le revenu, tout en prévoyant 3 milliards de rentrées supplémentaires... Ceux qui le payent - 50 % des foyers - , paieront plus... Les rentrées fiscales prévues sont de 287 milliards, soit 7 milliards de plus, niveau historique, comme celui de nos prélèvements obligatoires, augmentés de 22 milliards.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Et la PPE, vous ne la comptez pas ! Je vous l'ai expliqué quatre fois !
M. Vincent Delahaye. - Les dépenses publiques continuent à augmenter plus vite que l'inflation, les effectifs de la fonction publique progressent, en sorte que nous devenons vice-champion du monde de la dépense publique après le Danemark...
Les dépenses de sécurité ne devraient pas être financées par la dette.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Achetez-vous un boulier !
M. Vincent Delahaye. - Les économies annoncées de 50 milliards d'euros ne sont pas au rendez-vous. Mme Rabault le dit elle-même : elles ne seront que de 6 milliards en 2016.
La maîtrise de la dette ? Ce sont surtout les intérêts de la dette que l'on maîtrise. Merci les marchés !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - La finance, c'est notre amie !
M. Michel Bouvard. - La BCE !
M. Vincent Delahaye. - Je ne suis pas fier de ce budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Je ne suis pas fier de vous !
M. Vincent Delahaye. - Notre dette représente à présent sept ans de recettes. Pour les collectivités, au-delà d'un an, le seuil d'alerte est atteint ! (On le conteste sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Quant au chômage, ce ne sont pas les emplois aidés qui le résorberont.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - En 2012, c'était nickel !
M. Vincent Delahaye. - Notre pays est à la remorque de ses partenaires sur les déficits, la dette, les prélèvements obligatoires, le chômage. Le Gouvernement nous invite à ne pas laisser le dernier mot à l'Assemblée nationale... Encore faudrait-il qu'il nous écoute un peu plus... Le seul véritable effort est demandé aux collectivités territoriales ! Dans ces conditions, nous voterons la question préalable. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Je vous ai connu meilleur !
M. Éric Bocquet . - Si l'on peut estimer préférable le texte de l'Assemblée à celui du Sénat, la baisse des impôts des ménages des classes moyennes à celle des plus fortunés, il est dommage que le Gouvernement ne soit pas allé jusqu'à rétablir, par exemple, la demi-part des veuves, et plus largement jusqu'à remettre en cause la politique austéritaire qui pèse sur nos concitoyens comme sur les collectivités territoriales. L'aspiration à une nouvelle politique économique et sociale, après les deux rendez-vous électoraux que nous savons, n'est pas une clause de style.
Il ne suffira pas de renforcer les moyens de la sécurité pour éloigner l'ombre qui menace notre démocratie. Il faudrait consacrer des moyens nouveaux aux services publics, à l'école, au logement social, à la lutte contre toutes les discriminations sociales, à la culture...
Le fin du fin de la justice sociale, ce serait une fusion mal étudiée de l'impôt sur le revenu et de la CSG... Ces deux impôts n'ont pourtant pas la même finalité, le premier alimente le budget de l'État, la seconde finance la sécurité sociale. Une fusion serait dangereuse et n'aurait rien de progressiste. Appelées à collecter l'impôt, les entreprises demanderont une compensation financière pour charge administrative, plus coûteuse que le travail des agents de la DGFiP. Le financement de la sécurité sociale sera mis à mal, sans parler des risques de pertes de recettes fiscales lorsque les entreprises seront en difficulté.
Surtout, le vrai débat est occulté. Une vraie réforme de progrès consisterait à mettre en déclin la CSG et à rétablir la progressivité de l'impôt sur le revenu. Le Gouvernement réduit de 2 milliards d'euros l'impôt sur le revenu mais distribue sans contrôle 17 milliards au titre du CICE et 5,5 au titre du CIR... Il faudra bien que le Sénat s'interroge sur les 175 milliards d'exonérations diverses, qui transitent par le budget de l'État avant de profiter aux entreprises, et n'ont eu pour effet que de créer 5,7 millions de chômeurs.
Appelant à une politique progressiste, le groupe CRC ne votera pas la question préalable mais n'aurait pas approuvé le projet de loi de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Maurice Vincent . - Depuis sa nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, ce budget comporte à nouveau toutes ses missions ; il a retrouvé son équilibre - la version issue du Sénat était plutôt fantaisiste...
Le déficit prévisionnel est de 73 milliards d'euros, malgré les 750 millions d'euros de dépenses nouvelles de sécurité. Nous continuons à, progresser vers la maîtrise de la dette (M. Philippe Dallier s'esclaffe), tout en préservant les services publics et en soutenant autant que possible l'activité.
De nombreux apports du Sénat ont été repris, illustrant l'intérêt du bicamérisme. Dommage, cependant, que l'Assemblée nationale n'ait pas repris intégralement nos propositions sur la fiscalité des revenus de l'économie collaborative et qu'elle ait supprimé le crédit d'impôt pour l'activité sociale.
L'Assemblée nationale a rétabli des mesures de justice sociale : décote d'impôt sur le revenu pour les ménages modestes, rétablissement des 500 millions d'ISF supprimés ici, financement des emplois aidés, dispositifs favorables aux jeunes et à l'investissement des entreprises.
Sur l'essentiel, la sécurité des Français, nous avons démontré notre capacité à nous rassembler. Sur les grandes orientations économiques et financières, des divergences fondamentales demeurent entre gauche et droite. D'un côté, la solidarité, la justice sociale, le soutien aux services publics, une rigueur budgétaire adaptée à la conjoncture. De l'autre, toujours moins d'État, moins de cohésion sociale, moins de redistribution, plus d'individualisme, une très grande rigueur budgétaire... qui n'a jamais été mise en oeuvre auparavant.
Il est regrettable que la majorité sénatoriale ait choisi de rejeter autant de missions en première lecture. Elle nous a empêchés de voir si une autre politique budgétaire était crédible... En réalité, il n'y en a pas, comme l'illustre le dépôt de la question préalable. Nous voterons contre cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Didier Guillaume. - Très bien !
M. André Gattolin . - Le texte nous revient dans une version peu différente de celle initialement soumise au Sénat. Pour les écologistes, il est inopportun de réduire les déficits à marche forcée tout en accordant des milliards d'euros d'exonérations aux entreprises, sans grands résultats économiques, et avec des conséquences très préjudiciables sur les services publics.
Nous n'avons pas compris si les 750 millions de dépenses nouvelles de sécurité ont été, ou non, compensés par des économies. Dans le domaine de l'écologie, la contribution essentielle de ce projet de loi de finances est la baisse de 1 000 emplois au sein du ministère... On cherche en vain la traduction des discours du président de la République à la COP21... Pour la transition écologique, nous sommes renvoyés au projet de loi de finances rectificative. Je déplore le morcellement de la discussion : l'alignement de la fiscalité du diesel sur celle de l'essence a fait successivement l'objet d'articles dans les deux textes... Comme disait Jean Arthuis, on nous demande d'acheter un lapin dans un sac !
Quelques évolutions positives pourtant. Trois de nos amendements - exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties dans les zones Natura 2000, financement des associations de surveillance de la qualité de l'air et enrichissement des annexes budgétaires sur les contentieux européens - ont été retenus par l'Assemblée nationale. Je relève aussi la baisse de la TVA sur les protections hygiéniques féminines. Mais je regrette la position de l'Assemblée nationale sur la TGAP ou sur la taxe sur les salaires dans les organismes privés à but non lucratif du secteur sanitaire et social. Si le texte est encore loin de ce que souhaitent les écologistes, il a été amélioré par la navette.
Je note enfin que c'est la première fois que le projet de loi de finances est accompagné d'un rapport sur les nouveaux indicateurs de richesse. Puisse-t-il être enrichi, et inspirer à l'avenir notre politique budgétaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Philippe Dallier . - Le Sénat a joué pleinement son rôle en première lecture, en examinant ce budget jusqu'à son terme et en y imprimant, comme on pouvait s'y attendre, sa marque. La CMP, si elle fut cordiale et brève, ne fut pas conclusive.
Après quoi, l'Assemblée nationale n'a pas jugé bon de retenir nos propositions en faveur des ménages, des entreprises et des collectivités territoriales - sur lesquelles le Gouvernement fait peser la plus grande partie de la réduction de ses dépenses.
Nous avions d'abord voulu rendre du pouvoir d'achat aux familles et à la classe moyenne - sur la définition de laquelle nous ne parvenons toujours pas à nous entendre. (M. Henri de Raincourt le confirme) Une certitude, ce sont les principales victimes de la politique fiscale que le Gouvernement s'entête à suivre depuis 2012. Plutôt que de réduire l'impôt sur le revenu sur les premiers déciles, nous avions abaissé de 30 % à 28 % le taux marginal de la troisième tranche de l'impôt sur le revenu.
Le gain esquinté... (On sourit de ce lapsus, à droite, en le considérant révélateur) ou plutôt escompté de 400 euros pour 5 millions de contribuables était loin d'être négligeable !
Pour les familles, nous avions relevé le quotient familial de 1 500 euros à 1 750 euros, afin de revenir sur deux baisses successives et l'accroissement de la pression fiscale sur les ménages. Car ne nous leurrons pas : votre annonce de baisse d'impôt est l'arbre qui cache la forêt. Les prélèvements obligatoires continueront d'augmenter avec la multiplication de nouvelles taxes dans le collectif.
Si les dispositions sur la taxation des revenus de l'économie collaborative n'ont pas été reprises - je regrette, en particulier, la suppression de la franchise de 5 000 euros - un petit pas a été fait : les sites devront envoyer en fin d'année à leurs utilisateurs un récapitulatif des sommes perçues. Il faudra aller plus loin. Même chose de la TVA sur le commerce électronique.
La majorité sénatoriale s'était montrée attentive aux entreprises, avec l'extension du suramortissement Macron, notamment aux coopératives professionnelles et aux installations de stockage et magasinage de produits agricoles. Nous avions pris plusieurs autres mesures pour les agriculteurs qui traversent une grave crise.
Si ces mesures, vitales pour le monde agricole, n'ont pas été votées en loi de finances, le Gouvernement en a repris une partie en loi de finances rectificative, preuve que le Sénat l'a inspiré !
Nous avons également supprimé la taxe sur les farines ; et cherché à limiter la perte de compétitivité de la place financière de Paris en restreignant le champ de la taxe sur les transactions financières (TTF), sur quoi l'Assemblée nationale ne nous a pas suivis.
Concernant les collectivités territoriales, le Sénat a supprimé le transfert aux régions de la part de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), alors que de nombreux départements sont dans le rouge ; nous l'avons remplacé par une dotation de compensation des seules compétences transférées.
Nous étions favorables à une refonte de la DGF, mais nous ne pouvions avancer sur la base proposée par le Gouvernement ; là encore, les députés nous ont donné tort, de même que sur le plan très haut débit. Il faudra bien, pourtant, aider les communes à réaliser les travaux nécessaires.
Nous déplorons que nos mesures les plus substantielles, notamment celles d'économies de dépenses, n'aient pas trouvé d'écho à l'Assemblée nationale. L'occasion de redonner de l'oxygène à nos entreprises a été manquée. Pendant ce temps, le nombre de chômeurs progresse, 42 000 de plus en octobre...
Le groupe Les Républicains votera cette question préalable et je félicite le rapporteur général pour la qualité de son travail et sa ténacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
La discussion générale est close.
Question préalable
M. le président. - Motion n°9, présentée par M. de Montgolfier, au nom de la commission.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement du Sénat,
Considérant que le projet de loi de finances pour 2016, établi sur des hypothèses macro-économiques favorables, ne prévoit aucune marge de sécurité au regard des incertitudes qui entourent la prévision de croissance pour 2016 ;
Considérant qu'il prévoit une réduction de notre déficit structurel inférieure aux recommandations du Conseil de l'Union européenne et des efforts d'économies non documentés et sans effet pérenne sur le niveau de la dépense de l'état et de ses opérateurs ;
Considérant qu'il comprend une hausse sensible des effectifs de l'État, qui n'est due qu'en faible partie au renforcement de la sécurité intérieure et extérieure de notre pays, et traduit ainsi une incapacité à arbitrer entre les missions de l'État ;
Considérant qu'il ne fait porter aucun effort réel sur le temps de travail et la masse salariale de la fonction publique pour contenir le dynamisme de la dépense publique ;
Considérant que la nouvelle diminution des dotations aux collectivités territoriales prévue au projet de loi de finances portera atteinte au niveau d'investissement public et à la croissance en 2016 ;
Considérant que le projet de loi de finances pour 2016 ne comprend aucune mesure fiscale de nature à remédier à l'accroissement de la fiscalité ayant pesé en particulier sur les ménages et les familles depuis 2012 et créé, selon les termes mêmes du Premier ministre, une forme de rupture entre les Français et l'impôt ;
Le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2016, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général . - Je reviendrai simplement sur la masse salariale, qui représente 40 % du budget de l'État. Avant même les annonces du 16 novembre, le projet de loi de finances créait plus de 8 000 postes... Et 13 000 désormais. Fort bien, les missions de sécurité sont prioritaires ; mais ces créations doivent être gagées, or vous ne nous avez pas présenté d'économies en regard.
M. Richard Yung. - Nous sommes déçus par cette issue. Si la question préalable revient à dire qu'il y a deux approches de la politique économique, nous le savions déjà ! À droite, l'on propose 100 milliards, 50 milliards d'économies - M. Sarkozy demande désormais 30 milliards - mais en se gardant bien de préciser la marche à suivre.
Sur les prévisions macroéconomiques, nous avons créé le Haut Conseil des finances publiques précisément pour éviter les batailles de chiffres : il a jugé l'hypothèse de croissance...
M. Vincent Delahaye. - « Atteignable ».
M. Richard Yung. - ...raisonnable. Le débat est clos.
Vos critiques sur l'évolution du solde structurel sont malvenues : notre trajectoire est en avance par rapport à ce qui figure en loi de programmation ! L'effort structurel sera de 0,5 % en 2016, ce qui correspond au pacte de stabilité. Les effectifs de la fonction publique d'État baissent de 1 500 ETP ; vos critiques sont là aussi hors de propos.
La question préalable souligne encore la hausse de la pression fiscale depuis 2012 - date choisie au hasard - mais elle est passée, voyez-vous, de 43 % en 2009, à 46 % en 2010, puis à 46,6 % en 2011 et 49,9 % en 2012...
M. Jacques Chiron. - Atelier mémoire !
M. Richard Yung. - Voilà qui suffit à vous répondre : nous voterons contre cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - La question préalable vous interdira d'éclaircir le flou de vos positions de première lecture : c'est dommage. Mettons-nous d'accord sur le constat plutôt que de nous jeter des chiffres au visage. De par ma formation initiale, je sais que l'on ne peut pas faire dire ce que l'on veut aux chiffres.
Un exemple : M. Delahaye feint d'oublier que la prime pour l'emploi a été supprimée, ce qui le conduit à asséner un jugement inexact : l'écart est tout de même de 2 milliards d'euros... Quoi qu'il en soit, l'heure n'est plus aux débats de fond, mais à la responsabilité. Avis défavorable à la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Vincent Capo-Canellas. - Nous avons eu une discussion approfondie et utile. Le groupe UDI-UC estime toutefois que le prolonger n'apporterait pas d'éléments nouveaux.
Le Gouvernement soutient que la dette sera quasiment stabilisée : sans doute, mais à quel niveau ? Il conviendrait de faire preuve de plus de volontarisme. Au regard des critères européens, le correctif demeure insuffisant et mal calibré puisque les efforts pèsent surtout sur la classe moyenne. Les chiffres du chômage ne plaident pas en faveur des mesures proposées. Enfin, il faudra bien étudier en détail les effectifs de la fonction publique et le temps de travail, sans quoi nous n'arriverons pas à endiguer la progression de la masse salariale.
Le groupe UDI-UC votera cette question préalable.
M. Philippe Dallier. - Je regrette les conditions d'examen de ces lois financières. Comment aurions-nous fait si nous avions dû examiner 300 amendements en nouvelle lecture ? Revoyons l'organisation de nos travaux budgétaires.
Les mesures nouvelles déposées indifféremment en projet de loi de finances ou en projet de loi de finances rectificative n'ont pas favorisé la cohérence des débats - sur le FPIC entre autres - sans compter qu'elles ne semblent pas parfaitement conformes à la règle de l'entonnoir.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Nous verrons cela devant le Conseil constitutionnel.
M. Philippe Dallier. - Bref, vingt jours calendaires pour examiner le budget, c'est très court. C'est trop court. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UDI-UC)
M. le président. - Le scrutin public ordinaire est de droit.
Voici le résultat du scrutin n°117 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l'adoption | 189 |
Contre | 155 |
Le Sénat a adopté.
M. le président. - En conséquence, le projet de loi de finances pour 2016 n'est pas adopté.