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Table des matières



Suivi de l'état d'urgence

CMP (Nominations)

Dépôt d'un rapport

Renvoi pour avis

Accès à la restauration scolaire

Discussion générale

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique

M. Jean-Claude Carle, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

M. Michel Amiel

M. Claude Kern

Mme Brigitte Gonthier-Maurin

M. Jacques-Bernard Magner

Mme Marie-Christine Blandin

M. Guy-Dominique Kennel

Mme Chantal Deseyne

M. Yannick Vaugrenard

Mme Marylise Lebranchu, ministre

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme Dominique Gillot

Mme Bariza Khiari

M. Christian Manable

M. Jean-Louis Carrère

M. Jean-François Longeot

M. Michel Raison

Mme Brigitte Gonthier-Maurin

M. Yannick Vaugrenard

M. Martial Bourquin

M. Michel Le Scouarnec

ARTICLE 2

Engagement de la procédure accélérée

Agriculture et filière agroalimentaire

Discussion générale

M. Jean-Claude Lenoir, auteur de la proposition de loi

M. Daniel Gremillet, rapporteur de la commission des affaires économiques

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

M. Jacques Mézard

M. Michel Le Scouarnec

M. Henri Cabanel

M. Joël Labbé

M. Daniel Dubois

M. Jean Bizet

M. Jackie Pierre

M. Jean-Jacques Lasserre

M. Franck Montaugé

M. Gérard Bailly

M. Jean-Claude Lenoir, auteur de la proposition de loi

Discussion des articles

ARTICLES ADDITIONNELS avant l'article premier

ARTICLE PREMIER

M. Michel Raison

ARTICLE ADDITIONNEL

Conférence des présidents

Agriculture et filière agroalimentaire (Suite)

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE ADDITIONNEL (Suite)

ARTICLE 2

M. Michel Raison

M. Bruno Sido

ARTICLES ADDITIONNELS

ARTICLE 3

M. Michel Raison

ARTICLE 4

M. Bruno Sido

ARTICLE 5

ARTICLES ADDITIONNELS

ARTICLE 6

ARTICLE 6 BIS

M. Gérard César

ARTICLE 8

ARTICLES ADDITIONNELS

ARTICLE 8 BIS

Mme Patricia Morhet-Richaud

ARTICLE 9

Mme Delphine Bataille

ARTICLE 9 BIS

ARTICLE ADDITIONNEL

ARTICLE 13

Interventions sur l'ensemble

M. Rémy Pointereau

M. Henri Cabanel

M. Jean-Claude Lenoir, auteur de la proposition de loi

M. Franck Montaugé

M. Joël Labbé

M. Daniel Dubois

M. Michel Le Scouarnec

Suivi de l'état d'urgence

CMP (Nominations)

Dépôt d'un rapport

Renvoi pour avis

Accès à la restauration scolaire

Discussion générale

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique

M. Jean-Claude Carle, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

M. Michel Amiel

M. Claude Kern

Mme Brigitte Gonthier-Maurin

M. Jacques-Bernard Magner

Mme Marie-Christine Blandin

M. Guy-Dominique Kennel

Mme Chantal Deseyne

M. Yannick Vaugrenard

Mme Marylise Lebranchu, ministre

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme Dominique Gillot

Mme Bariza Khiari

M. Christian Manable

M. Jean-Louis Carrère

M. Jean-François Longeot

M. Michel Raison

Mme Brigitte Gonthier-Maurin

M. Yannick Vaugrenard

M. Martial Bourquin

M. Michel Le Scouarnec

ARTICLE 2

Engagement de la procédure accélérée

Agriculture et filière agroalimentaire

Discussion générale

M. Jean-Claude Lenoir, auteur de la proposition de loi

M. Daniel Gremillet, rapporteur de la commission des affaires économiques

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

M. Jacques Mézard

M. Michel Le Scouarnec

M. Henri Cabanel

M. Joël Labbé

M. Daniel Dubois

M. Jean Bizet

M. Jackie Pierre

M. Jean-Jacques Lasserre

M. Franck Montaugé

M. Gérard Bailly

M. Jean-Claude Lenoir, auteur de la proposition de loi

Discussion des articles

ARTICLES ADDITIONNELS avant l'article premier

ARTICLE PREMIER

M. Michel Raison

ARTICLE ADDITIONNEL

Conférence des présidents

Agriculture et filière agroalimentaire (Suite)

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE ADDITIONNEL (Suite)

ARTICLE 2

M. Michel Raison

M. Bruno Sido

ARTICLES ADDITIONNELS

ARTICLE 3

M. Michel Raison

ARTICLE 4

M. Bruno Sido

ARTICLE 5

ARTICLES ADDITIONNELS

ARTICLE 6

ARTICLE 6 BIS

M. Gérard César

ARTICLE 8

ARTICLES ADDITIONNELS

Ordre du jour du jeudi 10 décembre 2015

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du mercredi 9 décembre 2015

43e séance de la session ordinaire 2015-2016

présidence de M. Jean-Claude Gaudin, vice-président

Secrétaires : M. Serge Larcher, M. Philippe Nachbar.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Suivi de l'état d'urgence

M. le président.  - Par lettre en date de ce jour et conformément à l'article 22 ter du Règlement, M. Philippe Bas, président de la commission des lois, a indiqué à M. le Président du Sénat que la commission des lois demande au Sénat, en application de l'article 5 ter de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, de lui conférer les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête pour le suivi de l'état d'urgence, pour une durée de six mois.

Cette demande sera examinée par la Conférence des Présidents lors de sa réunion de ce soir.

CMP (Nominations)

M. le président.  - M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2016. En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du 7 décembre prennent effet.

Dépôt d'un rapport

M. le président.  - M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la stratégie du commerce extérieur de la France et la politique commerciale européenne. Acte est donné du dépôt de ce rapport qui a été transmis à la commission des affaires économiques et à celle des affaires européennes.

Renvoi pour avis

M. le président.  - J'informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2015 dont la commission des finances est saisie au fond est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des affaires économiques.

Accès à la restauration scolaire

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à garantir le droit d'accès à la restauration scolaire.

Discussion générale

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique .  - Après les événements tragiques du 13 novembre, nous devons consolider la République dans tous les territoires. Il n'est pas inutile de le rappeler en ce jour où nous fêtons la laïcité, 110 ans après le vote de la loi Briand qui l'a consacrée valeur constitutive de la République.

L'école reste le pilier de la République : les enfants y découvrent les règles et la vie en collectivité, y apprennent à devenir citoyen au contact des enseignements mais aussi de tous les adultes qu'ils y côtoient.

La restauration scolaire ne représente pas seulement un service, c'est un lieu d'échange, un lieu d'apprentissage, un lieu hautement éducatif qui s'incarne dans le fait de s'asseoir avec d'autres autour d'une table.

Garantir le droit à la restauration scolaire est une nécessité car c'est un service public, ouvert par définition à tous les enfants.

M. Jean-Louis Carrère.  - Absolument !

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Pour beaucoup d'entre eux, ce repas est souvent le seul équilibré de la journée. Or certains maires refusent l'accès à la cantine aux enfants dont un des parents ne travaille pas ou est au chômage ; c'est inacceptable d'abord parce que cela pèse sur les femmes au foyer.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Tout à fait.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Ensuite, parce que punir de cantine les enfants de chômeur transforme leur malaise en culpabilité sociale. L'État n'a pas l'obligation de compenser la charge de cantine aux communes, qui ont le choix de fournir ou non ce service public. Lorsqu'elles l'offrent, elles ne sauraient en restreindre l'accès. La Convention internationale des droits de l'enfant rappelle d'ailleurs le droit à une alimentation équilibrée.

Alors que nous traversons des temps difficiles, il n'est pas question d'abaisser notre vigilance. Renforçons plutôt nos services publics, surtout ceux qui bénéficient aux plus jeunes, parce que les enfants de France le méritent, parce que notre société en a besoin. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Claude Carle, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - Veuillez excuser l'absence de Françoise Laborde, co-rapporteure de ce texte, qui s'est beaucoup investie dans sa préparation.

Un certain nombre de communes, faute de ressources humaines ou financières, ont restreint l'accès à la cantine de certains enfants, selon les moyens des parents. Une telle discrimination est inacceptable et, au reste, illégale.

Pour autant, cette proposition de loi est inutile, inopportune et inopérante. Cette compétence communale est facultative, si bien que les communes sont libres de créer le nombre de places qu'elles souhaitent dans les services de restauration ou d'en restreindre l'accès.

Une jurisprudence constante censure les règlements intérieurs discriminatoires à l'encontre de certains enfants, handicapés notamment. Le juge des référés peut être saisi et le préfet peut saisir le juge de toute disposition de cette nature. Point n'est donc besoin de légiférer pour réaffirmer ces principes ; il suffirait d'une circulaire rappelant aux préfets qu'ils doivent attaquer les règlements contraires à la loi.

Certaines communes ont jugé bon de réguler les pics de fréquentation des cantines - qui s'expliquent parfois par des raisons de confort - en créant un double service, un seul ou en limitant son accès.

Mme Carlotti, il y a un an, nous expliquait que l'instauration d'un droit d'accès à la cantine reviendrait à en faire une compétence obligatoire. Dès lors, il faudrait une compensation financière de l'État.

M. Jacques-Bernard Magner.  - Ce n'est pas un transfert de charges !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur.  - Faut-il instaurer une contrainte supplémentaire pesant sur les communes qui font déjà l'effort d'organiser un tel service public ? Mme la ministre a raison de rappeler le rôle social de la restauration scolaire. Mais d'autres chantiers semblent plus prioritaires que celui-ci, qui ressort chaque année, et ne règle aucun problème.

M. Loïc Hervé.  - Très bien.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur.  - Les communes seraient contraintes d'engager des dépenses qu'elles ne peuvent assumer. Une circulaire demandant aux préfets de faire appliquer le droit serait plus efficace qu'un texte inapplicable. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Michel Amiel .  - Cette proposition de loi crée un droit d'accès à la cantine dans les 24 000 communes ayant une école primaire, pour réaffirmer le principe d'égalité, rappelé par la jurisprudence. Il est juste que tous les enfants puissent accéder à la cantine scolaire : c'est un réel enjeu de santé publique mais aussi éducatif et social. Quand nous comptons 2,7 millions d'enfants pauvres, les plus fragiles bénéficient d'un repas varié, complet, équilibré. L'aspect éducatif est, lui, multiforme : le repas en commun est au coeur du projet de l'école républicaine, et le reste alors que nous prônons tous plus de mixité. Un enfant allergique doit-il être mis au ban ?

Quelque 80 % des communes dotées d'une école publique organisent un tel service, dont le caractère de service public a été reconnu. Conséquence : le juge lui impose le respect du principe d'égalité, qui ne souffre que de très strictes entorses, et dont la méconnaissance est passible de sanctions pénales. Les référés-suspension et les déférés préfectoraux assurent le respect de ces principes, mais tous les problèmes ne sont pas réglés : quid des écoles privées ? Des communes non dotées d'une école publique ? Ce serait une nouvelle source d'inégalité territoriale.

M. Loïc Hervé.  - Une de plus !

M. Michel Amiel.  - Il serait plus utile de renforcer les moyens d'accompagnement des enfants handicapés.

Ce texte ne répond donc qu'imparfaitement au problème. Ses conséquences financières sont incertaines - alors que la réforme de la dotation globale de fonctionnement a été reportée à l'année prochaine.

Une majorité du groupe RDSE votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Claude Kern .  - Le groupe UDI-UC, s'associant à la position du rapporteur, votera contre cette proposition de loi. (M. Loïc Hervé applaudit)

Sans vouloir faire offense à ses auteurs ni au groupe socialiste qui l'a inscrite dans sa niche, l'intention est louable mais le texte inutile. Le service public de restauration scolaire est déjà soumis au respect du principe d'égalité devant la loi, garanti par la jurisprudence constitutionnelle et administrative. J'avoue avoir des difficultés à cerner l'apport de ce texte. Les manquements sont sanctionnés par le juge, grâce au référé-suspension ou au déféré préfectoral.

Admettons toutefois qu'il faille légiférer ; de nouvelles questions se posent alors. Connaît-on le nombre de discriminations ? Le Défenseur des droits parle de 500 cas : 5 % des discriminations sont fondées sur le handicap, 5 % sur l'origine des enfants, 50 % sur le revenu des parents... Ne pouvons-nous pas disposer d'informations plus fiables ?

Sur qui la charge financière supplémentaire reposera-t-elle ? Sur les collectivités territoriales, en situation difficile ? Sur l'État ? Le chiffrage n'est même pas connu.

Les élus doivent conserver le libre choix, fondement d'un service de qualité. Le sujet n'est pas nouveau : un règlement type de la restauration scolaire devait être adopté par l'État et l'Association des maires de France (AMF) en 2012. Où en est-on ? Mieux vaudrait relancer ce chantier.

Nous sommes tous attachés à l'accès de tous les élèves à la restauration scolaire, source d'équilibre nutritionnel et de socialisation. Mais nous rejetons ce texte qui fait insidieusement de la cantine scolaire une compétence obligatoire des communes. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin .  - Auteure d'une proposition de loi sur le même sujet en 2012, je pourrais insister sur les nombreux manques du présent texte. Compte tenu de la teneur de nos débats, je reviendrai plutôt sur les principes.

À l'époque, les cas de refus d'inscrire à la cantine des enfants dont l'un des parents était au chômage s'étaient multipliés. Ces restrictions relevaient souvent d'une posture idéologique : on oubliait ainsi le surcroit de disponibilité que peut nécessiter une recherche d'emploi.

Nous avions donc proposé l'inscription de cette obligation dans le code de l'éducation, comme fait l'article premier de cette proposition de loi. Il est vrai que la jurisprudence est constante pour reconnaître le caractère illégal, car discriminatoire, de tels refus d'accès à la restauration scolaire. Mais cette jurisprudence n'empêche pas des maires de prendre de telles dispositions qui, pour être déclarées illégales doivent être contestées devant le tribunal administratif. Force doit donc revenir à la loi, qui dans la hiérarchie des normes se situe au-dessus de la jurisprudence, laquelle peut évoluer.

On nous dit que cette proposition de loi serait un texte d'affichage. Ce ne serait pas la première fois !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture.  - Ce pourrait être la dernière aussi.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - La cantine est un lieu de socialisation. Pour beaucoup d'enfants, ce repas est le seul équilibré de la journée. (On approuve sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Comment étudier le ventre vide ? La cantine est un lieu de l'éducation au goût, de découverte de la diversité culinaire et des produits bio. La pause méridienne est aussi le moment durant lequel est dispensée l'aide personnalisée aux élèves ou sont proposées des activités périscolaires dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires. Le Conseil d'État a maintes fois assimilé la cantine à un service public annexe au service public d'enseignement, impliquant le respect du principe d'égalité.

Celui-ci ne s'oppose pas à ce que soient instaurées des différences de traitement dès lors qu'elles se fondent sur des éléments objectifs liés au service rendu ou répondent à des exigences d'intérêt général.

Nous savons de plus que restreindre l'accès à la cantine pénalise l'emploi féminin. Ce texte va dans le bon sens mais il faudra toujours en passer par les juges pour faire respecter les principes. L'adopter serait néanmoins un signal fort : nous le voterons. (Applaudissements à gauche)

M. Jacques-Bernard Magner .  - Cette proposition de loi complète le code de l'éducation afin que tous les enfants bénéficient de la restauration scolaire lorsque ce service existe dans leur commune. Certains maires refusent en effet l'accès à la cantine aux enfants dont les parents sont sans emploi ou en arrêt maladie. La santé, le handicap, l'appartenance à une religion sont d'autres motifs discriminatoires parfois retenus... Malgré les annulations de règlements prononcées par les tribunaux en mars 2013, certaines communes ont persisté, ce dont le Défenseur des droits s'est ému.

Un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. Souvent, il arrive le ventre vide à l'école. Faut-il le priver du seul repas équilibré de sa journée ? Le stigmatiser devant ses camarades ? Les enseignants le disent : un enfant qui a bien mangé aura une meilleure concentration en classe. La cantine est aussi un lieu de socialisation, de mixité sociale et d'apprentissage collectif. Les parents peuvent engager une procédure de recours ? Soit, mais c'est long et compliqué. La loi leur évitera de longues et fastidieuses démarches.

Le Défenseur des droits rappelle que la restauration scolaire est un service public, certes facultatif, mais soumis dès qu'il existe au respect des principes de continuité, d'égalité et de neutralité. Plaçons-nous sur le seul plan des valeurs républicaines. En juillet 2013, nous avons inscrit dans la loi de refondation de l'école que celle-ci était « inclusive ». Cette proposition de loi, qui ne crée aucune contrainte nouvelle, prolonge cette logique. (Applaudissements à gauche)

Mme Marie-Christine Blandin .  - La cantine est fondamentale pour les enfants. Un sur deux y mange, ce qui représente 1 milliard de repas chaque année.

En 2009, le Conseil d'État a confirmé sa jurisprudence, constante, en jugeant discriminatoire les critères d'exclusion de certains enfants du service public de la cantine. Les maires arguent le plus souvent au manque de moyens.

Serge Slama, maître de conférences en droit public, estime que l'activité des parents ne saurait pour l'instant fonder un accès différencié à la cantine, mais il n'exclut pas un revirement de jurisprudence compte tenu du contexte économique. Ce texte comble donc un vide juridique.

Parmi les motifs d'exclusion, les enfants dont les mères sont en congé de maternité. Imaginez comme il est confortable de préparer un repas pour ses enfants juste avant de partir pour la maternité ! 

Mme Françoise Gatel.  - Oh là là...

Mme Marie-Christine Blandin.  - Les communes pauvres ne peuvent certes pas toujours faire face à l'accroissement des demandes ; mais la restauration reste un lieu de socialisation, de découverte du goût de la cuisine des autres, du goût des autres tout court.

Autre source de dépenses, n'en déplaise à certains : il faudra également ouvrir les robinets - que certaines communes s'obstinent à maintenir fermés - car il est recommandé de se laver les dents après tous les repas.

Mme Françoise Gatel.  - Allez dire ça aux maires !

Mme Marie-Christine Blandin.  - C'est une recommandation très sérieuse dispensée par les associations sanitaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste) Je me réjouis que l'Assemblée nationale ait insisté sur l'accès des enfants handicapés à la cantine.

Espérons que notre vote changera le quotidien des familles. Nous, écologistes, voulons que ce texte s'applique. (Exclamations ironiques à droite et au centre)

M. Guy-Dominique Kennel.  - Il n'en prend pas le chemin !

Mme Marie-Christine Blandin.  - Certes le coût de ce texte n'est pas précisément connu. Mais le soutien introductif de la ministre nous rassure.

L'école doit rester le lieu de l'inclusion, de l'égalité des chances. Le groupe écologiste votera ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Guy-Dominique Kennel .  - Ce texte procède d'une intention généreuse, mais permettez-moi d'élargir le propos : faut-il légiférer sur tout et rien, pour s'en plaindre ensuite sur le terrain ? La déferlante des textes - accessibilité, environnement, etc... - accable les élus locaux, qui gèrent les choses au mieux pour proposer une offre de service public au cas par cas. Je remercie le rapporteur pour son excellent éclairage.

Le texte instaure d'abord une ambiguïté notable ; la restauration scolaire en maternelle et en primaire n'est que facultative pour les communes. Et en vertu du principe de mutabilité, elles peuvent revenir sur la décision de créer le service ou d'en moduler les conditions d'accès, sans préjudice du principe d'égalité. Les usagers peuvent ainsi faire l'objet de différences de traitement, que la jurisprudence administrative, claire et constante, a encadrées.

Ce texte crée en outre une discrimination supplémentaire. Aucune obligation supplémentaire ne pèsera sur les communes qui n'offrent pas un service de restauration scolaire ; celles qui en ont déjà un devront consentir de lourds investissements.

L'État devrait compenser les frais générés par de telles dispositions, mais il en est bien incapable... Raison pour laquelle on nous propose une majoration de la DGF à due concurrence - c'est se moquer dans le contexte actuel -, financée par une augmentation des taxes sur le tabac...

Faisons confiance aux élus locaux plutôt que de voter une loi pour quelques cas seulement dont les effets seront négatifs. Une réponse juridique existe déjà en cas de discrimination.

Attaché à l'autonomie et à la liberté des communes, sachant qu'elles feront preuve de bon sens pour répondre à la demande, je voterai contre ce texte avec le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président

Mme Chantal Deseyne .  - Si la restauration scolaire est une compétence facultative des communes, elle est un service public. Seul le manque de personnel et d'encadrement peut justifier un refus d'accès à la cantine.

Dès lors, pourquoi voter cette loi ? Le juge administratif sanctionne déjà les discriminations.

M. Jacques-Bernard Magner.  - Encore faut-il qu'il soit saisi !

Mme Chantal Deseyne.  - Plus de 80% des communes disposant d'une école publique ont mis en place une ou plusieurs cantines. La bonne volonté des maires a ses limites. Peut-on imposer aux communes des travaux d'agrandissement, des recrutements dont elles n'ont pas les moyens ? Ne va-t-on pas freiner les maires qui souhaitent ouvrir une cantine scolaire et craignent de ne pouvoir faire face à un afflux d'inscriptions ? Il serait irresponsable de créer un droit d'accès à la cantine pour tous les élèves sans connaître son coût ni surtout sans prévoir de compensation solide alors que les dotations diminuent. D'autant plus après la réforme des rythmes scolaires... Et qui peut croire que l'État compensera ?

Ne créons pas une contrainte financière insoluble pour les maires et inutile au regard de la jurisprudence. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Yannick Vaugrenard .  - Je vais vous parler des enfants. (On s'en réjouit à gauche) Quelque 14 % de notre population vit sous le seuil de pauvreté. Entre 2008 et 2013, 440 000 enfants supplémentaires ont plongé avec leurs familles sous ce seuil. Au total 3 millions d'enfants sont concernés, un sur cinq.

M. Charles Revet.  - Quel aveu d'échec !

M. Yannick Vaugrenard.  - Pour eux, ce repas est le seul pris dans la journée.

M. Jacques Grosperrin.  - Faisons confiance aux maires !

M. Yannick Vaugrenard.  - Cette cruelle réalité ne peut laisser personne indifférent, d'autant que le temps de la restauration scolaire est aussi un temps éducatif et de socialisation. Les chômeurs, de plus en plus nombreux, doivent demeurer disponibles pour rechercher un emploi.

En 2013, le tribunal de Versailles a jugé que subordonner l'accès d'un enfant à la cantine à la démonstration que ses deux parents travaillaient était contraire au principe d'égalité. Le tribunal de Marseille a rendu une décision analogue le 25 novembre 1995. Le Conseil d'État, le 23 octobre 2009, le Défenseur des droits - M. Baudis puis M. Toubon - ont confirmé cette jurisprudence. Malgré celle-ci, les atteintes au principe d'égalité n'ont pas disparu. Il faut légiférer.

Martin Luther King disait : « lorsqu'il y a une injustice quelque part, elle nous concerne tous ». Comme à l'Assemblée nationale, rassemblons-nous pour donner corps à l'égalité. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, communiste républicain et citoyen et écologiste)

Mme Marylise Lebranchu, ministre .  - Le nombre d'enfants scolarisés dans la commune sera désormais pris en compte dans le calcul de la nouvelle DGF. Ayons en tête que seuls estent en justice certains parents ; les familles en très grande difficulté, je le déplore, ne sont plus connues des associations de parents d'élèves...

La jurisprudence est constante, raison de plus pour l'inscrire dans la loi ; cela gagnera du temps sans retirer de marges de manoeuvre aux élus. Ainsi la ville de Marseille offre des repas gratuits.

M. Jacques Grosperrin.  - Marseille est une grande ville !

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Pour toutes ces raisons, j'invite le Sénat à voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président.  - Nous examinons le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale, la commission de la culture n'en ayant pas adopté.

ARTICLE PREMIER

Mme Dominique Gillot .  - Le rapport du Défenseur des droits de mars 2013 rappelle clairement le principe d'égal accès au service de la restauration scolaire.

S'il n'est pas question de nier les difficultés, aucune n'est insurmontable. La petite musique sur l'inutilité de légiférer nous inquiète. La baisse des dotations est évoquée à tout propos pour justifier un recul du service public. Comment accepter de stigmatiser des enfants qui connaissent déjà de grandes difficultés ? Voter contre, c'est mettre en cause l'égal accès. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Éric Doligé.  - Démagogie !

Mme Bariza Khiari .  - Le groupe socialiste a repris cette proposition de loi parce qu'il en partage l'analyse et l'objectif : l'école est là, non pour exclure, mais pour intégrer et faire vivre concrètement les valeurs d'égalité et de fraternité à travers les repas pris en commun, transmettre une culture commune, un savoir-être.

M. Jacques Grosperrin.  - Ce n'est pas son rôle !

Mme Bariza Khiari.  - Il n'est pas possible de sélectionner les enfants, quel que soit le critère, la jurisprudence est constante. Pour beaucoup d'enfants dans l'extrême pauvreté, le repas de midi pris à la cantine est souvent l'unique repas équilibré. On ne peut concevoir que l'école ajoute une difficulté à celles des familles qui vivent dans la précarité. Luttons contre les discriminations de tous les ordres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Christian Manable .  - Je regrette que la droite sénatoriale, non la droite toute entière, oblige les parents chômeurs à aller devant les tribunaux pour que leurs enfants mangent à la cantine. (Protestations à droite) Encore faut-il que ces parents en aient les moyens. Un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté.

M. Charles Revet.  - C'est la gauche qui est aux commandes !

M. Christian Manable.  - Certes, l'école dispense des nourritures intellectuelles mais les nourritures terrestres importent aussi. Le droit à la cantine représente un coût. C'est affaire de choix politiques. (On approuve sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; on le réfute vivement à droite et au centre) Dans mon département de la Somme, un maire d'une commune rurale de 1 200 habitants me disait : je ferai moins de trottoirs... (Exclamations au centre et à droite)

Et les enfants chanteront « Moi je préfère manger à la cantine avec mes copains » de Carlos, qui n'est autre que le fils de Françoise Dolto !

M. Jean-Louis Carrère .  - Je salue la constance de M. Carle, j'aurais aimé entendre également Mme Laborde...

L'examen de ce texte mérite respect et écoute. Plaçons l'enfant au coeur de nos réflexions. Voilà l'important. On connaît 500 cas d'exclusion des cantines scolaires, ils doivent être certainement plus nombreux. Le coût ? Vous l'érigez en barrière symbolique quand sur le terrain, elle n'existe pas. Je soutiens le maire d'Hagetmau, qui n'est pas de ma couleur politique, quand il crée la cantine à un euro ! Ne croyez-vous pas que les électeurs accepteraient une augmentation d'impôt pour financer l'accueil de tous les enfants à la cantine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Françoise Gatel.  - Oui, soyons modérés. Dans mon département breton, aucune des 353 communes ne laisse un enfant à la porte de la cantine ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-UC et Les Républicains) Ce texte représente un geste de défiance envers les maires (On approuve à droite) On sait bien que de facultatif le service deviendra obligatoire parce que les parents n'accepteront pas de ne pas exercer leurs droits - dans les établissements privés aussi. Je refuse qu'on me culpabilise parce que je voterai contre ce texte.

Toujours plus d'exigences et de charges pour les communes, toujours moins de liberté, toujours moins de financement ! Et que faites-vous des enfants scolarisés au collège et au lycée ? Ce texte ne concerne que l'école primaire. Assez de leçons de morale ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Très bien !

M. Jean-François Longeot .  - Plutôt que de constater la précarité des enfants, battons-nous pour leur offrir un avenir ! Dans ma commune, je ne fais pas appel à un traiteur privé, je propose des produits en circuits courts et jamais un enfant n'est exclu. Je refuse qu'on me culpabilise !

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Encore !

M. Jean-François Longeot.  - Des classes ferment dans le monde rural, les enfants doivent se lever tôt le matin et rentrent tard chez eux... Est-ce cela, mettre les enfants au coeur ? (Applaudissements au centre)

M. Michel Raison .  - La France est dans la détresse. Au soir des élections, on voit toujours les mêmes personnes s'exprimer à la télévision pour dire qu'elles ont entendu le message de la population... Puis vient le jargon, les valeurs, les forces de progrès... Et le lendemain on nous propose des lois, encore des lois, des lois qui tuent la loi... Sans faire confiance aux élus. (Applaudissements au centre et à droite) Venez-voir comment les choses se passent à Luxeuil-les-Bains, on se décarcasse, tous les enfants ont à manger ! Aucun texte ne remplacera la morale. On veut décider pour les maires... Et quand on baisse les dotations, ce sont eux qui souffrent... (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin .  - Derrière cette question qui paraît anodine, il y a un choix politique. Il n'y a pas d'un côté les généreux et ceux qui ne le seraient pas, les moralisateurs et les autres... (Marques d'ironie au centre et à droite) Oui, c'est affaire de choix politiques et chacun fait les siens. Qui, la semaine dernière, a abaissé l'ISF et supprimé des postes de fonctionnaires ?

M. Yannick Vaugrenard .  - Ce débat n'est pas à la hauteur de l'enjeu. Dans cet hémicycle, les maires sont généreux et accueillent tous les enfants à la cantine. Fort bien. Mais que faites-vous de ceux qui refusent des enfants ?

M. Jacques Grosperrin.  - Que ces communes changent de maire !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Et les enfants ne mangeront pas ?

Mme Françoise Gatel.  - Il y a la jurisprudence !

M. Yannick Vaugrenard.  - Voulez-vous que le juge décide à notre place ? Légiférer en l'espèce, c'est le bon sens collectif, le bon sens humaniste, le bon sens politique.

La République est en danger. Je vous en prie, chers collègues, réfléchissez avant de voter.

M. Martial Bourquin .  - A l'Assemblée nationale, cette proposition de loi a été adoptée à l'unanimité.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture.  - Personne n'a voté contre, plutôt.

M. Martial Bourquin.  - Quelques cas seulement d'élèves exclus ? Peut-être mais ce sont des enfants. M. Longeot se plaint de la disparition des écoles dans les campagnes. Qui les a fermées ? (Protestations à droite) Qui a supprimé des milliers de postes de fonctionnaires, de policiers, de gendarmes ? Ayons pour seul guide l'intérêt supérieur de l'enfant. (Applaudissements à gauche)

M. Michel Le Scouarnec .  - Sans doute n'êtes-vous jamais parti, comme moi, en classe de découverte avec des élèves d'un quartier populaire ? Vous n'imaginez pas comment certains sont sous-alimentés. Maire, j'ai ensuite mis en place des tarifs adaptés. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Kaltenbach.

I. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Les tarifs de la restauration scolaire au sein des écoles primaires ne peuvent excéder un prix plafond fixé chaque année par arrêté par le Gouvernement. L'augmentation de ces tarifs, d'une année sur l'autre, ne peut être supérieure au niveau de l'inflation. »

II.  -  Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

...  -  La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

...  -  La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Philippe Kaltenbach.  - C'est un amendement d'appel sur les tarifs de la cantine scolaire. Dans mon département, je constate dans certaines communes, depuis quelque temps, une hausse de 40 % pour des repas facturés à l'unité jusqu'à 7,40 euros. Cela entraîne une exclusion de fait de certains enfants de la restauration scolaire. Tirons la sonnette d'alarme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jean-Claude Carle, rapporteur.  - Les tarifs de la restauration scolaires sont fixés par la collectivité territoriale qui a la charge de ce service aux termes de l'article R. 531-52 et R. 531-53 du code de l'éducation. Le repas ne peut être facturé à un montant supérieur à son coût de revient. Les collectivités peuvent moduler leurs tarifs selon les revenus des parents - à Paris, cela va de 13 centimes à 7 euros.

Les hausses récentes sont imputables à un effet ciseau : à la baisse des dotations et à la réforme des rythmes scolaires...

Avis défavorable à cet amendement qui contrevient à la libre administration des collectivités territoriales.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Madame Gatel, la restauration scolaire est obligatoire dans les collèges et les lycées. Sagesse sur l'amendement. Il faudra sans doute revoir le décret.

Un décret de 2000 encadrait les tarifs à la cantine scolaire. Je m'engage à le retravailler. Retrait ?

M. Philippe Kaltenbach.  - Merci.

L'amendement n°1 est retiré.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture.  - Ce texte fait battre les coeurs, c'est normal puisqu'il s'agit d'enfants. Parlons aussi avec notre raison. Une jurisprudence existe ; elle ne s'exerce pas hors sol, elle est limpide. Sans doute faut-il la faire mieux connaître et appliquer par les préfets. Le législateur, s'il a un coeur, doit prendre des décisions éclairées. Le texte n'est pas accompagné d'une étude d'impact, le groupe RDSE du Sénat ne l'a pas repris alors qu'il émane de son groupe miroir à l'Assemblée nationale. Ne légiférons pas de manière précipitée. Prêtons attention aux enfants, et faisons confiance aux élus.

M. Jacques-Bernard Magner.  - Certains préfèrent faire appel à la jurisprudence. Or ce sont justement les familles les plus pauvres, qui souffrent le plus de discrimination, qui devraient faire appel à la justice...

L'application d'un principe constitutionnel ne saurait dépendre d'une appréciation de coût. La libre administration des collectivités territoriales ne leur donne pas la possibilité de se placer au-dessus de la loi.

Le groupe socialiste votera cette proposition de loi généreuse, avec la fierté qui anime les vrais républicains ! (Mouvements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Bien sûr la jurisprudence n'est pas hors sol.

Mais un droit doit-il dépendre uniquement de la jurisprudence ? Bien des familles ne saisissent pas la justice car elles ignorent leurs droits : c'est aussi le cas de 40 % des personnes éligibles au RSA, par exemple.

Nous ne pouvons nous abriter derrière la jurisprudence. Ce n'est pas un combat de juristes, mais une question sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen et du groupe socialiste et républicain)

L'article premier n'est pas adopté.

ARTICLE 2

À la demande du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain, l'article 2 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°104 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 140
Contre 202

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Comme les articles ont été successivement supprimés, il n'y a plus de texte.

La séance, suspendue à 16 h45, reprend à 17 heures.

Engagement de la procédure accélérée

M. le président.  - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen du projet de loi pour une République numérique, déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 9 décembre 2015.

Agriculture et filière agroalimentaire

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l'agriculture et de la filière agroalimentaire, présentée par M. Jean-Claude Lenoir et plusieurs de ses collègues (demande du groupe Les Républicains).

Discussion générale

M. Jean-Claude Lenoir, auteur de la proposition de loi .  - Le Sénat conscient de la gravité de la crise, suit avec beaucoup d'attention l'évolution de l'agriculture et en particulier de l'élevage. C'est pourquoi certaines initiatives ont été prises, avec le soutien actif du président Gérard Larcher. Le 16 juillet, il a réuni tous les acteurs de la filière. Vous vous êtes joint, monsieur le ministre, à cette table ronde, qui a souligné que le problème majeur était celui de la compétitivité.

Pendant l'été, les éleveurs ont crié leur détresse. Le 3 septembre, dès potron-minet, des agriculteurs ont manifesté dans la capitale. Nous les avons entendus et avons organisé un débat dans cet hémicycle le 6 octobre. Le 8 octobre, nous avons auditionné le commissaire européen, M. Phil Hogan.

À la suite de ces réflexions, nous avons été nombreux à déposer une proposition de loi le 16 octobre, dont je ne suis que le premier signataire. Outre le concours actif et constant du président du Sénat, je salue l'implication du président de notre commission des affaires européennes, Jean Bizet. M. Gremillet, rapporteur, en détaillera le contenu.

Cette proposition de loi comporte trois volets : la compétitivité prix tout d'abord, l'allègement des charges et les aides à l'industrie ; la compétitivité hors prix ensuite ; l'aide à l'emprunt enfin.

Le rapport « Agriculture innovation 2025 », recommande la création d'un observatoire sur le sujet. Bonne idée. Quand sera-t-elle mise en oeuvre ?

M. Jean Bizet.  - Nous attendons !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Les prix ne sont pas fixés par le Gouvernement, ni même par le ministre, mais par le marché et le marché est mondial. L'essentiel de notre politique agricole, de plus, est décidé à Bruxelles, dans le cadre de la politique agricole commune.

La majeure partie des agriculteurs considère que les mesures conjoncturelles ne suffisent plus. Nous proposons des mesures structurelles. Ils en ont aussi assez de l'empilement des normes. (Applaudissements à droite)

Vous venez d'ailleurs d'en rajouter encore...

La situation est grave, et tous les indicateurs montrent qu'elle risque d'empirer. Les prix continuent à baisser.

Monsieur le ministre, on vous dit irrité, on vous a vu quelque peu agacé, par les orientations sénatoriales. Pourtant le Sénat, représentant des territoires, est dans son rôle. Nous proposons des mesures de rassemblement, dans le respect de nos prérogatives constitutionnelles.

Toutefois, je tiens à remercier le Gouvernement qui a repris dans le projet de loi de finances rectificative pour 2015 certaines de nos propositions.

M. Charles Revet.  - Parce qu'elles étaient bonnes !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Je suis heureux que vous ne considériez plus le suramortissement des bâtiments d'élevage, la déduction pour aléas comme inutiles ! (Rires à droite)

Nous ne sommes pas des adversaires, monsieur le ministre ; poussons les feux ensemble. J'espère que nous parviendrons à mettre en oeuvre une politique efficace et raisonnée en faveur de l'agriculture. (Applaudissements à droite)

M. Daniel Gremillet, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements à droite) Les perspectives de la filière de l'élevage sont bien sombres : baisse des prix du lait, développement de concurrence mondiale, fermeture des débouchés, embargo russe... Le prix du porc ne cesse de baisser sur le marché de Plérin, où le cadran a été suspendu cet été : moins d'un euro le kilo désormais ! C'est indécent !

La filière catarrhale ovine et le retour de la peste aviaire auront des effets désastreux...

M. Jean-Louis Carrère.  - Eh oui !

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - C'est dans ce contexte que Jean-Claude Lenoir et Jean Bizet ont déposé cette proposition de loi.

Notre balance commerciale, hors vins et spiritueux, est juste à l'équilibre. Notre autosuffisance alimentaire est menacée à terme, alors que nos partenaires européens se sont dotés d'une vraie stratégie : porcine en Espagne, laitière en Allemagne... La stratégie de compétitivité est déjà mise en oeuvre, dit-on.

Certes, les agriculteurs bénéficient du CICE ou des baisses de charges. Mais il faut aller plus loin. Est-ce le moment, un an après la loi d'avenir ? Oui. La crise ne passera pas toute seule !

En tant que rapporteur, j'ai écouté tous les acteurs, dans un esprit de réalisme : cette proposition de loi ne règlera pas tout. La Politique agricole commune (PAC) ne cessera pas de s'appliquer, même si nous devons l'infléchir.

Le premier volet vise à améliorer les relations entre filières, à travers la contractualisation, l'utilisation d'indices publics, pour éviter les conflits de répartition.

Deuxième volet : la valorisation des produits français : le consommateur a le droit d'être informé de l'origine des produits.

L'article 4 permet de reporter ses remboursements en période de crise. À l'article 6, la déduction pour aléas est remplacée par une réserve spéciale d'exploitation agricole, d'emploi plus facile, avec un plafond relevé. J'ai fait voter un article 6 bis obligeant les jeunes agriculteurs à souscrire une assurance contre les risques climatiques.

L'article 5 crée un livret vert pour drainer l'épargne vers l'investissement agricole. À l'article 7, le suramortissement Macron est étendu à l'agriculture, coopératives comprises.

Nous baissons aussi les charges qui pèsent sur les exploitations. Il est temps de revenir sur les surtranspositions des directives, notamment relatives aux normes ICPE - c'est l'objet de l'article 8.

De même, nous prévoyons à l'article 12 un plan de simplification des normes.

Cette proposition de loi contient aussi un allègement des charges sur les salaires agricoles. Les agriculteurs bénéficiaires du CICE ne doivent pas être pénalisés non plus.

L'addition de ces mesures pourra peut-être enclencher une nouvelle dynamique en faveur de la compétitivité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe UDI-UC)

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Je n'ai jamais été offusqué...

M. Jean-Claude Lenoir.  - Les apparences sont trompeuses !

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - ...par les initiatives du Sénat. M. Lenoir a été objectif : il y a la PAC et le marché. En 2008-2009, nous avons connu une crise laitière sans précédent. J'étais alors député européen et j'ai toujours veillé à éviter de verser de l'huile sur le feu. 40 centimes le litre, c'est impossible...

Ces prix remettent en cause les structures de certaines filières. La crise de la production porcine ne date pas d'hier. La filière bovine est la victime collatérale de la crise de la filière laitière et de la faiblesse de la consommation. Quant au marché du lait, il est mondialisé. Nous avons plusieurs grandes entreprises laitières, dont les choix industriels - lait, poudre ou beurre - ont un impact sur les prix versés aux agriculteurs.

En outre l'organisation des filières est insuffisante : il n'y a plus d'interprofession laitière, celle du secteur bovin connaît de grandes difficultés, plus d'interprofession pour la volaille... Cela est dommageable. De même, il faut penser à l'avenir. La France a beaucoup de potentiel pour assurer son autonomie fourragère. En Russie il neige le 15 octobre, chez nous, le fourrage continue de pousser.

Face à la crise, le Gouvernement a débloqué 700 millions d'euros, qui s'ajoutent aux 63 millions débloqués par l'Europe, prélevés sur le montant des pénalités acquittées par les États membres en surproduction. Cela soulagera la trésorerie des agriculteurs endettés, allègera les charges sociales, à hauteur de 180 millions, grâce à la MSA qui, heureusement, se débrouille très bien, beaucoup mieux que le RSI.

Les crédits d'urgence - pour 10 millions d'euros - ont été mobilisés sur la promotion. Au total, cela correspond à un renforcement de 350 millions d'argent public pour soutenir l'investissement dans notre agriculture et obtenir le fameux effet levier d'un milliard réclamé par les agriculteurs.

Sur la méthanisation, on a retenu une fiscalité incitative. La déduction pour aléas climatiques ? Très important ! Nous sommes d'accord avec votre proposition de loi. C'est dans la loi de finances rectificative. La réforme de la fiscalité sur le forfait agricole ? C'est fait.

Tous ces éléments ont nécessité la mise en place de cellules d'urgence dans les départements, et je veux saluer la mobilisation des services décentrés et des chambres d'agriculture pour traiter les dossiers. Sur un total de 40 000, 20 000 ont été clos ; 10 000 dossiers prioritaires seront payés d'ici la fin de l'année. C'est particulièrement important dans la filière porcine.

Reste le travail de long terme, sur la contractualisation, la restructuration, la tarification. Le marché de Plérin voit passer 10 000 porcs par semaine : fixer un prix y devient difficile. Je ferai des propositions la semaine prochaine.

M. Charles Revet.  - Il y a urgence !

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - La traçabilité a fait des progrès. Sur ce sujet, les propositions du Sénat sont bienvenues. Je veux que les étiquettes « Viande de France » soient fondées sur un contrat qui impose que l'animal soit né, élevé, abattu et transformé en France. Certains de nos voisins ne font pas de naissance ni d'élevage.

Nous promouvons le « consommer local », et depuis longtemps. Nous n'avons aucune leçon à recevoir sur ce point de candidats qui n'appartiennent pas à l'arc républicain. Des guides et stratégies d'achat sont développés et distribués partout à cette fin.

J'ai demandé une mesure plus fine de la compétitivité. Dans la volaille, notre taux de couverture import/export est passé de 130 % à 35 % ; dans le porc, la tendance est la même, même si nous restons au-dessus de 100 %. D'où les abaissements de charges et le CICE, de l'ordre de 4 milliards d'euros, soit l'équivalent du budget de l'agriculture ! On peut certes toujours faire plus, mais cela reste inédit. Simultanément, l'Allemagne augmente ses salaires et met en place un salaire minimum ; le redressement de notre compétitivité est donc à notre portée.

Nous ne pouvons continuer à laisser nos agriculteurs distribuer leurs gains de productivité. Le machinisme agricole fait du résultat et les agriculteurs sont en difficulté, ce n'est pas normal. D'où notre politique de réduction de leurs charges opérationnelles. C'est là que l'économie de l'agriculture et l'environnement se rejoignent.

Je n'ai procédé à aucune surtransposition. Sur la qualité des eaux, nous avons travaillé sur la redéfinition des zones, les terrains en pente, la possibilité de stocker en plein champ les effluents d'élevage, sans construire de bâtiments spéciaux. Nous n'avons, en aucun cas, durci les contraintes européennes. Simplifier ? Oui, bien sûr ! Nous avons montré en Bretagne que cela fonctionne : 95 projets y ont été menés à bien sans qu'aucun recours n'ait été déposé. Nous travaillons à réduire les délais d'instruction des dossiers.

Si tout débat est utile, une seule question importe : assurer une agriculture de production, une agriculture d'environnement avec des agriculteurs vivant de leurs revenus sur tout notre territoire car, nous le savons tous, nous avons besoin de l'agriculture pour faire vivre la ruralité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jean-François Husson.  - Pour faire vivre la France !

M. Jacques Mézard .  - Le 6 octobre, nous avons tous fait le constat de la détresse du monde agricole, qui a culminé à Paris le 3 septembre. Notre agriculture, riche de nombreux atouts, connaît des difficultés persistantes, en dépit des réformes. La compétition mondiale s'exacerbe et la diminution des crédits européens pénalise nos agriculteurs face à des concurrents soumis à des standards moins élevés. Sans parler des embargos, catastrophes climatiques et autres fièvres catarrhales...

Il faut un grand plan de relance de la compétitivité de notre agriculture. Le présent texte allège charges et normes, tout en promouvant une meilleure contractualisation entre les acteurs. Comment s'y opposer ?

L'agriculture française accuse un déficit de compétitivité indiscutable ; sa part de marché en Europe est passée de 17 % en 2000 à 12 % en 2013. Les agriculteurs sont aussi des agents économiques qu'il faut aider dans la mondialisation, et soutenir dans leurs adaptations aux mutations de la société.

Monsieur le ministre, vous avez apporté d'heureuses solutions à la crise de l'élevage. Cette proposition de loi complète votre action, et rejoint les mesures fiscales du projet de loi de finances rectificative pour 2015, entre autres sur le suramortissement des bâtiments d'élevage.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Exact !

M. Jacques Mézard.  - Quelles que soient les sensibilités, nous allons dans le même sens. Si certains considèrent cette proposition de loi opportuniste, la majorité du groupe RDSE la considère opportune. L'agriculture ne connaît pas les clivages partisans. Ce qui est en jeu, ce sont des emplois et l'équilibre de nos territoires.

Nous soutenons votre action, monsieur le ministre ; regroupons les énergies allant dans le bons sens : votons cette proposition de loi.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Très bien ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. Michel Le Scouarnec .  - Aucune politique ne s'attaque au vrai problème : quinze points de valeur ajoutée ont été transférés des producteurs vers les distributeurs. La baisse durable des prix d'achat touche surtout la viande et le lait. En 2014, la France est passée sous la barre des 300 000 exploitations, alors qu'elles étaient 25 % plus nombreuses il y a dix ans seulement. D'où l'angoisse du lendemain que vivent des milliers de familles d'exploitants, après des années de dérégulation et d'ouverture des marchés mondiaux.

L'orientation de la PAC vers les marchés, prise en 1992, n'a cessé de s'accentuer. Les filets de sécurité et les mécanismes de régulation disparaissent, fin des quotas laitiers et bientôt des quotas sucriers. Or la stabilité des prix conditionne l'investissement, l'innovation et la productivité, objectifs oubliés de la PAC

Cette proposition constate la domination des groupes de distribution sur les filières, dont attestent les résultats nets annuels des grands groupes : 1,2 milliard pour Carrefour, 574 millions pour Auchan, 556 millions pour Casino... Cette domination sans partage sur la valeur ajoutée a été renforcée par la loi Chatel et la loi de modernisation de l'économie qui ont consacré le principe de la libre négociation des prix, renforcée aussi par la création de super centrales d'achat.

Cependant, je ne partage pas la philosophie de cette proposition de loi qui consacre une agriculture fondue dans le moule de la compétition mondiale aux dépens de notre souveraineté alimentaire, de notre protection sociale, des revenus de nos agriculteurs et des normes environnementales. Les accords temporaires de modération des marges ne suffiront pas !

Tous, que ce soit la FNSEA, les jeunes agriculteurs, la coordination rurale, le Modef, souhaitent une politique ambitieuse sur les prix d'achat et la répartition de la valeur ajoutée. D'où mes amendements rétablissant un prix plancher d'achat, instaurant un étiquetage obligatoire pour tous les produits. Nous saluons l'idée d'un livret vert mais désapprouvons celle d'une assurance obligatoire, qui ne profitera qu'aux assureurs. Le coût du travail n'est pas un frein à la compétitivité ; à celui de la financiarisation, sans doute !

Nous réclamons enfin l'adoption de clauses de sauvegarde et le principe d'une préférence communautaire.

Bref, ce texte, s'il dresse un bon constat, n'en tire pas les bonnes conséquences. (Applaudissements à gauche)

M. Henri Cabanel .  - Nous sommes à nouveau réunis pour parler de la compétitivité de notre industrie agricole. Je salue l'engagement constant de M. Gremillet (Applaudissements à droite) mais suis choqué par la méthode. (On manifeste sa déception sur les mêmes bancs) Comment penser qu'une proposition de loi règlera des problèmes qui ne datent pas de l'arrivée des socialistes au pouvoir ? Par le calendrier, ensuite. Après cinq ans d'inaction au pouvoir, la majorité sénatoriale dépose un texte entre les deux tours des régionales. Fixer des prix est impossible dans une économie de marché, faut-il le rappeler à des partisans de l'ultralibéralisme ?

J'ai pour ma part toujours préconisé un encadrement du marché, quand vous souteniez le libéralisme de mise à Bruxelles.

Dans l'Hérault, j'ai auditionné une dizaine de représentants de nos filières sur cette proposition de loi. Leur avis est unanime : la compétitivité est la clé ; le monde a changé, l'agriculture doit suivre en s'adaptant à des marchés segmentés. Il n'y a donc pas une mais des solutions.

Dans la restauration collective, je reste surpris que l'on ne promeuve pas davantage les productions françaises.

M. Martial Bourquin.  - Bravo !

M. Henri Cabanel.  - Nous étions une soixantaine de sénateurs invités à petit déjeuner au restaurant du Sénat par M. Xavier Beulin et la FNSEA. On nous a servi du lait allemand !

Au total, plus de 3 milliards d'euros ont été investis dans l'agriculture en trois ans. Il faut accentuer les efforts sur l'agroécologie car c'est dans la qualité que réside la compétitivité, pas dans la baisse perpétuelle des charges qui suscitent toujours autant de jérémiades.

À nouveau, je regrette la méthode ; il est urgent de prendre son temps pour bâtir une agriculture d'avenir, filière par filière, sans parti pris idéologique. Comme a su le faire la filière viticole en Languedoc, il faudra du temps et accompagner les agriculteurs pour réussir cette mutation inéluctable. (Applaudissements à gauche)

M. Martial Bourquin.  - Voilà du solide !

M. Joël Labbé .  - La loi d'avenir pour l'agriculture produit à peine ses premiers effets que le ministre enchaîne les plans d'urgence... et la majorité sénatoriale choisit de déposer entre les deux tours des régionales, une proposition de loi écrite avec la FNSEA qui s'autoproclame porte-parole de l'agriculture.

M. André Trillard.  - Vous vous autoproclamez bien porte-parole des lanceurs d'alerte !

M. Joël Labbé.  - La FNSEA tient un autre discours dans les départements. Dans le mien, elle écrit que l'État n'a toujours pas compris ce qui se passe dans les campagnes, que l'État promet des milliards dans le cadre de la COP21. Et de s'interroger : la France est-elle partie pour sacrifier son agriculture ? Mélanger agriculture et politique est, de la part d'un partenaire officiel, scandaleux.

M. André Trillard.  - Et Notre-Dame-des-Landes ?

M. Jean-Louis Carrère.  - Arrêtez de faire les zouaves !

M. Joël Labbé.  - Industrialiser nos productions n'est pas la solution. C'est vers la qualité qu'il faut se tourner. Exporter n'est pas la solution lorsqu'on le fait à perte.

Nous défendons l'information des consommateurs, d'où nos amendements sur l'étiquetage de tous les produits et la mention de présence éventuelle d'OGM - que contiennent 80 % du soja sud-américain. Il est temps que les terres d'Amérique du sud puissent nourrir les Sud-Américains et que l'on préserve la forêt équatoriale.

Comme moi, vous avez été interpellés par des agriculteurs sous statut de cotisant solitaire, non couverts en cas de maladie ou de chômage : d'où mon amendement sur la remise d'un rapport sur la protection sociale des agriculteurs. Je remercie la commission de s'en être remise à la sagesse, ce qui est un bon présage d'adoption.

M. Jean Bizet.  - Ce n?est pas sûr !

M. Joël Labbé.  - Vandana Shiva, auteure Indienne respectée partout, a relevé l'incapacité simultanée à relever les défis alimentaires et environnementaux. Nous pouvons le faire en consommant local. Cela passe par le maintien d'une agriculture familiale et paysanne. Votre proposition de loi n'en prend malheureusement pas le chemin. (Applaudissements sur certains bancs de la gauche)

M. Daniel Dubois .  - J'ai cosigné cette proposition de loi très attendue par la profession, qui reconnaît le déficit de compétitivité de notre agriculture. Le Conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole devra, aux termes de l'article 12, produire un plan d'allègement des normes. L'article 8 fixe le seuil d'autorisation pour les élevages bovins à 800 animaux ; en deçà, c'est la procédure d'enregistrement, plus souple, qui sera engagée. Nous revenons ainsi opportunément sur des surtranspositions de directives. Notre agriculture doit prendre en compte les pratiques des autres pays européens.

Le groupe centriste a déposé deux amendements : le premier prévoit de supprimer une norme à chaque création de norme nouvelle ; le second limite dans le temps leur application, à titre expérimental.

Sous réserve qu'ils soient adoptés, ce texte constituera une avancée importante. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Très bien !

M. Jean Bizet .  - Nous débattons une nouvelle fois de notre agriculture et de sa compétitivité. À nouveau dans l'urgence, après la crise de l'élevage de cet été que la Sénat a su entendre.

Notre agriculture manque de confiance d'abord. Alors qu'elle a tout pour réussir, le climat, la terre, l'eau, les savoir-faire, l'histoire... Pourtant, notre agriculture va mal, préoccupée qu'elle est par les changements réglementaires, la pression concurrentielle, les statistiques, les attaques pernicieuses de petites phrases en slogans...

M. Gérard Longuet.  - C'est vrai...

M. Jean Bizet.  - ...que l'on retrouve au sein même des manuels scolaires. Ensuite, notre agriculture manque d'une vraie stratégie. L'Allemagne, elle, a traité son agriculture comme son industrie avec seul objectif : la compétitivité. Elle y a réussi depuis longtemps dans le porc, c'est désormais le cas pour le lait. Chez nous, où est la stratégie ?

M. Gérard Longuet.  - Elle est dispersée...

M. Jean Bizet.  - Nous n'avons qu'un catalogue hétéroclite. Notre stratégie doit être redéfinie avec l'État, les producteurs, les régions aussi, récipiendaires des 4 milliards du deuxième pilier de la politique agricole commune. Nous avons soutenu l'approche contractuelle que les producteurs ne voient pas tous d'un bon oeil.

C'est pourtant une nécessité : il faut atteindre des tailles critiques, pour atteindre un pouvoir de renégociation suffisant, ainsi que nous y incite la Commission européenne elle-même, en dépit des réticences des industries transformatrices, mais aussi renforcer les interprofessions, Chacun doit faire un effort : les éleveurs se regrouper, les transformateurs l'accepter. L'organisation professionnelle est une force de proposition, non de confrontation.

La France a choisi des contrats de cinq ans. Associer plus étroitement la grande distribution serait utile. Inclure dans les contrats des références aux grands paramètres et coûts de production également.

Une PAC qui ne serait ni politique ni agricole ni commune n'aurait plus guère de légitimité. C'est un enjeu de demain, de 2020, c'est-à-dire de maintenant. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques.  - Très bien !

M. Jackie Pierre .  - Sur le front de la guerre des prix, accentué par la rivalité entre États membres, l'embargo russe et la fin des quotas laitiers, les éleveurs ont choisi d'augmenter leur production et leur cheptel. Sans succès. Les prix se sont effondrés et la survie des exploitations risque d'être directement menacée. Quelque 30 000 d'entre elles sont au bord du dépôt de bilan, près de 80 000 emplois directs sont aussi compromis.

Dès début juillet, le président Larcher s'est saisi du dossier, et décidait, avec Jean-Claude Lenoir et Jean Bizet, de réunir une conférence agricole pour évoquer avec les représentants de tous les acteurs des filières porcine, bovine et laitière les questions conjoncturelles mais aussi structurelles.

Peu après, la commission des affaires économiques créait un groupe de travail. La prolongation de l'embargo russe a assombri les perspectives de nos agriculteurs qui défilaient en septembre. Ils ont obtenu une « année blanche » du Gouvernement et une aide exceptionnelle de l'Europe de 500 millions d'euros.

L'enjeu n'est pas de critiquer les plans d'urgence du Gouvernement, ils étaient nécessaires. L'enjeu est de soutenir, en votant cette proposition de loi, notre agriculture. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Jacques Lasserre .  - Toutes les filières sont en difficulté, les prix mondiaux sont très médiocres. Merci au rapporteur, il a effectué un travail de très grande qualité durant les auditions. (On renchérit à droite)

L'origine du produit n'est pas en soi un gage de qualité. L'étiquetage doit être plus complet. Il doit contenir des indications techniques sur les modes de production utilisés. Seules les interprofessions peuvent définir son contenu.

Les déductions pour amortissement et les déductions pour investissement sont des mécanismes intéressants. Pour autant, ils ne sont pas exclusifs de la logique assurantielle que je défends. Nous connaissons les limites au développement de l'assurance : le coût élevé des contrats et l'impossibilité pour les assureurs de se réassurer.

J'ai déposé un amendement, et je ne comprends toujours pas pourquoi il a été censuré au titre de l'article 40 par la commission des finances, alors qu'il fléchait une partie du Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) vers les aides au développement de l'assurance.

Comme mes collègues m'y invitent, je m'emploierai néanmoins à proposer une initiative parlementaire en ce sens. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Franck Montaugé .  - « Nous voulons vivre de notre travail ! Ce ne sont pas des primes que nous demandons, c'est une juste rémunération du travail de qualité que nous faisons au service des consommateurs ». Ainsi s'expriment, à juste raison, les paysans de France et les jeunes agriculteurs en particulier...

MM. Roland Courteau et Yannick Vaugrenard.  - Très bien !

M. Franck Montaugé.  - Si le rapporteur Gremillet a accompli un excellent travail, l'on ne trouve rien sur la volatilité des prix dans ce texte.

À mon sens, les réponses à apporter à la crise de l'agriculture sont plus affaire de volonté que de loi. Nous avons ainsi sauvé l'abattoir départemental d'Auch, voué, il y a peu, à la fermeture.

La sécurisation des revenus des agriculteurs ? Vous avez souhaité la fin des quotas laitiers et la fin de la polyculture. Pesez donc de tout votre poids politique sur le très libéral Phil Hogan et la majorité du Parlement européen qui est de votre couleur partisane !

Quelques mesures méritent d'être soutenues, parmi lesquelles l'extension du dispositif de suramortissement de l'article 142 de la loi Macron aux coopératives. Mais je ne vois rien non plus dans ce texte qui ressemble à une réforme structurelle, contrairement à la loi d'orientation qui soutient clairement Gaec, Cuma, GIEE et coopératives.

Alors pourquoi cette proposition de loi ? Pourquoi se précipiter ? Quelques semaines, quelques mois de plus eussent été nécessaires, pour traiter au fond les difficultés structurelles de notre agriculture, afin d'assurer son avenir, et d'améliorer sa compétitivité.

« Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage » : oui, le groupe socialiste préfère suivre Boileau. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et communiste républicain et citoyen)

M. Gérard Bailly .  - Chute des revenus déjà modestes, fermeture d'un tiers des exploitations d'élevage d'ici 2020... Tout le monde a décrit la situation de l'agriculture. Et pourtant, on continue de montrer du doigt les agriculteurs pollueurs et les ruminants accusés pour leurs flatulences ! (Mouvements divers)

Demandez à nos grands chefs : eux, ils sont heureux de cuisiner nos produits !

M. Bruno Sido.  - Très bien ! (Applaudissements à droite)

M. Gérard Bailly.  - Arrêtons-en avec cette image négative de l'agriculture que véhiculent les écologistes et certains journalistes. Préparons-nous à mieux affronter les vices et les aléas climatiques avec la réserve spéciale pour exploitation agricole (RSEA) et à mieux accompagner nos jeunes agriculteurs en votant cette proposition de loi.

Notre agriculture alimente la population en produits sains, est source d'énergies renouvelables, participe du tourisme vert et de l'entretien de nos paysages.

L'environnement ? Les paysans sont en première ligne. Les pâturages limitent l'érosion, les avalanches et les incendies. Imaginez-vous les pentes du Massif central sans ses broutards et ses ruminants ?

L'année 2016 ne s'annonce pas meilleure que 2015. Je rêvais hier soir d'un soutien unanime à ce texte pour rendre espoir à nos agriculteurs ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Claude Lenoir, auteur de la proposition de loi .  - Merci de ces interventions, dont certaines étaient décalées par rapport à celle du ministre, mais nous y reviendrons au cours du débat. Un mot de l'incident survenu au restaurant du Sénat : c'est le président Beulin qui a identifié, lors d'un petit-déjeuner de travail avec la FNSEA, une mention d'origine allemande sur l'étiquette de l'un des produits servis.

J'ai, usant de la faculté qui sera ouverte à l'article 3 de ce texte, écrit au directeur du restaurant du Sénat, géré par une entreprise privée. Il m'a répondu que cet ingrédient, des petites peaux de lait, venaient bien d'Allemagne, que le tir serait corrigé car à présent, m'a-t-il confirmé, la quasi-totalité des produits servis dans son établissement, sinon certains fruits exotiques et les épices, proviennent de notre pays. (Exclamations) Bref, les sénateurs aiment le lait et les épices ! (Bonne humeur générale)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLES ADDITIONNELS avant l'article premier

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La France promeut au niveau communautaire la mise en oeuvre de toutes les mesures permettant de garantir des prix rémunérateurs aux producteurs : mise en place d'un prix minimum européen pour chaque production prenant en compte les spécificités des différentes zones de production, activation de dispositions visant à appliquer le principe de préférence communautaire, mise en oeuvre de clauses de sauvegarde ou tout autre mécanisme concourant à cet objectif.

M. Michel Le Scouarnec.  - Seul un prix minimum européen garantira partout en Europe les mêmes normes sociales et environnementales. Nous demandons également l'application de la préférence communautaire et une clause de sauvegarde pour protéger nos exploitations.

M. André Trillard.  - Attendez que Marine Le Pen passe !

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Notre commission a créé un groupe de travail sur la PAC. Votre amendement relève plutôt d'une proposition de résolution européenne. Avis défavorable.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Le système de prix minimal a existé quand l'Europe était constituée de six à neuf membres. Il serait difficile aujourd'hui de fixer un prix qui convienne à vingt-huit États. Si nous y revenions avec un principe de préférence communautaire, nous ne pourrions plus exporter. Or, pour ne prendre qu'un exemple, nous vendons à l'étranger 10 milliards des 22 milliards de litres de lait produits en France, sous quelque forme que ce soit - lait en poudre, fromage et j'en passe.

Mieux vaut trouver un mécanisme de lissage pour éviter une répercussion brutale des baisses de prix sur les producteurs et parier sur la qualité comme l'ont fait les viticulteurs du Languedoc-Roussillon. Avis défavorable.

L'amendement n°21 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°22, présenté par M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La France défend au niveau communautaire la mise en oeuvre de mécanismes de régulation, notamment le maintien ou la création de quotas pour certaines productions, et l'activation d'outils de stockage public de productions agricoles et alimentaires.

M. Michel Le Scouarnec.  - Dans la droite ligne de l'amendement précédent, nous invitons la France à défendre une PAC renouant avec une régulation par les quotas. L'agriculture n'est pas un secteur comme un autre : elle est essentielle aux paysages. Cela justifie pleinement de la soustraire à la spéculation des marchés.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Avis défavorable comme à l'amendement précédent.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Parfois, on parvient à rétablir une régulation : voyez les droits de plantation pour le vin en Languedoc. Heureusement pour nos AOP !

Je n'ai rien pu faire, en revanche, sur les quotas sucriers, sans repousser leur fin de 2015 à 2016, le temps de structurer la filière. Ce n'est pas fait, deux grandes coopératives se divisent. Je me battrai jusqu'au bout pour arracher un accord.

M. Jean Bizet.  - Le Sénat sera derrière vous !

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Le prix d'intervention est de 220 euros pour la tonne de lait. Il n'a pas été revalorisé depuis vingt ans pour la viande. À Bruxelles, on estime que ces prix d'intervention ont abouti à ces montagnes de beurre, de lait et de frigos remplis de viande ne trouvant pas consommateur. J'aurais préféré qu'on relève ces prix plutôt qu'un plan de 500 millions d'euros. Heureusement, malgré tout, que cette aide exceptionnelle a été débloquée ! Je reviendrai à la charge à Bruxelles. Retrait ?

L'amendement n°22 est retiré.

ARTICLE PREMIER

M. Michel Raison .  - Monsieur le ministre, vous n'êtes ni la seule cause de cette crise ni son seul remède. Soutenez donc les parlementaires quand ils prennent des initiatives utiles.

Rapporteur de la loi de modernisation agricole, je connais bien le problème de la régulation. Cet article incitera le collecteur, le transformateur, à être plus conscient du prix de revient pour les agriculteurs. Ainsi je le voterai. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains).

L'article premier est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°37, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Le I de l'article L. 631-24 est ainsi modifié :

a) La seconde phrase du huitième alinéa est ainsi rédigée :

« Dès lors que l'acheteur a donné son accord au changement de producteur dans le cadre d'une reprise à un nouveau producteur satisfaisant aux conditions de qualification ou d'expérience professionnelle prévues à l'article L. 331-2 engagé dans la production depuis moins de cinq ans, l'acheteur est tenu de proposer au producteur un contrat d'une durée minimale prévue par le décret mentionné au cinquième alinéa du présent I, dont les conditions sont identiques à celles convenues avec le précédent producteur. » ;

b) Le neuvième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ce décret peut rendre incessibles les contrats de vente conclus entre producteurs et acheteurs de produits d'une ou de plusieurs productions. » ;

2° Le I de l'article L. 671-9 est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« ...° Le fait, pour tout bailleur, tout preneur sortant, tout exploitant agricole, tout intermédiaire ou tout acheteur de produits agricoles soit, d'avoir, directement ou indirectement obtenu une remise d'argent ou de valeurs en vue de procéder au transfert entre producteurs d'un contrat rendu obligatoire au titre du neuvième alinéa du I de l'article L. 631-24, soit d'imposer ou tenter d'imposer la reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci.

« Les sommes indûment perçues sont sujettes à répétition et majorées d'un intérêt calculé à compter de leur versement et égal au taux de l'intérêt légal mentionné à l'article L. 313-2 du code monétaire et financier majoré de trois points.

« En cas de reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci, l'action en répétition peut être exercée dès lors que la somme versée a excédé ladite valeur de plus de 10 %.

« L'action en répétition exercée demeure recevable pendant toute la durée du contrat transféré et de ses renouvellements ou reconductions successifs. »

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Lors des auditions, nous avons découvert que le phénomène des rachats de contrats laitiers prenait de l'ampleur. Cet amendement le découragera en protégeant l'acheteur contre une modification des conditions et en supprimant la possibilité de « marchandiser » le contrat. Cette dernière disposition est calquée sur les dispositions prévues à l'article L. 411-74 du code rural visant les baux ruraux pour exclure les « pas-de-porte ».

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Les quotas laitiers ont été justement supprimés à cause de leur marchandisation des contrats : cela doublait le prix de l'installation : il fallait payer les bâtiments et les contrats. On ne va pas laisser ce phénomène reprendre ; 100 % d'accord avec vous. Cependant, j'ai besoin de temps pour vous proposer une solution juridiquement plus solide.

M. le président.  - La Conférence des présidents devant se réunir, je vais suspendre la séance.

La séance est suspendue à 19 h 20.

présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président

La séance reprend à 21 heures.

Conférence des présidents

M. le président.  - Je vais vous donner lecture des conclusions de la Conférence des présidents.

Celle-ci a pris acte, en application de l'article 6 bis du Règlement, de la demande du groupe UDI-UC de création d'une mission d'information sur l'organisation, la place et le financement de l'islam en France et de ses lieux de culte.

Elle a en outre fixé l'ordre du jour jusqu'au jeudi 28 janvier 2016.

JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015

À 10 h 30

- Examen d'une demande de la commission des lois tendant à obtenir les prérogatives des commissions d'enquête pour le suivi de l'état d'urgence, pour une durée de six mois

- Projet de loi de finances rectificative pour 2015

À 15 heures

- Questions d'actualité au Gouvernement

De 16 h 15 à 20 h 15

- Proposition de loi permettant de maintenir et de développer sur l'ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité

Éventuellement, le soir

- Suite de la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l'agriculture et de la filière agroalimentaire

VENDREDI 11 DÉCEMBRE 2015 et, éventuellement, SAMEDI 12 DÉCEMBRE 2015

À 9 h 30, à 14 h 30, le soir et, éventuellement, la nuit

- Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2015

La semaine du 14 décembre est une semaine réservée par priorité au Gouvernement

LUNDI 14 DÉCEMBRE 2015

À 14 h 30, le soir et la nuit

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement

- Nouvelle lecture du projet de loi de modernisation de notre système de santé

MARDI 15 DÉCEMBRE 2015

À 14 heures

- Suite de la nouvelle lecture du projet de loi de modernisation de notre système de santé

À 16 h 45

- Questions d'actualité au Gouvernement

À 18 heures

- Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 17 et 18 décembre

Le soir et la nuit

- Suite de la nouvelle lecture du projet de loi de modernisation de notre système de santé

MERCREDI 16 DÉCEMBRE 2015

À 14 h 30, le soir et la nuit

- Désignation des onze membres de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l'évaluation interne

- Désignation des vingt-cinq membres de la mission d'information sur l'organisation, la place et le financement de l'Islam en France et de ses lieux de culte

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2016 ou nouvelle lecture

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2015 ou nouvelle lecture

- Deux conventions fiscales avec l'Allemagne, d'une part, et le Luxembourg, d'autre part

- Suite de la nouvelle lecture du projet de loi de modernisation de notre système de santé

JEUDI 17 DÉCEMBRE 2015

À 10 h 30, à 14 h 30 et le soir

- Projet de loi autorisant la ratification de l'accord commercial entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la Colombie et le Pérou, d'autre part

- 2 conventions internationales examinées selon la procédure d'examen simplifié

- Projet de loi autorisant la ratification de l'accord-cadre entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la République socialiste du Viêt Nam, d'autre part

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public

- Suite de la nouvelle lecture du projet de loi de modernisation de notre système de santé

La semaine du 12 janvier 2016 est une semaine de contrôle.

MARDI 12 JANVIER 2016

À 14 h 30

- Débat sur le thème : « Les incidences du crédit d'impôt recherche sur la situation de l'emploi et de la recherche dans notre pays »

- Débat sur le thème : « La forêt française en questions »

À 17 h 30 et, éventuellement, le soir

- Proposition de loi constitutionnelle relative à la compensation de toute aggravation par la loi des charges et contraintes applicables aux collectivités territoriales

MERCREDI 13 JANVIER 2016

De 14 h 30 à 18 h 30

- Proposition de résolution tendant à limiter le poids de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et à simplifier certaines normes réglementaires relatives à l'urbanisme et à la construction

- Proposition de loi visant à instaurer un Jour de Mémoire pour perpétuer notre histoire, sensibiliser les jeunes aux sacrifices de leurs anciens et aux valeurs républicaines de la nation française

De 18 h 30 à 19 h 30 et de 21 heures à minuit

- Sous réserve de sa transmission, proposition de loi d'expérimentation pour des territoires zéro chômage de longue durée

- Sous réserve de sa transmission, proposition de loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire

JEUDI 14 JANVIER 2016

À 11 heures

- Débat sur les conclusions du rapport de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques intitulé : « Sécurité numérique et risques : enjeux et chances pour les entreprises »

À 15 heures

- Questions d'actualité au Gouvernement

À 16 h 15

- Débat sur les conclusions du rapport de la commission d'enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l'air

Les semaines des 18 et 25 janvier 2016 sont réservées par priorité au Gouvernement.

MARDI 19 JANVIER 2016, à 14 h 30, à 17 h 45 après les questions d'actualité au Gouvernement et le soir, MERCREDI 20 JANVIER 2016 à 14 h 30 et le soir et JEUDI 21 JANVIER 2016, à 10 h 30, à 14 h 30 et le soir

- Projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages et proposition de loi organique relative à la nomination à la présidence du conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité

MARDI 26 JANVIER 2016

À 9 h 30

- Questions orales

À 14 h 30

- Explications de vote des groupes sur le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages et sur la proposition de loi organique relative à la nomination à la présidence du conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité

De 15 h 15 à 15 h 45

- Vote solennel par scrutin public, en salle des Conférences, sur le projet de loi

À 15 h 45

- Proclamation du résultat du scrutin public sur le projet de loi et scrutin public ordinaire en salle des séances sur la proposition de loi organique

À 16 heures et le soir

- Projet de loi relatif à l'information de l'administration par l'institution judiciaire et à la protection des mineurs

- Projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires

MERCREDI 27 JANVIER 2016

À 14 h 30 et le soir

- Suite éventuelle de l'ordre du jour de la veille

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi relatif aux réseaux des chambres de commerce et d'industrie et des chambres de métiers et de l'artisanat

- Sous réserve de sa transmission, proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique, contre le terrorisme et contre la fraude dans les transports publics de voyageurs

JEUDI 28 JANVIER 2016

À 10 h 30

- 1 convention internationale examinée selon la procédure d'examen simplifié

- Suite éventuelle de l'ordre du jour de la veille

- Projet de loi ratifiant l'ordonnance portant réduction du nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées

À 15 heures

- Questions d'actualité au Gouvernement

Éventuellement, à 16 h 15 et le soir

- Suite de l'ordre du jour du matin

Il en est ainsi décidé.

Agriculture et filière agroalimentaire (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la discussion de la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l'agriculture et de la filière agroalimentaire. Dans la discussion des articles, nous en sommes aux explications de vote sur l'amendement n°37.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE ADDITIONNEL (Suite)

M. Jean Bizet.  - Je salue l'initiative prise par le rapporteur avec cet amendement.

Passer d'un contingentement administratif à un contingentement privé serait un mauvais signal envoyé aux agriculteurs. Je salue le ministre, qui a été clair et poursuit la politique menée par tous les ministres de l'agriculture depuis 1983. Ce n'est pas en donnant une valeur marchande à ce qui n'en a plus depuis la suppression des quotas que l'on restructurera la filière.

M. Franck Montaugé.  - Je remercie le rapporteur à mon tour. Le groupe socialiste votera cet amendement pertinent.

M. Gérard Bailly.  - Merci à notre rapporteur pour cet amendement. Le ramassage du lait représente une difficulté dans les régions à faible densité laitière. Les collecteurs ne s'y précipitent pas, ce qui met les agriculteurs en difficulté.

L'amendement n°37 est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 2

M. Michel Raison .  - Cet article poursuit l'amélioration de la contractualisation : il prévoit une conférence des producteurs et des distributeurs au sein de laquelle ceux-ci examineront les modalités de détermination des prix, notamment en cas de crise. La consommation peut baisser en Chine, la production augmenter en Nouvelle-Zélande... Il est bon que tout le monde soit autour de la table.

Je disais tantôt que la morale primait la loi.

M. Jean Bizet.  - Dans le temps, oui !

M. Michel Raison.  - Pour que le mécanisme fonctionne, il faudra que chacun soit animé de bonne volonté, d'une conscience de l'intérêt commun, fasse preuve de sincérité, de rigueur, d'honnêteté intellectuelle pour mieux partager la valeur ajoutée.

M. Bruno Sido .  - Cet article instaure un cadre de médiation. Il faudra aussi tenir compte de l'impact du plan Écophyto II. Le député Dominique Potier avait été chargé de formuler des recommandations pour une nouvelle version du plan. Celle-ci a été rendue publique, qui prévoit de diviser par deux les volumes de pesticides utilisés, par une généralisation des pratiques durables, d'abord, par une mutation profonde des systèmes de production ensuite. Comme rapporteur des Grenelle I et II je m'en félicite. Toutefois, il faudra veiller à mesurer les effets de ce plan sur la compétitivité de notre agriculture.

M. le président.  - Amendement n°23, présenté par M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Rédiger ainsi cet article :

Après l'article L. 632-2 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 632-2-... ainsi rédigé :

« Art. L. 632-2-...  -  Les organisations interprofessionnelles reconnues organisent chaque année, pour chaque production agricole, une conférence sur les prix rassemblant producteurs, fournisseurs et distributeurs. L'ensemble des syndicats agricoles est convié à y participer.

« Cette conférence donne lieu à une négociation interprofessionnelle sur les prix, destinée à fixer un niveau plancher de prix d'achat aux producteurs pour chaque production agricole, et tenant compte notamment de l'évolution des coûts de production et des revenus agricoles sur chaque bassin de production.

« Elle peut également servir à déterminer un ou plusieurs indices publics de prix des produits agricoles ou alimentaires mentionnés à l'article L. 441-8 du code de commerce.

« Ce niveau plancher de prix d'achat tient compte, notamment, de l'évolution des coûts de production et des revenus des producteurs.

« Les établissements mentionnés aux articles L. 621-1 et D. 684-1 du présent code sont respectivement chargés de la mise en application et du respect par l'ensemble des opérateurs, au sein de chaque filière, du prix plancher d'achat fixé annuellement. »

M. Michel Le Scouarnec.  - Les conférences de filière ne seront utiles que si les rapports entre distributeurs et producteurs sont rééquilibrés, et si les producteurs ne sont plus obligés de vendre à perte. C'est pourquoi les conférences devront fixer un prix plancher d'achat aux producteurs.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Cette proposition a déjà été faite par le député André Chassaigne. Avis défavorable. Le droit européen interdit aux professionnels de fixer des prix plancher ou des prix obligatoires, cela constituerait une entente au sens du droit de la concurrence.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - La loi d'avenir a déjà instauré un médiateur pour faciliter le dialogue sur les prix.

Le Gouvernement se bat pour créer une interprofession qui intégrerait la grande distribution. C'est ainsi, plus qu'en créant une nouvelle conférence, qu'on avancera. Avis défavorable.

M. Bruno Sido.  - Je ne voterai pas cet amendement. Mais écoutons ce cri de détresse. Les prix varient du simple au double du jour au lendemain du fait de la volatilité des cours et des variations de change. Qui peut travailler dans ces conditions ? Comment veut-on que les jeunes s'installent ?

M. Henri Cabanel.  - La création de conférences ne modifiera pas le rapport de forces. La distribution continuera à faire ce qu'elle veut. Il est nécessaire que les filières s'organisent pour faire contrepoids. Il faut changer de stratégie, l'agriculture n'est pas un monde de bisounours.

M. Daniel Gremillet.  - Les accords interprofessionnels sur les prix sont interdits. Ensuite, ces conférences réuniront aussi la restauration collective.

M. Joël Labbé.  - Il y en a assez de ce fatalisme face à la grande distribution ou face à l'Europe. Il faudra bien que nous allions vers une régulation, que les producteurs soient payés à la hauteur de leur travail. Les écologistes voteront cet amendement qui envoie un signal positif.

L'amendement n°23 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°24, présenté par M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 611-4-2 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « fruits et légumes périssables peut être » sont remplacés par les mots : « produits agricoles et alimentaires est » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Après consultation des syndicats et organisations professionnelles agricoles, les ministres chargés de l'économie et de l'agriculture fixent le taux du coefficient multiplicateur, sa durée d'application et les produits visés. »

M. Michel Le Scouarnec.  - Cet amendement étend à l'ensemble des produits agricoles et alimentaires un dispositif partiellement réintroduit par l'article 23 de la loi du 23 février 2005 après son abandon en 1986, le coefficient multiplicateur. Fondé sur un principe simple d'encadrement des prix d'achat en lien avec les prix de vente, il s'agit d'appliquer un coefficient limitant les taux de marge sur l'ensemble de la filière, et plus particulièrement ceux des distributeurs.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Ce mécanisme recréé en 2005 n'a pas été mis en oeuvre car il prévoit un coefficient unique quel que soit le stade de commercialisation et suppose des contrôles administratifs que la DGCCRF n'a pas les moyens d'assumer. Il risque en outre de favoriser les produits importés. Avis défavorable.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Avis défavorable. J'ajoute à ces inconvénients que les effets de ce mécanisme seront répercutés sur les consommateurs, avec un risque de substitution.

L'amendement n°24 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par M. D. Dubois et les membres du groupe Union des UDI-UC.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le sixième alinéa de l'article 7 de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les établissements refusant de se soumettre aux enquêtes obligatoires du service statistique public relatives aux prix et aux marges des produits agricoles et alimentaires, pour les besoins de la mission de l'organisme mentionné à l'article L. 692-1 du code rural et de la pêche maritime, affichent leur manquement, de manière à ce que le public puisse en prendre connaissance. »

M. Jean-Jacques Lasserre.  - La fixation des prix et des marges est un objectif majeur. Les établissements qui ne respectent pas l'obligation de réponse aux enquêtes relatives aux prix et aux marges des produits agricoles et alimentaires doivent afficher leur volonté de ne pas y participer.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Avis favorable à cet amendement qui crée une publicité négative. Son efficacité dépendra des contrôles pour la faire respecter.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Retrait ? Quel serait l'impact de cet amendement ?

M. Daniel Dubois.  - Comme la mise en place de l'interprofession prendra du temps, le recours en amont à un médiateur est nécessaire ; en aval, il faut prévoir des pénalités, et laisser le consommateur arbitrer en toute connaissance de cause.

M. Joël Labbé.  - Je voterai cet amendement qui va dans le sens d'une meilleure transparence.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Le Gouvernement sera favorable à l'amendement n°5 rectifié de M. Dubois qui prévoit que l'Observatoire publiera la liste de ceux qui ne collaborent pas.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Les amendements nos4 rectifié et 5 rectifié nous paraissent au contraire complémentaires.

L'amendement n°4 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par M. D. Dubois et les membres du groupe UDI-UC.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le sixième alinéa de l'article 7 de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La liste des établissements refusant de se soumettre aux enquêtes obligatoires du service statistique public relatives aux prix et aux marges des produits agricoles et alimentaires, pour les besoins de la mission de l'organisme mentionné à l'article L. 692-1 du code rural et de la pêche maritime, font l'objet d'une publication par voie électronique par cet organisme. »

M. Daniel Dubois.  - Défendu.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°5 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 3

M. Michel Raison .  - La transparence est un mot bien connu en politique, avec tous les excès que l'on connaît...

M. Jean Bizet.  - À tous les étages !

M. Michel Raison.  - L'étiquetage est plus que jamais d'actualité en matière alimentaire. Les consommateurs doivent savoir ce qui est dans leur assiette. La rédaction de l'article 3 est équilibrée, sans excès ni ridicule.

M. le président.  - Amendement n°20 rectifié, présenté par M. Collin et les membres du groupe du RDSE.

Supprimer cet article.

M. Yvon Collin.  - Cet amendement est d'appel... Nos agriculteurs sont bien positionnés sur la compétitivité hors prix. Il faut poursuivre la négociation au niveau européen pour obtenir un étiquetage de l'origine des produits alimentaires. Le Parlement européen a adopté une résolution en ce sens.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Le droit européen fait obstacle à un étiquetage obligatoire de l'origine des viandes ou produits laitiers entrant dans la composition d'un plat transformé. L'article 3 contourne cette difficulté en répondant aux attentes des consommateurs comme des producteurs ; il rassure les producteurs en faisant référence à « l'ingrédient principal ».

Avis défavorable à l'amendement.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - La solution est à rechercher au niveau européen. Quelle complexité si un consommateur doit pouvoir demander l'origine et la nature de tous les produits qui entrent dans un produit transformé ! Ce qu'il faut indiquer, c'est l'origine de l'ingrédient principal. C'est le sens du label « Viandes de France » - animal né, élevé, abattu et transformé en France. C'est ce que prévoit le cahier des charges. D'ailleurs, un grand distributeur y est favorable. Aller plus loin serait nous pénaliser par rapport à nos voisins.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - L'essentiel, en effet, c'est l'ingrédient principal - le lait dans un yaourt à la vanille, pas la vanille...

Cet article vise à répondre à la demande de la société, tout en restant dans le cadre du droit européen.

M. Franck Montaugé.  - L'article 3 est une forme de surtransposition du droit communautaire. Tôt ou tard celui-ci devra évoluer sans obérer la compétitivité des entreprises.

M. Gérard Bailly.  - Le consommateur a droit à la transparence. Le logo « Viandes de France » est un succès. Les consommateurs attendent son extension à tous les produits. D'ailleurs un tel dispositif soutiendrait notre production.

Enfin, à l'heure de la transparence, est-il admissible que les vétérinaires ne puissent plus communiquer aux éleveurs ni la nature ni les prix des traitements antiparasitaires ?

M. Jean Bizet.  - Cet article est élégant. Il respecte le droit européen, est qualitatif, et ne constitue pas une charge excessive sur les entreprises productrices et de transformation. La simple existence de ce mécanisme rassurera les consommateurs.

L'amendement n°20 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste.

I.  -  Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 112-13.  -  Les distributeurs et les fabricants de produits alimentaires indiquent à tout consommateur qui en fait la demande, dans un délai n'excédant pas un mois, l'origine et le mode d'élevage utilisé pour les produits carnés, laitiers et les oeufs constituant un des ingrédients des produits alimentaires qu'ils ont fabriqués ou distribués.

II.  -  Alinéa 4

Après les mots :

de l'origine

insérer les mots :

et du mode d'élevage

M. Joël Labbé.  - Amendement élégant mais non d'appel... Il étend l'obligation d'information a posteriori des consommateurs à l'indication du mode d'élevage, au-delà de l'origine géographique, et à l'ensemble des ingrédients issus de l'élevage.

Les consommateurs sont de plus en plus sensibles aux conditions d'élevage. Le développement des élevages industriels en France, comme la ferme dite des 1 000 vaches, participe à la dégradation de la qualité de la production alimentaire en France, et pose des questions de santé publique.

Inspirons-nous du système d'étiquetage des oeufs.

M. le président.  - Amendement n°25, présenté par M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéa 2

Supprimer les mots :

à tout consommateur qui en fait la demande, dans un délai n'excédant pas un mois

M. Michel Le Scouarnec.  - L'article 3 de la loi de 2010 rendait possible la mention du pays d'origine des produits de la mer bruts ou transformés, possibilité étendue depuis aux viandes de mouton et de porc. La Commission européenne refuse toutefois de l'étendre aux autres produits. Or les producteurs et les consommateurs sont demandeurs d'une telle transparence.

M. le président.  - Amendement n°26, présenté par M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« L'étiquetage des denrées alimentaires issues d'animaux nourris avec des aliments génétiquement modifiés est obligatoire. »

M. Michel Le Scouarnec.  - Nous voulons un étiquetage obligatoire des produits alimentaires issus d'animaux nourris par des organismes génétiquement modifiés.

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« L'étiquetage des denrées alimentaires issues d'animaux nourris avec des aliments génétiquement modifiés est obligatoire. »

M. Joël Labbé.  - Pour les trois quarts, le cheptel français est nourri avec des OGM venus d'Amérique du sud. La terre sud-américaine doit servir à nourrir les populations sud-américaines !

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Soyons prudents sur ces questions. Les producteurs ont mis en place des labels, des cahiers des charges, ne les fragilisons pas. Si l'on rend le système trop contraignant, les collecteurs devront affréter un camion par produit... Avis défavorable à ces amendements.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Je suis certain qu'à prolonger le débat, d'autres informations apparaîtront sur les étiquettes : les conditions sanitaires des animaux...

M. Bruno Sido.  - Celle du producteur !

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Ne compliquons pas les choses. Trop d'information tue l'information et donc le choix du consommateur. Si un pot de rillettes - je suis élu de la Sarthe - a le logo « Viandes de France », cela signifie que les cochons sont originaires de France. C'est clair et simple. Inutile d'en rajouter. Avis défavorable.

M. Bruno Sido.  - L'amendement n°15 est particulièrement caricatural. M. Labbé est tantôt idéologue, tantôt démagogue. Pourquoi les bêtes seraient-elles mieux soignées dans les petits élevages ? En avez-vous déjà vu ? Cela revient à comparer les petits hôpitaux aux grands : où est-on le mieux saigné ?

M. Joël Labbé.  - C'est vous qui caricaturez !

M. Bruno Sido.  - Attaquer ainsi la qualité des produits issus de grandes exploitations n'est pas acceptable.

MM. Jean Bizet et Charles Revet.  - C'est même indigne !

M. Michel Raison.  - Déceler les traces d'OGM ingérés par les bêtes n'est jamais évident. Certains fromages d'AOC sont certes faits avec du lait garanti sans OGM mais leur présure est transgénique...

Mme Sophie Primas.  - Un consommateur qui achète un produit y consacre entre trois et sept secondes : aura-t-il le temps de lire l'origine du produit, la présence ou non d'OGM. ? L'intention est bonne, mais le mieux est parfois l'ennemi du bien.

M. Joël Labbé.  - Le distributeur doit être en mesure de préciser a posteriori l'origine de ce qu'il vend. Et le consommateur en droit de privilégier un mode de consommation - et de production - à un autre.

On est dans le dur sur les OGM. La France en a refusé la culture ...

M. Jean Bizet.  - C'est une erreur !

M. Joël Labbé.  - ...mais importe de la viande de bêtes nourries aux OGM : le consommateur doit savoir ce qu'il mange. À l'heure de la COP21, le soja transgénique sud-américain est hors-jeu pour les années qui viennent !

L'amendement n°15 n'est pas adopté non plus que les amendements nos 25, 26 et 17.

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié, présenté par M. D. Dubois et les membres du groupe UDI-UC.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La liste des distributeurs et des fabricants de produits alimentaires qui ne respectent pas cette obligation est tenue publique par le ministère en charge de l'alimentation.

M. Jean-Jacques Lasserre.  - Cet amendement contraint les distributeurs et les fabricants de produits alimentaires à respecter l'obligation d'information du consommateur prévue par cet article. Cette liste permettra au consommateur d'être bien informé.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - N'en rajoutons pas ! Avis très défavorable. Le jour où vous me demanderez des mesures de simplification, je vous rappellerai cette soirée !

M. Daniel Dubois.  - Comment comprendre qu'une obligation ne soit pas assortie de contrôle ?

L'amendement n°7 rectifié est adopté.

L'amendement n°1 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 112-...  -  L'indication du mode d'élevage est rendue obligatoire pour l'ensemble des produits carnés et laitiers destinés à la consommation humaine, à l'état brut ou transformé, sur le modèle de celui existant pour les oeufs, selon les termes 0 = biologique, 1 = en plein air, 2 = extensif en bâtiment, 3 = système intensif.

« La liste des produits concernés, les caractéristiques de l'étiquetage et les modalités d'application sont fixées par décret en Conseil d'État. »

M. Joël Labbé.  - Défendu.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Avis défavorable, pour les raisons énoncées précédemment. Restons simples, tenons-nous en aux cahiers des charges existants.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°16 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°30 rectifié quinquies, présenté par M. Canevet et les membres du groupe UDI-UC.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 112-14.  -  Les distributeurs et les fabricants de produits alimentaires indiquent, sous forme d'étiquetage, l'origine de leurs produits carnés et laitiers.

« Les modalités d'application du présent article sont définies par décret. »

Mme Françoise Gatel.  - Cet amendement instaure un étiquetage en amont des produits carnés et laitiers, pour renforcer la compétitivité de notre agriculture. La Commission européenne a bien décidé l'étiquetage des produits venant des colonies israéliennes de Palestine, comment refuserait-elle une meilleure information sur les produits carnés entrant dans la composition des plats transformés ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Cet amendement est contraire au droit européen. L'étiquetage des produits issus des colonies israéliennes a été décidé au niveau européen. Avis défavorable.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Le droit européen de l'étiquetage l'empêche en effet : avis défavorable. Je continuerai à me battre pour le faire évoluer.

Mme Françoise Gatel.  - Entendu. Mais alors agissez au niveau européen !

L'amendement n°30 rectifié quinquies est retiré.

L'article 3, modifié, est adopté.

ARTICLE 4

M. Bruno Sido .  - Le plan Écophyto risque de brider la compétitivité de nos exploitations. Ayons un mot d'ordre : tout le droit européen, rien que le droit européen, ne surtransposons pas. Tenons un benchmark européen afin de renforcer notre compétitivité, en diffusant les bonnes pratiques dans l'usage des pesticides et le maintien des rendements. Certes, c'est du domaine réglementaire, mais envoyons les signaux utiles.

Avec 29 millions d'hectares, la France a l'une des premières surfaces agricoles, mais n'est que le neuvième État en termes d'utilisation de pesticides.

M. le président.  - Amendement n°34, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission.

Première phrase

Après les mots :

ou de cheptel

insérer les mots :

ou de l'acquisition ou la rénovation de bâtiments d'élevage

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Cet amendement étend la faculté de reporter, en cas de crise, le remboursement du capital des emprunts souscrits aux emprunts finançant la construction ou la rénovation de bâtiments d'élevage.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Je comprends le poids que constitue le remboursement d'un emprunt, qui peut se traduire par une année blanche. Mais la loi n'est pas faite pour traiter les crises conjoncturelles - contre lesquelles nous avons déployé des solutions... conjoncturelles. Avis défavorable.

M. Daniel Dubois.  - Les reports de remboursement de prêts existent déjà pour d'autres filières. L'inscrire dans la loi donne une certaine liberté aux agriculteurs, confrontés aux aléas.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Je vous mets en garde : les banques en profiteront pour renchérir l'accès au crédit...

M. Bruno Sido.  - C'est vrai.

M. Marc Laménie.  - Les agriculteurs sont, pour certains, trop sinistrés. L'enjeu financier est parfois considérable pour les petites exploitations. Et obtenir un prêt relève parfois du parcours du combattant. Il faut les soutenir.

M. Alain Vasselle.  - Monsieur le rapporteur, il n'y a pas lieu de réserver une telle possibilité aux éleveurs. Tous les agriculteurs sont confrontés aux aléas climatiques et aux aléas des cours.

Monsieur le ministre, l'article 4 précise qu'il ne vise que les situations de crise. Et dans ce type de circonstance, c'est précisément des mesures de cette nature que vous prenez !

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Précisément : la loi n'est pas faite pour traiter des crises. Et je vous le répète : les coûts du crédit s'en ressentiront.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Je vous rassure, monsieur Vasselle, l'amendement concerne tous les agriculteurs.

Cette proposition de loi a pour objectif de s'inscrire dans le temps, de traiter les problèmes structurels, pas les crises conjoncturelles. J'y vois un moyen de surmonter les problèmes que vous avez avec les banques sur la prise en charge de l'année blanche, monsieur le ministre. Le renchérissement des prêts sera moindre dès lors que le mécanisme est inscrit dans la loi. Les banques incluront les aléas dans le calcul du risque.

L'amendement n°34 est adopté.

L'article 4, modifié, est adopté.

ARTICLE 5

M. le président.  - Amendement n°19 rectifié, présenté par M. Collin et les membres du groupe du RDSE.

I.  -  Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le livret de développement agricole

II.  -  Alinéas 5, 6, 8 et 9

Remplacer les mots :

livret vert

par les mots :

livret de développement agricole

M. Yvon Collin.  - L'article 5 crée un nouveau produit d'épargne défiscalisée afin de soutenir l'investissement dans notre agriculture. Nous soutenons cette proposition, mais souhaitons renommer ce « Livret vert » en « Livret de développement agricole » ; « vert » est trop connoté agroécologie ; en outre, il existe un Livret de développement durable dédié à l'environnement, ce qui risque de créer une confusion.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Sagesse. L'on pourrait en discuter des heures...

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Je préfère « Livret vert ». L'épargne n'est pas infiniment extensible, mais le problème est moins celui de la disponibilité des fonds que leur affectation. Sur ce point le texte est peu explicite. De plus, comment ce livret serait-il rémunéré ?

M. Henri Cabanel.  - Cette idée est séduisante. Mais quelle effectivité sans concertation avec le secteur bancaire, hostile à la création d'un nouveau livret ? Je crains le risque de confusion mais pourquoi pas.

L'amendement n°19 rectifié n'est pas adopté.

L'article 5 est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié, présenté par M. D. Dubois et les membres du groupe UDI-UC.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi, un rapport dont l'objet est de prévoir l'ouverture de prêts à longue durée pour les jeunes agriculteurs, assis sur le livret de développement durable et le livret vert.

M. Daniel Dubois.  - Cet amendement prévoit la mise à l'étude de prêts à longue durée pour les jeunes agriculteurs. Ces prêts pourraient être assis sur le Livret de développement durable et sur le Livret vert. Au moment de l'installation, les difficultés sont importantes pour les jeunes agriculteurs. Des prêts à long terme les aideraient à passer ces premières années difficiles et relieraient les anciens aux nouveaux ruraux.

M. le président.  - Sous-amendement n°36 à l'amendement n°11 rectifié de M. D. Dubois et les membres du groupe UDI-UC, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission.

Amendement n° 11 rectifié, alinéa 3

1° Remplacer les mots :

prêts à longue durée

par les mots :

prêts de carrière

2° Supprimer les mots :

, assis sur le livret de développement durable et le livret vert

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Nous n'aimons guère les demandes de rapport, mais le sujet le mérite. Favorable à l'amendement si notre sous-amendement de précision est adopté.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Sagesse.

Le sous-amendement n°36 est adopté.

L'amendement n°11 rectifié, ainsi sous-amendé, est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 6

M. le président.  - Amendement n°32 rectifié quinquies, présenté par M. Canevet et les membres du groupe UDI-UC.

I. - Alinéa 7, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, ou lorsqu'au titre de deux années consécutives, la somme arithmétique des baisses de valeur ajoutée mesurées excède 10 %

II.  -  Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Claude Kern.  - La reconnaissance de l'aléa économique est liée à la constatation d'une baisse de valeur ajoutée de l'exercice de plus de 10 %, par rapport à la moyenne triennale des valeurs ajoutées des trois exercices précédents. Cette condition est trop rigide. Il n'est pas rare qu'un exploitant constate des baisses de valeur ajoutée pendant plusieurs années successives, mais que chacune de ces baisses soit inférieure au seuil de déclenchement de la déduction pour aléas (DPA).

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Cet amendement apporte une souplesse acceptable : avis favorable.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Défavorable : cet amendement ne peut relever que d'une loi de finances. Le collectif reviendra sur la DPA, qui reste un outil de souplesse pour faire des réserves.

L'amendement n°32 rectifié quinquies est adopté.

M. le président.  - Amendement n°31 rectifié quinquies, présenté par M. Canevet et les membres du groupe UDI-UC.

Alinéa 13

Remplacer le montant :

27 000 €

par le montant :

35 000 €

M. Jean-François Longeot.  - Le plafond de la DPA, à 27 000 euros, est trop bas : cet amendement le porte à 35 000 euros.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Avis favorable. Le plafond global reste à 150 000 euros

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Défavorable : c'est encore un sujet de loi de finances. Le monde agricole ne demande pas de relever ce plafond.

L'amendement n°31 rectifié quinquies est adopté.

L'article 6, modifié, est adopté.

ARTICLE 6 BIS

M. Gérard César .  - Lorsqu'un jeune agriculteur s'installe, il peut bénéficier de la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs (DJA) et de prêts bonifiés. La situation peut être aggravée par des aléas climatiques ou sanitaires.

Jean-Paul Emorine et moi-même nous sommes battus pour obliger les jeunes agriculteurs à s'assurer. Le Gouvernement, sur ce sujet, nous a abandonnés en rase campagne.

L'Europe finance à 65 % les prêts aux jeunes agriculteurs. Si je suis pour la DPA - quand il y en a une ! - je reste réservé sur le maintien de la déduction pour investissement.

L'article 6 bis est adopté, ainsi que l''article 6 ter et l'article 7.

ARTICLE 8

L'amendement n°2 n'est pas défendu.

L'article 8 est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié, présenté par M. D. Dubois et les membres du groupe UDI-UC.

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Pour toute nouvelle norme créée dans le domaine agricole, une norme antérieure est abrogée.

Chaque année, un bilan de cette balance entre normes créées et normes abrogées est rendu public.

M. Daniel Dubois.  - Les contraintes normatives et réglementaires pesant sur les agriculteurs sont de plus en plus fortes et nuisent considérablement à la compétitivité de notre agriculture. L'instabilité de l'environnement juridique freine son développement et affecte la motivation des agriculteurs.

Cet amendement limite la surrèglementation en prévoyant qu'à chaque norme nouvellement créée soit supprimée une norme existante et prévoit qu'un bilan annuel est réalisé.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - De quelles normes parlait-on ? Comment étendre le principe aux normes non agricoles ? Ce principe, toutefois, est bon : avis favorable.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - C'est du domaine réglementaire ; et pour aller dans le sens que vous réclamez, il faudrait avoir une claire définition de ce dont on parle. Que supprime-t-on quand on transpose une directive européenne ? Simplifier les choses, nous nous y employons. Avis défavorable.

M. Franck Montaugé.  - Ne nous précipitons pas sur cette question. Le groupe de travail présidé par Daniel Dubois rendra bientôt son rapport. Faute de pouvoir évaluer la pertinence d'un tel amendement, nous nous abstiendrons.

M. Daniel Dubois.  - Même si le ministère de l'agriculture fournit des efforts importants de simplification, chacun connaît la propension des parlementaires et du Gouvernement à créer sans cesse des normes, qui in fine, pèsent sur les agriculteurs.

La simplification, n'était-ce pas, d'ailleurs, un engagement du président de la République ? Nous le mettons en oeuvre ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. Henri Cabanel.  - Je souscris à l'objectif de simplification. Nous y oeuvrons avec Daniel Dubois au sein du groupe de travail sur les normes qu'il anime. Quant à l'engagement du président de la République, il est tenu : ce Gouvernement comporte un secrétaire d'État en charge de la simplification. Continuons à travailler avec lui.

L'amendement n°8 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié, présenté par M. D. Dubois et les membres du groupe UDI-UC.

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Toute nouvelle norme créée dans le domaine agricole l'est à titre expérimental pour une durée de cinq ans. À l'issue de cette période, un bilan de cette expérimentation permet d'établir un prolongement ou une abrogation de cette norme.

M. Daniel Dubois.  - Je plaide pour des normes à durée déterminée, de cinq ans. On crée des normes sans en faire le bilan. Rendons automatique l'évaluation d'une norme cinq ans après son entrée en vigueur.

M. Daniel Gremillet.  - Sagesse. Si le principe est bon, les acteurs ont aussi besoin de stabilité juridique.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Cet amendement rend notre cadre juridique incertain ; les investisseurs, au contraire, attendent de la visibilité.

En outre, nous avons donné cinq ans aux acteurs pour obtenir des objectifs que nous leur avons donnés dans le plan phyto II.

M. Daniel Dubois.  - Au moins nous sommes d'accord sur l'objectif... Les normes doivent faire l'objet d'une coproduction en amont, et d'une évaluation en aval.

Cela posé, je retire l'amendement.

L'amendement n°10 rectifié est retiré.

ARTICLE 8 BIS

Mme Patricia Morhet-Richaud .  - L'expérimentation proposée dans cet article va dans le bons sens. L'alignement de notre niveau de normes sur celles prévues par le droit européen est un signal positif, particulièrement dans les zones de montagne plus fragiles, comme les Hautes-Alpes, où les contraintes sont déjà très nombreuses en raison du relief, du climat et de la taille des exploitations. Cette simplification pour le secteur de l'élevage est bienvenue.

L'article 8 bis est adopté.

ARTICLE 9

Mme Delphine Bataille .  - Cet article propose un allègement dégressif des charges patronales jusqu'à 1,5 fois le salaire minimum pour les salariés permanents d'une entreprise agricole. Or la crise est due tout autant à la faiblesse des prix, aggravée par la surproduction, qu'à la contraction des grands marchés, à l'embargo russe, ou à la fin des quotas laitiers, que vous avez votée en 2008. Elle appelle donc des propositions de fond, qui remettraient en cause la logique libérale que vous n'avez eu de cesse d'encourager ou que vous n'avez rien fait pour contrecarrer, lorsque vous étiez au pouvoir, entre 2002 et 2012. (Protestations à droite) Vous en déplorez aujourd'hui les effets. (Même mouvement)

L'agriculture est bien un pilier de notre économie que nous devons réguler. Le Gouvernement soutient la filière grâce à des allègements de charges massifs : 3,9 milliards cette année, 4,2 milliards l'an prochain, 4,6 milliards en 2017.

M. Jean Bizet.  - Donc tout va bien !

Mme Delphine Bataille.  - Laissons à la loi d'avenir le temps de porter ses fruits. Cette proposition de loi, elle, très politique, n'apporte rien. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. le président.  - Amendement n°13 rectifié quinquies, présenté par M. Chasseing, Mme Cayeux, M. Médevielle, Mme N. Goulet, MM. Doligé, Luche, Dufaut et Chatillon, Mme Troendlé, M. Canevet, Mme Mélot, MM. B. Fournier, Longeot, Lefèvre, Pellevat, Guerriau, Pierre, G. Bailly, Gabouty, Morisset et Savary, Mme Hummel, M. D. Laurent, Mmes Primas, Doineau, Goy-Chavent et Deroche, M. Bockel, Mme Deseyne, MM. Huré, Mandelli et Revet, Mmes Deromedi et Gruny et MM. Houel, Delattre, Panunzi, Pinton, Mayet et Pointereau.

I. - Après l'alinéa 1

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...° La sous-section 1 de la section 2 du chapitre Ier du titre III du livre VII du code rural et de la pêche maritime est complétée par un article L. 731-13-... ainsi rédigé :

« Art. L. 731-13-... -  Les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole bénéficient d'une exonération partielle des cotisations d'assurance maladie, invalidité et maternité, à l'exception de la cotisation prévue pour financer les prestations mentionnées à l'article L. 732-4, et des cotisations de prestations familiales et d'assurance vieillesse agricole dont ils sont redevables pour eux-mêmes et au titre de leur exploitation ou entreprise.

« Les taux d'exonération, le plafond des exonérations et le montant minimal des cotisations dont les chefs d'exploitation sont redevables sont déterminés par décret. » ;

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Daniel Chasseing.   - Cette proposition de loi est bienvenue. Merci à ses auteurs.

Il est très difficile de réguler les prix. Pour restaurer notre compétitivité, mieux vaut baisser les charges. Mais beaucoup d'exploitations, notamment dans l'élevage et la production laitière, n'ont pas de salariés. Ces agriculteurs travaillent en famille et connaissent de grandes difficultés à cause de charges fixes trop importantes. On est loin du CICE. C'est le monde réel ! Dans ma commune, il y avait encore 90 fermes familiales dans les années quatre-vingt-dix. Elles ne sont plus qu'une trentaine en activité aujourd'hui.

L'accroissement de la surface des exploitations ne suffit pas. Aussi est-il nécessaire de leur rendre de la compétitivité par le biais d'une baisse des charges sociales.

Cette baisse de charges sera financée par une hausse de la TVA ; elle n'aura donc pas de conséquences sur le budget de l'État et des organismes de sécurité sociale.

M. Didier Guillaume.  - Mais sur le budget des Français, si !

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Avis favorable à cette mesure de justice, attendue par le monde agricole.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Le droit européen interdit des aides spécifiques à un unique secteur. La Commission européenne a déjà statué sur une proposition similaire de M. de Courson, reprise par Bruno Le Maire, et que nous avions trouvée en arrivant rue de Varenne.

Je rappelle en outre que le CICE et le pacte de responsabilité prévoient un milliard d'euros d'exonérations de charges pour les indépendants, soit zéro charge au niveau du smic, et 4 milliards d'euros en tout, soit l'équivalent de l'ensemble du budget de mon ministère, enseignement agricole compris, ce qui est inédit.

M. Didier Guillaume.  - Oui, c'est du jamais vu !

M. Alain Vasselle.  - Voilà qui remet à l'ordre du jour la TVA sociale ! N'oublions pas que les exploitants agricoles qui emploient un salarié sont parfois moins bien lotis que ceux qui travaillent seuls. Une étude d'impact serait en tout cas nécessaire pour évaluer les conséquences budgétaires d'une telle mesure.

M. Gérard Bailly.  - Je voterai cet amendement. L'agriculture individuelle doit surmonter de nombreuses difficultés, sans parler de la solitude, surtout dans l'élevage, quand il y a une trentaine de vaches à traire chaque jour. Je l'ai vécu pendant trente ans ! C'est pourquoi nous prônons l'agriculture sociétale, avec, de facto, des exploitations plus grandes. Pourquoi leur production, d'ailleurs, madame Bataille, serait-elle moins bonne ? Je m'inscris en faux contre ce préjugé hélas trop répandu. Les socialistes devraient au contraire encourager ces formes de travail collectif, social ! Cessez en tout cas de disqualifier les grandes exploitations ! (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)

L'amendement n°13 rectifié quinquies est adopté.

M. le président.  - Amendement n°35, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission.

Après l'alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° La contribution au fonds paritaire chargé du financement mutualisé des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs, prévue à l'article L. 2135-10 du même code.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Cet amendement étend le champ de l'exonération de cotisations patronales au titre des salariés permanents des exploitations agricoles aux contributions versées aux fonds paritaires de financement des organisations syndicales.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Avis défavorable.

Monsieur Vasselle, un point de TVA, c'est 6 milliards d'euros. Le pacte de responsabilité, c'est 40 milliards d'euros... sans les risques sociaux et d'inflation.

M. Didier Guillaume.  - Très bien !

L'amendement n°35 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Dans un délai d'un an suivant l'adoption définitive de la présente proposition de loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la protection sociale des cotisants solidaires.

M. Joël Labbé.  - C'est une demande de rapport, pour attirer l'attention sur la situation des cotisants solidaires qui bénéficient d'une protection sociale très faible, limitée aux accidents du travail et à la formation professionnelle. La loi d'avenir a permis à certains exploitants d'accéder au titre de « chef d'exploitation agricole ». Cependant, il reste une frange importante de petits exploitants agricoles dans une situation de grande précarité, les petits producteurs-cueilleurs de plantes médicinales, par exemple, ont aussi droit à une protection sociale.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Oui, la loi d'avenir a reconnu la situation de ces cotisants dont la contribution, ainsi que la couverture, sont modestes ; 100 000 personnes sont concernées. Un rapport est en ce cas justifié. Sagesse.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°18 est adopté.

(On applaudit à droite)

L'article 9, modifié, est adopté.

ARTICLE 9 BIS

M. le président.  - Amendement n°12 rectifié, présenté par Mme N. Goulet et les membres du groupe UDI-UC.

A.  -  Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

I.  -  Le I de l'article 244 quater C du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ces dispositions s'appliquent aux rémunérations perçues par les travailleurs indépendants agricoles. »

B.  -  Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :

III.  -  Le I s'applique à compter du 1er janvier 2015.

IV.  -  Le I ne s'applique qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

V.  -  La perte de recettes résultant  pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Jean-François Longeot.  - Les travailleurs indépendants agricoles doivent également bénéficier du CICE, qui ne vise, actuellement, que les salariés.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Retrait au profit de l'amendement n°13 rectifié quinquies qui crée une exonération de charges plus opérationnelle.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°12 rectifié est retiré.

L'article 9 bis est adopté.

L'article 10 est adopté.

L'article 11 est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié quater, présenté par M. Chasseing, Mme Cayeux, M. Médevielle, Mme N. Goulet, MM. Doligé, Luche, Dufaut et Chatillon, Mmes Troendlé et Mélot, MM. Longeot, Lefèvre, Pellevat, Guerriau, Pierre, G. Bailly, Gabouty et Morisset, Mme Hummel, M. D. Laurent, Mmes Primas, Doineau, Goy-Chavent et Deroche, M. Bockel, Mme Deseyne, MM. Huré, Mandelli et Revet, Mmes Deromedi et Gruny et MM. Houel, Delattre, Panunzi, Pinton et Mayet.

Après l'article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après l'article 1394 C du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ...- Les exploitants agricoles sont exonérés en totalité de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, dans la limite de soixante hectares de surface agricole utilisable. »

II.  -  La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

III.  -  La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Daniel Chasseing.  - Sans agriculture, point de ruralité. Défendons les exploitations familiales. Pour cela, cet amendement baisse leurs charges fixes, en les exonérant de taxe sur le foncier non bâti sur les soixante premiers hectares. La baisse des recettes étant compensée par une hausse de TVA, l'effet sur le budget de l'État et de la sécurité sociale est nul.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Avis favorable pour ouvrir le débat. Cet amendement coûterait tout de même 500 millions d'euros.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Avis défavorable. En effet, 500 millions à 700 millions d'euros, ce qui n'est pas rien ! Cette baisse ne concernerait que les propriétaires, donc pas la totalité des agriculteurs.

M. Alain Vasselle.  - C'est juste. J'espère que la commission des affaires économiques étudiera un dispositif de même inspiration...

M. Joël Labbé.  - Cet amendement concernerait également les petites exploitations qui vendent directement leurs produits. Elles méritent aussi d'être aidées.

L'amendement n°14 rectifié quater est adopté et devient un article additionnel.

L'article 12 est adopté.

ARTICLE 13

M. le président.  - Amendement n°33 rectifié quater, présenté par M. Chasseing, Mme Cayeux, M. Médevielle, Mme N. Goulet, MM. Doligé, Luche, Dufaut et Chatillon, Mmes Troendlé et Mélot, MM. Longeot, Lefèvre, Pellevat, Guerriau, Pierre, G. Bailly, Gabouty et Morisset, Mme Hummel, M. D. Laurent, Mmes Primas, Doineau, Goy-Chavent et Deroche, M. Bockel, Mme Deseyne, MM. Huré, Mandelli et Revet, Mmes Deromedi et Gruny et MM. Houel, Delattre, Panunzi, Pinton et Mayet.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l'État, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Daniel Chasseing.  - Nous finançons nos aides à l'agriculture par une hausse de la TVA.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Cet amendement est la conséquence de l'amendement n°14 rectifié quater. Avis favorable, sous réserve d'une modification rédactionnelle : il faut remplacer « du présent article » par « de la présente loi ».

M. Daniel Chasseing.  - J'accepte.

M. le président.  - Ce sera l'amendement n°33 rectifié quinquies.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Avis défavorable. Le CICE et le pacte de responsabilité ont déjà prévu des exonérations de charges ambitieuses.

M. Daniel Chasseing.  - Il nous faut des mesures structurantes de long terme.

L'amendement n°33 rectifié quinquies est adopté.

L'article 13, modifié, est adopté.

Interventions sur l'ensemble

M. Rémy Pointereau .  - Je voterai cette proposition de loi qui vise à remédier à une crise sans précédent, même si beaucoup de chemin reste à faire.

Quelle profession est confrontée à autant de risques que celle d'agriculteur - climatiques, bien entendu, mais aussi financiers, sanitaires, commerciaux, de trésorerie, de capital ?

La DPA ne résoudra pas tout - car il faut des revenus - ni l'assurance récolte. Inspirons-nous du système américain qui permet d'agir sur les prix. Les agriculteurs veulent vivre de leur activité, et pas simplement survivre. (Applaudissements à droite)

M. Henri Cabanel .  - Cette proposition de loi n'est pas à la hauteur de ses ambitions. Elle consiste en aménagements divers et fiscaux, non en une réforme de fond. Enfin, la hausse de la TVA est contraire aux objectifs de baisse de la pression fiscale. L'effort du Gouvernement en faveur de l'agriculture est sans précédent. Notre groupe s'abstiendra.

M. Jean-Claude Lenoir, auteur de la proposition de loi .  - Certains ont insinué que cette proposition de loi avait été inscrite à l'ordre du jour pour des raisons électorales. Rien n'est moins vrai. Cette proposition de loi a été déposée le 16 octobre, rapportée dans les meilleurs délais, compte tenu des auditions prévues par le rapporteur, et la seule semaine d'initiative parlementaire disponible était celle-ci... (Applaudissements à droite)

Nul n'a insinué en revanche que la proposition de loi socialiste sur les cantines scolaires avait des visées électorales...

Je remercie enfin le ministre. Je salue la convergence sur ces sujets avec le Gouvernement, qui reprend certaines de nos propositions dans la loi de finances rectificative. D'où le malaise de certains qui avaient sans doute préparé leurs textes un peu trop tôt... D'ailleurs, si cette proposition de loi est insuffisante, pourquoi ne pas avoir déposé d'amendements ?

De plus, cette loi n'entre pas en contradiction avec la loi d'avenir agricole, que personne à droite ne conteste.

L'enjeu est la survie de notre élevage, de notre agriculture. (Applaudissements à droite)

M. Franck Montaugé .  - Nous maintenons nos arguments. Cette proposition de loi apporte des avancées à la marge, mais des points essentiels restent pendants, comme la volatilité des marchés, l'assurance récolte, etc. Nous nous sommes exprimés avec sincérité et respect. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Joël Labbé .  - Le groupe écologiste s'abstiendra. Un immense regret : on a presque exclusivement parlé de compétitivité. Parlons de relocalisation de l'alimentation, de producteurs de qualité. C'est ce qu'attendent les Français. La loi d'avenir agricole a ouvert la voie aux projets alimentaires territoriaux. Il faut les développer. Ainsi l'on parlera moins de concurrence internationale et plus de produits de qualité et de proximité.

M. Daniel Dubois .  - L'UDI-UC votera ce texte. Enfin, la question de la compétitivité est posée ! L'agriculture est un secteur économique à part entière et n'échappe pas à cette contrainte. Les agriculteurs n'ont pas à souffrir d'une surimposition de normes qui ne cessent de s'empiler en silo et doivent être considérés comme de véritables acteurs économiques du développement durable.

M. Michel Le Scouarnec .  - Aucun de nos amendements n'a été adopté. Nous voterons contre cette proposition de loi très insuffisante au regard des enjeux de notre agriculture. Il faudra y revenir.

À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°105 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 220
Pour l'adoption 201
Contre   19

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements au centre et à droite)

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 10 décembre 2015, à 10 h 30.

La séance est levée à minuit.

Mercredi 9 décembre 2015

Bas sommaire

Sommaire

Suivi de l'état d'urgence1

CMP (Nominations)1

Dépôt d'un rapport1

Renvoi pour avis1

Accès à la restauration scolaire1

Discussion générale1

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique1

M. Jean-Claude Carle, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication2

M. Michel Amiel2

M. Claude Kern2

Mme Brigitte Gonthier-Maurin2

M. Jacques-Bernard Magner2

Mme Marie-Christine Blandin2

M. Guy-Dominique Kennel2

Mme Chantal Deseyne2

M. Yannick Vaugrenard2

Mme Marylise Lebranchu, ministre2

Discussion des articles2

ARTICLE PREMIER2

Mme Dominique Gillot2

Mme Bariza Khiari2

M. Christian Manable2

M. Jean-Louis Carrère2

M. Jean-François Longeot2

M. Michel Raison2

Mme Brigitte Gonthier-Maurin2

M. Yannick Vaugrenard2

M. Martial Bourquin2

M. Michel Le Scouarnec2

ARTICLE 22

Engagement de la procédure accélérée2

Agriculture et filière agroalimentaire2

Discussion générale2

M. Jean-Claude Lenoir, auteur de la proposition de loi2

M. Daniel Gremillet, rapporteur de la commission des affaires économiques2

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement2

M. Jacques Mézard2

M. Michel Le Scouarnec2

M. Henri Cabanel2

M. Joël Labbé2

M. Daniel Dubois2

M. Jean Bizet2

M. Jackie Pierre2

M. Jean-Jacques Lasserre2

M. Franck Montaugé2

M. Gérard Bailly2

M. Jean-Claude Lenoir, auteur de la proposition de loi2

Discussion des articles2

ARTICLES ADDITIONNELS avant l'article premier2

ARTICLE PREMIER2

M. Michel Raison2

ARTICLE ADDITIONNEL2

Conférence des présidents2

Agriculture et filière agroalimentaire (Suite)2

Discussion des articles (Suite)2

ARTICLE ADDITIONNEL (Suite)2

ARTICLE 22

M. Michel Raison2

M. Bruno Sido2

ARTICLES ADDITIONNELS2

ARTICLE 32

M. Michel Raison2

ARTICLE 42

M. Bruno Sido2

ARTICLE 52

ARTICLES ADDITIONNELS2

ARTICLE 62

ARTICLE 6 BIS2

M. Gérard César2

ARTICLE 82

ARTICLES ADDITIONNELS2

SÉANCE

du mercredi 9 décembre 2015

43e séance de la session ordinaire 2015-2016

présidence de M. Jean-Claude Gaudin, vice-président

Secrétaires : M. Serge Larcher, M. Philippe Nachbar.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Suivi de l'état d'urgence

M. le président.  - Par lettre en date de ce jour et conformément à l'article 22 ter du Règlement, M. Philippe Bas, président de la commission des lois, a indiqué à M. le Président du Sénat que la commission des lois demande au Sénat, en application de l'article 5 ter de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, de lui conférer les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête pour le suivi de l'état d'urgence, pour une durée de six mois.

Cette demande sera examinée par la Conférence des Présidents lors de sa réunion de ce soir.

CMP (Nominations)

M. le président.  - M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2016. En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du 7 décembre prennent effet.

Dépôt d'un rapport

M. le président.  - M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la stratégie du commerce extérieur de la France et la politique commerciale européenne. Acte est donné du dépôt de ce rapport qui a été transmis à la commission des affaires économiques et à celle des affaires européennes.

Renvoi pour avis

M. le président.  - J'informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2015 dont la commission des finances est saisie au fond est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des affaires économiques.

Accès à la restauration scolaire

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à garantir le droit d'accès à la restauration scolaire.

Discussion générale

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique .  - Après les événements tragiques du 13 novembre, nous devons consolider la République dans tous les territoires. Il n'est pas inutile de le rappeler en ce jour où nous fêtons la laïcité, 110 ans après le vote de la loi Briand qui l'a consacrée valeur constitutive de la République.

L'école reste le pilier de la République : les enfants y découvrent les règles et la vie en collectivité, y apprennent à devenir citoyen au contact des enseignements mais aussi de tous les adultes qu'ils y côtoient.

La restauration scolaire ne représente pas seulement un service, c'est un lieu d'échange, un lieu d'apprentissage, un lieu hautement éducatif qui s'incarne dans le fait de s'asseoir avec d'autres autour d'une table.

Garantir le droit à la restauration scolaire est une nécessité car c'est un service public, ouvert par définition à tous les enfants.

M. Jean-Louis Carrère.  - Absolument !

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Pour beaucoup d'entre eux, ce repas est souvent le seul équilibré de la journée. Or certains maires refusent l'accès à la cantine aux enfants dont un des parents ne travaille pas ou est au chômage ; c'est inacceptable d'abord parce que cela pèse sur les femmes au foyer.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Tout à fait.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Ensuite, parce que punir de cantine les enfants de chômeur transforme leur malaise en culpabilité sociale. L'État n'a pas l'obligation de compenser la charge de cantine aux communes, qui ont le choix de fournir ou non ce service public. Lorsqu'elles l'offrent, elles ne sauraient en restreindre l'accès. La Convention internationale des droits de l'enfant rappelle d'ailleurs le droit à une alimentation équilibrée.

Alors que nous traversons des temps difficiles, il n'est pas question d'abaisser notre vigilance. Renforçons plutôt nos services publics, surtout ceux qui bénéficient aux plus jeunes, parce que les enfants de France le méritent, parce que notre société en a besoin. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Claude Carle, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - Veuillez excuser l'absence de Françoise Laborde, co-rapporteure de ce texte, qui s'est beaucoup investie dans sa préparation.

Un certain nombre de communes, faute de ressources humaines ou financières, ont restreint l'accès à la cantine de certains enfants, selon les moyens des parents. Une telle discrimination est inacceptable et, au reste, illégale.

Pour autant, cette proposition de loi est inutile, inopportune et inopérante. Cette compétence communale est facultative, si bien que les communes sont libres de créer le nombre de places qu'elles souhaitent dans les services de restauration ou d'en restreindre l'accès.

Une jurisprudence constante censure les règlements intérieurs discriminatoires à l'encontre de certains enfants, handicapés notamment. Le juge des référés peut être saisi et le préfet peut saisir le juge de toute disposition de cette nature. Point n'est donc besoin de légiférer pour réaffirmer ces principes ; il suffirait d'une circulaire rappelant aux préfets qu'ils doivent attaquer les règlements contraires à la loi.

Certaines communes ont jugé bon de réguler les pics de fréquentation des cantines - qui s'expliquent parfois par des raisons de confort - en créant un double service, un seul ou en limitant son accès.

Mme Carlotti, il y a un an, nous expliquait que l'instauration d'un droit d'accès à la cantine reviendrait à en faire une compétence obligatoire. Dès lors, il faudrait une compensation financière de l'État.

M. Jacques-Bernard Magner.  - Ce n'est pas un transfert de charges !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur.  - Faut-il instaurer une contrainte supplémentaire pesant sur les communes qui font déjà l'effort d'organiser un tel service public ? Mme la ministre a raison de rappeler le rôle social de la restauration scolaire. Mais d'autres chantiers semblent plus prioritaires que celui-ci, qui ressort chaque année, et ne règle aucun problème.

M. Loïc Hervé.  - Très bien.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur.  - Les communes seraient contraintes d'engager des dépenses qu'elles ne peuvent assumer. Une circulaire demandant aux préfets de faire appliquer le droit serait plus efficace qu'un texte inapplicable. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Michel Amiel .  - Cette proposition de loi crée un droit d'accès à la cantine dans les 24 000 communes ayant une école primaire, pour réaffirmer le principe d'égalité, rappelé par la jurisprudence. Il est juste que tous les enfants puissent accéder à la cantine scolaire : c'est un réel enjeu de santé publique mais aussi éducatif et social. Quand nous comptons 2,7 millions d'enfants pauvres, les plus fragiles bénéficient d'un repas varié, complet, équilibré. L'aspect éducatif est, lui, multiforme : le repas en commun est au coeur du projet de l'école républicaine, et le reste alors que nous prônons tous plus de mixité. Un enfant allergique doit-il être mis au ban ?

Quelque 80 % des communes dotées d'une école publique organisent un tel service, dont le caractère de service public a été reconnu. Conséquence : le juge lui impose le respect du principe d'égalité, qui ne souffre que de très strictes entorses, et dont la méconnaissance est passible de sanctions pénales. Les référés-suspension et les déférés préfectoraux assurent le respect de ces principes, mais tous les problèmes ne sont pas réglés : quid des écoles privées ? Des communes non dotées d'une école publique ? Ce serait une nouvelle source d'inégalité territoriale.

M. Loïc Hervé.  - Une de plus !

M. Michel Amiel.  - Il serait plus utile de renforcer les moyens d'accompagnement des enfants handicapés.

Ce texte ne répond donc qu'imparfaitement au problème. Ses conséquences financières sont incertaines - alors que la réforme de la dotation globale de fonctionnement a été reportée à l'année prochaine.

Une majorité du groupe RDSE votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Claude Kern .  - Le groupe UDI-UC, s'associant à la position du rapporteur, votera contre cette proposition de loi. (M. Loïc Hervé applaudit)

Sans vouloir faire offense à ses auteurs ni au groupe socialiste qui l'a inscrite dans sa niche, l'intention est louable mais le texte inutile. Le service public de restauration scolaire est déjà soumis au respect du principe d'égalité devant la loi, garanti par la jurisprudence constitutionnelle et administrative. J'avoue avoir des difficultés à cerner l'apport de ce texte. Les manquements sont sanctionnés par le juge, grâce au référé-suspension ou au déféré préfectoral.

Admettons toutefois qu'il faille légiférer ; de nouvelles questions se posent alors. Connaît-on le nombre de discriminations ? Le Défenseur des droits parle de 500 cas : 5 % des discriminations sont fondées sur le handicap, 5 % sur l'origine des enfants, 50 % sur le revenu des parents... Ne pouvons-nous pas disposer d'informations plus fiables ?

Sur qui la charge financière supplémentaire reposera-t-elle ? Sur les collectivités territoriales, en situation difficile ? Sur l'État ? Le chiffrage n'est même pas connu.

Les élus doivent conserver le libre choix, fondement d'un service de qualité. Le sujet n'est pas nouveau : un règlement type de la restauration scolaire devait être adopté par l'État et l'Association des maires de France (AMF) en 2012. Où en est-on ? Mieux vaudrait relancer ce chantier.

Nous sommes tous attachés à l'accès de tous les élèves à la restauration scolaire, source d'équilibre nutritionnel et de socialisation. Mais nous rejetons ce texte qui fait insidieusement de la cantine scolaire une compétence obligatoire des communes. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin .  - Auteure d'une proposition de loi sur le même sujet en 2012, je pourrais insister sur les nombreux manques du présent texte. Compte tenu de la teneur de nos débats, je reviendrai plutôt sur les principes.

À l'époque, les cas de refus d'inscrire à la cantine des enfants dont l'un des parents était au chômage s'étaient multipliés. Ces restrictions relevaient souvent d'une posture idéologique : on oubliait ainsi le surcroit de disponibilité que peut nécessiter une recherche d'emploi.

Nous avions donc proposé l'inscription de cette obligation dans le code de l'éducation, comme fait l'article premier de cette proposition de loi. Il est vrai que la jurisprudence est constante pour reconnaître le caractère illégal, car discriminatoire, de tels refus d'accès à la restauration scolaire. Mais cette jurisprudence n'empêche pas des maires de prendre de telles dispositions qui, pour être déclarées illégales doivent être contestées devant le tribunal administratif. Force doit donc revenir à la loi, qui dans la hiérarchie des normes se situe au-dessus de la jurisprudence, laquelle peut évoluer.

On nous dit que cette proposition de loi serait un texte d'affichage. Ce ne serait pas la première fois !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture.  - Ce pourrait être la dernière aussi.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - La cantine est un lieu de socialisation. Pour beaucoup d'enfants, ce repas est le seul équilibré de la journée. (On approuve sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Comment étudier le ventre vide ? La cantine est un lieu de l'éducation au goût, de découverte de la diversité culinaire et des produits bio. La pause méridienne est aussi le moment durant lequel est dispensée l'aide personnalisée aux élèves ou sont proposées des activités périscolaires dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires. Le Conseil d'État a maintes fois assimilé la cantine à un service public annexe au service public d'enseignement, impliquant le respect du principe d'égalité.

Celui-ci ne s'oppose pas à ce que soient instaurées des différences de traitement dès lors qu'elles se fondent sur des éléments objectifs liés au service rendu ou répondent à des exigences d'intérêt général.

Nous savons de plus que restreindre l'accès à la cantine pénalise l'emploi féminin. Ce texte va dans le bon sens mais il faudra toujours en passer par les juges pour faire respecter les principes. L'adopter serait néanmoins un signal fort : nous le voterons. (Applaudissements à gauche)

M. Jacques-Bernard Magner .  - Cette proposition de loi complète le code de l'éducation afin que tous les enfants bénéficient de la restauration scolaire lorsque ce service existe dans leur commune. Certains maires refusent en effet l'accès à la cantine aux enfants dont les parents sont sans emploi ou en arrêt maladie. La santé, le handicap, l'appartenance à une religion sont d'autres motifs discriminatoires parfois retenus... Malgré les annulations de règlements prononcées par les tribunaux en mars 2013, certaines communes ont persisté, ce dont le Défenseur des droits s'est ému.

Un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. Souvent, il arrive le ventre vide à l'école. Faut-il le priver du seul repas équilibré de sa journée ? Le stigmatiser devant ses camarades ? Les enseignants le disent : un enfant qui a bien mangé aura une meilleure concentration en classe. La cantine est aussi un lieu de socialisation, de mixité sociale et d'apprentissage collectif. Les parents peuvent engager une procédure de recours ? Soit, mais c'est long et compliqué. La loi leur évitera de longues et fastidieuses démarches.

Le Défenseur des droits rappelle que la restauration scolaire est un service public, certes facultatif, mais soumis dès qu'il existe au respect des principes de continuité, d'égalité et de neutralité. Plaçons-nous sur le seul plan des valeurs républicaines. En juillet 2013, nous avons inscrit dans la loi de refondation de l'école que celle-ci était « inclusive ». Cette proposition de loi, qui ne crée aucune contrainte nouvelle, prolonge cette logique. (Applaudissements à gauche)

Mme Marie-Christine Blandin .  - La cantine est fondamentale pour les enfants. Un sur deux y mange, ce qui représente 1 milliard de repas chaque année.

En 2009, le Conseil d'État a confirmé sa jurisprudence, constante, en jugeant discriminatoire les critères d'exclusion de certains enfants du service public de la cantine. Les maires arguent le plus souvent au manque de moyens.

Serge Slama, maître de conférences en droit public, estime que l'activité des parents ne saurait pour l'instant fonder un accès différencié à la cantine, mais il n'exclut pas un revirement de jurisprudence compte tenu du contexte économique. Ce texte comble donc un vide juridique.

Parmi les motifs d'exclusion, les enfants dont les mères sont en congé de maternité. Imaginez comme il est confortable de préparer un repas pour ses enfants juste avant de partir pour la maternité ! 

Mme Françoise Gatel.  - Oh là là...

Mme Marie-Christine Blandin.  - Les communes pauvres ne peuvent certes pas toujours faire face à l'accroissement des demandes ; mais la restauration reste un lieu de socialisation, de découverte du goût de la cuisine des autres, du goût des autres tout court.

Autre source de dépenses, n'en déplaise à certains : il faudra également ouvrir les robinets - que certaines communes s'obstinent à maintenir fermés - car il est recommandé de se laver les dents après tous les repas.

Mme Françoise Gatel.  - Allez dire ça aux maires !

Mme Marie-Christine Blandin.  - C'est une recommandation très sérieuse dispensée par les associations sanitaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste) Je me réjouis que l'Assemblée nationale ait insisté sur l'accès des enfants handicapés à la cantine.

Espérons que notre vote changera le quotidien des familles. Nous, écologistes, voulons que ce texte s'applique. (Exclamations ironiques à droite et au centre)

M. Guy-Dominique Kennel.  - Il n'en prend pas le chemin !

Mme Marie-Christine Blandin.  - Certes le coût de ce texte n'est pas précisément connu. Mais le soutien introductif de la ministre nous rassure.

L'école doit rester le lieu de l'inclusion, de l'égalité des chances. Le groupe écologiste votera ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Guy-Dominique Kennel .  - Ce texte procède d'une intention généreuse, mais permettez-moi d'élargir le propos : faut-il légiférer sur tout et rien, pour s'en plaindre ensuite sur le terrain ? La déferlante des textes - accessibilité, environnement, etc... - accable les élus locaux, qui gèrent les choses au mieux pour proposer une offre de service public au cas par cas. Je remercie le rapporteur pour son excellent éclairage.

Le texte instaure d'abord une ambiguïté notable ; la restauration scolaire en maternelle et en primaire n'est que facultative pour les communes. Et en vertu du principe de mutabilité, elles peuvent revenir sur la décision de créer le service ou d'en moduler les conditions d'accès, sans préjudice du principe d'égalité. Les usagers peuvent ainsi faire l'objet de différences de traitement, que la jurisprudence administrative, claire et constante, a encadrées.

Ce texte crée en outre une discrimination supplémentaire. Aucune obligation supplémentaire ne pèsera sur les communes qui n'offrent pas un service de restauration scolaire ; celles qui en ont déjà un devront consentir de lourds investissements.

L'État devrait compenser les frais générés par de telles dispositions, mais il en est bien incapable... Raison pour laquelle on nous propose une majoration de la DGF à due concurrence - c'est se moquer dans le contexte actuel -, financée par une augmentation des taxes sur le tabac...

Faisons confiance aux élus locaux plutôt que de voter une loi pour quelques cas seulement dont les effets seront négatifs. Une réponse juridique existe déjà en cas de discrimination.

Attaché à l'autonomie et à la liberté des communes, sachant qu'elles feront preuve de bon sens pour répondre à la demande, je voterai contre ce texte avec le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président

Mme Chantal Deseyne .  - Si la restauration scolaire est une compétence facultative des communes, elle est un service public. Seul le manque de personnel et d'encadrement peut justifier un refus d'accès à la cantine.

Dès lors, pourquoi voter cette loi ? Le juge administratif sanctionne déjà les discriminations.

M. Jacques-Bernard Magner.  - Encore faut-il qu'il soit saisi !

Mme Chantal Deseyne.  - Plus de 80% des communes disposant d'une école publique ont mis en place une ou plusieurs cantines. La bonne volonté des maires a ses limites. Peut-on imposer aux communes des travaux d'agrandissement, des recrutements dont elles n'ont pas les moyens ? Ne va-t-on pas freiner les maires qui souhaitent ouvrir une cantine scolaire et craignent de ne pouvoir faire face à un afflux d'inscriptions ? Il serait irresponsable de créer un droit d'accès à la cantine pour tous les élèves sans connaître son coût ni surtout sans prévoir de compensation solide alors que les dotations diminuent. D'autant plus après la réforme des rythmes scolaires... Et qui peut croire que l'État compensera ?

Ne créons pas une contrainte financière insoluble pour les maires et inutile au regard de la jurisprudence. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Yannick Vaugrenard .  - Je vais vous parler des enfants. (On s'en réjouit à gauche) Quelque 14 % de notre population vit sous le seuil de pauvreté. Entre 2008 et 2013, 440 000 enfants supplémentaires ont plongé avec leurs familles sous ce seuil. Au total 3 millions d'enfants sont concernés, un sur cinq.

M. Charles Revet.  - Quel aveu d'échec !

M. Yannick Vaugrenard.  - Pour eux, ce repas est le seul pris dans la journée.

M. Jacques Grosperrin.  - Faisons confiance aux maires !

M. Yannick Vaugrenard.  - Cette cruelle réalité ne peut laisser personne indifférent, d'autant que le temps de la restauration scolaire est aussi un temps éducatif et de socialisation. Les chômeurs, de plus en plus nombreux, doivent demeurer disponibles pour rechercher un emploi.

En 2013, le tribunal de Versailles a jugé que subordonner l'accès d'un enfant à la cantine à la démonstration que ses deux parents travaillaient était contraire au principe d'égalité. Le tribunal de Marseille a rendu une décision analogue le 25 novembre 1995. Le Conseil d'État, le 23 octobre 2009, le Défenseur des droits - M. Baudis puis M. Toubon - ont confirmé cette jurisprudence. Malgré celle-ci, les atteintes au principe d'égalité n'ont pas disparu. Il faut légiférer.

Martin Luther King disait : « lorsqu'il y a une injustice quelque part, elle nous concerne tous ». Comme à l'Assemblée nationale, rassemblons-nous pour donner corps à l'égalité. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, communiste républicain et citoyen et écologiste)

Mme Marylise Lebranchu, ministre .  - Le nombre d'enfants scolarisés dans la commune sera désormais pris en compte dans le calcul de la nouvelle DGF. Ayons en tête que seuls estent en justice certains parents ; les familles en très grande difficulté, je le déplore, ne sont plus connues des associations de parents d'élèves...

La jurisprudence est constante, raison de plus pour l'inscrire dans la loi ; cela gagnera du temps sans retirer de marges de manoeuvre aux élus. Ainsi la ville de Marseille offre des repas gratuits.

M. Jacques Grosperrin.  - Marseille est une grande ville !

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Pour toutes ces raisons, j'invite le Sénat à voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président.  - Nous examinons le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale, la commission de la culture n'en ayant pas adopté.

ARTICLE PREMIER

Mme Dominique Gillot .  - Le rapport du Défenseur des droits de mars 2013 rappelle clairement le principe d'égal accès au service de la restauration scolaire.

S'il n'est pas question de nier les difficultés, aucune n'est insurmontable. La petite musique sur l'inutilité de légiférer nous inquiète. La baisse des dotations est évoquée à tout propos pour justifier un recul du service public. Comment accepter de stigmatiser des enfants qui connaissent déjà de grandes difficultés ? Voter contre, c'est mettre en cause l'égal accès. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Éric Doligé.  - Démagogie !

Mme Bariza Khiari .  - Le groupe socialiste a repris cette proposition de loi parce qu'il en partage l'analyse et l'objectif : l'école est là, non pour exclure, mais pour intégrer et faire vivre concrètement les valeurs d'égalité et de fraternité à travers les repas pris en commun, transmettre une culture commune, un savoir-être.

M. Jacques Grosperrin.  - Ce n'est pas son rôle !

Mme Bariza Khiari.  - Il n'est pas possible de sélectionner les enfants, quel que soit le critère, la jurisprudence est constante. Pour beaucoup d'enfants dans l'extrême pauvreté, le repas de midi pris à la cantine est souvent l'unique repas équilibré. On ne peut concevoir que l'école ajoute une difficulté à celles des familles qui vivent dans la précarité. Luttons contre les discriminations de tous les ordres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Christian Manable .  - Je regrette que la droite sénatoriale, non la droite toute entière, oblige les parents chômeurs à aller devant les tribunaux pour que leurs enfants mangent à la cantine. (Protestations à droite) Encore faut-il que ces parents en aient les moyens. Un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté.

M. Charles Revet.  - C'est la gauche qui est aux commandes !

M. Christian Manable.  - Certes, l'école dispense des nourritures intellectuelles mais les nourritures terrestres importent aussi. Le droit à la cantine représente un coût. C'est affaire de choix politiques. (On approuve sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; on le réfute vivement à droite et au centre) Dans mon département de la Somme, un maire d'une commune rurale de 1 200 habitants me disait : je ferai moins de trottoirs... (Exclamations au centre et à droite)

Et les enfants chanteront « Moi je préfère manger à la cantine avec mes copains » de Carlos, qui n'est autre que le fils de Françoise Dolto !

M. Jean-Louis Carrère .  - Je salue la constance de M. Carle, j'aurais aimé entendre également Mme Laborde...

L'examen de ce texte mérite respect et écoute. Plaçons l'enfant au coeur de nos réflexions. Voilà l'important. On connaît 500 cas d'exclusion des cantines scolaires, ils doivent être certainement plus nombreux. Le coût ? Vous l'érigez en barrière symbolique quand sur le terrain, elle n'existe pas. Je soutiens le maire d'Hagetmau, qui n'est pas de ma couleur politique, quand il crée la cantine à un euro ! Ne croyez-vous pas que les électeurs accepteraient une augmentation d'impôt pour financer l'accueil de tous les enfants à la cantine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Françoise Gatel.  - Oui, soyons modérés. Dans mon département breton, aucune des 353 communes ne laisse un enfant à la porte de la cantine ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-UC et Les Républicains) Ce texte représente un geste de défiance envers les maires (On approuve à droite) On sait bien que de facultatif le service deviendra obligatoire parce que les parents n'accepteront pas de ne pas exercer leurs droits - dans les établissements privés aussi. Je refuse qu'on me culpabilise parce que je voterai contre ce texte.

Toujours plus d'exigences et de charges pour les communes, toujours moins de liberté, toujours moins de financement ! Et que faites-vous des enfants scolarisés au collège et au lycée ? Ce texte ne concerne que l'école primaire. Assez de leçons de morale ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Très bien !

M. Jean-François Longeot .  - Plutôt que de constater la précarité des enfants, battons-nous pour leur offrir un avenir ! Dans ma commune, je ne fais pas appel à un traiteur privé, je propose des produits en circuits courts et jamais un enfant n'est exclu. Je refuse qu'on me culpabilise !

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Encore !

M. Jean-François Longeot.  - Des classes ferment dans le monde rural, les enfants doivent se lever tôt le matin et rentrent tard chez eux... Est-ce cela, mettre les enfants au coeur ? (Applaudissements au centre)

M. Michel Raison .  - La France est dans la détresse. Au soir des élections, on voit toujours les mêmes personnes s'exprimer à la télévision pour dire qu'elles ont entendu le message de la population... Puis vient le jargon, les valeurs, les forces de progrès... Et le lendemain on nous propose des lois, encore des lois, des lois qui tuent la loi... Sans faire confiance aux élus. (Applaudissements au centre et à droite) Venez-voir comment les choses se passent à Luxeuil-les-Bains, on se décarcasse, tous les enfants ont à manger ! Aucun texte ne remplacera la morale. On veut décider pour les maires... Et quand on baisse les dotations, ce sont eux qui souffrent... (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin .  - Derrière cette question qui paraît anodine, il y a un choix politique. Il n'y a pas d'un côté les généreux et ceux qui ne le seraient pas, les moralisateurs et les autres... (Marques d'ironie au centre et à droite) Oui, c'est affaire de choix politiques et chacun fait les siens. Qui, la semaine dernière, a abaissé l'ISF et supprimé des postes de fonctionnaires ?

M. Yannick Vaugrenard .  - Ce débat n'est pas à la hauteur de l'enjeu. Dans cet hémicycle, les maires sont généreux et accueillent tous les enfants à la cantine. Fort bien. Mais que faites-vous de ceux qui refusent des enfants ?

M. Jacques Grosperrin.  - Que ces communes changent de maire !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Et les enfants ne mangeront pas ?

Mme Françoise Gatel.  - Il y a la jurisprudence !

M. Yannick Vaugrenard.  - Voulez-vous que le juge décide à notre place ? Légiférer en l'espèce, c'est le bon sens collectif, le bon sens humaniste, le bon sens politique.

La République est en danger. Je vous en prie, chers collègues, réfléchissez avant de voter.

M. Martial Bourquin .  - A l'Assemblée nationale, cette proposition de loi a été adoptée à l'unanimité.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture.  - Personne n'a voté contre, plutôt.

M. Martial Bourquin.  - Quelques cas seulement d'élèves exclus ? Peut-être mais ce sont des enfants. M. Longeot se plaint de la disparition des écoles dans les campagnes. Qui les a fermées ? (Protestations à droite) Qui a supprimé des milliers de postes de fonctionnaires, de policiers, de gendarmes ? Ayons pour seul guide l'intérêt supérieur de l'enfant. (Applaudissements à gauche)

M. Michel Le Scouarnec .  - Sans doute n'êtes-vous jamais parti, comme moi, en classe de découverte avec des élèves d'un quartier populaire ? Vous n'imaginez pas comment certains sont sous-alimentés. Maire, j'ai ensuite mis en place des tarifs adaptés. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Kaltenbach.

I. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Les tarifs de la restauration scolaire au sein des écoles primaires ne peuvent excéder un prix plafond fixé chaque année par arrêté par le Gouvernement. L'augmentation de ces tarifs, d'une année sur l'autre, ne peut être supérieure au niveau de l'inflation. »

II.  -  Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

...  -  La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

...  -  La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Philippe Kaltenbach.  - C'est un amendement d'appel sur les tarifs de la cantine scolaire. Dans mon département, je constate dans certaines communes, depuis quelque temps, une hausse de 40 % pour des repas facturés à l'unité jusqu'à 7,40 euros. Cela entraîne une exclusion de fait de certains enfants de la restauration scolaire. Tirons la sonnette d'alarme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jean-Claude Carle, rapporteur.  - Les tarifs de la restauration scolaires sont fixés par la collectivité territoriale qui a la charge de ce service aux termes de l'article R. 531-52 et R. 531-53 du code de l'éducation. Le repas ne peut être facturé à un montant supérieur à son coût de revient. Les collectivités peuvent moduler leurs tarifs selon les revenus des parents - à Paris, cela va de 13 centimes à 7 euros.

Les hausses récentes sont imputables à un effet ciseau : à la baisse des dotations et à la réforme des rythmes scolaires...

Avis défavorable à cet amendement qui contrevient à la libre administration des collectivités territoriales.

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Madame Gatel, la restauration scolaire est obligatoire dans les collèges et les lycées. Sagesse sur l'amendement. Il faudra sans doute revoir le décret.

Un décret de 2000 encadrait les tarifs à la cantine scolaire. Je m'engage à le retravailler. Retrait ?

M. Philippe Kaltenbach.  - Merci.

L'amendement n°1 est retiré.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture.  - Ce texte fait battre les coeurs, c'est normal puisqu'il s'agit d'enfants. Parlons aussi avec notre raison. Une jurisprudence existe ; elle ne s'exerce pas hors sol, elle est limpide. Sans doute faut-il la faire mieux connaître et appliquer par les préfets. Le législateur, s'il a un coeur, doit prendre des décisions éclairées. Le texte n'est pas accompagné d'une étude d'impact, le groupe RDSE du Sénat ne l'a pas repris alors qu'il émane de son groupe miroir à l'Assemblée nationale. Ne légiférons pas de manière précipitée. Prêtons attention aux enfants, et faisons confiance aux élus.

M. Jacques-Bernard Magner.  - Certains préfèrent faire appel à la jurisprudence. Or ce sont justement les familles les plus pauvres, qui souffrent le plus de discrimination, qui devraient faire appel à la justice...

L'application d'un principe constitutionnel ne saurait dépendre d'une appréciation de coût. La libre administration des collectivités territoriales ne leur donne pas la possibilité de se placer au-dessus de la loi.

Le groupe socialiste votera cette proposition de loi généreuse, avec la fierté qui anime les vrais républicains ! (Mouvements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Marylise Lebranchu, ministre.  - Bien sûr la jurisprudence n'est pas hors sol.

Mais un droit doit-il dépendre uniquement de la jurisprudence ? Bien des familles ne saisissent pas la justice car elles ignorent leurs droits : c'est aussi le cas de 40 % des personnes éligibles au RSA, par exemple.

Nous ne pouvons nous abriter derrière la jurisprudence. Ce n'est pas un combat de juristes, mais une question sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen et du groupe socialiste et républicain)

L'article premier n'est pas adopté.

ARTICLE 2

À la demande du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain, l'article 2 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°104 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 140
Contre 202

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Comme les articles ont été successivement supprimés, il n'y a plus de texte.

La séance, suspendue à 16 h45, reprend à 17 heures.

Engagement de la procédure accélérée

M. le président.  - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen du projet de loi pour une République numérique, déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 9 décembre 2015.

Agriculture et filière agroalimentaire

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l'agriculture et de la filière agroalimentaire, présentée par M. Jean-Claude Lenoir et plusieurs de ses collègues (demande du groupe Les Républicains).

Discussion générale

M. Jean-Claude Lenoir, auteur de la proposition de loi .  - Le Sénat conscient de la gravité de la crise, suit avec beaucoup d'attention l'évolution de l'agriculture et en particulier de l'élevage. C'est pourquoi certaines initiatives ont été prises, avec le soutien actif du président Gérard Larcher. Le 16 juillet, il a réuni tous les acteurs de la filière. Vous vous êtes joint, monsieur le ministre, à cette table ronde, qui a souligné que le problème majeur était celui de la compétitivité.

Pendant l'été, les éleveurs ont crié leur détresse. Le 3 septembre, dès potron-minet, des agriculteurs ont manifesté dans la capitale. Nous les avons entendus et avons organisé un débat dans cet hémicycle le 6 octobre. Le 8 octobre, nous avons auditionné le commissaire européen, M. Phil Hogan.

À la suite de ces réflexions, nous avons été nombreux à déposer une proposition de loi le 16 octobre, dont je ne suis que le premier signataire. Outre le concours actif et constant du président du Sénat, je salue l'implication du président de notre commission des affaires européennes, Jean Bizet. M. Gremillet, rapporteur, en détaillera le contenu.

Cette proposition de loi comporte trois volets : la compétitivité prix tout d'abord, l'allègement des charges et les aides à l'industrie ; la compétitivité hors prix ensuite ; l'aide à l'emprunt enfin.

Le rapport « Agriculture innovation 2025 », recommande la création d'un observatoire sur le sujet. Bonne idée. Quand sera-t-elle mise en oeuvre ?

M. Jean Bizet.  - Nous attendons !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Les prix ne sont pas fixés par le Gouvernement, ni même par le ministre, mais par le marché et le marché est mondial. L'essentiel de notre politique agricole, de plus, est décidé à Bruxelles, dans le cadre de la politique agricole commune.

La majeure partie des agriculteurs considère que les mesures conjoncturelles ne suffisent plus. Nous proposons des mesures structurelles. Ils en ont aussi assez de l'empilement des normes. (Applaudissements à droite)

Vous venez d'ailleurs d'en rajouter encore...

La situation est grave, et tous les indicateurs montrent qu'elle risque d'empirer. Les prix continuent à baisser.

Monsieur le ministre, on vous dit irrité, on vous a vu quelque peu agacé, par les orientations sénatoriales. Pourtant le Sénat, représentant des territoires, est dans son rôle. Nous proposons des mesures de rassemblement, dans le respect de nos prérogatives constitutionnelles.

Toutefois, je tiens à remercier le Gouvernement qui a repris dans le projet de loi de finances rectificative pour 2015 certaines de nos propositions.

M. Charles Revet.  - Parce qu'elles étaient bonnes !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Je suis heureux que vous ne considériez plus le suramortissement des bâtiments d'élevage, la déduction pour aléas comme inutiles ! (Rires à droite)

Nous ne sommes pas des adversaires, monsieur le ministre ; poussons les feux ensemble. J'espère que nous parviendrons à mettre en oeuvre une politique efficace et raisonnée en faveur de l'agriculture. (Applaudissements à droite)

M. Daniel Gremillet, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements à droite) Les perspectives de la filière de l'élevage sont bien sombres : baisse des prix du lait, développement de concurrence mondiale, fermeture des débouchés, embargo russe... Le prix du porc ne cesse de baisser sur le marché de Plérin, où le cadran a été suspendu cet été : moins d'un euro le kilo désormais ! C'est indécent !

La filière catarrhale ovine et le retour de la peste aviaire auront des effets désastreux...

M. Jean-Louis Carrère.  - Eh oui !

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - C'est dans ce contexte que Jean-Claude Lenoir et Jean Bizet ont déposé cette proposition de loi.

Notre balance commerciale, hors vins et spiritueux, est juste à l'équilibre. Notre autosuffisance alimentaire est menacée à terme, alors que nos partenaires européens se sont dotés d'une vraie stratégie : porcine en Espagne, laitière en Allemagne... La stratégie de compétitivité est déjà mise en oeuvre, dit-on.

Certes, les agriculteurs bénéficient du CICE ou des baisses de charges. Mais il faut aller plus loin. Est-ce le moment, un an après la loi d'avenir ? Oui. La crise ne passera pas toute seule !

En tant que rapporteur, j'ai écouté tous les acteurs, dans un esprit de réalisme : cette proposition de loi ne règlera pas tout. La Politique agricole commune (PAC) ne cessera pas de s'appliquer, même si nous devons l'infléchir.

Le premier volet vise à améliorer les relations entre filières, à travers la contractualisation, l'utilisation d'indices publics, pour éviter les conflits de répartition.

Deuxième volet : la valorisation des produits français : le consommateur a le droit d'être informé de l'origine des produits.

L'article 4 permet de reporter ses remboursements en période de crise. À l'article 6, la déduction pour aléas est remplacée par une réserve spéciale d'exploitation agricole, d'emploi plus facile, avec un plafond relevé. J'ai fait voter un article 6 bis obligeant les jeunes agriculteurs à souscrire une assurance contre les risques climatiques.

L'article 5 crée un livret vert pour drainer l'épargne vers l'investissement agricole. À l'article 7, le suramortissement Macron est étendu à l'agriculture, coopératives comprises.

Nous baissons aussi les charges qui pèsent sur les exploitations. Il est temps de revenir sur les surtranspositions des directives, notamment relatives aux normes ICPE - c'est l'objet de l'article 8.

De même, nous prévoyons à l'article 12 un plan de simplification des normes.

Cette proposition de loi contient aussi un allègement des charges sur les salaires agricoles. Les agriculteurs bénéficiaires du CICE ne doivent pas être pénalisés non plus.

L'addition de ces mesures pourra peut-être enclencher une nouvelle dynamique en faveur de la compétitivité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe UDI-UC)

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Je n'ai jamais été offusqué...

M. Jean-Claude Lenoir.  - Les apparences sont trompeuses !

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - ...par les initiatives du Sénat. M. Lenoir a été objectif : il y a la PAC et le marché. En 2008-2009, nous avons connu une crise laitière sans précédent. J'étais alors député européen et j'ai toujours veillé à éviter de verser de l'huile sur le feu. 40 centimes le litre, c'est impossible...

Ces prix remettent en cause les structures de certaines filières. La crise de la production porcine ne date pas d'hier. La filière bovine est la victime collatérale de la crise de la filière laitière et de la faiblesse de la consommation. Quant au marché du lait, il est mondialisé. Nous avons plusieurs grandes entreprises laitières, dont les choix industriels - lait, poudre ou beurre - ont un impact sur les prix versés aux agriculteurs.

En outre l'organisation des filières est insuffisante : il n'y a plus d'interprofession laitière, celle du secteur bovin connaît de grandes difficultés, plus d'interprofession pour la volaille... Cela est dommageable. De même, il faut penser à l'avenir. La France a beaucoup de potentiel pour assurer son autonomie fourragère. En Russie il neige le 15 octobre, chez nous, le fourrage continue de pousser.

Face à la crise, le Gouvernement a débloqué 700 millions d'euros, qui s'ajoutent aux 63 millions débloqués par l'Europe, prélevés sur le montant des pénalités acquittées par les États membres en surproduction. Cela soulagera la trésorerie des agriculteurs endettés, allègera les charges sociales, à hauteur de 180 millions, grâce à la MSA qui, heureusement, se débrouille très bien, beaucoup mieux que le RSI.

Les crédits d'urgence - pour 10 millions d'euros - ont été mobilisés sur la promotion. Au total, cela correspond à un renforcement de 350 millions d'argent public pour soutenir l'investissement dans notre agriculture et obtenir le fameux effet levier d'un milliard réclamé par les agriculteurs.

Sur la méthanisation, on a retenu une fiscalité incitative. La déduction pour aléas climatiques ? Très important ! Nous sommes d'accord avec votre proposition de loi. C'est dans la loi de finances rectificative. La réforme de la fiscalité sur le forfait agricole ? C'est fait.

Tous ces éléments ont nécessité la mise en place de cellules d'urgence dans les départements, et je veux saluer la mobilisation des services décentrés et des chambres d'agriculture pour traiter les dossiers. Sur un total de 40 000, 20 000 ont été clos ; 10 000 dossiers prioritaires seront payés d'ici la fin de l'année. C'est particulièrement important dans la filière porcine.

Reste le travail de long terme, sur la contractualisation, la restructuration, la tarification. Le marché de Plérin voit passer 10 000 porcs par semaine : fixer un prix y devient difficile. Je ferai des propositions la semaine prochaine.

M. Charles Revet.  - Il y a urgence !

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - La traçabilité a fait des progrès. Sur ce sujet, les propositions du Sénat sont bienvenues. Je veux que les étiquettes « Viande de France » soient fondées sur un contrat qui impose que l'animal soit né, élevé, abattu et transformé en France. Certains de nos voisins ne font pas de naissance ni d'élevage.

Nous promouvons le « consommer local », et depuis longtemps. Nous n'avons aucune leçon à recevoir sur ce point de candidats qui n'appartiennent pas à l'arc républicain. Des guides et stratégies d'achat sont développés et distribués partout à cette fin.

J'ai demandé une mesure plus fine de la compétitivité. Dans la volaille, notre taux de couverture import/export est passé de 130 % à 35 % ; dans le porc, la tendance est la même, même si nous restons au-dessus de 100 %. D'où les abaissements de charges et le CICE, de l'ordre de 4 milliards d'euros, soit l'équivalent du budget de l'agriculture ! On peut certes toujours faire plus, mais cela reste inédit. Simultanément, l'Allemagne augmente ses salaires et met en place un salaire minimum ; le redressement de notre compétitivité est donc à notre portée.

Nous ne pouvons continuer à laisser nos agriculteurs distribuer leurs gains de productivité. Le machinisme agricole fait du résultat et les agriculteurs sont en difficulté, ce n'est pas normal. D'où notre politique de réduction de leurs charges opérationnelles. C'est là que l'économie de l'agriculture et l'environnement se rejoignent.

Je n'ai procédé à aucune surtransposition. Sur la qualité des eaux, nous avons travaillé sur la redéfinition des zones, les terrains en pente, la possibilité de stocker en plein champ les effluents d'élevage, sans construire de bâtiments spéciaux. Nous n'avons, en aucun cas, durci les contraintes européennes. Simplifier ? Oui, bien sûr ! Nous avons montré en Bretagne que cela fonctionne : 95 projets y ont été menés à bien sans qu'aucun recours n'ait été déposé. Nous travaillons à réduire les délais d'instruction des dossiers.

Si tout débat est utile, une seule question importe : assurer une agriculture de production, une agriculture d'environnement avec des agriculteurs vivant de leurs revenus sur tout notre territoire car, nous le savons tous, nous avons besoin de l'agriculture pour faire vivre la ruralité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jean-François Husson.  - Pour faire vivre la France !

M. Jacques Mézard .  - Le 6 octobre, nous avons tous fait le constat de la détresse du monde agricole, qui a culminé à Paris le 3 septembre. Notre agriculture, riche de nombreux atouts, connaît des difficultés persistantes, en dépit des réformes. La compétition mondiale s'exacerbe et la diminution des crédits européens pénalise nos agriculteurs face à des concurrents soumis à des standards moins élevés. Sans parler des embargos, catastrophes climatiques et autres fièvres catarrhales...

Il faut un grand plan de relance de la compétitivité de notre agriculture. Le présent texte allège charges et normes, tout en promouvant une meilleure contractualisation entre les acteurs. Comment s'y opposer ?

L'agriculture française accuse un déficit de compétitivité indiscutable ; sa part de marché en Europe est passée de 17 % en 2000 à 12 % en 2013. Les agriculteurs sont aussi des agents économiques qu'il faut aider dans la mondialisation, et soutenir dans leurs adaptations aux mutations de la société.

Monsieur le ministre, vous avez apporté d'heureuses solutions à la crise de l'élevage. Cette proposition de loi complète votre action, et rejoint les mesures fiscales du projet de loi de finances rectificative pour 2015, entre autres sur le suramortissement des bâtiments d'élevage.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Exact !

M. Jacques Mézard.  - Quelles que soient les sensibilités, nous allons dans le même sens. Si certains considèrent cette proposition de loi opportuniste, la majorité du groupe RDSE la considère opportune. L'agriculture ne connaît pas les clivages partisans. Ce qui est en jeu, ce sont des emplois et l'équilibre de nos territoires.

Nous soutenons votre action, monsieur le ministre ; regroupons les énergies allant dans le bons sens : votons cette proposition de loi.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Très bien ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. Michel Le Scouarnec .  - Aucune politique ne s'attaque au vrai problème : quinze points de valeur ajoutée ont été transférés des producteurs vers les distributeurs. La baisse durable des prix d'achat touche surtout la viande et le lait. En 2014, la France est passée sous la barre des 300 000 exploitations, alors qu'elles étaient 25 % plus nombreuses il y a dix ans seulement. D'où l'angoisse du lendemain que vivent des milliers de familles d'exploitants, après des années de dérégulation et d'ouverture des marchés mondiaux.

L'orientation de la PAC vers les marchés, prise en 1992, n'a cessé de s'accentuer. Les filets de sécurité et les mécanismes de régulation disparaissent, fin des quotas laitiers et bientôt des quotas sucriers. Or la stabilité des prix conditionne l'investissement, l'innovation et la productivité, objectifs oubliés de la PAC

Cette proposition constate la domination des groupes de distribution sur les filières, dont attestent les résultats nets annuels des grands groupes : 1,2 milliard pour Carrefour, 574 millions pour Auchan, 556 millions pour Casino... Cette domination sans partage sur la valeur ajoutée a été renforcée par la loi Chatel et la loi de modernisation de l'économie qui ont consacré le principe de la libre négociation des prix, renforcée aussi par la création de super centrales d'achat.

Cependant, je ne partage pas la philosophie de cette proposition de loi qui consacre une agriculture fondue dans le moule de la compétition mondiale aux dépens de notre souveraineté alimentaire, de notre protection sociale, des revenus de nos agriculteurs et des normes environnementales. Les accords temporaires de modération des marges ne suffiront pas !

Tous, que ce soit la FNSEA, les jeunes agriculteurs, la coordination rurale, le Modef, souhaitent une politique ambitieuse sur les prix d'achat et la répartition de la valeur ajoutée. D'où mes amendements rétablissant un prix plancher d'achat, instaurant un étiquetage obligatoire pour tous les produits. Nous saluons l'idée d'un livret vert mais désapprouvons celle d'une assurance obligatoire, qui ne profitera qu'aux assureurs. Le coût du travail n'est pas un frein à la compétitivité ; à celui de la financiarisation, sans doute !

Nous réclamons enfin l'adoption de clauses de sauvegarde et le principe d'une préférence communautaire.

Bref, ce texte, s'il dresse un bon constat, n'en tire pas les bonnes conséquences. (Applaudissements à gauche)

M. Henri Cabanel .  - Nous sommes à nouveau réunis pour parler de la compétitivité de notre industrie agricole. Je salue l'engagement constant de M. Gremillet (Applaudissements à droite) mais suis choqué par la méthode. (On manifeste sa déception sur les mêmes bancs) Comment penser qu'une proposition de loi règlera des problèmes qui ne datent pas de l'arrivée des socialistes au pouvoir ? Par le calendrier, ensuite. Après cinq ans d'inaction au pouvoir, la majorité sénatoriale dépose un texte entre les deux tours des régionales. Fixer des prix est impossible dans une économie de marché, faut-il le rappeler à des partisans de l'ultralibéralisme ?

J'ai pour ma part toujours préconisé un encadrement du marché, quand vous souteniez le libéralisme de mise à Bruxelles.

Dans l'Hérault, j'ai auditionné une dizaine de représentants de nos filières sur cette proposition de loi. Leur avis est unanime : la compétitivité est la clé ; le monde a changé, l'agriculture doit suivre en s'adaptant à des marchés segmentés. Il n'y a donc pas une mais des solutions.

Dans la restauration collective, je reste surpris que l'on ne promeuve pas davantage les productions françaises.

M. Martial Bourquin.  - Bravo !

M. Henri Cabanel.  - Nous étions une soixantaine de sénateurs invités à petit déjeuner au restaurant du Sénat par M. Xavier Beulin et la FNSEA. On nous a servi du lait allemand !

Au total, plus de 3 milliards d'euros ont été investis dans l'agriculture en trois ans. Il faut accentuer les efforts sur l'agroécologie car c'est dans la qualité que réside la compétitivité, pas dans la baisse perpétuelle des charges qui suscitent toujours autant de jérémiades.

À nouveau, je regrette la méthode ; il est urgent de prendre son temps pour bâtir une agriculture d'avenir, filière par filière, sans parti pris idéologique. Comme a su le faire la filière viticole en Languedoc, il faudra du temps et accompagner les agriculteurs pour réussir cette mutation inéluctable. (Applaudissements à gauche)

M. Martial Bourquin.  - Voilà du solide !

M. Joël Labbé .  - La loi d'avenir pour l'agriculture produit à peine ses premiers effets que le ministre enchaîne les plans d'urgence... et la majorité sénatoriale choisit de déposer entre les deux tours des régionales, une proposition de loi écrite avec la FNSEA qui s'autoproclame porte-parole de l'agriculture.

M. André Trillard.  - Vous vous autoproclamez bien porte-parole des lanceurs d'alerte !

M. Joël Labbé.  - La FNSEA tient un autre discours dans les départements. Dans le mien, elle écrit que l'État n'a toujours pas compris ce qui se passe dans les campagnes, que l'État promet des milliards dans le cadre de la COP21. Et de s'interroger : la France est-elle partie pour sacrifier son agriculture ? Mélanger agriculture et politique est, de la part d'un partenaire officiel, scandaleux.

M. André Trillard.  - Et Notre-Dame-des-Landes ?

M. Jean-Louis Carrère.  - Arrêtez de faire les zouaves !

M. Joël Labbé.  - Industrialiser nos productions n'est pas la solution. C'est vers la qualité qu'il faut se tourner. Exporter n'est pas la solution lorsqu'on le fait à perte.

Nous défendons l'information des consommateurs, d'où nos amendements sur l'étiquetage de tous les produits et la mention de présence éventuelle d'OGM - que contiennent 80 % du soja sud-américain. Il est temps que les terres d'Amérique du sud puissent nourrir les Sud-Américains et que l'on préserve la forêt équatoriale.

Comme moi, vous avez été interpellés par des agriculteurs sous statut de cotisant solitaire, non couverts en cas de maladie ou de chômage : d'où mon amendement sur la remise d'un rapport sur la protection sociale des agriculteurs. Je remercie la commission de s'en être remise à la sagesse, ce qui est un bon présage d'adoption.

M. Jean Bizet.  - Ce n?est pas sûr !

M. Joël Labbé.  - Vandana Shiva, auteure Indienne respectée partout, a relevé l'incapacité simultanée à relever les défis alimentaires et environnementaux. Nous pouvons le faire en consommant local. Cela passe par le maintien d'une agriculture familiale et paysanne. Votre proposition de loi n'en prend malheureusement pas le chemin. (Applaudissements sur certains bancs de la gauche)

M. Daniel Dubois .  - J'ai cosigné cette proposition de loi très attendue par la profession, qui reconnaît le déficit de compétitivité de notre agriculture. Le Conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole devra, aux termes de l'article 12, produire un plan d'allègement des normes. L'article 8 fixe le seuil d'autorisation pour les élevages bovins à 800 animaux ; en deçà, c'est la procédure d'enregistrement, plus souple, qui sera engagée. Nous revenons ainsi opportunément sur des surtranspositions de directives. Notre agriculture doit prendre en compte les pratiques des autres pays européens.

Le groupe centriste a déposé deux amendements : le premier prévoit de supprimer une norme à chaque création de norme nouvelle ; le second limite dans le temps leur application, à titre expérimental.

Sous réserve qu'ils soient adoptés, ce texte constituera une avancée importante. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Très bien !

M. Jean Bizet .  - Nous débattons une nouvelle fois de notre agriculture et de sa compétitivité. À nouveau dans l'urgence, après la crise de l'élevage de cet été que la Sénat a su entendre.

Notre agriculture manque de confiance d'abord. Alors qu'elle a tout pour réussir, le climat, la terre, l'eau, les savoir-faire, l'histoire... Pourtant, notre agriculture va mal, préoccupée qu'elle est par les changements réglementaires, la pression concurrentielle, les statistiques, les attaques pernicieuses de petites phrases en slogans...

M. Gérard Longuet.  - C'est vrai...

M. Jean Bizet.  - ...que l'on retrouve au sein même des manuels scolaires. Ensuite, notre agriculture manque d'une vraie stratégie. L'Allemagne, elle, a traité son agriculture comme son industrie avec seul objectif : la compétitivité. Elle y a réussi depuis longtemps dans le porc, c'est désormais le cas pour le lait. Chez nous, où est la stratégie ?

M. Gérard Longuet.  - Elle est dispersée...

M. Jean Bizet.  - Nous n'avons qu'un catalogue hétéroclite. Notre stratégie doit être redéfinie avec l'État, les producteurs, les régions aussi, récipiendaires des 4 milliards du deuxième pilier de la politique agricole commune. Nous avons soutenu l'approche contractuelle que les producteurs ne voient pas tous d'un bon oeil.

C'est pourtant une nécessité : il faut atteindre des tailles critiques, pour atteindre un pouvoir de renégociation suffisant, ainsi que nous y incite la Commission européenne elle-même, en dépit des réticences des industries transformatrices, mais aussi renforcer les interprofessions, Chacun doit faire un effort : les éleveurs se regrouper, les transformateurs l'accepter. L'organisation professionnelle est une force de proposition, non de confrontation.

La France a choisi des contrats de cinq ans. Associer plus étroitement la grande distribution serait utile. Inclure dans les contrats des références aux grands paramètres et coûts de production également.

Une PAC qui ne serait ni politique ni agricole ni commune n'aurait plus guère de légitimité. C'est un enjeu de demain, de 2020, c'est-à-dire de maintenant. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques.  - Très bien !

M. Jackie Pierre .  - Sur le front de la guerre des prix, accentué par la rivalité entre États membres, l'embargo russe et la fin des quotas laitiers, les éleveurs ont choisi d'augmenter leur production et leur cheptel. Sans succès. Les prix se sont effondrés et la survie des exploitations risque d'être directement menacée. Quelque 30 000 d'entre elles sont au bord du dépôt de bilan, près de 80 000 emplois directs sont aussi compromis.

Dès début juillet, le président Larcher s'est saisi du dossier, et décidait, avec Jean-Claude Lenoir et Jean Bizet, de réunir une conférence agricole pour évoquer avec les représentants de tous les acteurs des filières porcine, bovine et laitière les questions conjoncturelles mais aussi structurelles.

Peu après, la commission des affaires économiques créait un groupe de travail. La prolongation de l'embargo russe a assombri les perspectives de nos agriculteurs qui défilaient en septembre. Ils ont obtenu une « année blanche » du Gouvernement et une aide exceptionnelle de l'Europe de 500 millions d'euros.

L'enjeu n'est pas de critiquer les plans d'urgence du Gouvernement, ils étaient nécessaires. L'enjeu est de soutenir, en votant cette proposition de loi, notre agriculture. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Jacques Lasserre .  - Toutes les filières sont en difficulté, les prix mondiaux sont très médiocres. Merci au rapporteur, il a effectué un travail de très grande qualité durant les auditions. (On renchérit à droite)

L'origine du produit n'est pas en soi un gage de qualité. L'étiquetage doit être plus complet. Il doit contenir des indications techniques sur les modes de production utilisés. Seules les interprofessions peuvent définir son contenu.

Les déductions pour amortissement et les déductions pour investissement sont des mécanismes intéressants. Pour autant, ils ne sont pas exclusifs de la logique assurantielle que je défends. Nous connaissons les limites au développement de l'assurance : le coût élevé des contrats et l'impossibilité pour les assureurs de se réassurer.

J'ai déposé un amendement, et je ne comprends toujours pas pourquoi il a été censuré au titre de l'article 40 par la commission des finances, alors qu'il fléchait une partie du Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) vers les aides au développement de l'assurance.

Comme mes collègues m'y invitent, je m'emploierai néanmoins à proposer une initiative parlementaire en ce sens. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Franck Montaugé .  - « Nous voulons vivre de notre travail ! Ce ne sont pas des primes que nous demandons, c'est une juste rémunération du travail de qualité que nous faisons au service des consommateurs ». Ainsi s'expriment, à juste raison, les paysans de France et les jeunes agriculteurs en particulier...

MM. Roland Courteau et Yannick Vaugrenard.  - Très bien !

M. Franck Montaugé.  - Si le rapporteur Gremillet a accompli un excellent travail, l'on ne trouve rien sur la volatilité des prix dans ce texte.

À mon sens, les réponses à apporter à la crise de l'agriculture sont plus affaire de volonté que de loi. Nous avons ainsi sauvé l'abattoir départemental d'Auch, voué, il y a peu, à la fermeture.

La sécurisation des revenus des agriculteurs ? Vous avez souhaité la fin des quotas laitiers et la fin de la polyculture. Pesez donc de tout votre poids politique sur le très libéral Phil Hogan et la majorité du Parlement européen qui est de votre couleur partisane !

Quelques mesures méritent d'être soutenues, parmi lesquelles l'extension du dispositif de suramortissement de l'article 142 de la loi Macron aux coopératives. Mais je ne vois rien non plus dans ce texte qui ressemble à une réforme structurelle, contrairement à la loi d'orientation qui soutient clairement Gaec, Cuma, GIEE et coopératives.

Alors pourquoi cette proposition de loi ? Pourquoi se précipiter ? Quelques semaines, quelques mois de plus eussent été nécessaires, pour traiter au fond les difficultés structurelles de notre agriculture, afin d'assurer son avenir, et d'améliorer sa compétitivité.

« Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage » : oui, le groupe socialiste préfère suivre Boileau. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et communiste républicain et citoyen)

M. Gérard Bailly .  - Chute des revenus déjà modestes, fermeture d'un tiers des exploitations d'élevage d'ici 2020... Tout le monde a décrit la situation de l'agriculture. Et pourtant, on continue de montrer du doigt les agriculteurs pollueurs et les ruminants accusés pour leurs flatulences ! (Mouvements divers)

Demandez à nos grands chefs : eux, ils sont heureux de cuisiner nos produits !

M. Bruno Sido.  - Très bien ! (Applaudissements à droite)

M. Gérard Bailly.  - Arrêtons-en avec cette image négative de l'agriculture que véhiculent les écologistes et certains journalistes. Préparons-nous à mieux affronter les vices et les aléas climatiques avec la réserve spéciale pour exploitation agricole (RSEA) et à mieux accompagner nos jeunes agriculteurs en votant cette proposition de loi.

Notre agriculture alimente la population en produits sains, est source d'énergies renouvelables, participe du tourisme vert et de l'entretien de nos paysages.

L'environnement ? Les paysans sont en première ligne. Les pâturages limitent l'érosion, les avalanches et les incendies. Imaginez-vous les pentes du Massif central sans ses broutards et ses ruminants ?

L'année 2016 ne s'annonce pas meilleure que 2015. Je rêvais hier soir d'un soutien unanime à ce texte pour rendre espoir à nos agriculteurs ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Claude Lenoir, auteur de la proposition de loi .  - Merci de ces interventions, dont certaines étaient décalées par rapport à celle du ministre, mais nous y reviendrons au cours du débat. Un mot de l'incident survenu au restaurant du Sénat : c'est le président Beulin qui a identifié, lors d'un petit-déjeuner de travail avec la FNSEA, une mention d'origine allemande sur l'étiquette de l'un des produits servis.

J'ai, usant de la faculté qui sera ouverte à l'article 3 de ce texte, écrit au directeur du restaurant du Sénat, géré par une entreprise privée. Il m'a répondu que cet ingrédient, des petites peaux de lait, venaient bien d'Allemagne, que le tir serait corrigé car à présent, m'a-t-il confirmé, la quasi-totalité des produits servis dans son établissement, sinon certains fruits exotiques et les épices, proviennent de notre pays. (Exclamations) Bref, les sénateurs aiment le lait et les épices ! (Bonne humeur générale)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLES ADDITIONNELS avant l'article premier

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La France promeut au niveau communautaire la mise en oeuvre de toutes les mesures permettant de garantir des prix rémunérateurs aux producteurs : mise en place d'un prix minimum européen pour chaque production prenant en compte les spécificités des différentes zones de production, activation de dispositions visant à appliquer le principe de préférence communautaire, mise en oeuvre de clauses de sauvegarde ou tout autre mécanisme concourant à cet objectif.

M. Michel Le Scouarnec.  - Seul un prix minimum européen garantira partout en Europe les mêmes normes sociales et environnementales. Nous demandons également l'application de la préférence communautaire et une clause de sauvegarde pour protéger nos exploitations.

M. André Trillard.  - Attendez que Marine Le Pen passe !

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Notre commission a créé un groupe de travail sur la PAC. Votre amendement relève plutôt d'une proposition de résolution européenne. Avis défavorable.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Le système de prix minimal a existé quand l'Europe était constituée de six à neuf membres. Il serait difficile aujourd'hui de fixer un prix qui convienne à vingt-huit États. Si nous y revenions avec un principe de préférence communautaire, nous ne pourrions plus exporter. Or, pour ne prendre qu'un exemple, nous vendons à l'étranger 10 milliards des 22 milliards de litres de lait produits en France, sous quelque forme que ce soit - lait en poudre, fromage et j'en passe.

Mieux vaut trouver un mécanisme de lissage pour éviter une répercussion brutale des baisses de prix sur les producteurs et parier sur la qualité comme l'ont fait les viticulteurs du Languedoc-Roussillon. Avis défavorable.

L'amendement n°21 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°22, présenté par M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La France défend au niveau communautaire la mise en oeuvre de mécanismes de régulation, notamment le maintien ou la création de quotas pour certaines productions, et l'activation d'outils de stockage public de productions agricoles et alimentaires.

M. Michel Le Scouarnec.  - Dans la droite ligne de l'amendement précédent, nous invitons la France à défendre une PAC renouant avec une régulation par les quotas. L'agriculture n'est pas un secteur comme un autre : elle est essentielle aux paysages. Cela justifie pleinement de la soustraire à la spéculation des marchés.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Avis défavorable comme à l'amendement précédent.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Parfois, on parvient à rétablir une régulation : voyez les droits de plantation pour le vin en Languedoc. Heureusement pour nos AOP !

Je n'ai rien pu faire, en revanche, sur les quotas sucriers, sans repousser leur fin de 2015 à 2016, le temps de structurer la filière. Ce n'est pas fait, deux grandes coopératives se divisent. Je me battrai jusqu'au bout pour arracher un accord.

M. Jean Bizet.  - Le Sénat sera derrière vous !

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Le prix d'intervention est de 220 euros pour la tonne de lait. Il n'a pas été revalorisé depuis vingt ans pour la viande. À Bruxelles, on estime que ces prix d'intervention ont abouti à ces montagnes de beurre, de lait et de frigos remplis de viande ne trouvant pas consommateur. J'aurais préféré qu'on relève ces prix plutôt qu'un plan de 500 millions d'euros. Heureusement, malgré tout, que cette aide exceptionnelle a été débloquée ! Je reviendrai à la charge à Bruxelles. Retrait ?

L'amendement n°22 est retiré.

ARTICLE PREMIER

M. Michel Raison .  - Monsieur le ministre, vous n'êtes ni la seule cause de cette crise ni son seul remède. Soutenez donc les parlementaires quand ils prennent des initiatives utiles.

Rapporteur de la loi de modernisation agricole, je connais bien le problème de la régulation. Cet article incitera le collecteur, le transformateur, à être plus conscient du prix de revient pour les agriculteurs. Ainsi je le voterai. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains).

L'article premier est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°37, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Le I de l'article L. 631-24 est ainsi modifié :

a) La seconde phrase du huitième alinéa est ainsi rédigée :

« Dès lors que l'acheteur a donné son accord au changement de producteur dans le cadre d'une reprise à un nouveau producteur satisfaisant aux conditions de qualification ou d'expérience professionnelle prévues à l'article L. 331-2 engagé dans la production depuis moins de cinq ans, l'acheteur est tenu de proposer au producteur un contrat d'une durée minimale prévue par le décret mentionné au cinquième alinéa du présent I, dont les conditions sont identiques à celles convenues avec le précédent producteur. » ;

b) Le neuvième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ce décret peut rendre incessibles les contrats de vente conclus entre producteurs et acheteurs de produits d'une ou de plusieurs productions. » ;

2° Le I de l'article L. 671-9 est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« ...° Le fait, pour tout bailleur, tout preneur sortant, tout exploitant agricole, tout intermédiaire ou tout acheteur de produits agricoles soit, d'avoir, directement ou indirectement obtenu une remise d'argent ou de valeurs en vue de procéder au transfert entre producteurs d'un contrat rendu obligatoire au titre du neuvième alinéa du I de l'article L. 631-24, soit d'imposer ou tenter d'imposer la reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci.

« Les sommes indûment perçues sont sujettes à répétition et majorées d'un intérêt calculé à compter de leur versement et égal au taux de l'intérêt légal mentionné à l'article L. 313-2 du code monétaire et financier majoré de trois points.

« En cas de reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci, l'action en répétition peut être exercée dès lors que la somme versée a excédé ladite valeur de plus de 10 %.

« L'action en répétition exercée demeure recevable pendant toute la durée du contrat transféré et de ses renouvellements ou reconductions successifs. »

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Lors des auditions, nous avons découvert que le phénomène des rachats de contrats laitiers prenait de l'ampleur. Cet amendement le découragera en protégeant l'acheteur contre une modification des conditions et en supprimant la possibilité de « marchandiser » le contrat. Cette dernière disposition est calquée sur les dispositions prévues à l'article L. 411-74 du code rural visant les baux ruraux pour exclure les « pas-de-porte ».

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Les quotas laitiers ont été justement supprimés à cause de leur marchandisation des contrats : cela doublait le prix de l'installation : il fallait payer les bâtiments et les contrats. On ne va pas laisser ce phénomène reprendre ; 100 % d'accord avec vous. Cependant, j'ai besoin de temps pour vous proposer une solution juridiquement plus solide.

M. le président.  - La Conférence des présidents devant se réunir, je vais suspendre la séance.

La séance est suspendue à 19 h 20.

présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président

La séance reprend à 21 heures.

Conférence des présidents

M. le président.  - Je vais vous donner lecture des conclusions de la Conférence des présidents.

Celle-ci a pris acte, en application de l'article 6 bis du Règlement, de la demande du groupe UDI-UC de création d'une mission d'information sur l'organisation, la place et le financement de l'islam en France et de ses lieux de culte.

Elle a en outre fixé l'ordre du jour jusqu'au jeudi 28 janvier 2016.

JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015

À 10 h 30

- Examen d'une demande de la commission des lois tendant à obtenir les prérogatives des commissions d'enquête pour le suivi de l'état d'urgence, pour une durée de six mois

- Projet de loi de finances rectificative pour 2015

À 15 heures

- Questions d'actualité au Gouvernement

De 16 h 15 à 20 h 15

- Proposition de loi permettant de maintenir et de développer sur l'ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité

Éventuellement, le soir

- Suite de la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l'agriculture et de la filière agroalimentaire

VENDREDI 11 DÉCEMBRE 2015 et, éventuellement, SAMEDI 12 DÉCEMBRE 2015

À 9 h 30, à 14 h 30, le soir et, éventuellement, la nuit

- Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2015

La semaine du 14 décembre est une semaine réservée par priorité au Gouvernement

LUNDI 14 DÉCEMBRE 2015

À 14 h 30, le soir et la nuit

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement

- Nouvelle lecture du projet de loi de modernisation de notre système de santé

MARDI 15 DÉCEMBRE 2015

À 14 heures

- Suite de la nouvelle lecture du projet de loi de modernisation de notre système de santé

À 16 h 45

- Questions d'actualité au Gouvernement

À 18 heures

- Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 17 et 18 décembre

Le soir et la nuit

- Suite de la nouvelle lecture du projet de loi de modernisation de notre système de santé

MERCREDI 16 DÉCEMBRE 2015

À 14 h 30, le soir et la nuit

- Désignation des onze membres de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l'évaluation interne

- Désignation des vingt-cinq membres de la mission d'information sur l'organisation, la place et le financement de l'Islam en France et de ses lieux de culte

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2016 ou nouvelle lecture

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2015 ou nouvelle lecture

- Deux conventions fiscales avec l'Allemagne, d'une part, et le Luxembourg, d'autre part

- Suite de la nouvelle lecture du projet de loi de modernisation de notre système de santé

JEUDI 17 DÉCEMBRE 2015

À 10 h 30, à 14 h 30 et le soir

- Projet de loi autorisant la ratification de l'accord commercial entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la Colombie et le Pérou, d'autre part

- 2 conventions internationales examinées selon la procédure d'examen simplifié

- Projet de loi autorisant la ratification de l'accord-cadre entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la République socialiste du Viêt Nam, d'autre part

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public

- Suite de la nouvelle lecture du projet de loi de modernisation de notre système de santé

La semaine du 12 janvier est une semaine de contrôle.

MARDI 12 JANVIER 2016

À 14 h 30

- Débat sur le thème : « Les incidences du crédit d'impôt recherche sur la situation de l'emploi et de la recherche dans notre pays »

- Débat sur le thème : « La forêt française en questions »

À 17 h 30 et, éventuellement, le soir

- Proposition de loi constitutionnelle relative à la compensation de toute aggravation par la loi des charges et contraintes applicables aux collectivités territoriales

MERCREDI 13 JANVIER 2016

De 14 h 30 à 18 h 30

- Proposition de résolution tendant à limiter le poids de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et à simplifier certaines normes réglementaires relatives à l'urbanisme et à la construction

- Proposition de loi visant à instaurer un Jour de Mémoire pour perpétuer notre histoire, sensibiliser les jeunes aux sacrifices de leurs anciens et aux valeurs républicaines de la nation française

De 18 h 30 à 19 h 30 et de 21 heures à minuit

- Sous réserve de sa transmission, proposition de loi d'expérimentation pour des territoires zéro chômage de longue durée

- Sous réserve de sa transmission, proposition de loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire

JEUDI 14 JANVIER 2016

À 11 heures

- Débat sur les conclusions du rapport de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques intitulé : « Sécurité numérique et risques : enjeux et chances pour les entreprises »

À 15 heures

- Questions d'actualité au Gouvernement

À 16 h 15

- Débat sur les conclusions du rapport de la commission d'enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l'air

Les semaines des 18 et 25 janvier sont réservées par priorité au Gouvernement.

MARDI 19 JANVIER 2016, à 14 h 30, à 17 h 45 après les questions d'actualité au Gouvernement et le soir, MERCREDI 20 JANVIER 2016 à 14 h 30 et le soir et JEUDI 21 JANVIER 2016, à 10 h 30, à 14 h 30 et le soir

- Projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages et proposition de loi organique relative à la nomination à la présidence du conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité

MARDI 26 JANVIER 2016

À 9 h 30

- Questions orales

À 14 h 30

- Explications de vote des groupes sur le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages et sur la proposition de loi organique relative à la nomination à la présidence du conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité

De 15 h 15 à 15 h 45

- Vote solennel par scrutin public, en salle des Conférences, sur le projet de loi

À 15 h 45

- Proclamation du résultat du scrutin public sur le projet de loi et scrutin public ordinaire en salle des séances sur la proposition de loi organique

À 16 heures et le soir

- Projet de loi relatif à l'information de l'administration par l'institution judiciaire et à la protection des mineurs

- Projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires

MERCREDI 27 JANVIER 2016

À 14 h 30 et le soir

- Suite éventuelle de l'ordre du jour de la veille

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi relatif aux réseaux des chambres de commerce et d'industrie et des chambres de métiers et de l'artisanat

- Sous réserve de sa transmission, proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique, contre le terrorisme et contre la fraude dans les transports publics de voyageurs

JEUDI 28 JANVIER 2016

À 10 h 30

- 1 convention internationale examinée selon la procédure d'examen simplifié

- Suite éventuelle de l'ordre du jour de la veille

- Projet de loi ratifiant l'ordonnance portant réduction du nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées

À 15 heures

- Questions d'actualité au Gouvernement

Éventuellement, à 16 h 15 et le soir

- Suite de l'ordre du jour du matin

Il en est ainsi décidé.

Agriculture et filière agroalimentaire (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la discussion de la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l'agriculture et de la filière agroalimentaire. Dans la discussion des articles, nous en sommes aux explications de vote sur l'amendement n°37.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE ADDITIONNEL (Suite)

M. Jean Bizet.  - Je salue l'initiative prise par le rapporteur avec cet amendement.

Passer d'un contingentement administratif à un contingentement privé serait un mauvais signal envoyé aux agriculteurs. Je salue le ministre, qui a été clair et poursuit la politique menée par tous les ministres de l'agriculture depuis 1983. Ce n'est pas en donnant une valeur marchande à ce qui n'en a plus depuis la suppression des quotas que l'on restructurera la filière.

M. Franck Montaugé.  - Je remercie le rapporteur à mon tour. Le groupe socialiste votera cet amendement pertinent.

M. Gérard Bailly.  - Merci à notre rapporteur pour cet amendement. Le ramassage du lait représente une difficulté dans les régions à faible densité laitière. Les collecteurs ne s'y précipitent pas, ce qui met les agriculteurs en difficulté.

L'amendement n°37 est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 2

M. Michel Raison .  - Cet article poursuit l'amélioration de la contractualisation : il prévoit une conférence des producteurs et des distributeurs au sein de laquelle ceux-ci examineront les modalités de détermination des prix, notamment en cas de crise. La consommation peut baisser en Chine, la production augmenter en Nouvelle-Zélande... Il est bon que tout le monde soit autour de la table.

Je disais tantôt que la morale primait la loi.

M. Jean Bizet.  - Dans le temps, oui !

M. Michel Raison.  - Pour que le mécanisme fonctionne, il faudra que chacun soit animé de bonne volonté, d'une conscience de l'intérêt commun, fasse preuve de sincérité, de rigueur, d'honnêteté intellectuelle pour mieux partager la valeur ajoutée.

M. Bruno Sido .  - Cet article instaure un cadre de médiation. Il faudra aussi tenir compte de l'impact du plan Écophyto II. Le député Dominique Potier avait été chargé de formuler des recommandations pour une nouvelle version du plan. Celle-ci a été rendue publique, qui prévoit de diviser par deux les volumes de pesticides utilisés, par une généralisation des pratiques durables, d'abord, par une mutation profonde des systèmes de production ensuite. Comme rapporteur des Grenelle I et II je m'en félicite. Toutefois, il faudra veiller à mesurer les effets de ce plan sur la compétitivité de notre agriculture.

M. le président.  - Amendement n°23, présenté par M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Rédiger ainsi cet article :

Après l'article L. 632-2 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 632-2-... ainsi rédigé :

« Art. L. 632-2-...  -  Les organisations interprofessionnelles reconnues organisent chaque année, pour chaque production agricole, une conférence sur les prix rassemblant producteurs, fournisseurs et distributeurs. L'ensemble des syndicats agricoles est convié à y participer.

« Cette conférence donne lieu à une négociation interprofessionnelle sur les prix, destinée à fixer un niveau plancher de prix d'achat aux producteurs pour chaque production agricole, et tenant compte notamment de l'évolution des coûts de production et des revenus agricoles sur chaque bassin de production.

« Elle peut également servir à déterminer un ou plusieurs indices publics de prix des produits agricoles ou alimentaires mentionnés à l'article L. 441-8 du code de commerce.

« Ce niveau plancher de prix d'achat tient compte, notamment, de l'évolution des coûts de production et des revenus des producteurs.

« Les établissements mentionnés aux articles L. 621-1 et D. 684-1 du présent code sont respectivement chargés de la mise en application et du respect par l'ensemble des opérateurs, au sein de chaque filière, du prix plancher d'achat fixé annuellement. »

M. Michel Le Scouarnec.  - Les conférences de filière ne seront utiles que si les rapports entre distributeurs et producteurs sont rééquilibrés, et si les producteurs ne sont plus obligés de vendre à perte. C'est pourquoi les conférences devront fixer un prix plancher d'achat aux producteurs.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Cette proposition a déjà été faite par le député André Chassaigne. Avis défavorable. Le droit européen interdit aux professionnels de fixer des prix plancher ou des prix obligatoires, cela constituerait une entente au sens du droit de la concurrence.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - La loi d'avenir a déjà instauré un médiateur pour faciliter le dialogue sur les prix.

Le Gouvernement se bat pour créer une interprofession qui intégrerait la grande distribution. C'est ainsi, plus qu'en créant une nouvelle conférence, qu'on avancera. Avis défavorable.

M. Bruno Sido.  - Je ne voterai pas cet amendement. Mais écoutons ce cri de détresse. Les prix varient du simple au double du jour au lendemain du fait de la volatilité des cours et des variations de change. Qui peut travailler dans ces conditions ? Comment veut-on que les jeunes s'installent ?

M. Henri Cabanel.  - La création de conférences ne modifiera pas le rapport de forces. La distribution continuera à faire ce qu'elle veut. Il est nécessaire que les filières s'organisent pour faire contrepoids. Il faut changer de stratégie, l'agriculture n'est pas un monde de bisounours.

M. Daniel Gremillet.  - Les accords interprofessionnels sur les prix sont interdits. Ensuite, ces conférences réuniront aussi la restauration collective.

M. Joël Labbé.  - Il y en a assez de ce fatalisme face à la grande distribution ou face à l'Europe. Il faudra bien que nous allions vers une régulation, que les producteurs soient payés à la hauteur de leur travail. Les écologistes voteront cet amendement qui envoie un signal positif.

L'amendement n°23 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°24, présenté par M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 611-4-2 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « fruits et légumes périssables peut être » sont remplacés par les mots : « produits agricoles et alimentaires est » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Après consultation des syndicats et organisations professionnelles agricoles, les ministres chargés de l'économie et de l'agriculture fixent le taux du coefficient multiplicateur, sa durée d'application et les produits visés. »

M. Michel Le Scouarnec.  - Cet amendement étend à l'ensemble des produits agricoles et alimentaires un dispositif partiellement réintroduit par l'article 23 de la loi du 23 février 2005 après son abandon en 1986, le coefficient multiplicateur. Fondé sur un principe simple d'encadrement des prix d'achat en lien avec les prix de vente, il s'agit d'appliquer un coefficient limitant les taux de marge sur l'ensemble de la filière, et plus particulièrement ceux des distributeurs.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Ce mécanisme recréé en 2005 n'a pas été mis en oeuvre car il prévoit un coefficient unique quel que soit le stade de commercialisation et suppose des contrôles administratifs que la DGCCRF n'a pas les moyens d'assumer. Il risque en outre de favoriser les produits importés. Avis défavorable.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Avis défavorable. J'ajoute à ces inconvénients que les effets de ce mécanisme seront répercutés sur les consommateurs, avec un risque de substitution.

L'amendement n°24 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par M. D. Dubois et les membres du groupe Union des UDI-UC.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le sixième alinéa de l'article 7 de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les établissements refusant de se soumettre aux enquêtes obligatoires du service statistique public relatives aux prix et aux marges des produits agricoles et alimentaires, pour les besoins de la mission de l'organisme mentionné à l'article L. 692-1 du code rural et de la pêche maritime, affichent leur manquement, de manière à ce que le public puisse en prendre connaissance. »

M. Jean-Jacques Lasserre.  - La fixation des prix et des marges est un objectif majeur. Les établissements qui ne respectent pas l'obligation de réponse aux enquêtes relatives aux prix et aux marges des produits agricoles et alimentaires doivent afficher leur volonté de ne pas y participer.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Avis favorable à cet amendement qui crée une publicité négative. Son efficacité dépendra des contrôles pour la faire respecter.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Retrait ? Quel serait l'impact de cet amendement ?

M. Daniel Dubois.  - Comme la mise en place de l'interprofession prendra du temps, le recours en amont à un médiateur est nécessaire ; en aval, il faut prévoir des pénalités, et laisser le consommateur arbitrer en toute connaissance de cause.

M. Joël Labbé.  - Je voterai cet amendement qui va dans le sens d'une meilleure transparence.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Le Gouvernement sera favorable à l'amendement n°5 rectifié de M. Dubois qui prévoit que l'Observatoire publiera la liste de ceux qui ne collaborent pas.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Les amendements nos4 rectifié et 5 rectifié nous paraissent au contraire complémentaires.

L'amendement n°4 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par M. D. Dubois et les membres du groupe UDI-UC.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le sixième alinéa de l'article 7 de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La liste des établissements refusant de se soumettre aux enquêtes obligatoires du service statistique public relatives aux prix et aux marges des produits agricoles et alimentaires, pour les besoins de la mission de l'organisme mentionné à l'article L. 692-1 du code rural et de la pêche maritime, font l'objet d'une publication par voie électronique par cet organisme. »

M. Daniel Dubois.  - Défendu.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°5 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 3

M. Michel Raison .  - La transparence est un mot bien connu en politique, avec tous les excès que l'on connaît...

M. Jean Bizet.  - À tous les étages !

M. Michel Raison.  - L'étiquetage est plus que jamais d'actualité en matière alimentaire. Les consommateurs doivent savoir ce qui est dans leur assiette. La rédaction de l'article 3 est équilibrée, sans excès ni ridicule.

M. le président.  - Amendement n°20 rectifié, présenté par M. Collin et les membres du groupe du RDSE.

Supprimer cet article.

M. Yvon Collin.  - Cet amendement est d'appel... Nos agriculteurs sont bien positionnés sur la compétitivité hors prix. Il faut poursuivre la négociation au niveau européen pour obtenir un étiquetage de l'origine des produits alimentaires. Le Parlement européen a adopté une résolution en ce sens.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Le droit européen fait obstacle à un étiquetage obligatoire de l'origine des viandes ou produits laitiers entrant dans la composition d'un plat transformé. L'article 3 contourne cette difficulté en répondant aux attentes des consommateurs comme des producteurs ; il rassure les producteurs en faisant référence à « l'ingrédient principal ».

Avis défavorable à l'amendement.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - La solution est à rechercher au niveau européen. Quelle complexité si un consommateur doit pouvoir demander l'origine et la nature de tous les produits qui entrent dans un produit transformé ! Ce qu'il faut indiquer, c'est l'origine de l'ingrédient principal. C'est le sens du label « Viandes de France » - animal né, élevé, abattu et transformé en France. C'est ce que prévoit le cahier des charges. D'ailleurs, un grand distributeur y est favorable. Aller plus loin serait nous pénaliser par rapport à nos voisins.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - L'essentiel, en effet, c'est l'ingrédient principal - le lait dans un yaourt à la vanille, pas la vanille...

Cet article vise à répondre à la demande de la société, tout en restant dans le cadre du droit européen.

M. Franck Montaugé.  - L'article 3 est une forme de surtransposition du droit communautaire. Tôt ou tard celui-ci devra évoluer sans obérer la compétitivité des entreprises.

M. Gérard Bailly.  - Le consommateur a droit à la transparence. Le logo « Viandes de France » est un succès. Les consommateurs attendent son extension à tous les produits. D'ailleurs un tel dispositif soutiendrait notre production.

Enfin, à l'heure de la transparence, est-il admissible que les vétérinaires ne puissent plus communiquer aux éleveurs ni la nature ni les prix des traitements antiparasitaires ?

M. Jean Bizet.  - Cet article est élégant. Il respecte le droit européen, est qualitatif, et ne constitue pas une charge excessive sur les entreprises productrices et de transformation. La simple existence de ce mécanisme rassurera les consommateurs.

L'amendement n°20 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste.

I.  -  Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 112-13.  -  Les distributeurs et les fabricants de produits alimentaires indiquent à tout consommateur qui en fait la demande, dans un délai n'excédant pas un mois, l'origine et le mode d'élevage utilisé pour les produits carnés, laitiers et les oeufs constituant un des ingrédients des produits alimentaires qu'ils ont fabriqués ou distribués.

II.  -  Alinéa 4

Après les mots :

de l'origine

insérer les mots :

et du mode d'élevage

M. Joël Labbé.  - Amendement élégant mais non d'appel... Il étend l'obligation d'information a posteriori des consommateurs à l'indication du mode d'élevage, au-delà de l'origine géographique, et à l'ensemble des ingrédients issus de l'élevage.

Les consommateurs sont de plus en plus sensibles aux conditions d'élevage. Le développement des élevages industriels en France, comme la ferme dite des 1 000 vaches, participe à la dégradation de la qualité de la production alimentaire en France, et pose des questions de santé publique.

Inspirons-nous du système d'étiquetage des oeufs.

M. le président.  - Amendement n°25, présenté par M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéa 2

Supprimer les mots :

à tout consommateur qui en fait la demande, dans un délai n'excédant pas un mois

M. Michel Le Scouarnec.  - L'article 3 de la loi de 2010 rendait possible la mention du pays d'origine des produits de la mer bruts ou transformés, possibilité étendue depuis aux viandes de mouton et de porc. La Commission européenne refuse toutefois de l'étendre aux autres produits. Or les producteurs et les consommateurs sont demandeurs d'une telle transparence.

M. le président.  - Amendement n°26, présenté par M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« L'étiquetage des denrées alimentaires issues d'animaux nourris avec des aliments génétiquement modifiés est obligatoire. »

M. Michel Le Scouarnec.  - Nous voulons un étiquetage obligatoire des produits alimentaires issus d'animaux nourris par des organismes génétiquement modifiés.

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« L'étiquetage des denrées alimentaires issues d'animaux nourris avec des aliments génétiquement modifiés est obligatoire. »

M. Joël Labbé.  - Pour les trois quarts, le cheptel français est nourri avec des OGM venus d'Amérique du sud. La terre sud-américaine doit servir à nourrir les populations sud-américaines !

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Soyons prudents sur ces questions. Les producteurs ont mis en place des labels, des cahiers des charges, ne les fragilisons pas. Si l'on rend le système trop contraignant, les collecteurs devront affréter un camion par produit... Avis défavorable à ces amendements.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Je suis certain qu'à prolonger le débat, d'autres informations apparaîtront sur les étiquettes : les conditions sanitaires des animaux...

M. Bruno Sido.  - Celle du producteur !

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Ne compliquons pas les choses. Trop d'information tue l'information et donc le choix du consommateur. Si un pot de rillettes - je suis élu de la Sarthe - a le logo « Viandes de France », cela signifie que les cochons sont originaires de France. C'est clair et simple. Inutile d'en rajouter. Avis défavorable.

M. Bruno Sido.  - L'amendement n°15 est particulièrement caricatural. M. Labbé est tantôt idéologue, tantôt démagogue. Pourquoi les bêtes seraient-elles mieux soignées dans les petits élevages ? En avez-vous déjà vu ? Cela revient à comparer les petits hôpitaux aux grands : où est-on le mieux saigné ?

M. Joël Labbé.  - C'est vous qui caricaturez !

M. Bruno Sido.  - Attaquer ainsi la qualité des produits issus de grandes exploitations n'est pas acceptable.

MM. Jean Bizet et Charles Revet.  - C'est même indigne !

M. Michel Raison.  - Déceler les traces d'OGM ingérés par les bêtes n'est jamais évident. Certains fromages d'AOC sont certes faits avec du lait garanti sans OGM mais leur présure est transgénique...

Mme Sophie Primas.  - Un consommateur qui achète un produit y consacre entre trois et sept secondes : aura-t-il le temps de lire l'origine du produit, la présence ou non d'OGM. ? L'intention est bonne, mais le mieux est parfois l'ennemi du bien.

M. Joël Labbé.  - Le distributeur doit être en mesure de préciser a posteriori l'origine de ce qu'il vend. Et le consommateur en droit de privilégier un mode de consommation - et de production - à un autre.

On est dans le dur sur les OGM. La France en a refusé la culture ...

M. Jean Bizet.  - C'est une erreur !

M. Joël Labbé.  - ...mais importe de la viande de bêtes nourries aux OGM : le consommateur doit savoir ce qu'il mange. À l'heure de la COP21, le soja transgénique sud-américain est hors-jeu pour les années qui viennent !

L'amendement n°15 n'est pas adopté non plus que les amendements nos 25, 26 et 17.

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié, présenté par M. D. Dubois et les membres du groupe UDI-UC.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La liste des distributeurs et des fabricants de produits alimentaires qui ne respectent pas cette obligation est tenue publique par le ministère en charge de l'alimentation.

M. Jean-Jacques Lasserre.  - Cet amendement contraint les distributeurs et les fabricants de produits alimentaires à respecter l'obligation d'information du consommateur prévue par cet article. Cette liste permettra au consommateur d'être bien informé.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - N'en rajoutons pas ! Avis très défavorable. Le jour où vous me demanderez des mesures de simplification, je vous rappellerai cette soirée !

M. Daniel Dubois.  - Comment comprendre qu'une obligation ne soit pas assortie de contrôle ?

L'amendement n°7 rectifié est adopté.

L'amendement n°1 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 112-...  -  L'indication du mode d'élevage est rendue obligatoire pour l'ensemble des produits carnés et laitiers destinés à la consommation humaine, à l'état brut ou transformé, sur le modèle de celui existant pour les oeufs, selon les termes 0 = biologique, 1 = en plein air, 2 = extensif en bâtiment, 3 = système intensif.

« La liste des produits concernés, les caractéristiques de l'étiquetage et les modalités d'application sont fixées par décret en Conseil d'État. »

M. Joël Labbé.  - Défendu.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Avis défavorable, pour les raisons énoncées précédemment. Restons simples, tenons-nous en aux cahiers des charges existants.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°16 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°30 rectifié quinquies, présenté par M. Canevet et les membres du groupe UDI-UC.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 112-14.  -  Les distributeurs et les fabricants de produits alimentaires indiquent, sous forme d'étiquetage, l'origine de leurs produits carnés et laitiers.

« Les modalités d'application du présent article sont définies par décret. »

Mme Françoise Gatel.  - Cet amendement instaure un étiquetage en amont des produits carnés et laitiers, pour renforcer la compétitivité de notre agriculture. La Commission européenne a bien décidé l'étiquetage des produits venant des colonies israéliennes de Palestine, comment refuserait-elle une meilleure information sur les produits carnés entrant dans la composition des plats transformés ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Cet amendement est contraire au droit européen. L'étiquetage des produits issus des colonies israéliennes a été décidé au niveau européen. Avis défavorable.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Le droit européen de l'étiquetage l'empêche en effet : avis défavorable. Je continuerai à me battre pour le faire évoluer.

Mme Françoise Gatel.  - Entendu. Mais alors agissez au niveau européen !

L'amendement n°30 rectifié quinquies est retiré.

L'article 3, modifié, est adopté.

ARTICLE 4

M. Bruno Sido .  - Le plan Écophyto risque de brider la compétitivité de nos exploitations. Ayons un mot d'ordre : tout le droit européen, rien que le droit européen, ne surtransposons pas. Tenons un benchmark européen afin de renforcer notre compétitivité, en diffusant les bonnes pratiques dans l'usage des pesticides et le maintien des rendements. Certes, c'est du domaine réglementaire, mais envoyons les signaux utiles.

Avec 29 millions d'hectares, la France a l'une des premières surfaces agricoles, mais n'est que le neuvième État en termes d'utilisation de pesticides.

M. le président.  - Amendement n°34, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission.

Première phrase

Après les mots :

ou de cheptel

insérer les mots :

ou de l'acquisition ou la rénovation de bâtiments d'élevage

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Cet amendement étend la faculté de reporter, en cas de crise, le remboursement du capital des emprunts souscrits aux emprunts finançant la construction ou la rénovation de bâtiments d'élevage.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Je comprends le poids que constitue le remboursement d'un emprunt, qui peut se traduire par une année blanche. Mais la loi n'est pas faite pour traiter les crises conjoncturelles - contre lesquelles nous avons déployé des solutions... conjoncturelles. Avis défavorable.

M. Daniel Dubois.  - Les reports de remboursement de prêts existent déjà pour d'autres filières. L'inscrire dans la loi donne une certaine liberté aux agriculteurs, confrontés aux aléas.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Je vous mets en garde : les banques en profiteront pour renchérir l'accès au crédit...

M. Bruno Sido.  - C'est vrai.

M. Marc Laménie.  - Les agriculteurs sont, pour certains, trop sinistrés. L'enjeu financier est parfois considérable pour les petites exploitations. Et obtenir un prêt relève parfois du parcours du combattant. Il faut les soutenir.

M. Alain Vasselle.  - Monsieur le rapporteur, il n'y a pas lieu de réserver une telle possibilité aux éleveurs. Tous les agriculteurs sont confrontés aux aléas climatiques et aux aléas des cours.

Monsieur le ministre, l'article 4 précise qu'il ne vise que les situations de crise. Et dans ce type de circonstance, c'est précisément des mesures de cette nature que vous prenez !

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Précisément : la loi n'est pas faite pour traiter des crises. Et je vous le répète : les coûts du crédit s'en ressentiront.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Je vous rassure, monsieur Vasselle, l'amendement concerne tous les agriculteurs.

Cette proposition de loi a pour objectif de s'inscrire dans le temps, de traiter les problèmes structurels, pas les crises conjoncturelles. J'y vois un moyen de surmonter les problèmes que vous avez avec les banques sur la prise en charge de l'année blanche, monsieur le ministre. Le renchérissement des prêts sera moindre dès lors que le mécanisme est inscrit dans la loi. Les banques incluront les aléas dans le calcul du risque.

L'amendement n°34 est adopté.

L'article 4, modifié, est adopté.

ARTICLE 5

M. le président.  - Amendement n°19 rectifié, présenté par M. Collin et les membres du groupe du RDSE.

I.  -  Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le livret de développement agricole

II.  -  Alinéas 5, 6, 8 et 9

Remplacer les mots :

livret vert

par les mots :

livret de développement agricole

M. Yvon Collin.  - L'article 5 crée un nouveau produit d'épargne défiscalisée afin de soutenir l'investissement dans notre agriculture. Nous soutenons cette proposition, mais souhaitons renommer ce « Livret vert » en « Livret de développement agricole » ; « vert » est trop connoté agroécologie ; en outre, il existe un Livret de développement durable dédié à l'environnement, ce qui risque de créer une confusion.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Sagesse. L'on pourrait en discuter des heures...

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Je préfère « Livret vert ». L'épargne n'est pas infiniment extensible, mais le problème est moins celui de la disponibilité des fonds que leur affectation. Sur ce point le texte est peu explicite. De plus, comment ce livret serait-il rémunéré ?

M. Henri Cabanel.  - Cette idée est séduisante. Mais quelle effectivité sans concertation avec le secteur bancaire, hostile à la création d'un nouveau livret ? Je crains le risque de confusion mais pourquoi pas.

L'amendement n°19 rectifié n'est pas adopté.

L'article 5 est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié, présenté par M. D. Dubois et les membres du groupe UDI-UC.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi, un rapport dont l'objet est de prévoir l'ouverture de prêts à longue durée pour les jeunes agriculteurs, assis sur le livret de développement durable et le livret vert.

M. Daniel Dubois.  - Cet amendement prévoit la mise à l'étude de prêts à longue durée pour les jeunes agriculteurs. Ces prêts pourraient être assis sur le Livret de développement durable et sur le Livret vert. Au moment de l'installation, les difficultés sont importantes pour les jeunes agriculteurs. Des prêts à long terme les aideraient à passer ces premières années difficiles et relieraient les anciens aux nouveaux ruraux.

M. le président.  - Sous-amendement n°36 à l'amendement n°11 rectifié de M. D. Dubois et les membres du groupe UDI-UC, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission.

Amendement n° 11 rectifié, alinéa 3

1° Remplacer les mots :

prêts à longue durée

par les mots :

prêts de carrière

2° Supprimer les mots :

, assis sur le livret de développement durable et le livret vert

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Nous n'aimons guère les demandes de rapport, mais le sujet le mérite. Favorable à l'amendement si notre sous-amendement de précision est adopté.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Sagesse.

Le sous-amendement n°36 est adopté.

L'amendement n°11 rectifié, ainsi sous-amendé, est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 6

M. le président.  - Amendement n°32 rectifié quinquies, présenté par M. Canevet et les membres du groupe UDI-UC.

I. - Alinéa 7, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, ou lorsqu'au titre de deux années consécutives, la somme arithmétique des baisses de valeur ajoutée mesurées excède 10 %

II.  -  Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Claude Kern.  - La reconnaissance de l'aléa économique est liée à la constatation d'une baisse de valeur ajoutée de l'exercice de plus de 10 %, par rapport à la moyenne triennale des valeurs ajoutées des trois exercices précédents. Cette condition est trop rigide. Il n'est pas rare qu'un exploitant constate des baisses de valeur ajoutée pendant plusieurs années successives, mais que chacune de ces baisses soit inférieure au seuil de déclenchement de la déduction pour aléas (DPA).

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Cet amendement apporte une souplesse acceptable : avis favorable.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Défavorable : cet amendement ne peut relever que d'une loi de finances. Le collectif reviendra sur la DPA, qui reste un outil de souplesse pour faire des réserves.

L'amendement n°32 rectifié quinquies est adopté.

M. le président.  - Amendement n°31 rectifié quinquies, présenté par M. Canevet et les membres du groupe UDI-UC.

Alinéa 13

Remplacer le montant :

27 000 €

par le montant :

35 000 €

M. Jean-François Longeot.  - Le plafond de la DPA, à 27 000 euros, est trop bas : cet amendement le porte à 35 000 euros.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - Avis favorable. Le plafond global reste à 150 000 euros

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Défavorable : c'est encore un sujet de loi de finances. Le monde agricole ne demande pas de relever ce plafond.

L'amendement n°31 rectifié quinquies est adopté.

L'article 6, modifié, est adopté.

ARTICLE 6 BIS

M. Gérard César .  - Lorsqu'un jeune agriculteur s'installe, il peut bénéficier de la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs (DJA) et de prêts bonifiés. La situation peut être aggravée par des aléas climatiques ou sanitaires.

Jean-Paul Emorine et moi-même nous sommes battus pour obliger les jeunes agriculteurs à s'assurer. Le Gouvernement, sur ce sujet, nous a abandonnés en rase campagne.

L'Europe finance à 65 % les prêts aux jeunes agriculteurs. Si je suis pour la DPA - quand il y en a une ! - je reste réservé sur le maintien de la déduction pour investissement.

L'article 6 bis est adopté, ainsi que l''article 6 ter et l'article 7.

ARTICLE 8

L'amendement n°2 n'est pas défendu.

L'article 8 est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié, présenté par M. D. Dubois et les membres du groupe UDI-UC.

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Pour toute nouvelle norme créée dans le domaine agricole, une norme antérieure est abrogée.

Chaque année, un bilan de cette balance entre normes créées et normes abrogées est rendu public.

M. Daniel Dubois.  - Les contraintes normatives et réglementaires pesant sur les agriculteurs sont de plus en plus fortes et nuisent considérablement à la compétitivité de notre agriculture. L'instabilité de l'environnement juridique freine son développement et affecte la motivation des agriculteurs.

Cet amendement limite la surrèglementation en prévoyant qu'à chaque norme nouvellement créée soit supprimée une norme existante et prévoit qu'un bilan annuel est réalisé.

M. Daniel Gremillet, rapporteur.  - De quelles normes parlait-on ? Comment étendre le principe aux normes non agricoles ? Ce principe, toutefois, est bon : avis favorable.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - C'est du domaine réglementaire ; et pour aller dans le sens que vous réclamez, il faudrait avoir une claire définition de ce dont on parle. Que supprime-t-on quand on transpose une directive européenne ? Simplifier les choses, nous nous y employons. Avis défavorable.

M. Franck Montaugé.  - Ne nous précipitons pas sur cette question. Le groupe de travail présidé par Daniel Dubois rendra bientôt son rapport. Faute de pouvoir évaluer la pertinence d'un tel amendement, nous nous abstiendrons.

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Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du jeudi 10 décembre 2015

Séance publique

À 10 h 30

Présidence : M. Claude Bérit-Débat, vice-président

1. Examen d'une demande de la commission des lois tendant à obtenir du Sénat, en application de l'article 5 ter de l'ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qu'il lui confère les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête pour le suivi de l'état d'urgence, pour une durée de six mois.

2. Projet de loi de finances rectificative pour 2015, adopté par l'Assemblée nationale (n° 227, 2015-2016).

Rapport de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances (n° 229, 2015-2016).

Avis de M. Jean-Claude Lenoir, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 230, 2015-2016).

À 15 heures

Présidence : M. Gérard Larcher, président

3. Questions d'actualité au Gouvernement.

De 16 h 15 à 20 h 15

Présidence : Mme Isabelle Debré, vice-présidente

M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

Ordre du jour réservé au groupe communiste, républicain et citoyen

4. Proposition de loi permettant de maintenir et de développer sur l'ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité (n° 113, 2015-2016).

Rapport de Mme Évelyne Didier, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (n° 212, 2015-2016).

Résultat des travaux de la commission (n° 213, 2015-2016).

Analyse des scrutins publics

Scrutin n° 104 sur l'article 2 de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à garantir le droit d'accès à la restauration scolaire.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :343

Suffrages exprimés :342

Pour :140

Contre :202

Le Sénat n'a pas adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Contre : 141

Abstention : 1 - M. Didier Robert

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (110)

Pour : 110

Groupe UDI-UC (42)

Contre : 42

Groupe communiste républicain et citoyen (19)

Pour : 19

Groupe du RDSE (17)

Pour : 1 - M. Jacques Mézard

Contre : 16

Groupe écologiste (10)

Pour : 10

Sénateurs non-inscrits (6)

Contre : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier

Scrutin n° 105 sur l'ensemble de la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l'agriculture et de la filière agroalimentaire.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :343

Suffrages exprimés :220

Pour :201

Contre :19

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 142

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (110)

Abstentions : 110

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 41

Abstention : 1 - Mme Chantal Jouanno

Groupe communiste républicain et citoyen (19)

Contre : 19

Groupe du RDSE (17)

Pour : 15

Abstentions : 2 - M. Alain Bertrand, Mme Hermeline Malherbe

Groupe écologiste (10)

Abstentions : 10

Sénateurs non-inscrits (6)

Pour : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier