Lutte contre le système prostitutionnel (Deuxième lecture)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale, visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.
Discussion générale
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes . - C'est une lourde responsabilité que la nôtre aujourd'hui : affirmer la volonté de faire reculer la traite des êtres humains. La prostitution, c'est des agressions sexuelles répétées, non désirées, subies en raison de la précarité ou à cause des mafias. De nombreux a priori pèsent sur la prostitution. Mais point n'est besoin d'être spécialiste, il suffit de regarder les faits.
Cette proposition de loi a son origine dans un travail transpartisan mené par Danielle Bousquet, alors députée et aujourd'hui présidente du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, et Guy Geoffroy, président de la commission spéciale de l'Assemblée nationale. Suite à leurs travaux, les députés ont, en décembre 2011, voté à l'unanimité une résolution réaffirmant la position abolitionniste de notre pays. Cette décision honore la France. Cette unanimité a été confirmée en juin dernier lors de la deuxième lecture de ce texte à l'Assemblée nationale.
Je salue tous les pionniers, médecins, magistrats, avocats, citoyens qui se sont ainsi engagés pour lutter contre la stigmatisation des personnes prostituées et l'acceptation de l'achat d'actes sexuels.
Le 27 septembre 2015, le président de la République a rappelé à l'ONU la mobilisation de la France contre toutes les violences faites aux femmes. Celles dont sont victimes les prostituées sont inouïes, qui vont parfois jusqu'à l'assassinat, dont les colonnes de la presse quotidienne régionale se font l'écho. Le taux de mortalité des prostituées est six fois plus élevé que celui du reste de la population. Il ne s'agit pas de faits divers mais de féminicides. Selon l'INVS, 36 % des prostituées ont subi un viol au cours de leur vie. Au nom de quoi devrions-nous accepter le sacrifice des droits, de la vie, de femmes et d'hommes ? Pour assouvir le désir sexuel de quelques-uns ? Ce n'est pas la société que nous voulons mais c'est la réalité de la prostitution. Alors je me demande comment certains peuvent encore parler d'un métier. Ceux qui mettent en avant la liberté de disposer de son corps se trompent : le système prostitutionnel induit la contrainte. Ce n'est pas la liberté des femmes qu'ils défendent !
Je suis allée rencontrer les personnes concernées, en maraude dans des centres d'hébergement sécurisés. J'y ai constaté la douleur engendrée par ces parcours de contraintes. La situation effroyable de ces victimes de la prostitution suscite l'indignation et la volonté d'agir. Si ce n'est pas clair pour tout le monde, la loi doit l'énoncer : les femmes ne sont pas des objets.
Le texte repose sur quatre piliers : renforcer la lutte contre la traite et le proxénétisme ; accompagner les personnes prostituées ; sensibiliser toute la société ; responsabiliser le client. Retirer un de de ces piliers, c'est fragiliser tout l'édifice.
Comme me l'a dit une survivante courageuse, les clients sont des acteurs du système prostitutionnel : c'est parce qu'un client paie que l'on prostitue les femmes, que les mafias s'enrichissent, que la traite est le deuxième trafic le plus lucratif au monde après la drogue. (On approuve sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)
Je regrette ainsi que le Sénat ait supprimé cette disposition (On approuve sur les mêmes bancs)
Par cohérence, il faudrait supprimer le délit de racolage et donner les moyens aux forces de l'ordre de lutter contre les trafics, en rendant plus difficile l'exploitation d'êtres humains. Les réseaux, les trafics, les proxénètes, nous n'en voulons pas ! Des femmes et des enfants vivent sous leur menace. Ils partagent la recherche du profit et le mépris de l'humanité. Aucun levier ne doit être écarté pour les combattre.
À l'étranger, des outils très intéressants ont été expérimentés. En Suède, l'interdiction de l'achat d'actes sexuels a fait baisser les trafics ; des écoutes téléphoniques ont révélé que les mafieux jugeaient désormais le pays inhospitalier... Idem en Islande, en Norvège, au Canada, en Irlande du Nord. À l'inverse, les États qui, comme l'Allemagne, ont légalisé la prostitution ont vu les trafics exploser. (M. Roland Courteau abonde dans ce sens)
Le Parlement européen a adopté en 2014 une résolution affirmant que l'achat d'actes sexuels était contraire à la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et notamment à l'objectif d'égalité entre les femmes et les hommes. Cette résolution considère que la demande peut être réduite en faisant peser la charge de l'infraction sur ceux qui achètent des actes sexuels. L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a adopté la même position. J'ai rencontré Mme Vassiliadou, coordinatrice de l'Union européenne pour la lutte contre la traite des êtres humains. La voix de la France est attendue. Se contenter d'une loi sans ambition serait indigne de notre République.
Dès 1949, les Nations unies affirmaient l'incompatibilité de la prostitution avec la dignité et la valeur de la personne humaine. Aujourd'hui, les textes internationaux vont plus loin : ils dénoncent la pénalisation des personnes prostituées et incitent à sanctionner l'achat d'acte sexuel.
La prostitution a changé de visage. Les trafics s'organisent. La majorité des personnes prostituées sont étrangères et victimes de réseaux internationaux qui les déplacent. Nous avons besoin d'un cadre harmonisé. Ce texte lance un signal fort, fournit des outils aux forces de police et des moyens aux associations de terrain.
La commission spéciale a adopté le mécanisme de protection renforcée à destination des personnes prostituées et je l'en remercie. Le parcours d'insertion professionnelle a été opportunément renforcé. Le Gouvernement est prêt à participer à l'application concrète de la loi : les outils interministériels sont en place et le budget 2016 tiendra compte des dispositifs prévus dans la proposition de loi.
Nous pouvons, ensemble, faire un pas historique. La France a un rôle à jouer et est regardée dans le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen et du groupe socialiste et républicain.
Mme Michelle Meunier, rapporteure de la commission spéciale . - La commission spéciale a commencé à travailler sur ce texte il y a plus d'un an et demi. Ses dispositions sont connues ; je reviendrai seulement sur ses plus récentes évolutions.
Le 30 mai 2015, le Sénat a voté un texte amputé de l'interdiction d'achat d'actes sexuels et de l'abrogation du délit de racolage. Si la présente proposition de loi représente une avancée décisive, c'est dans la mesure où elle reconnait dans la prostitution une violence le plus souvent faite aux femmes par des hommes.
Le texte transmis à l'Assemblée nationale contenait cependant des avancées : sur les 23 articles, 8 ont été adoptés conformes par les députés et 7 n'ont fait l'objet que de divergences mineures. Le Sénat avait considérablement amélioré l'article 3 en créant un parcours de sortie de la prostitution. L'équilibre trouvé est préservé. L'Assemblée nationale a élargi le champ des recettes abondant le fonds pour la prévention de la prostitution et le périmètre des bénéficiaires des mesures de prévention. Les associations pourront participer au parcours de sortie de la prostitution, ce qui est également opportun.
J'en viens aux désaccords entre les deux chambres. Les députés ont rétabli l'abrogation du délit de racolage et la pénalisation des clients. La commission spéciale n'a pas touché au premier point, mais a supprimé le second.
L'utilité du délit de racolage pour remonter les réseaux est fort douteuse : entre la peur du réseau et la peur de la justice, la personne prostituée n'hésite pas longtemps : elle ne parlera donc pas en garde à vue. Les écoutes, les empreintes, sont des instruments inefficaces ; C'est plutôt en assurant la protection par la police des personnes prostituées que l'on pourra le mieux lutter contre les réseaux.
D'où mon amendement à l'article premier ter, adopté en commission, pour renforcer la protection des personnes prostituées qui collaborent avec la police contre les réseaux. Une autorisation provisoire de séjour pourra être délivrée à celles qui porteront plainte contre leur proxénète ou témoigneront au cours d'une enquête. Mais il faudra faire vite, madame la Ministre.
La commission spéciale a à nouveau supprimé la pénalisation des clients Je le regrette. Il est temps que les clients comprennent la responsabilité qu'ils portent dans le phénomène.
Le regard sur la prostitution est en train de changer, grâce notamment aux travaux de la commission spéciale. Nous sommes en passe d'adopter un texte lucide, conforme à l'idée que nous avons de la société dans laquelle nous voulons voir grandir nos enfants et petits-enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen et du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-Pierre Vial, président de la commission spéciale . - Je souhaite éviter une approche réductrice du travail important et de qualité réalisé par Mme le Rapporteur et la commission spéciale, en y associant son premier président Jean-Pierre Godefroy. On me soumettait tout récemment un article caricatural du travail sénatorial par un journaliste qui ne s'était même pas aperçu que le Sénat avait, depuis le dernier renouvellement, une moyenne d'âge inférieure à l'Assemblée nationale. Avec la même rigueur intellectuelle, il ne faisait pas la différence entre compte-rendu intégral et relevé sommaire des travaux et auditions de la Commission.
La prudence s'impose sur un sujet aussi sensible, à preuve la décision prise en août dernier par Amnesty International tendant à « la dépénalisation du sexe ce qui recouvre bien entendu les personnes prostituées niais aussi les clients et les tiers ».
Dans l'affaire du Carlton, la justice aura ramené à une simple question de morale des faits de libertinage, qui se révéleront finalement masquer les drames de femmes ayant suivi le parcours classique de la prostitution.
S'il est facile de reconnaitre la prostitution qui relève des filières, il est plus difficile de reconnaitre une frontière avec la liberté de disposer de son corps et d'en faire commerce, pour ceux qui tiennent qu'existe une telle frontière.
Oui, la prostitution est violente. Huit personnes prostituées ont été assassinées en 2014, quatre par leur client dans des conditions atroces, quatre sans doute par leur proxénète. Pouvons-nous seulement savoir quel est, au juste, le chiffre noir des victimes de la prostitution ?
L'Assemblée nationale a adopté conforme les mesures d'aide à la sortie de la prostitution votées par le Sénat. Les divergences entre les deux chambres portent sur les dispositions pénales. La pénalisation des clients paraît de bon sens, car la soumission est au fondement de l'acte prostitutionnel. Mais, en pratique, les associations considèrent que cette mesure risque d'avoir des effets pervers : isolement social et sanitaire des personnes prostituées, clandestinité et perte d'efficacité dans la lutte contre les réseaux, que les clients ne connaissent pas.
De plus, cette infraction est une contravention. Elle ne relève donc pas du pouvoir législatif. Si le Gouvernement était persuadé à ce point de la pertinence de cette mesure, que ne l'a-t-il instaurée par décret !
Avec nos collègues députés, nous avons adopté un dispositif renforcé de protection des personnes prostituées qui témoignent contre leur réseau, inspiré de ce qui se fait dans le grand banditisme. Mais, lourd et complexe à mettre en oeuvre, son efficacité n'est pas garantie ; il ne saurait donc remplacer purement et simplement le délit de racolage. Un quart à un tiers des procédures lancées à Paris pour proxénétisme ont pour point de départ des gardes à vue pour racolage. Le racolage pénalise la prostituée, disent certains ; nous le voyons comme une forme de protection.
L'amendement de Chantal Jouanno sur la prostitution sur internet appelle des explications de votre part, madame la ministre.
Les lois que nous votons n'ont pas qu'une portée symbolique. Le présent texte n'a pas été assorti d'une étude d'impact, mais de nombreuses voix inquiètes, associatives notamment, se sont fait entendre. Tenons-en compte, et prévoyons une évaluation du dispositif dans les deux ans. (Applaudissements à droite et sur les bancs du groupe du RDSE)
Mme Esther Benbassa . - Un bref rappel : bien avant que cette proposition de loi ne soit à l'ordre du jour, le Sénat a voté, le 28 mars 2013, l'abrogation du délit de racolage dans une proposition de loi que j'avais déposée. Ce texte comporte - encore - cette abrogation...
Un tel texte aurait dû avoir pour autres objectifs d'instaurer un véritable accompagnement des personnes souhaitant sortir de la prostitution, une vraie lutte contre les réseaux, et une véritable éducation au respect du corps des femmes. Dommage que ces sujets ne soient abordés que sous l'angle moral.
Dans Les filles de noces, publié en 1978, Alain Corbin montre que la société a glissé de la tolérance à la prohibition. La question se posait déjà sous la IIIe République. Huysmans, Edmond de Goncourt, Zola publient, presque en même temps, des romans qui lui sont consacrés. « Une menace est alors soulignée, écrit Corbin, la femme vénale fausse les mécanismes de la mobilité sociale. Il est des carrières fulgurantes, au sein de la prostitution, qui non seulement contreviennent au désir d'ordre moral mais sont à l'origine de fortunes colossales ».
La connaissance clinique de la syphilis rend alors la prostitution inquiétante à un autre égard encore : on craint pour la santé des jeunes générations. Pour le coup, le contraste est patent avec notre époque. Qui s'est soucié, hier, des conséquences sanitaires de la création du délit de racolage ? Et qui, aujourd'hui, de celles qu'aurait la pénalisation des clients ? Certes, il ne s'agit là que de la santé des prostituées elles-mêmes. Ce qui peut passer après la morale...
Le parcours de ce texte, victime au fil des navettes de réécritures incohérentes, traduit la difficulté à mettre d'accord, libéraux, prohibitionnistes et autres abolitionnistes. Certaines associations, enracinées dans un terreau catholique, ressemblant fort aux ligues de moralité d'antan, pèsent de tout leur poids. C'est qu'il y a beaucoup à gagner dans cette affaire : les subventions d'État.
En 1975, le mouvement des prostituées exigeait, pour les 20 % de prostituées qui travaillent à leur compte, paient leurs impôts et ne dépendent pas d'un proxénète, la reconnaissance de l'existence légitime du couple prostitutionnel, fondé sur un libre accord ; le droit de choisir librement son partenaire ; l'émancipation de toutes les formes de proxénétisme ; la reconnaissance de la diversité des fonctions de la prostitution.
M. Giscard d'Estaing commanda un rapport à Guy Pinot, Premier président de la Cour d'appel d'Orléans. Que préconisait ce rapport, hélas mis dans un placard ? Juste que les prostituées soient, dans la société, des femmes comme les autres et des contribuables comme les autres, qu'il soit mis fin à l'hypocrisie, puisque la prostitution en France est à la fois légale et réprimée.
Qu'exiger d'autre aujourd'hui ? Aidons celles qui le souhaitent à quitter la prostitution, luttons contre le proxénétisme, oui. Mais cessons de stigmatiser ces femmes, mes soeurs, comme si elles étaient des délinquantes, ennemies irréductibles de notre facile vertu de nantis.
M. Jean-Claude Requier . - Je veux saluer le travail effectué par la commission spéciale en deuxième lecture : non à la pénalisation, oui à l'accompagnement des personnes prostituées et à la lutte contre les réseaux.
Dès 2013, mon groupe avait défendu l'abrogation du délit de racolage passif, lequel n'avait eu pour effet que de rendre le phénomène invisible aux yeux des riverains. Peu concluant, cette politique a eu des effets sanitaires désastreux, et a compliqué le travail des associations. Notre assemblée commettait une faute en rétablissant ce délit. Quant au tarissement des sources d'informations à destination de la police, le dispositif prévu à l'article premier ter y remédie en incitant les personnes prostituées à témoigner.
Élisabeth Badinter a souligné la contradiction inhérente à la pénalisation des clients.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Si Élisabeth Badinter l'a dit...
M. Jean-Claude Requier. - La prostitution d'aujourd'hui est loin de celle décrite par Kessel ou Zola. Les 3 milliards d'euros générés par an par le trafic le sont d'abord par des femmes étrangères clandestines victimes de traite. Lutter contre le phénomène en amont, accompagner les personnes prostituées en aval : le texte est équilibré. Nous soutenons l'intégration des personnes prostituées dans les listes des personnes prioritaires pour le logement et leur accompagnement dans la sortie de la prostitution.
Nous soutiendrons le texte issu des travaux de la commission spéciale. (Applaudissements sur les bancs du groupe du RDSE)
M. Cyril Pellevat . - Je souhaite participer au débat dans un esprit ouvert.
La prostitution concerne 20 000 femmes en France, la plupart en provenance d'Afrique, d'Asie, d'Europe de l'Est, victimes de réseaux de traite. Comment entre-t-on dans le système ? Précarité, vulnérabilité sont les premières étapes.
Sur leur accompagnement, le texte fait un important pas en avant, au moyen d'un véritable parcours de sortie, qui sera mis en oeuvre avec toutes les associations potentiellement compétentes. Les personnes prostituées ayant contribué au démantèlement des réseaux bénéficieront d'une protection particulière. L'État assure l'accompagnement social des victimes, et ouvre un droit à la réparation intégrale des préjudices subis.
Oui, la prostitution procède de la traite des êtres humains, contre laquelle il faut lutter. La responsabilité des hébergeurs et des fournisseurs d'accès internet est précisée, car il ne faut pas négliger le rôle d'internet dans le phénomène. La sensibilisation dans les écoles est renforcée. Mais la prévention ne suffit pas.
Catherine Troendlé proposera de supprimer l'incrimination du racolage dit passif. Il est en effet difficile pour les forces de l'ordre, pour les magistrats, et pour les personnes prostituées elles-mêmes, de savoir quelles attitudes relèvent d'un racolage passif.
Je ne m'attarderai pas sur ce délit de racolage, qui, certes, n'est pas une solution miracle puisqu'il n'a pas permis d'éliminer la prostitution, mais il reste néanmoins un instrument juridique nécessaire, notamment pour le suivi des prostituées par les forces de police qui relèvent leur identité et peuvent ainsi remonter les réseaux. On trouve là également un intérêt social, puisque c'est ainsi que les identités des prostituées peuvent être transmises aux associations en vue de leur protection et de leur éventuel parcours de sortie.
Nous ne pouvons toutefois rester passifs face à la responsabilité des clients. Je ne suis pas opposé à leur pénalisation. (On approuve à gauche) Les juristes objecteront qu'on ne peut pénaliser l'achat d'un acte dont la consommation n'est pas interdite. De plus, la contravention prévue n'est pas du ressort du législateur.
Maintenir le délit de racolage respecterait un certain parallélisme des formes. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Chantal Jouanno . - Nos débats ont déjà été longs. Nous pouvons nous accorder sur quelques idées fondamentales. D'abord, les personnes prostituées sont victimes de leur réseau, de leurs clients. Souvent, elles n'ont pas choisi cette voie, ou si elles l'ont choisie au début, elles n'ont pu revenir en arrière. La prostitution, en effet, est un aller simple.
Je suis pour ma part néo-abolitionniste : je crois que nous pouvons viser l'abolition à terme de la prostitution, qui est une violence extrême faite, le plus souvent, par des hommes sur des femmes.
Sur un tel sujet, les clivages politiques n'ont pas lieu d'être : peut-on imaginer que la droite souhaite libéraliser la prostitution, la gauche l'étatiser ?
Nous sommes ici au Sénat, législateur et défenseur des libertés. C'est tout de même ici que Victor Hugo, l'un des premiers, a souligné qu'il n'y avait pas de liberté pour les femmes victimes de la prostitution.
Peut-être une minorité de personnes prostituées revendiquent-elles leur liberté, mais c'est pour la majorité que nous légiférons.
Trois choix s'ouvrent à nous. Libéraliser la prostitution ? Personne n'y songe. Sanctionner l'offre, c'est-à-dire les personnes prostituées ? Cela vaudrait si une telle répression était efficace et si la prostitution était un acte libre. Ce n'est plus le cas.
La prostitution est le fait de réseaux contre lesquels la répression du racolage est inefficace. Comment accepter, d'ailleurs, que des victimes soient présumées coupables ?
Le troisième choix qui s'offre à nous est de réprimer la demande, c'est-à-dire de punir les clients. Sans demande, point d'offre ! La prostitution est un business. Les mêmes réseaux alimentent la prostitution et tous les trafics.
M. Roland Courteau. - Eh oui !
Mme Chantal Jouanno. - L'argument selon lequel la répression des clients est inefficace ne tient pas. En Suède, la prostitution baisse ; elle augmente ailleurs.
La pénalisation des clients fragiliserait les personnes prostituées, dit-on. Certes, mais cela vaut aussi pour le délit de racolage passif. Certains ont peut-être exprimé leurs craintes, mais aucune personne prostituée n'a jamais publié de tribune dans la presse pour combattre cette loi, parce que ces personnes prostituées dont nous parlons aujourd'hui, qui représentent la majorité, n'ont pas le droit à la parole : Parler c'est souvent se condamner.
Alors écoutez les rapports officiels nombreux sur le sujet. Relisez l'appel du 28 mars d'éminents médecins français, la tribune des magistrats du 10 novembre 2013, l'appel des 37 associations du collectif Abolition 2012 ou la tribune des élus municipaux pour la pénalisation du client.
La société a changé. Elle est attachée à l'égalité, et notamment à celle entre les hommes et les femmes. D'ailleurs, les hommes ont à y gagner : leur sexualité n'est pas un crime, mais ses dérives marchandes, si.
J'ai confiance dans la capacité du Sénat à voter un texte juste (Applaudissements au centre et à gauche ainsi que sur plusieurs bancs à droite)
Mme Laurence Cohen . - En première lecture, le Sénat a refusé de pénaliser les clients, ce qui aggrave la situation. Cette proposition aborde l'ensemble du triptyque formé par les clients, les personnes prostituées et les réseaux. Il ne faut pas penser les personnes prostituées à part, comme des criminelles. Il est dommage que la commission spéciale n'ait pas établi le délit de racolage. Le corps d'autrui ne s'achète pas. Ce n'est pas une question de morale, mais d'égalité.
M. Roland Courteau. - Très bien.
Mme Laurence Cohen. - La prostitution est un acte de violence, un business lucratif pour les mafias. Qui accepterait de voir sa femme, sa fille, subir chaque jour des rapports sexuels répétés ? Quand bien même les personnes soient consentantes, il faut protéger les plus vulnérables dont le consentement n'est pas certain. La loi interdit bien le trafic d'organes.
La pénalisation des clients est la solution la plus simple. En s'attaquant à la demande, on tarit les flux d'argent. Le système prostitueur, c'est la violence : huit fois plus de viols parmi les personnes prostituées, seize fois plus de suicides ; huit meurtres l'an dernier, tous commis par des clients.
Des médecins, des élus nous appellent à voter cette mesure. On ne peut lutter contre la prostitution si l'on ne lutte pas contre la demande.
Nos amendements simplifient aussi les procédures pour obtenir une autorisation provisoire de séjour pour les personnes victimes de la traite des êtres humains.
Point d'égalité entre les femmes et les hommes, sans abolition de la prostitution. Nous voterons un texte conforme à la position abolitionniste de la France et à ses valeurs : Liberté, égalité, fraternité. (Applaudissements à gauche et sur plusieurs bancs au centre)
Mme Claudine Lepage . - La prostitution suscite bien des passions car elle condense plusieurs tabous : sexe, violence, argent, misère. Victor Hugo qualifiait déjà la prostitution d'esclavage moderne : 85 % des personnes prostituées en France sont d'origine étrangère, 97 % des prostitués de rue. La majorité est aux mains des mafias ; la prostitution leur rapporterait dans notre pays un à deux milliards d'euros par an, selon le ministère de l'intérieur.
Les poncifs ont eu la vie dure - on parle du « plus vieux métier du monde » - comme si c'était un métier ! - de la prostituée glamour d'antan... - mais les jeunes n'en sont plus dupes. Le procès du Carlton a fait tomber les masques : non, il n'y a pas d'un côté les prostituées victimes des réseaux, de l'autre les « travailleurs du sexe », ces derniers sont tout aussi humiliés et maltraités. La prostitution est avant tout une activité marchande et le client y est roi. Pourtant le corps des femmes n'est pas une marchandise, pas plus ici qu'en Afrique, où sévit Boko Haram.
Le regard évolue. Le Sénat, je n'en doute pas, refusera cette fois-ci le conservatisme réactionnaire.
Assez d'hypocrisie, le client est le premier rouage du système. Certains craignent des effets pervers pour la personne prostituée...
Mme Catherine Troendlé. - Eh oui !
Mme Claudine Lepage. - Mais les personnes prostituées ne seront pas plus isolées - elles ne le sont jamais autant que lorsque la porte de la camionnette ou de la chambre se referme, car c'est alors, dans l'acte de prostitution lui-même, que s'exercent les pires violences.
Les meurtriers des huit personnes prostituées assassinées l'an dernier étaient des clients. La question sanitaire n'est pas seulement celle des maladies sexuellement transmissibles (MST).
Tous les spécialistes le savent : la prostitution est un acte de violence. Le groupe socialiste votera pour l'accompagnement des personnes prostituées, le renforcement de la lutte contre les réseaux, et la pénalisation des clients. (Applaudissements à gauche)
Mme Maryvonne Blondin . - Chacun le reconnaît, la lutte contre la prostitution est une urgence, réaffirmée par l'afflux des migrants, les exactions des réseaux djihadistes qui enlèvent des femmes pour les réduire en esclavage ou les revendre comme du bétail.
La prostitution est une forme de traite, un servage contemporain au coeur du crime organisé.
Il est temps de s'attaquer aux réseaux, c'est l'objet de l'article premier, de cesser de criminaliser des personnes prostituées et de faciliter leur réinsertion.
La responsabilité du client ne peut plus être ignorée. Sans demande, point d'offre.
Ce texte ambitieux, équilibré, traite tous les maillons de la chaîne.
Les écoutes menées par la police suédoise l'ont montré, les réseaux ont quitté la Suède depuis que les clients sont pénalisés, puisque l'investissement y est moins rentable. L'Islande, la Norvège, le Canada et l'Irlande du Nord ont suivi la même voie.
Non, l'argent ne peut tout arbitrer. La France ne peut pas être un pays d'accueil pour les mafias. Selon la Convention des Nations Unies de 1949, la prostitution est contraire à la dignité humaine. Le Parlement européen a adopté une résolution qui réaffirme que la prostitution est contraire aux droits européens. L'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, où je représente le Sénat, a invité les États parties à envisager la criminalisation de l'achat d'actes sexuels.
Écoutons André Comte-Sponville : « Ce n'est pas le sexe, le plaisir ou la liberté qui font problème dans la prostitution, c'est l'argent, la violence, l'agression des femmes, le trafic d'êtres humains ». Tout est dit ! À nous de prendre nos responsabilités ! (Applaudissements à gauche ; Mme Chantal Jouanno applaudit aussi)
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. - Je salue la qualité de ce débat qui fait exploser les clivages partisans.
Monsieur Requier, vous avez dit que la traite des êtres humains était une horreur. C'est vrai. Dès lors, on ne peut qu'admettre que ceux qui en sont complices restent impunis.
Madame Benbassa, comment prétendre que certaines associations attendraient cette loi pour toucher des subventions ? J'attendais d'autres arguments de votre part...
La loi est nécessaire.
Je regrette que la commission spéciale n'ait pas voulu responsabiliser le client. Est-il normal d'acheter un acte sexuel en France ? Telle est la question. Je vous invite à y répondre sans ambiguïté, selon l'objectif initial de cette proposition de loi.
La discussion générale est close.
présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
M. le président. - Amendement n°7 rectifié, présenté par Mmes Jouanno et Morin-Desailly, MM. Longeot et Guerriau, Mmes Joissains et Férat, M. Cadic, Mmes Létard et Gatel et M. Détraigne.
Alinéa 2
Rétablir le II dans la rédaction suivante :
II. - La première phrase du premier alinéa de l'article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique est ainsi modifiée :
1° La deuxième occurrence du mot : « ou » est remplacée par le signe : « , » ;
2° Après les mots : « même code », sont insérés les mots : « ou contre la traite des êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle et le proxénétisme relevant des articles 225-4-1, 225-5 et 225-6 dudit code » ;
3° Les références : « 421-2-5 et 227-23 » sont remplacées par les références : « 421-2-5, 227-23, 225-4-1, 225-5 et 225-6 ».
Mme Chantal Jouanno. - L'Assemblée nationale a supprimé cet article en première lecture, mais le contexte a changé. Cet amendement autorise l'autorité administrative à demander aux fournisseurs d'accès le blocage des sites qui auraient été identifiés comme permettant aux réseaux de traite et de proxénétisme d'organiser leur activité sur notre territoire. Une telle mesure est déjà mise en oeuvre pour les sites terroristes et pédopornographiques. On ne peut prétendre que la liberté d'expression soit en jeu, comme l'affirment rituellement les fournisseurs d'accès à internet.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Sagesse.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. - La proposition de loi prévoit une obligation de signalement des contenus illicites. En revanche, le Gouvernement ne souhaite pas demander l'interdiction de ces sites.
Attendons que les mesures de blocage des sites djihadistes et pédopornographiques aient fait leurs preuves. Avis défavorable.
M. Alain Fouché. - Je suis d'accord avec l'objet de cet amendement. Mais quel est notre pouvoir sur les sites hébergés à l'étranger ? N'oubliez pas non plus, pour les sites localisés dans notre pays, l'esprit français : on se prémunit bien contre les radars au moyen de systèmes électroniques...
Mme Chantal Jouanno. - Le même problème se pose pour les sites djihadistes, et l'on a bien légiféré à leur sujet... Il y a une convergence entre les réseaux de traites et les réseaux terroristes.
Mme Laurence Cohen. - Cet amendement serait un signal à l'égard des fournisseurs d'accès internet et des hébergeurs. De plus, les frontières sont effectivement poreuses entre réseaux terroristes et réseaux de proxénétisme.
M. Jean-Claude Requier. - Je suis dubitatif, non pas sur le fond, mais pour des raisons pratiques. Qui déterminera si les actes sexuels proposés sur internet sont volontaires ou non ? De tels sites ne peuvent-ils pas se déguiser derrière des plateformes de rencontres volontaires ou échangistes ?
L'amendement n°7 rectifié est adopté.
L'article premier, modifié, est adopté.
L'article premier bis est adopté.
ARTICLE PREMIER TER
Mme Laurence Cohen . - Nous voterons cet article important. Beaucoup craignent que la pénalisation des clients n'ait des effets négatifs sur les personnes prostituées.
D'où cet article qui met en place un dispositif juste et efficace de suivi des personnes prostituées qui témoignent contre les réseaux. Il offre une panoplie de réponses graduées pour les protéger.
M. Christian Manable . - Le musée d'Orsay présente en ce moment même une exposition intitulée « Splendeurs et misères, images de la prostitution, 1850-1910 ». Elle réunit de grands artistes dont Degas, Manet, Toulouse-Lautrec, Picasso...
Prostituer signifie étymologiquement « mettre en avant », il n'est pas étonnant qu'une sorte de fascination se soit exercée sur ces artistes. Voilà pour la splendeur. Mais cette vision artistique, esthétisée, idyllique cache une misère sociale. Comme l'écrivait Victor Hugo, « la prostitution c'est la société achetant une esclave. À qui ? À la misère. À la faim, au froid, à l'isolement, à l'abandon, au dénuement. Marché douloureux : la misère offre, la société accepte ». Terrible marché en effet. Dans cette exposition, qui présente la violence sans détours, tous les artistes exposés sont des hommes...
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Évidemment !
M. Christian Manable. - Le passé n'est pas meilleur que le présent, les grisettes et cocottes d'hier étaient tout aussi exploitées que les prostituées d'aujourd'hui.
Si la prostituée était respectée au Moyen Âge, elle est devenue une criminelle, fauteuse de trouble à l'ordre public, lorsque le pouvoir royal s'affermit...
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Christian Manable. - On a supprimé la traite des esclaves au XIXe siècle. Au XXIe siècle, la France se grandirait en abolissant la prostitution, c'est-à-dire le plus vieil esclavage du monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain et citoyen)
L'article premier ter est adopté.
ARTICLE 3
M. le président. - Amendement n°18, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Archimbaud et Blandin et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé.
Alinéa 4, dernière phrase
Supprimer les mots :
, notamment des services de police et de gendarmerie
Mme Esther Benbassa. - Cet amendement supprime la présence des policiers et des gendarmes au sein de l'instance départementale chargée d'organiser et de coordonner l'action en faveur des victimes de la prostitution. Ce n'est pas la mission des forces de l'ordre.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis défavorable. La collégialité est nécessaire et utile.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. - Avis défavorable. La police et la gendarmerie ont toute leur place dans ces commissions, comme le montrent des expériences locales, en Île-de-France, en Alsace, en Gironde par exemple.
M. Alain Fouché. - Je voterai l'amendement. J'ai longtemps présidé un conseil général. L'insertion et la réinsertion relèvent des services du département, qui est devenu le principal acteur des politiques sociales de proximité. Les forces de l'ordre ont d'autres missions.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Après réflexion, nous suivrons la position de la commission. L'expérience de l'observatoire contre la prostitution en Seine-Saint-Denis montre que la collégialité est importante. Il faut activer tous les leviers pouvant concourir à la réinsertion des personnes prostituées.
M. Jean-Claude Requier. - Les forces de l'ordre ont une bonne connaissance de la population. Elles ont à mon sens toute leur place dans cette commission. Leur expérience sera utile. Voyons le côté préventif et non répressif de leur action.
L'amendement n°18 n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
L'article 3 bis est adopté.
ARTICLE 6
M. le président. - Amendement n°19, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Archimbaud et Blandin et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé.
Alinéa 4
Rétablir le b) dans la rédaction suivante :
b) Après la deuxième phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« La condition de cesser l'activité de prostitution n'est pas exigée. » ;
Mme Esther Benbassa. - La carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » ne doit pas être délivrée uniquement à des victimes qui ont cessé la prostitution. Ce serait une discrimination.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis défavorable. Cet amendement est satisfait.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. - Avis défavorable. Cette proposition de loi a pour objet d'aider les personnes prostituées à sortir de la prostitution.
L'amendement n°19 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°20, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Archimbaud et Blandin et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé.
Après l'alinéa 4
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Le second alinéa de l'article L. 316 - 1 est ainsi rédigé :
« À l'issue de la procédure pénale, une carte de résident peut être délivrée à l'étranger ayant déposé plainte ou témoigné. En cas de condamnation définitive, celle-ci est délivrée de plein droit. » ;
Mme Esther Benbassa. - Grâce à un amendement écologiste adopté au Sénat dans la loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes, une carte de résident est délivrée de plein droit à l'étranger ayant déposé plainte ou témoigné en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause.
Toutefois, de nombreuses procédures sont classées sans suite ou annulées pour des raisons très diverses.
Cet amendement sécurise le parcours des personnes ayant déposé plainte ou témoigné en permettant qu'une carte de résident puisse être délivrée en cas d'échec de la procédure judiciaire, sans toutefois qu'elle ne soit délivrée automatiquement.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Qu'en pense le Gouvernement ? L'article 48 de la loi du 4 août 2014 sur l'égalité réelle entre les femmes et les hommes prévoyait déjà, dans ce cas, la délivrance de plein droit d'une carte de résident.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. - Cet amendement est satisfait. La circulaire du 19 mai 2015 demande aux préfets de délivrer une carte de résident dans les cas où la procédure n'a pas abouti. La loi du 4 août 2014 prévoit qu'une carte est délivrée de plein droit en cas de condamnation définitive.
L'amendement n°20 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°12, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Alinéa 6, première phrase
Remplacer les mots :
de six mois
par les mots
d'un an
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Seules 36 cartes de séjour temporaire ont été demandées par des victimes de proxénétisme qui ont porté plainte en 2012, 38 en 2013, et 55 en 2014.
Selon le comité interministériel de contrôle de l'immigration, une seule carte a été délivrée en 2014, et 4 en 2012...
Cet amendement rétablit la version issue de la première lecture du Sénat en relevant de six mois à un an l'autorisation provisoire de séjour délivrée à l'étranger victime de proxénétisme ou de traite des êtres humains engagé dans un projet d'insertion sociale et professionnelle.
M. le président. - Amendement identique n°15 rectifié, présenté par MM. Godefroy, Tourenne et Madec, Mme Génisson, MM. Yung et Sutour et Mme Bataille.
Mme Delphine Bataille. - Même amendement.
Six mois, c'est court pour envisager une sortie de la prostitution. Une durée d'un an mettrait ces personnes dans une situation plus sécurisante en leur permettant d'envisager de façon plus réaliste le parcours de sortie ainsi que le travail de réinsertion et de reconstruction.
M. le président. - Amendement n°13, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Alinéa 6, première phrase
Remplacer les mots :
peut être
par le mot :
est
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Défendu.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Le texte prévoit une durée minimale de six mois renouvelables. Avis défavorable aux amendements nos12 et 15 rectifié. Il serait illogique de prévoir une durée plus longue pour les personnes engagées dans un parcours de sortie que pour les personnes ayant déposé plainte.
Avis défavorable à l'automaticité prévue par l'amendement n°13.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. - L'article 6 prévoit un système progressif pour éviter les détournements de procédure. Les personnes engagées dans une procédure judiciaire se verront délivrer, de droit, un titre de séjour d'un an. Mieux protégées, elles seront incitées à témoigner contre les réseaux. Consolidons cet équilibre. Avis défavorable.
Mme Laurence Cohen. - J'entends votre volonté d'équilibre, mais les victimes de la prostitution vivent des traumatismes terribles. Comment se reconstruire psychologiquement, physiquement, moralement, même si on est accompagné, en six mois ? Sans compter qu'il faut faire face à des lourdeurs administratives. Nous maintenons nos deux amendements.
Mme Catherine Génisson. - Je maintiens le nôtre pour les mêmes raisons.
Mme Maryvonne Blondin. - Songeons qu'une carte d'un an pourrait conduire à des stratégies de détournement de la part des réseaux. Voter ces amendements viderait de sens ce que nous avons voté à l'article 3. Mme la ministre a rappelé que le dispositif était progressif.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Mettons-nous à la place d'une personne, arrivée en France parce qu'on lui a promis monts et merveilles, qui voit ses papiers confisqués et se trouve dans le désarroi le plus total. Comment s'en sortir en six mois ? Les démarches administratives sont longues. Un petit plus peut faire beaucoup.
Les amendements identiques nos12 et 15 rectifié ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n°13.
M. le président. - Amendement n°21, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Archimbaud et Blandin et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé.
Alinéa 6, première phrase
Remplacer le mot :
cessé
par les mots :
engagé des démarches pour cesser
Mme Esther Benbassa. - Il ne faut pas exiger de la victime qu'elle ait cessé définitivement toute activité de prostitution pour obtenir une autorisation de séjour de six mois mais seulement qu'elle se soit engagée dans des démarches pour arrêter cette activité. Certaines, vulnérables, en situation précaire, sont contraintes de retomber dans la prostitution.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis favorable de la commission spéciale. À titre personnel, j'estime que cela favoriserait les manipulations de la part des réseaux.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. - La notion de « démarches » est imprécise. Retrait ?
Mme Esther Benbassa. - Non. Vous ne pouvez durcir sans arrêt l'accompagnement des personnes prostituées !
Mme Laurence Cohen. - « Démarches », ce serait flou ?
M. André Reichardt. - Absolument !
Mme Laurence Cohen. - La sortie de la prostitution n'est pas un long fleuve tranquille, trouvons ensemble le terme adéquat pour rendre compte de la réalité.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. - L'article 3 dispose que le préfet doit prendre en compte l'engagement et les difficultés rencontrées par la personne. Celles-ci sont réelles, nous le savons, grâce aux associations comme le mouvement du Nid, et elles sont prises en considération.
Mme Esther Benbassa. - Je déplore ce raidissement idéologique, voyons la réalité humaine ! Je ne suis pas d'accord avec vous, madame la ministre !
M. Jacques Bigot. - Je comprends que la formulation de l'amendement est un peu légère. Pourquoi ne pas écrire : « engagé dans un processus de cessation » ?
M. Jean Desessard. - Si l'engagement de la personne est pris en compte à l'article 3, pourquoi pas à l'article 6 ? Cela dit, la rédaction proposée par M. Bigot me convient.
M. Jean-Claude Boulard. - La sortie de la prostitution est effectivement difficile. La notion de « processus » est la bonne.
M. le président. - Acceptez-vous cette rectification, madame Benbassa ?
Mme Esther Benbassa. - Oui.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. - L'avis du Gouvernement reste défavorable.
L'amendement n°21 rectifié est adopté.
L'article 6, modifié, est adopté.
L'article 8 est adopté.
L'article 9 bis demeure supprimé.
ARTICLE 11
M. le président. - Amendement n°16 rectifié, présenté par MM. Godefroy, Tourenne, Madec, Yung et Sutour et Mme Bataille.
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
Mme Delphine Bataille. - Pourquoi limiter aux associations reconnues d'utilité publique le droit de se porter partie civile même sans l'accord de la victime ? D'autres associations sont très actives au quotidien auprès des victimes.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis défavorable, l'amendement ôterait ce droit aux associations reconnues d'utilité publique et supprimerait donc une disposition protectrice.
Les associations reconnues d'utilité publique feront preuve de discernement ; elles ne peuvent d'ailleurs que se joindre à une action engagée par le procureur de la République ou la victime.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. - Être reconnu d'utilité publique est un gage de sérieux. Il est bon que ces associations puissent se porter parties civiles, car les personnes prostituées ne sont pas toujours en mesure d'être présentes au procès, qu'elles soient à l'étranger, qu'elles aient peur des représailles ou qu'elles aient été assassinées...
Mme Delphine Bataille. - Je le répète, il serait dangereux pour les personnes prostituées de limiter ce droit aux associations reconnues d'utilité publique. Je maintiens l'amendement.
M. Jacques Bigot. - Cet amendement me surprend, c'est une régression. Qu'une association puisse venir s'exprimer devant un tribunal, c'est sans aucun risque pour la victime et c'est d'un intérêt majeur pour la société.
L'amendement n°16 rectifié n'est pas adopté.
L'article 11 est adopté.
ARTICLE 13
Mme Christine Prunaud . - Nous proposons, non d'aménager, mais de supprimer purement et simplement le délit de racolage créé par la loi de sécurité intérieure de 2003. Si la garde à vue de la personne prostituée peut fournir des informations, il apparaît que cette mesure n'a guère eu d'incidence sur l'incrimination des proxénètes - 600 à 800 par an - et le démantèlement des réseaux. Elle n'a fait que déplacer la prostitution.
Les personnes prostituées, victimes d'une délinquance forcée, doivent être exonérées de responsabilités pénales, comme le réclament les associations. Ce sont les réseaux et les clients qu'il faut réprimer.
Mme Maryvonne Blondin. - L'abrogation du délit de racolage est indissociable de la pénalisation des clients prévue à l'article 16. Les personnes prostituées doivent être considérées comme des victimes et protégées à ce titre. Mettons notre droit en conformité avec la directive européenne du 5 avril 2011, qui protège les victimes de la traite.
M. Jean-Claude Boulard. - Qu'une offre publique ne soit plus réprimée ne sera pas sans incidence sur l'appréciation de l'acceptation de l'offre par le client. Je suis très favorable à la suppression du délit de racolage.
L'amendement n°3 rectifié n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°1, présenté par Mme Troendlé.
Rédiger ainsi cet article :
À l'article 225-10-1 du code pénal, les mots : « , y compris par une attitude même passive, » sont supprimés.
Mme Catherine Troendlé. - Les magistrats et forces de l'ordre comme les associations s'accordent pour dire qu'il est très difficile de distinguer entre le racolage passif et un comportement licite. Restons-en à un dispositif efficient, la répression du racolage actif.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis favorable de la commission. Personnellement, je doute fort de l'efficacité de cette incrimination.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. - Le bilan de la répression du racolage n'est pas satisfaisant : baisse de 65 % du nombre de gardes à vue entre 2004 et 2012, 179 condamnations seulement en 2013. Le démantèlement des réseaux, lui, progresse : 50 l'ont été en 2014 et 590 proxénètes poursuivis.
Face à la pression des réseaux, celle d'une garde à vue - situation peu propice à l'établissement d'un lien de confiance - ne fait pas le poids.
L'article premier ter et celui-ci forment un tout cohérent. C'est en reconnaissant que les personnes prostituées sont des victimes qu'il faut protéger, que nous tisserons avec elle des liens de confiance et obtiendrons d'elles les informations nécessaires contre leurs exploiteurs.
Mme Laurence Cohen. - Quel signal voulons-nous envoyer ? Dire que le racolage est un délit, c'est dire que les personnes prostituées sont des délinquantes. Nous reconnaissons tous, pourtant, que ce sont des victimes. La répression du racolage n'a aucune efficacité contre les réseaux, cette proposition de loi explore d'autres pistes.
Après les votes du Sénat, les personnes prostituées souhaitant sortir de la prostitution seront punies et se retrouveront face à des policiers ! Cherchez l'erreur !
M. Alain Fouché. - Il est difficile d'y voir clair en cette matière car l'on ne peut manifestement rien démontrer ; je m'abstiendrai.
Mme Claudine Lepage. - Les personnes prostituées sont des victimes ! Comment considérer que la prostitution est une violence et les considérer comme des délinquantes ? L'ordre public est déjà garanti par la répression de l'exhibition sexuelle et les pouvoirs de police générale des maires qui peuvent prendre des arrêtés interdisant la présence, la circulation et le stationnement de prostituées sur la voie publique.
M. Jean-Pierre Vial, président de la commission spéciale. - Je ne peux laisser dire que le délit de racolage, c'est la pénalisation de la prostituée. Tous nos interlocuteurs dans les forces de l'ordre nous ont dit que les personnes prostituées n'étaient jamais poursuivies, que cette incrimination leur servait seulement à remonter les filières. Tous les responsables de collectivité connaissent les moyens à disposition lorsqu'un réseau de prostitution s'installe sur son territoire.
Il n'y a là aucune contradiction avec la protection offerte aux personnes prostituées. On sait bien qu'elles ont du mal à parler. Dans l'affaire du Carlton, il a fallu trois mois pour que l'on reconnaisse qu'il ne s'agissait pas de libertines, mais de personnes appartenant à un réseau.
Le dispositif de protection est un plus, je souhaite qu'il réussisse. Les personnes prostituées devront en prendre elles-mêmes l'initiative.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. - Le dispositif actuel est inefficace, chacun le reconnaît. Ce n'est pas en mettant la victime d'un réseau de traite en garde à vue que l'on libère sa parole.
Je peux entendre vos inquiétudes pour l'ordre public. La loi est équilibrée, suppression du délit de racolage et pénalisation du client. Là où ce choix a été fait, les réseaux s'en vont, le nombre de clients chute et les forces de l'ordre, la parole des victimes libérée, ont d'autant plus d'efficacité.
Mme Marie-Pierre Monier. - J'ajoute que le délit de racolage met les personnes prostituées en position de faiblesse face à leurs clients et les contraint à accepter des actes auxquels elles ne consentiraient pas sinon.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - L'image renvoyée par la société est fondamentale : faire des personnes prostituées des délinquantes, cela ne permet pas de construire des liens avec les forces de l'ordre ni ne libère pas la parole. Imaginez la situation de celles qui sont embarquées sur un trottoir et emmenées en garde à vue : qui peut croire que cela soit utile ?
M. Jean-Claude Requier. - Hostile à la répression du racolage, actif ou passif, nous voterons contre.
Mme Éliane Giraud. - Rétablir le délit de racolage, c'est renverser l'esprit de ce texte. C'est en reconnaissant les personnes prostituées comme des victimes que nous les aiderons à sortir de la prostitution. Les chiffres ont été cités, la situation est grave, il faut vraiment agir.
Mme Catherine Troendlé. - Vous voulez pénaliser le client, c'est impossible s'il fait appel à une activité licite ! Tels sont les principes de notre droit pénal. Selon votre logique, il faudrait interdire la prostitution. Nous n'allons pas jusque-là, mais voulons rétablir la répression du racolage actif, par parallélisme des formes, et pour faciliter le travail des forces de l'ordre.
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°1 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°23 :
Nombre de votants | 334 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Pour l'adoption | 160 |
Contre | 171 |
Le Sénat n'a pas adopté.
(Applaudissements à gauche)
L'article 13 est adopté.
Mme Catherine Troendlé. - Cet amendement de conséquence n'a plus lieu d'être.
L'amendement n°2 est retiré.
L'article 14 est adopté.
ARTICLE 15
Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - L'éducation est un des quatre piliers essentiels pour lutter contre les violences faites aux femmes et le système prostitutionnel.
La prostitution s'inscrit dans une société inégalitaire, l'égalité entre hommes et femmes doit s'apprendre dès le plus jeune âge. Les clichés sur la prostitution sont nombreux : mal nécessaire, reposant sur des pulsions sexuelles irrépressibles et l'accord des personnes prostituées, qui gagnent ainsi de l'argent facilement... Dès le secondaire, on observe des relations sexuelles tarifées ; et une étude sur la prostitution étudiante dans l'Essonne a montré que les jeunes qui échangeaient des services sexuels contre rémunération n'avaient pas conscience qu'il s'agissait de prostitution...
La référence à la marchandisation du corps dans les modules d'éducation à la sexualité est particulièrement bienvenue.
L'article 15 est adopté.
ARTICLE 16 (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°5 rectifié bis, présenté par Mmes Blondin, Meunier et Lepage, M. Courteau, Mmes E. Giraud et Monier, MM. Kaltenbach et Carvounas, Mmes Yonnet, Féret et Riocreux, M. Manable, Mmes Tocqueville, Jourda et Guillemot, MM. Berson, Gorce, Desplan et Roger, Mme D. Michel, MM. Filleul, Madrelle et Lalande, Mme Ghali, M. Durain, Mmes Claireaux, S. Robert et Herviaux, M. Assouline, Mme Conway-Mouret, MM. Vaugrenard et Duran, Mme Schillinger et MM. Cabanel, Labazée, Roux et Marie.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. - Le code pénal est ainsi modifié :
1° La section IV du chapitre V du titre II du livre VI est rétablie dans la rédaction suivante :
« Section IV : Du recours à la prostitution
« Art. 625-8. - Le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir des relations de nature sexuelle d'une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d'une rémunération, d'une promesse de rémunération, de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage, est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe.
« Les personnes physiques coupables de la contravention prévue au présent article encourent également une ou plusieurs des peines complémentaires mentionnées à l'article 131-16 et au second alinéa de l'article 131-17. » ;
2° La section 2 bis du chapitre V du titre II du livre II est ainsi modifiée :
a) Après le mot : « prostitution », la fin de l'intitulé est supprimée ;
b) L'article 225-12-1 est ainsi rédigé :
« Art. 225-12-1. - Lorsqu'il est commis en récidive dans les conditions prévues au second alinéa de l'article 132-11, le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir des relations de nature sexuelle d'une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d'une rémunération, d'une promesse de rémunération, de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage, est puni de 3 750 € d'amende.
« Est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir, en échange d'une rémunération, d'une promesse de rémunération, de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage, des relations de nature sexuelle de la part d'une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, lorsque cette personne est mineure ou présente une particulière vulnérabilité, apparente ou connue de son auteur, due à une maladie, à une infirmité, à un handicap ou à un état de grossesse. » ;
c) Aux premier et dernier alinéas de l'article 225-12-2, après le mot : « peines », sont insérés les mots : « prévues au dernier alinéa de l'article 225-12-1 » ;
d) À l'article 225-12-3, la référence : « par les articles 225-12-1 et » est remplacée par les mots : « au dernier alinéa de l'article 225-12-1 et à l'article ».
II. - À la troisième phrase du sixième alinéa de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles, la référence : « 225-12-1 » est remplacée par les références : « au dernier alinéa de l'article 225-12-1 et aux articles 225-12-2 ».
M. Roland Courteau. - Cet amendement rétablit le quatrième pilier de la proposition de loi : la création d'une infraction de recours à la prostitution d'une personne majeure, punie de la peine d'amende prévue pour les contraventions de cinquième classe ; la récidive serait punie d'une amende de 3.750 euros.
Cet article est indispensable à l'équilibre et à la cohérence du texte de loi. Il réaffirme clairement la position abolitionniste de la France et permet d'affirmer concrètement que nul n'est en droit d'exploiter la précarité et la vulnérabilité, ni de disposer du corps d'autrui pour lui imposer un acte sexuel par l'argent.
La prostitution contrevient au principe d'égalité entre les hommes et les femmes. Si 85 % des 20 000 à 40 000 personnes prostituées en France sont des femmes, 99 % des clients sont des hommes.
La prostitution heurte plusieurs principes fondamentaux de notre droit, en premier lieu, le préambule de la Convention des Nations unies pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui.
En Suède où, en application de la loi du 4 juin 1998 modifiée par la loi du 12 mai 2011, l'achat d'actes sexuels est puni d'une amende et d'une peine d'emprisonnement, la prostitution de rue a été divisée par deux en dix ans. Rien n'indique que la prostitution dans des lieux fermés ait augmenté du fait de l'interdiction, ni que des personnes qui se prostituaient autrefois dans la rue s'y soient repliées.
Envoyons un signal fort aux réseaux de proxénétisme. Nous faisons le pari qu'en attaquant la demande, nous les dissuaderons d'investir sur notre territoire.
Jacques Fradkine
Direction des comptes rendus analytiques