Débat sur la Grèce et l'Europe
M. le président. - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement sur l'accord européen relatif à la Grèce, suivie d'un débat et d'un vote sur cette déclaration, en application de l'article 50-1 de la Constitution.
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international . - (Applaudissements sur les bancs écologistes et du groupe socialiste et républicain) Je vais vous donner lecture du discours que le Premier ministre prononce en ce moment devant l'Assemblée nationale.
L'Union européenne vient de vivre des moments difficiles. Des esprits résignés considéraient que nos vieilles nations, fatiguées par le fardeau des siècles, n'avaient plus les moyens de peser sur leur destin, qui se décidait ailleurs, loin des urnes. Et il y a ceux qui souhaitent voir l'Europe décliner, se disloquer.
Les Français ont compris que l'avenir de la Grèce, mais aussi de la construction européenne, était en jeu. Une fois encore, l'Europe est en train de surmonter une crise qui aurait pu être fatale.
Sans accord, la Grèce aurait couru à la catastrophe : dévaluation, inflation, faillites bancaires, et j'ajoute pour ma part : conséquences géopolitiques graves. Nous aurions donné au monde une image inquiétante de nous-mêmes, nous aurions tiré un trait sur une certaine idée de la solidarité européenne.
La France ne pouvait l'accepter ! Avec le président de la République, notre pays a su faire entendre sa voix, peser de tout son poids ! On ne fait pas sortir un pays de l'Union comme cela ! Le fatalisme, les égoïsmes, le chacun pour soi, cela ne peut pas être le langage de l'Europe. La semaine dernière, vous avez souhaité que le Parlement puisse se prononcer par un vote sur l'accord, le président Larcher est intervenu et le président de la République l'a décidé.
Cet accord entérine le fait que la Grèce est dans l'Union européenne et la zone euro : pas de Grexit, même temporaire. On parle d'humiliation mais l'humiliation, pour la Grèce, eût été d'être chassée de la monnaie unique. Cet accord réaffirme aussi la volonté de 19 États souverains de préserver la stabilité et l'intégrité de la zone euro.
La Grèce bénéficiera, sur trois ans et dans le cadre du Mécanisme européen de stabilité financière, de 82 à 86 milliards d'euros d'aide supplémentaire, indispensable. La négociation prendra plusieurs semaines, un prêt-relais devra donc être consenti ; la BCE joue aussi un rôle majeur pour fournir aux banques grecques des liquidités.
En contrepartie, le parlement grec doit voter dès ce soir des réformes importantes - TVA, retraites - pour faire rentrer de l'argent dans les caisses de l'État ; la semaine prochaine, une réforme de la procédure civile, puis d'importantes mesures pour améliorer la compétitivité de son économie, à travers la réforme du marché des biens, et du marché du travail. La privatisation de 50 milliards d'euros d'actifs est aussi prévue pour le remboursement de la dette, le renflouement des banques et l'investissement. Un fonds établi en Grèce - la France a insisté pour sauvegarder la souveraineté du pays - gérera ces actifs grâce auxquels la Grèce devrait disposer de 50 milliards d'euros - pour recapitaliser les banques, diminuer la dette et soutenir l'investissement, et donc la croissance.
Les choix du gouvernement Tsipras ne sont pas faciles. Les Grecs devront faire des efforts supplémentaires, indispensables et sans commune mesure avec le coût d'un Grexit. Il faut saluer le courage du Premier ministre Tsipras, et ne pas faire le jeu de ceux qui voudraient précipiter la sortie de la Grèce de la zone euro en refusant l'accord.
Le gouvernement grec devra rétablir la confiance avec ses partenaires car beaucoup de temps a été perdu. Rebâtir un État moderne, rendre son économie plus compétitive est indispensable pour la Grèce. Plusieurs mesures importantes de l'accord figuraient dans le mandat voté par le parlement grec dans la nuit du 10 au 11 juillet.
Deuxième mesure de cet accord : le traitement équilibré de la dette. C'était vital pour que la Grèce puisse commencer à envisager un avenir qui ne se limite pas au seul remboursement. L'Eurogroupe réfléchit à des mesures permettant à la Grèce de retrouver de l'oxygène et de garantir la soutenabilité de sa dette - qui s'élève aujourd'hui à 180 % de sa richesse. M. Tsipras y tenait et il l'a obtenu. Le FMI a redit ce matin qu'il fallait alléger la dette grecque.
Troisième mesure : les Grecs disposeront d'un programme d'investissement de 35 milliards au service de la croissance. Cette somme viendra d'une meilleure utilisation des fonds structurels, des différents programmes de l'Union ainsi que du plan Juncker. Il ne peut pas y avoir de réformes efficaces sans investissements et sans croissance.
Voilà donc un accord responsable, global, respectueux des intérêts de chacun, et qui doit s'inscrire dans la durée. Il doit beaucoup à l'implication de Michel Sapin pour rapprocher les points de vue.
Ce n'est pas une « cure d'austérité » supplémentaire : la Grèce va recevoir plus de 80 milliards d'euros d'aide financière, 35 milliards d'euros au service de la croissance, et elle voit sa dette rééchelonnée. Oui, il y a des réformes à mener, sans quoi les difficultés réapparaîtront. Si les réformes sont exigeantes, c'est aussi parce qu'elles n'ont jamais été menées. Cet accord n'est pas non plus un « chèque en blanc » : nous demandons beaucoup à la Grèce, non pour la punir mais pour l'accompagner dans un redressement économique indispensable.
Grâce à l'action de la France, ce sont les intérêts des contribuables français qui ont été protégés. (On exprime des doutes sur certains bancs à droite)
La France, et à sa tête le président de la République, a joué son rôle, celui que l'on attendait d'elle, pour l'intérêt général européen, et pour la Grèce, à laquelle des liens historiques, culturels, intellectuels anciens nous unissent. Nous partageons une même ambition universelle, nous avons voulu que notre voix, porte bien au-delà de nos frontières. La France estime qu'abandonner la Grèce, ce serait renoncer aux valeurs qu'elle défend.
Nous avons fait preuve de constance, loin des tactiques d'appareil et des atermoiements. La France a tenu son cap et l'a assumé. C'est pourquoi elle est au rendez-vous de l'histoire.
La question des relations franco-allemandes a été posée, j'en ai beaucoup parlé avec mon collègue M. Steinmeier, lors des négociations sur l'Iran. Si quelques différences ont pu momentanément apparaître, nous en avons discuté et l'Europe a pu compter sur la solidité du couple franco-allemand, dont la réconciliation se situe bien au-delà de telle ou telle conjoncture. Il faut condamner l'excès de certains propos aux relents nationalistes, qui cherchent à atteindre l'Allemagne, font du mal à l'Europe et à la France. Former un couple, ce n'est pas tomber d'accord sur tout. Il y a des sensibilités différentes, c'est bien normal, mais la solidité d'une amitié s'apprécie aussi face aux difficultés. Le couple franco-allemand ne peut pas tout, certes, mais sans le couple franco-allemand, l'Europe ne peut pas grand-chose.
La France conçoit son destin au coeur de l'Europe. L'Europe, c'est la fierté, la vocation de la France. Nous voulons une Europe forte, volontaire, généreuse, face à un monde menaçant.
Nous jouons partout notre rôle pour l'Europe, au Sahel, en Afrique, au Moyen Orient aussi, en Irak, dans le dossier du nucléaire iranien. Et le Premier ministre d'ajouter qu'il « salue l'action déterminée, le talent de négociateur de Laurent Fabius »...(Sourires) Pardon de vous rapporter ces propos ! (Applaudissements) Je n'ai pu, cette fois-ci, les modifier, comme je l'avais fait lors d'une précédente déclaration du Gouvernement. (Sourires) Un exemple de plus d'une modestie bien connue... (Rires)
L'Europe doit être unie. Reste à mettre en oeuvre cet accord. Le parlement grec doit se prononcer ce soir, d'autres, dans les prochains jours, mais au-delà, il faut faire de cette crise une opportunité. Hier, le président de la République a fait des propositions : un gouvernement économique de la zone euro au service de la croissance et de l'emploi, d'abord, au-delà, selon le jargon en vigueur, du « semestre européen » et de l'union bancaire.
Plus de convergence aussi, entre nos économies, dans les domaines social, fiscal... un véritable budget de la zone euro au - delà du plan Juncker, pour financer des investissements.
Il faut aussi renforcer la légitimité démocratique de la zone euro.
Le Parlement européen n'est pas assez associé au « semestre européen ». La recommandation « zone euro » élaborée chaque année pourrait être transmise au Parlement européen et faire l'objet d'un débat démocratique. En outre, nous devons l'inviter à s'organiser pour que les sujets propres à la zone euro soient davantage pris en considération en tant que tels. Ce n'est pas le cas ; c'est pourquoi le président de la République a appelé à mettre en place un Parlement de la zone euro, auxquels les parlements nationaux devront être associés.
Si la défiance progresse, si les populismes grondent, c'est que l'Europe a perdu de son élan, qu'elle ne dit pas clairement où elle va et que l'on ne comprend pas toujours ce qu'elle dit. C'est vrai aussi en ce qui concerne la politique migratoire, qui doit être commune pour nous permettre d'avancer.
L'Europe, c'est plus qu'un continent, plus qu'une somme d'intérêts nationaux, ce sont aussi un message et des valeurs qui peuvent résonner dans le monde entier. Appuyons-nous sur nos forces pour y peser davantage, dans le domaine commercial, culturel, environnemental ou diplomatique. L'Europe doit assumer ce qu'elle est.
Mesdames et messieurs les Sénateurs, vous allez être les premiers en Europe à voter. À vous d'indiquer le chemin. Après la crise, point de dépit, le rebond. Le poète allemand Friedrich Hölderlin écrivait, à propos de Patmos : « Là où est le péril, là aussi croît ce qui sauve ». Kindunos, en grec ancien, désigne le risque mais aussi la chance. À nous de continuer à écrire l'histoire de l'Europe, c'est-à-dire l'histoire de nos peuples. Tel est l'enjeu de votre vote (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, RDSE et sur plusieurs bancs UDI-UC)
M. Robert Navarro . - La Grèce reste dans la zone euro ; c'est une bonne nouvelle, mais au prix d'un véritable traité de Versailles, d'une humiliation inouïe imposée au peuple grec.
Ce week-end, l'Europe a changé de nature. J'ai ainsi appris que l'on pouvait priver un peuple européen de sa propre monnaie. Je croyais que nous allions vers « une union sans cesse plus étroite ». Mais ce week-end, l'irréversibilité de l'euro est morte. Ce qui était irrévocable est désormais révocable. L'euro n'est plus un projet commun, mais un outil de domination.
Ne nous trompons pas : tôt ou tard, la France connaîtra le même sort si nous ne réorientons pas vraiment, ou plutôt si nous ne refondons pas l'Europe. C'est de cela qu'il faudrait s'occuper, plus que du débat entre hollandistes et sarkozystes...Nous payons encore, ce que l'on oublie trop souvent, à l'heure des comptes, le prix d'une crise née aux États-Unis, des excès de la finance. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit aussi)
M. François Zocchetto . - Le groupe UDI-UC se félicite de cet accord - pas de n'importe quel accord. Nous ne pouvions ni laisser la Grèce à son sort ni accepter un Grexit de lassitude : verser des dizaines de milliards d'euros par-dessus l'épaule du contribuable européen (Exclamations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen) sans perspectives réelles de redressement pour l'économie grecque.
Que de temps perdu depuis la révélation du trucage des comptes grecs en 2009 ! Six ans de souffrances pour le peuple grec, six ans pour en arriver à une conclusion connue pour rester dans la zone euro. La Grèce doit se mettre en conformité avec les règles de la monnaie unique. Qui dit solidarité, dit responsabilité. J'espère que M. Tsipras a enfin compris la portée de ce principe... (Protestations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - C'est scandaleux !
M. François Zocchetto. - Cet accord met le Gouvernement grec devant ses obligations.
Les réformes à entreprendre sont connues : restauration de l'autorité de l'État, réforme fiscale, lutte contre la fraude et la corruption, destruction des oligopoles, établissement d'un cadastre et soumission de tous à l'impôt, y compris les armateurs et l'église orthodoxe...
Mme Éliane Assassi. - Les armateurs surtout !
M. Pierre Laurent. - Le FMI les défend !
M. François Zocchetto. - Il faudra que M. Tsipras respecte ses promesses. (Protestations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Mme Évelyne Didier. - Quid des gouvernements précédents ?
M. François Zocchetto. - Il ne s'agit pas seulement d'efforts financiers. Un changement des mentalités s'impose pour mettre au pas les profiteurs dans une société minée par les rentes et le népotisme.
La Grèce ne peut plus jouer au passager clandestin de l'Europe. Son peuple doit traverser cette crise sans dénoncer ceux qui l'aident.
Monsieur le ministre, le 14 juillet, j'ai éprouvé une certaine tristesse de voir la vision française l'emporter sur la vision allemande d'un accord stable, favorable à une croissance saine...
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - « La grandeur allemande », un classique de droite !
M. François Zocchetto. - On parle beaucoup de la Grèce, mais parlons aussi de la France. (On encourage vivement l'orateur au centre et à droite) La dette de la Grèce est de 29 000 euros par habitant, 31 000 euros en France. Un pays n'est pas souverain si la dette est trop élevée...
M. Dominique Bailly. - Vous en savez quelque chose !
M. Daniel Raoul. - Qu'avez-vous fait quand vous étiez aux commandes ? (On renchérit sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. François Zocchetto. - Sont indispensables des réformes structurelles (Vives exclamations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les bancs du groupe socialiste et républicain) : flexibilité du marché du travail, retraite à points, statut de la fonction publique, allègement des normes... (Interruptions sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste aussi, tandis qu'on applaudit au centre et à droite)
Nos faiblesses expliquent pourquoi notre voix n'a pas été écoutée...
MM. Didier Guillaume et Dominique Bailly. - Démagogie !
M. François Zocchetto. - L'Euro doit avoir un corps et un visage : donnons-lui une voix pour répondre à celle des peuples, des bras pour agir. Or l'Eurogroupe reste une structure virtuelle. Que sa présidence soit assurée par un ministre à temps partiel n'est plus tolérable. Recourir à des expédients ne peut plus durer.
Je vous rejoins sur ce point, monsieur le ministre : nous devons renforcer l'Europe, lui donner les moyens d'agir. On ne peut pas laisser les peuples européens croire qu'une intervention de la Troïka est une ingérence anti-démocratique... (Exclamations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Un sursaut démocratique et fédéral s'impose pour promouvoir la convergence de nos politiques...
M. Pierre Laurent. - Vive l'Europe libérale !
M. François Zocchetto. - La zone euro a besoin d'une clé de voûte, un ministre européen du budget. Le président de la République, hier, a semblé nous avoir enfin entendus. (Rires et exclamations ironiques sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. le président. - Veuillez conclure...
M. François Zocchetto. - Parce que le groupe UDI-UC croit en l'Europe, parce qu'il veut construire une Europe solidaire et exigeante, nous voterons cet accord. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean Bizet . - Au terme d'une nouvelle nuit de négociations, dont l'Europe a le secret, un accord des chefs d'États et de gouvernements a éloigné, pour un temps, le spectre d'une nouvelle crise et d'une sortie chaotique de la Grèce de la zone euro. L'Europe semble condamnée à rejouer sans cesse cette scène. Depuis 2010, deux plans d'aide, d'un montant de 240 milliards d'euros, ont été lancés.
La solidarité l'a emporté, grâce aux autres pays européens qui ont su mener les réformes nécessaires et se sont redressés.
La dette grecque atteint des records, avec 180 % du PIB, et serait encore plus élevée si, en 2012, la Grèce n'avait pas bénéficié d'un effacement de dettes privées pour l'équivalent de 107 milliards d'euros, détenus en obligations bons du Trésor.
Les banques restent fermées, par crainte d'un bank run. La date de leur réouverture demeure incertaine, une recapitalisation à hauteur de 10 à 30 milliards d'euros sera indispensable.
Dans la conception de chaque plan d'aide, la responsabilité grecque devait répondre à cette solidarité européenne et se manifester par des réformes structurelles ambitieuses, destinées à assainir les finances publiques du pays et à remettre sur les rails une économie qui ne disposait pas des prérequis fondamentaux pour prétendre faire partie de la zone euro. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s'exclame)
Contrepartie de la solidarité, de ce troisième plan d'aide de 85 milliards d'euros sur trois ans, des réformes sont exigées. Pour la France, c'est une contribution supplémentaire de 10 milliards d'euros, qui s'ajoutent aux 42 milliards, déjà avancés. En outre, un prêt-relais sera consenti pour aider la Grèce à faire face à ses obligations à l'égard du FMI et de la BCE. Un fonds, alimenté par les privatisations, de 50 milliards d'euros a été créé pour sécuriser les nouveaux prêts consentis par les Européens.
Au total, l'aide s'élève à 500 milliards d'euros depuis 2010. Dans ces conditions, parler, à propos de l'accord du 13 juillet, de « coup d'État financier » ou de « dictature de la finance », est tout simplement grotesque. (Applaudissements au centre et à droite) L'Allemagne a été la garante de cet accord équilibré et si le Gouvernement Tsipras n'a finalement pas obtenu le chèque en blanc qu'il escomptait, c'est grâce à la fermeté de plusieurs pays européens, et de la chancelière allemande en particulier. (Applaudissements à droite ; exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain et protestations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Je regrette que la France ait eu une oreille sélective, plus attentive aux sirènes de l'extrême gauche... (Protestations à gauche) Nous ne pouvons continuer à verser des milliards sans fin. (Même mouvement) Certes, l'Europe de l'orthodoxie budgétaire ne fait pas rêver. Il n'est cependant pas possible de vivre sans cesse à crédit.
Je m'amuse d'ailleurs que M. Hollande ait accepté pour la Grèce des réformes qu'il refuse pour la France. (Applaudissements à droite ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
L'accord du 13 juillet relancera la dynamique vertueuse qui était lancée en Grèce avant que M. Tsipras ne la brise. (Protestations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
La Grèce devra se réformer ; lutter contre la fraude, la corruption, la bureaucratie. La défiance s'est installée, fruit des errements des gouvernements grecs depuis des décennies et de l'action de M. Tsipras...
Mme Laurence Cohen. - Mauvaise foi !
M. Jean Bizet. - Il n'a rien fait pour mener les réformes structurelles nécessaires et partager l'effort. (Protestations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste aussi)
M. Tsipras n'a jamais fait de propositions crédibles, préférant appeler à l'effacement de la dette, menacer, voire laisser insulter ses partenaires, comme l'a fait son ministre des finances, en leur reprochant leur « terrorisme ». Cette attitude a érodé la confiance. Aujourd'hui, M. Tsipras se trouve face à ses contradictions, loin de l'image qu'en dresse ceux qui voyaient en lui le 26 janvier dernier l'alpha et l'oméga de la réorientation de l'Europe...
Mme Éliane Assassi. - Chacun son camp !
M. Jean Bizet. - L'accord du 13 juillet représente un premier pas, même si M. Tsipras a dit qu'il n'y croyait pas...
Les réformes prendront du temps. L'État grec doit être reconstruit.
En dépit de votre affirmation monsieur le ministre, le désaccord entre la France et l'Allemagne a éclaté au grand jour.
Cette crise laissera des traces, assurément. Espérons qu'elle montrera à la Grèce que des réformes sont indispensables. Et, qu'au-delà, elle incitera les autres pays à se moderniser.
La convergence européenne ne doit plus rester un voeu pieux. Lors de la signature du Traité de Maastricht, nous étions tous convaincus que l'union économique et politique suivrait naturellement l'union monétaire. Cela n'a pas été le cas.
La France a, parait-il, désormais de l'audace ; qu'elle en fasse preuve véritablement en menant des réformes ! (Marques d'encouragements à droite)
Les Républicains voteront pour cet accord tout en veillant au respect par le Gouvernement grec de ses engagements. Nous pouvons compter sur la vigilance de la commission des affaires européennes et de la commission des finances du Sénat. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Didier Guillaume . - (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Monsieur le ministre des affaires étrangères, au risque de froisser votre modestie, je tiens en préambule, avec le groupe socialiste et républicain, à saluer l'accord historique signé avec l'Iran. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, Mmes Hermeline Malherbe et Nathalie Goulet applaudissent aussi)
Que de chemin parcouru sur la Grèce, en une semaine. Relisez le compte-rendu analytique de la semaine dernière, que n'avons-nous entendu ! Certains appelaient à un Grexit, une sortie de cette Grèce... qui ne voudrait rien faire, trop dépensière, qui ne respecterait pas ses engagements...
Cet accord est une réussite pour l'Europe. On ne pouvait laisser un des nôtres sur le bord de la route. Il faut intégrer tous les pays dans le peloton pour passer les cols ensemble. (On apprécie, sur les bancs du groupe socialiste et républicain, la métaphore) Le couple franco-allemand a bien fonctionné, quoi qu'on en dise ! Nous voulions conserver la Grèce dans la zone euro et qu'elle se réforme. L'accord du 13 juillet, équilibré, doit nous rassembler. Il peut être le point de départ d'une nouvelle Europe.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Oh là là !
M. Didier Guillaume. - Alors que presque toute la droite européenne en appelait bruyamment à un Grexit, la Grèce restera, comme nous le voulions, européenne et nous devons la soutenir. Jamais M. Tsipras n'a demandé un chèque en blanc !
Évitons le procès d'intention et des dénigrements politiciens. (Exclamations à droite) Si je ne partage pas nécessairement ses orientations politiques, je me réjouis quand il se bat pour le maintien de la Grèce dans l'Europe. C'est vital pour son pays, comme pour nous tous.
Le Parlement français est le premier à se prononcer sur cet accord. Comment ne pas l'adopter, alors que le parlement grec vote, presque au même moment, des réformes convergentes ?
Évitons toute récupération politique... (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s'amuse).
Au moment où le président de la République se bat pour la Grèce, pour la France, pour l'Europe, ne le dénigrons pas. (On applaudit sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Ladislas Poniatowski. - Quel enthousiasme !
M. Didier Guillaume. - Plus que de l'enthousiasme, c'est la vérité de nos convictions qui compte.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Nous parlons d'argent public tout de même !
M. Didier Guillaume. - Cet accord est équilibré...
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Méthode Coué ! Même M. Tsipras n'y croit pas !
M. Didier Guillaume. - Le maintien de la Grèce dans la zone euro est une victoire pour les défenseurs de l'Europe, qui doit, elle aussi, évoluer, se doter d'un gouvernement économique.
Le couple franco-allemand joue un rôle essentiel et ne fonctionne jamais mieux que lorsqu'il est soudé. La France a eu besoin de l'Allemagne. La réciproque est rare. Nous ne cédons pas aux diktats de la chancelière. D'ailleurs, la presse allemande, la télévision outre-Rhin, reconnaissent le rôle de la France : lisez celle-là, regardez celle-ci, et vous serez surpris de la façon dont elles parlent de la France, qui diffère tant de la caricature que vous en avez tracée.
L'enjeu de cet accord, c'est de sauver la Grèce, de l'aider à se réformer, c'est aussi préparer l'avenir de l'Europe. C'est pourquoi le groupe socialiste et républicain votera pour. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupes socialise et républicain).
M. André Gattolin . - Une semaine après, nous nous retrouvons pour parler de la Grèce, pour nous prononcer sur un accord trouvé à l'arraché au terme d'une longue nuit de négociations acharnées. Hasard du calendrier parlementaire, notre séance a lieu alors que le parlement grec doit le valider. Le temps n'est plus à se perdre dans les méandres des recherches en responsabilité.
L'Eurogroupe a obtenu cet accord en maniant cynisme, arrogance et humiliation.
L'Europe a évité le précipice du Grexit, un temps préconisé par l'Allemagne, certes. Cependant, que le gouvernement grec doive systématiquement consulter l'Eurogroupe avant de prendre toute décision est attentatoire à sa souveraineté. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit aussi) Et c'est un fédéraliste qui vous le dit !
Le fonds chargé de gérer les privatisations rappelle tristement la société fiduciaire qui a géré les actifs de la RDA. M. Schäuble en sait quelque chose : 1,5 million de chômeurs, 120 milliards de dettes quand 300 milliards de bénéfices étaient attendus. (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit)
Mme Évelyne Didier. - M. Schäuble est un expert !
M. André Gattolin. - Les mesures d'austérité sans la mise en place d'un revenu minimal paraissent insoutenables. En revanche, l'indépendance de l'office des statistiques grec est une bonne chose.
Voter sur ce texte représente un choix cornélien. Si nous en sommes là, c'est que nous n'avons su mettre en oeuvre une Europe fédérale.
Une Europe où les figures de l'hérésie s'appellent cohésion et solidarité n'est pas celle que nous appelons de nos souhaits.
Voter non serait faire la sourde oreille aux appels à l'aide de la Grèce. Ce serait accepter tacitement sa sortie de la zone euro. C'est pourquoi une très large majorité du groupe écologiste estime que notre responsabilité historique est d'approuver cet accord imparfait, faute de mieux, pour maintenir la tête de la Grèce hors de l'eau et pour aider demain les Grecs à desserrer l'étau dans lequel ils sont pris. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Pierre Laurent . - Le coup porté ce week-end à l'Union européenne marquera les esprits. Trois sentiments animent notre groupe. D'abord, la volonté de défendre les intérêts du peuple grec qui a eu le courage, lors du référendum du 25 janvier, de crier sa souffrance à la face de l'Europe et son exigence de voir lever le pilon qui l'écrase. Vive le peuple grec, digne et libre ! Nous saluons le courage et la responsabilité exemplaire d'Alexis Tsipras ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; rires ironiques à droite)
La colère, ensuite, contre certains des dirigeants de l'Union, Angela Merkel et Wolfgang Schäuble en tête, qui ont montré quels étaient les intérêts qu'ils défendaient. Il a suffi qu'un peuple se lève et dise non à l'ordre libéral et à l'oligarchie financière pour qu'ils n'aient de cesse de l'asphyxier puis de le punir, de s'acharner à préparer un Grexit. Alexis Tsipras avait un mandat pour maintenir la Grèce dans la zone euro, pour faire respecter la souveraineté de son peuple. Ils l'ont refusé. En faisant le choix de l'humiliation et du chantage, ils sont la honte de l'Europe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen) Des millions d'Européens ne l'oublieront pas.
Une grande inquiétude enfin, parce que c'est à force d'arrogance et d'humiliations que naissent les monstres politiques au coeur de l'Europe. Il est temps de refonder l'Europe, socialement, politiquement, démocratiquement. L'accord écarte à première vue le Grexit, mais cela reste l'objectif de l'Allemagne. Alexis Tsipras a eu la loyauté d'assumer un accord contraint. Non, un Grexit n'était pas un moindre mal, il aurait fait passer le Grèce de la catastrophe humanitaire à l'hécatombe. Voyez comme Mme Le Pen l'attend avec impatience ! L'accord, cette mise sous tutelle insupportable, n'a pas levé les risques.
M. Stiglitz a parlé d'un accord inscrit dans une logique de vengeance. Le respect des exigences des créanciers serait injuste socialement et contreproductif économiquement. M. Tsipras souhaite protéger les plus faibles, aller chercher de nouvelles recettes fiscales, alléger la dette pour relancer les investissements. Mais tout est fait pour l'en empêcher. Les rapaces sont déjà à l'affût du démentiel programme de privatisations ; Vinci est déjà sur place pour acheter les aéroports... (On renchérit sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
La Grèce est soumise au supplice de Tantale. Quant à la France, si le président de la République a joué tardivement un rôle politique, il a accepté dans la dernière nuit le prix exorbitant fixé par l'Allemagne. La bataille n'est pas terminée. Certains voudraient fermer la parenthèse grecque. La France doit agir pour le déblocage immédiat de liquidités de la BCE, sans nouvelles conditions, pour la mobilisation rapide des 35 milliards d'investissements, pour travailler au rééchelonnement de la dette grecque.
Notre vote sera un acte de lutte et de solidarité, au côté du peuple grec. Cet accord scandaleux n'est pas digne de l'Europe. La majeure partie des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen votera contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Bruno Sido. - Que c'est courageux !
M. Jacques Mézard . - Cet accord est une étape nécessaire à défaut d'être historique. La sortie de la Grèce aurait représenté un saut dans l'inconnu, aux conséquences difficiles à apprécier a priori. D'ailleurs ceux qui s'opposent à l'accord peinent à exposer des solutions réalistes.
Cet accord a montré que le couple franco-allemand était le socle de la construction européenne ; que tout ce qui contribue à le fragiliser est dangereux pour l'Europe. Le président de la République a joué un rôle important, qui doit être salué. Plus qu'un conflit entre la France et l'Allemagne, il faut parler de complémentarité, de l'art de la synthèse.
Passé le « ouf ! » de soulagement des bourses européennes, le réveil a été difficile. Et la surmédiatisation de la crise, à laquelle le Premier ministre grec a lui-même participé, n'a rien arrangé. La crise grecque n'est pas terminée. Si la maladie n'a pas tué le patient, le médicament ne l'a pas encore sauvé...
Une année a été perdue par la Grèce et par l'Europe. Les pays qui ont tenu leurs engagements n'accepteront pas de contribuer à nouveau. Comment toutefois faire fi des avertissements du FMI ? Une restructuration de la dette s'impose. L'Allemagne le sait très bien, qui a bénéficié après chaque guerre mondiale de la sollicitude forcée ou amicale de ses créanciers. La dette grecque provoquera encore bien des soubresauts et des drames humains, conséquence de promesses démagogiques et de l'impéritie des banques qui ont fini par passer l'ardoise aux États...
Il y a des leçons à tirer pour les institutions européennes, pour la gouvernance économique, pour le système bancaire. S'il est plus facile de gagner un référendum contre l'austérité qu'appeler ses concitoyens à la rigueur... Mais ce n'est pas une spécialité grecque...
À l'exception de Pierre-Yves Collombat, le groupe du RDSE votera cet accord. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et du groupe socialiste et républicain)
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances . - Bien qu'aucun texte ne l'impose, le Parlement est consulté sur l'accord qui vient d'être conclu entre la Grèce et ses créanciers. Que le Gouvernement en soit remercié.
La dimension politique, géopolitique de la zone euro a été négligée. Elle a pourtant conduit à la déclaration de l'Eurogroupe du 12 juillet. Elle s'illustre dans la préparation du troisième plan de soutien octroyé par le mécanisme européen de stabilité (MES). Celui-ci peut accorder une aide « si cela est indispensable pour préserver la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble et de ses États membres (...) sur la base d'une stricte conditionnalité ». Des États n'appartenant pas à la zone euro peuvent participer au plan d'aide, ce qui ne serait pas illégitime...
Lorsque la Commission européenne et la BCE considèrent qu'il faut agir d'urgence en cas de menace sur « la soutenabilité économique et financière de la zone euro », la décision peut être prise à la majorité qualifiée ; les États disposant de plus de 15 % des voix ont un droit de veto. Dans cette situation, est prévue une information des commissions des finances. Nous voyons que le Gouvernement peut décider d'aller au-delà de son obligation légale...
La déclaration du 12 juillet fixe les conditions politiques du déclenchement de la procédure de soutien du MES.
Des mesures d'urgence sont demandées à la Grèce. La sévérité des réformes économiques et fiscales est critiquée. Il est vrai qu'elles sont exigeantes ; mais n'est-ce pas légitime, au vu des 80 milliards d'euros à venir, des 180 milliards déjà consentis à la Grèce depuis 2010 ? La Grèce devait montrer sa détermination à redresser ses comptes publics et son économie, en particulier aux pays qui se sont imposés à eux-mêmes d'importants efforts d'ajustement. C'était une exigence politique.
La France a pesé de tout son poids pour préserver la place de la Grèce au sein de la zone euro. Elle a fait son devoir, pour le bien du projet européen.
Nos intérêts sont protégés puisque l'Eurogroupe a écarté une réduction du montant nominal de la dette grecque, même s'il envisage d'allonger la période de grâce et la maturité des prêts accordés à la Grèce. L'essentiel du programme sera porté par le MES, sans nouvel apport des États et sans accroître la dette de ceux-ci.
Il faut enfin tirer les leçons des deux premiers plans d'assistance. La Grèce ne doit pas être livrée à elle-même dans la période qui vient. Elle va formuler une demande d'assistance technique. La France a fait le choix d'accompagner la Grèce plutôt que de la stigmatiser ; notre assistance doit être partenariale et non punitive.
Augmentation des préfinancements pour les investissements, 35 milliards d'euros pris sur le budget de la Commission, mobilisation du plan Juncker : les Européens ont compris que l'objectif essentiel est la cohésion et la stabilité de la zone euro, qui doit demeurer un projet politique.
M. Jean-Paul Emorine, vice-président de la commission des affaires européennes . - (Applaudissements à droite). Merci au Gouvernement d'avoir pris l'initiative de ce débat suivi d'un vote. Il y a dans ce dossier un enjeu financier important.
Nous devons nous réjouir, en dépit des épreuves, que l'Europe ait su réagir, même si six mois ont été perdus. Elle est une construction politique. Ainsi disons-nous depuis longtemps que l'on ne pouvait pas laisser le pays dans un face-à-face stérile avec ses créanciers, lesquels sont au premier chef les contribuables européens - qui n'ont jamais failli.
Le besoin de financement du nouveau programme est estimé entre 82 et 86 milliards d'euros, sous la condition expresse que la Grèce mette en oeuvre les indispensables réformes structurelles trop longtemps différées. Oui à la solidarité mais elle doit s'accompagner de la responsabilité. Quand un État vit au-dessus de ses moyens, accumule dettes et déficits, il est toujours rattrapé par la réalité... C'est la dette qui signe la vraie perte de souveraineté.
Le premier ministre grec a déclaré hier que l'accord était mauvais ; le Parlement grec doit voter aujourd'hui les mesures demandées, qui sont le minimum exigé pour entamer les négociations sur le nouveau plan d'aide. Nous n'en sommes qu'au début d'un processus...
La confiance doit être rétablie avec les autorités grecques. La Grèce doit se réformer, moderniser et dépolitiser son administration. La création d'un fonds indépendant de 50 milliards d'euros est une bonne chose : il servira à rembourser les prêts du MES, à soutenir l'investissement. Parallèlement, l'Europe mobilisera 35 milliards d'euros pour soutenir l'activité.
Un nouveau modèle de solidarité responsable émerge. La commission des affaires européenne le soutient tout en demandant son application vigilante, dans la continuité du travail de M. Sutour, dont je salue la qualité.
Au-delà de la crise grecque, se pose la question du fonctionnement de la zone euro. Elle a besoin d'un gouvernement économique, d'une capacité budgétaire, d'un contrôle démocratique. Le couple franco-allemand doit être à l'initiative. La crise grecque aura au moins permis à l'Union d'identifier ses faiblesses. (Applaudissements à droite)
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international . - Oui la solidarité ne va pas sans la responsabilité ; je souscris au propos de M. Emorine, c'est le coeur de la question. Mme André a fait une juste analyse. Tous deux ont émis le souhait que le Sénat soit pleinement informé.
M. Navarro m'a surpris : le Grexit aurait été pire. M. Zocchetto a bien voulu dire oui à cet accord...
M. Bruno Sido. - Du bout des lèvres !
M. Laurent Fabius, ministre. - J'ai préféré le dispositif - le oui - au motif... (Sourires) Beaucoup comme lui, ont soutenu que la France voulait un accord à tout prix et l'Allemagne un bon accord. Ce n'est pas la réalité. Je sais, pour avoir participé aux négociations, qu'à un moment, à l'Eurogroupe, l'Allemagne, contre les institutions européennes, voulait la sortie de la Grèce. Beaucoup étaient de son avis. Le grand apport de la réunion du 12 juillet a été qu'Angela Merkel et le président de la République se sont rejoints pour refuser le Grexit et aboutir à un accord.
La description de M. Bizet n'est pas conforme à la réalité. Bravo l'Allemagne, zéro la France ? Lisez la presse internationale...
M. Didier Guillaume. - Oui !
M. Laurent Fabius, ministre. - Il n'y aurait qu'en France qu'on critiquerait la position française... Cependant, merci de son soutien. M. Guillaume a bien voulu...
M. Bruno Sido. - Un soutien convenu d'avance !
M. Laurent Fabius, ministre. - ... saluer l'accord avec l'Iran. Surtout, il a souligné la dimension symbolique et politique de l'accord sur la Grèce. Je le répète : une sortie de la Grèce coûterait plus cher au contribuable que son maintien...
M. Bruno Sido. - C'est certain !
M. Jean Bizet. - Pour l'instant !
M. Laurent Fabius, ministre. - C'est mécanique... La dette grecque est en euros. Une sortie entraînera la création d'une nouvelle monnaie, donc sa dévaluation massive. Et le club de Paris se verrait obligé de rabattre une partie de la dette. Les contribuables français n'en sortiraient pas indemnes.
M. Gattolin a pesé le pour et le contre de cet accord - c'est tout le sens de la prise de décision politique. Il a apporté le soutien majoritaire de son groupe.
M. Pierre Laurent a dit des choses justes sur la frustration et l'humiliation. J''ai cependant vu dans ses propos quelque contradiction. J'avais en mémoire cette maxime de Kant : « Agis toujours de telle sorte que la maxime de ton action puisse être érigée en règle universelle » - mais j'en avais oublié le numéro... Aussi ai-je interrogé mon collègue philosophe (Sourires)... Je l'ai vu chercher sur sa tablette... (Nouveaux sourires) C'est la première de l'impératif catégorique... On trouvera facilement en librairie La critique de la raison pratique...
Il est paradoxal d'appeler à la solidarité avec le peuple grec tout en votant contre la recommandation qu'Alexis Tsipras lui-même adresse à son Parlement... (Mouvements divers sur les bancs du groupe CRC)
M. Mézard a publiquement rendu hommage au président de la République, chose fréquente chez lui... (Sourires) Il a également appelé à tirer les conséquences de la crise grecque, c'est effectivement l'approche que nous devons suivre.
Pour conclure, je rapprocherai l'accord avec la Grèce et celui avec l'Iran... Ne les jugeons pas dans l'absolu. Dans l'absolu, on voudrait que cela coûtât moins cher aux Français, que les sacrifices demandés aux Grecs fussent moins durs. Mais l'affaire ne se présente pas ainsi. Vous devez soit voter pour l'accord et refuser le Grexit, soit accepter celui-ci. Une sortie transitoire, cela n'existe pas. Admettre qu'un pays puisse sortir de l'euro est contraire à la logique même de la monnaie unique. Si, face aux difficultés, on peut faire jouer les parités à l'intérieur du système, il n'y a plus de système, plus de zone euro. On se dira : pourquoi faire des sacrifices si on peut manipuler la monnaie ?
Le choix est entre une solution qui permet à la Grèce de s'en sortir au prix de réformes difficiles et la sortie de la zone euro, solution extrêmement coûteuse pour les peuples européens, aux conséquences géopolitiques redoutables. Alexis Tsipras a choisi celle qui offre le plus de perspectives à son peuple.
Jean Jaurès disait : « L'histoire enseigne aux hommes les difficultés des grandes tâches et la lenteur des accomplissements mais elle justifie aussi l'invincible espoir ». Belle phrase pour conclure ce débat, qui pourrait être la devise de toute diplomatie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
La déclaration du Gouvernement est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°226 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 283 |
Pour l'adoption | 260 |
Contre | 23 |
Le Sénat a approuvé.
(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
La séance est suspendue à 18 h 15.
présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président
La séance reprend à 18 h 30.