Débat sur la Grèce et l'Europe
M. le président. - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en l'application de l'article 50-1 de la Constitution, sur la situation de la Grèce et les enjeux européens.
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international . - Je vous prie d'abord de m'excuser : je ne pourrai assister au colloque organisé demain au Sénat car je serais à Vienne pour poursuivre les négociations sur le nucléaire iranien. Je vais à présent vous donner lecture de la déclaration du Premier ministre, sur la situation de la Grèce et les enjeux européens.
Depuis 70 ans, l'Europe, ce « vieux rêve », est devenue une réalité pour nos pays, pour les peuples. Ensemble, à force de volonté, nous avons su transformer notre histoire : sceller une paix durable et faire que, du Sud à l'Est, la démocratie s'enracine. C'est une magnifique construction par des nations qui ont uni leurs forces, leurs destins, pour peser davantage, économiquement, mais aussi politiquement, diplomatiquement. L'Europe, c'est une voix qui parle et qui porte.
Bien sûr, elle a ses insuffisances : des vides démocratiques qui restent à combler, des faiblesses diplomatiques, des difficultés économiques. Mais sans l'Europe, nous n'abandonnerions pas simplement un idéal, nous perdrions beaucoup de nous-mêmes. Dans un monde qui change si vite, nos nations se trouveraient esseulées, diluées. Affaiblies, elles perdraient progressivement pied.
J'ai souhaité que ce débat ait lieu pour que la représentation nationale soit pleinement associée, car nous sommes à un moment crucial, pour la Grèce et le peuple grec, crucial, aussi, pour nous et pour la construction européenne. Nous devons refuser une Europe du ressentiment, de la punition et de l'humiliation. Une Europe où monteraient, ici, les sentiments anti-grecs, et là, les sentiments anti-allemands, où s'installeraient les égoïsmes et les populismes, où les plus faibles seraient livrés à eux-mêmes. L'Europe, c'est la fierté d'être soi, pas le repli sur soi. C'est le respect des peuples et des individus.
Il y a, entre la France et la Grèce, un lien historique très fort. La Grèce c'est le berceau de l'Europe, par son histoire, sa culture et ce qu'elle nous a apporté : la démocratie. Au début du xIxe siècle, le chant de liberté du peuple grec prenant son indépendance a été entonné par les poètes, les écrivains, les artistes français.
La Grèce est un grand pays européen. Elle est dans l'Union européenne depuis 1981, grâce notamment à la France avec le président Valéry Giscard d'Estaing. Elle est alors sortie de la dictature des colonels. Et il y a les personnages incontournables de cette âme culturelle commune que nous nous sommes forgée. Je pense à Costa-Gavras et son film Z, ou à Jacqueline de Romilly, cette femme française qui a dévoué sa vie à la langue grecque si bien qu'elle a reçu, à titre honorifique, en 1995, la nationalité grecque.
La Grèce, c'est une passion française. Et l'Europe, c'est la muse de la Grèce ! Nous devons être fidèles au passé et à l'avenir de cette relation. La Grèce a aussi conscience de ce que l'Europe lui a apporté.
Sachons donc entendre les messages. Les Grecs par leur vote lors du référendum - réponse claire à une question qui l'était moins, ajouterai-je à titre personnel - n'ont pas voulu quitter l'Europe. Ils savent que sortir de l'Europe aurait pour eux des conséquences dramatiques : inflation des produits importés, y compris de première nécessité, troubles sociaux, crise politique. Est-ce cela que nous voulons, pour le peuple grec ? Est-ce cette image que nous voulons donner de l'Europe aux yeux du monde ? Non ! En tout cas, ce n'est pas la position de la France.
L'Europe a besoin de solidarité. Mais, face aux défis colossaux de notre époque, elle a aussi besoin d'unité et de stabilité. Le maintien de la Grèce dans l'euro et dans l'Union européenne, c'est aussi un enjeu géostratégique et géopolitique. Je pense à nos relations avec la Turquie, aux regains de tensions dans les Balkans. La Grèce, par ses liens avec la Russie et le monde orthodoxe, est un acteur majeur du partenariat oriental. Je pense également aux enjeux migratoires. La Grèce et l'Italie sont les pays les plus exposés aux arrivées massives de migrants. La Grèce, membre de l'Otan, c'est aussi l'avant-poste européen d'un Proche-Orient en plein embrasement. Affaiblir la Grèce, serait donc nous affaiblir collectivement, avec des répercussions économiques. J'ai constaté à Vienne que cette inquiétude est partagée par les dirigeants américains et chinois. Le monde nous regarde.
C'est pourquoi, la France ne ménage pas ses efforts, pour trouver des solutions, pour faire converger les points de vue. Nous agissons, avec le président de la République, sans relâche pour que la Grèce tienne ses engagements ; pour écouter le choix d'un peuple, tout en assurant la cohésion de l'Europe. C'est à cette condition que nous parviendrons à un accord satisfaisant pour toutes les parties.
Telle est l'histoire de l'Europe : trouver des solutions communes, bâtir ensemble, dans le respect de gouvernements élus démocratiquement, dans le respect de chacun, des sensibilités qui ne sont pas les mêmes quand on est à Dublin, à Bratislava ou à Lisbonne. Rien n'est facile, les risques sérieux. C'est pour cela que la France, membre fondateur, tient son rang, puise en elle-même cette force qui en a toujours fait un garant du destin européen. C'est notre vocation. Ne pas céder à la résignation, ne pas subir, mais agir. Nous portons l'Europe dans notre coeur. Nous en connaissons le prix immense et la richesse incalculable. Nous ne pouvons nous dérober à nos responsabilités historiques.
Lundi soir, le président de la République a rencontré Mme Merkel. La France et l'Allemagne s'efforcent d'être à la hauteur de l'évènement. Nous ne sommes ni à la remorque de l'Allemagne ni indulgents à l'égard de la Grèce. Depuis les années 2000, la Grèce a connu une forte croissance grâce à son entrée dans la zone euro, elle n'a néanmoins pas su moderniser son économie. Elle a été frappée fortement par la crise de 2007-2008. Sans l'aide européenne, la Grèce aurait été en faillite. Accepter maintenant une sortie de la Grèce de l'Europe constituerait un aveu d'impuissance.
Avec notre partenaire allemand, nous privilégions la recherche d'un compromis. Avec lui, nous avons conscience de notre capacité d'entrainement. Rien n'est facile. Le retour de la croissance ces dernières années n'a pas permis à la Grèce de combler son déficit budgétaire et commercial et de diminuer sa dette.
Le Gouvernement grec, élu début 2015, a souhaité revoir le programme d'assistance. Après des discussions longues et difficiles, nous étions, il y a deux semaines, tout près d'un accord, visant à permettre à la Grèce de respecter ses engagements tout en renouant avec la croissance. Le Gouvernement grec, interrompant les négociations, a voulu s'en référer à son peuple.
M. Jean-Claude Lenoir. - Hellas ! (Sourires)
M. Laurent Fabius, ministre. - Depuis, un sommet a eu lieu, le dialogue a été renoué. Paradoxe, un accord est difficile mais à portée de main. C'est la responsabilité de tous les états membres d'y travailler, y compris la Grèce. L'Europe n'est pas un droit de tirage illimité : il y a des règles à respecter. La France a décidé d'aider la Grèce mais il faut que le gouvernement grec s'aide lui-même. (Mme Joëlle Garriaud-Maylam approuve)
Les paramètres d'une solution efficace et durable sont connus : des réformes en Grèce afin de rebâtir l'État ; des moyens pour apporter à l'économie grecque l'oxygène nécessaire. Le président Juncker a parlé d'une aide de 35 milliards d'euros et d'un échelonnement raisonnable de la dette. Nous avons jusqu'à dimanche.
Ce matin, les Grecs ont formulé officiellement la demande d'un nouveau programme d'aide, par une lettre équilibrée, faisant montre d'une réelle volonté de réforme, mais manquant encore de précisions. Celles-ci doivent être apportées jeudi, l'Eurogroupe se réunira samedi et un sommet se réunira dimanche.
L'avenir de l'Europe est en jeu. Quelle que soit l'issue, le Parlement aura à se prononcer.
L'Europe politique est mise à l'épreuve. Beaucoup d'entre nous l'ont réclamée, nous y sommes. Il appartient à la France, si possible au couple franco-allemand, de se saisir de cette occasion - c'est le même mot qui, en grec, désigne le risque et la chance : kindunos.
L'approfondissement de la zone euro n'est absolument pas achevé : gouvernement économique, convergence fiscale et sociale, mise de la monnaie unique au service de la croissance et de l'emploi, légitimité démocratique. Tous ces enjeux sont soulevés par la crise grecque.
Les solutions à cette crise devront répondre à la volonté exprimée dimanche par le peuple grec, mais aussi à la volonté des autres peuples et, enfin, au souci d'avancer. (Applaudissements)
M. Bruno Retailleau . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Quelques éléments pour parvenir à de vraies conclusions - que l'on a eu du mal à distinguer dans vos propos, monsieur le ministre.
Nul, et surtout pas moi, ne saurait remettre en cause le recours au référendum. Cependant, faut-il sacraliser la voix du peuple grec ? Le secrétaire général du Conseil de l'Europe a émis des réserves sur ses conditions d'organisation. De fait, qu'aurait été la réponse du peuple de France si, en 1992 ou en 2005, il n'avait eu qu'une semaine de réflexion ? (Protestations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen) En outre, la voix du peuple grec vaut celle des autres peuples européens.
Aujourd'hui, le Gouvernement Tsipras veut que les autres peuples européens rajoutent au pot pour qu'il puisse appliquer son programme démagogique. (Applaudissements au centre et à droite ; vives protestations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Rappelons d'ailleurs que cinq autres peuples de la zone euro ont un niveau de vie inférieur à celui du peuple grec !
M. Jean-Pierre Bosino. - En Afrique, c'est pire !
M. Bruno Retailleau. - Enfin, un dernier mot sur la démocratie : si l'on tient à la souveraineté, il faut y inclure la souveraineté monétaire.
L'Europe est une solidarité qui appelle une responsabilité. Il ne peut y avoir l'un sans l'autre. (« Très bien ! » et applaudissements au centre et à droite)
Le Gouvernement Tsipras, comme tous les gouvernements populistes d'ailleurs, a constamment usé d'une rhétorique de la provocation et du chantage, faisant de l'Union européenne le bouc émissaire de la crise grecque. À l'entendre, le peuple grec serait victime de ses bienfaiteurs ! Rappelons que la Grèce a déjà bénéficié d'un plan d'aide de 240 milliards d'euros, l'un des plus importants de l'histoire du capitalisme. S'y ajoutent les 116 milliards d'euros liés à l'annulation des créances des banques en 2010. Et M. Tsipras de revêtir le costume de Robin des bois. Un Robin des bois au service des armateurs, oui, voire de l'Église orthodoxe ! (Marques d'approbation sur plusieurs bancs à droite ; protestations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; interruptions sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Alain Gournac. - Très bien !
Mme Patricia Schillinger. - Ce n'est pas possible !
M. David Assouline. - L'Église pourtant, cela devrait vous faire plaisir !
M. le président. - En grec, silence se dit : ???? (sigi) ! (Sourires)
M. Bruno Retailleau. - Sur la scène européenne, la voix de la France a manqué. Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la France a fait preuve du leadership qui lui manque aujourd'hui. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre ; on ironise sur les bancs du groupe socialiste et républicain). Depuis 2012, la France laisse la Grèce et l'Allemagne face à face. Cette complaisance s'explique d'abord par une inclination un peu romantique de la gauche française pour la gauche radicale grecque. Ensuite, la France n'a jamais été aussi isolée, sa voix affaiblie, le président de la République en porte la lourde responsabilité. (On approuve à droite)
M. Didier Guillaume. - C'est la méthode Coué !
M. Bruno Retailleau. - À présent, le Gouvernement grec doit prendre ses responsabilités, mettre un terme enfin à une économie de rente, établir un cadastre... La retraite moyenne des Grecs est plus élevée que celle de beaucoup d'artisans et d'agriculteurs que je connais en Vendée ! (Protestations à gauche)
Plusieurs voix sur les bancs CRC. - C'est lamentable !
M. Bruno Retailleau. - Deux écueils doivent être évités : la « cavalerie », soit un bricolage alourdissant encore la dette grecque, ou une sortie, un Grexit incontrôlé.
Il n'y a que deux solutions seulement. S'il n'y a pas de véritable accord, donnant-donnant, gagnant-gagnant, reposant sur des engagements vérifiables et sur une responsabilité mutuelle, il faudra, sauf à alourdir le rocher de Sisyphe ou à remplir le tonneau des Danaïdes - la mythologie grecque est féconde ! - se résoudre à une mise en congé, une sortie de la zone euro, avec un plan d'accompagnement. La Grèce, en ce cas, continuera à faire partie de l'Union européenne, à bénéficier de 35 milliards d'euros de fonds structurels et de la politique agricole commune. Toujours dans l'hypothèse où un accord ne serait pas conclu, un ajustement monétaire serait moins douloureux qu'un ajustement touchant des variables économiques dites réelles, comme la croissance et l'emploi.
Pour l'Europe, ce n'est pas la situation idéale, mais il existe un mécanisme européen de stabilité, la Banque centrale européenne saurait contrecarrer d'éventuelles spéculations sur la dette de l'Espagne ou du Portugal, pays qui ont consenti beaucoup d'efforts...
M. Jean-Pierre Bosino. - Attendez les élections portugaises et espagnoles !
M. Pierre Laurent. - Podemos !
M. Bruno Retailleau. - J'ai entendu votre engagement, monsieur le ministre : vous solliciterez l'approbation du Parlement. Il n'y a pas de raison que le Parlement allemand soit seul à se prononcer. (M. Alain Gournac applaudit)
Il faut réfléchir à la convergence fiscale ; discuter dès maintenant avec les Britanniques pour éviter un Brexit. Une clarification s'impose. En effet, comme l'écrivait Hubert Védrine, le moment est venu de repenser l'Europe, ses frontières géographiques, ses missions, notre ambition collective : quelle Europe voulons-nous ? L'Europe doit demeurer un idéal, fondé sur la raison. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Didier Guillaume . - (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain) « La France veut que la Grèce demeure dans la zone euro ».
M. Philippe Dallier. - À quel prix ?
M. Didier Guillaume. - « Elle travaille pour y parvenir », déclarait hier le président de la République. Je me félicite de ce débat qui n'a pas besoin d'un vote (M. Francis Delattre le conteste) car quelle serait la question ?
Ce serait les romantiques face aux réalités ? Ceux qui veulent à tout prix casser l'Europe contre ceux qui veulent à tout prix la conserver ?
Face à la crise grecque, il faudra, dimanche, une semaine après le référendum, prendre des décisions. Tous les socialistes, sans exception, soutiennent le chef de l'État, le Premier ministre, le Gouvernement dans leur volonté de parvenir à un accord pour éviter un Grexit. Je salue particulièrement l'action de M. Sapin. Cette crise, selon son issue, renforcera ou affaiblira l'Europe.
Dimanche dernier, les Grecs ont dit non à l'humiliation et à l'austérité qui n'a fait que casser leur économie et alourdir leur dette. Je le dit tout de go : le référendum a pu être un coup politique pour les dirigeants grecs ; mais il est inacceptable de mettre en cause un Gouvernement élu.
M. Roger Karoutchi. - Organisez donc un référendum en France !
M. Didier Guillaume. - De même, il est inacceptable d'entendre un haut responsable européen appeler à la mise en place d'un gouvernement de technocrates.
La balle est à présent dans le camp du Gouvernement grec. Une sortie de la Grèce de l'euro ne serait pas un drame pour la France. (M. Francis Delattre rappelle le montant des créances françaises vis-à-vis de la Grèce), mais serait contraire à la solidarité européenne. L'Europe est fragile, ne la fragilisons pas davantage. Tant que les discussions se poursuivent, nous ferons tout pour que la Grèce reste dans l'Europe et dans l'euro. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
L'Europe avance trop souvent sans GPS. Le résultat des dernières élections européennes nous a affolés.
À la France de dire haut et fort que l'Europe doit être plus en phase avec les attentes des Européens.
L'Europe économique est faite, l'Europe citoyenne est en train de se bâtir, l'Europe sociale est encore loin. Avançons !
Une réforme de l'État grec est indispensable, pour lutter contre l'évasion fiscale. Sans cela, aucun accord ne sera possible.
M. Roger Karoutchi. - On verra...
M. Didier Guillaume. - Le rééchelonnement de la dette, pourquoi pas, mais à condition que la Grèce se remette dans la bonne direction.
Certains voudraient que la Grèce quitte l'Europe, pour une Europe plus libérale, où il n'y ait plus de petits pays à la traine. Mais qui a prêté de l'argent à la Grèce pour qu'elle achète nos armes ? Qui lui a attribué les jeux olympiques ?
Ce n'est pas notre conception, ce n'est pas la conception des vrais républicains. Si l'on avait écouté certains pays, les choses auraient été pliées avant même le référendum... Loin d'être isolée, la France a su relancer les discussions... Le couple franco-allemand fonctionne, il a éclairé l'Europe depuis la guerre : Hollande-Merkel, comme hier de Gaulle-Adenauer et Mitterrand-Kohl. (M. Philippe Dallier s'esclaffe)
M. Roger Karoutchi. - Il faut oser !
M. Didier Guillaume. - Ne vous en déplaise, le président de la République, contrairement à son prédécesseur, n'est pas allé mendier à Berlin comme à Canossa (Protestations, applaudissements à droite)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - C'est nul ! (M. Philippe Dallier renchérit)
M. Didier Guillaume. - La France est un grand pays et son Gouvernement, avec le Gouvernement allemand, fait tout son possible. Nous sommes pour une zone euro unie et solidaire, pour une Union européenne un peu moins technocratique et un peu plus citoyenne. L'Europe est notre bien commun.
Faisons tout pour y garder ceux qui souffrent comme ceux qui ne souffrent pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et sur les bancs écologistes et RDSE)
M. le président. - La parole est à M. Gattolin.
M. Francis Delattre. - Enfin, un réaliste ! (On rit à droite)
M. André Gattolin . - Le sommet d'hier aurait pu marquer un nouveau départ, il n'en a rien été. Quarante-huit heures après le référendum grec, chacun a campé sur ses positions. Il faudra encore attendre la énième réunion de la dernière chance, ce dimanche.
Oui, l'Europe est vraiment à la croisée des chemins. Oui, la troïka porte une lourde responsabilité dans la situation actuelle de la Grèce, mais la Grèce aussi. Ses gouvernements successifs n'ont rien fait pour lutter contre la corruption, le clientélisme et l'économie souterraine.
Une sortie de la Grèce de la zone euro est peut-être économiquement envisageable, mais politiquement impensable.
La Grèce doit s'engager dans de profondes réformes structurelles, non celles que préconise la troïka, mais celles qui mettront fin aux privilèges indéfendables dont bénéficient l'Église orthodoxe et les armateurs. La Constitution de 1975 perpétue un système féodal. Je m'étonne d'ailleurs que le Gouvernement Tsipras n'ait pas saisi l'occasion du référendum pour interroger le peuple grec sur ce point.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes et M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. - Bonne question !
M. André Gattolin. - Le Parlement européen, aujourd'hui, a fait la preuve de son utilité : M. Tsipras y a reconnu des faiblesses, M. Juncker avoué qu'il n'avait pas demandé la fin des privilèges des armateurs. C'est par un tel débat public que l'on trouvera la voie de véritables réformes. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur la plupart des bancs du RDSE)
M. Pierre Laurent . - Face au chantage et à l'injustice, le peuple grec a envoyé dimanche dernier un message d'espoir à toutes celles et ceux qui souffrent de l'austérité. Pour la deuxième fois en six mois, le peuple grec a exprimé sa soif de dignité, de démocratie et de liberté.
Après cinq ans d'austérité inhumaine et contreproductive - que vous avez tous approuvée, alors que nous vous alertions sur ses effets négatifs - il a dit non à une nouvelle saignée et appelé à une solution durable et profitable à la Grèce comme à tous les pays européens. C'est la démarche constante du Gouvernement Tsipras.
Hélas, la troïka a cherché à abattre un gouvernement démocratiquement élu plutôt qu'à trouver un accord. Beaucoup craignent de voir expérimentées des solutions politiques qui s'écartent de l'idéologie dominante. Le débat nous concerne tous. Qui dirige en Europe ? La finance ou les peuples ?
Le Grexit serait irresponsable. Ce serait la solution la plus coûteuse, M. Retailleau a oublié de le dire. Dix ans après le non des Français au Traité constitutionnel européen, « le petit peuple qui se bat sans épée ni balle », comme le dit le poète grec Yannis Ritsos, nous lance un appel salutaire à repenser l'avenir de l'Europe. La France des Lumières et de la Révolution, la France de la liberté, de l'égalité, de la solidarité, la France résistante et intelligente ne peut pas ne pas y répondre. C'est à ce peuple debout et à cette idée de l'Europe que la France doit s'allier dès maintenant et jusqu'au bout.
D'après un sondage, 67 % des Français estiment nécessaires d'autres solutions que l'austérité pour sortir de la crise. Notre place est auprès des Grecs. La Grèce se bat pour nous tous, contre les irresponsables qui veulent la précipiter dans la catastrophe, contre ceux qui veulent vendre leur camelote populiste et xénophobe.
Le débat oppose les partisans de l'orthodoxie libérale, ceux qui veulent détruire l'Europe comme le Front national, à ceux qui appellent de leurs voeux une autre Europe, sociale, écologique et démocratique.
Nous aurions souhaité que le Parlement soit associé plus tôt à ce débat. Cela aurait évité certaines erreurs, comme l'expulsion du ministre des finances grec d'une réunion de l'Eurogroupe, samedi dernier...
M. David Assouline. - C'est le Gouvernement grec qui l'a évincé...
M. le président. - Il faut conclure !
M. Pierre Laurent. - Au lieu d'injecter tant de milliards sur les marchés financiers, que la BCE les utilise pour financer le redressement de la Grèce, des autres pays européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Jacques Mézard . - « La décision du peuple doit être souveraine quand il absout, non quand il condamne » écrivait Aristote. Mais cette semaine, qui a condamné et qui a absout ? (On apprécie à droite)
L'inéluctable ne peut surprendre. Face à cette crise logique, fruit de décisions illogiques, ce débat est utile, mais tardif. Le Parlement n'a pas été suffisamment associé aux choix du Gouvernement. Nos concitoyens doivent être informés autrement que par les chaînes d'information en continu qui n'avaient d'yeux, dimanche soir, que pour les sirtakis de la place Syntagama.
Nous saluons les efforts du président de la République et du Gouvernement pour que la Grèce ne s'éloigne pas trop d'une Europe à laquelle elle appartient par l'histoire. La France joue un rôle de trait d'union entre les États du Nord et du Sud de l'Europe.
Il ne serait pas sain d'effacer les dysfonctionnements et les irresponsabilités qui ont provoqué le choc : de l'entrée de la Grèce dans la zone euro, des chiffres et bilans falsifiés, au rôle des banquiers de Goldman Sachs... Au passage, il ne serait pas inutile que le Gouvernement explique aussi aux agriculteurs comment le Crédit agricole utilise ses ressources.
Nous sommes de ceux qui croient en l'Europe et plusieurs d'entre nous la souhaitent fédérale. Le monde de demain sera de nouveau celui de grands empires régionaux, une Europe morcelée n'aura que peu de chances d'y survivre. Les règles communes doivent être respectées. Cependant, il faudra aussi tenir compte de la méfiance croissante des citoyens vis-à-vis de ceux qu'ils nomment les « technocrates de Bruxelles ».
Cela n'exonère en rien la Grèce de ses responsabilités. Elle a trop longtemps vécu à crédit, et n'a rien fait pour mettre fin à la corruption et à la gabegie qui minent son économie. M. Tsipras affirmait ce matin que la Grèce n'avait pas vu la couleur des milliards d'euros de l'aide européenne. Les armateurs, eux, en ont longtemps profité... Je ne rappellerai pas la morale de la fable de la cigale et de la fourmi.
Les autres pays ont respecté les règles, comme le Portugal qui vient de rembourser deux milliards d'euros au FMI après six milliards en mars.
Si la Grèce devait sortir de la zone euro, nous devrions l'aider à le faire dans des conditions acceptables. À nos yeux, la solidarité ne saurait exclure la fermeté. (Applaudissements sur les bancs RDSE, sur plusieurs bancs des groupes socialiste et républicain, communiste républicain et citoyen, écologistes ainsi que sur divers bancs au centre et à droite)
M. Philippe Adnot . - La situation de la Grèce est grave mais elle résulte d'un mauvais calcul de départ : les pays européens ont voulu intégrer un État qui n'en avait ni les moyens ni les pratiques. Faut-il en faire un psychodrame pour autant ? Tout cela semble surjoué et peut même faire penser à une manipulation des opinions... De nombreux États européens ne font pas partie de la zone euro, certains n'en ont pas le niveau, d'autres n'ont pas voulu y entrer... Laissons les Grecs sortir de la zone euro s'ils le souhaitent, avec calme et sérénité, et réfléchissons à notre propre situation en ayant en tête les conséquences sur nos taux d'emprunt.
Personne n'a à donner de leçons à personne, personne n'a à en recevoir de personne. (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs RDSE)
M. François Zocchetto . - Il était temps de débattre de la situation de la Grèce. Depuis cinq ans, nous courons de sommet de la dernière chance en sommet de la dernière chance...
Depuis 2009 la Grèce connaît une crise économique et sociale lourde ; son peuple souffre, l'Europe a cherché depuis à lui porter assistance. Personne n'a demandé aux Grecs, contrairement à la mise en scène orchestrée par Tsipras, de sacrifier aux dieux de l'austérité pour rétablir la croissance. Ses partenaires lui demandent d'abord des réformes structurelles. Ni l'Europe, ni la zone euro ne peuvent être otages d'une politique qui esquive les réformes nécessaires ; ce serait une injustice à l'égard des autres peuples européens qui ont consenti d'immenses efforts.
Seule la confiance autorisera une reprise de la discussion sur le nécessaire rééchelonnement de la dette grecque. Que demande-t-on à la Grèce ? L'élaboration d'un cadastre, l'imposition des armateurs, une collecte correcte de l'impôt ou encore la fin des privilèges de l'Église orthodoxe. Un gouvernement de gauche, allié à l'extrême-droite, préfère faire appel aux contribuables européens plutôt que de rompre avec la rente. Comprenne qui pourra...
Si les citoyens européens ne sont pas responsables de la reconduite, par les Grecs, de gouvernements inconséquents, d'autres ont à assumer leurs responsabilités. Le symbole de la Grèce était trop fort, à une époque, pour refuser son intégration... La vigueur de l'euro a masqué la fragilité du pays, qui empruntait au même taux que l'Allemagne... Rôle trouble aussi que celui joué par la banque Goldman Sachs, jamais inquiétée...
Un Grexit sans drame ? Je n'y crois pas : outre la question migratoire, ce serait un échec politique majeur, une impasse pour l'Europe. Il est du devoir de la France de tout mettre en oeuvre pour que s'achève la construction de l'euro par un véritable saut fédéraliste. L'euro, monnaie commune, ne peut rester orpheline d'un État. Le groupe UDI-UC appelle de ses voeux un Trésor européen, la nomination d'un ministre des finances européen, responsable devant le Parlement européen, qui administrerait avec lui un véritable budget fédéral.
M. Pierre-Yves Collombat. - Soyons sérieux !
M. François Zocchetto. - La solution sera politique. Autant un référendum ne dédouane pas Tsipras de ses responsabilités devant les citoyens de l'Union, autant nous devons avoir conscience que les institutions européennes ne peuvent être laissées en l'état. (Applaudissements au centre et à droite)
M. David Rachline . - Voilà où mène une idéologie imposée contre leur volonté aux nations du Vieux Continent. La nation qui a vu naître la démocratie a dit non à l'oligarchie européenne, comme la France en 2005. La construction idéologique de l'euro avait deux objectifs : continuer la déconstruction des nations européennes et satisfaire les appétits des financiers et des banquiers. Ne me parlez pas de fantasmes europhobes : la dette a doublé sous le diktat de la troïka, tandis que les profits des banques chargées de maquiller les comptes grecs ont explosé.
M. David Assouline. - Temps de parole fini !
M. David Rachline. - Les technocrates de Bruxelles se sont lancés dans une fuite en avant pour sauver l'euro à coups de plans de renflouement qui ont coûté des milliards aux Français - pour rien ; des plans que l'UMP et le PS ont voté alors que nous avons alerté de leur inutilité et de leur coût.
Philippe Seguin, en 1992, disait que « rien n'est plus dangereux qu'une nation trop longtemps frustrée de la souveraineté par laquelle s'exprime sa liberté. (...) On ne joue pas impunément avec les peuples et leur histoire ».
M. David Assouline. - On n'a rien compris...
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances . - Les évènements des derniers jours ont fait perdre son caractère théorique à une sortie de la Grèce de la zone euro. Quel en serait le coût ?
Le prêt bilatéral octroyé en 2010 de 11,4 milliards d'euros, la rétrocession des revenus perçus par la Banque de France sur les titres grecs qu'elle détient à hauteur de 2,8 milliards d'euros sur la période 2012-2025, ou encore les garanties au titre du Fonds européen de stabilité financière : en 2014, au total, l'aide à la Grèce représentait 42,4 milliards de dette publique, soit 1,5 % du PIB.
Quels sont les risques portés par la France ? En cas de défaut total en 2015, notre besoin de financement au titre du prêt serait accru de 11,4 milliards d'euros ; un abandon de 10 % du capital dégraderait le déficit public de 1,1 milliard d'euros. À quoi s'ajouteraient les pertes de recettes dues au non-remboursement du capital et des intérêts à partir de 2020.
Les garanties apportées par la France au FESF ne seraient appelées que si le Fonds risquait de ne pas être en mesure d'honorer le paiement des sommes dues au titre des obligations émises afin d'apporter des prêts à la Grèce. À ce jour, le FESF est rassurant, indiquant qu'il dispose toujours d'un accès au marché. Pour autant, une dénonciation de la dette de la Grèce à l'égard du Fonds dégraderait le déficit de la France au prorata des garanties apportées. De plus, l'exposition de la Banque de France au titre des avoirs détenus par l'Eurosystème est de près de 24 milliards d'euros.
L'exposition totale théorique de la France à un défaut grec est ainsi au total de près de 65 milliards d'euros, soit environ 3 % du PIB...
Si la dette de la France pourrait bénéficier d'une fuite des investisseurs vers la qualité, on ne peut pas non plus exclure une hausse des taux d'emprunt et, donc, de la charge de notre dette. Une hausse de 100 points des taux d'intérêt coûterait 2,2 milliards la première année, pour un surcoût de 40 milliards à l'horizon 2020.
Certes, la peur ne conjure pas le danger. Elle permet néanmoins de mieux s'y préparer. C'est pourquoi j'ai voulu vous informer le plus précisément possible des risques.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes . - Depuis de longs mois, la situation de la Grèce nous préoccupe. Nous en sommes arrivés au paroxysme. L'arrivée d'un nouveau gouvernement qui privilégie la confrontation - nous en sommes à six sommets, douze séances de l'Eurogroupe - a renversé l'embellie que connaissait le pays. M. Simon Sutour s'est rendu dans ce pays, il en est revenu avec des informations précises mais peu rassurantes. La Grèce ne peut pas s'exonérer de fournir des efforts ; l'Irlande et le Portugal, qui sont soumis à un plan de redressement eux aussi, coopèrent. La voix d'un seul peuple, fut-il celui de Platon, ne peut prévaloir sur celle de tous les États membres. Si nous aimons la Grèce, il est impensable de faire une nouvelle concession qui alourdirait encore la charge du contribuable européen - car c'est lui le principal créancier de la Grèce. Fermeté donc. Si les conditions sont réunies, le rééchelonnement de la dette, prévu dès novembre 2012, n'est pas tabou. Pourquoi ne pas réfléchir à des conversions des titres de dette grecque en certificats d'investissements comme en Amérique latine il y a trente ans ?
La crise grecque est un défi pour la zone euro et son fonctionnement. Chacun doit respecter ses engagements. Oui à la solidarité, non à l'assistanat. Oui à la solidarité, non au manque de responsabilité. L'accord se trouvera à Athènes plus qu'à Bruxelles. Une sortie momentanée de l'euro est inévitable, elle ne doit pas faire peur.
Monsieur le ministre, la voix de la France inquiète plus qu'elle ne rassure.
M. Didier Guillaume. - Ah les déclinologues !
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - Elle est moins crédible, moins audible sur la scène européenne... J'en suis le premier désolé. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international . - Saut dans l'inconnu pour le peuple grec, certes...
L'intervention de M. Retailleau m'a semblé quelque peu idéologique...
Mme Bariza Khiari. - C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Laurent Fabius, ministre. - La question du coût n'est pas exclusive. S'il faut en parler, au moins restons rigoureux : une sortie de la Grèce de la zone euro coûterait plus cher et plus vite que son maintien...
On glisse de la science à l'idéologie également quand on s'engage dans une recherche en responsabilité. À la vérité, tout le monde est responsable. Ne cédons pas à la tentation de la césure politique... Il y avait eu la lumière avant 2012, l'obscurité totale ensuite... (Sourires)
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - Comme le disait Jack Lang...
M. Laurent Fabius, ministre. - Dois-je rappeler le sommet de Deauville de 2010 et ses conséquences pour l'Irlande ou le Portugal ? Pour M. Retailleau, la situation grecque serait liée à un gouvernement d'une couleur particulière... Certains ont même parlé de proximité entre le gouvernement français et le gouvernement grec... Pardon mais l'axe Macron-Tsipras ne m'a pas sauté aux yeux. (M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, sourit ; rires sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Malgré le ton mesuré qu'il a pris, je me suis senti mis en cause quand M. Retailleau a évoqué le leadership de la France sous un quinquennat précédent et son isolement actuel. J'ai à l'esprit les efforts que le président de la République et moi-même avons dû déployer pour nous réconcilier avec... l'Algérie, l'Afrique noire, la Turquie, la Pologne, le Mexique, le Japon, la Chine... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain et citoyen)
Oui, monsieur Guillaume, nous devons éviter un Grexit. Oui, la Grèce doit se réformer, l'Union également. Oui, responsabilité et solidarité.
Le Grexit, s'il devait advenir, coûterait plus cher, M. Gattolin a raison. Il ne faut pas restreindre le débat aux aspects financiers, c'est exact, nous devons aussi parler des enjeux politiques et géopolitiques - j'y reviendrai.
Comme Pierre Laurent, je pense que l'affaire grecque est aussi notre affaire, celle de la France, celle de l'Europe.
Je souscris aux propos de M. Mézard : les Européens, les gouvernements successifs de la Grèce ont leur part de responsabilité.
M. Adnot, en peu de temps, a dit des choses justes. Ce qui est moins le cas de M. Rachline, qui a cependant fait preuve d'un certain humour en commençant son propos par ces mots « Voilà où mène l'idéologie »... (Rires sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Zocchetto a parlé juste en parlant de justice. Il n'y aura pas de Grexit sans traumatisme, il faut en avoir conscience.
Beaucoup d'orateurs ont parlé de solidarité. Elle ne sera ni aveugle ni illimitée. Si l'Europe doit aider la Grèce, la Grèce doit aider l'Europe à l'aider. Sans quoi les peuples réagiront et ils auront raison.
Soyons carrés sur le plan économique si sortie il y a ; les risques économiques seront considérables. Le pays n'aura plus de monnaie nationale - ce qui n'était pas le cas de l'Argentine. Faillites bancaires, perte des petits épargnants, renchérissement des importations, explosion de l'économie grise et donc moindres rentrées fiscales... Il y a des risques pour la zone euro.
Les risques sont aussi politiques. Pour s'en convaincre, il suffit de converser avec des responsables étrangers. Aux négociations sur le nucléaire iranien, personne des Chinois, des Russes ou des Américains ne considère qu'une sortie de la Grèce renforcera l'Europe... Les opinions publiques européennes seraient confortées dans leur découragement européen, les critiques populistes et les appels au repli sur soi se multiplieraient. Songez aussi à la perspective du référendum britannique...
Les risques sont aussi géopolitiques. À proximité, l'Irak, la Syrie, la Libye, les Balkans... Que signifierait une sortie de la Grèce sur la question migratoire et la lutte contre le terrorisme ? Sans parler de l'opportunisme gourmand dont pourrait faire preuve la Russie en venant au secours de la Grèce parce que l'Europe aurait manqué à le faire. Il faut en avoir conscience.
À l'impossible nul n'est tenu. À chacun d'éviter l'hybris - il est des succès électoraux qu'il faut savoir maîtriser, un pouvoir de dire non qu'il faut savoir retenir si les circonstances le permettent - et de saisir le kaïros, ce moment particulier dans la vie d'un peuple où l'on peut transformer un risque en une chance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, des groupes écologiste et RDSE ; sur quelques bancs du groupe communiste citoyen et républicain ; M. Jean-Marie Bockel applaudit également)
La séance est suspendue à 18h10 pour reprendre à 18h15.
présidence de Mme Isabelle Debré, vice-présidente