Caisse des Français de l'étranger
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à réformer la gouvernance de la Caisse des Français de l'étranger, présentée par M. Jean-Yves Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain à la demande dudit groupe.
Discussion générale
M. Jean-Yves Leconte, auteur de la proposition de loi . - La Caisse des Français de l'étranger (CFE), créée par la loi de juillet 1984, a pour objectif d'assurer la continuité de la protection sociale pour les Français à l'étranger selon nos propres normes. Elle permet aux Français de l'étranger d'être intégrés à la solidarité nationale pour le chômage, la retraite et, avant tout, l'assurance maladie et les accidents du travail.
La mise en place de cette caisse à l'étranger à des contraintes spécifiques : pas de salaire minimal si bien qu'un revenu très faible peut faire perdre la qualité d'ayant droit et que la concurrence avec les revenus des caisses privées est forte pour les hauts ; la vérification des déclarations des cotisants est évidemment plus compliquée hors de France.
Et pourtant la CFE est à l'équilibre. On entendra certainement des critiques à son encontre, des mises en cause dans ce débat ; je veux, quant à moi, lui rendre d'emblée hommage pour sa bonne gestion.
Depuis sa création, le monde a beaucoup changé. D'abord, le nombre des Français de l'étranger a augmenté ainsi que le nombre de cotisants à la CFE - mais ces derniers ne sont que 10% du total. Leurs exigences sont fortes vis-à-vis d'une médecine de plus en plus commerciale dans certains pays. La coordination européenne s'est accrue, posant la question du rôle de la CFE. Des États, comme la Chine et la Turquie, acceptent de moins en moins que des étrangers résidant sur leur territoire ne cotisent pas aux régimes nationaux. La CFE ne s'est pas adaptée à l'Obamacare, preuve qu'elle doit évoluer. Conçue d'abord pour accompagner les grandes entreprises à l'étranger, elle répond mal aux besoins des retraités, de plus en plus nombreux partout à l'étranger, des travailleurs indépendants et des jeunes. Elle est aussi très sollicitée pour sa couverture des accidents du travail.
SI le nombre de cotisants est passé de 67 000 à 91 000 entre 2007 et 2014, l'âge moyen des cotisants atteint désormais 47 ans ; après 51 ans, un adhérent reçoit en moyenne davantage qu'il ne contribue. Cette évolution est inquiétante alors que de plus en plus de jeunes s'expatrient.
Bref, la CFE est confrontée au défi des adhérents tardifs, des jeunes expatriés, du contrôle des déclarations. Il y a urgence à la faire évoluer, la Cour des comptes l'écrivait déjà dans son rapport de 2010.
Cette proposition de loi ne porte pas sur cette adaptation nécessaire, elle modifie la gouvernance de la CFE pour en poser les fondements. C'est une première étape. Actuellement le conseil d'administration compte trois représentants de l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE), quinze représentants des assurés élus par celle-ci.
Or, avant 2013, les 155 élus de l'AFE étaient élus directement par les Français de l'étranger dans une cinquantaine de circonscriptions. Aujourd'hui, nous avons 443 conseillers consulaires élus dans 130 circonscriptions qui élisent 90 représentants à l'AFE, lesquels désignent les 18 membres siégeant au conseil d'administration de la caisse. Ce double scrutin indirect n'est ni démocratique ni sain. Il y a urgence à faire évoluer le système car le conseil, élu en 2008, devait être renouvelé en 2014. L'élection a été repoussée d'un an.
D'où cette proposition de loi qui élargit le corps électoral du conseil d'administration aux conseillers consulaires.
Pourquoi ne pas choisir le suffrage universel direct, l'élection par les adhérents ? Parce que l'adhésion est facultative mais que la CFE est ouverte à tous. Cette proposition de loi supprime un des deux sièges du Medef, pour y substituer un représentant des chambres de commerce. Cela a fait couler beaucoup d'encre, la belle affaire ! Le Medef n'a toujours pas désigné son deuxième représentant...
Une mission a été confiée conjointement à l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'Inspection générale des finances (IGF) pour travailler sur les enjeux de la protection sociale à l'étranger et faire éventuellement des propositions d'adaptation législative.
Dans l'immédiat, il est essentiel de renouveler le conseil d'administration sur des bases démocratiques ; il sera alors pleinement légitime pour mener les évolutions nécessaires. L'ensemble des représentants des Français de l'étranger doit participer à la réflexion. C'est une cause d'intérêt national ; pour nos compatriotes expatriés, c'est une cause d'intérêt majeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Éric Jeansannetas, rapporteur de la commission des affaires sociales . - La loi du 27 juillet 2013 a créé des conseils consulaires élus au suffrage universel direct par les Français de l'étranger. Ils élisent les membres de l'AFE, dont le nombre a été réduit de 155 à 90, lesquels élisent à leur tour les membres du conseil d'administration de la CFE. Le corps électoral de celui-ci s'en est trouvé mécaniquement diminué. Cette proposition de loi, en proposant l'élection du conseil d'administration de la CFE par les 443 conseillers consulaires rétablit un scrutin indirect au premier degré.
Le renouvellement du conseil d'administration a été reporté d'un an, le temps de tirer les conséquences de la loi de 2013.
Le texte simplifie en outre la représentation des assurés, octroie un des deux sièges « employeurs » au réseau des chambres de commerce, revoit le mode d'élection du président du conseil d'administration de la CFE et transpose aux administrateurs les règles applicables aux caisses du régime général, principalement en édictant une limite d'âge de 65 ans. La modification du corps électoral est bienvenue ; le texte de 2013 ne visait nullement à réduire la base électorale des administrateurs de la caisse.
Sans mettre en place une représentation paritaire patronat-syndicat, une légère augmentation des représentants des employeurs est souhaitable. Afin de rapprocher les règles de fonctionnement du conseil d'administration des conditions de droit commun, il est proposé d'élire le président du conseil en son sein, sans restriction aux seuls salariés actifs.
Comme il est peu probable que le processus législatif soit achevé avant octobre, le Gouvernement a-t-il l'intention de prolonger une nouvelle fois par décret le mandat du conseil d'administration ?
La commission des affaires sociales a accepté les amendements que je lui ai proposés mais n'a pas adopté le texte.
Ce texte n'épuise pas le sujet. La CFE a un statut hybride, qui emprunte à ceux des caisses du régime général et des assurances privées. Une mission de l'Igas et de l'IGF, lancée en février, rendra bientôt ses conclusions. Cette proposition de loi apporte une réponse ponctuelle à un problème ponctuel. Je regrette qu'elle ne puisse aboutir.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion . - La communauté française à l'étranger compte 1,68 millions d'inscrits sur les registres consulaires ; entre 2 et 2,5 millions de nos compatriotes résident de façon permanente ou quasi permanente à l'étranger. Ils sont un atout et une richesse pour notre pays.
La CFE offre aux Français de l'étranger une couverture sociale facultative équivalente à celle du régime général. Le nombre d'adhérents est aujourd'hui de 100 000, en augmentation. Près de 40 ans après sa création, elle doit se renouveler pour prendre en compte la loi du 27 juillet 2013 et se rapprocher des autres caisses de sécurité sociale.
Le Gouvernement apporte son soutien à cette proposition de loi. La loi de 2013 a créé les conseils consulaires, dont les membres sont élus au suffrage direct. Les 443 conseillers consulaires ont une légitimité forte, ils sont un nouvel échelon de représentation, plus proche du terrain. La CFE ne peut rester à l'écart de ces évolutions.
Le texte élargit le corps électoral aux 443 conseillers consulaires, et non aux seuls membres de l'AFE. Il accompagne le mouvement vers davantage de proximité, prévoit le recours au vote électronique. Je rappelle que le mandat des administrateurs a été prolongé jusqu'en décembre 2015.
L'évolution de la gouvernance doit aussi être conforme aux principes de parité, tel que défini par la loi du 4 août 2014.
Mme Claudine Lepage. - Enfin !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. - Le texte instaure en outre une limite d'âge pour les administrateurs de la CFE et crée un siège pour les chambres de commerce afin d'améliorer la représentation des PME.
Une réflexion plus large est nécessaire. Le Gouvernement a ainsi demandé un rapport à l'Igas et à l'IGF pour étudier les missions de la CFE, qui lui sera remis en juillet.
Cette proposition de loi est une première étape qui pose les bases d'une réforme plus ambitieuse. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et écologiste)
M. Olivier Cadic . - La CFE a été créée pour offrir une couverture sociale aux Français de l'étranger. Elle applique les règles du régime général et est soumise à la tutelle de l'État. La Cour des comptes, en 2010, a souligné la nécessité de la réformer.
Face à la concurrence des organismes privés, la CFE a développé de nouvelles missions éloignées de son rôle initial. Une réflexion est en cours. Une mission conjointe de l'Igas et de l'IGF est en cours. Chacun peut comprendre que l'on préfère en attendre les conclusions.
Le conseil d'administration de la CFE se compose de 21 membres, dont 18 élus par l'AFE. Il est présidé par notre collègue, le sénateur Cantegrit. Sous sa conduite, les comptes ont toujours été équilibrés. Peu de caisses de sécurité sociale disposent de comptes certifiés sans réserve. Je lui rends hommage.
Après la loi de juillet 2013, le nombre de membres de l'AFE est passé de 150 à 90. Vouloir élargir le corps électoral du conseil d'administration de la CFE est compréhensible, mais pourquoi la limiter aux seuls conseillers consulaires, et ne pas reprendre le collège élisant les sénateurs ?
M. Jean-Yves Leconte. - Amendez le texte !
M. Olivier Cadic. - Pourquoi cette précipitation à la veille des élections au conseil ? Voilà qui est suspect...
M. Christophe-André Frassa. - On sent la manipulation...
M. Olivier Cadic. - Le vote électronique, en outre, nécessite une sérieuse préparation.
Comme Mme Deromedi et M. Frassa l'ont souligné, la réforme lancée par Mme Conway-Mouret a été précipitée pour des raisons politiciennes. Elle a été bâclée. Et quel choc de complication !
M. Jean-Yves Leconte. - Vous, vous proposez un choc d'immobilisme !
M. Richard Yung. - De conservatisme !
M. Olivier Cadic. - Je vous propose plutôt un choc de simplification. Le groupe UDI-UC votera pour les amendements de suppression des trois articles du texte.
Nous préférons attendre les conclusions de l'Igas. Ne mettons pas la charrue avant les boeufs. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Claudine Lepage. - Quel renoncement !
M. Jean-Pierre Cantegrit . - La France, avec la Belgique, est le seul pays à avoir mis en place une caisse offrant des prestations sociales pour ses compatriotes à l'étranger. Ses règles sont définies par les autorités publiques françaises.
La CFE couvre les risques accident du travail, maladie et vieillesse - avec un rôle d'interface avec la CNAV pour ce dernier risque. Elle est ouverte à tous les expatriés ; l'adhésion est volontaire.
Après les travaux de la commission Bettencourt ayant abouti à la loi de 1976, la CFE a vu le jour en 1984 à la suite de la loi Bérégovoy - que j'ai eu l'honneur de rapporter.
Trois spécificités la définissent : l'adhésion est volontaire, la caisse n'est pas en situation de monopole et elle dispose de l'autonomie financière - son budget doit être équilibré avec les cotisations de ses seuls adhérents. En 2012, 2013 et 2014, son budget a été certifié sans réserve par le cabinet Mazars, ce qui n'est pas le cas de toutes les caisses métropolitaines...
La CFE a noué des partenariats avec les assureurs privés pour faciliter les demandes des assurés.
Son conseil d'administration est composé de 21 membres dont 18 membres élus par l'AFE et 2 membres représentant le Medef.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 22 mai 2014, a jugé que les règles relatives au renouvellement des membres des conseils d'administration des organismes de sécurité sociale relevaient du domaine réglementaire. Voilà qui laisse au gouvernement toute latitude pour agir, ce dont il a déjà usé.
Une mission de réflexion de l'Igas et l'IGF est en cours pour évaluer le modèle de la CFE, ses offres, son financement, sa gouvernance. Elle pourrait avoir des conséquences substantielles pour la caisse. Le rapport ne sera remis qu'en août. Cette proposition de loi semble prématurée, c'est pourquoi nous avons déposé des amendements de suppression de ses articles.
M. Jean Desessard . - La question de la représentation des Français de l'étranger est un sujet aussi ancien que la Révolution française... les évolutions législatives ont été nombreuses. La dernière en date, la loi de juillet 2013, a créé 443 conseillers consulaires élus au suffrage universel direct dans le cadre de quinze circonscriptions pour favoriser l'émergence de délégués de proximité. Ceux-ci élisent les 90 membres de l'AFE. Cette évolution démocratique était bienvenue. Je salue Mme Kalliopi Ango Ela qui fut le chef de file du groupe écologiste sur ce texte.
La CFE garantit aux Français de l'étranger une couverture sociale. Sans adaptation législative, les membres de son conseil d'administration seraient de fait élus au troisième degré, ce qui est peu démocratique. Pour répondre à cette difficulté, le texte propose une mesure phare : faire élire les membres au conseil d'administration de la CFE directement par les conseillers consulaires. C'est la logique, nous la soutenons.
Renforcement de la parité, intégration d'un représentant du réseau des chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger, mais aussi modification de l'élection du président de la CFE sont autant de bonnes mesures. Où est la divergence ? Certains voudraient attendre les conclusions de la mission de l'Inspection générale des affaires sociales et de l'Inspection générale des finances. Je vous renvoie à sa lettre de mission : les travaux ne portent pas sur la gouvernance. Il y a urgence à légiférer : les élections doivent avoir lieu en octobre 2015.
Vous l'avez compris, les sénateurs écologistes saluent le travail de M. Leconte et voteront cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et socialiste et républicain)
M. Richard Yung. - Très bien !
M. Dominique Watrin . - Ce débat offre à beaucoup d'entre nous l'occasion de constater l'existence d'une caisse chargée d'assurer la couverture sociale de nos compatriotes (souvent binationaux) demeurant à l'étranger. La CFE fonctionne en grande partie, non pas comme un régime de sécurité sociale obligatoire, mais comme un organisme d'assurance complémentaire privé. Il faudra bien que des changements adviennent, ne serait-ce que pour tenir compte, désormais, de l'existence des conseillers consulaires. Que ces derniers élisent directement les administrateurs de la caisse va dans le sens de la démocratie.
J'observe que, pour la majorité, il est urgent d'attendre. Pour autant, les élections auront lieu en octobre 2015. Quant à l'équilibre de la caisse, les revenus des Français de l'étranger ne sont pas tout à fait ceux des métropolitains... Et c'est précisément parce que la gestion de la caisse semble saine et que la norme des choses veut que, de temps à autre, on accepte de voir cette gestion soumise à l'avis des électeurs qu'il convient d'adopter cette proposition de loi.
L'implacable loi de la majorité aboutit à dénigrer le travail parlementaire. Sous couvert d'éviter des manipulations électorales, la droite et le centre veulent supprimer les articles de ce texte, un par un, pour aboutir à une coquille vide. C'est la négation même du travail parlementaire...
M. Jean-Yves Leconte. - Très juste !
M. Dominique Watrin. - De quoi s'agit-il ? De mieux protéger nos jeunes, qui ont désormais des stages obligatoires à l'étranger, et sont de plus en plus nombreux à s'expatrier pour trouver du travail. N'en déplaise à certains, le premier motif d'expatriation n'est pas de chercher des cieux fiscaux supposément plus cléments.
Le groupe CRC soutient ce texte. S'opposer à cette réforme nécessaire et logique, du point de vue du droit électoral, augure mal de la capacité à impulser de futures évolutions. Elle ne constitue en effet qu'un préalable modeste au regard des changements que nous serons amenés à accomplir. (Applaudissements sur les bancs CRC, socialistes et républicains et écologistes)
M. Jean-Yves Leconte. - Très bien !
M. François Fortassin . - La représentation des Français de l'étranger n'a pas échappé ces dernières années au chantier de la rénovation de la vie politique. Le groupe RDSE avait soutenu la loi du 22 juillet 2013.
Ce texte apporte, en son article 2, une solution bienvenue, face à la réduction de 155 à 90 du nombre des membres de l'AFE -qui constituait jusqu'à présent le seul corps électoral des quinze membres du conseil d'administration représentant les assurés- et surtout à l'élection de 443 conseillers consulaires. Gouvernance rénovée, plus de proximité, cela relève du bon sens. Certes, nous attendons les conclusions de la mission de l'Igas et de l'IGF. Sans en préjuger, nous pouvons néanmoins adapter ce texte qui concerne le seul conseil d'administration.
Que la caisse soit celle des Français de l'étranger n'empêche pas d'engager une réflexion sur des pratiques dérogatoires, des offres très avantageuses et des adhésions d'opportunité. De toute évidence, il faudrait mieux contrôler les capacités contributives réelles des adhérents, afin que cet organisme se rapproche le plus possible des grands principes de solidarité et d'équité, fondateurs de notre sécurité sociale.
En attendant, le RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Richard Yung . - La CFE, créée en 1985 par le Gouvernement Fabius, où Pierre Bérégovoy était en charge des finances, a démontré son efficacité. Nous devons continuer de la renforcer. Ses services ne sont pas toujours accessibles aux expatriés : seuls 11 % des Français recensés dans nos consulats, y adhèrent, soit environ 7 % du total de nos expatriés. Bien sûr, il faut tenir compte de la concurrence, en particulier, des régimes de sécurité sociale existant dans les pays de l'Union européenne, mais aussi de l'évolution professionnelle des assurés.
L'équilibre financier de la caisse repose actuellement sur les adhésions des cotisants et des entreprises. J'ajoute qu'elle compte deux chefs d'entreprises pour dix adhérents. Je m'en réjouis pour ma part. Que ces personnes choisissent plutôt d'aller au Medef ne me gêne pas. Après tout, il existe la branche Medef international. Elle n'est pas non plus inscrite dans les tables de la Loi...D'où l'idée d'une représentation des chambres de commerce françaises à l'étranger.
La Cour des comptes avait recommandé dès 2010 la clarification des structures et des missions de la caisse pour les rendre conformes au droit interne et aux principes communautaires... L'amélioration des relations avec l'État, grâce à la convention, passée pour la période 2014-2016, va dans le bon sens. D'autres évolutions sont nécessaires. Un vaste chantier nous attend. Les socialistes et républicains...
M. Robert del Picchia. - Ah !
M. Henri de Raincourt. - Bienvenue ! (Sourires à droite et au centre et exclamations à gauche)
M. Richard Yung. - ...oui, républicains, considèrent que la réforme de la gouvernance en est le préalable.
Nous proposons donc, pour tirer les conséquences des évolutions de l'expatriation, de remplacer le représentant des employeurs par un représentant désigné par les chambres de commerce et d'industrie (CCI).
Faire élire les représentants des assurés par les 443 conseillers consulaires, et non plus par l'ancien collège électoral, réduit à 90 membres, est un impératif démocratique...
M. Robert del Picchia. - Et les 64 délégués consulaires ?
M. Richard Yung. - Soit ! Vous voulez des sénateurs ?
M. Robert del Picchia. - Oui...
M. Richard Yung. - Soit !
M. Robert del Picchia. - Et les députés !
M. Richard Yung. - Prenons-les aussi, mais alors, débattons-en, déposez donc des amendements plutôt que de supprimer les articles !
Vous le voyez, le débat est ouvert. Il faut aller de l'avant, dans le sens de l'histoire. Ne procrastinons pas ! Il ne faut pas être conservateurs (Exclamations amusées sur les bancs du groupe socialiste et républicain) voire réactionnaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, écologiste et communiste, républicain et citoyen)
M. Henri de Raincourt. - Allons bon !
M. Robert del Picchia . - Avant toute chose, constatons que l'équilibre des comptes de la CFE est remarquable. Cela paraît normal à vos yeux, mais ne peut être passé sous silence, au regard des déficits accumulés des caisses nationales.
Toutefois, elle n'est pas toujours ouverte à tous. Ce n'est pas un problème pour la moitié de nos expatriés qui résident dans l'Union européenne, où les services sociaux fonctionnent généralement bien. C'est plus difficile pour les autres, qui sont tout de même 2,5 millions. Bien sûr, il faut faire taire les voix qui évoquent une caisse qui serait réservée aux riches, donc modifier sa gouvernance. En 2013, nous avions alerté sur les conséquences de la modification de la représentation des Français de l'étranger sur l'élection des membres du conseil d'administration de la caisse ; cela nous a été refusé.
M. Jean-Yves Leconte. - Proposez donc des amendements !
M. Robert del Picchia. - Laissez travailler la mission d'inspection ! Je salue l'action de M. Cantegrit à la tête de la CFE depuis de nombreuses années. Il n'est pas interdit d'applaudir... (Quelques applaudissements à droite)
Alors que le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État déplorent l'inflation législative, je déplore l'impatience de mes collègues socialistes. L'Igas et l'IGF rendront leurs conclusions dans un mois. Il est urgent d'attendre. (Exclamations amusées sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Bien sûr, nous voulons une élection par les conseillers consulaires et la parité.
M. Philippe Kaltenbach. - Alors, votez la proposition de loi ! (Même mouvement)
M. Robert del Picchia. - Attendons l'ordonnance des médecins de l'Igas et de l'IGF pour administrer la potion à notre malade, à supposer qu'il ne soit pas imaginaire... Je vous rappelle que Molière est mort sur scène, dans le rôle d'Argan ! Ne nous précipitons pas pour administrer un remède concocté en urgence, qui, loin de la guérir, transformerait la CFE en une mutuelle inadaptée, voire handicapée. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Richard Yung. - Diafoirus !
M. Jean Desessard. - Opérer ou ne pas opérer, telle est la question...
Mme Claudine Lepage . - La CFE, créée il y a quarante ans, a su renforcer son attractivité en ouvrant ses prestations aux ayants droit. La sociologie des Français de l'étranger a profondément évolué, personne ne peut le contester. Nous le constatons tous lors de nos déplacements : plus de jeunes partis trouver un premier emploi hors de nos frontières, plus de retraités, aussi, et de plus en plus de créateurs de PME et de TPE.
Les jeunes, en particulier, qui peinent à accéder à la caisse à cause de la rétroactivité, demandent moins de services que des retraités aux nombreux ayants droit. D'où la nécessité d'évoluer. À cette raison s'ajoutent les nouvelles exigences des États. La création de l'Obamacare a plongé les quelque 5 000 Français installés aux États-Unis et adhérents de la CFE dans l'incertitude durant plusieurs mois. La caisse a manqué de réactivité, de dynamisme, elle n'a pas su trouver de partenaire commercial pour répondre aux exigences de l'Obamacare.
La réforme de 2013, avec la création des conseillers consulaires, appelle à élargir le collège électoral du conseil d'administration de la CFE. Ne pas prendre une telle mesure reviendrait à nier le rôle dévolu à ces nouveaux conseillers.
Ce texte poursuit un seul but : faire entrer la CFE dans le XXIe siècle. Ne le refusez pas ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et républicains)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Mme la présidente. - La commission des affaires sociales n'ayant pas adopté de texte, nous examinons la version initiale de la proposition de loi.
ARTICLE PREMIER
Mme la présidente. - Amendement n°2, présenté par M. Cantegrit, Mme Deromedi, MM. Duvernois et Frassa, Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann et M. del Picchia.
Supprimer cet article.
M. Jean-Pierre Cantegrit. - Comme nous l'avons abondamment indiqué, il n'est pas opportun de modifier la composition du conseil d'administration de la caisse tant que la mission conjointe de l'Igas et de l'IGF n'a pas abouti. Nous aurons le temps d'y procéder en temps utile. Le groupe Les Républicains demandera un scrutin public.
M. Éric Jeansannetas, rapporteur. - La commission des affaires sociales a donné un avis favorable. Je remarque toutefois que la mission conjointe ne porte pas sur la gouvernance.
Mme Claudine Lepage. - Supprimer purement et simplement l'article premier au motif que l'Igas et l'IGF ont été saisies est un argument irrecevable. Dans la lettre de mission (l'oratrice la tient en main) ne figure nulle part le terme de gouvernance. Le groupe socialiste et républicain votera contre.
M. Jean Desessard. - Puisque M. del Picchia a utilisé des images médicales, j'y reviens : nous aurions pu, alors que vous êtes d'accord sur tout -l'élargissement du corps électoral, la parité et l'élection du président de la caisse-, engager une réforme homéopathique (on apprécie) quitte à y revenir après le rapport des inspections...
M. Jean-Yves Leconte. - Il n'y aurait pas urgence ? Je pense aux PME-TPE qui sont les vaches à lait de la CFE, quand les grandes entreprises contribuent moins, je pense aux jeunes qui ne peuvent pas acquitter les cotisations, je pense aux adaptations nécessaires au regard du droit communautaire. Mettre la tête dans le sable est complètement irresponsable ! Un parlementaire depuis quarante ans, monsieur Cantegrit, sait que le droit d'amendement existe.
Monsieur del Picchia, avant d'opérer, on emmène un malade à l'hôpital ! Il nous faut un conseil d'administration renouvelé pour réformer.
On a cité Le Malade imaginaire. Nous ne sommes pas des anciens, concoctant de vieilles potions, mais des gens de maintenant, proposant des solutions d'aujourd'hui ! (On approuve sur les bancs socialistes et républicains)
M. Robert del Picchia. - Puisque j'ai été pris à partie, je réponds : on a attendu quarante ans, on peut encore attendre quelques mois et les conclusions de la mission de l'Igas et de l'IGF. Quant à opérer, certaines opérations réussissent et les malades en meurent !
M. Olivier Cadic. - Quelle mauvaise foi !
Mme Nicole Bricq. - Vous savez de quoi vous parlez !
M. Olivier Cadic. - Il y a plus d'un an, nous vous avions alertés, et vous n'avez rien fait. Maintenant, il y a urgence ? Il faudrait tout à coup s'occuper des personnes qui ne peuvent pas accéder aux prestations de la CFE. La lettre de mission, que j'ai également sous les yeux, porte bien sur « l'évaluation des performances, du rôle, de la nature et du périmètre des actions de la CFE » et sa gouvernance ne serait pas en cause ? Au fond, quel est l'enjeu ? Va-t-on vers une mutuelle ou une assurance privée, telle est la question qui compte. Alors, soyons sérieux : remplacer la représentante du Medef par un représentant des chambres de commerce et d'industrie, cela changera tout ?
M. Jean-Pierre Cantegrit. - J'avais tenu un discours mesuré en discussion générale. J'ai cru comprendre que M. Leconte me reprochait, sur un ton assez peu sympathique, d'avoir été trop longtemps à la tête de la CFE... D'après ses déclarations, on peut supposer que sa gestion de la caisse aurait été plus aléatoire que la mienne : des comptes approuvés sans réserve depuis trois ans, par le plus grand cabinet comptable de la place ! Vos propos à l'égard de la représentante du Medef sont blessants : je rappelle que les entreprises constituent 50 % des adhérents pour l'assurance maladie.
Proposer des amendements ? Vous pouviez aussi, monsieur Leconte, déposer votre proposition de loi bien avant et la rédiger différemment.
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°2 est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°206 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 187 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
L'article premier est supprimé.
ARTICLE 2
Mme la présidente. - Amendement n°3, présenté par M. Cantegrit, Mme Deromedi, MM. Duvernois et Frassa, Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann et M. del Picchia.
Supprimer cet article.
M. Jean-Pierre Cantegrit. - Défendu.
Mme la présidente. - Même vote que sur l'article précédent ?
M. Jean Desessard. - Le groupe écologiste votera contre également.
M. Richard Yung. - Le groupe socialiste aussi.
M. Jean-Yves Leconte. - La détermination de la majorité sénatoriale est forte : elle demande un scrutin public qui ne serait pas nécessaire si tous ses élus représentant des Français de l'étranger étaient présents dans l'hémicycle, alors que nous le sommes.
Sur le fond, refuser de tirer les conséquences de la création des conseillers consulaires pour en rester au statu quo est dommageable, vraiment dommageable.
Mme Cécile Cukierman. - Je trouve étrange que l'on rejette l'article 2 sans procéder formellement à un vote : ou l'on vote à main levée, et l'article n'est pas rejeté, ou l'on procède à un scrutin public conformément au Règlement. Pourquoi faire une exception ?
Mme la présidente. - C'est la coutume. J'ai demandé l'assentiment de l'Assemblée. Cependant, je veux bien organiser le scrutin public demandé par le groupe les Républicains.
M. Éric Jeansannetas, rapporteur. - J'irai dans le sens de Mme Cukierman d'autant que cet article 2 concerne l'élargissement du corps électoral du conseil d'administration de la CFA. Avis favorable de la commission.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. - Avis défavorable à cet amendement.
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°3 est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°207 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 187 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
L'article 2 est supprimé.
ARTICLE 3
Mme la présidente. - Amendement n°4, présenté par M. Cantegrit, Mme Deromedi, MM. Duvernois et Frassa, Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann et M. del Picchia.
Supprimer cet article.
M. Jean-Pierre Cantegrit. - Pour les mêmes raisons, nous proposons de supprimer cet article.
M. Éric Jeansannetas, rapporteur. - Avis défavorable.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. - Avis défavorable.
M. Robert del Picchia. - Comme vous, monsieur Leconte, nous voulons cette réforme. Nous sommes même pour un élargissement du collège électoral à celui qui élit les sénateurs. Simplement attendons les conclusions des inspections.
M. François Fortassin. - Je croyais que les sénateurs représentants les Français de l'étranger étaient un club d'amateurs du cassoulet ; je constate qu'ils se comportent « Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal ».
M. Jean-Pierre Sueur. - Belle citation littéraire de Hérédia !
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°4 est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°208 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 187 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
L'article 3 est supprimé.
L'amendement n°1 rectifié devient sans objet.
Mme la présidente. - Tous les articles ayant été supprimés, la proposition de loi n'est pas adoptée.