SÉANCE
du mardi 31 mars 2015
82e séance de la session ordinaire 2014-2015
présidence de M. Jean-Claude Gaudin, vice-président
Secrétaires : M. Claude Haut, Mme Catherine Tasca.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle quatre questions orales.
Auxiliaires de vie scolaire
M. Michel Billout . - Madame la ministre, je veux attirer votre attention sur les auxiliaires de vie scolaire et accompagnants des élèves en situation de handicap (AVS-AESH).
La loi du 11 février 2005 affirme le droit pour les enfants handicapés à une scolarisation en milieu ordinaire au plus près de leur domicile. Dans cette perspective, le ministère de l'éducation nationale a recruté des auxiliaires de vie scolaire. Ce dispositif a vite rencontré ses limites : leur statut très précaire les a conduits à devoir quitter leur emploi, parfois en cours d'année, sans être toujours remplacés.
En 2013, le Gouvernement a fixé comme objectif le recrutement de 28 000 AVS en CDI, sous la nouvelle dénomination : accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH). C'est une excellente chose. Le décret du 27 juin 2014 a fixé les conditions de leurs recrutement et emploi. Ils pourront sortir de la précarité et obtenir un CDI.
Reste qu'aucun calendrier ne précise le rythme de transformation de ces emplois. L'inquiétude se développe, notamment en Seine-et-Marne, car le rythme de transformation est très lent et aucun chiffre n'est communiqué par l'administration.
Questionné récemment par Nicole Bricq, le Gouvernement a donné quelques réponses. Les AVS-AESH sont 309 en Seine-et-Marne mais il reste 237 personnes en contrat précaire. Les chiffres devraient être connus pour l'ensemble du territoire, pour chaque académie ; cela faciliterait l'exercice par les parlementaires de leur mission de contrôle.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes . - Devant la conférence nationale du handicap, la ministre de l'éducation nationale a redit son attachement au principe de l'inclusion scolaire. L'intégration de tous les élèves dans l'école de la République passe par la création de 41 000 postes d'AVS en 2014, assurant la scolarisation de 260 000 élèves handicapés en milieu ordinaire. Les AVS pourront obtenir un CDI après six ans d'exercice en CDD. En Seine-et-Marne, 72 d'entre eux ont ainsi obtenu un CDI en 2014, ce qui porte le nombre total d'AVS-AESH à 309. La totalité des postes ouverts ont été pourvus.
La démarche de professionnalisation est bien engagée afin que les élèves en situation de handicap trouvent la place qui leur revient.
M. Michel Billout. - Je salue la volonté du Gouvernement mais reste perplexe. On devrait pouvoir obtenir de l'administration plus de détail : nombre de CDD, ancienneté moyenne, etc... Le sentiment de flou est grand et, dans un contexte budgétaire difficile, le Gouvernement donne l'impression de jouer la montre. C'est dommage car les intentions sont bonnes.
Enfants sans vie
M. Gilbert Roger . - Depuis les trois arrêts de la Cour de cassation du 6 février 2008, l'acte d'enfant sans vie est dressé par l'officier de l'état civil sur simple production d'un certificat d'accouchement, sans question de délai ou de poids, comme le prévoyait initialement la circulaire du 30 novembre 2001. L'enfant mort-né est désormais considéré comme une personne juridique et bénéficie, à ce titre, d'obsèques.
Cette réforme du statut des « enfants sans vie » a entraîné une augmentation du nombre de demandes d'inhumation dans les cimetières implantés dans les communes possédant un hôpital, le maire étant tenu d'accorder une sépulture aux personnes décédées sur son territoire, quel que soit leur domicile, en vertu de l'article L. 2223-3 du code général des collectivités territoriales.
Dans les communes, notamment en Seine-Saint-Denis, où la question du regroupement confessionnel des sépultures est un sujet de préoccupation majeur pour la communauté musulmane, certains maires peinent à répondre favorablement aux familles qui demandent une inhumation dans un espace confessionnel, compte tenu du peu de places disponibles. C'est le cas à Bondy, où est implantée la maternité de l'hôpital Jean-Verdier.
Les enfants mort-nés décédés à l'hôpital pourraient-ils être enterrés en priorité dans le cimetière de la commune de domicile des parents et, à défaut seulement, dans le cimetière de la commune où est implanté l'hôpital ?
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes . - M. Cazeneuve assiste en ce moment au conseil des ministres franco-allemand à Berlin.
La réforme de 2008 a atténué les effets de la distinction établie en droit entre les enfants « mort-nés » et les enfants « sans vie ».
Les enfants mort-nés sont les enfants nés vivants et viables mais décédés avant la déclaration de naissance. Ils font l'objet d'un acte de naissance et d'un acte de décès établi par l'officier d'état civil sur production d'un certificat médical. Les prescriptions de la législation funéraire s'appliquent à eux comme à toute autre personne, ce qui implique l'obligation d'inhumation ou de crémation du corps. La famille a le choix, pour l'inhumation, entre la commune du lieu du décès, celle de son domicile ou encore celle où elle a droit à une sépulture de famille.
En l'absence de certificat médical attestant que l'enfant est né vivant et viable, le décret du 20 août 2008 a prévu que l'officier d'état civil établisse un acte d'enfant « sans vie », qui est inscrit sur les registres de décès conformément à l'article 79-1, alinéa 2, du code civil, dès lors qu'un certificat d'accouchement a été délivré. Afin de faciliter le deuil des familles, la circulaire interministérielle du 19 juin 2009 invite à appliquer le droit funéraire à ces situations.
Si la famille détient un acte d'enfant sans vie et demande l'organisation de funérailles, il est demandé aux communes d'accéder à cette demande, sauf circonstances exceptionnelles. Si la famille ne détient pas un acte d'enfant sans vie mais souhaite néanmoins l'organisation de funérailles, les communes peuvent autoriser l'inhumation ou la crémation du corps. C'est une mesure d'humanité et de respect de la dignité humaine.
Il n'est donc pas opportun de prévoir un régime spécifique pour les enfants au seul motif de l'insuffisance de places dans les espaces confessionnels des cimetières.
Déchets verts
M. Daniel Chasseing . - La réglementation actuelle relative à l'usage du feu, consécutivement au « Grenelle de l'environnement », sème le trouble, en milieu urbain mais aussi dans les territoires ruraux. L'interdiction des feux de cheminée à Paris a suscité une légitime émotion, à laquelle Mme la ministre de l'écologie a su répondre, avec raison. Ma question porte sur un autre point, tout aussi litigieux.
Selon un arrêté pris par le préfet de la Corrèze, il est, en effet, permis de brûler les déchets verts, forestiers ou agricoles, dès lors que ceux-ci sont situés en zones de forêts et d'espaces boisés, landes et maquis mais c'est interdit ailleurs, ou permis de manière si restrictive que cela revient au même. Or la Corrèze possède aussi des exploitations agricoles en étendues découvertes, ainsi que de nombreux jardins particuliers, dont les propriétaires sont contraints d'emporter les déchets végétaux vers les déchetteries. Il en résulte un encombrement préjudiciable au fonctionnement de celles-ci mais encore un surcoût financier pour les collectivités territoriales gestionnaires, à l'heure où il leur est demandé de gros efforts pour réduire leurs coûts de fonctionnement. Contradiction insupportable pour les Corréziens, qui avaient coutume de traiter les déchets verts comme le faisaient leurs parents. Cela mine leur moral !
Trop de réglementation tue la réglementation, surtout si elle fait fi des spécificités géographiques. Pourquoi ne pas autoriser la destruction des déchets verts à une période de l'année où l'on est peu dehors, pendant les mois d'hiver ? Un peu de souplesse, de grâce, cela ne serait que du bon sens !
Il faut tenir compte des spécificités des territoires ruraux. À défaut, que l'État assume le coût de la destruction de ces déchets. On ne peut toujours imposer de nouvelles charges aux collectivités rurales. Nous attendons avec impatience la réponse sur ce problème qui, pour être bucolique, n'est pas pour autant anecdotique !
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes . - Veuillez excuser Mme Royal. La destruction des déchets verts fait peser des risques d'incendie et de nuisances. Les déchets peuvent aussi transmettre des maladies aux plantes saines. Le compostage de proximité, à la déchetterie, est la solution la plus adaptée car c'est la moins consommatrice d'énergie. Le compostage au jardin mérite aussi d'être encouragé.
Ces pratiques vertueuses écologiquement, non délocalisables, entrent pleinement dans les objectifs de la transition énergétique.
M. Daniel Chasseing. - Il faut trouver une solution pragmatique pour éviter que les décharges ne soient encombrées. Les véhicules qui convoient les déchets émettent des particules fines car ils roulent au gazole ! Les personnes âgées, en outre, ne savent pas toujours faire du compostage.
Attaques de loups
M. Jacques Genest . - Chaque année, les meutes de loups s'agrandissent et étendent leur territoire de prédation, entraînant des dégâts considérables sur les troupeaux.
Le bilan officiel, pour 2014, fait état de 9 000 bêtes attaquées et 8 000 indemnisées, pour un montant total de 2,5 millions d'euros, soit une augmentation de 500 000 euros par rapport aux années précédentes. Dans le département de l'Ardèche, on récense 263 bêtes victimes, dont 236 indemnisées, avec une augmentation de 41 constats par rapport à 2013. Ce département compte un grand nombre de bergers et d'éleveurs ovins, autant d'emplois menacés par l'accroissement des meutes, sans compter le rôle des moutons dans la préservation des paysages ardéchois. S'il y a près de 300 loups en France aujourd'hui, on estime qu'il y en aura 700 en 2017. Si le plan « Loup » pour 2013-2017 prévoyait des prélèvements, ceux-ci restent insuffisants.
Nous sommes face à un choix : va-t-on laisser mourir l'agro-pastoralisme ? Que compte faire le Gouvernement pour préserver les troupeaux ?
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes . - Je confirme votre diagnostic : plus de 8 200 bêtes ont été indemnisées, dans 25 départements. Des chiffres en hausse, donc.
L'extension des territoires de présence du loup explique ce bilan global, qui masque des situations variées. Les dégâts ont augmenté dans l'Ardèche mais diminué dans la Drôme. Aux préfets d'affiner la réponse, dans le respect de nos obligations européennes et du cadre national. Le plan « Loup » évolue au regard des remontées du terrain. Le préfet de la région Rhône-Alpes a été missionné pour étudier le dossier, écouter tous les acteurs et faire des propositions. Celles-ci n'omettront aucun volet du problème : amélioration de la fluidité des indemnisations, protection des troupeaux par des aides respectueuses des règles de la nouvelle PAC et destructions de loups, qui doivent continuer à être autorisées de manière souple, par arrêtés ministériels.
La ministre de l'écologie présentera des analyses précises, dans le cadre du groupe national « Loup » ; à l'issue d'une large concertation, Mme Royal et M. Le Foll feront des propositions concrètes dans le cadre des règles européennes.
M. Jacques Genest. - Le Gouvernement doit sortir de cet autisme qui l'a conduit aux résultats électoraux qu'on a vus dimanche. La première espèce à protéger, dans les territoires ruraux, c'est l'homme !