Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle dix-huit questions orales.
Domiciliation des Français de l'étranger
M. Bernard Fournier, en remplacement de M. Robert del Picchia . - Je remplace M. del Picchia en mission au Maroc avec Laurent Fabius. La législation oblige, avec l'article R. 431-8 du code de justice administrative, les Français de l'étranger non représentés à élire domicile en Seine-Saint-Denis pour tout recours juridictionnel concernant leurs impôts devant le tribunal de Montreuil.
Or nos compatriotes n'ont, pour la plupart, pas les moyens de prendre un avocat et ne connaissent personne pour tenir lieu de mandataire auprès du tribunal administratif de Montreuil. Élire domicile en Seine-Saint-Denis se révèle presque impossible car, premièrement, les entreprises de ce département n'ont pas d'agrément pour faire de la domiciliation de particuliers ; deuxièmement, les associations qui font de la domiciliation pour les particuliers ne s'occupent pas des personnes sans domicile fixe résidant en France ; troisièmement, rares sont les Français de l'étranger qui connaissent un particulier dans ce département, à qui ils puissent demander un tel service, et qui accepte de le rendre.
Ne pouvant satisfaire à l'obligation imposée par l'article R. 431-8, nos compatriotes voient automatiquement leurs requêtes déclarées irrecevables. De fait, ils sont privés de toute possibilité d'ester en justice.
Dans votre réponse du 18 février 2014 à la question écrite n° 37 498 vous déclariez que : « l'obligation imposée par l'article R. 431-8 que l'élection de domicile se fasse nécessairement dans le ressort du tribunal administratif peut apparaître inutile et trop lourde pour les parties. Aussi le gouvernement étudie-t-il la possibilité de supprimer cette obligation ».
La question est d'autant plus d'actualité que les requêtes se multiplient depuis la décision de la Cour de justice de l'Union européenne déclarant contraires à la réglementation européenne les prélèvements sociaux sur les revenus mobiliers détenus en France par des Français de l'étranger.
Quand sera supprimée l'obligation ? La décision de la CJUE rend d'autant plus urgente cette suppression.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice . - Votre question importante touche à l'accès au droit. Si nous reconnaissons des droits, il faut permettre leur effectivité, sans que la procédure y porte atteinte. L'article R. 431-8 n'a pas pour but de faire obstacle à l'accès à la justice mais de faciliter sa bonne administration, en prévoyant la représentation des justiciables qui peuvent élire domicile dans la juridiction administrative compétente, aussi bien chez un parent, un proche ou chez une personne morale comme une association. Je continue à penser que cette procédure peut être allégée.
Un décret en Conseil d'État est en cours d'examen. Il y a des délais car plusieurs procédures sont à modifier parallèlement.
M. Bernard Fournier. - Merci. Je regrette que les délais soient si longs mais je prends note qu'un décret est en préparation, qui, j'espère, sera bientôt publié.
Maison de la justice et du droit d'Elbeuf
M. Didier Marie . - Il est nécessaire de renforcer la présence de greffiers au sein de la maison de la justice et du droit d'Elbeuf.
Fréquentée par plus de 7 000 personnes, pour la plupart issues des zones d'intervention de la politique de la ville, la maison de la justice et du droit d'Elbeuf ne dispose pas du personnel nécessaire pour assumer le flux croissant des demandes.
Cette structure d'accueil et d'information centrale a été une des premières créées en France. Elle vise à offrir un égal accès à la justice des habitants, particulièrement ceux des quartiers en difficulté qui sont éloignés des juridictions de Rouen ou d'Évreux. Pour les mesures alternatives aux poursuites, elle joue un rôle essentiel. Je sais l'engagement bénévole des avocats, notaires et huissiers, ainsi que le travail des associations et des services judiciaires.
De 2006 à 2011, le public bénéficiait de la présence d'une greffière du lundi au vendredi midi. En septembre 2011, une greffière a été affectée à la maison de la justice et du droit un jour entier par semaine. Depuis octobre 2014, elle intervient trois jours par semaine mais elle ne peut répondre à toutes les sollicitations. C'est pourquoi nous souhaitons un poste de greffier à temps plein.
Je connais votre attachement à l'accès au droit et à la politique de la ville.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice . - Je connais aussi votre attachement à la proximité de la justice dans tous les quartiers. Les maisons de la justice et du droit, créées en 1998, jouent un rôle essentiel. Elles ont été quelque peu délaissées ces dernières années. Nous améliorons la situation peu à peu : six nouvelles maisons de la justice et du droit seront installées cette année. Trop souvent, on s'est appuyé sur les collectivités territoriales et du personnel vacataire alors que les greffiers assurent l'effectivité du droit. Il reste des progrès à faire à Elbeuf, même si j'ai porté à trois jours la présence du greffier. Sur le plan national, pour 137 maisons de la justice et du droit, il y a 109 greffiers dont seulement 79 à temps plein.
Je vous transmettrai, ainsi qu'à M. Bachelay, qui m'a interrogée comme vous à ce sujet, des informations sur les postes vacants remplacés par la commission paritaire, concernant le tribunal de grande instance de Rouen. Ne voulant pas abuser de mon temps de parole, je vous répondrai par écrit.
M. Didier Marie. - Merci. J'espère que le poste de greffier à temps plein sera affecté à Elbeuf !
Tribunal de Valence
M. Gilbert Bouchet . - Ma question porte sur la situation critique du tribunal de Valence dans la Drôme : il n'est plus en mesure de faire face au traitement des contentieux qui lui sont soumis.
La charge de travail des magistrats est de 1 033 affaires, soit 33 % de plus par rapport à la moyenne. Un des deux postes de juge d'application des peines n'est pas pourvu alors qu'entre en application la contrainte pénale. De plus, un établissement pénitentiaire de 466 places sera ouvert bientôt. Il manque aussi un juge pour enfants, en raison d'un congé parental.
Le nombre des affaires a augmenté de plus de 5 % en 2014 ; l'âge moyen du stock est de dix mois, la durée de traitement supérieure à deux mois.
Valence est pionnier pour l'expérimentation de la dématérialisation des procédures et la mise en place du futur réseau virtuel « Expert ». Les magistrats souhaitent disposer des moyens suffisants. Vous avez annoncé dernièrement le recrutement de 114 postes de magistrats en France. La juridiction de Valence en bénéficiera-t-elle?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice . - Nous nous efforçons de réduire les charges qui pèsent sur les magistrats et de moderniser les procédures.
Nous menons une politique volontariste depuis notre arrivée. Pour combler les 1 400 départs à la retraite sur le quinquennat, il faut recruter plus de 300 magistrats par an, alors que seuls 144 ont été recrutés en 2010 - une moyenne sous la majorité précédente !
Nous avons procédé à 358 recrutements en 2013, 364 en 2014 et nous recruterons 480 magistrats en 2015 - une promotion exceptionnelle de 360 auditeurs de justice.
Malgré nos efforts, c'est seulement fin septembre, vu le temps de formation de trente et un mois des magistrats, que le solde de magistrats sera positif de 80 et que nous commencerons à combler les manques.
Le tribunal de grande instance de Valence, s'il pourrait connaître une situation meilleure, se situe dans la moyenne française : sur 35 magistrats localisés, manque un juge d'application des peines. Son rôle est central dans la réforme pénale, le poste sera pourvu lors de la prochaine affectation. Concernant les agents, 86 sont localisés, 84 sont en poste ; 2 postes de greffiers seront pourvus en septembre 2015.
Au tribunal d'instance, 3 postes d'adjoints administratifs sont vacants sur 15 agents, mais la commission administrative de juin 2014 a remplacé un agent qui a pris ses fonctions début mars. Comme pour les magistrats, nous verrons bientôt les effets de notre politique volontariste.
Enfin, un mot des congés maladie. En deçà de trois mois d'arrêt maladie, les informations ne remontent pas au ministère. C'est une difficulté. Il en va de même pour les arrêts maladie de longue durée. En deçà de trois ans, nous ne pouvons disposer du poste.
M. Gilbert Bouchet. - Votre réponse me laisse dubitatif, faute de précisions. Vous n'avez rien dit non plus sur les postes liés à la nouvelle prison.
PTZ et ruralité
M. Bernard Fournier . - L'ouverture du prêt à taux zéro (PTZ) pour l'achat de logements anciens à réhabiliter en milieu rural, prévue par la loi de finances pour 2015, est destinée à relancer l'activité par des travaux de réhabilitation et à préserver l'attractivité des territoires ruraux, en favorisant la revitalisation des centres-bourgs. Le renforcement du PTZ doit favoriser l'accession à la propriété, l'une des clés du succès pour la relance de l'activité économique dans le secteur du bâtiment. Le PTZ devient également l'outil privilégié pour favoriser l'accession sociale à la propriété. Dans le montage d'un prêt, le PTZ apporte une meilleure solvabilité aux ménages.
Environ 6 000 communes ont été sélectionnées pour leur caractère rural, leur niveau de services et d'équipements existants et leur potentiel de logements à réhabiliter pouvant être remis sur le marché. C'est, malheureusement, une proportion très faible des communes rurales : environ soixante par département. Dans la Loire, moins d'un tiers des communes rurales sont concernées. Beaucoup d'élus ne comprennent pas le critère de niveau de services et d'équipements existants. Aussi le choix des communes bénéficiant de ce PTZ reste-t-il très obscur, presque discriminant. Il est urgent de préciser les critères.
La délivrance de permis de construire dans les territoires ruraux étant largement encadrée et limitée, il est aussi nécessaire d'étendre le champ d'action du PTZ à toutes les communes rurales. L'objectif ne serait plus uniquement de relancer la construction mais de revitaliser toutes les communes rurales par la rénovation de logements anciens. Les communes rurales sont frappées par la baisse des dotations. En outre, elles seront mises en commun entre elles pour l'aménagement de leurs centres-bourgs. Les communes rurales méritent mieux.
Quelles sont les intentions du gouvernement ?
Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité . - La loi de finances 2015 a étendu le PTZ aux logements anciens à réhabiliter. Cette mesure s'inscrit dans notre plan de relance de la construction et vise à aider les communes à rénover leurs centres. Il concerne les communes rurales disposant d'un potentiel de logements à rénover important et d'un certain nombre d'équipements, publics ou privés, défini par l'Insee. Nulle discrimination en la matière !
Une évaluation transparente sera menée avant d'envisager toute extension. Comme le dispositif est récent, nous manquons de recul. Les premiers PTZ ont permis de soutenir l'activité des artisans locaux.
Bientôt, en comité interministériel, nous présenterons de nouvelles mesures pour un aménagement du territoire équilibré et participant à leur développement économique. C'est le sens de l'appel à candidatures que nous avons lancé. Soyez convaincu que ma détermination en faveur de la ruralité est totale.
M. Bernard Fournier. - Merci pour cette réponse assez précise. Je comprends qu'il faille procéder à une évaluation avant d'envisager une nouvelle phase d'extension du PTZ.
Téléphonie mobile et zones blanches
M. Daniel Laurent . - La qualité de réception des réseaux de téléphonie mobile dans de nombreuses communes rurales est mauvaise, alors que ces dernières ne sont pas considérées en « zone blanche ». La définition réglementaire de la couverture de téléphonie mobile s'entend comme la possibilité de passer un appel téléphonique et de le maintenir durant une minute, à l'extérieur des bâtiments et en usage piéton. De même, n'est pas considérée comme « zone blanche » une commune où, devant la mairie, une liaison est possible avec un opérateur. Or, dans la pratique, il en va tout autrement. Les exemples ne manquent pas. Ainsi un plan départemental de sécurité prévoit que les élus soient informés mais ils sont injoignables sur leur portable, faute de réseau.
Je salue d'ailleurs l'excellent travail de Claude Belot, qui avait publié en 2005 son rapport sur le haut débit. La Charente-Maritime a fait le choix du très haut débit en fibre optique. Mais toutes les communes ne seront pas logées à la même enseigne, certaines seront équipées en 2016 d'autres en 2030 seulement !
Vous annoncerez demain une concertation entre les opérateurs et les collectivités territoriales pour un nouveau plan de couverture numérique.
Quels en seront le calendrier et les objectifs ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget . - Je vous prie d'excuser Mme Lemaire, retenue ce matin.
Avec le plan France Très Haut Débit, le gouvernement a voulu engager le plus rapidement possible, le chantier structurant du numérique. Mais il faut aussi répondre aux besoins du moment en améliorant les réseaux existants et en assurant leur fiabilité.
Nous voulons résorber les zones blanches et couvrir les 170 communes sans couverture mobile. Ainsi les sept communes de Charente-Maritime en zone blanche ont été couvertes. Il faut aussi aller au-delà des centres-bourgs que visait le programme précédent. Enfin, les territoires ruraux doivent avoir accès à la 3G. Le programme qui devait permettre à 3 900 communes d'être couvertes fin 2013 n'a pas été atteint. Le gouvernement proposera un nouveau programme pour y remédier. Il n'hésitera pas à étendre par la loi les obligations des opérateurs et veillera, ce qui n'a pas toujours été le cas, au bon respect d'un cahier des charges qu'ils ont eux-mêmes accepté.
Votre question, au-delà de la Charente-Maritime, concerne tous les territoires, surtout ruraux. Le gouvernement s'engage, vous le voyez, à y répondre.
M. Daniel Laurent. - Les zones blanches existent toujours.... Je suis ravi si l'on contraint les opérateurs à tenir leurs engagements. Il est indispensable pour la ruralité que tous les territoires soient maillés de la même façon.
Soutien aux bureaux de tabac de proximité
M. Jean-Paul Fournier . - Les 26 000 débitants de tabac sont en difficulté. En 2013, chaque jour, plus de deux bureaux de tabac mettaient la clé sous la porte. En 2014, la cadence s'est accélérée avec un rythme de trois fermetures quotidiennes. Si rien n'est fait pour ce secteur d'activité, qui emploie plus de 120 000 personnes, c'est à un véritable sinistre que nous allons assister : un sinistre pour la profession, dont l'activité est souvent une histoire de famille ; un sinistre pour l'emploi, puisque les fermetures vont s'accompagner d'un grand nombre de licenciements ; un sinistre surtout pour la France, tant les bureaux de tabac sont des vecteurs de lien social dans les zones rurales et les quartiers urbains, notamment ceux les plus sensibles de notre territoire. En effet, plus que de simples revendeurs de tabac, les buralistes animent des lieux de vie appréciés par nos compatriotes. Ils varient leurs offres commerciales en proposant de la presse, des jeux à gratter, des services postaux, des timbres fiscaux, un relais colis, des friandises, tout en affinant continuellement leur rôle d'accueil et d'écoute auprès de la clientèle. À l'instar d'une boulangerie, d'une pharmacie ou d'une boucherie, les bureaux de tabac sont des éléments importants du tissu social d'un village ou d'un quartier.
Les raisons de l'accélération de la fermeture de ces commerces de proximité sont multiples. Si l'on peut se réjouir, dans un souci de santé publique, de la baisse du nombre de fumeurs et de leur consommation de tabac, la fragilisation de l'activité des bureaux de tabac est aussi due à de nombreuses mesures prises par le gouvernement, mais aussi par un manque de coordination avec nos partenaires européens. La décision de ne pas appliquer la hausse automatique du prix du tabac au 1er janvier a été un véritable soulagement pour la profession. Mais l'accalmie a été de courte durée.
Les motifs d'inquiétude sont nombreux avec la mise en place du paquet neutre, les prochaines hausses du prix, le renforcement de la contrebande et du marché parallèle ou l'absence d'harmonisation des taxes au niveau européen, sans parler des charges toujours plus lourdes qui pèsent sur les buralistes.
Aujourd'hui, pour les bureaux de tabac, l'heure est grave. La force des actions réalisées en novembre et en décembre 2014 démontre le désarroi de la profession. Sans une action coordonnée sur ce sujet, ce sont non seulement des entreprises commerciales qui vont fermer, mais aussi un peu de l'identité de notre pays qui va disparaître.
Quelles mesures le gouvernement prendra-t-il pour freiner, sur le long terme, la fermeture des bureaux de tabac et ainsi préserver ces commerces inhérents à une certaine qualité de vie à la française ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget . - L'action sur le prix du tabac par la fiscalité sur le paquet de cigarettes est un moyen de réduire le tabagisme. Toutefois, les écarts de prix par rapport à nos voisins favorisent les achats transfrontaliers et les modes d'approvisionnement alternatifs. Le gouvernement cherche une harmonisation fiscale avec ses partenaires. Au plan national, depuis la loi de finances pour 2014, c'est le Parlement qui fixe le niveau de charge fiscale, au lieu d'une règle de calcul complexe. En 2015, cette charge a été fixée au même niveau qu'en 2014. Je le souligne car on a entendu parler de cadeau fiscal et de pertes de recettes pour l'État. Vous annoncez des hausses à venir, mais c'est le Parlement qui décidera ! Nous sommes mobilisés pour lutter contre le marché parallèle. En 2013, 430 tonnes de tabac ont été saisies - un record ! Les chiffres de 2014 qui seront connus dans quelques jours seront du même ordre de grandeur. Pour renforcer l'action des douanes, j'ai pris une circulaire le 5 septembre 2014 réduisant de dix à quatre le nombre de cartouches achetées à l'étranger à partir desquelles l'acheteur doit justifier qu'il s'agit de sa consommation personnelle. L'achat sur internet est interdit depuis la dernière loi de finances et l'interdiction est assortie de sanctions dissuasives. C'est ce que souhaitent les buralistes que je rencontre très souvent, y compris dans des situations conflictuelles...
Nous sommes attentifs au réseau des buralistes. Nous avons mis en place à leur intention un contrat d'avenir, doté de 85 millions en 2014, et nous avons amélioré leurs conditions de rémunération.
Enfin, les buralistes ont su diversifier leur activité, avec les services de paiement, entre autres. Le gouvernement souhaite que la Française des Jeux continue de faire des buralistes son réseau privilégié de distribution. Je l'ai rappelé à la nouvelle présidente de la Française des Jeux.
M. Jean-Paul Fournier. - Les bureaux de tabac restent défavorisés par rapport à nos voisins. La généralisation du paquet neutre les mettra une fois de plus en difficulté.
Avenir de la filière cidricole
M. Yannick Botrel . - Ma question porte sur la situation actuelle de la filière de la pomme à cidre et sur le cadre légal qui l'entoure.
Dans cette perspective, cette filière tente de se structurer et deux organisations de producteurs ont été à ce jour reconnues.
Dans le cadre de l'organisation commune des marchés pour la filière des fruits et légumes, la filière bénéficie d'un accompagnement financier qui a largement contribué à améliorer ses performances par la mécanisation, le renouvellement du verger, la promotion des marques ou encore le développement de méthodes alternatives à l'utilisation de produits phytosanitaires.
Si ces avancées sont indéniables et sont unanimement saluées par les acteurs de la filière, beaucoup reste à faire pour la consolider et continuer à la dynamiser.
En effet, le cadre légal, notamment communautaire, ne permet pas une prise en compte du cidre comme un produit issu de la transformation des fruits et légumes, ce qui pénalise largement le développement de la filière. Cette situation semble dommageable, notamment dans un contexte économique difficile pour nos agriculteurs dans lequel la diversification des activités pourrait constituer une source de stabilisation des revenus de nos agriculteurs.
Quels moyens pourraient être mis en oeuvre pour contourner ces difficultés et épauler une filière dynamique génératrice de richesses et d'emplois dans nos territoires ?
M. Jean-Claude Gaudin, vice-président . - Je profite de la présence du ministre porte-parole du gouvernement pour dire que notre Haute Assemblée présente aux familles des victimes d'un terrible accident qui a coûté la vie à plusieurs sportifs, cette nuit, ses condoléances attristées.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement . - Je m'associe, monsieur le président, à l'hommage du Sénat aux sportifs et à nos autres compatriotes décédés dans un accident.
La filière de la pomme à cidre a fait de nombreux efforts en faveur du cidre. Le cidre et le poiré ont été reconnus dans la loi d'avenir comme composantes de notre patrimoine.
Un arrêt du tribunal européen a mis en cause le financement par l'Organisation commune de marché (OCM) Fruits et légumes. La Commission européenne et la France sont d'accord, mais nous devons attendre la décision définitive de la Cour de justice.
Vu le lien entre les pommes et le cidre, cette boisson nous paraît bénéficier légitimement de l'OCM. En attendant les produits cidricoles peuvent bénéficier, avant transformation, de l'OCM pour les premiers investissements.
Les producteurs peuvent aussi mobiliser les financements du Feader au titre des industries agroalimentaires. Je rencontrerai le 2 avril les représentants de cette filière.
M. Yannick Botrel. - Merci pour cette réponse complète. Je constate votre expertise sur le sujet et votre connaissance des évolutions de la filière. Cette réponse est encourageante. J'aimerais savoir qui est à l'origine du recours.
M. Stéphane Le Foll, ministre. - Après vérification, c'est la conserverie qui a déposé le recours.
Interprètes afghans de l'armée française
M. Alain Marc . - Les quelque 700 interprètes afghans, qui ont travaillé pour l'armée française durant les douze ans de conflit en Afghanistan, sont menacés de mort par les talibans.
Ils ont participé indirectement à la traque de leurs militants et à des enquêtes sur des attentats ou encore aidé à former les militaires afghans. Ils sont considérés comme des traîtres par la population. La plupart d'entre eux n'ont donc qu'un désir : partir.
Ils ne trouvent pas d'emploi, du fait de leur collaboration avec les forces de coalition.
Alors que la situation en Afghanistan est toujours des plus instables, on peut s'interroger sur l'avenir de ces professionnels.
Environ 70 visas auraient été accordés, alors que nos alliés britanniques ont accueilli la totalité de leurs interprètes, soit plus de 600 personnes.
Que fera le gouvernement pour protéger les Afghans ayant couru des risques pour soutenir l'intervention des soldats français ?
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement . - Je vous prie d'excuser l'absence de M. le ministre de la défense. En 2012, plus de 260 personnels recrutés localement travaillaient pour l'armée française, depuis la cuisine jusqu'à l'interprétariat. Conformément au voeu du président de la République, notre armée s'est retirée progressivement. À chacun de ces agents a été proposée une prime de licenciement avantageuse, à certains, une indemnité forfaitaire de mobilité en Afghanistan, ou l'accueil en France. Une commission mixte présidée par notre ambassadeur à Kaboul a sélectionné les dossiers qui ont été validés par le cabinet du Premier ministre : 73 personnes, soit au total 180 personnes avec les familles, se sont vu attribuer une carte de résident de dix ans renouvelable. Ce statut juridique ouvre le droit à la libre circulation, y compris dans leur pays d'origine, aux aides et allocations. Cela garantit leur insertion dans la durée. Voilà la mesure d'humanité qu'a prise le gouvernement, elle est à la hauteur de l'engagement de ces personnes pour la France.
M. Alain Marc. - Pardonnez-moi mais quelle a été la procédure de sélection ? Seulement 70 personnes retenues contre 600 au Royaume-Uni... Je me fais du souci pour les agents restés en Afghanistan.
Antenne consulaire à Auckland
Mme Hélène Conway-Mouret . - Je me suis rendue en novembre 2014 en Nouvelle-Zélande. Malgré les vingt-quatre heures de vol, ce pays attire beaucoup nos compatriotes.
Au 1er décembre 2014, le nombre de Français y était de 4 430. Les services diplomatiques sur place estiment à 3 000 le nombre de Français non inscrits auxquels il est nécessaire d'ajouter 7 000 visas par an, ainsi que 50 000 touristes.
Le nombre d'inscrits est de 1 187 à Auckland, contre 803 à Wellington. La capitale économique a enregistré une hausse de 14 % d'inscrits par rapport à décembre 2013.
Ne serait-il pas possible de déployer une antenne consulaire à Auckland ? Elle est nécessaire pour nos compatriotes et pour les étrangers qui veulent venir en France ou visiter la Polynésie ou la Nouvelle-Calédonie. Cela créerait des recettes par la distribution des visas alors que nous croyons faire des économies en nous privant d'un poste à Auckland.
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger . - Notre ambassade de Wellington remplit toutes ses missions avec quatre consuls honoraires. Le consul honoraire d'Auckland délivre 400 passeports par an avec la valise Itinera. L'ouverture d'une antenne imposerait de doubler nos effectifs pour deux demandes de passeport par jour. Cela n'est pas justifié d'autant que les efforts de modernisation et de dématérialisation se poursuivent. La double comparution pour obtenir un passeport ne sera plus de mise.
Cependant, notre antenne de Wellington se saisira de la question de l'externalisation des visas et transmettra, après étude, ses conclusions.
Mme Hélène Conway-Mouret. - Je parlais bien de redéploiement, et non de création de postes. Mieux vaudrait que notre administration soit localisée où se passent les choses, dans la capitale économique. Une antenne à Auckland boosterait le tourisme, des populations asiatiques en particulier.
Situation des accompagnants des élèves en situation de handicap
Mme Nicole Bricq . - Dans mon département de Seine-et-Marne, j'ai été interpellée sur la situation des auxiliaires de vie scolaire (AVS), particulièrement de ceux qui accompagnent les élèves en situation de handicap : avec des contrats à durée déterminée ou des contrats uniques d'insertion et des revenus modestes, ils ont un statut précaire qui rejaillit sur l'accompagnement des enfants handicapés : 28 000 AVS sont concernés.
Devant ces difficultés, en août 2013, le Premier ministre avait annoncé une reconnaissance de ce métier. Ainsi, les assistants d'éducation qui exercent ces missions d'accompagnement des élèves en situation de handicap se verraient proposer un contrat à durée indéterminée au terme de leurs six ans d'exercice en contrat à durée déterminée. Le décret du 27 juin 2014 en est la traduction règlementaire.
Toutefois, si j'en crois les remontées du terrain, le passage vers un contrat stable se révèle difficile. En effet, une partie des employés de vie scolaire sont recrutés sur la base d'un Contrat unique d'insertion (CUI) et sont soumis, pour le renouvellement de leur contrat, aux conditions d'éligibilité évaluées par Pôle emploi. Ainsi n'entrent-ils pas dans le dispositif impulsé par le gouvernement.
Comment renforcer et simplifier le processus de professionnalisation des accompagnants des élèves en situation de handicap ?
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger . - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme la ministre de l'Éducation.
En décembre 2014, lors de la Conférence nationale du handicap, elle a rappelé son attachement à l'inclusion scolaire des enfants handicapés, principe posé dans la loi du 8 juillet 2013. Quelque 41 000 postes d'accompagnants ont été ainsi créés à la rentrée 2014 pour 260 000 élèves. Le gouvernement a souhaité revaloriser cette fonction essentielle.
En Seine-et-Marne, 309 accompagnants sont en poste ; parmi eux, la totalité de ceux ayant cumulé six ans en CDD ont obtenu un contrat à durée indéterminée en 2014 ; ils sont 72.
En outre, comme la dotation de rentrée a été intégralement consommée, il était légitime de recruter des AESH dans le cadre des contrats aidés, dont le régime est différent.
Le gouvernement continue de s'engager en faveur de la professionnalisation des AESH, il tiendra le plus grand compte des remontées de terrain pour parachever les mesures annoncées.
Mme Nicole Bricq. - Le ministre sait, comme ancien parlementaire, qu'il y a toujours un délai entre les annonces et l'application des mesures. Cela crée des attentes et des frustrations... Au vu des chiffres cités, il y a encore un delta à combler.
Espionnage économique
Mme Catherine Procaccia . - Une annexe de l'ambassade de la République populaire de Chine à Chevilly-Larue, dans le Val-de-Marne, aurait accueilli des activités illégales d'espionnage contre les intérêts économiques français.
Pour la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), l'Île-de-France est la région la plus visée par ce type d'attaques ; elle en concentre près de 20 % et 144 cas d'ingérence y ont été mis au jour en 2013. Quel est le nombre d'attaques sur notre territoire et dans la région Île-de-France, plus particulièrement pour les années 2013 et 2014 ?
Les services de l'État dans le département du Val-de-Marne sont-ils suffisamment équipés pour déceler ce type d'espionnage et y faire face ? Est-il possible d'intervenir en cas d'urgence pour démanteler ou brouiller les antennes ? Quelles sanctions sont envisageables ?
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger . - Je vous prie d'excuser l'absence du ministre de l'Intérieur.
À ce jour, la destination exacte du centre de Chevilly-Larue n'est pas connue. Rien ne permet d'y voir un centre d'écoutes. Si cela était prouvé, le panel de sanctions serait pour le moins réduit : les locaux diplomatiques sont couverts par la Convention de Vienne du 18 avril 1961. Aucun élément ne permet aujourd'hui d'établir que le centre a participé à des opérations de captation de données à caractère économique.
L'Île-de-France, première région économique du pays, a concentré plus de 20 % des attaques en 2014, une progression peut-être liée à des raisons conjoncturelles. Une délégation interministérielle à l'intelligence économique a été créée. La DGSI est un acteur central de notre politique d'intelligence économique. Le déploiement de ses moyens sur l'ensemble des départements franciliens vise à prévenir toute intrusion.
Mme Catherine Procaccia. - Si de nombreux articles de presse ont signalé ce centre comme un centre d'espionnage, ce n'est pas neutre... Les locaux sont équipés d'une antenne de plus de cinq mètres de haut sans que la mairie en ait été informée, c'est tout de même gênant. Que dire aussi de l'espionnage par la NSA de Gemalto, l'entreprise qui fabrique des puces pour les passeports ?
Les cas d'espionnage existent, et nous ne faisons rien ! Ne sont-ils pas aussi une violation de la Convention de Vienne qui, en l'espèce, nous lie pieds et poings ?
Situation des maternités
Mme Corinne Imbert . - Ma question complètera notre débat de la semaine dernière sur les maternités en France.
Depuis 1998, deux décrets ont défini le maintien ou non d'une unité de maternité par rapport au nombre d'accouchements annuel. Si ce dernier est supérieur à 300, alors l'établissement reste ouvert. Par dérogation, certaines maternités ont la possibilité de rester ouvertes si elles n'atteignent pas le seuil, en raison notamment d'une distance suffisamment raisonnable entre le lieu de résidence des parents et la maternité. C'est le cas de treize établissements à ce jour.
La question du maintien des maternités devient plus délicate dès lors que l'établissement effectue un nombre d'accouchements légèrement supérieur au seuil. C'est le cas de l'unité située à Saint-Jean-d'Angély en Charente-Maritime, indirectement menacée de fermeture à court terme par la possible disparition de l'unité de chirurgie de nuit - un problème financier se poserait alors.
Malgré tout, la question essentielle de l'encadrement de la sécurité de la naissance est posée. La Cour des comptes a publié un rapport en décembre 2014 qui, s'il met en avant une couverture territoriale correcte, relève un mouvement national de restructuration inégalement traité et une réorganisation inaboutie. Autre difficulté, le manque de moyens des services de PMI, qui prennent de plus en plus souvent le relais pour les accouchements dits de niveau 1.
Avant que le projet de loi relatif à la santé ne vienne en discussion, le gouvernement peut-il envisager un moratoire des fermetures de maternités ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Lors du riche débat du 4 mars, la ministre Touraine a rappelé son attachement à une offre obstétricale de proximité qui satisfasse tant les critères de qualité que de sécurité. Pour les plus isolées, elle a créé une aide supplémentaire pour compenser les effets de la T2A. Chaque situation est étudiée au cas par cas par les ARS.
Je salue l'action des services de PMI, au côté desquels existe aujourd'hui un dispositif, géré par l'assurance maladie, d'accompagnement du retour à domicile ; les sages-femmes libérales sont sollicitées dans ce cadre.
Mme Corinne Imbert. - J'entends bien, mais le dispositif Prado n'est pas opérationnel sur tout le territoire. Les services de PMI seront de plus en plus sollicités si la durée de séjour en hôpital diminue. La question des maternités mobilise beaucoup les populations et les élus, vous le savez.
Centre de santé de Colombes
Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - Je suis signataire du pacte d'avenir pour les centres de santé lancé il y a un an.
La nouvelle majorité municipale de Colombes a commencé à démanteler le centre municipal de santé en supprimant les consultations des radiologues, dermatologues, rhumatologues, cardiologues, oto-rhino-laryngologistes et dentistes ; le centre de planning familial est aussi menacé.
Le centre prend en charge 6 000 patients, dont 4 000 Colombiens. La décision de la municipalité prive les habitants d'une offre de santé irremplaçable dans un territoire défavorisé et risque de conduire à l'engorgement des deux hôpitaux les plus proches, déjà touchés par les effets de la loi HPST - que le gouvernement n'a pas remis en cause.
Les négociations avec l'Uncam pour étudier avec les centres de santé de nouvelles sources de financement ont été interrompues ; il importe qu'elles reprennent. Mais le plus urgent est que le gouvernement intervienne auprès de la mairie de Colombes.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - En janvier 2013, la ministre Touraine a inauguré à Colombes le nouvel espace « santé jeunes ». Le centre de santé renforce l'accès aux soins des Colombiens, notamment les habitants du quartier du Petit-Colombes. Un partenariat s'est développé avec l'hôpital Louis-Mourier.
La décision de la nouvelle majorité est difficilement compréhensible : des personnes défavorisées n'auront plus accès aux spécialistes et la structure sera privée des ressources nécessaires à sa pérennité. Les CMS bénéficient d'une rémunération exceptionnelle au regard de la pluralité des praticiens qui y exercent.
La ministre a demandé à l'ARS de proposer une réunion de travail à l'équipe municipale. Elle est attentive, vous le voyez, à l'accès aux soins des habitants de Colombes.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - L'argument financier avancé par la mairie ne tient pas : elle compte engager des généralistes pour des sommes équivalentes... Le débat se déroule dans la plus grande opacité, c'est inacceptable. Les CMS sont partie intégrante à l'offre de soins, mais leur mode de financement n'est plus tenable. L'État doit prendre ses responsabilités.
Formation de moniteurs de pêche
M. Yannick Vaugrenard . - Depuis quinze ans, les moniteurs de pêche suivent une formation d'un an. Cependant, depuis 2006, le flou prévaut en raison de la nécessité d'obtenir également le diplôme de la marine marchande « Capitaine 200 ». Ce diplôme est-il nécessaire aux éducateurs sportifs relevant du ministère des sports ? De plus, la Fédération française de pêche en mer offre la possibilité de passer le diplôme de « pêche de loisir » après quelques jours de formation seulement, alors que celle des moniteurs-guides de pêche en milieu maritime dure onze mois. Certains titulaires du diplôme « pêche de loisir » proposent les mêmes prestations que les guides-moniteurs de pêche. Cela crée une situation de concurrence particulièrement dommageable aux guides-moniteurs de pêche. Des réunions interministérielles avec les professionnels ont eu lieu il y a quelques semaines. Comment le gouvernement entend-il résoudre ces difficultés ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Les diplômes de moniteurs de pêche relèvent du ministère des sports. Pour la pêche de loisir en mer, il faut distinguer la formation à la pêche sportive jusqu'à un niveau de compétition, où la certification de guides-moniteurs de pêche est obligatoire, de la découverte de la pêche de loisir en mer.
Un travail interministériel est en cours pour clarifier les règles et alléger les procédures pour les professionnels qui pratiquent les deux activités, tout en évitant la concurrence déloyale.
M. Yannick Vaugrenard. - Le sujet est complexe. J'attends avec impatience les résultats du travail interministériel en cours qui, je l'espère, fera l'objet d'une circulaire afin de bien informer tous les professionnels.
Ligne ferroviaire Bordeaux-Lyon
M. Jean-Jacques Lozach . - La ligne ferroviaire Bordeaux-Lyon via Périgueux, Limoges, Guéret et Montluçon est classée « train d'équilibre du territoire » (TET). Cheminots, élus et usagers s'inquiètent de sa pérennité, en raison de l'insuffisance des investissements d'infrastructure pour moderniser ses nombreux kilomètres de voie unique.
Dès septembre 2005, les présidents de Réseau ferré de France et de la SNCF avaient remis les conclusions d'un audit sur l'état du réseau ferré national qui faisait état d'un « vieillissement du réseau au cours des vingt dernières années ». Un plan de régénération des infrastructures pour 2006-2010 avait été présenté ; en mai 2006, le ministre des transports avait annoncé le maintien des liaisons nationales et un plan d'action afin de moderniser, renouveler et sécuriser le réseau ferré. À la suite du Grenelle de l'environnement, l'effort engagé dans le cadre du plan de rénovation devait être renforcé ; il a été, notoirement et dramatiquement, insuffisant.
Au printemps 2008, le secrétaire d'État aux transports avait déclaré que la ligne ferroviaire Bordeaux-Lyon via Limoges, Guéret et Montluçon, faisait l'objet d'aménagements inscrits aux contrats de projets État-région 2007-2013. Le ministre affirmait que cet axe ferroviaire très structurant était important pour l'aménagement du territoire.
Depuis décembre 2012, l'aller-retour quotidien entre Bordeaux et Lyon est interrompu en raison de travaux. Quand ces liaisons seront-elles rétablies ? Une rétrogradation en segmentations à vocation intra-régionale remettrait gravement en cause l'indispensable caractère national de cet axe. Pouvez-vous faire le point sur le financement de sa modernisation, ainsi que sur celui du matériel roulant ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Jusqu'en 2012, cette ligne TET assurait un aller-retour quotidien entre Bordeaux et Lyon. Depuis 2013, la desserte se limite à Limoges en raison d'indispensables travaux de pérennisation d'infrastructures : 50 kilomètres ont été rénovés, 30 tranchées rocheuses ont été sécurisées, 11 000 traverses ont été remplacées. Les travaux se poursuivent pour sécuriser les tunnels.
J'ai lancé en novembre 2014 une mission sur les TET et leur articulation avec les TGV et les TER. Présidée par M. Duron, elle remettra son rapport d'ici la fin mai ; ses conclusions seront présentées au Parlement. Je souhaite des décisions dès 2015, pour des changements visibles dès 2016.
M. Jean-Jacques Lozach. - Vous prendrez des décisions rapides, c'est bien. La population a grand besoin d'être rassurée, l'axe avait déjà été menacé en 2012. Il rejoint tout de même deux métropoles, quatre régions et représente la seule liaison transversale au nord du Massif central.
Sort du cargo Cosette
Mme Aline Archimbaud . - Alors que le cargo roulier Cosette devait se rendre en Haïti après le séisme, en janvier 2010, le navire a été bloqué à Fort-de-France, après une procédure intentée par deux créanciers américains du bateau. L'État, tout comme le grand port de Martinique, n'avaient alors eu d'autre choix que de garder le navire à quai, mais avaient cherché à faire récupérer le Cosette. En vain. En 2012, l'État a lancé une procédure de déchéance de propriété, obligatoire pour intervenir. Cette procédure n'a abouti que le 1er novembre 2014, à un moment où l'état de l'épave était devenu très inquiétant. Quelques jours plus tard, le préfet a pris la décision de faire couler le navire au large de la côte caraïbe, alors que le ministère annonçait, la veille encore, sa volonté de le convoyer jusqu'en métropole pour qu'il y soit déconstruit. L'expert maritime, mandaté par le grand port pour contrôler l'état de dépollution du navire, a affirmé qu'il n'y avait absolument plus rien de nocif sur le bateau.
Cependant, de nombreuses associations et des élus locaux s'inquiètent ; les marins-pêcheurs du Nord-Caraïbe, déjà très impactés par le drame du chlordécone, sont également très préoccupés et affirment que, là aussi, les conséquences négatives de cette décision pourraient apparaître à long terme.
Entendez-vous prescrire une enquête indépendante pour que la lumière soit faite sur le sujet ?
Pour éviter que ce genre de problème ne se répète, quelles décisions prendrez-vous pour développer les capacités de démantèlement en Martinique et en Guadeloupe et, plus généralement, de tous les véhicules et bâtiments hors d'usage ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Ségolène Royal. En 2010, un armateur peu scrupuleux s'est débarrassé du Cosette en Martinique. Les autorités françaises ont d'abord veillé à la subsistance de l'équipage. Une procédure de saisie-vente a été lancée mais a échoué. Diverses pistes ont ensuite été étudiées : la vente ; le démantèlement sur place, impossible ; un remorquage vers la métropole, que nous privilégiions, et une immersion au large. Cette solution de dernier recours, que nous avons dû prendre, ne saurait être généralisée. Le navire a été coulé à 2 700 mètres de profondeur, à 24 milles des côtes, après des procédures d'effarouchement des mammifères marins. Le Cosette ne transportait plus de déchets toxiques depuis 1988. Nous nous étions assurés de l'absence de produits polluants - carburant, huiles et batteries - et d'une cargaison à bord. L'expert indépendant mandaté par le grand port l'a certifié, son rapport est public.
Le gouvernement est, comme vous, soucieux de développer une filière de démantèlement aux Antilles françaises.
Mme Aline Archimbaud. - La création de cette filière dans ces territoires éloignés serait une bonne chose, tant pour la protection de l'environnement que pour l'emploi. Il faut anticiper, la question risque de se reposer.
M. le président. - Cette question m'a fait aussi penser au sort de la Calypso...
Refonte du code minier
M. Georges Patient . - En juillet 2012, le gouvernement avait lancé officiellement la réforme du code minier pour mettre le code en conformité avec l'ensemble des principes constitutionnels de la Charte de l'environnement. Un groupe de travail avait été mis en place pour élaborer cette réforme et procéder aux concertations nécessaires, notamment avec les associations environnementales, les industriels concernés et les collectivités territoriales. Faisant suite à ces travaux, un projet a été remis en décembre 2013 aux ministères en charge de l'industrie et de l'écologie, mais il a fait l'impasse sur les outre-mers. On a parlé d'un renvoi à une ordonnance mais, à ce jour, aucune information n'a été transmise. Or les outre-mers, eu égard à leur important potentiel minier, sont particulièrement concernés.
En Guyane, les interrogations sont nombreuses. Qu'en est-il de la Compagnie nationale des mines ? Du schéma départemental d'orientation minière, dont une mission commune d'information avait demandé la révision ? De manière générale, y a-t-il même une politique minière de l'État en Guyane ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Le rapport de Thierry Tuot comprenait plus de 400 articles et ne pouvait être traité rapidement. Un projet de loi a été rédigé, de façon à entrer en vigueur dès son vote, ce que n'aurait pas permis une recodification complète. Mme Royal est très attentive à la prise en compte de l'avis du public. Le gouvernement est habilité à légiférer par ordonnance pour articuler les nouvelles dispositions avec le droit existant ; il est également prévu d'améliorer par ordonnance les procédures de prise en compte des spécificités ultramarines. Ce projet de loi sera déposé à l'automne 2015 au Parlement, il sera précédé d'une large concertation. Mme Royal sera particulièrement attentive aux observations des élus ultramarins et, singulièrement, des Guyanais.
M. Georges Patient. - Merci pour ces précisions. Les attentes sont d'autant plus fortes en Guyane que le potentiel minier est important : or, pétrole, métaux rares... Les retombées attendues de leur exploitation sont vitales pour un département dont la richesse est inférieure de moitié à la moyenne nationale. Le manque de volontarisme minier du gouvernement est patent : manque de moyens contre l'orpaillage clandestin, non-remplacement des sites aurifères illégaux par des sites légaux... Certains parlent même de mise sous cloche de la Guyane alors que les États voisins s'appuient sur leur potentiel minier pour soutenir leur développement.
Contournement est de Rouen
M. Thierry Foucaud . - Par un courrier du 7 janvier 2015 cosigné avec le secrétaire d'État chargé des transports, la ministre de l'écologie a informé le préfet de la région Haute-Normandie de l'accord du gouvernement pour la poursuite du projet de contournement est de Rouen, qui doit relier l'A28 à l'A13 et inclure un barreau de raccordement vers Rouen. Elle évoque, dans cette correspondance, un consensus unanime ou largement partagé autour de ce projet.
Il s'agit d'une contrevérité puisque, localement, il est largement contesté - une dizaine d'associations se sont prononcé contre ce projet. Des élus locaux de Seine-Maritime et de l'Eure de toutes sensibilités, de concert avec leurs administrés, expriment leur refus catégorique de voir aboutir ce projet et leur détermination à s'y opposer. Un collectif s'est constitué, qui regroupe une quinzaine de communes et 70 000 habitants directement concernés par le tracé de contournement et farouchement opposés à sa mise en oeuvre. Les motifs d'opposition sont divers et fondés.
Il paraît inconcevable de faire l'impasse sur les questions d'environnement, de sécurité des usagers, de santé, de cadre de vie, de modes de déplacement futurs. Ce projet est totalement contraire aux engagements du Grenelle de l'environnement en encourageant le développement du « tout camion ». Ce projet porte en outre atteinte à l'économie et à l'emploi, en menaçant de détruire une zone de 600 hectares et une zone d'activité économique où travaillent plusieurs centaines de salariés.
Le coût du nouveau tronçon qui doit s'étendre sur 41 km et faire l'objet d'une concession à péage est évalué à un milliard d'euros.
Cela signifie que l'État, et plus certainement les collectivités locales, devront débourser des millions chaque année, pour financer l'investissement mais aussi le fonctionnement. Aucun crédit n'est prévu pour ce projet ni dans le contrat de plan État-région, ni dans le contrat de projet interrégional, ni dans la programmation pluriannuelle d'investissement de la métropole Rouen-Normandie.
La concertation a été un simulacre - le mot est peut-être un peu fort - mais si beaucoup de choses ont été dites, rien n'a été entendu. J'ai demandé une audience à Mme la ministre, qui ne m'a pas répondu.
Envisagez-vous de renoncer à ce projet qui constitue un non-sens économique et écologique ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Un grand débat public tenu en 2005 a conclu à l'opportunité de ce projet de contournement est de Rouen. D'autres discussions ont suivi pour déterminer le meilleur tracé qui respecte les contraintes environnementales et remplisse les objectifs assignés à l'ouvrage.
La Commission nationale du débat public a été saisie en 2013 et recommandé une concertation avec le public qui a eu lieu en juin et juillet 2014 sous l'égide d'un garant indépendant. Contrairement à ce que vous affirmez, les enjeux de l'infrastructure ont été largement débattus. L'engorgement routier dans l'agglomération de Rouen, métropole de 500 000 habitants, est réel. Ce projet y remédie et ne vise pas le « tout camion », il favorisera le fret ferroviaire. Il s'agit aussi d'accompagner l'évolution du premier port céréalier d'Europe.
Toutefois, le gouvernement comprend les craintes liées à la traversée de certains secteurs. Il entend poursuivre la concertation, c'est un engagement fort. Des consignes très strictes ont été adressées au préfet de région. Rigueur, qualité et transparence devront caractériser les études préalables à la déclaration d'utilité publique. L'enquête publique prévue en 2016 sera l'occasion pour toutes les parties prenantes de s'exprimer.
Le financement du projet repose sur une concession accompagnée d'une subvention d'équilibre. Son montant sera décidé en fonction de l'appel d'offres. L'horizon dépasse celui des contrats de plan en cours de réalisation.
M. Thierry Foucaud. - Le tracé n'est plus le même que celui prévu en 2005 ! Nous ne sommes pas opposés au contournement, nous sommes hostiles à ce tracé. En outre, si les espèces naturelles sont menacées, l'Europe ne participera pas au financement au titre de Natura 2000.
Dans la commune dont j'ai été le maire, les documents publics font état d'un nombre de participants inférieur de 60 personnes à celui que nous avons fait constater par huissier... Je réitère ma demande d'audience à Mme la ministre. Inquiets pour leur activité, des responsables industriels ont demandé à rencontrer le préfet, qui dit qu'il s'efforcera d'en tenir compte - en déplaçant un pont... Ce projet n'est pas assez pensé. La population est déterminée à ne pas se laisser faire. Le trajet ne peut être imposé par la force.
La séance est suspendue à 11 h 55.
présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente
La séance reprend à 14 h 30.