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Table des matières
Décès d'une ancienne sénatrice
Nouvelle organisation territoriale de la République (Procédure accélérée - Suite)
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique
Évolution des finances locales
M. François Baroin, pour le groupe UMP
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique
Question prioritaire de constitutionnalité
Commission d'enquête (Candidatures)
Débat sur la situation des travailleurs saisonniers
Mme Annie David, pour le groupe CRC
Commission d'enquête (Nominations)
Ordre du jour du mercredi 28 janvier 2015
SÉANCE
du mardi 27 janvier 2015
55e séance de la session ordinaire 2014-2015
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : Mme Valérie Létard, M. Jackie Pierre, Mme Catherine Tasca.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site Internet du Sénat, est adopté sous les réserves d'usage.
Décès d'une ancienne sénatrice
M. le président. - (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que M. le secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale se lèvent) J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancienne collègue, Hélène Missoffe, qui fut sénatrice du Val d'Oise de 1986 à 1995, après avoir été secrétaire d'État.
Drame d'Albacete
M. le président. - Nous avons appris avec beaucoup d'émotion le drame qui s'est produit hier après-midi sur la base aérienne d'Albacete en Espagne.
Onze aviateurs, dont neuf de nos compatriotes, qui effectuaient un exercice aérien dans le cadre de l'Otan, sont décédés après qu'un avion de combat grec s'est écrasé. Cet accident a en outre blessé une vingtaine de personnes, dont cinq mécaniciens français qui sont gravement touchés. La majorité des victimes françaises étaient originaires de la base aérienne de Nancy-Ochey.
Au nom du Sénat tout entier, je veux assurer les familles endeuillées et toute notre armée de l'air de notre compassion sincère et leur présenter nos condoléances les plus attristées.
Nous tenons également à saluer le sens exemplaire du dévouement et l'abnégation de ces officiers et sous-officiers. Ils se préparaient pour les missions opérationnelles de l'armée de l'air qui contribue, au Sahel et en Irak, à la lutte contre les groupes terroristes et à la consolidation de notre sécurité. Ayons une pensée pour eux. (Mmes et MM. les Sénateurs ainsi que M. le secrétaire d'État observent un instant de silence)
Élection d'un sénateur
M. le président. - En application de l'article 32 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, j'ai reçu de M. le ministre de l'intérieur une communication de laquelle il résulte qu'à la suite des opérations électorales du dimanche 25 janvier 2015, M. Olivier Cigolotti a été proclamé élu sénateur de la Haute-Loire.
Au nom du Sénat tout entier, je lui souhaite la plus cordiale bienvenue. (Applaudissements)
Commissions (Candidature)
M. le président. - Le groupe UDI-UC a fait connaitre à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Jean Boyer, démissionnaire de son mandat de sénateur. Cette candidature va être publiée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du Règlement.
Nouvelle organisation territoriale de la République (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Nous avons achevé, vendredi dernier, au terme de plus de soixante-dix heures et de dix jours de débats, l'examen du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
Nous avons ainsi travaillé, comme je l'avais souhaité dans mon allocution inaugurale du 21 octobre, « sans excès de lenteur ni de vitesse » pour bâtir un texte qui exprime la position du Sénat dans le dialogue qui va maintenant pouvoir s'ouvrir avec l'Assemblée nationale et le Gouvernement.
Ce résultat remarquable, nous le devons tout d'abord à la commission des lois, à ses rapporteurs, Jean-Jacques Hyest et René Vandierendonck -dont je sais qu'il aurait bien voulu être parmi nous pendant ces longs débats et pour qui nous formons des voeux de prompt rétablissement-, à son président, Philippe Bas, et à tous ses membres qui ont oeuvré pour soumettre à nos délibérations un texte fruit d'un large consensus et des réflexions menées par notre assemblée sur un sujet au coeur de sa raison d'être, la représentation des collectivités territoriales.
Merci également à tous ceux d'entre vous, nombreux, élus d'expérience, qui êtes intervenus, porteurs de votre connaissance irremplaçable du terrain.
Merci également au Gouvernement, à vous, madame la ministre, et à vous, monsieur le ministre, pour votre présence tout au long de cette discussion devant une assemblée passionnée et exigeante dès lors que sont en cause les collectivités territoriales.
Il y a eu des moments de tension, des moments de déception. Pour autant, dans l'ensemble, nos échanges ont montré la volonté de construire un texte.
Pour faire écho aux propos de Jean-Jacques Hyest, qui a fait vendredi soir la synthèse de nos travaux, je dirai que, loin d'avoir « détricoté » le projet de loi, comme je l'ai parfois lu dans la presse, le Sénat l'a au contraire « retricoté », ordonné et enrichi.
J'avais exprimé le souhait, le 21 octobre, que nous imaginions ensemble de nouveaux modes de votation afin de nous retrouver régulièrement en nombre pour manifester nos choix sur des textes importants. Nos collègues Alain Richard et Roger Karoutchi ont bien fait progresser les choses lors de la réunion du groupe de réflexion sur les méthodes de travail du Sénat qui s'est tenue ce matin.
Le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République est incontestablement un texte important. La Conférence des présidents a donc décidé de faire une première application des dispositions de l'instruction générale du Bureau qui permettent d'organiser des scrutins publics en forme solennelle, en salle des Conférences. Une seule délégation de vote sera autorisée par sénateur, conformément aux dispositions de la loi organique.
Interventions sur l'ensemble
M. Michel Mercier . - Monsieur le rapporteur, mes premiers mots seront pour vous. Merci d'avoir tenu une ligne claire, affirmée par la commission des lois dès le départ ; merci pour le travail que vous avez accompli. (Applaudissements au centre, à droite et sur les bancs CRC) M. Vandierendonck, votre co-rapporteur, regrettera de n'avoir pu être parmi nous, surtout lorsqu'il verra notre vote.
Le texte amendé par le Sénat est plus clair, plus cohérent que celui du Gouvernement, mais laisse un goût d'inachevé. Le Sénat a en effet supprimé la clause de compétence générale pour la région et le département. Monsieur le ministre, à force de réintroduire par petits bouts la loi de 2010, que vous aviez commencé par détricoter, vous mettrez le temps d'un quinquennat à la rétablir dans son entier et l'on aura perdu cinq ans. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-Claude Lenoir. - Très bien !
M. Michel Mercier. - Le Sénat a rendu votre système territorial plus cohérent : la région est confirmée dans son rôle économique ; les moyens d'assurer cette compétence lui sont donnés, grâce notamment à ses nouvelles prérogatives en matière d'emploi.
Les schémas de développement économique clarifient ces nouvelles compétences ; leur caractère prescriptif a été affirmé. Nous aurions certes pu supprimer certains sous-schémas, touristique par exemple, mais voilà néanmoins un progrès.
S'agissant des départements, le Sénat a fait le choix de la clarté. Les électeurs sont convoqués le 22 mars pour un scrutin improbable.
Mme Nicole Bricq. - Et pourtant il s'appliquera !
M. Michel Mercier. - Vous êtes bien la seule à le soutenir, je dois vous en féliciter.
On ne saurait convoquer les électeurs pour un scrutin départemental et ensuite supprimer le département. Le Sénat a joué son rôle mais les atermoiements du Gouvernement ont nui à la cohérence du débat.
M. Jean-Louis Carrère. - Vous oubliez les volte-face sarkozystes !
M. Michel Mercier. - S'agissant de la métropole de Paris, il fallait trouver un compromis, ce qui ne rend pas les choses plus claires mais représente un moindre mal. Le Sénat a su le dégager.
Mme Joissains, membre de notre groupe, regrette que la construction de la métropole d'Aix-Marseille ne donne pas lieu à concertation : 113 maires sur 119 en contestent le périmètre, la gouvernance et les compétences. Pour progresser, monsieur le ministre, il faut d'abord rechercher l'accord local. Ici, il fait défaut.
Mme Sophie Joissains. - Très bien ! (Applaudissements sur plusieurs bancs au centre et à droite)
M. Michel Mercier. - Un mot sur l'intercommunalité. Faut-il instaurer un seuil de population ? (« Non ! » sur de nombreux bancs au centre et à droite) Les travaux du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) montrent qu'un tel seuil n'a pas de sens. L'on parle de « territoire vécu » ; qu'est-ce qui fait la vie d'un territoire ? Certainement pas un seuil de population.
Sur l'intercommunalité et les départements, les pistes que nous avons proposées prospéreront, nous l'espérons, au cours de la navette. C'est dans cet esprit que la majorité du groupe UDI-UC votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs UMP et UDI-UC)
M. Bruno Retailleau . - Ce texte est important, pour le Sénat, pour les Français aussi. Je remercie le président Larcher d'avoir prévu un mode de votation qui correspond à une exigence démocratique et de rénovation du Sénat.
L'UMP votera ce texte qui n'est plus celui du Gouvernement. Arrivé à l'envers, il a été remis à l'endroit. À l'envers, dis-je, car les collectivités territoriales ne sont pas responsables de 2 000 milliards d'euros de la dette française ! (Applaudissements sur les bancs UMP et UDI-UC) Les collectivités territoriales prendront leur part de l'effort mais elles ne peuvent être accusées : elles sont soumises à la règle d'or qui interdit de financer le fonctionnement par l'emprunt.
Le texte gouvernemental était dépourvu de ligne, de cap, de cohérence. Que de volte-face, de tête-à-queue ! Sur tous les bancs, les mêmes reproches : le Gouvernement voulait affirmer une volonté réformatrice en découpant de grandes régions mais ne proposait rien sur le fond. Le fond, ce sont des questions graves : crise démocratique, économique, fractures territoriales... Sur tout cela, le projet du Gouvernement est muet.
Je remercie la commission des lois, son président et le rapporteur, pour le travail accompli. Le choix du Sénat est clair. D'abord, c'est celui de la proximité. Nous avons dit oui aux grandes régions. Mais cela appelait le maintien des départements, dans leur double vocation de solidarité sociale et territoriale. Nous avons refusé d'opposer le rural à l'urbain : nous n'avons pas voulu que la région se fasse au détriment de l'intercommunalité et des métropoles. Des régions fortes, oui ; obèses, non ! Les régions doivent rester des collectivités territoriales de projet, sans s'empêtrer dans le quotidien, les routes, les collèges, les transports scolaires...
M. Jean-Claude Gaudin. - Très bien !
M. Bruno Retailleau. - Sur un tel sujet, nous attendions d'un gouvernement de gauche qu'il poursuivît l'oeuvre de Gaston Defferre.
M. Didier Guillaume. - Vous avez voté contre les lois de 1982 !
M. Bruno Retailleau. - Nous connaissons bien la tendance jacobine de notre pays, sa passion de l'unité. Mais celle-ci ne peut se faire que dans la diversité. « La France a eu besoin de la centralisation pour se faire, elle a aujourd'hui besoin de la décentralisation pour ne pas se défaire ». Ce mot de François Mitterrand, c'est le Sénat qui l'a repris à son compte !
Aucune réforme territoriale n'a de sens sans réforme de l'État et sans une véritable décentralisation.
M. Jean-Pierre Raffarin. - Exact ! (Applaudissements sur les bancs UMP et UDI-UC)
M. Bruno Retailleau. - Il fallait confier aux régions plus de compétences dans le domaine de l'économie et de l'emploi : nous l'avons fait, en évitant le jacobinisme régional. Votre projet de schéma, sorte de gosplan régional, ne pouvait fonctionner. Nous avons remplacé conformité par compatibilité, par souci de souplesse.
Pourquoi passer tous les territoires sous la même toise ? Pourquoi nier la composition française qu'est notre pays, pour reprendre les mots de Mona Ozouf ?
En s'opposant au seuil de 20 000 habitants, pour les intercommunalités, le Sénat a fait oeuvre utile. Nos concitoyens reprochent aux politiques leur éloignement du terrain. Nous, sénateurs, avons de celui-ci une « connaissance charnelle », pour parler comme Péguy. Nous gardons comme ligne d'horizon l'intérêt général, celui de la France.
Le Premier ministre nous a dit la main sur le coeur vouloir obtenir un consensus. Le Sénat a fait son travail. Au Gouvernement et à l'Assemblée nationale de faire le leur. (Applaudissements sur les bancs UMP et UDI-UC)
M. Michel Delebarre . - Comme vous, monsieur le président, j'aurai une pensée pour M. Vandierendonck, co-rapporteur, toujours souffrant mais qui suit nos débats. Je sais qu'il aurait eu à coeur de participer à celui-ci.
L'examen de ce texte aura connu de nombreuses vicissitudes. D'aucuns regretteront des reculades ; ce serait dommage : il fallait des revirements pour bâtir le meilleur système possible. Mes prédécesseurs à cette tribune se sont un peu éloignés de ce texte ; ce fut à l'image de nos débats : sur soixante-dix heures de discussions, quelques-unes seulement ont été vraiment consacrées au texte dans sa lettre.
Personne ne remet plus en cause le rôle moteur des régions en matière économique. La réforme renforce leurs compétences en la matière : aide à l'investissement, emploi... Communes et départements pourront néanmoins continuer à agir.
En matière d'aménagement de territoire, le SRADDT sera facteur de clarté, en favorisant la concertation. Le volet littoral, introduit à l'initiative de notre groupe, est une autre avancée, les actions territorialisées de lutte contre le chômage sont rendues possibles. Les régions se voient ainsi reconnaitre la responsabilité d'élaborer une carte des dispositifs de formation supérieure et de recherche.
Le Sénat a adopté, avec quelques ajustements, l'amendement du Gouvernement sur le Grand Paris et amélioré le texte sur la métropole Aix-Marseille-Provence. Tout cela va dans le bon sens.
M. Jean-Claude Gaudin. - Très bien !
M. Michel Delebarre. - Le département est préservé dans son rôle de solidarité avec les plus fragiles et de soutien technique aux communes. Il est ainsi remis au coeur de la solidarité territoriale.
Le Gouvernement a fait preuve d'ouverture en acceptant de rendre aux départements la gestion des collèges ; le Sénat y ajoute la voirie. Cela ne méconnait nullement la vocation motrice des régions en matière de développement économique. La navette fera peut-être avancer le débat. Le groupe socialiste a montré sa capacité à être force de proposition, sur la compétence tourisme notamment. L'articulation des niveaux régional et départemental est la meilleure solution ; de même en matière de transports. Sur ces deux points, l'opposition entre collectivités territoriales était stérile.
Le groupe socialiste a eu le souci du respect des élus locaux, en proposant de déroger au seuil de 15 000 habitants qui avait sa faveur. Nous avons besoin d'intercommunalités fortes pour mener des politiques publiques adaptées aux besoins des habitants. Le seuil des 5 000 a pourtant été conservé. Small is beautiful, pensent certains qui voudraient revenir à l'émiettement multiséculaire. Comment proposer des services publics de qualité, surtout en zone rurale, sans regroupement des services ?
Certains points restent à approfondir ; nous y reviendrons au cours de la deuxième lecture. Le groupe socialiste s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Ronan Dantec . - Nous voici à la conclusion de ce marathon : reprenons notre souffle, mesurons le chemin parcouru. À vol d'oiseau, malgré tous ces kilomètres parcourus, nous ne sommes pas loin du point de départ...
En ce début d'année marqué par un moment de barbarie, ce débat devait affirmer des lignes cohérentes pour l'avenir de nos territoires. Il n'a pas permis de dégager des lignes claires. Les objectifs des écologistes étaient, eux, très clairs : assurer un meilleur équilibre des territoires, ce qui passe par des régions fortes, à même d'imposer une redistribution entre les plus riches et les plus fragiles de ses propres territoires ; renforcer la démocratie locale et régionale, ce qui suppose une réforme en profondeur du millefeuille.
J'avais déjà pris acte du maintien des départements, personne n'ayant envisagé de reprendre leurs attributions. Toutefois, détricotage et raccommodage ont rarement fait de beaux habits neufs. Les habitudes l'ont emporté, comme l'on préfère les vieux vêtements, plus confortables même s'ils sont rapiécés. Nous avons conservé tous les niveaux de collectivités, au risque d'effrayer les citoyens qui trouveront cet accoutrement bien obsolète. En effet, la défiance manifestée à l'égard de notre système est grande. Nous avons tous le même diagnostic et les mêmes principes mais nos réponses divergent. Que n'a-t-on entendu sur les départements censés être le dernier rempart contre une bureaucratie envahissante ! Ces quinze jours de débat doivent être un signal d'alerte pour trouver une architecture efficace. Les élus régionaux doivent aussi entendre la défiance de nos concitoyens.
L'idée d'un bicamérisme régional n'était pas si extraordinaire.
M. Jean-Pierre Raffarin. - C'est vrai !
M. Ronan Dantec. - Elle a été repoussée, c'est dommage. Laissons place à l'expérimentation ! À notre sens, l'agrandissement des régions doit aller de pair avec une division par deux du nombre de départements. D'où l'intérêt, à nos yeux, de la proposition savoyarde
Des grandes intercommunalités sont nécessaires, mais elles doivent correspondre aux bassins de vie et leurs instances être élues démocratiquement. Le débat est resté bloqué sur le principe « touche pas à ma commune », c'est dommage là-aussi.
Quelques avancées démocratiques ont été rendues possibles grâce à des amendements de notre groupe : droits de l'opposition dans les petites communes, droits à l'adaptation réglementaire élargis, droits culturels des régions.
Nous pensions voter contre ce texte à rebours de nos conceptions. Mais les schémas prescriptifs, même fragilisés, ont été maintenus, ce qui est un message utile envoyé à l'Assemblée nationale. Les dispositions relatives aux métropoles de Paris et Marseille nous conviennent aussi.
Le débat sur l'architecture territoriale ne doit pas perdre de vue que les collectivités sont les lieux de l'action publique, au service des citoyens. (Applaudissements sur les bancs écologistes)
M. Christian Favier . - Je salue à mon tour le travail et la disponibilité du rapporteur, Jean-Jacques Hyest. L'organisation des débats a été perturbée par des délais trop brefs et par la longue coupure entre la discussion générale et celle des articles. Le droit d'amendements a néanmoins été exercé librement.
Nous avons déjà dit combien la restructuration de nos collectivités territoriales est difficile dans le contexte d'austérité que nous vivons. Ce texte s'inscrit en second lieu dans la droite ligne du rapport Balladur, qui préconisait l'évaporation des départements. Une logique de métropolisation et de régionalisation est en marche.
M. François Patriat. - C'est très bien, ça !
M. Christian Favier. - Après avoir réduit les ressources et contraint les dépenses des départements, vous les soumettez à des chefs. Nous affirmons, à l'inverse, l'utilité de toutes les collectivités territoriales, communes, départements, régions, qui doivent pouvoir mener des projets partagés et agir quand l'intérêt de leur territoire est en jeu. La clause de compétence générale reste consubstantielle aux droits et libertés locales comme au principe de subsidiarité. L'heure n'est pas à la caporalisation des collectivités locales. L'heure est à la coopération, pour mieux répondre aux attentes de la population.
Aucun jeu politicien, aucun marchandage ne nous a animés mais une certaine idée de notre organisation territoriale. Nous avons défendu les amendements que nous croyions utiles ; sans nous faire d'illusions sur certaines alliances de circonstance, pour défendre les prérogatives de telle ou telle collectivité qui est à l'origine de l'intercommunalité contrainte, qui voulait réduire encore plus le nombre des régions, fusionner les départements, créer le conseiller territorial, réduire le nombre d'élus locaux ? Autant de propositions que nous avons toujours combattues, défendant une décentralisation au service de nos concitoyens et de la démocratie locale.
Nous nous félicitons que certaines propositions du Gouvernement, notamment celles aboutissant à dévitaliser les départements, aient été rejetées.
Le département est-il pour autant à l'abri ? Le dépôt par le Gouvernement d'amendements tendant à rétablir le texte d'origine, comme les déclarations récentes du président de la République, nous font craindre le pire.
Avec de super régions, jamais les départements n'ont été aussi utiles !
La baisse des dépenses est devenue l'alpha et l'oméga de toute réforme territoriale. L'exemple grec montre pourtant où conduit l'austérité. Les nouvelles régions, fortement intégrées, seront des monstres technocratiques et bureaucratiques, coupés de la population et des dynamiques territoriales.
L'essentiel des travers de ce projet de loi demeurent. Nos inquiétudes restent fortes pour les personnels. Cependant, nous ne souhaitons pas voter contre un texte qui rend aux départements des compétences que le Gouvernement persiste à vouloir leur ôter. Des avancées ont aussi été obtenues sur la métropole du Grand Paris : suppressions du PLU métropolitain, attribution de la CFE aux territoires.
Le groupe CRC s'abstiendra donc, afin que les députés entendent nos préoccupations. Les premières mobilisations en défense des départements et des communes ont été utiles, amplifions le mouvement ! (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Jacques Mézard . - Merci, monsieur le président. Par sa présence en nombre cet après-midi, le Sénat montre qu'il est bien le représentant des collectivités territoriales. (Applaudissements des bancs RDSE aux bancs UMP)
Merci aux co-rapporteurs : à Jean-Jacques Hyest, qui a tenu le choc de la séance, et à René Vandierendonck, dont la sagesse et l'expérience nous ont manqué.
Le Sénat, en ne rendant pas copie blanche, a rempli son rôle constitutionnel au cours de ce débat, en rééquilibrant le texte du Gouvernement. Comment ne pas rappeler les incohérences entre les projets de loi successifs ? D'abord, la loi Maptam, où les compétences économiques des régions se carambolaient avec celles des métropoles. Puis la loi sur le binôme, que nous avons combattue et dont on se rend compte sur le terrain qu'elle trouve peu d'adeptes. Puis la loi NOTRe. Aucun texte sur les finances locales. (M. Charles Revet le déplore)
Quatre mois après avoir fait l'éloge des conseils généraux à Tulle lors de ses voeux pour 2014, le président de la République annonçait la disparition des départements. (On s'exclame à droite) Mardi dernier, à l'Élysée, il a dit qu'ils étaient maintenus « pour un temps »... Nous demandons de la clarté. Votre projet, nous le subodorons, c'est la suppression des départements -qui peut se comprendre là où existent des métropoles-, de grandes régions, le regroupement des communes -là aussi, cela peut se discuter, mais cela doit être dit clairement ! Cessez de faire un pas en avant, deux pas en arrière !
L'exposé des motifs de ce projet de loi mentionnait la suppression des départements en 2020. Depuis se sont succédé des déclarations ambiguës. Et le Gouvernement a déposé des amendements pour revenir à son texte, ce qui peut se concevoir, mais sans souci du travail du Sénat.
Où en sommes-nous aujourd'hui ? Je vais vous parler franchement et vous dire ce que j'ai sur le coeur. In fine, je pense que le Gouvernement se contentera d'« abandonner » les collèges aux départements, pour montrer que chacun a fait un effort, avant les élections départementales. Sur la voirie, il n'évoluera guère. Pourtant, s'il y a quelque chose qui est près du terrain, c'est bien la voirie départementale ! Peut-être certaines routes importantes seraient-elles mieux gérées à un autre échelon...
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - On peut en discuter.
M. Jacques Mézard. - Certes. Mais le Gouvernement veut en fait transférer de nouvelles ressources aux grandes régions : les recettes de la CVAE ! De grâce, dites-le ! (On renchérit à droite)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - C'est la vérité !
M. Jacques Mézard. - L'immense majorité d'entre nous sommes favorables au développement de l'intercommunalité, qui est le seul moyen de préserver le bloc communal. Mais le seuil de 20 000 habitants est totalement arbitraire ! (Applaudissements des bancs RDSE aux bancs UMP ; M. Jean-Pierre Raffarin renchérit)
À Paris, en Ile-de-France, soit. Mais ailleurs, ce seuil ne correspond à aucune réalité de terrain ! Il n'a de sens que si vous voulez supprimer les départements -mais alors, il faudrait encore le rehausser.
Que de schémas, d'usines à gaz. Les collectivités ont besoin de liberté ! (Applaudissements sur les mêmes bancs)
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. - La loi Macron !
M. Jacques Mézard. - Vous savez mon attachement à la IIIe République. Gambetta disait, dans le discours de Belleville : « Par cette institution du Sénat bien comprise, la démocratie est souveraine et maîtresse de la France ». Dans cet esprit, la très grande majorité du RDSE votera le texte du Sénat. (Applaudissements des bancs RDSE aux bancs UMP)
M. Philippe Adnot . - En trois minutes, j'irai à l'essentiel. Merci à la commission des lois, à son président, au rapporteur Jean-Jacques Hyest grâce à qui le texte que nous sommes appelés à voter, s'il n'est pas parfait, sauvegarde l'essentiel.
Merci pour les communes, pour les entrepreneurs dont les carnets de commande étaient menacés, pour les départements dont les compétences sont préservées. Sur la clause de compétence générale, le principe de réalité finira par nous donner raison.
Espérons que les députés ouvriront les yeux sur les dangers du transfert des routes aux régions. Au moment du transfert des routes aux départements, l'État a transféré 350 personnes au conseil général de l'Aube. Il y en a aujourd'hui 35 de moins, pour une meilleure efficacité, preuve de nos efforts de rationalisation ! Si l'on confie les routes aux régions, qui sera l'autorité responsable ? Pas le préfet du département ni la DDE... Cela coûtera fort cher !
Il serait bon que les versions de l'Assemblée nationale et du Sénat fussent assez proches. Faute de quoi, craignons l'exaspération de nos concitoyens.
M. le président. - Il va être procédé dans les conditions prévues par l'article 56 du Règlement au scrutin sur l'ensemble du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Ce scrutin sera ouvert dans quelques instants. Je vous rappelle qu'il aura lieu en Salle des Conférences, conformément aux dispositions du chapitre 15 bis de l'instruction générale du Bureau. Une seule délégation de vote est admise par sénateur.
La séance, suspendue à 15 h 50, reprend à 17 heures.
Scrutin public solennel
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°84 sur l'ensemble du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 203 |
Pour l'adoption | 192 |
Contre | 11 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements au centre et à droite)
M. le président. - Merci aux secrétaires d'avoir participé à cette première ; ce scrutin s'est bien déroulé, dans un délai plus bref que d'ordinaire.
M. Jean-Louis Carrère. - C'était très long !
M. le président. - La Conférence des présidents en tirera les enseignements.
Interventions du Gouvernement
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale . - À mon tour d'avoir une pensée pour René Vandierendonck, qui a suivi nos débats sur internet. Il reviendra en deuxième lecture nous apporter sa sagesse et son expérience. Merci à la commission des lois, à son président Philippe Bas et à son rapporteur Jean-Jacques Hyest, qui est resté au banc de la commission du début à la fin de nos échanges et qui a produit un énorme travail. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Nos débats ont été utiles et constructifs ; le Sénat, loin de détricoter le texte du Gouvernement, a apporté sa vision des choses. Nous nous sommes retrouvés sur de nombreux points, comme la clause de compétence générale ou le transfert des transports ; sur les collèges, le Gouvernement a fait un pas vers vous.
J'entends dire que les élections départementales seront difficiles parce que les compétences ne sont pas fixées. (Marques d'approbation à droite) Et si nous renversions la perspective ? Ces élections seront l'occasion d'un débat dans chaque département, dans chaque canton, auquel les sénateurs prendront part. Nous reviendrons ici en deuxième lecture, enrichis des débats que nous aurons eu sur le terrain... (Mouvements divers à droite ; applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique . - À mon tour de saluer la performance impressionnante de Jean-Jacques Hyest, qui n'a jamais quitté le banc de la commission et a répondu avec une grande précision à chaque amendement.
M. Éric Doligé. - Nous devrions l'envoyer à l'Assemblée nationale mettre un peu d'ordre !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - À l'issue des débats, le Gouvernement se rend à l'Assemblée nationale avec un texte qui n'a pas beaucoup changé, qui a ses équilibres -même s'ils ne sont pas nécessairement ceux du Gouvernement. J'ai rencontré pendant deux jours des représentants des départements très ruraux, leur première demande, c'est une demande de solidarité et de péréquation.
M. Alain Fouché. - L'État se désengage...
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Je salue la grande qualité de nos débats. Sur Paris, sur Marseille, il y a une recherche, même si les choses sont compliquées... Nous nous retrouverons en deuxième lecture, avec une volonté partagée, je le crois : celle de la solidarité entre les territoires. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. le président. - Même si c'est difficile, il faut avancer !
Commissions (Nomination)
M. le président. - Je rappelle au Sénat que le groupe UDI-UC a présenté une candidature pour la commission des affaires sociales. Le délai prévu par l'article 8 du Règlement est expiré. La présidence n'a reçu aucune opposition. En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Olivier Cigolotti membre de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Jean Boyer, démissionnaire de son mandat de sénateur.
présidence de Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente
Évolution des finances locales
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle un débat sur l'évolution des finances locales.
M. François Baroin, pour le groupe UMP . - L'évolution des finances locales est au coeur de nos préoccupations : l'article 24 de la Constitution fait du Sénat le représentant des collectivités territoriales ; l'article 72-2 dispose que celles-ci bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi. La question des moyens est constitutive de nos collectivités territoriales.
Chacun connaît l'état de nos finances publiques, le sujet doit être abordé en toute objectivité. Personne de sérieux, en responsabilité à la tête d'une collectivité locale, quels que soient son engagement politique ou son expérience, ne conteste la nécessité de réduire le déficit public de notre pays : il y va d'une certaine idée de l'intérêt général comme de la souveraineté du pays. Avec une dette de 2 000 milliards et un déficit largement supérieur à la norme des traités européens, il ne s'agit pas seulement de respecter nos engagements communautaires mais aussi d'assurer la compétitivité de la France et d'épargner les générations futures.
Les collectivités locales sont soumises à une règle d'or -qui n'a pas été inscrite dans la Constitution, je le regrette, malgré mes efforts quand j'étais ministre du budget. Elle interdit d'emprunter pour financer les dépenses de fonctionnement -les collectivités locales ne peuvent emprunter que pour investir. Dans son discours de Dijon, le candidat François Hollande constatait que si l'État était soumis à la même règle, sa défaillance aurait été constatée depuis longtemps... (Mme Marylise Lebranchu, ministre, en convient) C'est auprès des bons auteurs qu'on trouve les meilleures sources -je vous citerai, madame la ministre, dans quelques instants... (Sourires)
La trajectoire des comptes publics ne sera soutenable que si les trois acteurs -État, sécurité sociale et collectivités locales- concourent équitablement à l'effort. En tant que ministre du budget, j'avais assumé le gel des concours aux collectivités locales. Il s'agissait, avec la RGPP et la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, d'équilibrer justement l'effort entre l'État et les collectivités locales ; en 2011, l'Ondam avait été respecté -une première depuis 1993. Lorsque l'équilibre est juste, partagé par tous, il est atteignable par chacun. Il ne peut en l'espèce y avoir de posture ; droite et gauche ont voté successivement des mesures contraignantes pour les collectivités locales. Le débat ne porte pas sur l'opportunité de l'effort mais sur la position du curseur à la hauteur des responsabilités de chacun.
Le Gouvernement a décidé de réduire de 30 % les dotations aux collectivités territoriales entre 2014 et 2017, soit en cumulé 28 milliards d'euros. Cela n'a rien de comparable avec ce qui a été fait dans le passé. La répartition de l'effort est inéquitable, voire dangereuse, au regard du rôle des collectivités locales pour soutenir l'économie, via l'investissement et la commande publique.
Sur les trois sources de dépenses, la plus importante est celle de la sécurité sociale, 650 milliards d'euros ; la seconde est celle de l'État, 280 milliards d'euros hors charge de la dette et pensions ; la troisième est celle des collectivités locales, 230 millions d'euros. Or celles-ci financent 70 %de l'investissement public, dont 58 % pour le seul bloc communal. Dans la dette de 2 000 milliards d'euros, quelle est la part des collectivités locales ? 9,7 %, dont 4 % pour le bloc communal ! Et on leur demande un effort de 25 %... L'objectif global de réduction des dépenses de l'État est fixé dans le programme de stabilité à 11,5 milliards, soit l'effort demandé aux collectivités territoriales... L'État ne peut s'exonérer de réformes structurelles. Il ne peut transférer aux collectivités territoriales le coût de dépenses qu'il n'a pas su maîtriser, pas plus qu'il ne peut transférer l'impôt national à l'impôt local.
Les collectivités locales peuvent assumer ce choc, dit la Cour des comptes en opportunité, puisqu'elles peuvent toujours augmenter la fiscalité locale ou leur dette. Augmenter la fiscalité locale est un choix souverain, politique. Quel candidat a fait campagne en mars sur une sévère augmentation des impôts ? S'il s'en est trouvé un et qu'il a été élu, c'est qu'il a beaucoup de talent...
Quelques semaines plus tard, on apprend cette mesure-guillotine, et voilà qu'il faut aussitôt préparer un budget en augmentant soit l'impôt, soit l'endettement. Bref, l'autofinancement va se réduire en 2015 et, en 2016, un grand nombre de communes seront dans le rouge. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Que vont faire les élus, sinon réduire l'investissement public ? A la période grise du cycle électoral s'ajoute le décalage des discussions budgétaires, de trois mois au moins ; les budgets seront votés le 15 avril au plus tard ; il n'y aura aucun investissement public lancé avant l'automne, le BTP sera pénalisé dès 2015. L'AMF comme la Banque postale estiment à 30 % la baisse de l'investissement public consécutive à ces décisions : c'est 0,6 point de croissance d'ici 2017. Or le gain de croissance espéré par la loi Macron n'est que de 0,1 %...
Il est urgent de tenir une conférence entre l'État et les collectivités locales car derrières les chiffres, il y a la vie quotidienne des Français. Je m'efforce de réveiller votre fibre d'élu local, Madame la ministre, je ne vous crois pas frappée d'amnésie : vous savez la difficulté de la gestion locale, l'impact qu'auront les mesures gouvernementales sur les services de proximité, les crèches, l'action sociale, l'animation culturelle ou sportive... Comment croire que le tissu associatif ne sera pas affecté ? Moins 30 % pour l'investissement public, moins 30 % de subventions pour les associations... Où celles-ci trouveront-elles l'argent ? L'action de nos collectivités locales est pourtant déterminante pour la cohésion sociale, l'inclusion de tous. Il en va aussi de l'attractivité des territoires, de l'accueil proposé aux salariés des entreprises, des transports publics, des filières d'enseignement supérieur, de la politique de l'habitat -pour les inciter à s'installer.
L'attractivité des territoires justifie une politique publique d'accompagnement. Ce sont des dépenses d'avenir, productives. Qui va prendre le relais avec la disette budgétaire que vous nous préparez ?
Les dépenses de fonctionnement de nos collectivités locales sont difficilement compressibles. La corrélation entre les trois fonctions publiques fait que les décisions nationales, sur le GVT ou la CNRACL, ont un impact sur les budgets des collectivités locales. (M. Vincent Delahaye renchérit) Vous déciderez, nous appliquerons...
Madame la ministre, vous avez eu une vie avant, vous avez présidé la Fédération nationale des élus socialistes. Vous déclariez à l'époque, dans une curieuse inversion des rôles, que le gel des dotations était dangereux pour l'activité économique et craigniez un recul néfaste de l'investissement public dont dépend, disiez-vous, la croissance...
M. Albéric de Montgolfier. - Très juste !
M. François Baroin. - C'était le 29 septembre 2010. Que dites-vous aujourd'hui d'une saignée imposée ? (Applaudissements à droite)
M. Éric Doligé. - Bis !
M. François Baroin. - La baisse des dotations aura un impact trop fort ; selon la Fédération du BTP, ce sont 60 000 à 70 000 emplois, sur 260 000, qui sont appelés à disparaître -un sur cinq...
Les collectivités locales doivent prendre part à l'effort national, mais leur juste part. La baisse des dotations doit être revue dans son volume et étalée dans le temps ; à quoi doit s'ajouter la rationalisation de la décentralisation et la simplification des normes -et je ne parle pas de la réforme des rythmes scolaires. Réfléchissons à identifier la partie de la dette qui finance l'investissement -négociez avec Bruxelles...
Mme la présidente. - Il faut conclure.
M. François Baroin. - J'ai salué l'ouverture du Premier ministre. J'attends beaucoup du rendez-vous que nous aurons le 3 février. Il en va du rôle d'agent économique de nos collectivités territoriales au service de la croissance du pays. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Charles Guené . - Traiter des finances locales en huit minutes relève de la gageure. Je me limiterai à quelques points.
Quelles bases pour un nouvel impôt local ? L'histoire de la fiscalité locale moderne a commencé en 1789, avec la création des contributions directes nouvelles. En 1917, on a substitué aux contributions directes l'impôt sur le revenu, tout en conservant la référence aux « principaux fictifs ». L'ordonnance du 7 janvier 1959 a fondé une nouvelle fiscalité, assise sur des valeurs locatives, et l'on a instauré la taxe professionnelle. Enfin il y eu la réforme de 2010-2015, après le double constat de la nécessité de revoir les bases de l'impôt économique, vidé de sa substance et devenu dotation d'État pour moitié et la naissance de la CET.
Depuis 1789, nous avons manqué d'audace : nous aurions pu déconnecter le système local du système national pour lui donner une certaine indépendance. En 2015, je crains que nous ne soyons à nouveau conservateurs. La pression fiscale générale empêchera d'orienter la fiscalité locale vers des critères touchant aux revenus, ce qui n'est pas pour me déplaire. Le besoin de ressources dynamiques auquel est confronté l'État l'empêchera de consentir au transfert d'impôts nouveaux souhaité. Nous nous acheminons donc vers le statu quo.
Jusqu'à la fin du XXe siècle, on s'est satisfait d'un système fiscal fondé sur une économie nationale accordant une prime aux territoires captant le mieux l'industrie. Or la mondialisation a concentré les activités dans quelques zones stratégiques portuaires ou urbaines, ce qui rend indispensable la péréquation avec des zones démunies. Nous devons passer à une territorialisation des politiques, des financements et de l'évaluation des besoins, comme à l'agrégation des potentialités. Au lieu de raisonner de manière macro-économique sur l'ensemble de l'Hexagone, nous devons recourir à une modélisation des divers territoires. La deuxième loi de programmation est, en ce sens, insuffisante car elle raisonne trop globalement.
Les mécanismes de la péréquation doivent être affinés et ses effets nocifs corrigés, mais chacun doit intégrer le fait qu'elle est désormais consubstantielle au système existant, d'autant que la contribution de 12,5 milliards est prélevée sur les collectivités à l'aune de leurs recettes et n'a donc aucun caractère péréquateur. Le Gouvernement n'a d'autre choix que de renforcer la péréquation ou allonger la période de contribution
Malgré la révision constitutionnelle de 2004 et la décision du Conseil constitutionnel de 2010, l'autonomie fiscale n'existe pas en droit. Les Trente Glorieuses en ont donné l'illusion avec le droit de voter les taux. Cela répondait à une aspiration, l'État n'étant plus en mesure d'assumer lui-même le développement du pays C'est ainsi que progressa l'idée de la décentralisation et de l'autonomie. En 1975, la crise mondiale a porté un coup d'arrêt à la dynamique de décentralisation financière, avec les premiers budgets nationaux en déséquilibre. La suite ne sera que l'expression de ce mouvement contradictoire entre cette énergie nouvelle libérée au profit des collectivités et la tentation de l'État de la tempérer pour retrouver l'équilibre perdu de ses budgets. L'État fait aujourd'hui dépendre le financement des collectivités territoriales de dotations, créant un ressenti de recentralisation.
Nous devons clarifier notre fonctionnement systémique en créant un lieu de dialogue pour élaborer une nouvelle gouvernance. Haut comité des finances publiques et Comité des finances locales y participent. Ce dernier ne doit pas être une chambre d'enregistrement mais un acteur. Les collectivités territoriales doivent participer aux décisions essentielles.
La crise actuelle et la résorption de la dette nous contraindront à ne pas élargir le spectre fiscal des collectivités à des impôts plus dynamiques, l'État se les réservant. La fracture croissante entre nos territoires va accentuer le besoin de péréquation. L'autonomie fiscale sera pour longtemps remisée et nous devrons nous évertuer à constituer avec l'État un équilibre dans la gouvernance, entre la soutenabilité des finances publiques et la réalité politique, économique et sociale que la République veut conserver à ses collectivités. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Maurice Vincent . - S'agissant de la situation financière des collectivités territoriales, il y a un écart entre ce que vivent les élus sur le terrain et ce que perçoit Bercy. Les transferts de compétences ne sont pas, loin de là, compensés à 100 % et certaines collectivités locales ont vu leurs dépenses, notamment sociales, exploser. La réduction de la DGF participe de l'idée que les collectivités territoriales ont des réserves pour y faire face. Selon une étude de la Banque postale, l'épargne brute des collectivités locales a augmenté, passant de 31 à 38 milliards. Il ne leur faudrait donc que 4,4 années d'épargne pour rembourser leur dette. Autant dire qu'elles auraient des marges de manoeuvre.
Les collectivités territoriales doivent faire des efforts de rationalisation, c'est vrai, mais les ponctions sont lourdes. L'État doit reconnaître qu'il ne leur sera pas facile de réaliser les économies de fonctionnement demandées. Ce serait encore pire si, comme la droite le réclame, le plan d'économies se montait à 150 milliards au lieu de 50.
Où en sera l'investissement local en 2016-2017 ? Plusieurs indications suscitent l'optimisme : baisse de l'euro, du cours du pétrole, politique conduite par la BCE. Mais les facteurs psychologiques jouent aussi. Éric Heyer, de l'OFCE, estime qu'1 euro d'investissement public génère 3 euros d'activité et 1,5 euro de recettes fiscales. C'est ce mécanisme qu'il faut enclencher.
Concernant le problème des emprunts toxiques, le fonds de soutien aux départements a permis d'éviter de nombreux problèmes. Mais d'autres sont apparus, du fait notamment de la hausse du franc suisse. Des taux d'intérêt qui atteignent 25 %, 30 % ou 40% ne sont pas acceptables pour les contribuables.
En 2008, nous appelions à régler cette affaire avant qu'elle n'explose. Elle a explosé. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Ronan Dantec . - Les dotations de l'État aux collectivités territoriales baisseront de 11 milliards d'euros d'ici 2017, après une baisse de 5 milliards sur la période de programmation précédente.
Cette baisse met en péril les services publics locaux, ainsi que la capacité d'investissement des collectivités territoriales, donc le dynamisme de nos territoires ; nous ne l'acceptons pas !
La baisse des dépenses de fonctionnement ne suffira pas, en effet, à compenser ce manque de ressources. L'investissement sera nécessairement amputé.
Des alternatives sont possibles. Clarifier les règles d'attribution de la DGF d'abord. Les élus locaux n'y comprennent plus rien : le ratio DGF par habitant varie du simple au quadruple... Une mission parlementaire a été créée sur ce sujet. Nous avions fait des propositions dans le projet de loi NOTRe, comme de tenir compte du taux de logements sociaux au moment d'appliquer la baisse de la DGF.
Certaines communes ne pourront tout simplement pas faire face à la baisse de la DGF : il faudra agir également sur les bases fiscales. La péréquation horizontale est un autre chantier. Au-delà des discours, il faut faire participer plus clairement les métropoles et territoires riches à la solidarité territoriale.
La mutualisation est indispensable. Le rapport qui vient d'être remis sur la mutualisation au sein du bloc communal le montre : la mutualisation engendre des coûts à court terme, avant que viennent les gains à long terme, d'où la réticence à s'y engager et la nécessité d'incitations financières. Le rapport conseille d'assouplir les cadres juridiques. Nous en reparlerons lors de la deuxième lecture de la loi NOTRe.
Autre piste à explorer : les investissements publics liés à la transition énergétique. Compte tenu de l'urgence climatique, considérons ces investissements de manière spécifique dans le calcul du taux d'endettement.
Je termine en insistant sur une évidence : les collectivités territoriales riches ont plus de capacité à disposer de nouveaux projets, donc à capter les financements associés. Les régions, garantes de l'équilibre territorial, devront être inventives à cet égard. L'enjeu n'est autre que la solidarité et l'équilibre entre les territoires (Applaudissements sur les bancs écologistes)
M. Éric Bocquet . - Merci au groupe UMP d'avoir organisé ce débat. Nous avons tous entendu l'inquiétude des maires face à la baisse des dotations, censées financer les promesses faites il y a un an.
M. Charles Revet. - C'est vrai !
M. Éric Bocquet. - Le président Baroin l'a rappelé, les budgets des collectivités territoriales sont équilibrés, leur part dans la dette publique est stable, et elles contribuent pour 70 % aux investissements publics. Nous partageons le constat, pas les conclusions à en tirer.
Depuis vingt ans, les réformes de la fiscalité locale n'ont fait que réduire l'autonomie financière des collectivités territoriales Baisse des dotations et imparfaite compensation des pertes de recettes expliquent la hausse de la fiscalité locale.
Le paysage des collectivités territoriales est de plus mouvant et certains voient dans les derniers découpages l'occasion de partager des dotations en baisse.
L'équilibre actuel de la fiscalité locale n'est pas satisfaisant ; il divise communes rurales et urbaines et aboutit à spécialiser les ressources perçues par chaque bloc de collectivités territoriales.
La révision des valeurs locatives cadastrales, dont la désuétude mine la taxe d'habitation, doit être menée et ses principes étendus au calcul de la taxe foncière. Faut-il taxer les résidences secondaires ? Sans doute.
S'agissant de la taxation des entreprises, nous plaidons depuis longtemps pour une meilleure prise en compte de leurs actifs financiers, ne serait-ce que pour rétablir l'équité entre la banque, l'assurance et de nombreux services, d'une part, et les autres entreprises, d'autre part.
La réforme de la taxe professionnelle de 2010 s'est traduite par l'imposition de dizaines de milliers de petites entreprises. Donnons plutôt à celles-ci une bouffée d'air frais.
N'oublions pas que l'égalité de traitement entre collectivités territoriales fait partie des principes fondamentaux de la République. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Jacques Mézard . - Je vais essayer d'être mesuré. (Mme Marylise Lebranchu, ministre, rit) Nous venons d'adopter le projet de loi NOTRe. La loi de finances prévoit une baisse historique des dotations aux collectivités territoriales. Nous cherchons la stratégie du Gouvernement.
Les finances locales sont comme une grande maison aux murs fissurés dans laquelle tout le monde hésite à faire des travaux de peur que l'édifice entier ne s'écroule. Si l'on réforme les bases, ceux qui y gagneront se tairont tandis que l'on entendra hurler ceux qui y perdront. Les inégalités sont criantes : à patrimoine égal, un propriétaire foncier paie dix fois plus d'impôts à Aurillac qu'à Paris. C'est insoutenable pour nos concitoyens. La révision des bases est une urgence absolue !
Je ne stigmatise aucun gouvernement. Cette réponse est difficile. La mission que le groupe RDSE avait demandée sur la réforme de la taxe professionnelle a montré que cette réforme menée au forceps avait eu des effets graves. On nous avait promis une hausse annuelle de 4 % de la CVAE, on a vu ce qu'il en était.
Une autre mission est en cours sur les conséquences de la baisse des dotations : nous avons examiné la situation de 38 000 collectivités, réparties en neuf catégories. Avant même l'entrée en vigueur du plan d'économies, nous avions établi plusieurs scenarii. Dans tous les cas, la situation est difficilement tenable. Le taux d'épargne brute s'est réduit de plus de 5 % depuis 2013, l'endettement a progressé. Bref, les finances locales se dégradent lentement mais sûrement. Un nombre important de collectivités territoriales ne pourront tenir, ne seront plus gérables.
Madame la ministre, dites-le nous franchement : nous sommes-nous trompés dans nos estimations ? Celles des collectivités territoriales qui ne pourront tenir le choc devront baisser de 30 % leurs dépenses d'investissement et augmenter considérablement la pression fiscale. Réduire le montant de cette ponction et en étaler les effets dans le temps est indispensable pour préserver la vie de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs RDSE)
M. Vincent Delahaye . - Je remercie le groupe UMP de son initiative. La loi de programmation de finances publiques, la loi de finances ont été l'occasion d'aborder ce sujet mais la répétition n'est, en la matière, pas inutile.
L'état financier de notre pays exige des efforts de tous. Mais ces efforts doivent être équitablement répartis. C'est là que le bât blesse. Pour nous, une économie consiste à diminuer une dépense, pas à réduire une augmentation, madame la ministre. Résultat de votre calcul : 28 milliards par rapport à 2014 ! 13 % en moins : j'aimerais que l'État fasse le même effort, nous serions sortis d'affaire !
Les collectivités territoriales représentent 20 % des dépenses publiques, et 9% de l'endettement ! Elles subissent également les conséquences de décisions antérieures, comme la réforme de la taxe professionnelle. Les recettes ont parfois diminué drastiquement, sans que l'administration fiscale puisse expliquer quoi que ce soit aux élus locaux.
La péréquation a été réformée à une époque où l'on parlait de baisse légère des dotations, pas de baisse drastique ! (M. Michel Bouvard applaudit) Sur cela aussi, il faudra revenir.
Revalorisation des fonctionnaires de catégorie C, jour de carence, augmentation des retraites, réforme des rythmes scolaires font autant d'augmentation de dépenses imposées aux collectivités territoriales. Prendre des décisions pour les autres, tout le monde aime ça ! Le transfert de compétences n'est pas accompagné de la rationalisation de personnel, comme cela aurait dû être le cas : encore un coût supplémentaire. Plutôt que l'intégration, il faudrait encourager la mutualisation entre collectivités territoriales.
L'investissement local pâtira lourdement de cette situation alors qu'il représente 70 % de l'investissement public. Beaucoup de collectivités territoriales vont devoir, à contrecoeur, augmenter les impôts.
La ministre a donné son accord pour une réforme de la DGF. Mais dans ce contexte, avec des collectivités territoriales au bord du gouffre, c'est mission impossible ! Je fais le pari que vous n'arriverez pas, sauf à susciter une nouvelle révolte : après celle des pigeons, celle des dindons de la farce ! Prenons le temps de tout remettre à plat, à commencer par les conséquences de la réforme de la taxe professionnelle, de celle de la péréquation.
Le projet de loi NOTRe impose la réalisation d'un schéma de développement économique : je dis stop ! Cela a un coût. Laissons les collectivités territoriales se débrouiller, faisons-leur confiance. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC)
M. Michel Bouvard . - Je ne reviendrai pas sur l'intervention de François Baroin : les collectivités territoriales doivent faire un effort ; celui qu'on leur demande est toutefois considérable, sans précédent. Charles Guené a raison : la DGF n'est jamais que la transformation d'une ancienne fiscalité locale, pas un cadeau généreux de l'État.
La péréquation représente 10 milliards d'euros, soit l'effort demandé globalement aux collectivités territoriales. Elle est extrêmement sédimentée : depuis le Sdrif en 1991, six autres fonds ont été créés. La Cour des comptes rappelle que l'augmentation des moyens financiers consacrés à la péréquation ne s'est pas accompagnée d'un cadre clair. Je souhaite que la question soit abordée en même temps que celle de la DGF.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Cela va de soi.
M. Michel Bouvard. - La péréquation ne doit pas s'appuyer sur les seules ressources fiscales des collectivités territoriales. Outre les charges socio-démographiques, il faut prendre en compte les charges géo-topographiques des collectivités, comme font nos voisins suisses.
La péréquation affecte principalement les collectivités locales qui contribuent pour l'essentiel aux 70 % d'investissements publics. Et c'est aussi pour elles que l'on va diminuer la DGF. Je pense en particulier aux communes touristiques : ce sont aussi des entreprises qui investissent beaucoup, dans un des seuls secteurs où la France connaisse encore une croissance. Leur retirer 1,5 milliard d'euros, c'est diminuer de 15 milliards leur capacité d'investissement.
M. André Vallini, secrétaire d'État. - Vous pensez à Courchevel ?
M. Michel Bouvard. - Pas seulement et pas le plus. Il y a quelques années avait été créée une dotation aux communes touristiques. Or en 1995, la DGF pour les communes a été cristallisée. Celles qui ont continué à investir en ont pâti, d'autres ont bénéficié d'un effet de rente. (Mme Marylise Lebranchu, ministre, le concède) Remettons le dispositif à plat. Interrogeons-nous sur la soutenabilité de la péréquation. Cela vaut aussi pour les départements. Leur péréquation dépend de la DGF : sont pris en compte le revenu moyen par habitant et le niveau de fiscalité. Certains départements verront leurs ressources de péréquation diminuer de 25 % !
M. Jean-Claude Boulard . - En matière de finances locales, nous souhaitons d'abord de la stabilité. Sans trop y croire...
L'effet cumulé de la réforme de la péréquation et de la baisse des dotations sera dramatique. Il en va là comme pour les régimes amaigrissants : les premiers kilos seront faciles à perdre ; après quoi, c'est le muscle que l'on attaque.
La péréquation a été créée pour lutter contre les inégalités naturelles entre territoires ; l'utiliser pour atténuer les écarts de baisse de DGF, c'est la pervertir. Certains écarts sont justifiés, comme les charges de centralité. Le maire de Baugé-en-Anjou crée une commune nouvelle pour mieux les répartir.
Lors du débat budgétaire, nous avons souhaité sanctuariser les recettes fiscales des collectivités territoriales. L'Assemblée nationale a définitivement supprimé les taxes sur les spectacles ou les trottoirs, accroissant encore le poids de la DGF dans le financement des collectivités territoriales.
La clarification de la fiscalité locale n'est pas moins nécessaire. La difficulté, c'est que la taxe d'habitation étant un impôt de répartition, sa baisse pour les uns est compensée par une hausse pour les autres...
Régions et départements ont vu leur autonomie financière fortement réduite par la réforme de la taxe professionnelle. On ne saurait la leur rendre en remettant en cause celle du bloc communal.
Trois mots dont il faut se méfier : « simplification » qui, à l'Inspection générale des finances, signifie suppression ; « toilettage », qui laisse entendre qu'on peut être tondu; « mise à plat » -on se retrouvera sur les jantes...
Enfin, les emprunts contractés pour investir ne devraient-ils pas être soustraits de la dette ? Est-il encore permis d'être keynésien à la tribune du Sénat ? (Applaudissements sur plusieurs bancs socialistes)
M. Éric Doligé . - Les redites sont inévitables mais utiles dans l'espoir d'être entendu : 4,5 milliards, 11 milliards, en tout 28 milliards sur trois ans... Les collectivités territoriales ont-elles fauté pour être matraquées ainsi ? Non. Savez-vous que les collectivités territoriales couvrent 70 % de l'investissement public ? Leur autonomie financière se réduit pourtant comme peau de chagrin : c'est notamment vrai des départements qui ne décident que de 20 % de leur fiscalité et guère de leurs dépenses...
Dans les dotations, il y a 11 euros pour les départements dirigés par la majorité, 5 euros pour celles d'opposition... La péréquation devrait se fonder sur l'évolution de la masse salariale, la capacité de désendettement... Les dépenses procycliques ne sauraient être couvertes par des recettes également procycliques, les dépenses sociales en hausse par des DMTO en baisse. Ainsi, mon département devra faire face, en 2015, à la réévaluation du RSA, à la baisse de la DGF, à la perte de produit de l'écotaxe, à la péréquation de la CVAE, à la loi Peillon, à la réforme des rythmes scolaires, à l'accroissement du reste à charge. Le tout s'évalue à 42 millions !
Les chiffres du chômage viennent de tomber : 8 100 chômeurs de plus en décembre. Et l'on empêche les collectivités territoriales d'investir, en amputant leurs capacités d'autofinancement ! Nous allons à la catastrophe. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)
M. René-Paul Savary. - Merci de le rappeler.
M. Claude Raynal . - Ce débat a déjà eu lieu, lors de l'examen des lois de programmation et de finances. J'espérais que l'UMP serait cette fois plus constructive... Nul rapprochement à faire, bien sûr, avec les échéances électorales ! « La nécessité de réformer les finances locales ne date pas des dernières annonces du Gouvernement », lit-on en première page du rapport sénatorial. Certes, la baisse annoncée des dotations ne peut qu'aggraver la situation, c'est pourquoi le groupe socialiste souhaite l'étaler.
Mais l'origine du mal, c'est une politique qui a laissé filer nos déficits : le Gouvernement Fillon annonçait 0,5 % de déficit public en 2008, ce fut 4,5 % !
Bossuet ironisait à propos des hommes qui déplorent les conséquences et chérissent les causes...
La loi de finances a montré combien les propositions de la majorité sénatoriale étaient pauvres. Presque personne ne conteste que les collectivités territoriales doivent participer à l'effort collectif, c'est le rythme qui pose problème, notamment pour le bloc communal. Les charges de centralité doivent être mieux prises en compte s'agissant des ressources, une réflexion est nécessaire sur l'assiette des impôts locaux, comme sur les tarifs des services publics. Quant à la répartition des dotations, elle doit sans doute tenir compte du revenu par habitant et de l'effort fiscal. J'espère que c'est dans cet esprit constructif, et non dans un esprit de polémique, que le Sénat abordera les prochaines échéances ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean-François Husson . - Dans son engagement 54, le candidat François Hollande promettait aux collectivités territoriales un « pacte de confiance et de solidarité » leur garantissant des dotations stables. On en est loin...
M. René-Paul Savary. - Encore une promesse non tenue !
M. Jean-François Husson. - Le ralentissement des dépenses de gestion des collectivités territoriales ne compense pas la baisse des dotations et des ressources fiscales, ce qui a des conséquences graves pour l'investissement local. En tout, les collectivités territoriales auront perdu 28 milliards d'euros de dotations entre 2013 et 2017 : le bloc communal, qui assure 56 % des dépenses publiques locales, perdra 70 % de ses dotations. Dans le même temps, le budget de l'État prévoit 200 milliards d'euros d'emprunts... pour 16 milliards d'investissement. Les collectivités territoriales qui, contrairement à l'État, ne peuvent emprunter que pour investir serait-elles les dindons de la farce ? L'État a plus de facilité à imposer la rigueur budgétaire aux collectivités territoriales qu'à lui-même...
Les spécialistes estiment que les dépenses d'équipement vont baisser de 30 %. Les collectivités territoriales devront arbitrer entre la préservation du capital existant et la réalisation d'équipements nouveaux. Pas moins de 70 000 emplois sont en jeu.
En fixant un objectif global de baisse des dépenses dans la loi de programmation, le Gouvernement veut inciter les collectivités à réduire les leurs. Mais est-il judicieux de confondre dépenses de fonctionnement et dépenses d'investissement ?
On peut accepter le principe d'une réforme des dotations. Les critères actuels ont pourtant leur justification. Ne tombons pas dans le débat rural-urbain.
Pourquoi ne pas accorder une bonification pour les investissements stratégiques, s'intégrant dans des schémas d'investissement ? On inciterait ainsi les collectivités territoriales à privilégier les opérations structurantes. La réforme des rythmes scolaires...
Mme la présidente. - Vous avez déjà épuisé votre temps de parole.
M. Jean-François Husson. - ...a coûté fort cher. À nous de relever le défi de l'attractivité de nos villages et de nos villes. (Applaudissements à droite)
M. François Patriat . - Assez de misérabilisme ! On peut très bien faire des économies de fonctionnement sans toucher à l'investissement : c'est ce que nous avons fait en Bourgogne. Nous avons réduit le budget de la région tout en augmentant l'investissement de 5 % et en baissant le fonctionnement de 13 millions d'euros. Nous avons même adopté un plan de relance de l'investissement de 193 millions pour le BTP. Avec la loi NOTRe, les collectivités territoriales vont être contraintes de se recentrer sur leurs compétences obligatoires, moins d'argent mais moins de dépenses optionnelles... Voilà une question qui mériterait d'être abordée.
Le FPIC n'est pas adapté. Il y a de plus en plus de communes contributives, y compris de petites communes. (M. Alain Marc renchérit)
J'attends beaucoup du rapport sénatorial sur le sujet. (M. Michel Bouvard approuve)
L'envolée du cours du franc suisse met en péril les collectivités territoriales ayant souscrit des emprunts toxiques. Beaucoup d'emprunts « dormants » posent aujourd'hui problème. Le fonds de soutien de 1,5 milliard sera vite absorbé. Je me réjouis que le Gouvernement ait accepté une remise à plat : en tout, les indemnités de remboursement anticipé se montent à 6 milliards d'euros...
Faut-il faire payer les banques ? La plus impliquée est une banque publique, qui a repris les actifs de Dexia. Mais les produits structurés développés par les banques privées sont à l'origine de la crise. Le fonds doit être abondé de 200 à 300 millions d'euros par an par l'État et la taxe de risque systémique doit être mise à contribution. (Applaudissements sur plusieurs bancs socialistes)
M. Alain Marc . - Depuis 1982, les collectivités territoriales sont devenues des acteurs majeurs de l'action publique, qui préparent la France de demain. La brutalité de la baisse des dotations est d'autant plus regrettable que les collectivités territoriales n'ont plus guère le pouvoir de fixer les taux de leur fiscalité économique. Les départements ont pour seule marge de manoeuvre la TFPB, les DMTO et quelques autres impositions...Les régions ont encore moins de marge de manoeuvre et les communes subissent de nouvelles charges de politiques publiques, comme les rythmes scolaires.
En Aveyron, soit dit en passant, nous avons adopté la semaine de quatre jours depuis des années et cela ne nous empêche pas d'avoir parmi les meilleurs résultats académiques !
Nous investissons entre 50 et 60 millions d'euros pour les routes. Avec 9 conseillers régionaux sur 150, quel influence nous restera-t-il si les routes sont confiées à la région, alors qu'il faut une deuxième rocade à Toulouse et une à Montpellier ? On sait où iront les investissements et les emplois...
Nous avons fait des efforts considérables pour réduire nos dépenses de fonctionnement, passant de 1 800 à moins de 1 700 agents. Une vraie mutualisation est possible, sans augmenter les frais de fonctionnement. Assez de transferts à l'aveugle, décidés en fonction des rapports de force du moment.
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
M. Alain Marc. - Exigeons de l'État les moyens indispensables pour relever les défis d'aujourd'hui. (Applaudissements à droite)
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale . - Quelques mots en réponse à M. Patriat sur les problèmes soulevés par la hausse du franc suisse. Le Gouvernement a mis en place un fonds de soutien à destination des collectivités ayant souscrit des emprunts dits toxiques, doté de 1,5 milliard d'euros. La hausse du franc suisse pose problème car elle a un impact sur les intérêts comme sur le montant des emprunts. Le Gouvernement va ouvrir le débat, en gardant pour principe l'équité et la soutenabilité du dispositif.
Quant aux dotations, je voudrais resituer leur baisse dans le contexte de l'indispensable maîtrise des dépenses publiques. Je note d'ailleurs que l'UMP réclame, elle, 150 milliards d'euros d'économies au lieu de 50 milliards. On peut se demander comment les collectivités locales seraient traitées à ce régime... La baisse de 11 milliards d'euros des dotations sera étalée sur trois ans et répartie en 2015 entre collectivités territoriales selon leur poids dans les recettes totales. Cette répartition n'est pas figée pour 2016 ; nous y reviendrons en loi de finances.
L'effort demandé aux collectivités territoriales représente 1,6 % de leurs recettes totales : 3,67 milliards sur 229 milliards, ce n'est pas neutre mais ce n'est pas un étranglement ; 11 milliards sur 50 milliards, cela fait 21 %, soit la part de la dépense publique locale dans la dépense publique totale. Dans le même temps, l'État s'astreint à un effort de 18 milliards d'euros d'économies, le secteur social à 21 milliards d'euros.
La péréquation est devenue très complexe, c'est vrai. Elle est malgré tout synonyme de solidarité. Nous avons accru la péréquation verticale comme horizontale.
Enfin, les recettes des collectivités territoriales vont continuer à augmenter en 2015, grâce à la hausse des bases fiscales, aux mesures prises par le Gouvernement en ce qui concerne le FCTVA, à la possibilité d'augmenter le taux des DMTO, à la revalorisation du barème de la taxe de séjour.
L'investissement local baisse toujours, l'année qui suit des élections, de 5 à 6 % depuis trente ans. Le Gouvernement a pris des mesures pour soutenir l'investissement local : augmentation de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), portée à 800 millions d'euros en 2015, hausse de 100 millions d'euros du fonds des maires bâtisseurs.
Nous ne sous-estimons pas l'effort demandé aux collectivités territoriales pour contribuer aux efforts de la nation mais nous voulons resituer l'effort qui leur est demandé dans celui que consent le Gouvernement pour diminuer ses emprunts. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique . - Merci de vos interventions très fouillées. M. Baroin, ancien ministre du budget, oublie cependant que l'État emprunte pour verser aux collectivités territoriales une dotation qui leur permet de respecter leur règle d'or... Cet emprunt, c'est celui de toute la nation. Auparavant, les dotations augmentaient régulièrement, en même temps que les dépenses.
Le plan Jüncker viendra en aide aux collectivités territoriales. Les associations d'élus ont déjà déterminé des projets prioritaires.
Nous avons fait le choix de baisser la fiscalité sur les entreprises pour soutenir notre compétitivité.
Ces mêmes entreprises ne sauraient nous reprocher de réduire les dotations aux collectivités territoriales, au risque de diminuer l'investissement local dont elles bénéficieraient. Ces choix peuvent bien sûr être discutés. La baisse des dépenses publiques est toujours nécessaire, c'est un choix que nous assumons, pour financer le pacte de compétitivité et pour éviter le défaut de paiement et l'austérité qui s'en serait suivie. Juillet 2012 fut un moment violent mais nous avons eu raison de faire le choix de freiner l'endettement, je le crois.
Vous reprochez à l'État d'imposer ses décisions aux collectivités territoriales, s'agissant notamment de la hausse des rémunérations des fonctionnaires territoriaux de catégorie C, les moins avantagés. Je pense notamment aux personnels de nuit dans les Ephad : il fallait leur redonner un peu de pouvoir d'achat. Mais ces décisions, nous les avons prises en commun avec les employeurs territoriaux, y compris de votre sensibilité. Elles étaient nécessaires.
On ne peut traiter les collectivités territoriales par strates. Il y a de violentes inégalités entre régions, entre départements, entre intercommunalités, entre communes. Nous avons essayé de remonter la pente par la péréquation, puis par la refonte de la carte régionale. Le problème demeure néanmoins. La frontière ne passe pas entre le rural et l'urbain. Il faut se dire tout ! Lorsqu'une commune renonce à chauffer ses trottoirs, elle renonce à une forme de luxe. Quand une commune à une heure de Paris a 80 millions d'euros de provisions et pas d'emprunt, n'est-ce pas une inégalité criante ?
M. Éric Doligé. - Elle a peut-être été mieux gérée que d'autres !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Le rapport de deux parlementaires sur la DGF sera totalement indépendant du Gouvernement. Il s'agit de reconstruire une DGF plus juste, pour qu'on ait moins besoin de péréquation horizontale. Il est difficile, pour une collectivité, de rendre ce qu'elle a reçu...
La fracture territoriale est violente et traverse toutes les strates. Trouvons ensemble des solutions et des critères justes.
François Patriat dit qu'il réussit à investir tout en baissant les dépenses de fonctionnement. Que se passera-t-il avec la loi NOTRe ? Selon le rapport de l'OCDE, elle nous fera gagner 0,8 point de PIB, grâce aux métropoles notamment.
Vous avez cité les chiffres de l'Observatoire des finances locales. Ayons en tête, cependant, qu'ils ne valent pas pour toutes les collectivités. La baisse de la DGF sera plus facilement absorbée si celle-ci est rendue plus juste.
J'étais ce matin dans le Limousin : une élue départementale m'exprimait son inquiétude devant la décision de rendre la gestion des routes aux départements. Car la population de ce département décline... mais pas le nombre de kilomètres à entretenir ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Accord en CMP
Mme la présidente. - La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l'amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
Question prioritaire de constitutionnalité
Mme la présidente. - Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mardi 27 janvier 2015, qu'en application de l'article 612-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les articles 698-1 et 698-2 du code de procédure pénale (infractions militaires en temps de paix et mise en mouvement de l'action publique). Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
La séance est suspendue à 19 h 30.
Présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président
La séance reprend à 21 h 30.
Commission d'enquête (Candidatures)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la désignation des 21 membres de la commission d'enquête sur le fonctionnement du service public de l'éducation, sur la perte de repères républicains que révèle la vie dans les établissements scolaires et sur les difficultés rencontrées par les enseignants dans l'exercice de leur profession, créée à l'initiative du groupe UMP, en application de son droit de tirage.
En application de l'article 8, alinéas 3 à 11, et de l'article 11 de notre Règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées. Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure.
Débat sur la situation des travailleurs saisonniers
M. le président. - L'ordre du jour appelle un débat sur la situation des travailleurs saisonniers dans notre pays.
Mme Annie David, pour le groupe CRC . - Dans un contexte économique difficile, alors que le nombre de familles éprouvant des difficultés à satisfaire leurs besoins les plus élémentaires comme celui des personnes privées d'emploi ne cessent de croître, les conditions de travail des salariés se dégradent tandis que se réduisent les moyens de défendre leurs droits. Ce constat vaut d'autant plus pour les saisonniers, de plus en plus précarisés. Le travail saisonnier s'étend du tourisme à l'agro-alimentaire. Traditionnellement, il s'agissait d'un jeune recherchant un emploi tremplin vers un emploi plus stable. Ce n'est plus le cas aujourd'hui : désormais, on retrouve aussi parmi les saisonniers des retraités, des seniors licenciés peu avant la retraite, des femmes exclues du marché de l'emploi, des travailleurs migrants...
En droit, seules des circulaires encadrent l'activité saisonnière, définie comme l'exécution de tâches normalement appelées à se répéter chaque année, à des dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs. Il n'y a ni définition légale, ni comptabilisation officielle du nombre de travailleurs saisonniers. On l'estime à 2 millions en France, dont 900 000 dans le secteur du tourisme. Le rapport d'Anicet Le Pors, réalisé en 1999 à la demande de Mme Demessine, a ouvert de nombreux chantiers pour améliorer les conditions de travail des travailleurs saisonniers -mais parmi ses 31 propositions, nombreuses sont celles qui restent d'actualité.
L'enquête de la JOC, le rapport du médiateur de la République en 2011, celui, plus récent, de M. Nogué ou le Forum des saisonniers de Chambéry ont rappelé l'actualité de ces propositions. J'ai interpellé le Gouvernement à trois reprises car mon département est particulièrement concerné. Sans la vitalité et la disponibilité de ces salariés indispensables, une grande partie du territoire serait un désert économique et social. Ils contribuent à mettre en valeur notre patrimoine et à préserver des savoir-faire traditionnels.
C'est pourquoi nous plaidons pour l'amélioration de leurs droits et de leurs conditions de travail et de vie. La typologie même de l'activité interdit trop souvent l'information des salariés sur leurs droits. Leurs conditions d'emploi ne correspondent souvent pas à ce que prévoit le droit du travail, qu'il s'agisse des amplitudes horaires ou des normes de sécurité. Mais les inspecteurs du travail manquent, dont le nombre, en saison, ne suit pas celui des saisonniers...
La précarité des travailleurs saisonniers est d'abord statutaire, faute de définition juridique satisfaisante du contrat saisonnier. La Cour de cassation précise, depuis 1999, que la distinction entre travail saisonnier et hausse de l'activité repose sur le caractère régulier, prévisible et cyclique de l'activité ou du travail. Pourquoi ne pas l'inscrire dans le code du travail ?
Pourquoi ne pas octroyer une priorité d'emploi au saisonnier si le même poste est ouvert la saison suivante ? Ce n'est le cas, aujourd'hui, que si la convention ou l'accord collectif le prévoit. Il faut corriger cette anomalie, soit en usant automatiquement de la clause de reconduction, soit en accordant aux travailleurs saisonniers la prime de précarité accordée en fin de contrat aux salariés en CDD. Cela mettrait un terme aux recours abusifs aux contrats saisonniers, notamment dans la grande distribution -qui bénéficie d'une exonération de cotisations patronales...
La précarité des travailleurs saisonniers est également fonctionnelle, au quotidien. Elle est due au manque de reconnaissance de leur qualification : 80 % des emplois dans le tourisme sont du premier niveau de qualification -en contradiction avec les attentes du secteur. Il faut une réflexion sur les parcours professionnels, sur les compétences que ces salariés peuvent valoriser dans d'autres emplois, avec un meilleur accès à la formation pour tous. Le développement des certificats de qualification professionnelle transversale serait bienvenu. Avec un meilleur accès à la formation, cela garantirait une meilleure insertion professionnelle. Les outils existent mais sont sous-utilisés, tel le programme européen Leonardo. Des cours de langue étrangère dans les lycées professionnels, la prise en compte de l'ancienneté sont d'autres pistes à explorer.
Enfin, la précarité est aussi sociale ; la plupart des travailleurs saisonniers ont des problèmes de transport et d'accès aux soins, éprouvent des difficultés à accéder à un logement décent. Les dispositifs existants leur sont mal adaptés. Pour encourager la mise à disposition du logement par l'employeur, pourquoi ne pas exonérer de TVA les travaux d'aménagement des chambres destinées au logement des salariés ?
Les horaires des travailleurs saisonniers sont souvent peu compatibles avec la vie familiale. La forte intensité, les horaires décalés ont également un impact sur leur santé, d'autant que l'accès aux soins est souvent difficile dans les stations. Le problème de la garde d'enfants est, enfin, parfois rédhibitoire. Il faut des changements concrets pour ces hommes et ces femmes indispensables à notre économie.
Un rapport parlementaire de plus serait inutile. C'est par le dialogue social que l'on peut progresser. Créons les conditions les plus favorables à l'amélioration des institutions représentatives du personnel. Sur le plan législatif, commençons par faire rentrer le contrat saisonnier dans le droit commun. La clause de reconduction doit devenir systématique ; à défaut, l'employeur paierait la prime de précarité. La fiscalité des contrats saisonniers doit être alignée sur celle des autres CDD : l'exonération de cotisations patronales applicable aux travailleurs occasionnels et aux demandeurs d'emploi n'a pas lieu d'être ici. C'est 450 millions dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2014. La solution passe aussi par une régulation au niveau européen.
La pérennisation et le développement des maisons des saisonniers, l'instauration d'une aide à la mobilité domicile-travail, l'amélioration de la protection médicale avec le recours éventuel à la médecine de ville là où la médecine du travail est défaillante, l'élargissement des possibilités de garde d'enfants sont autant d'actions à mener, en parallèle de la création d'un observatoire de l'emploi touristique ou de l'emploi saisonnier. Cela impose en outre un renforcement des moyens de l'inspection du travail.
Nous, élus communistes, menons de longue date le combat contre la précarité, pour une société qui place en son coeur l'humain et redonne du sens au travail. Pour cela, il faut savoir écouter les travailleurs. Je vous invite au colloque que nous tiendrons ici, au Sénat, les 1er et 2 avril prochain sur le travail saisonnier. Ce sera l'occasion, pour ces hommes et ces femmes, de faire entendre leur voix et de faire valoir leurs droits. (Applaudissements sur les bancs CRC ; Mmes Marie-Christine Blandin et Françoise Laborde applaudissent aussi)
Mme Anne Emery-Dumas . - Vaste sujet. Qui sont les travailleurs saisonniers ? Ils seraient 1,3 million chaque année, la plupart dans l'agriculture, l'hôtellerie-restauration et le tourisme. Depuis des années, la cueillette et les vendanges ne sont plus l'apanage des jeunes mais, de plus en plus, de chômeurs de longue durée ou de personnes en situation de grande précarité. Dans l'agriculture, le nombre de salariés détachés ressortissants d'un état nouvellement membre de l'Union européenne a grimpé de 1 000 % entre 2004 et 2012.
Certains saisonniers devraient être employés en CDD, d'autres le sont en CDI intermittent, par exemple dans le thermalisme ou chez un fabricant de fixations de skis implanté dans la Nièvre. Quelles sont leurs conditions de logements et de transport ? Quid de la formation, du remboursement des frais de santé ? Quels seront leurs droits à la retraite ? Bénéficieront-ils de l'Aspa s'ils quittent le territoire national ? Leur contrat achevé, les saisonniers étrangers quittent-ils le territoire ou alimentent-ils le triste vivier des clandestins ? Les difficultés des saisonniers sont nombreuses, en particulier pour les étrangers. L'inspection du travail doit renforcer ses contrôles.
La loi relative à la lutte contre la concurrence sociale déloyale de juin 2014, que j'ai eu l'honneur de rapporter, renforce les contrôles et les sanctions contre les entreprises qui recourent de manière abusive aux travailleurs détachés. C'est un premier pas important, avec l'extension de l'obligation de vigilance de l'entreprise, la responsabilité solidaire du donneur d'ordre et du maître d'ouvrage pour le paiement des salaires du sous-traitant, la constitution d'une liste noire d'entreprises condamnées pour travail illégal, la possibilité pour les associations et syndicats de se constituer partie civile.
La carte de séjour temporaire spécifique aux travailleurs saisonniers, créée en 2006, suppose un contrat de travail de plus de trois mois ; l'employeur doit démontrer qu'il n'a pu trouver de candidat en France. Ce titre de séjour ne suffit toutefois pas à garantir l'effectivité des droits à l'assurance maladie ou à la retraite. Il nous faut maintenant transposer la directive européenne relative aux travailleurs saisonniers non ressortissants de l'Union ; plusieurs documents doivent être fournis par la personne entrant sur le territoire de l'Union pour y occuper un emploi saisonnier, dont un contrat valable, la preuve qu'un logement décent sera fourni et que le loyer, si l'employeur fournit le logement, ne sera pas déduit du salaire. La délivrance de la CST-TS devra être accompagnée d'informations écrites sur ces éléments. Les États membres devront fixer la durée de validité de la carte de séjour, entre cinq et neuf mois ; une prolongation sera possible. Pour les séjours inférieurs à trois mois, les États membres devront délivrer un visa permettant à l'étranger d'exercer l'activité professionnelle pour laquelle il a été admis. Le travailleur saisonnier étranger bénéficiera des mêmes droits que les salariés du pays d'accueil. Les États membres devront mettre en place des outils de contrôle efficaces, ce qui implique un renforcement des moyens. La directive exige enfin des sanctions effectives et dissuasives contre les employeurs contrevenants. En cas de manquement par un sous-traitant, le contractant principal et tout sous-traitant intermédiaire pourront être tenus solidairement responsables de l'indemnisation due au travailleur -c'est fondamental dès lors que les saisonniers étrangers viennent en France par l'intermédiaire d'agences d'intérim installées dans d'autres pays.
Inspirons-nous des accords collectifs et des actions de prévention existantes -je pense notamment aux groupements d'employeurs dans les parcs de loisir ou les stations de tourisme. Je pense aussi à la formation des travailleurs saisonniers et, pour leur logement, à des conventions passées avec les bailleurs sociaux.
Les traitements indignes que subissent les travailleurs saisonniers ne sont pas acceptables. On l'a dit souvent ces derniers temps, et à raison, la France est le pays des droits de l'Homme. Il faut en faire une réalité. Le groupe socialiste y prendra toute sa part. (Applaudissements sur les bancs socialistes et CRC)
Mme Marie-Christine Blandin . - Qu'est-ce qu'un travailleur saisonnier ? Le code du travail n'apporte pas de réponse précise. La définition proposée par le site du ministère du travail parle d'une activité qui se répète chaque année, de manière régulière : c'est toute la différence avec l'intérim. Les saisonniers se retrouvent à 91 % dans l'agriculture, 62 % dans la restauration, 53 % dans l'agro-alimentaire, 44 % dans le commerce de détail ; 60,4 % des recrutements ont lieu dans les petites structures, de zéro ou un salarié. La part du travail saisonnier est en hausse : 39 % des prévisions d'embauche en 2014 contre 35,8% en 2013, soit 667 000 embauches potentielles.
Il n'existe pas de statut du travail saisonnier dans le code du travail. Une reconnaissance juridique permettrait de mieux encadrer les pratiques, de définir des règles et de limiter les abus. Les contrats saisonniers sont essentiellement des CDD mais n'ouvrent pas droit à la prime de précarité, d'où une injustice par rapport aux autres salariés et des abus de la part d'employeurs peu scrupuleux...
Les conditions de logement sont parfois difficiles car l'activité se déroule le plus souvent dans des zones tendues et les travailleurs sont relégués dans des logements inadmissibles... Or l'inspection du travail manque de moyens et la représentation syndicale des travailleurs saisonniers est très faible. Explorons toutes les pistes pour assurer aux travailleurs saisonniers des droits suffisants. En 2011, le Défenseur des droits appelait à définir précisément le travail saisonnier dans le code du travail, à améliorer la stabilité de l'emploi, via un cadre normatif ou incitatif favorisant une reconduction plus systématique des contrats, à accorder enfin une indemnité de fin de contrat. Il faudrait aussi envisager une prime spécifique pour le logement -lorsque l'employeur fournit celui-ci, une déclaration préalable favoriserait les contrôles.
Merci au groupe CRC d'avoir proposé ce débat. Il faut légiférer pour mettre un terme à la précarité des travailleurs saisonniers et à leur usage opportuniste. Monsieur le ministre, nos propositions sont convergentes : à votre plume ! (Applaudissements à gauche ; M. Matthias Fekl, secrétaire d'État, indique qu'il a déjà la plume en main)
M. Michel Le Scouarnec . - Salariés de l'ombre, les travailleurs saisonniers sont 2 millions. Leur apport est souvent sous-estimé. Dans le pays d'Auray, dans le Morbihan, ils représentent 20 % de l'emploi, 40 % des offres d'emploi en haute saison. La situation est similaire en montagne -mais je n'oublie pas que la région parisienne est la première pourvoyeuse d'emplois saisonniers. L'imprécision qui entoure leur statut est source de grande précarité. Les travailleurs saisonniers ne sont pas tous jeunes mais tous sont précaires. Jusqu'en 2011, leur allocation de chômage était minorée de 20 %... Si rien n'est fait, le contrat saisonnier sera le siphon qui entraînera tous les autres vers le bas...
Il faut actionner plusieurs leviers pour faire reculer cette précarité. Depuis la loi Montagne de 1985, initiatives gouvernementales et rapports se sont succédé -sans beaucoup d'effet. Que de préconisations... pour n'aboutir à aucune mesure efficace. Les solutions sont pourtant connues. Il serait par exemple efficace d'instituer un droit à la reconduction du contrat pour les saisonniers fidélisés, afin de bannir la peur du lendemain ; ou encore garantir un logement décent. Les élus du pays d'Auray ont ainsi créé un foyer pour les travailleurs saisonniers et leur ont dédié une part de l'auberge de jeunesse. Il faut agir aussi pour le transport, il est scandaleux que le coût de celui-ci soit à leur charge. L'éloignement géographique nuit à la vie familiale. Face au chômage de masse, l'emploi saisonnier est une chance, une richesse pour nos territoires, mais pas au détriment des droits ! (« Très bien ! » sur les bancs CRC)
La concurrence des travailleurs étrangers est féroce -et pénalise tous les saisonniers ; une harmonisation au sein de l'Union s'impose, comme le suggère le Cese européen. (Même mouvement)
La saisonnalité doit être considérée non comme un frein mais comme un levier. Première destination touristique au monde, la France doit être à la pointe. Dans le pays d'Auray, la maison de l'emploi a su fédérer tous les acteurs : elle propose une sécurisation des parcours professionnels et un accompagnement des entreprises comme des saisonniers, s'occupe du logement des travailleurs saisonniers, propose des formations, par exemple sur l'hôtellerie de plein air -ce dernier dispositif afin de pérenniser la main-d'oeuvre tout en la qualifiant.
Mme Annie David. - Très bien !
M. Michel Le Scouarnec. - Les acteurs, dont le conseil régional de Bretagne, ont aussi mis en place une formation alternante mer et montagne. Les travailleurs saisonniers ont ainsi du travail neuf mois sur douze : ce n'est pas assez mais c'est déjà ça... Au vu de leur succès, ces expériences mériteraient d'être élargies.
L'emploi saisonnier n'est pas une anomalie, c'est une composante du parcours professionnel et du marché de l'emploi, un enjeu économique pour nos territoires. Les propositions d'Anicet Le Pors sont toujours d'actualité. Les travailleurs saisonniers attendent des gestes forts du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs CRC)
Mme Françoise Laborde. - Bravo !
M. Jean-Claude Requier . - Merci à nos collègues du groupe CRC. La situation des travailleurs saisonniers dans notre pays est insatisfaisante. Le rapport d'Anicet Le Pors le soulignait déjà en 1999. Depuis, la situation a peu évolué. Le dynamisme du secteur du tourisme cache mal la précarité des travailleurs saisonniers, qui sont pourtant garants de l'attractivité de nos territoires. Ils interviennent aussi dans la grande distribution ou la fonction publique, secteur qui dépend pourtant assez peu des saisons...
Lors du troisième forum social des saisonniers à Chambéry, tous ont réclamé un véritable statut. Il faut agir à plusieurs niveaux. La pénurie de logements abordables est une entrave à l'emploi. On se souvient du drame de La Clusaz où deux jeunes saisonniers ont trouvé la mort dans l'incendie de leur camion... Quant au transport, on sait que les temps de trajet peuvent être très longs dans les zones touristiques, notamment en montagne ; il faut faciliter les trajets.
La prime de précarité est une des principales revendications des travailleurs saisonniers. Lors du débat sur la sécurisation de l'emploi, le RDSE avait proposé la reconduction automatique du contrat, sauf motif réel et sérieux, ainsi que le recours au CDI intermittent en l'absence d'accord collectif dans les régions touristiques -dispositifs rejetés par le Gouvernement... Aujourd'hui, ce contrat est utilisé à titre expérimental dans trois secteurs : les chocolateries, la formation et le commerce des articles de sports. Ne faudrait-il pas l'étendre ?
Le rapport Nogué propose vingt-et-un leviers d'action, dont quatre pour déprécariser l'emploi saisonnier. Michel Sapin et Sylvia Pinel souhaitent la mise en place d'un groupe de travail dans le cadre des assises du tourisme. Quelles suites y sera-t-il donné ? (M. François Bonhomme s'amuse)
Dans l'île paradisiaque de Saint-Martin, le secteur du tourisme est un pilier de l'économie. Les Saint-Martinois, durement frappés par le chômage, sont à la fois victimes de la concurrence des saisonniers étrangers et du travail dissimulé...
Bref, le sujet mérite réflexion. Merci au groupe CRC de l'avoir soulevé. (Applaudissements à gauche)
M. Loïc Hervé . - C'est un paradoxe : alors que le travail saisonnier est devenu un fait incontournable, les pouvoirs publics n'ont pas su accompagner cette évolution majeure du marché du travail. Les travailleurs saisonniers représentent plus de 5 % de l'emploi en France. Le travail saisonnier s'est considérablement développé avec le tourisme. Première destination touristique au monde, nous ne pouvons l'ignorer.
Dans mon département de Haute-Savoie, le travail saisonnier est un véritable poumon. Ne négligeons pas le travail saisonnier induit -les services à la personne notamment. Le secteur agricole est également très concerné -M. Kern y reviendra.
Or plus le travail saisonnier s'est développé, plus les conditions de travail des travailleurs se sont dégradées. Quid du logement, de la formation ? M. Requier a rappelé le drame de la mort de deux saisonniers dans l'incendie de leur caravane, en Haute-Savoie...
Il n'existe pas de statut du travail saisonnier. Ce secteur s'est développé sans que notre droit n'en accompagne l'essor, ce qui est facteur de précarité. La question de la pérennisation des contrats saisonniers était déjà soulevée lors de l'examen de la loi Montagne de 1985... Le compte personnel de formation est inadapté aux travailleurs saisonniers, de même que le compte de pénibilité. La pluriactivité, le cumul des contrats ne sont pas pris en compte.
Employeurs et collectivités ont tenté de réagir, les exemples sont nombreux. Des stations de sports d'hiver ont acheté des immeubles et les ont aménagés pour y accueillir les saisonniers, des maisons des saisonniers ont été ouvertes pour informer salariés et employeurs. On peut citer encore le partenariat entre les communes de bord de mer qui prévoit un échange de saisonniers, le Forum des saisonniers ou la mise en place de Perennitas, un logiciel de gestion de la saisonnalité et de la pluriactivité.
Ces initiatives ne suffisent pas toutefois à combler le manque d'un statut. L'heure n'est plus aux rapports. Le Gouvernement demandera-t-il aux partenaires sociaux d'avancer, quitte à légiférer en cas d'échec ? La clause de reconduction, principale revendication des travailleurs saisonniers, est une question prioritaire. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC)
M. René-Paul Savary . - Monsieur le ministre, vous étiez dans la Marne il y a quelques jours : vous avez vu que l'économie du champagne était florissante, mais qu'elle était aussi confrontée à des problèmes, notamment celui des saisonniers. Les charges sociales commencent à peser très lourdement, ainsi que les normes, alors que la concurrence internationale bat son plein. Il faut pourtant sauvegarder la tradition des vendanges manuelles ! (Mme Annie David s'amuse) Oui, les vendanges se font à la main en Champagne, c'est essentiel pour la notoriété d'un vin qui fait pétiller les yeux quand on en parle ! (Sourires) C'est une formidable carte de visite...
Alors que le chômage sévit, on a de plus en plus recours à des vendangeurs étrangers... La remise en cause des contrats Vendange, exonérés de cotisation sociale à plus de 82 %, inquiète.
Mme Cécile Cukierman. - Quand on sait les bénéfices de certaines grandes maisons de champagne !
M. René-Paul Savary. - C'est ce qui explique que leurs salariés soient payés au-delà de deux fois le Smic et qu'elles ne soient pas concernées par le CICE !
M. Jean Desessard. - On ne va pas délocaliser le champagne... (Sourires)
M. René-Paul Savary. - Heureusement que des secteurs florissants tirent les salaires vers le haut et participent à notre balance commerciale. (M. Cédric Perrin applaudit)
Lorsque le vendangeur a 60 ou 80 euros de moins dans sa poche, faut-il que l'employeur compense par une prime ? Auquel cas les charges patronales seraient multipliées par trois... Quelques chiffres. Les charges patronales pour un cueilleur payé à 9,43 euros de l'heure sont passées pour une semaine de 68 euros en 2012 à 112 euros en 2013 ; pour un pressureur, c'est pire, de 55 à 482 euros. Au total, le coût des vendanges a augmenté de 6 millions ! Cela méritait d'être souligné !
Mme Annie David. - Tant mieux pour les caisses de la sécurité sociale !
M. René-Paul Savary. - Président de conseil général, je m'entends dire que trop peu de bénéficiaires du RSA travaillent aux vendanges. Et pour cause ! Les allocataires ne sont pas incités à rechercher une rémunération supplémentaire... (Applaudissements sur les bancs UMP et UDI-UC)
M. Henri Cabanel . - Merci au groupe CRC : ce sujet est trop rarement abordé au Parlement. Je suis heureux que l'on accorde aujourd'hui aux travailleurs saisonniers l'attention qu'ils méritent.
Les limites du statut sont connues : pas de prime de précarité, risques professionnels, absence de formation, rythmes effrénés, horaires décalés... Les principales infractions constatées relèvent de la sous-déclaration. Le drame récent de Haute-Savoie illustre le problème du logement des travailleurs saisonniers.
Pour faciliter la création d'emplois durables, des actions de structuration de l'emploi saisonnier ont été menées en Languedoc-Roussillon, et notamment dans l'Hérault, avec des résultats probants : près de 90 groupements d'employeurs ont vu le jour. Un GEIQ a été créé, qui a formé 60 personnes. Aujourd'hui, quatre GEIQ existent dans l'Hérault, dans des secteurs très divers. Le Gouvernement envisage-t-il des aides au démarrage ?
Les travailleurs saisonniers non ressortissants de l'Union européenne sont dans une situation particulièrement dure : leurs droits sont bafoués, leurs conditions de logement indignes. Des prestataires proposent des travailleurs à 11 euros de l'heure, sans formalité, payables sur facture. Le prestataire assure le gîte et le couvert, quitte à opérer un prélèvement sur le salaire. Le taux horaire est rarement respecté : c'est scandaleux. Les agriculteurs font appel à ces sociétés car ils peinent à trouver des salariés, et aussi pour s'épargner des lourdeurs administratives. Ces emplois ne participent pas à la solidarité nationale.
Le Parlement européen a réagi avec sa directive le 5 février 2014. Quels changements le Gouvernement attend-il de sa transposition, notamment en ce qui concerne les contrôles et les sanctions ? (Applaudissements à gauche)
M. Claude Kern . - Je remercie à mon tour le groupe CRC de son initiative. Frontalier, je me concentrerai sur les travailleurs saisonniers agricoles et la concurrence avec l'Allemagne. Depuis dix ans, les cultures de légumes ont diminué de 30 % en France, quand elles augmentaient d'autant en Allemagne. Carottes, oignons, asperges ou fraises sont particulièrement concernées. Dans ce secteur, beaucoup d'opérations ne sont pas mécanisables.
La création d'un salaire minimum en Allemagne est une première étape vers la convergence, mais les fruits et légumes en seront dispensés pendant trois ans ; les employeurs seront exonérés de charges sociales pour les contrats de moins de 70 jours et pourront déduire le gîte et le couvert.
En France, seuls les salaires inférieurs à 1,25 Smic bénéficient du taux le plus réduit. À 1,5 Smic, il n'y a plus d'exonération et le taux de charges s'élève à 40 %. Quant au CICE, il n'est versé qu'après la déclaration fiscale.
Nous pâtissons d'un droit du travail trop rigide. En Allemagne, il n'y a pas de durée maximale du travail alors qu'elle est de 48 heures en France. Les premières heures supplémentaires ne sont comptabilisés qu'à partir de la soixantième, le dimanche est un jour comme les autres. (On s'en indigne sur les bancs CRC)
Le compte pénibilité ajoute aux contraintes imposées aux entreprises françaises. Qu'entend faire le Gouvernement pour mettre fin aux distorsions de concurrence qui menacent le tissu agricole français ? (Applaudissements à droite et au centre)
M. André Reichardt . - Ce débat vient à point, au lendemain de la publication par l'Acoss du nombre de CDI et de CDD conclus en 2014 : moins de 3 millions de CDI en 2014, soit la somme la plus faible depuis 2009, quand les CDD résistaient. Que le marché du travail se précarise n'est pas un scoop, non plus que la frilosité des employeurs face à la crise. Mais on peut aussi conclure de ces chiffres que le travail saisonnier peut jouer un rôle déterminant dans la bataille de l'emploi. Les jeunes travailleurs peuvent y trouver une première expérience fructueuse -sans formation, hélas. Le travailleur saisonnier bénéficie des droits classiques offerts aux salariés, sauf la mensualisation de son salaire et la prime de précarité.
Comment expliquer la baisse de surfaces cultivées en légumes en France et leur hausse en Allemagne ? Par la disparité des coûts de production, à n'en pas douter. Le régime spécial pour l'emploi de courte durée, qui s'applique aux contrats de moins de trois mois ou soixante-dix jours ouvrés, exonère totalement les employeurs allemands des charges sociales sur les travailleurs saisonniers, et s'ils sont désormais soumis au versement d'un salaire minimum -lequel, précisons-le, sera de 8,50 euros de l'heure, contre 9,61 € en France-, ils peuvent en déduire les frais du logement et des repas. (Mme Annie David s'indigne) En outre, une dérogation est prévue pour l'agriculture jusqu'en 2017.
Si nous ne pouvons réduire cet écart de compétitivité, au moins ne l'aggravons pas ! Maintenons les exonérations sociales existantes et hâtons la convergence engagée. Je dénonce une fois de plus le dumping social issu en particulier de la réglementation applicable aux travailleurs détachés. La nouvelle directive doit être transposée au plus vite.
« Faute de grives, on mange des merles » : sans être la panacée, le travail saisonnier participe à la lutte contre le chômage. Le Gouvernement doit prendre toute sa place dans le débat européen en faveur de l'harmonisation sociale qui rendra à la France, je l'espère, la compétitivité qu'elle a perdue. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Franck Montaugé . - Le Gers est particulièrement concerné par le travail saisonnier. Ce débat sera utile si nous nous accordons sur des améliorations législatives qui ne nuiraient pas à notre compétitivité.
Le travail saisonnier n'est pas défini par la loi. Les conditions d'emploi s'écartent trop souvent des règles applicables : durée de travail, horaires, hygiène et sécurité, transport, logement...
Après vingt ou trente ans de cotisation pour la retraite, certains saisonniers en sont réduits au minimum vieillesse. Les accords signés pour améliorer les choses ne couvrent pas tous les travailleurs saisonniers : il faudra les étendre par voie législative.
Quant aux clandestins, leur situation est encore pire et peut s'apparenter à de l'esclavage. C'est pourquoi une carte de séjour temporaire peut être délivrée depuis 2006. De même, l'Union européenne s'est dotée, en 2014, d'une directive sur le travail saisonnier des non-ressortissants. Il faudrait aussi se demander pourquoi ces gens quittent leur pays...
Selon la directive, les employeurs devront fournir des pièces aux administrations ; le loyer ne pourra être déduit du salaire, des contrôles devront être mis en place par les États membres. La transcription de ce texte doit être l'occasion d'améliorer la loi de 2006 et de mettre en oeuvre les recommandations faites en 2011 par le Défenseur des droits. Pourquoi ne pas favoriser la création de groupements d'employeurs saisonniers, notamment dans les territoires ruraux ? Il y va de l'égalité des droits des travailleurs qui contribuent tous à la prospérité de notre pays. (Applaudissements à gauche)
M. Michel Savin . - En Rhône-Alpes, on compte 35 000 travailleurs saisonniers dans le secteur du tourisme, souvent jeunes et qui adoptent ce type d'emploi plusieurs années de suite. Le choix est, hélas, généralement dicté par la nécessité. On rencontre trop de travailleurs saisonniers logés dans des habitations insalubres ou contraints de dormir dans leur véhicule.
Souvent, ils alternent contrat saisonnier et CDD classique le reste de l'année. La précarité leur interdit de se projeter dans l'avenir. Quant aux employeurs, ils ont le plus grand mal à fidéliser leur main-d'oeuvre : je pense à l'exploitant de remontées mécaniques.
C'est pour aider nos petites entreprises à pérenniser leur activité et les salariés à vivre dans nos massifs montagneux qu'a été créé en 2006 le CDI intermittent. Encore faut-il un accord collectif. Or les entreprises du secteur, souvent artisanales, n'ont pas la taille minimale requise et sont peu représentées dans les instances professionnelles. Le rapport d'évaluation de cette expérimentation se fait attendre...
Souhaitons que ce débat débouche sur des propositions concrètes, afin d'améliorer les conditions de vie de ces salariés. (Applaudissements à droite)
M. François Commeinhes . - La question est capitale, sur le littoral tout particulièrement. Le travail saisonnier est indissociable de l'agriculture et des métiers du vivant. Mieux accueillir les ouvriers agricoles ne peut avoir qu'un effet vertueux. Ils ne font pas que nous nourrir mais préservent nos paysages. La main-d'oeuvre locale faisant souvent défaut, les employeurs sont conscients de la nécessité d'offrir à leurs saisonniers un logement confortable. Or l'accumulation des normes les en empêche...
Nous avons débattu, en loi de finances, du maintien du contrat « Vendanges ». Quant au logement, l'agriculture est soumise à de très fortes pressions, notamment près du littoral où les constructions sont limitées. Les contraintes réglementaires freinent le recours par les agriculteurs à ces dispositifs.
La création de hameaux nouveaux intégrés à l'environnement, prévue par la loi Littoral, n'est pas une solution adaptée... Il faut autoriser la construction de logements sur un zonage dédié, les collectivités étant associées à leur contrôle. C'est ainsi que nous soutiendrons l'économie locale et l'emploi. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Cyril Pellevat . - En Haute-Savoie, première destination touristique après Paris, le travail saisonnier concerne au premier chef le tourisme, secteur dynamique qui regroupe de très nombreuses activités, été comme hiver ; on estime le nombre de saisonniers à 22 000 par an. En montagne, les contrats courent de novembre à mars et de mai à septembre. Les jeunes, premiers concernés, doivent ainsi accepter une grande mobilité professionnelle.
Pour certains, la saisonnalité est choisie ; pour d'autres, elle est subie. Il faut aussi entendre les difficultés des employeurs, confrontés à un fort turn-over. Beaucoup aimeraient garantir un emploi plus stable et annualiser leurs saisonniers mais ils sont confrontés à la lourdeur des charges patronales.
En été, cinq jours de mauvais temps sont difficiles à gérer... Certains entrepreneurs aimeraient plus de souplesse, dans un système gagnant-gagnant.
La question du logement des saisonniers se pose également, alors que l'objectif de 500 000 logements neufs par an paraît plus que jamais hors de portée... Depuis le drame de La Clusaz, une réflexion a été lancée, des mesures mises en oeuvre.
Le plan de la région Rhône-Alpes pour la saisonnalité, le guide d'information publié par le conseil général de Haute-Savoie méritent d'être mentionnés.
Sur la précarité, la formation, le droit du travail, les charges patronales, le logement, j'attends de connaître les intentions du Gouvernement. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger . - Veuillez excuser M. Rebsamen qui n'a pu venir ce soir mais suit la question de très près. Je salue à mon tour l'initiative du groupe CRC.
M. Michel Le Scouarnec. - Pour une fois que mon groupe suscite l'unanimité... (Sourires)
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État. - Le travail saisonnier concerne divers secteurs économiques ayant chacun leurs spécificités, de nombreux salariés, leurs droits, leurs conditions de travail et de logement, leur protection sociale. Ce sont souvent des salariés exposés, en situation de fragilité. Les saisonniers étrangers, européens ou non, ont parfois des conditions de travail indignes.
L'agriculture et le tourisme auront toujours besoin de saisonniers. Le Gouvernement est très attentif à ce sujet qui touche nos territoires ; je le suis en tant que secrétaire d'État au tourisme mais aussi en tant qu'élu du Lot-et-Garonne, un département rural à l'agriculture très diversifiée. Ce débat nous donne l'occasion de faire le point et de dégager des pistes d'amélioration. Un travail interministériel sera nécessaire ; je relaierai vos préoccupations auprès des ministres concernés.
Vous avez regretté l'absence de statut juridique du travail saisonnier, qui n'est défini que par la circulaire du 30 octobre 1990. On rencontre les travailleurs saisonniers surtout dans l'agriculture et le tourisme ; ils sont entre 1,3 et 1,5 million. Les chiffres ne sont que des estimations : environ 800 000 contrats saisonniers dans le secteur agricole, 700 000 dans le tourisme. Les travailleurs saisonniers sont touchés par la crise et les difficultés, avec un accès moindre à la formation professionnelle, des difficultés de logement, d'accès aux soins. Beaucoup sont en situation de grande précarité.
De plus en plus de seniors, de demandeurs d'emploi se tournent vers le travail saisonnier. Des initiatives se multiplient sur le terrain pour tenter de stabiliser les parcours professionnels. Les collectivités territoriales, notamment, sont très impliquées. Plusieurs rapports suggèrent des pistes ; le rapport Vanson de novembre 2011, le rapport Nogué de 2013, le rapport du Cese de septembre 2014, entre autres.
La situation des saisonniers doit être améliorée. Le Gouvernement privilégie la négociation et l'engagement des partenaires sociaux. Les travailleurs saisonniers demandent une compensation de la précarité de leur emploi. Le rapport Nogué contient des propositions sur ce point. Certaines branches et conventions collectives ont déjà fait des avancées dans ce secteur, notamment pour les domaines skiables. Deuxième revendication : accéder à des formes alternatives d'emploi, à des CDI. Le CDI intermittent a été expérimenté à la suite de la loi de sécurisation de l'emploi du 14 juin 2014, qui concerne les 54 000 salariés dans les secteurs du commerce d'articles de sport et d'équipements de loisirs ainsi que les 10 000 salariés de la confiserie-chocolaterie-biscuiterie.
Sur la base du bilan de cette expérimentation, M. Rebsamen lancera une concertation avec les partenaires sociaux pour voir s'il convient de généraliser ce type de contrat par la loi ou de privilégier la voie de la négociation de branche.
Le tiers employeur est aussi une piste à explorer. La loi autorise la mise à disposition des salariés des groupements d'employeurs, ce qui permet aux salariés de s'approcher d'un temps plein. Idem pour les coopératives CRE ou les ETTP.
Ces solutions pragmatiques sécurisent les salariés et facilitent l'accès à la formation. Nous voulons encourager les initiatives des partenaires sociaux. Le droit à un crédit de 21 heures de formation pour les saisonniers de l'hôtellerie-restauration bénéficie à plus de 3 000 saisonniers depuis 2008.
L'accord de branche de l'hôtellerie de plein air, expérimenté dans plusieurs régions, va dans le même sens. Les actions de formation destinées aux travailleurs saisonniers sont souvent soutenues par l'État et les régions ; ce soutien doit être poursuivi.
L'ANI de 2013, transposé dans la loi en 2014, répond à certains besoins des travailleurs saisonniers, avec le compte personnel de formation, ouvert à toute personne de plus de 16 ans.
Enfin, l'amélioration de la situation des travailleurs saisonniers doit intégrer l'accueil, l'information, l'accès aux droits. Une trentaine de maisons des saisonniers existent pour répondre à des questions très concrètes ; elles rencontrent des problèmes de financement. Il faut les pérenniser, identifier les lieux où de telles structures manquent. Ces initiatives doivent être confortées ; le Gouvernement y est très attentif.
Il importe de développer des solutions de logement spécifiques, avec des solutions pérennes, comme des résidences mixtes pour étudiants pendant l'année universitaire et pour saisonniers durant la saison estivale. C'est une solution inventive, pragmatique.
M. Michel Le Scouarnec. - Très bien.
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État. - Les travailleurs saisonniers font souvent face à des accidents du travail et des maladies professionnelles spécifiques, sans toujours bénéficier d'un suivi médical suffisant. Des créneaux pourraient leur être réservés en début de saison touristique, comme à la rentrée pour les apprentis.
J'en viens au sujet très complexe et sensible des salariés détachés. La directive du 15 mai 2014 améliore l'effectivité de la directive de 1996 sur le détachement de travailleurs dans le cadre d'une prestation de services. La France a eu une position d'extrême fermeté pour un texte ambitieux luttant contre le dumping social et la concurrence déloyale. La loi du 10 juillet 2014 a largement transposé cette directive ; des travaux sont en cours pour identifier si d'autres mesures législatives sont nécessaires.
L'Europe sociale demeure plus que jamais un objectif. Le choix de l'Allemagne de s'engager sur un salaire minimum est, à cet égard, un indice très encourageant. Il aura des répercussions dans notre pays, notamment dans les zones frontalières.
Vous avez rappelé les difficultés liées au travail illégal. Cela fait l'objet d'une attention particulière du Gouvernement, autour de deux axes : contrôle et prévention. 65 000 contrôles sont effectués chaque année dans les secteurs prioritaires. Chaque Dirreccte compte désormais un pôle « travail illégal ». Les caisses de la MSA ont diffusé des dépliants d'information destinés aux exploitants agricoles sur le risque qu'il y a à s'adresser à des prestataires étrangers sans s'assurer qu'ils respectent toutes nos règles.
L'Union européenne s'est dotée, le 17 février 2014, d'une directive sur l'emploi saisonnier des ressortissants non communautaires, que la France doit transposer avant août 2016. Le Gouvernement fera en sorte que cette transposition soit effective au plus tôt.
Je ferai part de nos échanges à mes collègues du Gouvernement afin que les pistes évoquées ici soient toutes expertisées et versées au débat, qu'elles soient anciennes ou neuves. Il faut progresser sur ce sujet complexe ; l'État doit avoir un rôle d'impulsion, engager les partenaires sociaux à avancer ensemble, par la négociation collective.
Merci au groupe CRC, à tous les intervenants qui ont nourri ce débat de leur expertise. Ce débat ne peut pas être une fin, il doit être le début d'un travail interministériel exigeant et ambitieux, pour améliorer la situation des travailleurs salariés dans notre pays. C'est la volonté du Gouvernement, je sais que c'est aussi la vôtre. (Applaudissements)
Commission d'enquête (Nominations)
M. le président. - Je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidats pour la commission d'enquête sur le fonctionnement du service public de l'éducation, sur la perte de repères républicains que révèle la vie dans les établissements scolaires et sur les difficultés rencontrées par les enseignants dans l'exercice de leur profession. La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées, et je proclame MM. Patrick Abate, David Assouline, Mme Marie-Christine Blandin, M. Jean-Claude Carle, Mmes Françoise Cartron, Marie-Annick Duchêne, Françoise Férat, MM. Jacques Grosperrin, Éric Jeansannetas, Mme Gisèle Jourda, MM. Guy-Dominique Kennel, Claude Kern, Mme Françoise Laborde, MM. Jacques Legendre, Gérard Longuet, Jacques-Bernard Magner, Alain Marc, Mmes Danielle Michel, Marie-Françoise Perol-Dumont, M. Michel Savin et Mme Catherine Troendlé membres de la commission d'enquête sur le fonctionnement du service public de l'éducation, sur la perte de repères républicains que révèle la vie dans les établissements scolaires et sur les difficultés rencontrées par les enseignants dans l'exercice de leur profession.
Prochaine séance demain, mercredi 28 janvier 2015, 14 h 30.
La séance est levée à 23 h 55.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
Ordre du jour du mercredi 28 janvier 2015
Séance publique
Présidence :
M. Jean-Pierre Caffet, vice-président
Secrétaires :
M. Philippe Adnot - M. Serge Larcher
De 14 h 30 à 18 h 30
1. Suite de la proposition de loi relative à la protection de l'enfant, présentée par Mme Michelle Meunier et plusieurs de ses collègues (n°799, 2013-2014).
Rapport de Mme Michelle Meunier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°146, 2014-2015).
Texte de la commission (n°147, 2014-2015).
Avis de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n°139, 2014-2015).
De 18 h 30 à 21 h
2. Débat sur le thème« quels emplois pour demain ? ».
Analyse des scrutins publics
Scrutin n°84 sur l'ensemble du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
Résultat du scrutin
Nombre de votants :344
Suffrages exprimés :203
Pour :192
Contre :11
Le Sénat a adopté.
Analyse par groupes politiques
Groupe UMP (143)
Pour : 139
Contre : 2 - MM. Francis Delattre, Philippe Dominati
Abstention : 1 - M. Alain Milon
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, président du Sénat
Groupe socialiste (111)
Pour : 1 - M. Roger Madec
Contre : 1 - Mme Samia Ghali
Abstentions : 107
N'ont pas pris part au vote : 2 - MM. Gérard Collomb, René Vandierendonck
Groupe UDI-UC (43)
Pour : 40
Contre : 2 - M. Vincent Delahaye, Mme Sophie Joissains
Abstention : 1 - Mme Sylvie Goy-Chavent
Groupe CRC (19)
Abstentions : 19
Groupe RDSE (13)
Pour : 10
Contre : 1 - M. Alain Bertrand
Abstentions : 2 - M. Robert Hue, Mme Hermeline Malherbe
Groupe écologiste (10)
Abstentions : 10
Sénateurs non-inscrits (9)
Pour : 2 - MM. Philippe Adnot, Jean Louis Masson
Contre : 5
Abstention : 1 - M. Robert Navarro
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Alex Türk