Débat sur la situation des travailleurs saisonniers
M. le président. - L'ordre du jour appelle un débat sur la situation des travailleurs saisonniers dans notre pays.
Mme Annie David, pour le groupe CRC . - Dans un contexte économique difficile, alors que le nombre de familles éprouvant des difficultés à satisfaire leurs besoins les plus élémentaires comme celui des personnes privées d'emploi ne cessent de croître, les conditions de travail des salariés se dégradent tandis que se réduisent les moyens de défendre leurs droits. Ce constat vaut d'autant plus pour les saisonniers, de plus en plus précarisés. Le travail saisonnier s'étend du tourisme à l'agro-alimentaire. Traditionnellement, il s'agissait d'un jeune recherchant un emploi tremplin vers un emploi plus stable. Ce n'est plus le cas aujourd'hui : désormais, on retrouve aussi parmi les saisonniers des retraités, des seniors licenciés peu avant la retraite, des femmes exclues du marché de l'emploi, des travailleurs migrants...
En droit, seules des circulaires encadrent l'activité saisonnière, définie comme l'exécution de tâches normalement appelées à se répéter chaque année, à des dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs. Il n'y a ni définition légale, ni comptabilisation officielle du nombre de travailleurs saisonniers. On l'estime à 2 millions en France, dont 900 000 dans le secteur du tourisme. Le rapport d'Anicet Le Pors, réalisé en 1999 à la demande de Mme Demessine, a ouvert de nombreux chantiers pour améliorer les conditions de travail des travailleurs saisonniers -mais parmi ses 31 propositions, nombreuses sont celles qui restent d'actualité.
L'enquête de la JOC, le rapport du médiateur de la République en 2011, celui, plus récent, de M. Nogué ou le Forum des saisonniers de Chambéry ont rappelé l'actualité de ces propositions. J'ai interpellé le Gouvernement à trois reprises car mon département est particulièrement concerné. Sans la vitalité et la disponibilité de ces salariés indispensables, une grande partie du territoire serait un désert économique et social. Ils contribuent à mettre en valeur notre patrimoine et à préserver des savoir-faire traditionnels.
C'est pourquoi nous plaidons pour l'amélioration de leurs droits et de leurs conditions de travail et de vie. La typologie même de l'activité interdit trop souvent l'information des salariés sur leurs droits. Leurs conditions d'emploi ne correspondent souvent pas à ce que prévoit le droit du travail, qu'il s'agisse des amplitudes horaires ou des normes de sécurité. Mais les inspecteurs du travail manquent, dont le nombre, en saison, ne suit pas celui des saisonniers...
La précarité des travailleurs saisonniers est d'abord statutaire, faute de définition juridique satisfaisante du contrat saisonnier. La Cour de cassation précise, depuis 1999, que la distinction entre travail saisonnier et hausse de l'activité repose sur le caractère régulier, prévisible et cyclique de l'activité ou du travail. Pourquoi ne pas l'inscrire dans le code du travail ?
Pourquoi ne pas octroyer une priorité d'emploi au saisonnier si le même poste est ouvert la saison suivante ? Ce n'est le cas, aujourd'hui, que si la convention ou l'accord collectif le prévoit. Il faut corriger cette anomalie, soit en usant automatiquement de la clause de reconduction, soit en accordant aux travailleurs saisonniers la prime de précarité accordée en fin de contrat aux salariés en CDD. Cela mettrait un terme aux recours abusifs aux contrats saisonniers, notamment dans la grande distribution -qui bénéficie d'une exonération de cotisations patronales...
La précarité des travailleurs saisonniers est également fonctionnelle, au quotidien. Elle est due au manque de reconnaissance de leur qualification : 80 % des emplois dans le tourisme sont du premier niveau de qualification -en contradiction avec les attentes du secteur. Il faut une réflexion sur les parcours professionnels, sur les compétences que ces salariés peuvent valoriser dans d'autres emplois, avec un meilleur accès à la formation pour tous. Le développement des certificats de qualification professionnelle transversale serait bienvenu. Avec un meilleur accès à la formation, cela garantirait une meilleure insertion professionnelle. Les outils existent mais sont sous-utilisés, tel le programme européen Leonardo. Des cours de langue étrangère dans les lycées professionnels, la prise en compte de l'ancienneté sont d'autres pistes à explorer.
Enfin, la précarité est aussi sociale ; la plupart des travailleurs saisonniers ont des problèmes de transport et d'accès aux soins, éprouvent des difficultés à accéder à un logement décent. Les dispositifs existants leur sont mal adaptés. Pour encourager la mise à disposition du logement par l'employeur, pourquoi ne pas exonérer de TVA les travaux d'aménagement des chambres destinées au logement des salariés ?
Les horaires des travailleurs saisonniers sont souvent peu compatibles avec la vie familiale. La forte intensité, les horaires décalés ont également un impact sur leur santé, d'autant que l'accès aux soins est souvent difficile dans les stations. Le problème de la garde d'enfants est, enfin, parfois rédhibitoire. Il faut des changements concrets pour ces hommes et ces femmes indispensables à notre économie.
Un rapport parlementaire de plus serait inutile. C'est par le dialogue social que l'on peut progresser. Créons les conditions les plus favorables à l'amélioration des institutions représentatives du personnel. Sur le plan législatif, commençons par faire rentrer le contrat saisonnier dans le droit commun. La clause de reconduction doit devenir systématique ; à défaut, l'employeur paierait la prime de précarité. La fiscalité des contrats saisonniers doit être alignée sur celle des autres CDD : l'exonération de cotisations patronales applicable aux travailleurs occasionnels et aux demandeurs d'emploi n'a pas lieu d'être ici. C'est 450 millions dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2014. La solution passe aussi par une régulation au niveau européen.
La pérennisation et le développement des maisons des saisonniers, l'instauration d'une aide à la mobilité domicile-travail, l'amélioration de la protection médicale avec le recours éventuel à la médecine de ville là où la médecine du travail est défaillante, l'élargissement des possibilités de garde d'enfants sont autant d'actions à mener, en parallèle de la création d'un observatoire de l'emploi touristique ou de l'emploi saisonnier. Cela impose en outre un renforcement des moyens de l'inspection du travail.
Nous, élus communistes, menons de longue date le combat contre la précarité, pour une société qui place en son coeur l'humain et redonne du sens au travail. Pour cela, il faut savoir écouter les travailleurs. Je vous invite au colloque que nous tiendrons ici, au Sénat, les 1er et 2 avril prochain sur le travail saisonnier. Ce sera l'occasion, pour ces hommes et ces femmes, de faire entendre leur voix et de faire valoir leurs droits. (Applaudissements sur les bancs CRC ; Mmes Marie-Christine Blandin et Françoise Laborde applaudissent aussi)
Mme Anne Emery-Dumas . - Vaste sujet. Qui sont les travailleurs saisonniers ? Ils seraient 1,3 million chaque année, la plupart dans l'agriculture, l'hôtellerie-restauration et le tourisme. Depuis des années, la cueillette et les vendanges ne sont plus l'apanage des jeunes mais, de plus en plus, de chômeurs de longue durée ou de personnes en situation de grande précarité. Dans l'agriculture, le nombre de salariés détachés ressortissants d'un état nouvellement membre de l'Union européenne a grimpé de 1 000 % entre 2004 et 2012.
Certains saisonniers devraient être employés en CDD, d'autres le sont en CDI intermittent, par exemple dans le thermalisme ou chez un fabricant de fixations de skis implanté dans la Nièvre. Quelles sont leurs conditions de logements et de transport ? Quid de la formation, du remboursement des frais de santé ? Quels seront leurs droits à la retraite ? Bénéficieront-ils de l'Aspa s'ils quittent le territoire national ? Leur contrat achevé, les saisonniers étrangers quittent-ils le territoire ou alimentent-ils le triste vivier des clandestins ? Les difficultés des saisonniers sont nombreuses, en particulier pour les étrangers. L'inspection du travail doit renforcer ses contrôles.
La loi relative à la lutte contre la concurrence sociale déloyale de juin 2014, que j'ai eu l'honneur de rapporter, renforce les contrôles et les sanctions contre les entreprises qui recourent de manière abusive aux travailleurs détachés. C'est un premier pas important, avec l'extension de l'obligation de vigilance de l'entreprise, la responsabilité solidaire du donneur d'ordre et du maître d'ouvrage pour le paiement des salaires du sous-traitant, la constitution d'une liste noire d'entreprises condamnées pour travail illégal, la possibilité pour les associations et syndicats de se constituer partie civile.
La carte de séjour temporaire spécifique aux travailleurs saisonniers, créée en 2006, suppose un contrat de travail de plus de trois mois ; l'employeur doit démontrer qu'il n'a pu trouver de candidat en France. Ce titre de séjour ne suffit toutefois pas à garantir l'effectivité des droits à l'assurance maladie ou à la retraite. Il nous faut maintenant transposer la directive européenne relative aux travailleurs saisonniers non ressortissants de l'Union ; plusieurs documents doivent être fournis par la personne entrant sur le territoire de l'Union pour y occuper un emploi saisonnier, dont un contrat valable, la preuve qu'un logement décent sera fourni et que le loyer, si l'employeur fournit le logement, ne sera pas déduit du salaire. La délivrance de la CST-TS devra être accompagnée d'informations écrites sur ces éléments. Les États membres devront fixer la durée de validité de la carte de séjour, entre cinq et neuf mois ; une prolongation sera possible. Pour les séjours inférieurs à trois mois, les États membres devront délivrer un visa permettant à l'étranger d'exercer l'activité professionnelle pour laquelle il a été admis. Le travailleur saisonnier étranger bénéficiera des mêmes droits que les salariés du pays d'accueil. Les États membres devront mettre en place des outils de contrôle efficaces, ce qui implique un renforcement des moyens. La directive exige enfin des sanctions effectives et dissuasives contre les employeurs contrevenants. En cas de manquement par un sous-traitant, le contractant principal et tout sous-traitant intermédiaire pourront être tenus solidairement responsables de l'indemnisation due au travailleur -c'est fondamental dès lors que les saisonniers étrangers viennent en France par l'intermédiaire d'agences d'intérim installées dans d'autres pays.
Inspirons-nous des accords collectifs et des actions de prévention existantes -je pense notamment aux groupements d'employeurs dans les parcs de loisir ou les stations de tourisme. Je pense aussi à la formation des travailleurs saisonniers et, pour leur logement, à des conventions passées avec les bailleurs sociaux.
Les traitements indignes que subissent les travailleurs saisonniers ne sont pas acceptables. On l'a dit souvent ces derniers temps, et à raison, la France est le pays des droits de l'Homme. Il faut en faire une réalité. Le groupe socialiste y prendra toute sa part. (Applaudissements sur les bancs socialistes et CRC)
Mme Marie-Christine Blandin . - Qu'est-ce qu'un travailleur saisonnier ? Le code du travail n'apporte pas de réponse précise. La définition proposée par le site du ministère du travail parle d'une activité qui se répète chaque année, de manière régulière : c'est toute la différence avec l'intérim. Les saisonniers se retrouvent à 91 % dans l'agriculture, 62 % dans la restauration, 53 % dans l'agro-alimentaire, 44 % dans le commerce de détail ; 60,4 % des recrutements ont lieu dans les petites structures, de zéro ou un salarié. La part du travail saisonnier est en hausse : 39 % des prévisions d'embauche en 2014 contre 35,8% en 2013, soit 667 000 embauches potentielles.
Il n'existe pas de statut du travail saisonnier dans le code du travail. Une reconnaissance juridique permettrait de mieux encadrer les pratiques, de définir des règles et de limiter les abus. Les contrats saisonniers sont essentiellement des CDD mais n'ouvrent pas droit à la prime de précarité, d'où une injustice par rapport aux autres salariés et des abus de la part d'employeurs peu scrupuleux...
Les conditions de logement sont parfois difficiles car l'activité se déroule le plus souvent dans des zones tendues et les travailleurs sont relégués dans des logements inadmissibles... Or l'inspection du travail manque de moyens et la représentation syndicale des travailleurs saisonniers est très faible. Explorons toutes les pistes pour assurer aux travailleurs saisonniers des droits suffisants. En 2011, le Défenseur des droits appelait à définir précisément le travail saisonnier dans le code du travail, à améliorer la stabilité de l'emploi, via un cadre normatif ou incitatif favorisant une reconduction plus systématique des contrats, à accorder enfin une indemnité de fin de contrat. Il faudrait aussi envisager une prime spécifique pour le logement -lorsque l'employeur fournit celui-ci, une déclaration préalable favoriserait les contrôles.
Merci au groupe CRC d'avoir proposé ce débat. Il faut légiférer pour mettre un terme à la précarité des travailleurs saisonniers et à leur usage opportuniste. Monsieur le ministre, nos propositions sont convergentes : à votre plume ! (Applaudissements à gauche ; M. Matthias Fekl, secrétaire d'État, indique qu'il a déjà la plume en main)
M. Michel Le Scouarnec . - Salariés de l'ombre, les travailleurs saisonniers sont 2 millions. Leur apport est souvent sous-estimé. Dans le pays d'Auray, dans le Morbihan, ils représentent 20 % de l'emploi, 40 % des offres d'emploi en haute saison. La situation est similaire en montagne -mais je n'oublie pas que la région parisienne est la première pourvoyeuse d'emplois saisonniers. L'imprécision qui entoure leur statut est source de grande précarité. Les travailleurs saisonniers ne sont pas tous jeunes mais tous sont précaires. Jusqu'en 2011, leur allocation de chômage était minorée de 20 %... Si rien n'est fait, le contrat saisonnier sera le siphon qui entraînera tous les autres vers le bas...
Il faut actionner plusieurs leviers pour faire reculer cette précarité. Depuis la loi Montagne de 1985, initiatives gouvernementales et rapports se sont succédé -sans beaucoup d'effet. Que de préconisations... pour n'aboutir à aucune mesure efficace. Les solutions sont pourtant connues. Il serait par exemple efficace d'instituer un droit à la reconduction du contrat pour les saisonniers fidélisés, afin de bannir la peur du lendemain ; ou encore garantir un logement décent. Les élus du pays d'Auray ont ainsi créé un foyer pour les travailleurs saisonniers et leur ont dédié une part de l'auberge de jeunesse. Il faut agir aussi pour le transport, il est scandaleux que le coût de celui-ci soit à leur charge. L'éloignement géographique nuit à la vie familiale. Face au chômage de masse, l'emploi saisonnier est une chance, une richesse pour nos territoires, mais pas au détriment des droits ! (« Très bien ! » sur les bancs CRC)
La concurrence des travailleurs étrangers est féroce -et pénalise tous les saisonniers ; une harmonisation au sein de l'Union s'impose, comme le suggère le Cese européen. (Même mouvement)
La saisonnalité doit être considérée non comme un frein mais comme un levier. Première destination touristique au monde, la France doit être à la pointe. Dans le pays d'Auray, la maison de l'emploi a su fédérer tous les acteurs : elle propose une sécurisation des parcours professionnels et un accompagnement des entreprises comme des saisonniers, s'occupe du logement des travailleurs saisonniers, propose des formations, par exemple sur l'hôtellerie de plein air -ce dernier dispositif afin de pérenniser la main-d'oeuvre tout en la qualifiant.
Mme Annie David. - Très bien !
M. Michel Le Scouarnec. - Les acteurs, dont le conseil régional de Bretagne, ont aussi mis en place une formation alternante mer et montagne. Les travailleurs saisonniers ont ainsi du travail neuf mois sur douze : ce n'est pas assez mais c'est déjà ça... Au vu de leur succès, ces expériences mériteraient d'être élargies.
L'emploi saisonnier n'est pas une anomalie, c'est une composante du parcours professionnel et du marché de l'emploi, un enjeu économique pour nos territoires. Les propositions d'Anicet Le Pors sont toujours d'actualité. Les travailleurs saisonniers attendent des gestes forts du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs CRC)
Mme Françoise Laborde. - Bravo !
M. Jean-Claude Requier . - Merci à nos collègues du groupe CRC. La situation des travailleurs saisonniers dans notre pays est insatisfaisante. Le rapport d'Anicet Le Pors le soulignait déjà en 1999. Depuis, la situation a peu évolué. Le dynamisme du secteur du tourisme cache mal la précarité des travailleurs saisonniers, qui sont pourtant garants de l'attractivité de nos territoires. Ils interviennent aussi dans la grande distribution ou la fonction publique, secteur qui dépend pourtant assez peu des saisons...
Lors du troisième forum social des saisonniers à Chambéry, tous ont réclamé un véritable statut. Il faut agir à plusieurs niveaux. La pénurie de logements abordables est une entrave à l'emploi. On se souvient du drame de La Clusaz où deux jeunes saisonniers ont trouvé la mort dans l'incendie de leur camion... Quant au transport, on sait que les temps de trajet peuvent être très longs dans les zones touristiques, notamment en montagne ; il faut faciliter les trajets.
La prime de précarité est une des principales revendications des travailleurs saisonniers. Lors du débat sur la sécurisation de l'emploi, le RDSE avait proposé la reconduction automatique du contrat, sauf motif réel et sérieux, ainsi que le recours au CDI intermittent en l'absence d'accord collectif dans les régions touristiques -dispositifs rejetés par le Gouvernement... Aujourd'hui, ce contrat est utilisé à titre expérimental dans trois secteurs : les chocolateries, la formation et le commerce des articles de sports. Ne faudrait-il pas l'étendre ?
Le rapport Nogué propose vingt-et-un leviers d'action, dont quatre pour déprécariser l'emploi saisonnier. Michel Sapin et Sylvia Pinel souhaitent la mise en place d'un groupe de travail dans le cadre des assises du tourisme. Quelles suites y sera-t-il donné ? (M. François Bonhomme s'amuse)
Dans l'île paradisiaque de Saint-Martin, le secteur du tourisme est un pilier de l'économie. Les Saint-Martinois, durement frappés par le chômage, sont à la fois victimes de la concurrence des saisonniers étrangers et du travail dissimulé...
Bref, le sujet mérite réflexion. Merci au groupe CRC de l'avoir soulevé. (Applaudissements à gauche)
M. Loïc Hervé . - C'est un paradoxe : alors que le travail saisonnier est devenu un fait incontournable, les pouvoirs publics n'ont pas su accompagner cette évolution majeure du marché du travail. Les travailleurs saisonniers représentent plus de 5 % de l'emploi en France. Le travail saisonnier s'est considérablement développé avec le tourisme. Première destination touristique au monde, nous ne pouvons l'ignorer.
Dans mon département de Haute-Savoie, le travail saisonnier est un véritable poumon. Ne négligeons pas le travail saisonnier induit -les services à la personne notamment. Le secteur agricole est également très concerné -M. Kern y reviendra.
Or plus le travail saisonnier s'est développé, plus les conditions de travail des travailleurs se sont dégradées. Quid du logement, de la formation ? M. Requier a rappelé le drame de la mort de deux saisonniers dans l'incendie de leur caravane, en Haute-Savoie...
Il n'existe pas de statut du travail saisonnier. Ce secteur s'est développé sans que notre droit n'en accompagne l'essor, ce qui est facteur de précarité. La question de la pérennisation des contrats saisonniers était déjà soulevée lors de l'examen de la loi Montagne de 1985... Le compte personnel de formation est inadapté aux travailleurs saisonniers, de même que le compte de pénibilité. La pluriactivité, le cumul des contrats ne sont pas pris en compte.
Employeurs et collectivités ont tenté de réagir, les exemples sont nombreux. Des stations de sports d'hiver ont acheté des immeubles et les ont aménagés pour y accueillir les saisonniers, des maisons des saisonniers ont été ouvertes pour informer salariés et employeurs. On peut citer encore le partenariat entre les communes de bord de mer qui prévoit un échange de saisonniers, le Forum des saisonniers ou la mise en place de Perennitas, un logiciel de gestion de la saisonnalité et de la pluriactivité.
Ces initiatives ne suffisent pas toutefois à combler le manque d'un statut. L'heure n'est plus aux rapports. Le Gouvernement demandera-t-il aux partenaires sociaux d'avancer, quitte à légiférer en cas d'échec ? La clause de reconduction, principale revendication des travailleurs saisonniers, est une question prioritaire. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC)
M. René-Paul Savary . - Monsieur le ministre, vous étiez dans la Marne il y a quelques jours : vous avez vu que l'économie du champagne était florissante, mais qu'elle était aussi confrontée à des problèmes, notamment celui des saisonniers. Les charges sociales commencent à peser très lourdement, ainsi que les normes, alors que la concurrence internationale bat son plein. Il faut pourtant sauvegarder la tradition des vendanges manuelles ! (Mme Annie David s'amuse) Oui, les vendanges se font à la main en Champagne, c'est essentiel pour la notoriété d'un vin qui fait pétiller les yeux quand on en parle ! (Sourires) C'est une formidable carte de visite...
Alors que le chômage sévit, on a de plus en plus recours à des vendangeurs étrangers... La remise en cause des contrats Vendange, exonérés de cotisation sociale à plus de 82 %, inquiète.
Mme Cécile Cukierman. - Quand on sait les bénéfices de certaines grandes maisons de champagne !
M. René-Paul Savary. - C'est ce qui explique que leurs salariés soient payés au-delà de deux fois le Smic et qu'elles ne soient pas concernées par le CICE !
M. Jean Desessard. - On ne va pas délocaliser le champagne... (Sourires)
M. René-Paul Savary. - Heureusement que des secteurs florissants tirent les salaires vers le haut et participent à notre balance commerciale. (M. Cédric Perrin applaudit)
Lorsque le vendangeur a 60 ou 80 euros de moins dans sa poche, faut-il que l'employeur compense par une prime ? Auquel cas les charges patronales seraient multipliées par trois... Quelques chiffres. Les charges patronales pour un cueilleur payé à 9,43 euros de l'heure sont passées pour une semaine de 68 euros en 2012 à 112 euros en 2013 ; pour un pressureur, c'est pire, de 55 à 482 euros. Au total, le coût des vendanges a augmenté de 6 millions ! Cela méritait d'être souligné !
Mme Annie David. - Tant mieux pour les caisses de la sécurité sociale !
M. René-Paul Savary. - Président de conseil général, je m'entends dire que trop peu de bénéficiaires du RSA travaillent aux vendanges. Et pour cause ! Les allocataires ne sont pas incités à rechercher une rémunération supplémentaire... (Applaudissements sur les bancs UMP et UDI-UC)
M. Henri Cabanel . - Merci au groupe CRC : ce sujet est trop rarement abordé au Parlement. Je suis heureux que l'on accorde aujourd'hui aux travailleurs saisonniers l'attention qu'ils méritent.
Les limites du statut sont connues : pas de prime de précarité, risques professionnels, absence de formation, rythmes effrénés, horaires décalés... Les principales infractions constatées relèvent de la sous-déclaration. Le drame récent de Haute-Savoie illustre le problème du logement des travailleurs saisonniers.
Pour faciliter la création d'emplois durables, des actions de structuration de l'emploi saisonnier ont été menées en Languedoc-Roussillon, et notamment dans l'Hérault, avec des résultats probants : près de 90 groupements d'employeurs ont vu le jour. Un GEIQ a été créé, qui a formé 60 personnes. Aujourd'hui, quatre GEIQ existent dans l'Hérault, dans des secteurs très divers. Le Gouvernement envisage-t-il des aides au démarrage ?
Les travailleurs saisonniers non ressortissants de l'Union européenne sont dans une situation particulièrement dure : leurs droits sont bafoués, leurs conditions de logement indignes. Des prestataires proposent des travailleurs à 11 euros de l'heure, sans formalité, payables sur facture. Le prestataire assure le gîte et le couvert, quitte à opérer un prélèvement sur le salaire. Le taux horaire est rarement respecté : c'est scandaleux. Les agriculteurs font appel à ces sociétés car ils peinent à trouver des salariés, et aussi pour s'épargner des lourdeurs administratives. Ces emplois ne participent pas à la solidarité nationale.
Le Parlement européen a réagi avec sa directive le 5 février 2014. Quels changements le Gouvernement attend-il de sa transposition, notamment en ce qui concerne les contrôles et les sanctions ? (Applaudissements à gauche)
M. Claude Kern . - Je remercie à mon tour le groupe CRC de son initiative. Frontalier, je me concentrerai sur les travailleurs saisonniers agricoles et la concurrence avec l'Allemagne. Depuis dix ans, les cultures de légumes ont diminué de 30 % en France, quand elles augmentaient d'autant en Allemagne. Carottes, oignons, asperges ou fraises sont particulièrement concernées. Dans ce secteur, beaucoup d'opérations ne sont pas mécanisables.
La création d'un salaire minimum en Allemagne est une première étape vers la convergence, mais les fruits et légumes en seront dispensés pendant trois ans ; les employeurs seront exonérés de charges sociales pour les contrats de moins de 70 jours et pourront déduire le gîte et le couvert.
En France, seuls les salaires inférieurs à 1,25 Smic bénéficient du taux le plus réduit. À 1,5 Smic, il n'y a plus d'exonération et le taux de charges s'élève à 40 %. Quant au CICE, il n'est versé qu'après la déclaration fiscale.
Nous pâtissons d'un droit du travail trop rigide. En Allemagne, il n'y a pas de durée maximale du travail alors qu'elle est de 48 heures en France. Les premières heures supplémentaires ne sont comptabilisés qu'à partir de la soixantième, le dimanche est un jour comme les autres. (On s'en indigne sur les bancs CRC)
Le compte pénibilité ajoute aux contraintes imposées aux entreprises françaises. Qu'entend faire le Gouvernement pour mettre fin aux distorsions de concurrence qui menacent le tissu agricole français ? (Applaudissements à droite et au centre)
M. André Reichardt . - Ce débat vient à point, au lendemain de la publication par l'Acoss du nombre de CDI et de CDD conclus en 2014 : moins de 3 millions de CDI en 2014, soit la somme la plus faible depuis 2009, quand les CDD résistaient. Que le marché du travail se précarise n'est pas un scoop, non plus que la frilosité des employeurs face à la crise. Mais on peut aussi conclure de ces chiffres que le travail saisonnier peut jouer un rôle déterminant dans la bataille de l'emploi. Les jeunes travailleurs peuvent y trouver une première expérience fructueuse -sans formation, hélas. Le travailleur saisonnier bénéficie des droits classiques offerts aux salariés, sauf la mensualisation de son salaire et la prime de précarité.
Comment expliquer la baisse de surfaces cultivées en légumes en France et leur hausse en Allemagne ? Par la disparité des coûts de production, à n'en pas douter. Le régime spécial pour l'emploi de courte durée, qui s'applique aux contrats de moins de trois mois ou soixante-dix jours ouvrés, exonère totalement les employeurs allemands des charges sociales sur les travailleurs saisonniers, et s'ils sont désormais soumis au versement d'un salaire minimum -lequel, précisons-le, sera de 8,50 euros de l'heure, contre 9,61 € en France-, ils peuvent en déduire les frais du logement et des repas. (Mme Annie David s'indigne) En outre, une dérogation est prévue pour l'agriculture jusqu'en 2017.
Si nous ne pouvons réduire cet écart de compétitivité, au moins ne l'aggravons pas ! Maintenons les exonérations sociales existantes et hâtons la convergence engagée. Je dénonce une fois de plus le dumping social issu en particulier de la réglementation applicable aux travailleurs détachés. La nouvelle directive doit être transposée au plus vite.
« Faute de grives, on mange des merles » : sans être la panacée, le travail saisonnier participe à la lutte contre le chômage. Le Gouvernement doit prendre toute sa place dans le débat européen en faveur de l'harmonisation sociale qui rendra à la France, je l'espère, la compétitivité qu'elle a perdue. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Franck Montaugé . - Le Gers est particulièrement concerné par le travail saisonnier. Ce débat sera utile si nous nous accordons sur des améliorations législatives qui ne nuiraient pas à notre compétitivité.
Le travail saisonnier n'est pas défini par la loi. Les conditions d'emploi s'écartent trop souvent des règles applicables : durée de travail, horaires, hygiène et sécurité, transport, logement...
Après vingt ou trente ans de cotisation pour la retraite, certains saisonniers en sont réduits au minimum vieillesse. Les accords signés pour améliorer les choses ne couvrent pas tous les travailleurs saisonniers : il faudra les étendre par voie législative.
Quant aux clandestins, leur situation est encore pire et peut s'apparenter à de l'esclavage. C'est pourquoi une carte de séjour temporaire peut être délivrée depuis 2006. De même, l'Union européenne s'est dotée, en 2014, d'une directive sur le travail saisonnier des non-ressortissants. Il faudrait aussi se demander pourquoi ces gens quittent leur pays...
Selon la directive, les employeurs devront fournir des pièces aux administrations ; le loyer ne pourra être déduit du salaire, des contrôles devront être mis en place par les États membres. La transcription de ce texte doit être l'occasion d'améliorer la loi de 2006 et de mettre en oeuvre les recommandations faites en 2011 par le Défenseur des droits. Pourquoi ne pas favoriser la création de groupements d'employeurs saisonniers, notamment dans les territoires ruraux ? Il y va de l'égalité des droits des travailleurs qui contribuent tous à la prospérité de notre pays. (Applaudissements à gauche)
M. Michel Savin . - En Rhône-Alpes, on compte 35 000 travailleurs saisonniers dans le secteur du tourisme, souvent jeunes et qui adoptent ce type d'emploi plusieurs années de suite. Le choix est, hélas, généralement dicté par la nécessité. On rencontre trop de travailleurs saisonniers logés dans des habitations insalubres ou contraints de dormir dans leur véhicule.
Souvent, ils alternent contrat saisonnier et CDD classique le reste de l'année. La précarité leur interdit de se projeter dans l'avenir. Quant aux employeurs, ils ont le plus grand mal à fidéliser leur main-d'oeuvre : je pense à l'exploitant de remontées mécaniques.
C'est pour aider nos petites entreprises à pérenniser leur activité et les salariés à vivre dans nos massifs montagneux qu'a été créé en 2006 le CDI intermittent. Encore faut-il un accord collectif. Or les entreprises du secteur, souvent artisanales, n'ont pas la taille minimale requise et sont peu représentées dans les instances professionnelles. Le rapport d'évaluation de cette expérimentation se fait attendre...
Souhaitons que ce débat débouche sur des propositions concrètes, afin d'améliorer les conditions de vie de ces salariés. (Applaudissements à droite)
M. François Commeinhes . - La question est capitale, sur le littoral tout particulièrement. Le travail saisonnier est indissociable de l'agriculture et des métiers du vivant. Mieux accueillir les ouvriers agricoles ne peut avoir qu'un effet vertueux. Ils ne font pas que nous nourrir mais préservent nos paysages. La main-d'oeuvre locale faisant souvent défaut, les employeurs sont conscients de la nécessité d'offrir à leurs saisonniers un logement confortable. Or l'accumulation des normes les en empêche...
Nous avons débattu, en loi de finances, du maintien du contrat « Vendanges ». Quant au logement, l'agriculture est soumise à de très fortes pressions, notamment près du littoral où les constructions sont limitées. Les contraintes réglementaires freinent le recours par les agriculteurs à ces dispositifs.
La création de hameaux nouveaux intégrés à l'environnement, prévue par la loi Littoral, n'est pas une solution adaptée... Il faut autoriser la construction de logements sur un zonage dédié, les collectivités étant associées à leur contrôle. C'est ainsi que nous soutiendrons l'économie locale et l'emploi. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Cyril Pellevat . - En Haute-Savoie, première destination touristique après Paris, le travail saisonnier concerne au premier chef le tourisme, secteur dynamique qui regroupe de très nombreuses activités, été comme hiver ; on estime le nombre de saisonniers à 22 000 par an. En montagne, les contrats courent de novembre à mars et de mai à septembre. Les jeunes, premiers concernés, doivent ainsi accepter une grande mobilité professionnelle.
Pour certains, la saisonnalité est choisie ; pour d'autres, elle est subie. Il faut aussi entendre les difficultés des employeurs, confrontés à un fort turn-over. Beaucoup aimeraient garantir un emploi plus stable et annualiser leurs saisonniers mais ils sont confrontés à la lourdeur des charges patronales.
En été, cinq jours de mauvais temps sont difficiles à gérer... Certains entrepreneurs aimeraient plus de souplesse, dans un système gagnant-gagnant.
La question du logement des saisonniers se pose également, alors que l'objectif de 500 000 logements neufs par an paraît plus que jamais hors de portée... Depuis le drame de La Clusaz, une réflexion a été lancée, des mesures mises en oeuvre.
Le plan de la région Rhône-Alpes pour la saisonnalité, le guide d'information publié par le conseil général de Haute-Savoie méritent d'être mentionnés.
Sur la précarité, la formation, le droit du travail, les charges patronales, le logement, j'attends de connaître les intentions du Gouvernement. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger . - Veuillez excuser M. Rebsamen qui n'a pu venir ce soir mais suit la question de très près. Je salue à mon tour l'initiative du groupe CRC.
M. Michel Le Scouarnec. - Pour une fois que mon groupe suscite l'unanimité... (Sourires)
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État. - Le travail saisonnier concerne divers secteurs économiques ayant chacun leurs spécificités, de nombreux salariés, leurs droits, leurs conditions de travail et de logement, leur protection sociale. Ce sont souvent des salariés exposés, en situation de fragilité. Les saisonniers étrangers, européens ou non, ont parfois des conditions de travail indignes.
L'agriculture et le tourisme auront toujours besoin de saisonniers. Le Gouvernement est très attentif à ce sujet qui touche nos territoires ; je le suis en tant que secrétaire d'État au tourisme mais aussi en tant qu'élu du Lot-et-Garonne, un département rural à l'agriculture très diversifiée. Ce débat nous donne l'occasion de faire le point et de dégager des pistes d'amélioration. Un travail interministériel sera nécessaire ; je relaierai vos préoccupations auprès des ministres concernés.
Vous avez regretté l'absence de statut juridique du travail saisonnier, qui n'est défini que par la circulaire du 30 octobre 1990. On rencontre les travailleurs saisonniers surtout dans l'agriculture et le tourisme ; ils sont entre 1,3 et 1,5 million. Les chiffres ne sont que des estimations : environ 800 000 contrats saisonniers dans le secteur agricole, 700 000 dans le tourisme. Les travailleurs saisonniers sont touchés par la crise et les difficultés, avec un accès moindre à la formation professionnelle, des difficultés de logement, d'accès aux soins. Beaucoup sont en situation de grande précarité.
De plus en plus de seniors, de demandeurs d'emploi se tournent vers le travail saisonnier. Des initiatives se multiplient sur le terrain pour tenter de stabiliser les parcours professionnels. Les collectivités territoriales, notamment, sont très impliquées. Plusieurs rapports suggèrent des pistes ; le rapport Vanson de novembre 2011, le rapport Nogué de 2013, le rapport du Cese de septembre 2014, entre autres.
La situation des saisonniers doit être améliorée. Le Gouvernement privilégie la négociation et l'engagement des partenaires sociaux. Les travailleurs saisonniers demandent une compensation de la précarité de leur emploi. Le rapport Nogué contient des propositions sur ce point. Certaines branches et conventions collectives ont déjà fait des avancées dans ce secteur, notamment pour les domaines skiables. Deuxième revendication : accéder à des formes alternatives d'emploi, à des CDI. Le CDI intermittent a été expérimenté à la suite de la loi de sécurisation de l'emploi du 14 juin 2014, qui concerne les 54 000 salariés dans les secteurs du commerce d'articles de sport et d'équipements de loisirs ainsi que les 10 000 salariés de la confiserie-chocolaterie-biscuiterie.
Sur la base du bilan de cette expérimentation, M. Rebsamen lancera une concertation avec les partenaires sociaux pour voir s'il convient de généraliser ce type de contrat par la loi ou de privilégier la voie de la négociation de branche.
Le tiers employeur est aussi une piste à explorer. La loi autorise la mise à disposition des salariés des groupements d'employeurs, ce qui permet aux salariés de s'approcher d'un temps plein. Idem pour les coopératives CRE ou les ETTP.
Ces solutions pragmatiques sécurisent les salariés et facilitent l'accès à la formation. Nous voulons encourager les initiatives des partenaires sociaux. Le droit à un crédit de 21 heures de formation pour les saisonniers de l'hôtellerie-restauration bénéficie à plus de 3 000 saisonniers depuis 2008.
L'accord de branche de l'hôtellerie de plein air, expérimenté dans plusieurs régions, va dans le même sens. Les actions de formation destinées aux travailleurs saisonniers sont souvent soutenues par l'État et les régions ; ce soutien doit être poursuivi.
L'ANI de 2013, transposé dans la loi en 2014, répond à certains besoins des travailleurs saisonniers, avec le compte personnel de formation, ouvert à toute personne de plus de 16 ans.
Enfin, l'amélioration de la situation des travailleurs saisonniers doit intégrer l'accueil, l'information, l'accès aux droits. Une trentaine de maisons des saisonniers existent pour répondre à des questions très concrètes ; elles rencontrent des problèmes de financement. Il faut les pérenniser, identifier les lieux où de telles structures manquent. Ces initiatives doivent être confortées ; le Gouvernement y est très attentif.
Il importe de développer des solutions de logement spécifiques, avec des solutions pérennes, comme des résidences mixtes pour étudiants pendant l'année universitaire et pour saisonniers durant la saison estivale. C'est une solution inventive, pragmatique.
M. Michel Le Scouarnec. - Très bien.
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État. - Les travailleurs saisonniers font souvent face à des accidents du travail et des maladies professionnelles spécifiques, sans toujours bénéficier d'un suivi médical suffisant. Des créneaux pourraient leur être réservés en début de saison touristique, comme à la rentrée pour les apprentis.
J'en viens au sujet très complexe et sensible des salariés détachés. La directive du 15 mai 2014 améliore l'effectivité de la directive de 1996 sur le détachement de travailleurs dans le cadre d'une prestation de services. La France a eu une position d'extrême fermeté pour un texte ambitieux luttant contre le dumping social et la concurrence déloyale. La loi du 10 juillet 2014 a largement transposé cette directive ; des travaux sont en cours pour identifier si d'autres mesures législatives sont nécessaires.
L'Europe sociale demeure plus que jamais un objectif. Le choix de l'Allemagne de s'engager sur un salaire minimum est, à cet égard, un indice très encourageant. Il aura des répercussions dans notre pays, notamment dans les zones frontalières.
Vous avez rappelé les difficultés liées au travail illégal. Cela fait l'objet d'une attention particulière du Gouvernement, autour de deux axes : contrôle et prévention. 65 000 contrôles sont effectués chaque année dans les secteurs prioritaires. Chaque Dirreccte compte désormais un pôle « travail illégal ». Les caisses de la MSA ont diffusé des dépliants d'information destinés aux exploitants agricoles sur le risque qu'il y a à s'adresser à des prestataires étrangers sans s'assurer qu'ils respectent toutes nos règles.
L'Union européenne s'est dotée, le 17 février 2014, d'une directive sur l'emploi saisonnier des ressortissants non communautaires, que la France doit transposer avant août 2016. Le Gouvernement fera en sorte que cette transposition soit effective au plus tôt.
Je ferai part de nos échanges à mes collègues du Gouvernement afin que les pistes évoquées ici soient toutes expertisées et versées au débat, qu'elles soient anciennes ou neuves. Il faut progresser sur ce sujet complexe ; l'État doit avoir un rôle d'impulsion, engager les partenaires sociaux à avancer ensemble, par la négociation collective.
Merci au groupe CRC, à tous les intervenants qui ont nourri ce débat de leur expertise. Ce débat ne peut pas être une fin, il doit être le début d'un travail interministériel exigeant et ambitieux, pour améliorer la situation des travailleurs salariés dans notre pays. C'est la volonté du Gouvernement, je sais que c'est aussi la vôtre. (Applaudissements)