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Table des matières
Modification à l'ordre du jour
Expulsion des squatteurs de domicile
Mme Natacha Bouchart, auteure de la proposition de loi
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur de la commission des lois
M. André Vallini, secrétaire d'État
INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI
M. André Vallini, secrétaire d'État
Mise au point au sujet d'un vote
Débat préalable au Conseil européen
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des affaires européennes
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances
Mme Colette Mélot, pour la commission des affaires européennes
M. Harlem Désir, secrétaire d'État
Ordre du jour du jeudi 11 décembre 2014
SÉANCE
du mercredi 10 décembre 2014
39e séance de la session ordinaire 2014-2015
présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président
Secrétaires : M. Jean Desessard, M. Claude Haut.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
CMP (Nominations)
M. le président. - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2015.
En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du 6 décembre prennent effet.
Modification à l'ordre du jour
M. le président. - Par courrier en date du 9 décembre 2014, M. François Zocchetto, président du groupe UDI-UC, a demandé que le projet de loi autorisant la ratification de l'amendement au protocole de Kyoto du 11 décembre 1997, inscrit à l'ordre du jour du jeudi 18 décembre 2014, soit examiné en séance publique selon la procédure normale, et non selon la procédure simplifiée. Acte est donné de cette demande.
Dans la discussion générale commune, le temps attribué aux orateurs des groupes politiques pourrait être d'une heure. Le délai limite pour les inscriptions de parole serait fixé au mercredi 17 décembre 2014, à 17 heures.
Avis sur une nomination
M. le président. - Conformément à la loi organique et à la loi du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, la commission des affaires sociales a émis un vote favorable -28 voix pour, une voix contre et un bulletin blanc- en faveur de la nomination de M. Jean Bassères aux fonctions de directeur général de Pôle emploi.
Expulsion des squatteurs de domicile
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à faciliter l'expulsion des squatteurs de domicile.
Discussion générale
Mme Natacha Bouchart, auteure de la proposition de loi . - J'ai l'honneur de prendre la parole à cette tribune pour proposer une proposition de loi visant à combler une faille importante de notre droit. Maire de Calais, ville où échouent de très nombreux migrants entrés dans l'espace Schengen à l'autre bout de l'Europe et qui espèrent passer en Angleterre, j'ai pu prendre la mesure des difficultés liées aux squats. Mais le problème concerne toutes les communes de France.
Nous faisons face une hypocrisie juridique née d'un imbroglio entre le droit, le silence du droit et les insuffisances de l'administration et de la justice : le délai de flagrance de 48 heures. Il n'est inscrit nulle part dans la loi mais est devenu une loi d'airain à laquelle pouvoirs publics et particuliers sont soumis. On parle d'ailleurs sur le terrain, par abus de langage, de la « loi des 48 heures ».
Comment en est-on arrivé là ? Quand un squat se constitue, l'intervention immédiate de la puissance publique est soumise à la notion de flagrance. L'article 226-4 du code pénal dispose : « L'introduction ou le maintien dans le domicile d'autrui à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ». Grâce à notre collègue Mme Procaccia, la loi Dalo a renforcé le dispositif en prévoyant que le propriétaire ou le locataire du logement occupé de façon illicite peut demander au préfet de mettre en demeure l'occupant de quitter les lieux. Toutefois, passé le délai de 48 heures, les squatteurs sont, de fait, chez eux parce que l'administration renonce à d'intervenir. De plus, la procédure de l'article 38 de la loi Dalo reste dépendante d'une décision de justice et le dispositif est inopérant pendant la trêve hivernale depuis la loi Alur. Du 1er novembre au 31 mars, le juge peut supprimer le bénéfice du sursis en cas de violence ou de voie de fait.
Même lorsque la justice a ordonné une expulsion, le préfet n'intervient pas toujours immédiatement lorsque des centaines de personnes occupent un squat illégalement, parce qu'il ne s'agit plus alors uniquement de droit mais d'ordre public. Faire évacuer un squat de trois ou de deux cent cinquante personnes, ce n'est pas la même chose...
L'arsenal législatif protège la propriété privée, mais empêche aussi l'application trop brutale du droit, afin d'éviter que des femmes et des enfants soient expulsées sans solution de relogement.
Toutefois, le délai de flagrance de 48 heures qui, je le répète, ne correspond à rien, est instrumentalisé, notamment par des associations extrémistes, comme No border, qui agissent dans un but idéologique ; il y a aussi les organisations criminelles, des mafias qui rackettent les migrants et les personnes les plus fragiles. Le phénomène existe aussi en Ile-de-France.
La procédure d'expulsion doit passer par le propriétaire ou le locataire des lieux. Mais retrouver l'occupant légitime en 48 heures est souvent, pour la municipalité, mission impossible. Comment accéder aux données cadastrales un samedi ou un dimanche ? Les organisations le savent et en profitent.
L'article premier de cette proposition de loi porte ainsi à 96 heures le délai de flagrance, afin de dépasser les stratégies d'occupation illicite mises en place à l'approche du week-end. Occuper illégalement un logement sans éveiller l'attention des voisins est en outre plus difficile pendant 96 heures que pendant 48. Les citoyens ne comprennent plus que la loi permette à des squatteurs de se déclarer chez eux après 48 heures...
Cette modification de la loi protègerait le contribuable. Quand un squat prend fin, c'est en effet la ville qui nettoie les lieux. Tous les élus le savent ; face à l'urgence, les collectivités territoriales ne peuvent rester les bras croisés.
Le rapport de M. Vial a souligné les limites du délai de 96 heures et propose une autre rédaction de l'article 226-4 du code pénal, en mettant le maintien dans le domicile sur le même plan que l'introduction dans celui-ci. Ce faisant, il met un terme à l'hypocrisie et rend la flagrance permanente dès lors que le maintien dans les lieux est un délit continu. Voter cette disposition serait une victoire du droit.
La commission a en outre souhaité supprimer l'article 2 de la proposition de loi qui autorise le maire à se substituer au propriétaire ou au locataire. C'est pourtant une nécessité : le premier magistrat, dans son rôle de garant de l'ordre public, ne peut rester les bras croisés. Je propose de rétablir cet article, en explicitant le fait que le maire agit dans le cadre de ses pouvoirs de police, sous le contrôle administratif du préfet, et sous réserve que tout ait été fait pour retrouver l'occupant légitime des lieux.
Cette proposition de loi, centrée sur le domicile, gagnerait à être étendue à tous les locaux, commerces et logements vacants. Car tous sont les proies des mafieux, squatteurs et organisations profitant des migrants. Le renforcement du dispositif autour du domicile risque de reporter la pression sur les autres locaux, terrains vagues, hangars ou usines désaffectées. Je propose ainsi d'inclure les immeubles d'habitation de fait dans le champ d'application du texte.
Ayons un débat sans idéologie ; toutes les communes de France sont concernées. Je veux parler au nom de tous les maires confrontés à de telles atteintes répétées à la propriété privée et à ces situations kafkaïennes.
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur de la commission des lois . - Le texte entend lutter contre la pratique des squats. Ce phénomène, souvent violent, est simple à mettre en oeuvre ; il est toutefois difficile d'y mettre fin.
Le texte n'a pas pour ambition de traiter l'ensemble du problème ; il s'appuie sur l'expérience de son auteur, maire de Calais.
Son article premier allonge le délai de flagrance. Or l'infraction de violation de domicile est considérée par le ministère de la justice comme un délit continu. La Cour de cassation ne s'est jamais prononcée. Mais la Cour d'appel de Paris, le 22 février 1999, a considéré que la violation de domicile n'était pas une infraction continue ; celle-ci se commettait aussi bien lors de l'entrée que lors du maintien dans les lieux à chaque fois qu'il est fait usage de manoeuvres, menaces ou voies de fait pour y parvenir. Or si les manoeuvres ou voies de fait sont fréquentes au moment de l'intrusion, c'est plus rarement le cas ensuite. Il suffit aux squatteurs de se dissimuler pendant 48 heures pour priver les forces de l'ordre d'intervenir en flagrance.
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Le délai de 48 heures est prétorien. Selon l'article 53, est flagrant le délit qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre. Fixer un délai de 96 heures pourrait s'avérer contraire aux intérêts de la victime, par exemple si celle-ci était partie en vacances ou avait été hospitalisée au-delà de ce délai.
La commission a préféré modifier non l'article 53 du code de procédure pénale mais l'article 226-4 du code pénal, en mettant le maintien dans les lieux sur le même plan que l'intrusion.
L'article 2 de la proposition de loi modifiait l'article 38 de la loi Dalo pour autoriser le maire qui a connaissance d'une violation de domicile à demander au préfet de mettre les squatteurs en demeure de quitter les lieux. La commission en propose la suppression, jugeant inopportun d'étendre le champ d'application d'une procédure dérogatoire. Le caractère hybride de celle-ci explique la prudence des préfets. Et lorsque certains squats mettent en péril la sécurité publique, le maire peut alors agir sur le fondement de ses pouvoirs de police. Inscrire un pouvoir spécifique dans la loi fonderait l'engagement de la responsabilité du maire en cas d'action ou d'inaction.
La commission des lois a également souhaité modifier le titre de la proposition de loi. Pour elle, il n'est pas question de mettre en place un nouveau dispositif d'expulsion dérogatoire ni de revenir sur les garanties existantes mais de renforcer l'efficacité des règles actuellement en vigueur.
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale . - Selon les auteurs de cette proposition de loi, le droit pénal ne permet pas d'expulser les occupants sans titre d'un domicile au-delà du délai de flagrance ; ils entendent y remédier en modifiant l'article 53 du code de procédure pénale, l'article 226-4 du code pénal et la loi Dalo afin de renforcer les pouvoirs du maire. Après examen par la commission des lois, seul l'article 226-4 du code pénal reste modifié par le texte.
Le texte de la commission, qui clarifie l'infraction d'introduction et de maintien dans les lieux, ne pose pas de difficulté de fond car il est conforme à la jurisprudence. Tant que dure l'occupation, l'infraction se commet « actuellement » au sens de l'article 53 du code de procédure pénale et autorise l'expulsion.
Si la Cour de cassation ne s'est pas prononcée, c'est que la question ne fait pas débat. La circulaire du 13 mai 1993 étend en effet la répression au maintien illicite dans le domicile d'autrui, en transformant celui-ci d'infraction instantanée en infraction continue.
Tout en soulignant l'insuffisance d'une approche exclusivement pénale du problème, le Gouvernement s'en remettra à la sagesse du Sénat. (Mme Michelle Meunier applaudit)
Mme Samia Ghali . - Cette proposition de loi est très controversée. Mme Bouchart est confrontée à Calais à une situation difficile. Démarche utile ou à vocation médiatique et politicienne ? Dans le second cas, ce serait regrettable.
Je connais le cas d'une personne âgée qui, après un séjour à l'hôpital, s'est retrouvée dépossédée de son logement et est tombée dans la précarité. Cela dit, on ne squatte pas par choix mais par nécessité : migrants, précaires expulsés, femmes seules... Ce que le logement public ne peut résoudre, peut-on cependant l'exiger du privé ?
Le squat reste une délinquance au détriment des demandeurs de logement. Il est inacceptable que ceux-ci, qui respectent les règles, aient le sentiment que ceux qui ne les respectent pas restent impunis. Être en situation de précarité ne justifie pas qu'on plonge les autres dans la précarité.
On ne peut se contenter de la répression. Nous devons nous interroger sur l'ensemble de la politique du logement. Les trois quarts des personnes que je reçois dans ma permanence sont éligibles au Dalo, mais ne trouvent pas de logement, faute d'offre suffisante.
Une autre réalité est celle des organisations, des mafias, qui profitent de la situation. Contre elles, la proposition de loi peut faire sens. Ces organisations savent jouer avec les délais. J'ajoute que si le préfet a tous moyens de faire respecter l'ordre public, il ne les met pas toujours en oeuvre -c'est bien là le problème.
Si cette proposition de loi reste insatisfaisante, et si on peut douter des intentions de ses auteurs, elle soulève une question politique majeure. Les propriétaires ne sont pas tous rentiers ; la loi doit les protéger. Mais elle doit aussi protéger les demandeurs de logement qui agissent conformément aux règles. Un équilibre doit être trouvé et la politique du logement renforcée. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Esther Benbassa . - Notre droit pénal est inadapté au phénomène de squat. La notion de flagrant délit, qui permettrait une expulsion rapide, est difficile à caractériser et ne peut plus l'être après un délai de 48 heures suivant l'intrusion illicite ; le propriétaire ou le locataire doit alors saisir la justice pour obtenir une expulsion.
La commission des lois a considéré que confier au maire la compétence de défendre la propriété privée de ses administrés n'était pas opportun, et a donc supprimé l'article 2.
L'article premier modifie l'article 226-4 du code pénal pour lever toute ambiguïté relative à la nature continue du délit de violation de domicile quand l'occupant sans titre se maintient dans les lieux. Les forces de l'ordre pourront intervenir en flagrance tout au long du maintien dans les lieux, sans que celui-ci ait été le fait de manoeuvres ou de voies de fait. Le titre de la proposition de loi apparaît alors racoleur, et appelle à la création d'un régime dérogatoire d'expulsion...
Le texte modifié par la commission des lois est donc bien plus acceptable que celui de la proposition de loi.
M. Jean-Pierre Sueur. - C'est très vrai !
Mme Esther Benbassa. - L'auteur de cette dernière est maire de Calais ; ce ne sont pas les squatteurs qui sont visées mais les migrants, qui ne squattent pas par choix. Il existe de véritables réseaux organisés qui repèrent les logements vacants et les louent à des familles désespérées. Il est regrettable que la proposition de loi ne s'attaque pas à elles, qui ne vise qu'à protéger les domiciles privés. Ce texte ne s'attaque pas au coeur du problème. À Calais, ce sont essentiellement des logements vides depuis longtemps qui sont pris pour cible. Les cas de personnes rentrant de vacances et trouvant leur logement occupé ne sont pas fréquents...
Mme Catherine Procaccia. - Cela arrive dans notre département !
Mme Esther Benbassa. - Certains n'ont pas d'autre choix que de squatter pour survivre. (Exclamations au banc des commissions)
Le texte de la commission des lois est juridiquement acceptable mais n'est guère conforme à l'idée que les écologistes se font d'une société humaniste et solidaire. (Applaudissements sur les bancs écologistes et CRC ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit aussi)
M. Michel Le Scouarnec . - Ce texte revêt un caractère local et joue sur les peurs et les angoisses. Les problèmes sont réels mais il eût fallu s'attaquer à l'ensemble des difficultés de logement des plus précaires. Je salue le travail du rapporteur : la suppression de l'article 2 comme la réécriture de l'article premier étaient nécessaires.
La situation à Calais -politique de coopération transfrontalière insuffisante, flux massifs, fermeture des centres d'accueil- est dramatique, voir inhumaine. Nous avons besoin d'une réponse européenne et pour cela, d'un signe politique national. Dublin III doit être révisé.
Les procédures du droit d'asile doivent être simplifiées, un véritable service d'accueil et d'orientation des migrants, l'inconditionnalité de l'hébergement mis en place, la protection liminaire renforcée ; ces propositions ne sont pas extrémistes, elles sont celles des associations, qui connaissent bien le terrain. Les migrants ont tout perdu, ils sont démunis, craintifs, fragiles.
Sortons de la problématique de Calais : la loi a vocation à s'appliquer sur tout le territoire. En l'espèce, la répression ne résoudra pas la crise du logement ni ne mettra fin à l'existence de filières organisées. 10 millions de nos concitoyens vivent sous le seuil de pauvreté. 150 000 personnes sont sans abri, contre 80 000 personnes il y a dix ans. Pénaliser les squatteurs n'est pas la solution, notre arsenal juridique suffit.
M. François Grosdidier. - Il n'est pas efficace !
Mme Cécile Cukierman. - La proposition de loi ne le sera pas plus !
M. Michel Le Scouarnec. - L'article 226-4 du code pénal permet au préfet de procéder à l'expulsion du logement squatté si la mise en demeure n'est pas suivie d'effet.
Mme Catherine Procaccia. - Théoriquement...
Mme Natacha Bouchart. - Ce n'est pas appliqué !
Mme Cécile Cukierman. - La proposition de loi ne le sera pas plus !
M. Michel Le Scouarnec. - En vertu de la circulaire du 26 août 2012, l'Adoma peut, à la demande des préfets, mobiliser son parc de logements vacants ou proposer ses services pour apporter des solutions. Nous souffrons d'un manque de volonté politique plus que d'un défaut de notre arsenal répressif. (Applaudissements sur les bancs CRC et écologistes)
M. Jean-Claude Requier . - Calais fait face, depuis de nombreuses années, à un afflux massif d'immigrés en transit vers la Grande-Bretagne. De 1999 à 2002, le camp de Sangatte, conçu pour accueillir 200 personnes, en a reçu jusqu'à 1 600... Sa fermeture n'a rien résolu.
À présent, les migrants s'installent dans la « jungle » et squattent des immeubles. Le 4 juillet dernier, le tribunal avait ordonné une expulsion mais le préfet a choisi, pour des raisons d'ordre public, de ne pas la mettre en oeuvre. Le phénomène des squats nous confronte à la fois à l'exigence de respect du droit de propriété et à celle d'humanité ; un compromis acceptable n'est pas toujours possible.
Gardons-nous de tout manichéisme. Certains propriétaires attendent de leur logement des revenus locatifs qui leur sont nécessaires. Le droit en vigueur n'est pas toujours efficace. Passé le délai de flagrance de 48 heures, le propriétaire doit saisir la justice : je vous laisse imaginer le parcours semé d'embûches qui s'ouvre devant lui... À cela s'ajoute la trêve hivernale qui oblige à surseoir aux décisions inexécutées et le délai offert à la personne menacée d'expulsion pour chercher un autre logement.
Le texte de la commission des lois renforce les moyens des forces de l'ordre pour constater l'infraction. La majorité du groupe RDSE le votera en l'état.
M. Yves Détraigne . - Un difficile équilibre doit être trouvé entre la protection de la propriété et la prise en compte des difficultés sociales. Il n'est pas étonnant que cette proposition de loi émane de Mme Bouchart, maire d'une ville où l'on compte plus de 2 000 personnes en situation irrégulière, en proie à des réseaux criminels.
La commission des lois a justement considéré qu'il serait contraire aux intérêts des victimes de fixer le délai de flagrance. Reste que l'administration applique le délai de 48 heures -qui ne figure pourtant dans aucun texte. La commission propose d'incriminer le maintien dans le domicile d'autrui, levant tout doute sur le caractère continu de l'infraction. La jurisprudence de la Cour de cassation pourra être abandonnée. On lutterait ainsi plus efficacement contre les organisations qui profitent des faiblesses de notre droit, au détriment des demandeurs de logements sociaux.
L'article 2 nous semblait inutile, maires et préfets échangeant déjà. Nous ne souhaitons pas que la responsabilité du maire puisse être engagée. La modification de l'intitulé de la proposition de loi est également bienvenue car il ne s'agit pas de créer une procédure d'exception.
Cette proposition de loi répond à des difficultés réelles et le texte de la commission est équilibré. Nous attendons encore, monsieur le ministre, de vraies décisions politiques pour régler plus largement le problème des squats. (Applaudissements au centre et à droite).
Mme Catherine Procaccia . - C'est la troisième fois que je participe à un débat visant à faire évoluer le droit pour protéger les propriétaires contre les squatteurs. En 2007, j'ai voulu que le Dalo protège aussi ceux qui ont déjà un domicile. En 2010, le viol de domicile est devenu une infraction pénale. Mme Bouchart prend aujourd'hui le relais.
Les squats, qui sont certes la conséquence des difficultés sociales, de la misère, des loyers élevés, sont contraires au droit de propriété, garanti par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Ils sont surtout le fait de bandes organisées mais aussi de véritables voleurs qui abusent d'une loi qui protège avec excès ceux qui sont installés.
Être mal logé n'autorise pas le squat. Je suis fière d'avoir fait adopter l'article 38 de la loi Dalo, qui accélère la procédure d'expulsion. Ce ne fut pas facile : le Dal, jeudi noir, manifestaient contre mon amendement. Hélas, le nombre de condamnations reste stable -2 047 en 2004, 2 050 en 2012-, signe que l'article 38 n'est guère appliqué. Les victimes sont souvent des personnes âgées, hospitalisées ou parties en vacances, des foyers modestes qui n'ont pas les moyens de payer du personnel de surveillance ni même une porte blindée ou un digicode.
Elles ne connaissent pas cet article 38 -dont je vous demande de rappeler l'existence aux préfets. Le délai de 48 heures, trop souvent opposé, ne s'applique pas à l'introduction illicite dans le domicile d'un particulier. Alors que l'Assemblée nationale vient d'adopter un amendement sur la taxation des résidences secondaires, n'est-ce pas le moment de préciser la notion de résidence ?
Je soutenais la proposition de porter le délai à 96 heures mais je me rallie à la proposition de la commission. Je continue à penser que la période pendant laquelle l'occupant légitime ignore qu'il est squatté ne devrait pas être prise en compte.
Qu'en est-il du projet d'EDF d'accepter un code barre scanné comme justificatif de domicile ?
J'espère que le Sénat votera le texte. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Jean-Yves Leconte . - En droit pénal, un domicile est le lieu où non seulement une personne a son principal établissement, comme en droit civil, mais où elle a le droit de se dire chez elle.
Or ce ne sont pas les domiciles qui sont le plus souvent squattés mais plutôt des locaux inhabités, des usines désaffectées, etc. L'inviolabilité du domicile est garantie tant par notre Constitution que par la Cour européenne des droits de l'homme.
En vertu de l'article 38 de la loi Dalo, dû à Mme Procaccia, l'occupant peut saisir directement le préfet. Mais depuis la loi Alur, le préfet peut imposer la saisine du juge pendant la trêve hivernale : il est surprenant que celle-ci soit invoquée pour protéger le squatteur et non le propriétaire...
Mme Catherine Procaccia. - Très bien !
M. Jean-Yves Leconte. - Il faudra en dresser le bilan. En cas de flagrance, les forces de l'ordre peuvent intervenir immédiatement, sous l'autorité du procureur.
Cette proposition de loi fait de la violation du domicile une infraction continue, ce qui autorisera les forces de l'ordre à intervenir, même en l'absence de voies de fait, sans aucun contrôle juridictionnel et même pendant la trêve hivernale. Aucun juge ne pourra requalifier les faits.
Il est vrai que la protection des occupants légitimes exige des procédures rapides et efficaces. Nous n'ignorons pas la situation de Calais, où se concentrent des populations misérables, ce qui témoigne aussi de la force de l'espoir, de la volonté de s'en sortir qui les anime... Il faut avoir une vision globale, dans le cadre de la politique d'asile et de gestion de l'immigration au plan européen. Nous en avons débattu à la commission des affaires européennes avec des collègues britanniques. C'est par la convergence européenne et la révision des directives en vigueur que nous nous en sortirons, et par la chasse aux réseaux et aux mafias qui prospèrent.
Évitons de légiférer sous le coup de l'émotion. Pour certaines familles, squatter est la seule option pour ne pas se retrouver à la rue avec ses enfants ! À la veille de l'hiver, avons-nous le droit de déchirer les outils juridiques qui leur assurent le minimum ?
Nous voterons contre les amendements qui visent à étendre le texte à tout type d'immeuble et nous nous abstiendrons sur le texte de la commission s'il n'est pas modifié. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Dominique Estrosi Sassone . - Nous sommes tous confrontés au problème des squats. Présidente de Côte d'Azur Habitat, j'en suis familière. Dans les Alpes-Maritimes, le phénomène progresse, notamment dans le parc social mais pas seulement : des réseaux mafieux ont fait du squat une économie souterraine. Du marginal qui connaît un accident de la vie, nous sommes passés à de véritables réseaux criminels.
Les bouleversements géopolitiques de ces dernières années ont fait affluer de nouvelles populations sur notre territoire. Les réseaux leur procurent, moyennant paiement, des logements, quitte à utiliser des disqueuses thermiques pour s'introduire dans les logements... Côte d'Azur Habitat a lancé 140 procédures ces deux dernières années, qui lui coûtent chacune 8 900 euros en moyenne soit, en deux ans, une perte de 1,2 million d'euros, au détriment de l'entretien du parc et du logement des demandeurs.
Mme Cécile Cukierman. - À ce prix, mieux vaudrait construire !
Mme Dominique Estrosi Sassone. - Les logements sont saccagés, les portes défoncées, sans parler des raccordements sauvages au réseau électrique, au détriment des familles qui avaient enfin obtenu l'attribution d'un logement social, après un vrai parcours du combattant...
Avec le délai de 48 heures, si un logement est squatté à la veille du week-end, aucune intervention des forces de l'ordre n'aura lieu avant le lundi... Les squatteurs le savent : passé le délai de flagrance, il faut se tourner vers les tribunaux. Et l'exécution des décisions de justice n'est pas assurée.
Ce texte n'est pas d'affichage. Face aux squats, élus et propriétaires se sentent impuissants. Il faudrait aussi sévir contre les sites internet qui font l'apologie du squat et diffusent le Guide du parfait squatteur... (Mme Catherine Procaccia approuve)
Chacun doit pouvoir quitter son domicile pour quelques jours en toute quiétude. Sans propriété, il n'y a pas de République ! (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Cécile Cukierman. - La République des propriétaires !
M. Cyril Pellevat . - L'inviolabilité d'un domicile est le prolongement de la protection de la propriété individuelle, garantie par la Constitution et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Ce texte ne crée pas une procédure d'exception. L'article 2 autorisait le maire à demander au préfet de mettre en demeure de quitter les lieux ; pour éviter tout risque, il valait mieux le supprimer.
Quant à l'article premier, il distingue l'introduction dans le domicile d'autrui du maintien. Ce dernier pourrait être sanctionné, même en l'absence de manoeuvres ou voies de fait. Je voterai ce texte sage. (Applaudissements au centre et à droite)
M. André Vallini, secrétaire d'État . - Les points de vue ne sont pas si éloignés. Chacun reconnaît qu'il y a un problème juridique. J'ai insisté aussi sur le problème social, face auquel la réponse pénale ne suffit pas. J'espère un consensus sur la base du texte de la commission.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
M. le président. - Amendement n°2 rectifié quater, présenté par Mme Bouchart, M. Duvernois, Mme Duchêne, M. J. Gautier, Mme Procaccia, MM. Gilles et Buffet, Mme Deroche et MM. Carle, Cambon et J.P. Fournier.
Rédiger ainsi cet article :
L'article 226-4 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 226-4. - L'introduction dans le domicile d'autrui ou dans un immeuble d'habitation, ou qui le devient de fait, à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.
« Le maintien dans le domicile d'autrui ou dans un immeuble d'habitation, ou qui le devient de fait, à la suite de l'introduction visée au premier alinéa, hors les cas où la loi le permet, est puni des mêmes peines. »
Mme Natacha Bouchart. - La commission des lois est connue pour sa sagesse mais il y a la réalité du terrain. C'est pourquoi je maintiens mes amendements. Un jour, je l'espère, nous aurons le courage de faire face, collectivement, à ces problèmes réels.
Je suis très fière de défendre ici le point de vue des maires de France. J'ai dit que l'objet de cette proposition de loi méritait d'être élargi au-delà des domiciles. C'est l'objet de cet amendement.
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur. - Sur le fond, je comprends Mme Bouchart. Les difficultés actuelles sont liées à l'interprétation du droit. Celle-ci est tout à fait claire en matière civile. Mais avec la loi Dalo, nous sommes sortis du droit commun et la décision est revenue au préfet. L'article 38 trouve son fondement dans l'article 226-4 du code pénal, qui trouve lui-même son fondement dans la jurisprudence... Soit nous en restons à une interprétation stricte, et les préfets seront forcés d'appliquer le dispositif, soit nous fragilisons l'ensemble. Retrait ?
M. André Vallini, secrétaire d'État. - Cet amendement dénaturerait l'infraction de violation de domicile, qui n'a pas pour objet de défendre la propriété en tant que telle mais la vie privée. Elle figure d'ailleurs dans le livre II du code pénal, consacré aux atteintes à la personne. En outre, le champ des locaux visés est flou, en contradiction avec le principe de légalité des délits. Retrait.
Mme Natacha Bouchart. - Soit. Mais je vous demande de rappeler à l'administration que le délai de 48 heures est nul et non avenu. Quoi qu'il en soit, je suis satisfaite de cette avancée.
L'amendement n°2 est retiré.
Mme Samia Ghali. - Squatter un logement ou une usine abandonnée n'est pas la même chose. Ces problèmes, je les vis au quotidien. Malheureusement, les préfets font traîner les choses, même lorsque la justice ordonne une expulsion. Si encore il y avait enquête sociale... La situation se cristallise, ce qui n'est bon pour personne.
L'article premier est adopté.
ARTICLE 2 (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°3 rectifié quater, présenté par Mme Bouchart, M. Duvernois, Mme Duchêne, M. J. Gautier, Mme Procaccia, MM. Gilles et Buffet, Mme Deroche et MM. Carle, Cambon et J.P. Fournier.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après le premier alinéa de l'article 38 de la loi n°2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cadre de ses pouvoirs de police, lorsque le maire a connaissance de l'occupation du domicile d'un de ses administrés ou de l'occupation d'un immeuble d'habitation, ou qui le devient de fait, dans les conditions déterminées au premier alinéa, il peut, après avoir cherché par tous moyens à contacter le propriétaire ou le locataire du logement occupé, demander au préfet de mettre en demeure l'occupant de quitter les lieux. »
Mme Natacha Bouchart. - Il est défendu.
M. Jean-Pierre Vial. - Faut-il que le maire puisse saisir le préfet ? Ils sont en relation dès qu'un squat est signalé. En outre, l'amendement pourrait engager la responsabilité du maire, qu'il ait agi ou non.
Enfin, il serait dangereux d'étendre l'article 38 à l'ensemble des immeubles vacants. Cet article est déjà juridiquement fragile mais là, nous encourrerions à coup sûr la censure du Conseil constitutionnel. Retrait.
M. André Vallini, secrétaire d'État. - Je partage ces arguments. En outre, les conditions d'application de cet amendement sont extrêmement floues : quelles preuves le maire devrait-il apporter ? Et il y a un risque d'atteinte aux droits de l'occupant légitime puisque le maire pourrait saisir le préfet sans son accord. Avis défavorable.
Mme Catherine Procaccia. - C'est bien vers le maire que l'on se tourne quand on ne sait pas quoi faire. Le cas s'est présenté récemment dans le Val-de-Marne. Des personnes âgées parties chez leurs enfants pour trois ou quatre mois peuvent ne pas être informées que leur domicile est squatté. La plupart des propriétaires ignorent qu'ils peuvent saisir le préfet. Cela dit, M. le rapporteur a bien expliqué pourquoi l'amendement était mal rédigé.
Mme Natacha Bouchart. - Je m'incline.
L'amendement n° 3 rectifié quater est retiré.L'article 2 demeure supprimé.
INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI
M. le président. - Amendement n°1 rectifié quater, présenté par Mme Bouchart, M. Duvernois, Mme Duchêne, M. J. Gautier, Mme Procaccia, MM. Gilles et Buffet, Mme Deroche et MM. Carle, Cambon et J.P. Fournier.
Rédiger ainsi cet intitulé :
Proposition de loi visant à lutter contre la violation de domicile et l'occupation illicite d'immeubles d'habitation
Mme Natacha Bouchart. - Défendu.
Le sous-amendement n°4 est retiré.
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur. - Le texte se borne à préciser les conditions d'exécution et ne crée pas de nouvelle procédure. Retrait.
M. André Vallini, secrétaire d'État. - Même avis.
L'amendement n°1 rectifié quater est retiré.
Interventions sur l'ensemble
M. Jean-Yves Leconte . - J'ai fait tout à l'heure une intervention très juridique, en raison des difficultés d'interprétation du droit en vigueur.
Il ne reste dans le texte que des précisions sur la violation de domicile, infraction continue. À mon sens, il serait utile de lever certaines fragilités. Nous nous abstiendrons, comme je l'avais annoncé, mais beaucoup de collègues socialistes voteront pour.
Je me félicite de la tonalité de nos débats. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Samia Ghali . - La situation est douloureuse pour les victimes des squats comme pour les élus, appelés parfois à éviter des débordements. Face à la pénurie de logements, la loi Dalo ne suffit plus : il faut d'autres réponses. Des organisations criminelles profitent de la crise du logement comme des faiblesses de notre droit. Ne mettons pas en jeu la responsabilité des maires : les préfets sont là pour faire appliquer la loi. Je voterai ce texte.
M. Jean-Claude Requier . - Le texte de la commission ayant été maintenu, nous le voterons. Il répond à l'appel des maires. Encore une fois, pas de manichéisme... (On approuve sur plusieurs bancs socialistes)
M. André Vallini, secrétaire d'État . - Je transmettrai vos demandes, madame Bouchart, à mes collègues de l'intérieur et de la justice.
Après avoir entendu M. Leconte et Mme Ghali, le Gouvernement s'en remet décidément à la très grande sagesse du Sénat.
La proposition de loi est adoptée.
Dépôt d'un rapport
M. le président. - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le huitième rapport du Haut Comité d'évaluation de la condition militaire. Celui-ci a été transmis à la commission des affaires étrangères.
La séance reprendra à 21 heures.
présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président
La séance reprend à 21 heures.
Mise au point au sujet d'un vote
Mme Colette Mélot. - Lors du scrutin n°23 sur l'amendement n°9 rectifié bis, l'amendement n°84 rectifié, l'amendement n°197 rectifié et l'amendement n°234 tendant à supprimer l'article 14 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, M. Rémy Pointereau souhaitait voter contre et non s'abstenir.
M. le président. - Acte est donné de cette mise au point. Il en sera tenu compte dans l'analyse politique du scrutin.
Conférence des présidents
M. le président. - Je vais vous donner lecture des conclusions de la Conférence des présidents qui s'est réunie ce soir.
La Conférence des présidents a pris acte, en application de l'article 6 bis du Règlement, de la demande du groupe CRC de création d'une commission d'enquête sur la réalité du détournement du crédit d'impôt recherche de son objet et de ses incidences sur la situation de l'emploi et de la recherche dans notre pays.
Elle a ensuite fixé l'ordre du jour jusqu'au jeudi 29 janvier.
Semaine sénatoriale.
JEUDI 11 DÉCEMBRE
De 9 heures à 13 heures :
Ordre du jour réservé au groupe socialiste :
- Proposition de résolution sur la reconnaissance de l'État de Palestine
- Proposition de loi relative à la protection de l'enfant
À 15 heures :
- Questions d'actualité au Gouvernement
À 16 heures 15 :
Ordre du jour réservé au groupe CRC :
- Proposition de résolution relative à un moratoire sur la mise en oeuvre des plans de prévention des risques technologiques
À 21 heures 30 :
- Projet de loi de finances rectificative pour 2014
VENDREDI 12 DÉCEMBRE
À 9 heures 30, à 14 heures 30, le soir et, éventuellement, la nuit :
- Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2014
Éventuellement, SAMEDI 13 DÉCEMBRE
À 9 heures 30 et à 14 heures 30 :
- Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2014
Semaine réservée par priorité au Gouvernement
LUNDI 15 DÉCEMBRE
À 10 heures :
- Proposition de loi relative à l'amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes
À 14 heures 30 et le soir :
- Suite éventuelle de l'ordre du jour du matin
- Nouvelle lecture du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral
MARDI 16 DÉCEMBRE
À 9 heures 30 :
- Questions orales
À 14 heures 30, le soir et, éventuellement, la nuit :
- Discussion générale du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République
MERCREDI 17 DÉCEMBRE
À 14 heures 30 et le soir :
- Suite éventuelle de la discussion générale du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014 ou nouvelle lecture
- Conclusions des commissions mixtes paritaires sur le projet de loi de finances pour 2015 et le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 ou nouvelles lectures
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière ou nouvelle lecture
En outre, à 14 heures 30 :
- Désignation des vingt et un membres de la commission d'enquête sur la réalité du détournement du crédit d'impôt recherche de son objet et de ses incidences sur la situation de l'emploi et de la recherche dans notre pays
JEUDI 18 DÉCEMBRE
À 9 heures 30 :
- Projet de loi autorisant l'approbation de la convention France-Andorre en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu
- Projet de loi autorisant la ratification de l'amendement au protocole de Kyoto du 11 décembre 1997
- Cinq conventions internationales en forme simplifiée
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises
À 14 heures 30 et, éventuellement, le soir :
- Suite éventuelle de l'ordre du jour du matin
- Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel.
Suspensions des travaux en séance plénièredu lundi 22 décembre 2014 au dimanche 11 janvier 2015
Semaines réservées par priorité au Gouvernement
MARDI 13 JANVIER
À 14 heures 30 :
- Suite du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République
À 21 heures 30 :
- Débat et vote sur la demande du Gouvernement d'autorisation de prolongation de l'intervention des forces armées en Irak
MERCREDI 14 JANVIER
À 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République
En outre, à 14 heures 30 :
- Désignation des 37 membres du groupe de travail préfigurant la création d'une commission spéciale sur le projet de loi pour la croissance et l'activité.
JEUDI 15 JANVIER
À 9 heures 30 :
- Suite du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République
À 15 heures :
- Questions d'actualité au Gouvernement
À 16 heures 15 et le soir :
- Suite de l'ordre du jour du matin
MARDI 20 JANVIER
À 9 heures 30 :
- Questions orales
À 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République
MERCREDI 21 JANVIER
À 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République
JEUDI 22 JANVIER
À 9 heures 30 :
- Suite éventuelle du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République
- Nouvelle lecture du projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures
- Projet de loi ratifiant l'ordonnance du 17 juillet 2014 relative à l'université des Antilles et de la Guyane
De 15 heures à 15 heures 45 :
- Questions cribles thématiques sur la réforme des rythmes scolaires
À 16 heures et, éventuellement, le soir :
- Suite éventuelle de l'ordre du jour du matin
Semaine sénatoriale de contrôle
MARDI 27 JANVIER
À 14 heures 30 :
- Explications de vote en séance et vote par scrutin public, en salle des Conférences, sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République
- Débat sur l'évolution des finances locales
À 21 heures 30 :
- Débat sur la situation des travailleurs saisonniers dans notre pays
MERCREDI 28 JANVIER
De 14 heures 30 à 18 heures 30 :
Ordre du jour réservé au groupe socialiste
- Deuxième lecture de la proposition de loi visant à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap titulaires de la carte de stationnement
- Suite de la proposition de loi relative à la protection de l'enfant
De 18 heures 30 à 21 heures :
- Débat sur le thème « Quels emplois pour demain ? »
JEUDI 29 JANVIER 2015
De 9 heures à 13 heures :
Ordre du jour réservé au groupe RDSE
- Suite de la proposition de loi constitutionnelle visant à rétablir à sept ans la durée du mandat du Président de la République et à le rendre non renouvelable
À 15 heures :
- Questions d'actualité au Gouvernement
De 16 heures 15 à 20 heures 15 :
Ordre du jour réservé au groupe UMP
- Proposition de loi organique portant diverses dispositions relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy
L'ordre du jour est ainsi réglé.
M. le président. - J'ajoute que la Conférence des présidents a décidé de s'opposer à l'engagement de la procédure accélérée sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Cette décision a été notifiée à M. le président de l'Assemblée nationale.
Débat préalable au Conseil européen
M. le président. - L'ordre du jour appelle un débat préalable à la réunion du Conseil européen des 18 et 19 décembre 2014.
Orateurs inscrits
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des affaires européennes . - Je remercie le Sénat d'organiser ce débat. Le Conseil des 18 et 19 décembre sera le premier en présence des présidents Juncker et Tusk. Son ordre du jour portera sur la relance de l'économie européenne et des investissements, avec le nouveau cadre pour les investissements en Europe, proposé par la Commission européenne. La France en avait fait une priorité et un impératif. Ce plan devra être rapidement adopté.
Le premier volet consiste à créer un nouveau Fonds européen pour les investissements stratégiques. Ce Fonds comprendrait une garantie de 16 milliards du budget de l'Union européenne, à quoi s'ajouteraient 5 milliards apportés par la Banque européenne d'investissement (BEI). Il devrait avoir un effet multiplicateur de 1 à 15 et attirer des co-financements. Ce sont donc 315 milliards d'investissements supplémentaires qui sont attendus pour les trois prochaines années.
Le défi est de casser le cercle vicieux du manque de confiance et du sous-investissement qui contribue à la stagnation de l'économie. Le Fonds interviendra dans le domaine des infrastructures mais aussi de la recherche et de l'éducation ; bref, tous les sujets d'avenir.
Les projets sont sélectionnés par une task force en fonction de leur valeur ajoutée européenne, de leur viabilité et leur valeur économiques avérées, de leur possibilité de débuter au plus tard dans les trois prochaines années.
Il s'agit de rendre l'Europe plus attractive pour les investissements, créer une union des marchés de capitaux, surtout à destination des PME. La Commission présentera une liste de priorités. Le Conseil européen se fixera deux clauses de revoyure, sur le marché de l'énergie en mars 2015 et sur le numérique en juin 2015.
Le Fonds devra pouvoir intervenir en prêts mais aussi en capital. La stagnation actuelle met en danger la croissance à long terme de l'Union européenne.
Les techniques de financement innovantes, à l'instar de project bonds, ont fait leurs preuves. Le dispositif doit être opérationnel au plus vite, en 2015. La Commission présentera une proposition législative début janvier 2015 ; le Conseil et le Parlement européen devront travailler vite pour une mise en oeuvre dès le deuxième semestre 2015. Dans la situation de crise actuelle, marquée par une croissance nulle, un investissement inférieur de 15 % à ce qu'il était en 2007 et des taux de chômage élevés, il y a urgence.
La BEI démarrera en outre le financement d'un certain nombre de projets sur ces fonds actuels.
Ce calendrier ambitieux est assorti d'une feuille de route précise. Ces propositions devront être complétées, amplifiées -nous l'avons redit lors du Conseil franco-allemand de la semaine dernière. La lutte contre l'optimisation fiscale, la taxe sur les transactions financières, le renforcement de la zone euro sont des priorités majeures sur lesquelles il faudra avancer rapidement.
Ce plan peut être renforcé. M. Juncker a évoqué devant le Parlement européen les contributions additionnelles des États membres, qui pourraient entraîner une flexibilité du pacte de stabilité. La BEI aussi sera sollicitée.
Les chefs d'État et de gouvernement échangeront aussi sur l'Ukraine. Depuis la réunion organisée à Ouistreham par le président Hollande, la France poursuit inlassablement le même objectif : la paix et la recherche d'une solution politique. Le bilan s'alourdit : plus de 1 000 tués depuis septembre, malgré le cessez-le-feu. L'exaspération de la population ukrainienne, les sanctions envers la Russie pèsent sur la situation.
Nous devons intensifier nos efforts, tant auprès des Russes que des Ukrainiens, pour qu'ils reviennent aux accords de Minsk, qui donnent une feuille de route pour retourner vers une situation de paix. Le président de la République a pris l'initiative, la semaine dernière, de rencontrer le président Poutine pour plaider pour une désescalade et une relance du processus politique. Les résultats sont là : le président Porochenko a annoncé que les tirs avaient cessé dans le Donbass. Les accords de Minsk doivent servir de feuille de route. Il n'y a pas, pour nous, d'autre objectif que de préserver la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine démocratique. Il en va de la stabilité du continent, de la paix, de nos relations avec nos voisins.
Voilà quel sera le programme du Conseil des 18 et 19 décembre, à l'aube d'une année 2015 qui doit être utile, celle de la croissance, de l'emploi et de la relance du projet européen. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. André Gattolin . - C'est donc à un nouveau plan de relance, préparé par la Commission, que le Conseil consacrera ses travaux. De fait, le niveau de l'investissement en Europe est préoccupant : il a décru de 15 % depuis 2007. La compétitivité de l'Union européenne en est fortement affaiblie. Il y a urgence à agir. Hélas, nous ne sommes pas persuadés que les mesures proposées soient aussi solides et pertinentes qu'elles devraient l'être. Le montant de 315 milliards ne représente en réalité que 2 % du PIB européen. En 2009, les États-Unis avaient opté pour un plan de relance de 650 milliards d'euros.
Le plan repose en outre sur un montage financier discutable : un fonds de 16 milliards, auquel s'ajoutent 5 milliards de la BEI, soit 21 milliards d'argent public -qu'on espère, par un double effet de levier, transformer en 300 milliards... Ce chiffre de 300 milliards a été annoncé, puis on a tenté de le justifier par une maquette de financements élaborés dans la précipitation. Nous ne sommes pas aussi optimistes sur l'effet multiplicateur de ce fonds, censé soutenir des investissements de long terme et des services publics qui, précisément, n'intéressent guère les investisseurs privés.
On nous avait déjà promis le même type de plan en 1992, sous Delors, puis avec le plan Chirac, en 2006 ; sans parler du plan de relance de 2012, dont on peut questionner l'efficacité. Le risque est qu'il se réduise à un effet d'aubaine pour le privé. La BEI n'intervient que très peu dans l'agriculture, la défense ou l'éducation. Ces domaines seront-ils exclus du plan Juncker ? Le parcours de ses financements est peu clair : ces fonds peuvent transiter par des banques commerciales... Une étude exhaustive des pratiques serait bienvenue pour remédier à d'éventuels abus. Il faut mieux cibler les politiques, mieux utiliser l'argent public.
L'Union européenne s'est construite dans la gestion de crises successives ; elle peine à mettre en place des synergies pour agir collectivement et de manière cohérente. La politique de la concurrence prend trop souvent le pas sur la politique industrielle ; l'harmonisation fiscale piétine. Les négociations sont à la fois trop et pas assez exclusives les unes des autres : le traité de libre-échange avec le Canada sera-t-il ratifié par le seul Parlement européen ou par les 28 parlements nationaux ?
Réorganisons, clarifions, revivifions les institutions européennes pour remettre l'Union européenne sur une trajectoire positive et porteuse d'avenir ! (Applaudissements à gauche)
M. Michel Billout . - Le chômage ne cesse d'augmenter, la population européenne s'est paupérisée, l'investissement stagne. Même l'Allemagne souffre : avec la politique d'austérité d'Angela Merkel, 20 % de la population sont sous le seuil de pauvreté et des infrastructures fondamentales souffrent d'obsolescence. Les leçons de la chancelière sont particulièrement mal venues...
L'investissement dans la zone euro est de 15 % inférieur à ce qu'il était en 2007. Cette chute est double de celles que subissent les États-Unis et le Japon. L'investissement ne représente plus que 19 % du PIB, contre 25 % aux États-Unis. Pour investir au même rythme que les États-Unis, l'Europe devrait y consacrer 500 milliards d'euros de plus.
Le plan Juncker, censé enrayer la spirale déflationniste, ne mobilise toutefois que très peu de fonds publics : 21 milliards. Les projets sélectionnés risquent de l'être sur les critères de rentabilité de court et de moyen terme. Le plan repose sur une logique de marché pour mettre en concurrence les États et les projets. Ceux-ci seront sélectionnés par des experts, non par les commissaires. Enfin, le plan reste axé sur les réformes structurelles libérales, avec pour but de créer un bon environnement pour les affaires. La règlementation des tarifs de l'électricité, par exemple, est dans la ligne de mire du président Juncker. Si cela marche, les profits tomberont dans les bonnes poches ; sinon, l'argent public viendra suppléer...
Pour nous, l'investissement doit servir à relancer la commande publique, renforcer les compétences professionnelles et l'insertion dans l'emploi, soutenir le pouvoir d'achat, créer de la croissance et cibler les réseaux porteurs d'un aménagement du territoire finement maillé. Cela suppose une réorientation des politiques nationales. Nous ne pensons pas, nous, que l'investissement et donc la dette soient une trahison des générations futures ; au contraire, c'est préparer leur avenir.
Faisons supporter par les banques les dommages causés par la crise financière. Le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États, prévu dans les traités commerciaux, avec le Canada et les États-Unis, limite la souveraineté des États. C'est inacceptable. C'est pourquoi nous nous félicitons de l'adoption de notre proposition de résolution, à l'unanimité, par la commission des affaires européennes. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Jean-Claude Requier . - Le 15 juillet dernier, le président Juncker à peine nommé annonçait un paquet sur la croissance, l'investissement et l'emploi. On ne peut que partager ce choix, le président François Hollande avait lui-même proposé, dès juin, une feuille de route pour réorienter l'Union européenne vers la croissance et l'emploi. En effet, loin de l'embellie espérée, la reprise a été décevante, le climat restant tendu avec la crise ukrainienne. Le chômage reste très élevé, autour de 10 %. Le risque de déflation est un vrai sujet d'inquiétude ; l'action de la Banque centrale européenne (BCE) sur les taux directeurs l'a contenu jusqu'à présent mais sans faire redémarrer l'économie.
Il faut donc des ambitions fortes pour la zone euro, d'autant que les États-Unis ont renoué avec la croissance. Il n'y a donc pas de fatalité. C'est une question de volonté politique. L'annonce du plan Juncker va dans le bon sens, bien que la prudence incite à se méfier des effets d'annonce.
Certes, concilier les souhaits des uns et des autres n'est pas aisé dans une Europe à 28. Les négociations sur le budget européen ont été compliquées : le projet de budget, arrêté à 145 milliards par le Conseil, a été revu par le Parlement européen, ce qui aboutit à faire des coupes sur la rubrique compétitivité... Quel paradoxe !
On peut donc légitimement s'inquiéter sur le grand plan d'investissements, qui suscite bien des critiques. La Commission européenne table sur un effet de levier de 1 à 15. Le secteur privé sera-t-il au rendez-vous ?
Injecter 21 milliards d'euros, c'est 0,5 % du PIB de la zone euro seulement. L'Union européenne devrait rechercher la solidarité plutôt que la concurrence. Un exemple, les abattoirs allemands, où les salariés sont payés 5 euros de l'heure. C'est une concurrence déloyale ! Heureusement, l'Allemagne annonce un Smic. Et que dire de l'optimisation fiscale, illustrée par le scandale Lux Leaks ? J'appelle de mes voeux une véritable harmonisation fiscale et une coordination économique, au service d'un véritable fédéralisme européen.
Autre sujet au menu du Conseil : Ebola. Le virus a fait plus de 5 000 victimes et des milliers de personnes sont encore contaminées chaque semaine. La France a annoncé une aide de 100 millions : pouvez-vous nous en dire plus, monsieur le ministre ? La mutualisation et la coordination des moyens est la meilleure façon de lutter contre ce fléau.
Faut-il qu'on vous respecte, monsieur le ministre, et qu'on aime l'Europe pour rater le match de football et être dans l'hémicycle ce soir ! (Sourires et applaudissements à gauche)
M. David Rachline . - Quel acharnement à ne pas remettre en cause un modèle européen rejeté par les peuples -souvenez-vous du non au référendum sur le traité de Lisbonne en 2005. La politique de l'Union européenne, c'est celle de l'autruche. M. Juncker, ancien dirigeant d'un paradis fiscal, manie les milliards mais les européistes ont perdu la confiance des peuples, et des investisseurs. Ce plan à 300 milliards n'est d'ailleurs même pas financé : on en a à peine 21. Le coefficient multiplicateur de 15 est très présomptueux, disent les spécialistes. Il n'y aura pas d'effet sans plans nationaux. Il ne représente que 3 milliards par pays et par an...
Bref, on est quasiment sûr que sa portée sera nulle. La très forte hétérogénéité des pays de l'Union européenne est un frein à la confiance. En outre, ces 16 milliards viennent en partie de réaffectations, preuve que le budget de l'Union européenne n'était pas si bien conçu.
Comment mener une politique économique sans leviers monétaire, commercial, budgétaire ? La France doit retrouver au plus vite sa souveraineté.
Sur la crise ukrainienne, nous sommes en profond désaccord. En poussant l'Ukraine à s'inféoder aux États-Unis, l'Europe s'éloigne de la Russie, qui se tourne vers la Chine. L'épisode des Mistral est édifiant.
Je remercie la commission des affaires européennes d'avoir organisé ce débat. Il permet de donner la parole à ces millions de Français qui, aux élections européennes, ont fait du Front national le premier parti de France !
M. Yves Pozzo di Borgo . - Je rends hommage à Jacques Barrot ; ce grand Européen savait à quel point le sort de la France est indissociable de celui du continent, monsieur Rachline. Sa disparition est une grande perte pour notre famille démocrate, chrétienne, celle de Jean Monnet, Alcide De Gasperi, Konrad Adenauer, celle des pères fondateurs de l'Europe.
M. Simon Sutour. - Avec d'autres !
M. Yves Pozzo di Borgo. - Certes. La crise change de visage tous les ans. L'avenir économique de la zone euro est assombri par le spectre de la déflation ; nous devons y apporter une réponse concrète. Attention à ce que le plan Juncker ne se limite pas à une opération de saupoudrage. Matteo Renzi dit que la politique budgétaire et financière de l'Union doit avoir « un nom et un prénom » : Stabilité et Croissance.
L'Union européenne a un potentiel sous-exploité pour réaliser des investissements que les États ne peuvent mener seuls. Ne passons pas à côté de l'essentiel : il s'agit bien de financer des projets structurants pour l'avenir.
Il faut éviter le saupoudrage. Le Gouvernement a envoyé à la Commission une liste de 32 projets nécessitant 48 milliards d'euros. Un doute me hante : ne passons-nous pas à côté de l'essentiel ? Le plan Juncker doit être stratégique, pas géométrique : il ne s'agit pas de reverser une quote-part au prorata de la richesse relative des États mais de financer des projets structurants pour l'avenir.
Le Gouvernement mentionne le projet de gazoduc Val de Saône, la liaison ferroviaire Charles-de-Gaulle Express ou la prolongation de la ligne E du RER vers la Défense. On parle aussi de 15 milliards d'euros pour les usines pilotes de nouvelle génération. Ces propositions sont intéressantes, mais qu'en est-il du programme de rénovation urbaine ? Ce n'est pas à l'Europe de le faire mais à l'État ? Idem pour la rénovation thermique des logements ou les prêts aux PME qui investissent dans le capital technologique.
Peut-être devrions-nous nous concentrer sur les sujets qui dépassent le cadre national : la transition énergétique, l'énergie, le numérique, l'espace. Depuis le Moyen Âge, l'Europe a toujours été structurée du nord au sud ; elle manque de grandes lignes de communication est-ouest. Le Lyon-Turin est l'exemple même du projet structurant pour l'avenir et vecteur de croissance pour demain. Je m'inquiète donc de l'opposition des eurodéputées écologistes Karima Delli et Michèle Rivasi.
L'objectif de 315 milliards est spectaculaire, peut-être trop optimiste. Nous ne pouvons prendre le risque de l'échec. Dans cinq ans, il sera trop tard. L'Europe est fragile, elle n'a pas d'énergie. Que pèse-t-elle face à la Chine, première puissance économique mondiale, dont la marine est en Méditerranée, qui a essayé d'acheter l'Islande ?
Réfléchissons à nos relations avec la Russie. Nicolas Sarkozy ne disait pas autre chose dans son discours de Saint-Pétersbourg, quand il proposait un ensemble économique Union européenne-Russie. C'est une piste à creuser. J'ai participé à la délégation parlementaire qui s'est rendue au Kazakhstan avec le président de la République, puis en Russie, et s'inquiète des conséquences des sanctions. C'est pourquoi je me réjouis de la récente initiative du président Hollande : intelligemment préparée, elle peut aider le président russe à sortir de l'isolement dans lequel il s?est enfermé.
Nous ne pouvons faire l'Europe si nous ne regardons pas en dehors de nos frontières. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC et écologistes)
Mme Fabienne Keller . - Au prochain Conseil européen, les États membres examineront le plan Juncker pour la croissance et l'investissement. La situation de l'investissement est en effet préoccupante : il a diminué de 15 % depuis 2007. L'économie française est encalminée. Sa croissance structurellement faible est liée à de faibles niveaux d'investissements et à des déficits élevés. Notre économie n'est soutenue que par la baisse du prix du pétrole et la dépréciation de l'euro : les politiques menées depuis 2012 se sont révélées inefficaces.
M. Simon Sutour. - C'est nuancé !
Mme Fabienne Keller. - Il n'y pas de croissance avec des déficits et une dette élevée. Notre pays est d'ailleurs en procédure pour déficit excessif.
M. Simon Sutour. - Qui l'a creusé ?
Mme Fabienne Keller. - L'investissement n'est qu'un pilier de la stratégie européenne, avec des finances publiques responsables. Il était impensable d'accroître l'endettement des États. Le déterminant fondamental de l'investissement, c'est la confiance.
Le plan Juncker constituera un appel d'air utile pour nos entreprises, mais n'est qu'une solution de transition. Si notre groupe ne rejette pas cette initiative, c'est bien parce qu'elle déçoit la gauche, parce qu'elle est raisonnable.
Il ne fait que mobiliser un financement existant, et rassurer les marchés. La sélection des projets par un comité d'experts est une bonne chose, pour sortir d'une logique de subventions nationales.
La recherche d'un effet de levier est nécessaire. Mais un multiplicateur de 15 ? C'est impressionnant ! On risque une déconvenue, après des effets d'aubaine. Le calcul de rentabilité est toujours délicat, et faussé en ce moment par la faiblesse historique des taux d'intérêt.
Privilégions la culture, les transports, le capital humain -via Erasmus, Leonardo, les programmes de recherche, malheureusement de plus en plus rabotés.
Comment le plan Juncker s'articulera-t-il avec les investissements d'avenir ? Évitons les mécanismes de substitution.
Comment la France soutiendra-t-elle les projets nationaux ? Quel sera le rôle de la Caisse des dépôts ? Quid du contrôle parlementaire ? Jusqu'où mener une politique monétaire expansionniste ? À quand une harmonisation fiscale, un small business act, des outils de gouvernance européens ?
Nous ne disons pas non au plan Juncker ; mais une politique d'investissement saine doit être claire et porteuse d'avenir pour tous les pays européens. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Didier Marie . - Le Conseil européen de décembre doit prendre des décisions essentielles pour l'Europe : après l'union bancaire l'an passé, la relance de l'économie est en jeu. L'investissement ralentit considérablement, ce qui nous fait perdre 0,5 point de croissance annuelle. Les États-Unis ont, eux, retrouvé leur niveau d'investissements d'avant-crise. Perte de compétitivité, chômage des jeunes : ni Rosetta ni Ariane 6 ne doivent occulter la réalité.
L'Union européenne bénéficie pourtant d'un alignement des astres remarquable : l'euro baisse par rapport au dollar, le prix du baril de pétrole baisse, les taux d'intérêt n'ont jamais été aussi faibles ce qui nous permet d'emprunter à bas coût. La liquidité est forte mais va dans les bas de laines plutôt que vers l'investissement, du fait d'une forte aversion au risque, résultat d'une grave crise de croissance. Le moment est venu d'agir.
Comment ne pas voir dans l'annonce du plan Juncker l'impulsion de François Hollande qui a su, depuis 2012, créer les conditions de ce virage économique historique, grâce à la crédibilité retrouvée de la parole de la France ? Nous tournons enfin le dos au tout-austérité.
La BEI devient l'outil nécessaire au retour de la croissance. Les priorités -numérique, transports, emploi des jeunes- sont à saluer, comme la création de comités d'experts et l'exclusion de ces dépenses du champ des déficits nationaux.
Il reste des sujets d'inquiétudes. L'Union européenne doit apporter 60 à 80 milliards d'argent frais, nous en sommes loin. La Pologne, les libéraux du Parlement européen plaident pour 700 milliards ; les socialistes pour 800 milliards. La task force a dénombré plus de 2 000 projets réclamant 1 200 milliards d'investissements... Et les collectivités territoriales ne sont pas encore associées...
Le fonds européen d'investissement stratégique ne sera finalement doté que de 16 milliards du budget européen, auxquels il faut ajouter les 5 milliards de la BEI. Cette dernière pourrait assouplir ses conditions de financement, prendre plus de risques et engager davantage de fonds propres. Quid de la mise à disposition des disponibilités du MES, même si l'Allemagne s'y refuse pour l'instant ?
L'annonce d'un coefficient multiplicateur de 15 est-elle bien réaliste ? On espère des fonds privés pour financer les projets de recherche fondamentale ou dans le secteur des transports ; or, il s'agit d'investissements de long terme... Le mécanisme ne doit pas s'enliser comme s'est un peu enlisée la garantie jeunesse... En résumé : pas de recyclage de financements existants, davantage d'argent public et des projets à effet immédiat. La France a déposé une trentaine de projets, pour 40 milliards d'euros, qui peuvent démarrer rapidement. Il faut aussi conforter cette stratégie par des ressources propres. La création d'un livret d'épargne européen, la lutte contre l'évasion fiscale, la taxation des grands groupes du numérique sont d'autres pistes à explorer.
Des mesures récentes ont permis de réorienter l'Europe. Nous avons besoin à présent d'un budget offensif de soutien de la croissance et de l'investissement. A défaut, nous courons le risque du populisme et de la désintégration. Nous soutenons le plan Juncker mais souhaitons que la France soutienne d'autres pas sur le chemin de la restauration de l'idéal européen. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances . - La Commission européenne présentera bientôt son exercice annuel de croissance qui marque le début du semestre européen. La France présentera, elle, son programme de stabilité et son programme national de réformes.
Le plan Juncker est important mais ne nous dispensera pas d'adopter une politique économique européenne adaptée aux circonstances. La consolidation budgétaire ne doit pas se faire au détriment de la croissance économique.
La Commission appelle à une politique budgétaire responsable : c'est à quoi s'attache le France avec la baisse de la fiscalité des ménages, le CICE et le pacte de responsabilité. Le rythme de baisse des déficits ne doit pas compromettre la reprise. Les choix de notre pays jouent le jeu européen sans casser l'investissement. La Commission a d'ailleurs invité l'Allemagne à investir davantage.
Le plan Juncker mobilisera 310 milliards sur la période 2015-2017. Son montage s'apparente à un jeu de poupées gigognes : en réalité, il est doté de 21 milliards d'euros. L'effet de levier attendu serait donc de 1 à 15. Dans quelle mesure ce dispositif incitera-t-il à plus d'investissements que ceux déjà prévus par les acteurs privés ?
Le projet de réforme bancaire de l'ancienne Commission n'a pas les mêmes contours que la législation française. Je souhaite que la commission des finances étudie les conséquences de la réforme que nous avons votée en 2013. Monsieur le ministre, avez-vous des informations sur l'inscription de ce texte à l'agenda ? Dans quelles dispositions le Gouvernement aborde-t-il tous ces sujets ? (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
Mme Colette Mélot, pour la commission des affaires européennes . - Je vous prie d'excuser excuser l'absence de M. Bizet, retenu par des obligations impératives.
Le Conseil européen des 18 et 19 décembre débattra de nouvelles mesures pour la croissance, l'emploi et la compétitivité en Europe, discutera du plan Juncker et se prononcera à la suite de la présentation de l'exercice annuel de croissance.
La nouvelle Commission a identifié trois piliers pour la politique économique et sociale de l'Union : un coup de fouet à l'investissement ; un nouvel effort dans les réformes structurelles ; la poursuite de l'assainissement budgétaire.
Nous avons des règles librement négociées, il faut les respecter et mettre en oeuvre les réformes structurelles nécessaires. Sept pays dont la France présentent un risque de non-conformité au pacte de stabilité et de croissance. L'effort requis est de 0,8 point de PIB -nous en sommes encore loin. En outre, les hypothèses macro-économiques que la France a retenues ont été jugées trop optimistes par la Commission.
L'Europe doit retrouver le chemin de la compétitivité. L'effort doit porter en priorité sur les PME, là se trouvent les gisements d'innovation et d'emplois. L'effort en recherche et développement est encore insuffisant et loin des objectifs de la stratégie 2020 -l'objectif des 3 % de PIB n'est pas atteint.
Le chômage demeure à des niveaux élevés, surtout celui des jeunes. La Commission européenne préconise des actions ciblées ; 6,4 milliards ont été alloués à la garantie pour la jeunesse, mais les délais sont trop longs.
La mise en place d'un marché unique du numérique et d'une Union de l'énergie doivent être des priorités -des coopérations entre la France et l'Allemagne doivent être recherchées. Il est également capital d'achever l'union bancaire.
Le plan Juncker peut donner l'impulsion dont l'Europe a besoin. Mais des questions demeurent. Il faut clarifier l'engagement de la BEI, la part de financement public et de financement privé, la contribution exacte du cadre financier pluriannuel, les critères fixés par la task force. Les fonds structurels, très attendus dans les territoires, ne doivent pas être détournés de leur finalité. Les projets devront avoir une véritable dimension européenne, être immédiatement mobilisables et préparer effectivement l'avenir. Le Sénat y sera particulièrement attentif. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Harlem Désir, secrétaire d'État . - Merci à tous pour vos interventions.
Il faut d'abord faire le constat de la situation économique. Dans la zone euro, la croissance est de 0,2 % au troisième trimestre 2014, contre 1 % aux États-Unis. L'inflation est à un niveau exceptionnellement bas, 0,3 % en novembre, voire négative comme en Espagne et en Grèce.
La production industrielle a baissé de 15 % par rapport à 2008 -voire de 30 % en Espagne et en Italie, où l'on est loin d'avoir rattrapé les niveaux d'avant-crise. Le taux de chômage atteint 11,6 %... Cette situation est générale, madame Keller. La France a fait un peu mieux, 0,3 % de croissance quand l'Allemagne ne faisait que 0,1 %... Nos choix de politique économique ne sont donc pas en cause.
Il faut à présent articuler nos politiques économiques, monétaires, d'investissement et de réformes à l'échelle européenne pour retrouver la croissance et surtout ne pas dégrader notre croissance potentielle. L'économie repart hors zone euro, aux États-Unis, en Grande-Bretagne, dans certains pays émergents. La dynamique viendra du soutien aux investissements publics et privés.
Nous avons également besoin d'une politique monétaire dynamique et de soutien à l'investissement ainsi que de réformes structurelles. L'Allemagne a mené les siennes il y a dix ans et elle en tire aujourd'hui les bénéfices, même si sa croissance est moindre. En France, ces réformes n'ont pas été menées ; celles que nous avons lancées commencent à produire leurs effets.
M. Simon Sutour. - Très juste !
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Au-delà des efforts nationaux, une politique européenne de soutien aux investissements est nécessaire, notamment dans les grands domaines d'avenir, le numérique, l'énergie, la transition énergétique, les grands réseaux. Dans ces secteurs, monsieur Rachline, nos pays ne peuvent agir efficacement seuls. Le plan Juncker marque la volonté de répondre à 28 à ce défi. Le président de la Commission l'a dit ce matin, il y a largement de quoi investir 1 000 milliards d'euros... Mais constatant que la somme disponible n'est pas de cet ordre, il a plaidé pour une utilisation intelligente des ressources Je me vois défendre M. Juncker face à Mme Keller : c'est le charme de ces débats... La priorité n'est plus l'austérité mais le soutien à l'investissement.
La Commission européenne a rendu un rapport sur les politiques budgétaires nationales. Elle a constaté que sept États dépasseront les 3 %, dont la France, l'Autriche ou l'Italie ; mais aussi les conséquences de la stagnation économique et de la faible inflation...
Il fallait continuer à réduire les déficits et l'endettement qui, je le rappelle, ne datent pas de cette année ni de la précédente... Le déficit était de 5,3 % en 2011, il sera de 4,1 % en 2015. Nous veillons à ce que la réduction ne soit pas trop brutale de sorte que la croissance ne soit pas cassée. La Commission européenne s'est donné le temps de disposer de tous les chiffres et de reporter à mars prochain ses recommandations.
Monsieur Gattolin, la BEI commence à prendre des risques dans de nouveaux domaines, comme l'éducation. J'irai demain signer une convention de prêt de la BEI pour la rénovation thermique des lycées de Bourgogne et Franche-Comté, pour 100 millions d'euros. La BEI participe également, avec la Caisse des dépôts et consignations, au financement du plan Campus. Elle doit aussi et surtout aider les PME. Le futur fonds d'investissement sera doté d'une capacité de prêt plus importante ; les projets sélectionnés le seront sur la base de leur rentabilité mais, s'agissant de recherche et d'innovation, ils présenteront une part de risque ; la garantie publique sera là pour rassurer les acteurs privés.
D'aucuns s'inquiètent du niveau de l'effet de levier. En 2012, les 60 milliards de prêts de la BEI avaient conduit à des opérations de financement pour 180 milliards d'euros. C'est ce plan-là qui a servi de base au plan Juncker.
Nous voulons aussi avancer dans d'autres domaines : la TTF, l'harmonisation fiscale, la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales. Nous avons fait des propositions sur la territorialité de la première et son champ, pour couvrir d'abord les actions et les produits dérivés les plus spéculatifs, comme les CDS. Nous devrions tenir le calendrier et signer un accord début 2015, pour une entrée en vigueur début 2016.
Monsieur Requier, un accord est intervenu sur le budget rectificatif pour 2014 : 3,6 milliards résorberont les engagements passés. Pour 2015, 144,8 milliards en autorisations d'engagement et 140,0 milliards en crédits de paiement sont budgétés. La recherche comme les grands projets d'infrastructure, tels le canal Seine-Nord ou le Lyon-Turin, seront financés ; l'Union européenne contribuera à 40 % aux travaux de la ligne Lyon-Turin.
Les décisions prises relatives à Ebola sont en cours de mise en oeuvre. La France a engagé 110 millions d'euros sur 2014-2015 pour la création de centres en Guinée forestière et à Conakry, destinés à soigner les malades mais aussi les soignants ; 61 millions supplémentaires seront apportés par l'Union européenne.
Mme la présidente André m'interroge sur la réforme bancaire et les intentions de la Commission. La France a voté la séparation des activités : nous voyons dans notre législation un bon équilibre, dont la Commission doit tenir compte. Les Britanniques ont fait un autre choix. Nos banques universelles, parmi les plus grandes en Europe, ont passé avec succès les stress tests européens. Le plus important est en place : MRU, FRU. Je ne vois pas qu'une directive amène la France à reconsidérer sa législation.
Le Parlement européen votera sur une proposition législative pour autoriser l'utilisation d'une partie du budget européen comme garantie du fonds européen d'investissement stratégique. Nous rendrons compte à la représentation nationale de chacune des étapes de mise en place de celui-ci. Nous y voyons une base de départ. Nous espérons, comme nombre d'entre vous, aller plus loin.
L'année 2015 marquera un tournant : celui des investissements et de la croissance dont l'Europe a maintenant besoin. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
Débat interactif et spontané
M. Bernard Fournier . - Le débat de ce soir est consacré aux 300 milliards d'investissements prévus pour les deux années à venir. La même énergie devrait être déployée sur le dossier syrien et irakien. L'Union européenne a-t-elle une stratégie commune ? Une politique coordonnée ?
La France intervient depuis quatre mois pour stopper l'avancée de Daech, dont la barbarie est sans limite. L'Union ne peut rester inactive. Elle doit avoir une politique à long terme si elle ne veut pas que les mêmes causes produisent ailleurs les mêmes effets. A ses portes, la Turquie gère un flot ininterrompu de réfugiés ; des combats sanglants se déroulent à sa frontière, notamment à Kobané, devenue symbole de la résistance. Derrière le conflit en cours se pose la question d'un territoire kurde de part et d'autre de la frontière...
Le processus de paix engagé par le président Erdogan en 2009 est au point mort et la Turquie refuse d'accueillir sur son sol des réfugiés kurdes de Syrie. Cette question est-elle anticipée par l'Union européenne ? La reconstruction politique de la zone est cruciale pour la paix européenne et mondiale.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - La France a été parmi les premiers pays à réagir pour stopper l'offensive de Daech, qui menaçait Bagdad. Ce groupe, qui sème la terreur en s'en prenant aux Yézidis, aux chrétiens d'Orient, aux chiites, n'est pas un État ni fondé à se réclamer de l'islam. Nous avons contribué à la constitution d'une coalition internationale, qui comprend aussi des pays arabes ; on sait que l'Iran désormais intervient aussi. Nous soutenons en Syrie une solution politique et non le Gouvernement, qui est responsable de la guerre civile, du massacre de 200 000 Syriens et de l'exode de millions réfugiés.
Nous soutenons la démarche du représentant des Nations-Unies. L'urgence était de défendre Kobané ; elle est maintenant de protéger Alep.
La lutte contre le terrorisme est un autre enjeu du conflit. De nombreux jeunes sont attirés par la propagande de Daech et se sont associés à ses activités criminelles. Leur retour en France et en Europe n'est pas exempt de menaces. Nous avons fait évoluer notre législation et faisons de la coopération européenne une priorité. Nous luttons contre la propagande sur internet ; la France a pris l'initiative de réunir les ministres de l'intérieur de l'Union européenne. Laurent Fabius a aussi fait de la lutte contre le terrorisme une priorité.
M. Jean-Yves Leconte . - Je veux saluer le geste du président de la République, premier chef de l'État d'un pays de l'Otan à se rendre en Russie dans le contexte de la crise ukrainienne. Il est indispensable de trouver ensemble une solution, car on ne peut se résoudre à une escalade qui menace notre économie et la paix. Le non-respect des accords de Minsk par les séparatistes, qui ont en outre organisé des élections pirates avec le soutien de la Russie, a balayé le plan de paix. Il faut donc retrouver les voies du dialogue. Il n'est pas acceptable qu'un peuple se voit contester sa souveraineté par un de ses voisins. Sortons l'après-Yalta de nos esprits !
Comment redonner confiance au continent ? Où en est-on du projet de drone franco-allemand pour surveiller la frontière entre l'Ukraine et la Russie ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - L'initiative du président de la République est intervenue à un moment décisif ; il faut qu'elle marque un tournant. C'est le message que le président de la République a exprimé au président Poutine. M. Pozzo di Borgo, qui était du voyage au Kazakhstan, a souligné que cette rencontre avait été préparée et faisait suite aux rencontres de Brisbane et de Normandie. Nous avons toujours voulu maintenir le fil du dialogue. Il n'y a pas d'autre issue à cette crise que celle du dialogue et du respect des accords de Minsk. Ils fixent une feuille de route : un cessez-le-feu surveillé par l'OSCE, la démilitarisation des zones frontalières, le retrait des armes lourdes, la libération des prisonniers, une discussion sur le statut des régions de l'est de l'Ukraine, le rétablissement de relations politiques et économiques normales, pacifiées entre la Russie et l'Ukraine.
C'est l'objectif que poursuivent le président de la République et notre diplomatie. La Russie ne doit pas être un adversaire. Après la violation du droit international, des sanctions ont été décidées ; mais elles ne sont pas une fin en soi ; l'objectif est bien le dialogue et la recherche d'une solution politique. Nous le faisons avec nos partenaires dans le format Weimar et à 28. Le président de la République a été en contact avec Mme Merkel et M. Juncker autour de sa rencontre avec M. Poutine ; ce sera un point très important de la réunion du Conseil du 18 décembre. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit)
Mme Catherine Morin-Desailly . - Sur les 315 milliards d'euros annoncés, le commissaire chargé du numérique Oettinger annonce que 10 milliards seront consacrés aux réseaux haut débit. Espérons que l'Union européenne parviendra enfin à se doter des infrastructures nécessaires à son avenir. Mais il faut aussi revoir la régulation, permettre aux entreprises européennes de lutter à armes égales contre les géants américains -c'était l'un des points saillants de mon rapport de 2013 et de notre mission commune d'information sur la gouvernance de l'internet. Face à l'abus de position dominante de Google sur la recherche en ligne, la résolution du Parlement européen propose des pistes intéressantes.
Le Gouvernement plaidera-t-il dans le même sens à Bruxelles ? Comment soutenir une politique industrielle et de recherche plus ambitieuse dans le domaine du numérique, par exemple autour d'un projet franco-allemand d'importance ? (Applaudissements au centre)
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Le numérique est au coeur du plan Juncker. Dix des trente-et-un projets transmis à titre indicatif par la France à la task force concernent l'économie numérique. L'Europe n'est pas qu'un espace de consommation du numérique ; elle doit veiller aussi à la régulation du secteur, à la fiscalité -en taxant les entreprises sur le lieu de réalisation des bénéfices, suivre la réforme de l'Icann. Vos travaux sont une aide précieuse.
M. Philippe Mouiller . - Le plan Juncker suscite beaucoup d'espoirs. J'espère que ce ne sera pas de faux espoirs...
La représentation nationale doit être informée dans le détail des projets présentés par le Gouvernement à la task force. S'agit-il des grands projets d'infrastructure retenu dans le programme pluriannuel 2014-2020 ? Le plan Juncker ne doit pas servir à recycler les projets d'États impécunieux mais à créer de vraies dynamiques avec les partenaires privés.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - La liste des projets transmis par la France est indicative. Nous nous réservons la possibilité d'en transmettre d'autres. Il s'agit de projets qui ne bénéficient pas déjà d'aides européennes, que nous pensons utiles, qui ont une valeur ajoutée européenne. Le processus d'identification des projets est en cours. Nous en rendrons compte devant le Parlement car nous aurons besoin de son appui pour plaider leur cause auprès de la Commission. Transition énergétique, numérique, innovation, formation et éducation, capital humain : cela devrait faire consensus.
M. Simon Sutour . - La présidence italienne qui s'achève a été efficace. La Lettonie va prendre sa suite au 1er janvier. Sa priorité sera le partenariat oriental -comme lors de la présidence lithuanienne, sans grand succès... La Grèce comme l'Italie ont eu une approche équilibrée de la politique de voisinage, alors que le budget de celle-ci est consacré pour les deux tiers à la politique euro-méditérannéenne et pour un tiers au partenariat oriental. La France rappellera-t-elle à la Lettonie qu'elle va présider l'ensemble de l'Union européenne et que la politique euro-méditerranéenne doit rester une priorité ? (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit ainsi que M. Jean-Yves Leconte et Mme Catherine Morin-Desailly)
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Nous discutons avec les Lettons de leurs priorités pour ce semestre. C'est une bonne chose qu'un nouvel entrant assure la présidence de l'Union. On comprend que la Lettonie attache beaucoup d'importance à la politique de voisinage -un sommet se tiendra sur le partenariat oriental en mai prochain ; mais cette politique ne doit pas être confondue avec la politique d'élargissement. N'entretenons pas l'ambiguïté avec la perspective d'adhésion. Parmi les pays concernés par la politique de voisinage, le partage des fonds est en effet de deux tiers pour le voisinage sud et un tiers pour les voisins orientaux. Il doit être maintenu. Voyez la situation de la Tunisie, qui vient de réussir sa transition démocratique. Nous ne relâchons pas cette priorité.
M. Michel Billout . - À la tête du Luxembourg, M. Juncker s'est affranchi pendant des années de la règle commune, faisant de son pays l'un des hauts lieux de l'évasion fiscale. Lux Leaks II implique 35 grandes entreprises, de Disney à Telecom Italia en passant par Bombardier ou Skype, auxquelles des rulings ont été accordés entre 2003 et 2011. Selon la presse, ces accords de rescrit fiscal ont été mis au point par les quatre grands cabinets internationaux de conseil. Le Gouvernement français demandera-t-il des comptes au Luxembourg ? Quelles actions compte-t-il mener pour combattre l'évasion fiscale au sein même de l'Union européenne ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Le président Juncker s'est engagé clairement pour la lutte contre l'optimisation fiscale. Le système du rescrit fiscal, pratiqué notamment par le Luxembourg, n'est pas acceptable. Que des grandes entreprises s'exonèrent ainsi de l'impôt n'est pas tolérable : c'est une concurrence déloyale, la source de délocalisation d'activités et un manque à gagner pour les finances publiques des autres pays de l'Union européenne. Chacun doit payer sa part de l'impôt. Ce système doit être combattu, c'est vital pour l'économie européenne. Ces mécanismes doivent être transparents, encadrés.
L'échange automatique d'informations devient la règle, avec comme objectif de mettre en place, dans notre intérêt commun, un serpent fiscal européen, avec un plancher et un plafond. Dans un marché unique, avec une liberté de circulation des capitaux, on ne peut avoir une fiscalité à ce point discordante. Dans le programme Juncker doivent figurer des objectifs de lutte contre tous les mécanismes d'évasion et de fraude fiscales.
M. Pascal Allizard . - Je reviens sur l'Ukraine. Les élections législatives se sont plutôt bien déroulées, selon les observateurs internationaux, mais le processus politique est figé. La situation économique se dégrade, les affrontements armés dans l'est n'ont jamais cessé malgré la trêve signée en septembre ; celle qui vient d'être conclue tiendra-t-elle ? Les sanctions internationales sont-elles adaptées ?
Elles font peu pour infléchir la position russe. La Russie perdrait pourtant 32 milliards par an. Faut-il s'en féliciter ? Le président Poutine en tire une légitimité renforcée...
En définitive, la Russie noue des partenariats avec la Turquie et l'Asie, et le sentiment anti-européen se renforce. Pourtant, l'Ukraine et la Russie sont intimement liées. Ne pouvons-nous offrir à l'Ukraine autre chose qu'un choix cornélien entre la Russie et l'Union européenne ? La crise ukrainienne pourrait contaminer la Moldavie... Les initiatives de la France sont-elles suffisantes et suffisamment ciblées pour parer à de nouvelles crises ? (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. - Les sanctions ont un impact sur la Russie mais ne sont pas une fin en soi. L'économie russe est aussi touchée par la baisse des prix du pétrole... L'Allemagne, principal partenaire économique de la Russie en Europe, en subit le contrecoup. Il y a eu violation du droit international, escalade de la situation militaire, armement de séparatistes -tout cela ne mène qu'à un désastre pour les populations de l'est de l'Ukraine et de la Crimée. La solution, c'est le cessez-le-feu, le dialogue, la modernisation démocratique de l'Ukraine. L'Union européenne est solidaire de l'Ukraine à qui elle vient d'accorder encore 500 millions d'euros. Cette aide est conditionnée à des réformes, en matière de lutte contre la corruption, de constitution d'un État de droit, d'assainissement économique. L'Ukraine a fait le choix de la démocratie. Elle doit retrouver des relations pacifiées avec la Russie. La géographie ne changera pas. L'Ukraine a deux voisins ; il n'y a pas à la mettre devant un choix cornélien entre l'Union européenne et la Russie mais à l'aider à vivre en paix entre les deux.
La question est aussi celle des relations entre l'Union européenne et l'Union eurasiatique. La question est ouverte et ne doit pas être posée en termes antagoniques. Plutôt que de chercher la confrontation, construisons un avenir de peuples partenaires. Faisons tout pour éviter que ne tombe un nouveau rideau de fer sur l'Europe !
M. Yves Pozzo di Borgo. - Très bien !
M. le président. - Je remercie le ministre pour la précision de ses réponses.
Prochaine séance demain, jeudi 11 décembre 2014, à 9 heures.
La séance est levée à 23 h 35.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
Ordre du jour du jeudi 11 décembre 2014
Séance publique
De 9 heures à 13 heures
Présidence : Mme Françoise Cartron, vice-présidente
Secrétaires : M. Christian Cambon
M. Serge Larcher
1. Proposition de résolution sur la reconnaissance de l'État de Palestine, présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution (n°151, 2014-2015).
2. Proposition de loi relative à la protection de l'enfant (n°799, 2013-2014).
Rapport de Mme Michelle Meunier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°146, 2014-2015).
Texte de la commission (n°147, 2014-2015).
Avis de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n°139, 2014-2015).
À 15 heures
Présidence : M. Gérard Larcher, président du Sénat
3. Questions d'actualité au Gouvernement
À 16 heures 15
Présidence : M. Claude Bérit-Débat, vice-président
4. Proposition de résolution relative à un moratoire sur la mise en oeuvre des plans de prévention des risques technologiques issus de la loi n°2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages et des lois subséquentes, présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution (n°128, 2014-2015)
À 21 heures 30
Présidence : M. Claude Bérit-Débat, vice-président
4. Projet de loi de finances rectificative pour 2014, adopté par l'Assemblée nationale (n°155, 2014-2015).
Rapport de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances (n°159, tomes I et II, 2014-2015).