Projet de loi de finances pour 2015 (Suite)
Administration générale et territoriale de l'État
Mme la présidente. - Nous allons maintenant examiner les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».
M. Hervé Marseille, rapporteur spécial de la commission des finances . - La mission « Administration générale et territoriale de l'État » bénéficie d'une enveloppe de 2,78 milliards d'euros de crédits de paiement, en diminution de 1,4 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2014, sous l'effet principalement d'une réduction des dépenses de personnel. Les baisses d'effectifs ne sauraient conduire à des déserts sous-préfectoraux ; la distinction accrue du grade et de la fonction devrait permettre de pourvoir davantage de postes de sous-préfets territoriaux par les administrateurs civils. Dans le cadre du recueil des données personnelles relatives au permis de conduire, il est prévu une saisine de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) par des photographes, alors qu'elle pourrait être effectuée par l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) en tant qu'opérateur de l'État ayant pour mission de développer et d'assurer la production de titres. Enfin, le montant de la dotation versée aux mairies pour l'enregistrement des demandes de passeport et la remises de ce titre n'a été réévalué que de 30 euros (soit 0,6 %) en cinq ans, ce qui est très inférieur à l'inflation (8 % sur la période 2009-2014) et ne correspond donc qu'à la compensation partielle d'un transfert de charges important pour les collectivités territoriales.
Le programme 216 est doté, hors fonds de concours, de 718,9 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit une baisse de 18,5 %. Cette diminution traduit le cycle d'investissements du ministère, alors que l'année 2014 avait été marquée par la rationalisation du pôle judiciaire à Nanterre et la poursuite du regroupement des directions transversales et des services de soutien du ministère.
La sous-dotation de certains crédits pose un problème de sincérité budgétaire. Certes, des économies sont attendues pour les dépenses prévues au titre des refus de concours de la force publique, mais elles ne suffisent pas à expliquer la différence de 24 millions d'euros entre les niveaux constatés en exécution en 2013 et en 2014, et la prévision de dépenses inscrites dans le projet de loi de finances pour 2015.
L'article 46 supprime l'envoi à domicile de la propagande électorale sous format papier pour les élections régionales, départementales et des assemblées de Guyane et de Martinique qui seront organisées au cours de l'année 2015. Comme pour un dispositif d'inspiration analogue, visant à la dématérialisation partielle de la propagande électorale pour les élections européennes, déjà rejeté par l'Assemblée nationale et le Sénat l'an passé, je vous propose de supprimer cet article car la réception de la propagande électorale constitue la principale et parfois la seule information des électeurs sur l'organisation d'un scrutin. La supprimer risque d'encourager l'abstention. En outre, nos concitoyens n'ont pas tous Internet et les zones blanches affectant la couverture d'une partie du territoire accroissent encore les inégalités d'accès à l'information électorale qui résulteraient de ce dispositif, notamment pour les personnes âgées et celles qui maîtrisent mal le français. L'exercice de la démocratie a un coût qu'il convient d'accepter. Le seul motif budgétaire ne saurait justifier la création d'inégalités entre les citoyens dans la participation à la vie politique.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose d'adopter sans modification les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », et les articles rattachés.
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur pour avis de la commission des lois . - La mission « Administration générale et territoriale de l'État » comprend trois programmes d'inégale importance : le programme 232, « Vie politique, culturelle et associative » de 302,3 millions d'euros ; le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », dont les crédits représentent 719 millions d'euros ; le programme 307 « Administration territoriale » est plus important, avec 1 718 millions d'euros en autorisations d'engagement et 1 717 millions d'euros en crédits de paiement sur lequel je m'arrêterai plus longuement.
Ces chiffres représentent une baisse de 0,5 % en autorisations d'engagement et de 0,4 % en crédits de paiement par rapport à 2014 soit 3,8 millions d'euros de moins en crédits de fonctionnement et une perte de 180 ETP.
Depuis 2008, changements de majorité ou pas, l'administration territoriale de l'État vit sous le signe de la réforme permanente. De « RéATE 1 » pour le gouvernement précédent, en « MAP 2 » pour le gouvernement actuel, l'objectif est toujours le même : réorganiser, mutualiser, réduire les effectifs. Ainsi, en huit ans, les services préfectoraux ont perdu 10 % de leurs effectifs, passant de 30 228 EPTP en 2007 à 27 143 prévus pour 2015.
Les objectifs de cette politique sont doublement ambigus.
Il s'agit d'optimiser l'affectation des crédits disponibles et d'améliorer l'efficacité du service public, souci de tout gestionnaire qui se respecte et, en même temps de donner la priorité à la réduction des dépenses publiques, bref bien dépenser versus moins dépenser.
Dans le même temps, il s'agit améliorer l'efficacité de l'État gestionnaire de services à la population et d'assurer la présence de l'État républicain, des symboles et marques d'une République « une et indivisible » sur l'ensemble du territoire : « manager » versus gouverner. Ce qui pose la question d'une éventuelle redistribution des sous-préfets sur l'ensemble du territoire et de l'éventuel remplacement du corps des préfets par un cadre d'emploi fonctionnel, comme souhaite la Cour des comptes.
Ces objectifs sont contradictoires même si la rhétorique officielle les présente un peu vite comme toujours conciliables, pourvu qu'on stimule le sens du service public et l'imagination des fonctionnaires. Ainsi, malgré la bonne volonté des personnels et leur capacité à s'adapter et à innover, le principe selon lequel réduire les crédits c'est mieux les employer, moins de fonctionnaires c'est un meilleur service public, atteint aujourd'hui ses limites. D'où la suspicion que suscite chaque réforme. Ainsi en va-t-il de la récente création des « maisons de l'État ». Cette mesure pertinente de regroupement des moyens laisse planer le risque de préparer discrètement la disparition des sous-préfets en secteur rural, remplacés par des chefs de bureau moins coûteux.
L'amélioration de la gestion des services au public, par exemple la réduction de la durée d'obtention de titres, est souvent obtenue au prix de la mobilisation des moyens sur cet objectif au détriment d'autres. Les indicateurs de performance les ignorent, tel le conseil aux élus, ou sont formulés en termes tels qu'ils ne permettent aucun contrôle réel. Que signifie un taux de contrôle des actes dits prioritaires des collectivités en l'absence d'une définition stricte de la frontière entre ces actes prioritaires et les autres ?
De réforme en réforme, réalisée ou annoncée, comme celle de la carte des sous-préfectures, de réduction des effectifs en redéploiements, les agents des services déconcentrés atteignent le seuil de saturation. Ils constatent l'inadéquation grandissante entre les moyens alloués à l'administration territoriale au regard de ses missions, nombreuses et diverses puisqu'elles vont de l'appui aux collectivités locales et du conseil aux élus, au contrôle de légalité, en passant par la délivrance des titres ou la coordination des services déconcentrés de l'État sur un territoire.
Du côté des élus, on peine aussi à voir le lien entre la réorganisation territoriale version « Mapam » puis « NOTRe » et les réformes successives de l'administration déconcentrée alors qu'une bonne articulation entre les deux est essentielle à la réussite de chacune, plus essentielle, en tous cas, que la taille des collectivités. Tout cela donne l'impression de réformes parallèles conduites selon leurs logiques propres, sinon changeantes comme on a pu le constater avec la réforme territoriale. Que les parallèles soient appelées à se rejoindre à l'infini n'est guère rassurant.
C'est pourquoi la commission des lois, à la différence de la commission des finances, a émis un avis négatif sur les crédits de la mission.
Mme Jacky Deromedi . - L'analyse des crédits de cette mission ne permet guère de juger de la politique du Gouvernement en la matière. Sur les arbitrages des programmes 307 et 232, nous attendons des éclairages du Gouvernement. Le premier point sur lequel il devait se montrer plus prolixe est l'avenir des préfectures et des sous-préfectures. Son indécision est patente.
Examiner les crédits n'est pas chose aisée, sans connaître les conséquences de la loi NOTRe. Le Gouvernement envisage-t-il de remodeler la carte des arrondissements qui soulève de vives inquiétudes dans les zones rurales ?
Sur le financement des partis politiques au programme 232, nous constatons une baisse des crédits de paiement de 10 millions d'euros, soit de l'ordre de 15 % par rapport à 2014, pour atteindre 303 millions. Cette baisse a été supprimée à l'Assemblée nationale. Mais nous sommes inquiets, après la diminution de 10 % et de 5 % des deux années précédentes. Basses considérations pécuniaires, diraient certains, mais il ne faut pas oublier l'article 4 de la Constitution.
Les partis politiques concourent à l'expression du suffrage. La dématérialisation de la propagande électorale est une aide inespérée pour l'abstention, qui enfreint l'égalité des citoyens devant le suffrage, en raison de la fracture numérique, ce que le Conseil constitutionnel ne peut ignorer. Sa suppression par l'Assemblée nationale est bienvenue, mais nous demeurons inquiets de la diminution des moyens alloués aux préfectures et sous-préfectures. Que prépare le Gouvernement ?
M. Alain Anziani . - La commission des lois a donné un avis défavorable à ces crédits, suivant son rapporteur, estimant qu'il ne fallait pas diminuer la présence de l'État dans les territoires et exprimant un ras-le-bol relatif à la réforme territoriale...
Pourtant, s'agissant du premier point, les crédits ne baissent que de 0,4 % : c'est une quasi-mobilité. Nous sommes loin des coupes sévères de la RGPP. Certes, 180 emplois ne seront pas remplacés : ce ne sont que 180 emplois...
J'ai été rapporteur pour avis de cette mission pendant de nombreuses années. La carte de l'administration déconcentrée a toujours été une question centrale ; nous ne découvrons rien. Pierre-Yves Collombat le reconnaît lui-même dans son rapport : la répartition des préfectures n'a pas évolué depuis 1926 ! Quatre-vingt-huit ans plus tard, ne peut-elle tenir compte des évolutions, démographiques, entre autres, qui ont tout de même eu lieu depuis lors ?
Le Gouvernement, du reste, fait preuve de mesure et favorise la concertation. Le cas de la Moselle et de l'Alsace est peut-être particulier, mais il est intéressant ; ce que vous reconnaissez par écrit. Le rapport mentionne aussi, à propos de votre déplacement à Castellane, un regroupement de moyens « de bon sens » : que faut-il en comprendre, après la sévérité de votre réquisitoire oral ? Le groupe socialiste, lui, votera ces crédits.
Un point de désaccord avec le Gouvernement : l'Assemblée nationale a bien fait de supprimer la dématérialisation de la propagande électorale. (Marques d'approbation sur de nombreux bancs) Il n'est pas vrai que tout le monde se sert d'Internet !
Mme Catherine Procaccia. - Bravo !
M. Alain Anziani. - La démocratie a un coût. Elle mérite ces dépenses. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. André Gattolin . - Le programme 232 s'intéresse au financement de la vie politique : celui des partis, et celui de l'organisation des élections. Ce programme est depuis longtemps sous pression ; elles sont plus que singulières depuis l'année 2011. Pourtant la démocratie a besoin de moyens pour se déployer ; nos concitoyens ont besoin d'être informés pour voter dans des conditions réellement démocratiques.
L'Assemblée nationale est revenue sur une baisse de 15 % des crédits du programme, et sur la dématérialisation de la propagande électorale. Nous nous en réjouissons. L'argument était écologique - moins de papier consommé - et économique, et fondé sur la croyance qu'une « large partie des Français » avaient une connexion Internet. Oui, une partie, donc pas tous. Il était proposé de supprimer l'envoi de matériel électoral papier. Pour le remplacer par quoi ? Pas par l'envoi de mails personnalisés, dont les listes seraient un casse-tête à gérer ! Non, par la simple mise à disposition sur certains sites Internet et sous forme physique dans des mairies et préfectures. Cela revenait à dire aux électeurs : « À toi, citoyen, d'aller chercher les informations en naviguant dans la jungle d'Internet ! » Curieuse conception de la démocratie, qui exclurait un grand nombre de nos concitoyens. Ce n'est pas la nôtre.
L'équité démocratique doit guider la politique de financement des partis. Aujourd'hui, le résultat au premier tour des seules élections législatives détermine les trois quarts des sommes allouées aux partis pendant cinq ans ! Or les législatives ont été dévaluées par l'inversion du calendrier électoral - l'abstention a d'ailleurs progressé de dix points depuis lors.
Il est heureusement possible de rétablir un semblant d'équité dans le système : en adoptant le scrutin proportionnel aux élections législatives ; ou en prenant en compte les résultats obtenus aux élections départementales, régionales, municipales et européennes. Un tel système est pratiqué en Allemagne - que l'on aime tant citer en exemple ces temps-ci.
Ces questions complexes ne seront pas réglées dans le projet de loi de finances, mais il convient de nous en préoccuper : ils conditionnent la vitalité de notre démocratie et la vivacité du débat public.
Mme Cécile Cukierman . - Comme les autres, cette mission est frappée du sceau de l'austérité. S'agissant de l'administration territoriale, des suppressions d'emploi s'ajoutent aux 3 112 déjà intervenues entre 2009 et 2012. De ce point de vue, il y a entre les budgets une remarquable continuité. Or les préfets affirment la présence de la République, une et indivisible, sur tout le territoire.
Alain Bertrand, dans son rapport sur l'hyperruralité, montre que le retrait de l'État met en péril les territoires les plus éloignés des métropoles. Réussite, sentiment de sécurité, intérêt porté à tous quelle que soit son origine, dépendent de la présence de l'État. Or dans ce budget l'hémorragie causée par la RGPP n'est pas stoppée, ni même enrayée.
Nous nous félicitons que la dématérialisation de la propagande électorale ait été rejetée. On ne saurait sacrifier la démocratie sur l'autel des économies. Dématérialiser, c'est transférer le coût aux particuliers et faire fi du problème de l'accès à Internet.
Un mot sur le financement des partis politiques. Il est urgent de renforcer le contrôle et la transparence du système. N'aggravons pas davantage la crise de la politique !
Notre groupe ne votera pas ces crédits.
M. Jean-Léonce Dupont . - Cette mission est déterminante pour l'exercice de la démocratie.
Les moyens des trois programmes diminuent considérablement ; 180 emplois sont supprimés dans les départements, sans réflexion aucune sur les missions, dans un contexte de réforme territoriale incertaine. Les préfectures sont depuis des années soumises à des réformes. Quels sont en vérité les objectifs d'une telle réforme ?
Les grandes orientations de la réforme territoriale sont toujours floues, le Gouvernement peine à stabiliser son projet. Quelles conséquences faut-il en attendre sur l'administration déconcentrée de l'État ? Il faut préserver les services de proximité, entreprendre une vraie réorganisation de l'État dans un esprit de concertation avec les syndicats.
Alors que 20 % des foyers n'ont pas encore accès à Internet, pour des raisons techniques, et la culture numérique n'est pas encore suffisamment implantée dans notre pays. Revenir sur la dématérialisation était une nécessité.
Comme en 2013, aucun financement de la CNI électronique n'est prévu. C'est pourtant un bon projet car la généralisation des documents biométriques limiterait les usurpations d'identité. Le Gouvernement va-t-il l'abandonner ?
La question est ici plus que budgétaire : souhaitons-nous garantir un exercice réel de la démocratie ? On ne peut se contenter d'effets d'annonce.
Malgré ces réserves, le groupe UDI votera ces crédits. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC ; Mme Françoise Laborde applaudit aussi)
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports . - Le budget du projet de loi de finances pour 2015 est contraint, vous le savez. Le Gouvernement prévoit une baisse en valeur des dépenses et une stabilisation globale des effectifs. Le ministre de l'intérieur en prend sa part.
Entre 2007 et 2011, la dépense publique a crû de 1,7 % par an en moyenne. En 2014, nous avons limité cette progression à 0,9 % en volume. Le ministère de l'intérieur bénéficie d'un budget en légère hausse de 0,2 % en volume, signe que ce ministère demeure, s'il ne s'exonère pas de l'effort général, au coeur des priorités du Gouvernement.
Il repose d'abord sur les femmes et les hommes qui l'incarnent. Un effort de stabilisation des effectifs est accompli, mais, madame Cukierman, il n'a rien à voir avec la RGPP ! (Mme Cécile Cukierman le conteste.)
Le ministère bénéficie de 116 créations nettes de postes, alors qu'il avait perdu 289 ETP l'an passé.
Un mot sur la réforme de l'administration territoriale de l'État en cours. Elle sera d'abord menée en concertation avec toutes les organisations représentatives, et aura pour objectif de dégager des marges de manoeuvre pour la situation des agents. Nous adapterons les moyens aux missions plutôt que de les diminuer de façon homothétique. Le ministre de l'intérieur et le secrétaire d'État à la réforme de l'État se sont entretenus avec les associations d'élus ; le Parlement sera bien sûr informé. Des schémas d'organisation seront proposés en 2015, en concertation, de façon transparente. La méthode n'a donc rien à voir avec celle de la RGPP.
S'agissant du réseau des sous-préfectures, nous veillerons à maintenir l'équilibre entre proximité et adaptation à la réalité des territoires. La méthode expérimentée en Alsace-Moselle, qui a fait une large place à la concertation, sera étendue au printemps prochain.
Un financement exceptionnel de 1,5 million est débloqué pour la mise en place de maisons de l'État - c'est une des voies pour remplacer certaines sous-préfectures. Ne les stigmatisons pas ! Nous verrons si elles répondent bien aux besoins locaux !
Le Gouvernement tiendra la parole donnée par l'État en matière de mesures catégorielles - fût-elle donnée par le gouvernement précédent. Dès 2015, le nouveau régime indemnitaire sera appliqué pour six corps du ministère, inspecteurs et délégués du permis de conduire compris, ce qui montre leur intégration en son sein.
Les postes de la mission Administration générale de l'État sont stabilisés. La rationalisation immobilière permettra de dégager des marges d'investissement au niveau local.
J'ai entendu les points de vue sur la dématérialisation de la propagande électorale. Un mot toutefois sur la logique de cette mesure. La quasi-intégralité de nos voisins européens n'ont plus recours à l'envoi massif de cette information. Nous prévoyions pour notre part un accès dans les mairies et sous-préfectures. Le Gouvernement est à l'écoute des parlementaires, mais souhaite qu'une réflexion s'installe.
Ces crédits concilient responsabilité budgétaire, garanties pour les agents du ministère de pouvoir assumer toutes leurs missions dans un cadre réformé et en s'appuyant sur tous les moyens technologiques à notre disposition.
Mme Cécile Cukierman. - Vous ne nous avez pas convaincus.
Les crédits de la mission sont adoptés.
L'article 45 est adopté.
L'amendement n°II-382 n'est pas défendu.
L'article 46 demeure supprimé.
Pouvoirs publics
Mme la présidente. - Nous allons examiner les crédits de la mission « Pouvoirs publics ».
Mme Michèle André, rapporteure spéciale de la commission des finances . - En vertu du principe d'autonomie financière des pouvoirs publics, qui découle du principe de séparation des pouvoirs, la mission « Pouvoirs publics » regroupe les crédits dédiés aux différents pouvoirs publics constitutionnels, la présidence de la République, l'Assemblée nationale et le Sénat - ainsi que des chaînes parlementaires -, le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de la République. Les moyens paraissent modestes, au regard des masses du budget général. Les institutions relevant de la mission « Pouvoirs publics » s'astreignent néanmoins à participer pleinement à l'effort de redressement des comptes publics. Les montants de crédits demandés pour 2015 le montrent.
Les crédits de la mission s'élèvent à près de 988 millions d'euros, soit un recul de près de 2 millions d'euros par rapport à 2014. Cette évolution recouvre une stabilisation des dotations de l'État aux assemblées parlementaires et une diminution des crédits de la présidence de la République, du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de la République.
S'agissant de la présidence de la République, conformément aux engagements du chef de l'État, la dotation recule à 100 millions d'euros. Les crédits de la présidence auront été réduits de 17,8 millions d'euros depuis 2012. Les charges de personnel ou de déplacements sont en nette diminution.
Les dotations versées à l'Assemblée nationale et au Sénat, 841,5 millions d'euros, sont gelées cette année encore. La stabilisation en euros courants des dotations des deux chambres est associée à la réalisation d'efforts en dépenses, notamment afin d'absorber la hausse tendancielle de leurs charges.
Si la dotation de l'État à l'Assemblée nationale demeure à son niveau de 2014, soit 517,9 millions d'euros, ses dépenses reculeraient de 0,2 %. Cette évolution résulterait, en particulier, d'une nette diminution des dépenses d'investissement, de près de 7 %. Il convient de souligner les efforts sur la masse salariale. En outre, les charges parlementaires, qui comprennent les indemnités parlementaires ou encore les frais de secrétariat, seraient en diminution de 0,37 %. L'équilibre du budget de l'Assemblée nationale en 2015 serait assuré par un prélèvement sur ses disponibilités financières de près de 15 millions d'euros, comme en 2014.
La dotation de l'État au Sénat au titre de l'exercice 2015 demeure elle aussi à son niveau de 2014, 323,6 millions d'euros. Le Sénat poursuit les efforts engagés depuis 2008 ; ses dépenses seraient en recul de 3,46 %.
Cette baisse est plus prononcée encore si l'on considère isolément les dépenses inhérentes à la mission institutionnelle du Sénat, qui diminueraient de près de 13 millions d'euros. Cette évolution résulte de l'achèvement, en 2015, d'importantes opérations d'investissement engagées en 2012. Les crédits relatifs aux indemnités versées aux sénateurs sont stabilisés et les dépenses de traitement du personnel sont en diminution de 0,27 %. Comme l'Assemblée nationale, le Sénat équilibrerait son budget 2015 par un prélèvement sur ses disponibilités financières, d'un montant de 11,6 millions d'euros.
Le projet de budget pour 2015 de LCP-Assemblée nationale prévoit une dotation d'environ 16,6 millions d'euros, identique à celle de 2014. La dotation demandée par Public Sénat, 18,8 millions d'euros, est en hausse de 1,5 %, conformément au contrat d'objectifs et de moyens pour 2013-2015.
Pour la sixième année consécutive, la dotation du Conseil constitutionnel est en baisse. Elle recule de 5,4 % par rapport à 2014, pour atteindre 10,2 millions d'euros. En six ans, le budget du Conseil constitutionnel aura reculé de 18,2 %, et ce alors même que la réforme constitutionnelle de 2008, avec l'institution de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), a conduit à une forte hausse de l'activité de la juridiction.
J'en viens, pour finir, à la Cour de justice de la République, compétente pour juger les membres du Gouvernement au titre des actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions. Le budget prévisionnel de la Cour de justice de la République s'élève à 861 500 euros, en baisse de 0,6 % par rapport à 2014, notamment grâce à la réduction prévisionnelle du loyer annuel de l'institution.
En conclusion, je vous propose l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Pouvoirs publics ». (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis de la commission des lois . - La lecture des réponses aux questions posées, les entretiens tenus avec Jean-Louis Debré, président du Conseil constitutionnel, Mme Martine Ract-Madoux, présidente de la Cour de justice de la République et Mme Sylvie Hubac, directrice de cabinet de la présidence de la République, ont permis de constater qu'un effort considérable de rigueur et de maîtrise des dépenses était fait dans l'ensemble des institutions relevant de cette mission. S'agissant des assemblées parlementaires, vous savez la rigueur des contrôles effectués, tant en interne que par la Cour des comptes.
Pour la première fois, la dotation de la présidence de la République sera plafonnée à 100 millions d'euros, soit un recul de 21 % en six ans. Les charges de fonctionnement et les coûts de déplacements ont été sensiblement réduits ; une contribution est demandée aux chefs d'entreprises qui accompagnent le président de la République. Certaines dépenses sont toutefois en augmentation, comme la sécurité informatique, mais il est pleinement justifié de dépenser 520 000 euros pour se prémunir contre les cyberattaques, et de créer un data-centre pour regrouper les données de la présidence de la République, du ministère de la défense et de la gendarmerie. Car on connaît l'ampleur des attaques.
Les crédits des assemblées parlementaires sont reconduits en euros courants. Seule la chaîne Public Sénat voit ses crédits progresser, car elle paie désormais un loyer au Sénat et assume des dépenses de personnel auparavant prises en charge par le Sénat. Il faudra toutefois rester vigilant.
Les dépenses de la Cour de justice de la République baissent de 0,6 %. Le Conseil constitutionnel a, lui aussi, consenti de lourds efforts : pour la sixième année consécutive, son budget diminue fortement en dépit de la charge de travail supplémentaire qu'entraîne l'examen des questions prioritaires de constitutionnalité.
J'appelle au vote de ces crédits. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
Mme Catherine Procaccia . - Les crédits de cette mission sont destinés à des institutions singulières par leur nature. Je profite de l'occasion pour rendre hommage à Jacques Barrot, qui nous a quittés il y a deux jours.
Les crédits alloués à la présidence de la République ne devraient donner lieu à aucune autocongratulation de la part de François Hollande : c'est Nicolas Sarkozy qui a demandé à la Cour des comptes de contrôler les comptes et de publier ses conclusions ; et qui a en 2008 mis en place des conventions de mise à disposition avec les administrations d'origine du personnel et lancé la révision de tous les contrats de montant supérieur au seuil des marchés publics. Les montants de dépenses en exécution sont stables : la frugalité affichée par le président de la République n'a pas entraîné une baisse des crédits. Les charges de personnel comme de fonctionnement restent élevées.
L'actuel président de la République nous a donné le spectacle de ses déplacements en train, mais il n'en a plus repris depuis le 1er janvier 2014 et utilisé régulièrement, onze fois si je ne m'abuse, le Falcon pour ses déplacements. Ce n'est pas ce mode de transport que je critique, mais le vain affichage... (M. Claude Raynal s'exclame)
Les crédits des assemblées révèlent également que la transparence n'est pas le fait uniquement de votre majorité. À partir de 1994 à l'Assemblée nationale, 2002 au Sénat, ont été rendus publics les rapports de la commission spéciale chargée de contrôler les comptes. Puis, en application de la Lolf, les assemblées se sont inscrites dans le processus de certification de leurs comptes par la Cour des comptes.
Au Sénat, la stabilisation des dépenses date de 2010, grâce à la décision du président Larcher de fixer à 329,87 millions d'euros la dotation de l'État au Sénat.
Les dotations consacrées à l'audiovisuel, LPC et Public Sénat, sont en augmentation de 18 %, ce qui doit amener à une analyse rigoureuse.
En faisant une campagne intense autour de la normalité, le pouvoir exécutif semble s'être en partie fourvoyé. (M. Claude Raynal proteste ; Mme Cécile Cukierman s'exclame) Nous sommes sceptiques sur ce budget.
M. Jean-Yves Leconte . - Il est très spécifique. En vertu de la séparation des pouvoirs et de l'autonomie des assemblées, chaque institution est responsable de fixer et d'exécuter le sien - le Conseil constitutionnel l'a rappelé.
Les dépenses de la mission sont stables ou en légère diminution. Madame Procaccia, comparons les chiffes en effet : le budget baisse par rapport au quinquennat précédent, le coût moyen d'un déplacement en France par exemple : 126 000 euro en 2009, 40 000 en 2013. Il n'y a pas photo ! L'évolution des dépenses de collaborateurs, la suppression des commandes de sondages, vont dans le même sens.
Sur 2011-2013, le budget du Sénat a baissé de 3,8 %... Vous voulez la vérité des chiffres, la voilà ! Les comparaisons ne sont pas à l'avantage de l'opposition.
L'activité du Conseil constitutionnel a augmenté, et ses dépenses ont été maîtrisées : 10,2 millions d'euros contre 12,5 millions d'euros en 2002. C'est un progrès, compte tenu du fait que de nouveaux collaborateurs et de nouveaux matériels informatiques ont été nécessaires.
Notre groupe votera ces crédits. Il ne s'agit pas de comparer la droite et la gauche : les pouvoirs publics dans leur ensemble ont tout fait pour maîtriser les dépenses. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Cette mission retrace les crédits d'institutions autonomes. Celles-ci prennent néanmoins toute leur part dans la maîtrise des finances publiques. Michèle André et Jean-Pierre Sueur l'ont constaté, d'où leur avis favorable.
Depuis 2012, le budget de la présidence de la République a diminué de 17 millions, pour passer sous les 100 millions deux ans avant la date prévue. Les efforts sont particulièrement importants en matière de fonctionnement et de déplacements.
Il n'appartient évidemment pas au secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement de porter un jugement qui porterait atteinte à l'autonomie des assemblées parlementaires. Je remarque toutefois les efforts et de transparence réalisés depuis plusieurs années.
Quant au Conseil constitutionnel, il a réalisé des économies importantes, drastiques, tant en investissement qu'en fonctionnement, qui n'ont pas affecté ses délais de jugement, au contraire réduits à seize jours en moyenne. De même, l'effort de la Cour de justice de la république peut être salué. (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur le banc de la commission)
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. - Très bien !
Les crédits de la mission sont adoptés.