Financement de la sécurité sociale pour 2015 (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2015.

Discussion des articles de la troisième partie (Suite)

ARTICLES ADDITIONNELS APRÈS L'ARTICLE 12 BIS (Suite)

M. le président.  - Amendement n°204 rectifié bis, présenté par MM. del Picchia, Bizet, Bouchet, César, Charon, Laufoaulu, Longuet, Trillard, Frassa et Raison.

Après l'article 12 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  L'article L. 131-9 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° À la première phrase du second alinéa, les mots : « et de remplacement » sont supprimés ;

2° À la deuxième phrase du second alinéa, les mots : « et de leurs revenus de remplacement » sont supprimés.

II.  -  La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Robert del Picchia.  - Cet amendement supprime le prélèvement de la cotisation d'assurance maladie sur les retraites des non-résidents ; il concerne plus particulièrement les retraités Français non-résidents.

Leurs retraites sont amputées d'une cotisation d'assurance maladie aux taux de 3,2 % sur les retraites de base et de 4,2 % sur les complémentaires. Il s'agit d'une double taxation puisque nos compatriotes dépendent du régime de sécurité sociale de leur pays de résidence. Or, ils ne bénéficient d'aucune prestation sociale en France, aucun remboursement de frais médicaux lors de leur séjour en France. Un grand nombre d'entre eux ne vient d'ailleurs jamais en France.

Selon l'interprétation de la Cour de justice européenne, la CSG et la CRDS sur les revenus d'activité et de remplacement des travailleurs résidant en France, mais soumis à la législation de sécurité sociale d'un autre État membre, étant affectés de manière spécifique et directe au financement du régime de protection sociale français, sont des cotisations sociales. Ils sont dès lors incompatibles avec l'interdiction de cumul des législations applicable en matière de sécurité sociale.

La cotisation d'assurance maladie prélevée sur les retraites françaises des non-résidents étant de la même nature juridique que la CSG et la CRDS, elle est, pour les mêmes motifs, contraire au droit européen.

Une plainte d'un de nos compatriotes résidant en Allemagne a été enregistrée par la Commission européenne. Une procédure d'infraction devrait, en conséquence, être engagée contre la France.

Pour éviter à la France et à nos ressortissants les déboires qu'ils vivent actuellement avec la CSG-CRDS, prévenir l'encombrement des caisses de retraite et des tribunaux, il parait de bonne gestion administrative et financière d'anticiper la condamnation certaine de la France en modifiant notre législation.

M. Christophe-André Frassa.  - Très bien !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales.  - Les Français résidant à l'étranger, qui versent une cotisation d'assurance maladie bénéficient du système de soins français. De plus, l'article L. 131-9 du code de la sécurité sociale visé par cet amendement recouvre une grande diversité de situations.

M. Christophe-André Frassa.  - Quelle déception !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie.  - Vous commettez une erreur d'appréciation sur le principe d'équité, qui n'est pas rompu par cette cotisation. Les pensionnés Français à l'étranger jouissent d'un droit permanent aux soins lors de leur séjour en France, soins d'urgence ou programmés. En application du droit européen ou de conventions bilatérales, la France rembourse aux pays de résidence leurs frais de santé. Avis défavorable.

L'amendement n°204 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°270 rectifié, présenté par M. Cadic.

Après l'article 12 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 1er de la loi n°2011-894 du 28 juillet 2011 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011 est abrogé.

M. Olivier Cadic.  - Cet amendement supprime la prime de partage des profits, mise en place par la loi de finances rectificative de sécurité sociale du 28 juillet 2011. Ce mécanisme, contraire au fonctionnement de l'entreprise, était conçu pour être provisoire. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault s'était engagé en juillet 2012 à le supprimer dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale, sans préciser lequel. Il est temps que le Gouvernement tienne cet engagement.

Il existe déjà des mécanismes d'association des salariés aux résultats de l'entreprise ; en vingt ans la part de l'épargne salariale dans la répartition des profits a augmenté de 200 %, passant de 2,5 % à 7 % des profits de l'entreprise. Le versement de dividendes aux actionnaires obéit à d'autres logiques que celles qui président aux versements des salaires ; et dans les petites structures, ils représentent la seule rémunération du chef d'entreprise.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - En effet, le Gouvernement avait annoncé la suppression de cette prime, d'autres dispositions relatives à l'épargne salariale devant figurer dans le projet de loi Macron. Dans cette perspective, l'adoption de cet amendement ne paraît pas opportune. Avis défavorable. Sans doute le Gouvernement pourra-t-il nous donner des précisions.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Avis favorable. Le Gouvernement s'était engagé à supprimer cette prime. Cette suppression fait consensus, les représentants des salariés estimant qu'elle est inefficace et les employeurs qu'elle est complexe à calculer. Je vous confirme que le projet de loi relatif à la croissance donnera un nouvel élan à l'épargne salariale. Il serait dommage de ne pas adopter cet amendement : ce PLFSS est la dernière occasion de supprimer le dispositif avant début 2015. Je lève le gage.

M. le président.  - Ce sera l'amendement n°270 rectifié.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Nous avons la réponse. La commission peut, je crois, se conformer à l'avis favorable du Gouvernement.

L'amendement n°270 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 12 TER

M. le président.  - Amendement n°37, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales.

Alinéa 2

Remplacer l'année :

2015

par l'année :

2016

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Le nouveau cas de clôture du plan d'épargne en actions prévu par la loi du 13 juin 2014 n'entrant en vigueur que le 1er janvier 2016, il ne peut donner lieu à prélèvement au cours de l'année 2015.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

L'amendement n°37 est adopté.

L'article 12 ter, modifié, est adopté.

ARTICLE 12 QUATER

M. le président.  - Amendement n°38 rectifié, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales.

1° Remplacer les mots :

et de ceux mentionnés aux titres Ier et II

par les mots :

, au titre Ier

2° Compléter cet article par les mots :

et aux articles L. 3441-2 et L. 4431-2 du code des transports

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Correction d'une erreur de référence.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Favorable.

L'amendement n°38 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°194 rectifié bis, présenté par Mme Herviaux et les membres du groupe socialiste et apparentés.

I. - Compléter cet article par les mots :

ainsi que de ceux visés aux articles L. 931-5 et suivants du code rural et de la pêche maritime

II.  -  Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme Maryvonne Blondin.  - Il s'agit de faire bénéficier les sociétés coopératives maritimes d'une exonération de C3S alors que l'économie maritime est fragilisée par une concurrence internationale accrue et un encadrement réglementaire qui s'alourdit régulièrement.

Depuis l'ordonnance de mai 2010, l'exonération prévue par l'article L. 651-2 du code de la sécurité sociale ne s'applique plus guère, les statuts des sociétés coopératives d'avitaillement prévoyant généralement qu'elles organisent des opérations avec des non-sociétaires.

Il existe 48 coopératives maritimes dont le chiffre d'affaires global est de 200 millions d'euros. Il est important que cette exonération de la C3S leur soit accordée.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - La C3S vit ses dernières années, selon le Gouvernement. Cette mesure tient compte de l'inéligibilité des sociétés coopératives maritimes au CICE. Il est vrai qu'elles font face à un enjeu de compétitivité non moins crucial que les autres sociétés coopératives. Pourquoi distinguer entre elles ? Avis favorable.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Favorable. Soutenons les coopératives maritimes, comme le veulent les sénateurs bretons. Le Gouvernement lève le gage.

M. le président.  - Ce sera l'amendement n°194 rectifié ter.

M. Jean-Noël Cardoux.  - Pardonnez-moi de troubler ce consensus. Je m'abstiendrai sur cet amendement en soulignant la démarche perverse qui consiste à procéder à un jeu de compensation entre le CICE -parce que trop complexe, nous l'avons dit- et la C3S.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales.  - Moi aussi, je m'abstiendrai.

L'amendement n°194 rectifié ter est adopté.

L'article 12 quater, modifié, est adopté.

ARTICLE 12 QUINQUIES

M. le président.  - Amendement n°93 rectifié bis, présenté par MM. Frassa, Adnot, Doligé, Grand et Pierre.

Supprimer cet article.

M. Christophe-André Frassa.  - Cet amendement vise à rétablir la fiscalité initiale des cigarillos, augmentée brutalement de 300 % à l'Assemblée nationale contre l'avis de la commission et du Gouvernement.

Loin de moi l'idée de ne pas « désespérer Bettencourt », comme cela fut dit à l'Assemblée nationale... Nous avons besoin d'une étude d'impact. Le marché du cigare et du cigarillo, ce sont surtout des emplois chez les fabricants, importateurs, buralistes, distributeurs. Je fais appel à votre sagesse pour rétablir une fiscalité raisonnable sur ces produits.

M. le président.  - Amendement identique n°195 rectifié quinquies, présenté par MM. Lemoyne, P. Dominati, Gilles, Pellevat, Chaize, D. Laurent, Kern, Adnot, Dallier, de Nicolaÿ, D. Dubois, de Raincourt, Grosperrin, Dassault, Husson, Genest, B. Fournier et Darnaud.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - L'amendement adopté à l'Assemblée nationale, qui triple le prix des cigarillos, va durement toucher les buralistes. Il faut certes une politique de santé publique vigoureuse mais aussi laisser à ces professionnels le temps de se diversifier et d'absorber ce choc. On risque de voir s'étendre les achats transfrontaliers ou réalisés via des canaux prohibés, qui ne sont pas neutres pour la santé publique. Bruno Gilles nous a signalé l'arrivée à Marseille de produits problématiques en provenance de Chine. Sans mesure d'accompagnement, sans concertation, on risque de porter un coup fatal à des lieux de convivialité, qui sont aussi des points de service public dans les petites communes. Le Gouvernement a déclaré dans la presse être défavorable à un triplement brutal de la fiscalité sur les cigares et les cigarillos et attentif aux propositions plus raisonnables qui seront faites au cours de la navette parlementaire. Pourrait-il nous éclairer ?

M. Robert del Picchia.  - Très bien !

M. le président.  - Amendement identique n°221 rectifié bis, présenté par Mmes Schillinger, Claireaux et Emery-Dumas et M. Camani.

Mme Anne Emery-Dumas.  - Le levier de la fiscalité n'a pas montré son efficacité pour lutter contre le tabagisme. Le triplement du prix des cigarillos risque d'être contourné via les réseaux parallèles, internet et les achats transfrontaliers, ouvrant la voie à de nombreux trafics y compris dans les départements de l'intérieur comme le mien. Nous devons travailler à une harmonisation des prix au niveau européen. Fumeuse moi-même, j'avais signalé qu'il faudrait modifier la fiscalité des cigares et des cigarillos ; il doit être possible de trouver un juste milieu entre 0 et 230 % d'augmentation !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Cet article poursuit un objectif de santé publique. Les recettes fiscales liées au tabac sont sans commune mesure avec les 47 milliards de dépenses de santé induites par lui. Mais 300 % de hausse... Ce chiffre à lui seul dénote une surtaxe difficile à « encaisser » (Sourires) pour les fumeurs de cigares et de cigarillos. Notre commission, dans sa sagesse, a demandé l'avis du Gouvernement, avant de se prononcer.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - L'avis du Gouvernement à l'Assemblée nationale en première lecture était défavorable à cette augmentation. Les coûts de fabrication des cigarillos sont élevés et le marché est marginal en volume, de l'ordre de 2 % ; il a baissé de 5 % en 2014.

Le Gouvernement se préoccupe des enjeux de santé publique. Pour autant, la convergence fiscale, si elle est légitime, doit être raisonnée et progressive. Le Gouvernement s'en remet à votre sagesse.

Mme Catherine Génisson.  - Si nous ne pouvons nous soustraire aux enjeux de santé publique, eu égard aux dégâts du tabagisme aux différents âges de la vie, l'augmentation votée à l'Assemblée nationale est particulièrement brutale. L'achat de tabac a diminué, mais non sa consommation, en raison des ventes sur internet -où il faut déconseiller de se procurer des cigarillos, car on peut y trouver n'importe quoi- et de la contrebande, qui augmente dans les zones frontalières. Les douaniers arrêtent des camions entiers.

Comme l'a dit notre rapporteur général, dans l'attente du projet de loi de santé publique, il est raisonnable de supprimer cet article, sans s'exonérer des mesures de prévention et de responsabilisation, en particulier à l'égard des plus jeunes de nos concitoyens.

M. Bruno Gilles.  - Je partage votre analyse. Le Gouvernement est gêné. « Fumer tue... » Oui, mais renfloue la sécurité sociale ! Le nombre de fumeurs ne diminue pas et augmente même chez les jeunes ; les achats chez les buralistes, agents de l'État, diminuent pourtant. Dans les grandes villes, comme Marseille, entre 15 % et 20 % des cigarettes achetées sont de contrebande, selon les douanes. Je réévaluerais volontiers à la hausse ce chiffre. Or ces cigarettes de contrebande sont très nocives, celles qui viennent de Chine sont coupées avec de la terre séchée...

Augmenter les prix du tabac ne fait pas baisser la consommation. Nous devons débattre de la santé publique et aussi penser à l'avenir des buralistes.

M. Gérard Roche  - Oui, le tabac est néfaste, surtout -la recherche avance- chez les populations génétiquement exposées. La fiscalité rapporte relativement peu. Encore faudrait-il que son produit soit affecté à la santé ou au remboursement de la dette de la Cades...

Mme Nicole Bricq.  - Il va au budget général !

M. Gérard Roche.  - L'interdiction de fumer dans les lieux publics a été plus efficace, qui a évité la contamination passive. J'ai connu une non-fumeuse qui est morte d'un cancer du poumon, elle tenait un bureau de tabac. L'augmentation des prix donne un coup de fouet au commerce parallèle. Souvenez-vous qu'aux États-Unis, on n'a jamais autant consommé d'alcool que pendant la prohibition. Mme la ministre s'en est remise à la sagesse de notre assemblée. Je me réfugierai dans l'abstention. (Exclamations désolées à droite)

M. Christophe-André Frassa.  - Allons un peu plus loin. On se trompe de cible avec cet article. Les cigarillos ne représentent que 2 % du marché français, les barreaux de chaise moins de 1 %. Les cigarillos ne sont pas consommés par les Bettencourt, contrairement à ce qu'a dit l'auteur de l'amendement, mais par les classes populaires. Si le paquet de cigarillos passe de 7 à 18 euros, aucun ne sera plus vendu en France. Les consommateurs se reporteront sur les produits de contrebande ou s'approvisionneront dans les pays voisins, qui captent déjà 20 % de nos recettes sur le tabac.

On se trompe de cible parce que les consommateurs sont, pour le principal, des hommes de plus de 35 ans, non des lycéens.

On se trompe de cible en prenant le risque de rayer de la carte des PME, des commerçants indépendants qui représentent 3 000 emplois répartis sur tout le territoire ; 1 000 bureaux de tabac spécialisés mettront la clé sous la porte dès 2015, autant de couples qui devront licencier leur personnel et ne pourront rembourser les emprunts contractés pour investir par exemple dans une cave humidifiée.

On compte une vingtaine de PME familiales, employant quelque 400 personnes, chez les fabricants et importateurs. Dans la distribution, Logista France a déjà dû fermer son site Nancy et réduire ses effectifs de 20 %. Avec la disparition de l'activité de cigarillos, 50 emplois devront encore être supprimés.

On se trompe enfin de cible en termes de produit : la fabrication d'un cigare à la main prend cinq minutes ; on peut produire quarante cigarillos en une minute mais 20 000 cigarettes... C'est dire la différence de coût de fabrication entre les uns et les autres.

M. Yves Daudigny.  - Le sujet est grave. Le tabac est l'un des plus grands dangers pour la santé publique. Il ne faut pas oublier les ventes en dehors des circuits. Toutes les personnes de mon entourage qui fument achètent leur tabac à l'étranger. Le réseau des buralistes ne peut être rayé de la carte car il contribue à l'animation des bourgs. Des diversifications ont été envisagées, mais elles ne suffiront pas.

La fiscalité sur le tabac et la détermination des prix sont d'une grande complexité. Pourquoi un taux de départ de 64,7 % ? S'y ajoutent une part spécifique, une part proportionnelle, la TVA, aboutissant à ce que la fiscalité absorbe 90 % du prix payé...

Il est de meilleurs supports législatifs pour discuter de ce problème, je pense à la loi de santé publique qu'a évoquée le rapporteur général. Je voterai les amendements de suppression.

M. Philippe Dominati.  - Je ferai de même. Cet article est inefficace sur le plan des recettes...

Mme Nicole Bricq.  - Tout a été dit !

M. Philippe Dominati.  - ... et dangereux pour les buralistes, surtout dans les zones frontalières. Il n'y a aucun accompagnement, pas de progressivité.

Cet article est, en fait, dangereux pour la santé publique car les consommateurs iront vers des produits de substitution à la qualité incertaine. C'est le type même d'un article voté dans la précipitation, néfaste pour les finances publiques, l'activité économique et la santé publique.

Mme Aline Archimbaud.  - Je ne reviens pas sur les graves dangers du tabac. En août, le Gouvernement a pris des dispositions pour lutter contre la contrebande. Sont-elles entrées en application ? Avec quels résultats ? Le problème ne se pose pas qu'en milieu rural, la contrebande existe aussi en Seine-Saint-Denis.

L'avenir des buralistes est une autre question importante. Une étude s'impose, pour voir comment diversifier les produits vendus afin de maintenir ces commerces. Il faut s'attaquer à ces deux questions qui sous-tendent les interventions de tous les orateurs ce matin.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Débat enrichissant. Selon Gainsbourg, Dieu est un fumeur de havane...

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Je ne fume pas...

M. Christophe-André Frassa.  - Nul n'est parfait !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Je ne connais pas ce plaisir ; j'en connais d'autres, il n'y a pas que le tabac... (Exclamations amusées) Oui, M. Daudigny a raison, il faudra reprendre ce débat au fond et se garder de prendre des mesures improvisées au fil des PLFSS. Donc, revenons-y lors du projet de loi de santé publique. La mission de M. Daudigny et Mme Deroche a fait des propositions, dont l'alignement de la fiscalité du tabac à rouler sur celle des cigarettes. La commission se rallie volontiers à la suppression de cet article 12 quinquies.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Madame Archimbaud, 20 à 25 % du marché du tabac sont entre les mains de réseaux illégaux. C'est une priorité du secrétaire d'État au budget qui a, par circulaire, déjà réduit de dix à quatre le nombre de cartouches que chaque consommateur peut faire entrer en France ; il a développé la lutte contre la fraude, notamment celle par internet. Je souligne la détermination du Gouvernement, qui s'est doté des outils nécessaires à cette lutte.

Les amendements identiques nos93 quinquies bis, 195 rectifié quinquies et 221 rectifié bis sont adoptés.

L'article 12 quinquies est supprimé.

L'amendement no267 rectifié devient sans objet.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°178 rectifié, présenté par Mme Jouanno, MM. Médevielle, Longeot, Canevet, V. Dubois et Cadic et Mme Doineau.

Après l'article 12 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la deuxième ligne de la deuxième colonne du tableau constituant le deuxième alinéa de l'article 575 A du code général des impôts, le taux : « 64,7 » est remplacé par le taux : « 66,2 ».

Mme Élisabeth Doineau.  - Défendu.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Cet amendement augmente le taux normal applicable aux cigarettes de 1,5 %. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Défavorable.

L'amendement n°178 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°39 rectifié, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales.

Après l'article 12 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la quatrième ligne du tableau du deuxième alinéa de l'article 575 A du code général des impôts, les taux : « 62 » et « 30 » sont remplacés, respectivement, par les taux : « 64,7 » et « 15 ».

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Dans un objectif de santé publique, nos collègues Yves Daudigny et Catherine Deroche, au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, recommandent d'« aligner les taux de taxe applicables aux cigarettes au tabac à rouler ».

Traduisons cette recommandation dans la loi en augmentant le taux normal applicable au tabac à rouler, qui est un produit de substitution à la cigarette dont le prix a beaucoup augmenté,

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement partage cet objectif ; il a d'ailleurs, depuis 2012, réduit l'écart de prix entre tabac à rouler et cigarette. Cependant, l'alignement doit être lissé sur plusieurs exercices. Celui que vous proposez est trop brutal : il conduirait à une augmentation nette de 15 à 30 %. On ne va pas mettre à 7,10 euros la blague de 30 grammes !

M. Gilbert Barbier.  - Je ne voterai pas cet amendement. Nous venons de nous mettre d'accord pour traiter le problème des cigarillos dans le projet de loi de santé publique. Le problème du tabac mérite un traitement global.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Je me rallie aux propos de M. Barbier.

M. Christophe-André Frassa.  - Très bien !

L'amendement n°39 rectifié est retiré.

L'amendement n°177 rectifié n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°280, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste.

Mme Aline Archimbaud.  - Le coût sanitaire du tabac est de 47,7 milliards d'euros par an, soit trois fois le déficit de la sécurité sociale. Non, les fumeurs ne rapportent pas plus qu'ils ne coûtent à l'État. D'où cet amendement qui augmente le minimum de perception de 210 euros à 324 euros pour 1 000 unités. Il s'agit d'empêcher la pratique des prix d'appel.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Traitons ce problème de manière globale dans le projet de loi de santé publique plutôt que d'empiler les mesures. Retrait ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Le minimum de perception est déjà passé, dans la loi de finances rectificative de 2013, de 195 euros à 210 euros. Comme le rapporteur général, je préfère une discussion globale.

Mme Aline Archimbaud.  - Je m'incline, sous réserve que ce débat ait vraiment lieu lors du projet de loi de santé publique et ne soit pas renvoyé en projet de loi de finances. Nous devons nous montrer à la hauteur des enjeux, sans quoi nous donnerons l'image d'une impuissance de l'action publique, laquelle fait des dégâts dans l'opinion.

L'amendement n°280 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°163, présenté par Mme Deroche, MM. Savary et Cardoux, Mmes Canayer et Cayeux, M. Chasseing, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deseyne, MM. Dusserre, Forissier et Gilles, Mmes Giudicelli, Gruny et Imbert, M. Lemoyne, Mme Micouleau, MM. Milon, Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia et M. D. Robert.

Après l'article 12 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Les professionnels mentionnés au 7° de l'article L. 161-22 du code de la sécurité sociale exerçant leur activité dans les zones définies dans les conditions fixées par l'article L. 1434-7 du code de la santé publique, où l'offre de soins est déficitaire, sont exonérés d'une partie des cotisations mentionnées au 1° de l'article L. 642-1 du code de la sécurité sociale.

II.  -  La perte de recettes résultant pour les organismes de la sécurité sociale du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme Catherine Deroche.  - Cet amendement exonère partiellement de cotisations vieillesse les médecins retraités exerçant en zone sous-dense. Le cumul emploi-retraite peut être un bon moyen de résorber la pénurie de médecins. Le gisement est considérable mais beaucoup de médecins sont freinés par le paiement de cotisations n'ouvrant pas droit à prestations.

M. Henri de Raincourt.  - Excellent.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Effectivement, ces cotisations sont versées à fonds perdu -c'est la règle. Une exonération partielle serait un outil de lutte contre les déserts médicaux.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.  - Débat récurrent. L'avis reste défavorable. Les règles du cumul emploi-retraite ont été débattues lors de l'examen de la loi sur l'avenir des retraites. Dans les professions libérales, on n'est pas obligé de partir en retraite. La cotisation vieillesse qu'acquittent les médecins retraités qui continuent à exercer une activité représente un geste de solidarité de droit commun. Ne mettons pas en cause une règle qui vaut pour tous.

M. Jean-Noël Cardoux.  - Débat récurrent, c'est vrai, année après année. Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, autre vérité. Nous faisons face à un grave problème de démographie médicale. À situation exceptionnelle, dérogation aux règles ! Depuis des années, nous tentons de résorber cette pénurie de médecins. Les collectivités locales dépensent beaucoup pour favoriser l'installation de médecins libéraux sur leurs territoires.

Dans le Loiret, où je suis vice-président du conseil général, nous avons lancé une vaste consultation et proposé aux médecins retraités d'effectuer des vacations. Pourquoi ne pas envisager une dérogation adaptée à une situation particulière ?

Bien sûr, le départ en retraite est un choix. Ce n'est pas tant une question de gros sous que de rationalité : demander à une personne de rendre un service à la société en lui imposant des cotisations qui n'ouvrent pas de droit, cela choque le raisonnement cartésien et les médecins, souvent, sont cartésiens...

M. René-Paul Savary.  - Pourquoi les vieux médecins continuent-ils de travailler ? Parce qu'ils ont cette passion en eux... Vous vous privez, madame la ministre, d'une mesure d'aménagement du territoire ; les vieux médecins sont soumis à la double peine...

M. Jean Desessard.  - Oh la la !

M. René-Paul Savary.  - Eux ont acheté leur patentièle. Ils transmettent aux jeunes la mémoire de l'art médical, des pathologies familiales. On appelle cela le tuilage ; c'est exactement le principe du contrat de génération cher à ce gouvernement.

M. Jean Desessard.  - Le groupe écologiste votera contre cet amendement. Pour que le public comprenne : nous parlons de personnes qui ont liquidé leur retraite et continuent de travailler à temps partiel. C'est epsilon au niveau financier ! Je comprends l'agacement de ceux qui continuent à cotiser en ayant liquidé leurs droits ; cependant, les médecins ne sont pas les seuls dans ce cas. Quatre euros de plus par mois, cela favoriserait l'exercice des médecins en zones rurale ? Franchement, cela devient ridicule ! Parlons plutôt du numerus clausus. (Murmures réprobateurs à droite)

Mme Catherine Procaccia.  - C'est un peu caricatural : en ville comme dans les campagnes, nous rencontrons des difficultés de démographie médicale en raison du départ en retraite des baby-boomers. Le Parlement passe son temps à aménager des exceptions, pourquoi s'y refuser quand l'enjeu est sanitaire ?

Question pratique : ces médecins retraités peuvent-ils faire office de médecins traitants ?

Mme Catherine Génisson.  - J'entends les arguments de Mme la ministre. Reste que les médecins sont mal répartis sur le territoire. Les retraités, quand ils continuent d'exercer, le font pour rendre service, monsieur Desessard. Il existe déjà des dérogations -en défaveur des médecins !

Il existe des dérogations pour certaines professions. Je pense à ces musiciens qui cumulent un CDI avec un statut d'intermittent. Puisque des dérogations existent, on peut en imaginer d'autres. (Applaudissements à droite)

M. Gilbert Barbier.  - Manifestement, M. Desessard ne connaît pas le métier de médecin... (M. Jean Desessard s'exclame)

Combien coûte la cotisation forfaitaire à la caisse d'assurance maladie ? Elle est si élevée que certains travaillent quelques heures ou quelques jours par semaine pour zéro euro après impôts. Il ne s'agit pas de trois ou quatre euros !

Le problème de la désertification médicale prend une acuité encore pire pour certaines spécialités comme l'ophtalmologie ou la cardiologie. Il faut vraiment trouver des solutions. Cela fait des années que l'on dépose le même amendement ; j'y ai renoncé cette année sachant par avance ce que serait la réponse de Mme la ministre...

M. Alain Marc.  - Très bien !

Mme Caroline Cayeux.  - Je ne comprends pas, madame la ministre, le tutorat est aussi bénéfique en médecine. Dans ma ville de Beauvais, les spécialistes font défaut : plus de pédiatres, peu d'ophtalmologistes. Des jeunes veulent s'installer, cet amendement leur faciliterait la tâche.

Mme Catherine Deroche.  - Les médecins ne demandent pas une hausse de leur pension ; simplement, ils espèrent un petit signe d'encouragement. À 65 ans, ils ne peuvent plus exercer deux fois 35 heures par semaine ; le geste du chirurgien est moins sûr. Il n'est pas question pour eux de poursuivre leur activité à temps plein.

M. Daniel Chasseing.  - Les jeunes médecins ne veulent plus travailler seuls, les plus âgés souhaitent travailler moins. Que faire ? Les médecins retraités demandent simplement que leurs cotisations soient ramenées au nombre d'actes effectués. Quant aux jeunes, signons avec eux un contrat dès la première année : études payées contre dix ans d'exercice en zone rurale. Ce serait une espèce de contrat d'intégration sociale. M. Savary a eu raison d'insister sur la transmission de la mémoire médicale.

Comme j'accepte encore quelques remplacements, je ne voterai pas cet amendement que j'approuve, afin de ne pas paraître voter pour moi-même. Je m'abstiendrai.

M. Henri de Raincourt.  - Conflit d'intérêt !

M. Alain Milon, président de la commission.  - D'abord, une correction : madame la ministre, je ne souhaite nullement privatiser la sécurité sociale, contrairement à ce qu'a dit votre remplaçante hier. Je prône en revanche un changement de son mode de financement.

La ministre défend les principes généraux, elle est dans son rôle. Dans ma ville de Sorgues, dans le Vaucluse, la moitié de nos quatorze généralistes doivent partir d'ici 2016 sans être remplacés.

M. Alain Gournac.  - Pourtant la qualité de vie y est bonne !

Mme Catherine Procaccia.  - Meilleure qu'en banlieue parisienne !

M. Alain Milon, président de la commission.  - Eh oui, même à quelques kilomètres d'Avignon, même au soleil ! Il est légitime de faire un geste envers les retraités qui peuvent travailler à temps partiel en formant des jeunes. Je voterai cet amendement que j'ai cosigné. (« Très bien ! » et applaudissements à droite)

L'amendement n°163 est adopté et il devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°277, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste.

Après l'article 12 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  La section VI du chapitre premier du titre III de la première partie du livre premier du code général des impôts est complétée par un article 520 B ainsi rédigé :

« Art. 520 B.  -  I.  -  Il est institué une contribution additionnelle à la taxe spéciale prévue à l'article 1 609 vicies sur les huiles de palme, de palmiste et de coprah destinées à l'alimentation humaine, en l'état ou après incorporation dans tout produit.

« II.  -  Le taux de la taxe additionnelle est fixé à 300 € la tonne. Ce tarif est relevé au 1er janvier de chaque année, à compter du 1er janvier 2016, dans une proportion égale au taux de croissance de l'indice des prix à la consommation hors tabac de l'avant-dernière année. Les montants obtenus sont arrondis, s'il y a lieu, à la dizaine d'euros supérieure.

« III.  -  1. La contribution est due à raison des huiles mentionnées au I ou des produits alimentaires les incorporant par leurs fabricants établis en France, leurs importateurs et les personnes qui en réalisent en France des acquisitions intracommunautaires, sur toutes les quantités livrées ou incorporées à titre onéreux ou gratuit.

« 2. Sont également redevables de la contribution les personnes qui, dans le cadre de leur activité commerciale, incorporent, pour les produits destinés à l'alimentation de leurs clients, les huiles mentionnées au I.

« IV.  -  Pour les produits alimentaires, la taxation est effectuée selon la quantité entrant dans leur composition.

« V.  -  Le taux de la taxe additionnelle est réduit de moitié, selon des modalités définies par décret, lorsque le redevable fait la preuve que le produit taxé répond à des critères de durabilité environnementale définis par décret.

« VI.  -  Les expéditions vers un autre État membre de l'Union européenne ou un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ainsi que les exportations vers un pays tiers sont exonérées de la contribution lorsqu'elles sont réalisées directement par les personnes mentionnées au 1 du III.

« Les personnes qui acquièrent auprès d'un redevable de la contribution, qui reçoivent en provenance d'un autre État membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou qui importent en provenance de pays tiers des huiles mentionnées au I ou des produits alimentaires incorporant ces huiles qu'elles destinent à une livraison vers un autre État membre de l'Union européenne ou un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou à une exportation vers un pays tiers acquièrent, reçoivent ou importent ces huiles ou les produits alimentaires incorporant ces huiles en franchise de la contribution.

« Pour bénéficier du deuxième alinéa du présent VI, les intéressés doivent adresser au fournisseur, lorsqu'il est situé en France, et, dans tous les cas, au service des douanes dont ils dépendent une attestation certifiant que les huiles ou les produits alimentaires incorporant ces huiles sont destinés à faire l'objet d'une livraison ou d'une exportation mentionnées au même alinéa. Cette attestation comporte l'engagement d'acquitter la contribution au cas où l'huile ou le produit alimentaire ne recevrait pas la destination qui a motivé la franchise. Une copie de l'attestation est conservée à l'appui de la comptabilité des intéressés.

« VII.  -  La contribution mentionnée au I est acquittée auprès de l'administration des douanes. Elle est recouvrée et contrôlée selon les règles, sanctions, garanties et privilèges applicables au droit spécifique mentionné à l'article 520 A. Le droit de reprise de l'administration s'exerce dans les mêmes délais. »

II.  -  Après le h de l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Le produit de la taxe mentionnée à l'article 520 B du code général des impôts est affecté à la branche mentionnée au 1° de l'article L. 200-2. »

Mme Aline Archimbaud.  - Vous connaissez cet amendement sur l'huile de palme, que le Sénat a voté il y a deux ans.

Rapidement donc : cette huile, peu coûteuse et donc très utilisée, comporte des acides gras saturés dont la surconsommation est dangereuse. De manière inexplicable, elle est moins taxée que les autres. J'ajoute que, sur le plan environnemental, sa culture intensive fait reculer les cultures vivrières dans les pays de production.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Pour la commission, multiplier les taxes spéciales sur des assiettes restreintes n'est pas opportun. Avis défavorable.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Je comprends parfaitement votre préoccupation sans être favorable à votre démarche qui consiste à régler de tels problèmes par la taxation. Pour moi, l'essentiel est l'information des consommateurs. C'est pourquoi je proposerai, dans le projet de loi de santé, un logo nutritionnel.

Le Sénat a publié un rapport sur les taxes comportementales, dont les conclusions étaient relativement prudentes. Mon avis ne préjuge pas, vous l'aurez compris, le regard que je porte sur l'huile de palme.

Mme Catherine Procaccia.  - Cet amendement avait été voté il y a deux ans pour deux raisons : le rapporteur général l'avait présenté et un secrétaire d'État, sans doute moins au fait du dossier que Mme la ministre, était en séance. Je salue la capacité des écologistes à recycler, d'année en année, les mêmes amendements ! En outre, ils ont réussi à faire croire qu'un problème d'environnement était un problème de santé, et là je ne suis absolument pas d'accord.

Mme Aline Archimbaud.  - La consommation excessive d'huile de palme pose bien un problème de santé publique, lisez les études.

Les mêmes amendements chaque année ?

M. Jean Desessard.  - Notre ligne politique est stable. (Sourires)

Mme Aline Archimbaud.  - C'est le seul moyen dont nous disposons, nous, parlementaires, pour relayer des alertes, des questions de santé environnementale, si importantes pour la prévention, laquelle semble malheureusement absente du projet de loi de santé publique. La santé environnementale n'est pas une obsession, une question folklorique ou anecdotique ; le risque est réel. Cela dit, dans un esprit constructif, je m'incline.

L'amendement n°277est retiré.

M. le président.  - Amendement n°278, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste.

Après l'article 12 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Au chapitre III du titre III de la première partie du livre premier du code général des impôts, il est rétabli une section 1 dans la rédaction suivante :

« Section 1

« Taxe spéciale sur les édulcorants de synthèse

« Art. 554 B.  -  I.  -  Il est institué une taxe spéciale sur l'aspartame, codé E951 dans la classification européenne des additifs alimentaires, effectivement destiné, en l'état ou après incorporation dans tous produits, à l'alimentation humaine.

« II.  -  Le taux de la taxe additionnelle est fixé par kilogramme à 30 € en 2015. Ce tarif est relevé au 1er janvier de chaque année à compter du 1er janvier 2016. À cet effet, les taux de la taxe sont révisés chaque année au mois de décembre, par arrêté du ministre chargé du budget publié au Journal officiel, en fonction de l'évolution prévisionnelle en moyenne annuelle pour l'année suivante des prix à la consommation de tous les ménages hors les prix du tabac. Les évolutions prévisionnelles prises en compte sont celles qui figurent au rapport économique, social et financier annexé au dernier projet de loi de finances.

« III.  -  1. La contribution est due à raison de l'aspartame alimentaire ou des produits alimentaires en incorporant par leurs fabricants établis en France, leurs importateurs et les personnes qui en réalisent en France des acquisitions intracommunautaires, sur toutes les quantités livrées ou incorporées à titre onéreux ou gratuit.

« 2. Sont également redevables de la contribution les personnes qui, dans le cadre de leur activité commerciale, incorporent, pour les produits destinés à l'alimentation de leurs clients, de l'aspartame.

« IV.  -  Pour les produits alimentaires, la taxation est effectuée selon la quantité d'aspartame entrant dans leur composition.

« V.  -  L'aspartame ou les produits alimentaires en incorporant exportés de France continentale et de Corse, qui font l'objet d'une livraison exonérée en vertu du I de l'article 262 ter ou d'une livraison dans un lieu situé dans un autre État membre de l'Union européenne en application de l'article 258 A, ne sont pas soumis à la taxe spéciale.

« VI.  -  La taxe spéciale est établie et recouvrée selon les modalités, ainsi que sous les sûretés, garanties et sanctions applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires.

« Sont toutefois fixées par décret les mesures particulières et prescriptions d'ordre comptable notamment, nécessaires pour que la taxe spéciale ne frappe que l'aspartame effectivement destiné à l'alimentation humaine, pour qu'elle ne soit perçue qu'une seule fois, et pour qu'elle ne soit pas supportée en cas d'exportation, de livraison exonérée en vertu du I de l'article 262 ter ou de livraison dans un lieu situé dans un autre État membre de l'Union européenne en application de l'article 258 A. »

II.  -  Après le h de l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Le produit de la taxe mentionnée à l'article 554 B du code général des impôts est affecté à la branche mentionnée au 1° de l'article L. 200-2 du présent code. »

Mme Aline Archimbaud.  - C'est le même amendement sur l'aspartame, dont les dangers sont avérés aux États-Unis. Tout au moins, il faudrait une étude publique pour objectiver la question. Merci, madame la ministre, d'en avoir accepté une sur les adjuvants aluminiques.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Même avis pour les mêmes raisons.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Les études scientifiques n'aboutissent pas à des conclusions claires. Les travaux de l'Anses et des autres agences doivent se poursuivre. En attendant, je recommanderais d'utiliser plutôt du sucre, si l'on tient vraiment à adoucir.

Il n'est jamais très bon de créer des taxes sur des assiettes très étroites : à ce compte, on va taxer des tas de produits.

Le projet de loi de santé comportera des mesures sur la santé environnementale, de même que le nouveau plan national Santé-environnement, que nous avons présenté hier. Le Gouvernement prend ce sujet à bras-le-corps.

M. Jean Desessard.  - Quand un produit est dangereux, soit on l'interdit, soit on diffuse une information, soit on le taxe. Une petite assiette, peut-être, et donc peu de recettes, mais un geste politique parmi les trois possibles.

Mme Aline Archimbaud.  - Une étude italienne existe sur les dangers de l'aspartame ; une autre au Danemark. Certes, il n'en existe pas en France. Si elle conclut à l'innocuité du produit, tant mieux. Mais ne sombrons pas dans l'angélisme.

Madame la ministre... pouvez-vous vous engager à lancer une étude publique ?

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Les études lancées par l'agence européenne ou encore par l'Anses -chaque agence fixe son programme de travail- sont contradictoires. Elles doivent être approfondies.

M. Yves Daudigny.  - Il y va de la santé de nos concitoyens, mais aussi de l'économie. Les acides gras saturés représentent un problème de santé publique parce que l'huile de palme est présente de façon déguisée ou inconnue dans l'ensemble des produits industriels. En revanche, les risques de l'aspartame ne sont pas avérés. Je m'en tiens à la démarche de bon sens que nous préconisons avec Catherine Deroche dans notre rapport.

Mme Aline Archimbaud.  - Soit, madame la ministre, il faut approfondir les études. Rendez-vous au projet de loi de santé publique.

L'amendement n°278 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°279, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste.

Après l'article 12 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Le chapitre III du titre III de la première partie du livre premier du code général des impôts est complété par une section ainsi rédigée :

« Section...

« Taxe spéciale sur les dispositifs médicaux

« Art. 564 bis.  -  I.  -  Il est institué une taxe spéciale sur le mercure effectivement destiné au soin dentaire après incorporation dans un amalgame.

« II.  -  La taxe entre en vigueur au 31 décembre 2015. Le taux de la taxe est fixé par gramme de mercure à 32 €. Ce tarif est relevé au 31 décembre de chaque année à compter du 31 décembre 2016. À cet effet, les taux de la taxe sont révisés chaque année au mois de décembre, par arrêté du ministre chargé du budget publié au Journal officiel, en fonction de l'évolution prévisionnelle en moyenne annuelle pour l'année suivante des prix à la consommation de tous les ménages hors les prix du tabac. Les évolutions prévisionnelles prises en compte sont celles qui figurent au rapport économique, social et financier annexé au dernier projet de loi de finances.

« III.  -  Est redevable de la contribution le praticien qui pose un amalgame à un patient. La contribution est due à raison de la masse de mercure présente dans l'amalgame posé.

« IV.  -  Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret. »

II.  -  Après le h de l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Le produit de la taxe mentionnée à l'article 564 bis du code général des impôts est affecté à la branche mentionnée au 1° de l'article L. 200-2 du code de la sécurité sociale. »

Mme Aline Archimbaud.  - Nous passons au mercure dentaire. La convention de Minamata sur le mercure, signée ce mois d'octobre, démontre sa haute dangerosité. La Suède l'a interdit. L'Allemagne, l'Italie ne l'utilisent plus. La France continue, sa consommation représente le tiers de la consommation totale de mercure en Europe. Les dentistes ne sont pas formés à utiliser les substituts et l'amalgame au mercure est moins coûteux et demande moins de travail. Des discussions ont commencé il y a dix ans déjà. Il convient de préparer dès maintenant une véritable interdiction. Cet amendement prévoit un délai suffisant de mise en oeuvre, pour que les dentistes aient le temps de se former aux produits de substitution.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Je ne ferai pas d'amalgame (Sourires et exclamations à droite), mais je doute de l'efficacité d'une telle taxe. L'interdiction totale pose un autre problème. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre.  - La France s'est engagée dans le cadre du PNUE 2009-2013 qui a abouti à la convention de Minamata. Le ministère de la santé a demandé, par une lettre de novembre 2013 à l'Ordre des médecins et des chirurgiens-dentistes, de réduire progressivement son usage du mercure dentaire et de l'éviter complètement pour les dents de lait. Au bénéfice du travail engagé, retrait.

Mme Laurence Cohen.  - Ce sujet important, en effet, mérite l'attention, mais j'entends les explications de Mme la ministre. Dans les discussions en cours, notons que les dentistes utilisent très peu les amalgames à base de mercure, que le mercure se trouve désormais en capsule -mélange qui présente une moindre nocivité. Il y a une prise de conscience de la profession. Des recherches ont lieu sur d'autres produits, dont l'innocuité n'est pas prouvée. L'utilisation du mercure est en voie d'extinction. Il me semble que la démarche du ministère de la santé va dans le bon sens.

M. Jean Desessard.  - On est dans un autre cas de figure que pour les deux amendements précédents. La nocivité du mercure est avérée. Pourquoi attendre ? Il faut aller plus loin, car un tiers du mercure utilisé en Europe l'est en France, ce n'est pas rien !

Mme Archimbaud a noté qu'il est utilisé pour des raisons économiques. Il faut donc bien rétablir l'équilibre sur des produits meilleurs pour la santé. Le Sénat doit donner un vrai signal.

L'amendement n°279 n'est pas adopté.

ARTICLE 13

L'amendement n°271 rectifié n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°40, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales.

I.  -  Alinéa 8

Remplacer les mots :

L'article 1001

par les mots :

Dans sa rédaction issue de l'article ... de la loi n° .... de finances pour 2015, l'article 1001 

II.  -  Alinéa 11

Remplacer la référence :

5° bis

par la référence :

5° ter

III.  -  Alinéas 14 et 15

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

d) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« d) d'une fraction correspondant à un taux de 13,3 % du produit de la taxe au taux de 33 % et du produit de la taxe au taux de 15 % mentionnés au 5° quater, qui sont affectés dans les conditions prévues à l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale. »

IV.  -  Alinéas 17 et 18

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

A.  -  L'article L. 131-8 est ainsi modifié :

a) Le 3° est abrogé ;

b) Le 4° est ainsi rédigé :

« 4° La fraction du produit de la taxe mentionnée au dernier alinéa de l'article 1001 du code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article ... de la loi n° .... de finances pour 2015 est affectée à la Caisse nationale des allocations familiales ; ».

V.  -  Après l'alinéa 50

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Le dernier alinéa de l'article 22 de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 de financement de la sécurité sociale pour 2006 est supprimé.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Amendement de coordination avec le projet de loi de finances pour 2015.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Favorable.

L'amendement n°40 est adopté.

L'article 13, modifié, est adopté.

M. Alain Milon, président de la commission.  - Je souhaiterai une brève suspension de séance pour discuter de l'article 14 avec nos collègues de la majorité sénatoriale.

La séance suspendue à 11 h45 reprend à midi.

ARTICLE 14

Mme Annie David .  - Je trouve étonnante cette suspension demandée par un président de commission pour réunir seulement un groupe. Il me semble que ce serait plutôt au président de groupe de faire une telle demande... Les choses changent au Sénat, on innove...

Les caisses de congés payés, héritage du Front populaire, concernent le BTP à 90 % mais aussi les secteurs du transport, des spectacles et de la manutention portuaire. Elles consolident les droits acquis par des travailleurs mobiles. Le mécanisme est simple : l'entreprise verse les sommes aux caisses de congés payés, lesquelles calculent les droits des bénéficiaires et le leur versent. Les prélèvements s'élevaient à 6,87 milliards d'euros en 2013 et les indemnités versées aux salariés à 6,93 milliards d'euros, la différence étant financée notamment par des produits financiers.

Le prélèvement à la source proposée par le Gouvernement va mettre en difficulté ce financement de leur déficit d'exploitation technique, indispensable à leur activité. Ces caisses emploient 938 ETP. L'étude d'impact prétend qu'il sera nul pour les salariés. Mais quid des nouveaux salariés qui viennent d'être embauchés ? Bénéficieront-ils aussi de la prime de vacances de 30 % et des congés supplémentaires pour ancienneté ? L'impact sur les entreprises du bâtiment sera élevé : le calcul des indemnités représentera une vraie difficulté pour les plus petites d'entre elles qui représentent 70 % du secteur. Elles seront contraintes de recourir à une expertise extérieure coûteuse. L'Igas a rappelé dans un récent rapport que les caisses ont de faibles frais de gestion en raison de la mutualisation des moyens. En 2015-2016, les sommes seront collectées deux fois, en raison de la concomitance du prélèvement actuel et de la mise en place de la retenue à la source. S'agit-il donc uniquement de procurer une ressource supplémentaire à la sécurité sociale ? Nous voterons contre cet amendement.

M. Yves Daudigny .  - Cet article mobilise des ressources déjà disponibles par un prélèvement qui ne touchera ni les ménages ni les entreprises. Il est indispensable de faire participer au CICE les caisses de congés payés qui concernent principalement le secteur du BTP. Ce prélèvement porte sur des cotisations déjà versées par les entreprises, grâce à une modification des règles de recouvrement. Il en résultera un coût modique pour les caisses. L'impact sur les coûts de gestion représente en effet moins de 1 % des coûts de ces caisses. Mieux vaut prendre une telle mesure que de demander des efforts supplémentaires aux ménages ou aux entreprises, ou d'accroître la dette.

L'objectif du Gouvernement est de faire en sorte que ce prélèvement soit réalisé de manière normale, dans le prolongement logique de la disposition déjà adoptée dans la loi de finances de la sécurité sociale pour 2013. Un prélèvement à la source généralisé des cotisations employeurs exige du temps. Une entrée en vigueur différée en 2018 accorde un délai nécessaire.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié bis, présenté par MM. Grand et Laufoaulu, Mme Duchêne, M. Delattre, Mme Primas, MM. G. Bailly, Bonhomme et Pierre, Mme Deromedi, MM. César, Charon, Longuet, Leleux, Gilles, Falco et Morisset, Mme Lamure et MM. Mandelli, Buffet, Vial, Huré, Pinton, Mayet, Joyandet, Trillard, B. Fournier, Revet, D. Laurent, Husson, Lemoyne et Savary.

Supprimer cet article.

M. Bruno Gilles.  - La mise en commun des cotisations que versent les 215 000 entreprises du BTP permet une mutualisation et le financement partiel d'une prime de vacances de 30 % et de jours supplémentaires d'ancienneté.

Ce dispositif profite à 1,5 million de salariés qui peuvent prendre le congé qu'ils ont acquis dans une précédente entreprise.

Cet article 14 fait payer à la source les cotisations sociales dues sur les indemnités de congés versées par les caisses, avant que le congé soit pris et l'indemnité versée.

Le Gouvernement place ainsi les entreprises du BTP dans une étrange situation d'inégalité devant la loi en renchérissant mécaniquement le coût des congés et en complexifiant gravement la charge administrative des entreprises concernées.

Ainsi, afin de boucler le budget de la sécurité sociale, le Gouvernement bricole un article permettant d'apporter d'une manière purement comptable, et seulement pour une seule année, 1,52 milliard d'euros d'argent frais dans les caisses de la sécurité sociale. C'est un très mauvais coup porté aux entrepreneurs et artisans du bâtiment.

M. le président.  - Amendement identique n°84 rectifié, présenté par Mmes Gatel et Billon, MM. Bockel, Bonnecarrère et Détraigne, Mme Doineau, MM. V. Dubois et J.L. Dupont, Mme Férat, Mlle Joissains, M. Kern, Mmes Létard et Loisier et MM. Longeot et Médevielle.

Mme Françoise Gatel.  - La mutualisation qui est l'oeuvre des caisses est l'un des atouts du système actuel. J'entends le motif allégué, d'équilibre du financement de la sécurité sociale. Il faut garantir les droits des travailleurs du BTP. Nul n'est dupe de l'effet cosmétique recherché. Ce n'est qu'un fusil à un coup, deux coups maximum, pour cette année et la prochaine. Il faut rechercher des financements pérennes pour les comptes sociaux.

M. le président.  - Amendement identique n°197 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier.

M. Gilbert Barbier.  - L'opération est neutre pour les entreprises, soit. Mais les fonds concernés font l'objet d'une gestion dynamique qui bénéficiait aux salariés du secteur du BTP, qui ne sont pas les plus privilégiés. Vous trouvez ainsi 1,5 milliard d'euros. C'est un fusil à un coup. Il faudra trouver autre chose l'année suivante !

M. le président.  - Amendement identique n°234, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Mme Annie David.  - On s'appuie, pour justifier cet article, sur des problèmes de gestion des caisses mis en avant par le rapport d'information de M. Arthuis, de 2009. Depuis, un autre rapport de l'Igas a montré le chemin qui a été parcouru par les caisses pour répondre aux critiques émises.

L'article 40 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 prévoyait que le prélèvement à la source ne serait pas étendu à l'ensemble des contribuables et des cotisations avant le dépôt d'un rapport au Parlement qui n'a pas été remis.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Cette mesure rapportera à la sécurité sociale 1,5 milliard en 2015, 500 millions en 2016. La supprimer déséquilibrerait profondément la loi de financement de la sécurité sociale, contrairement à la volonté de la majorité sénatoriale d'améliorer l'équilibre de nos comptes sociaux au cours de l'examen de ce texte. Je comprends néanmoins l'agacement suscité par une mesure qui ne peut rétablir de façon pérenne cet équilibre puisqu'elle ne portera que sur deux ans.

Cet article fragiliserait le BTP, déjà mal en point en raison de la crise économique. La mesure n'aura aucun impact sur les entreprises concernées, elles continueront de verser la même cotisation à l'Urssaf. Quant aux avantages des salariés du BTP, prévus par la convention, ils ne dépendent nullement des caisses mais bien des entreprises du secteur, qui paient des cotisations équivalentes à 20 % du salaire brut contre 14 % dans d'autres secteurs. Jean Arthuis l'avait montré dans son rapport de 2009.

L'article 14 ne menace pas non plus l'existence des caisses de congés payés : elles ont fait la preuve de leur utilité et l'objet d'un large consensus des employeurs et des salariés.

Il s'agit d'autoriser les Urssaf à recouvrer directement les cotisations qui leur sont dues. Les caisses de congés payés disposeront d'un niveau de trésorerie un peu moindre.

M. Gilbert Barbier.  - Un peu ? 2 milliards en moins tout de même !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Le dispositif général normal est de payer mensuellement les cotisations à l'Urssaf. On peut s'interroger, en conséquence, sur le modèle économique des caisses, destiné à équilibrer un fonctionnement déficitaire. Voyez le rapport de l'Igas.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Il y a un sujet.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Les Urssaf doivent attendre un an avant de percevoir les cotisations qui leur sont dues. Jean Arthuis l'avait démontré, l'Igas l'a confirmé, les caisses de congés payés disposent d'un matelas de fonds propres de 119 millions d'euros. Elles utilisent les fonds dans un système de mutualisation qui n'est pas remis en cause mais amoindri dans ses effets, encore que les rendements actuels des placements ne sont plus ceux de ces dernières années. À titre personnel, je suggère le retrait de ces amendements, pour maintenir ces recettes.

J'espère que les élus de la majorité de la commission qui se sont réunis comprendront mon argument.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - La discussion a été longue et précise. Avis défavorable. L'enjeu de cet article est de 1,5 milliard d'euros, ce n'est pas cosmétique ! Rien ne justifie une telle accumulation pendant un an. Il ne s'agit pas d'enlever un droit mais d'accélérer le processus qui va du prélèvement des entreprises à son versement à l'Urssaf. Cet article réintroduit du droit commun et ne change rien, je le répète, pour les entreprises, que je tiens à rassurer : nul prélèvement supplémentaire pour elles, nulle soustraction de droits pour leurs salariés, seulement de la bonne gestion.

M. Alain Joyandet.  - On assiste à un hold-up sur la cagnotte.

Mme Nicole Bricq.  - Oh non !

M. Alain Joyandet.  - C'est une opération de trésorerie, je l'ai compris. On dénonce le système tout en le laissant perdurer parce qu'on ne sait pas comment le remplacer. Heureusement qu'il est là... Comme d'habitude en comptabilité publique, on va additionner des choux et des navets. Dans trois ans, vos successeurs devront trouver 2 milliards de recettes -des hausses de cotisation, sans doute... Je comprends la position de la commission : elle veut poursuivre le débat. Mais enfin, ce n'est pas à nous, parlementaires, de trouver des recettes mais au Gouvernement.

Oui à l'objectif de rationalisation et à la vertu ; mais le procédé n'a rien de vertueux et aura des conséquences pour les entreprises et leurs salariés. Ce sont des fonds mutualisés. C'est une mesure one shot, two shots au maximum. L'effet sera analogue à celui d'un couple qui dispose d'un peu d'argent et brûle tout en faisant la fête. Et après ? Les difficultés surviennent...

Une fausse recette, donc, sur laquelle on voudrait au moins une étude d'impact. La cagnotte se reconstituera-t-elle ? On n'en sait rien. Imaginez notre difficulté à expliquer dans nos départements que le Sénat, dans sa sagesse, a voté une disposition qui fragilise un secteur déjà éprouvé. Notre devoir est de critiquer fermement cette disposition.

présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président

Mme Françoise Gatel.  - En employant le mot « cosmétique », je visais, madame la ministre, une recette d'opportunité, une recette ponctuelle. Au-delà de quelques milliers d'euros, l'élue locale que je suis a le vertige... Que ferons-nous après 2016 ? Un jour, nous devrons nous interroger sur notre capacité réelle à rééquilibrer durablement les comptes sociaux.

La mutualisation, positive pour des salariés qu'on appelle souvent des compagnons, ne doit pas être battue en brèche.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - L'origine de l'affaire est le financement du CICE que vous avez dû créer, pris en 2012 d'une frénésie abrogatrice, après avoir supprimé la fiscalité anti-délocalisation qui était une vraie mesure structurelle. Je tenais à ce rappel car la ministre dénonçait des « amendements de posture » dans la discussion générale. Nombre de dispositions de ce texte sont en trompe-l'oeil. C'est préoccupant.

Mme Nicole Bricq.  - Je ne peux pas laisser dire que cet article 14 relève du hold-up. Personne n'a parlé de cagnotte. Avec cette disposition, nous sommes dans le droit fil des recommandations de la commission des finances du Sénat émises sous la présidence de M. Arthuis en 2009.

Au reste, cette accélération du versement des cotisations aux Urssaf relève de la simplification. Nous mettons fin à une dérogation pour revenir au droit commun. C'est vrai, cette mesure financera le CICE ; elle s'inscrit dans une politique économique. Ne faites pas croire hors de cet hémicycle que nous attentons aux droits des salariés et mettons à mal les entreprises ; le bâtiment souffre, on le sait, à cause de la crise.

M. Daniel Chasseing.  - On va tout de même ponctionner les caisses de congés payés, certes pour remettre les pratiques du secteur dans le droit chemin mais en fragilisant les droits des salariés du BTP ; beaucoup doivent s'éloigner de leur base pour travailler en raison de la baisse des mises en chantiers. 460 000 logements ont été construits en 2009, ils ne sont plus que 300 000 en 2013. Le secteur perd des emplois, 1 000 dans le Limousin. Quand on sait que la baisse des dotations aux collectivités territoriales va les contraindre à réduire leurs investissements... Il faut certes rationnaliser, mais la ponction va fragiliser les entreprises du secteur.

Mme Annie David.  - La commission a émis un avis favorable à ces amendements de suppression, à moins qu'il y ait eu un changement durant la suspension... Le rapporteur général a donné son avis personnel, en indiquant qu'il penchait pour la sagesse. Le groupe CRC maintient que l'article mettra en difficulté les entreprises et les salariés du BTP. Nous demandons un scrutin public.

Mme Pascale Gruny.  - Je suis contre le principe de ce type de prélèvements, d'autant que la mesure n'est pas pérenne. Mais les entreprises et les citoyens n'en peuvent plus. Mieux vaut cette avance pour un an qu'une hausse des taxes et impôts. Pour avoir travaillé dans les transports, où le prélèvement annuel au profit des caisses posait des problèmes de trésorerie, je sais qu'il n'y aura pas de souci pour les salariés. C'est pourquoi je voterai contre ces amendements de suppression.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Effectivement, la commission a émis un avis favorable. Je l'ai appelé à la sagesse après la réunion de sa majorité.

À la demande du groupe CRC, les amendements identiques nos9 rectifié bis, 84 rectifié, 197 rectifié et 234 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°23 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 219
Pour l'adoption 67
Contre 152

Le Sénat n'a pas adopté.

(M. Jean-Baptiste Lemoyne le regrette)

L'article 14 est adopté.

La séance est suspendue à 12 h 55.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 heures.