Délimitation des régions (Deuxième lecture - Suite)
Renvoi en commission
Mme la présidente. - Motion n°153, présentée par M. Masson.
En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission spéciale le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (n°43, 2014-2015).
M. Jean Louis Masson . - Cette réforme est un non-sens, car elle abolit toute proximité avec le terrain. Si l'on veut de grandes régions, il faut conserver le département. Si l'on veut supprimer le département, il faut des régions à taille humaine, leur taille actuelle. Des intercommunalités de petite taille garderaient le contact avec les réalités du territoire. Tout le contraire de ce que propose le Gouvernement, avec le seuil de 20 000 habitants.
Je ne plaide pas pour le statu quo. Les départements ont été découpés en 1790, à une époque où les moyens de communications n'avaient rien à voir avec ceux d'aujourd'hui. En 1947, Michel Debré préconisait la création de cinquante grands départements. Si l'on veut supprimer les départements, il faut maintenir le découpage régional actuel, en fusionnant département et région, ce que proposent à juste titre nos collègues alsaciens.
Il faut sortir de la confusion entretenue par la nouvelle carte des régions. Il eût fallu un projet de loi global regroupant les deux textes qui nous sont soumis, pour adapter le découpage aux compétences retenues. Il est urgent que la commission spéciale se penche sérieusement sur le problème du découpage. D'où ma motion.
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission spéciale . - Avis défavorable. D'abord pour une raison pratique : un renvoi en commission pour une durée d'une heure ne suffirait pas pour répondre à votre souhait. En outre, nous en sommes à la deuxième lecture. Même s'il y a des divergences, la commission spéciale a travaillé et a adopté plusieurs amendements.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Même avis.
La motion n°153 n'est pas adoptée.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER A
M. Robert Navarro . - La taille des régions n'est pas ce qui compte. La région allemande la plus performante économiquement, c'est la Saxe, qui ne compte qu'un million d'habitants.
Il était question de fusionner le Languedoc-Roussillon avec Midi-Pyrénées. En superficie, cette nouvelle région serait presque aussi grande que l'Autriche, laquelle est divisée en neuf régions. La région Midi-Roussillon serait plus étendue que treize États européens. Elle aurait une population équivalente à celle du Danemark, pays divisé en cinq régions, et plus d'habitants que dix États européens. Elle aurait vingt fois plus d'habitants que la Corse, serait six fois plus étendue que le Nord-Pas-de-Calais, avec un PIB double de celui de la Bretagne. Pour des « critères objectifs », vous repasserez !
J'espère que le Sénat sera ferme pour préserver l'intégrité territoriale du Languedoc-Roussillon. Depuis plus de dix ans, nous investissons 500 millions par an dans des projets structurants comme le TGV, les aéroports et les ports maritimes. Des projets d'avenir. En désorganisant ce territoire, c'est l'utilité même de ces investissements que vous remettez en cause.
Vos cartes, improvisées, sont totalement déconnectées des bassins de vie. Vous bafouez le principe d'autonomie inscrit dans la Charte du 17 janvier 2007, que la France a signée et qui prévoit une consultation préalable à tout redécoupage. Même si les collectivités locales n'ont pas un droit de veto à l'égard de telles modifications, leur consultation préalable, directe ou indirecte, est indispensable. Dans ma région, vous vous êtes affranchis de cette obligation. L'improvisation n'est pas une excuse.
M. Jacques Grosperrin . - Je souligne la qualité du travail de la commission spéciale et de son rapporteur, particulièrement précieuse avec un texte aussi mal rédigé. Pourquoi ne pas préciser au préalable les compétences dévolues à chaque couche du millefeuille ? Cette réforme doit être l'occasion d'une simplification administrative. La règle de la subsidiarité doit s'appliquer. Je voterai cet article premier A.
M. Jean-Jacques Hyest. - Très bien !
M. Jacques Grosperrin. - Il faudra revenir, en décembre, sur le volet compétences, sur l'enseignement supérieur et la recherche, au moment où se constituent les communautés d'universités et d'établissements, processus très lourd. Le code de l'éducation donne de grandes compétences à la région. L'orientation du schéma régional de l'innovation, de l'enseignement supérieur et de la recherche doit en tenir compte. Le code de l'éducation prévoit la présence de nombreux représentants de la région dans les conseils d'administration des universités et des établissements. Il faudra à nouveau préciser cela dans la loi sur les compétences.
M. Daniel Chasseing . - Cet article rappelle les compétences des différentes catégories de collectivités territoriales, principe auquel nous sommes très attachés. Les communes sont bien la cellule de base de l'organisation territoriale de la République. Quant aux départements, je rappelle qu'ils sont, en milieu rural surtout, les indispensables garants de la solidarité et de la cohésion sociale, comme le formule justement cet article, surtout quand ils se préparent à faire partie d'une grande région. Point de passéisme ou de communautarisme dans la reconnaissance de cet état de fait, mais un contrat lucide. Le domaine social est fondamental, il relève de l'administration de proximité. L'aide aux communes déjà malmenées par les coupes claires annoncées par le Gouvernement, ne peut être coordonnée qu'au niveau départemental. Le maintien des Sdis est fondamental pour la sécurité des biens et des personnes. Il faudrait parler des routes, des collèges, des lycées.
Je conclus en citant le président de la République, le 8 janvier, lors d'une cérémonie de voeux : « Les départements gardent leur utilité pour assurer la cohésion sociale, la solidarité territoriale, et je ne suis donc pas favorable à Ieur suppression pure et simple, comme certains le réclament, car les territoires ruraux perdraient en qualité de vie sans d'ailleurs générer d'économies supplémentaires. » (Applaudissements à droite)
M. François Grosdidier. - Il a changé quatre fois d'avis.
M. Michel Raison . - Naviguer dans un brouillard aussi épais nécessite beaucoup de clairvoyance. Comment choisir une carte sans organiser la gouvernance ? Cet article premier A est fait pour nous rasséréner. Il nous laisse espérer. En écoutant le Premier ministre hier, je n'étais guère rassuré. Qu'est-ce que maintenir les communes, si l'on donne toutes les compétences aux communautés de communes ? De grâce, laissez les élus locaux choisir eux-mêmes leur mode d'organisation !
M. Philippe Marini . - Ce texte a été utilement transformé par notre commission spéciale mais lorsqu'un problème est mal posé, il ne peut y avoir de bonne réponse et notre discussion risque d'être assez frustrante. Un texte qui n'aborde que le contenant et non pas le contenu, un texte incohérent, qui laisse à penser que les départements ruraux - selon quels critères ? - seront maintenus, avec une carte fluctuante, dans des conditions inaccessibles à nos concitoyens.
La carte régionale proposée par la commission spéciale n'est pas vraiment meilleure que celles qui l'ont précédée, ni celle, initiale, du Gouvernement, ni celle de l'Assemblée nationale.
Je comprends que l'on veuille concentrer les structures et fusionner les collectivités existantes. On aurait pu avoir une démarche plus fructueuse et réaliste en partant du département, expression de la réalité de nos territoires.
M. Bruno Sido. - Bravo !
M. Philippe Marini. - Ce propos me semble partagé sur toutes les travées.
Nos amis alsaciens voudraient bénéficier d'un sort particulier. Avec tout l'attachement que j'ai pour eux, pour leur patriotisme, j'observe qu'il faudrait adopter la même solution ailleurs, comme en Limousin ou en Picardie. (Exclamations) Vous savez, monsieur le ministre, qu'il n'y a pas de bon rattachement régional pour le département de l'Oise : la seule bonne solution, c'est, comme en Alsace, de fusionner les trois départements et la région.
Si l'on avait eu plus de liberté, d'indépendance d'esprit, d'esprit d'innovation, on eût pu préparer une meilleure réforme et un débat plus fructueux. Cela dit, je reconnais les quelques progrès obtenus par la commission spéciale. Mais, je le répète, à problème mal posé, il n'est point de bonne solution. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)
Mme Cécile Cukierman . - Cet article n'a aucune portée normative, mais nous le voterons néanmoins car il est toujours bon de rappeler les principes. Cependant, il y a loin des déclarations d'intention à la réalité.
Quelle majorité a voté la loi de 2010, qui obligeait les communes à entrer dans l'intercommunalité, au détriment d'une véritable coopération ? On annonce une nouvelle loi pour 2015. Ni la déclaration d'intentions du Premier ministre hier, ni celle de M. Vallini cet après-midi ne calment nos inquiétudes. Des communes s'évaporent, c'est un fait. La moitié des départements, ceux qualifiés de « trop urbains » en particulier, devraient disparaître, ce qui remettrait en cause une part du financement des autres départements.
Mais ne troublons point l'unanimité de façade, révélatrice, tout de même, d'un fort attachement de notre population et de ses 500 000 élus locaux, à nos communes, nos départements, nos régions.
M. Joël Guerriau . - Ce projet de loi arrête une nouvelle carte des régions par regroupement de ces dernières. Dans un second temps les départements pourront faire un choix différent comme si l'essence même du découpage résultait d'une approximation. Cette méthode coupe les élus des attentes de leurs électeurs.
Quand un département a une identité forte en commun avec une région, est-il raisonnable de l'obliger à fusionner avec une autre région ? La méthode retenue interdit une recomposition cohérente, raisonnable, pragmatique et courageuse dans l'Ouest. À l'ouest, rien de nouveau ! (On apprécie)
Une solution serait de faire émerger deux régions équilibrées, avec la même population et le même PIB : la Bretagne à cinq départements et un Centre-Val de Loire regroupant la région Centre et d'autres départements. Le projet actuel marginalise la Bretagne et va la fragiliser. Une écrasante majorité des Bretons souhaite une Bretagne à cinq départements, comme la Normandie.
La Bretagne à cinq départements, c'est une nouvelle région maritime, avec deux grands ports, Brest et Nantes-Sainte-Nazaire, portes naturelles sur le monde. Nantes-Sainte-Nazaire, peut devenir la capitale économique et commerciale de cette nouvelle région. La marque « produit en Bretagne » progresse notamment en Loire-Atlantique. La Bretagne à cinq départements est souhaitée par plus du tiers des communes des cinq départements, par le conseil régional, le conseil général de Loire-Atlantique, et par une large majorité de la population.
La région fonctionne déjà à cinq départements dans le domaine judiciaire : la cour d'appel est à Rennes. La communauté de communes du Pays de Redon montre l'exemple, en réunissant des communes de la région Bretagne et du département de Loire-Atlantique.
À cinq départements, la Bretagne aura une véritable dimension européenne. Nous avons déposé des amendements en ce sens. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale . - J'ai bien écouté les uns et les autres. La très grande majorité des sénateurs sont dans la ligne du rapport élaboré par Jean-Pierre Raffarin et Yves Krattinger, et approuvé par notre Haute Assemblée. Il nous faut une feuille de route. Pourquoi transformer les limites régionales ? Pour le deuxième texte ! Ce n'est pas facile, c'est une mauvaise méthode, même si cela s'est déjà fait.
M. Bruno Sido. - Bis repetita...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. - D'où cet article : nous précisons que les régions n'ont que des compétences stratégiques.
La loi Raffarin avait tenté de clarifier les compétences. Elle n'avait pas été jusqu'au bout. Ce sera peut-être plus facile aujourd'hui, puisque les ressources diminuent. Certaines grenouilles veulent se faire plus grosses que des boeufs.
M. Bruno Sido. - Les Verts !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. - Je ne nomme personne.
Vient aussi le débat sur l'intercommunalité. On vient d'en finir la carte. Élu d'Ile-de-France, je ne suis pas concerné pour l'instant.
M. Roger Karoutchi. - Cela va venir !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. - Le Sénat prend date pour le débat sur les compétences. Certes, cet article premier A n'a pas de portée normative, mais il est important. Nous avons entendu le Premier ministre, le ministre, M. Vallini. Il y a des nuances dans le temps. Tel qui admirait fort les départements veut désormais les supprimer. (On renchérit à droite)
Oui, il faut faire des économies. Vous avez cité un exemple parlant, monsieur le ministre. C'était un cas de figure où l'on aurait pu fusionner des communes. Je ne pense pas qu'on fera des économies en éloignant sans cesse les administrations des populations. Voyez les routes ! Le conseil général a toujours bien géré la voierie départementale. Il a repris des structures de l'État, les DDE, qu'il a bien intégrées. Donnez aux régions des capacités. Il est évident que la région doit être compétente en matière d'enseignement supérieur et de recherche, peut-être aussi en matière d'emploi.
Tel est le sens du texte élaboré par la commission spéciale. C'est dans cet esprit que nous bâtirons le texte sur les compétences. De grands experts, qui ne sont pas des élus, veulent faire croire que communes et départements sont dépassés, au profit de nouvelles structures, qui n'ont pas prouvé leur efficacité. (Applaudissements à droite)
Mme la présidente. - Amendement n°54, présenté par M. Doligé.
Alinéa 3
Remplacer les mots :
et de la solidarité territoriaux et de la cohésion sociale sur leur territoire
par les mots :
territorial, de la solidarité et de la cohésion sociale sur leur territoire
M. Éric Doligé. - Merci à M. Hyest d'avoir posé le cadre de notre débat. Cet article y contribue. J'ai la certitude que nous sommes en capacité de sortir un beau texte, ensemble, à condition d'avoir le temps nécessaire. Nous n'en disposons pas, alors allons à l'essentiel. Tel est le sens de mon amendement.
M. Jean-Pierre Sueur. - Il améliore incontestablement la rédaction du texte.
M. François-Noël Buffet. - Cet article résulte d'un amendement que j'ai fait adopter en commission. Je n'ai pas de susceptibilité d'auteur : favorable à cet amendement.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Le Gouvernement n'y est pas favorable : même s'il améliore la rédaction de l'article, celui-ci reste dénué de portée normative.
M. Bruno Sido. - Ce n'est pas la première fois !
M. Roger Karoutchi. - Naturellement, c'est la seule raison qui justifie l'avis défavorable du Gouvernement ! C'est article est d'appel, pour le deuxième texte. Nous ne doutons pas que le Gouvernement écoute le Sénat mais enfin... Ne détricotez pas les compétences des départements, l'équilibre que nous appelons de nos voeux. Ce n'est pas normatif bien sûr, mais dans la logique de l'ouverture du Premier ministre. Celle-ci appellerait plutôt un avis de sagesse. (Applaudissements à droite)
M. René-Paul Savary. - Monsieur le Ministre, vous nous claquez la porte au nez dès le premier article. (On approuve à droite) Il faut maintenir les départements sur leurs deux pieds, car ils sont des amortisseurs sociaux et territoriaux en période de crise, c'est essentiel ! (Mêmes mouvements) C'est incontournable. Des régions stratèges ne tiendront que si des structures ont la taille convenable pour assumer les compétences de proximité, comme le recommandait le rapport Raffarin-Krattinger. Oui, un avis de sagesse nous conforterait dans notre volonté de bâtir avec vous un schéma cohérent. (Applaudissements à droite)
M. Jean Louis Masson. - Je voterai cet amendement mais il donne l'impression que le Sénat se fait plaisir : il n'a guère de portée, ne changera rien (Exclamations à droite). Je ne me fais guère d'illusion...
M. René Vandierendonck. - Qui ici a plus de savoir-faire juridique et légistique que le président Hyest ?
Pourquoi cet article 1er A ? Parce que notre discussion doit débuter avec une séance d'exorcisme, pour repousser la crainte que les déclarations gouvernementales ont pu alimenter (Applaudissements à droite), crainte que les départements disparaissent. Mais je donne acte au propos du Premier ministre d'hier sur la clarté.
Il est évident que le groupe socialiste votera l'amendement. (« Très bien » à droite)
M. Ronan Dantec. - Puisque l'on parle d'exorcisme, rappelons que le diable se loge dans les détails !
On exonère un peu vite les régions de leur responsabilité de garant du développement territorial en s'en remettant ainsi aux départements ; Ne dédouanons pas les grandes régions stratégiques de cette responsabilité. Je ne voterai pas cet amendement.
M. Pierre-Yves Collombat. - Je suis bien conscient qu'on est dans le registre de l'exorcisme mais comment s'en étonner quand on voit la pensée magique régner ! Dire qu'agrandir les régions stimulera l'économie et réduira le chômage, qu'est-ce d'autre que de la pensée magique ? Dans ces conditions, il n'est pas mauvais de pratiquer l'exorcisme. Je voterai donc cet amendement qui améliore la rédaction de l'article.
M. Jean-Pierre Sueur. - Je réagis aux propos de M. Dantec. On crée dès cet article un climat de respect mutuel entre les différentes collectivités ; et dès l'alinéa suivant, les responsabilités des régions sont précisées. Il est sage, qu'en prélude à notre débat, le Sénat se réunisse sur cette rédaction. (« Très bien ! » à droite)
Voix à droite. - Un geste monsieur le ministre !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Trop de bonheur d'un seul coup ! Je ne me suis jamais senti aussi soutenu... (Sourires) Vous m'invitez à la sagesse, c'est mon tempérament. Vous connaissez ma passion pour votre assemblée, où je ne siégerai jamais -vous y perdriez-, (Rires et exclamations. On invite M. le ministre à ne pas en jurer) et pour votre sagesse légendaire. C'est justement pourquoi j'estimerais curieux que le Sénat inscrivît dans un texte de loi des dispositions sans portée normative. J'ai confiance en la sagesse du Sénat, que le Sénat ait confiance en la volonté du Gouvernement de tenir les engagements pris par le Premier ministre. Il a été clair sur l'avenir du département. Cheminons ensemble !
L'amendement n°54 est adopté.
(Applaudissements à droite)
Mme la présidente. - Amendement n°35 rectifié, présenté par MM. Guerriau, Canevet et Paul, Mme Gatel et M. Cadic.
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par un membre de phrase ainsi rédigé :
ils peuvent choisir la région à laquelle ils sont rattachés ;
M. Joël Guerriau. - Prenons en compte la diversité locale et laissons les départements choisir d'emblée la région à laquelle ils souhaitent appartenir.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Cet amendement relève de l'article 3. Avis défavorable.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Même avis.
M. Joël Guerriau. - L'article 3 ne dit rien de la fusion d'une région et des départements qui la composent. Cela dit, je m'incline.
L'amendement n°35 rectifié est retiré.
M. François Grosdidier. - Dommage !
Mme la présidente. - Amendement n°40 rectifié, présenté par MM. Guerriau et Canevet, Mme Gatel et MM. Paul et Cadic.
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le nouveau périmètre des régions est créé dans les limites territoriales d'une ou plusieurs régions ou d'un ou plusieurs départements limitrophes.
M. Joël Guerriau. - L'objet est le même. En Allemagne, les Länder, constitués sur une base historique, sont restés inchangés. Ne créons pas de régions technocratiques !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Cet amendement-ci relève cette fois de l'article 2 : retrait sinon rejet.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Même avis. N'introduisons pas dans un article non normatif, un amendement qui relève d'un article normatif...
L'amendement n°40 rectifié n'est pas adopté.
M. Daniel Dubois. - Une déclaration d'intention sans portée normative, pour quoi faire ? Si la région est stratège, et si le triptyque département-intercommunalité-commune est opérateur de proximité, alors il faut huit à dix régions et non treize. Dès lors, le maintien des départements s'impose ! On revient au rapport Raffarin-Krattinger. Et on peut aborder la question des moyens. Je voterai cet article, mais on prend les choses à l'envers.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. - Je ne me suis pas permis de dire qu'il fallait dix régions, cela nous aurait entraînés dans des débats compliqués... Cet article n'est pas normatif, c'est vrai. Mais, monsieur le ministre, il est notre feuille de route en vue du deuxième texte. Moins de régions encore ? Attendons le débat sur la carte...
M. Jean Louis Masson. - Voter cet article ce n'est pas dire qu'il faut dix régions ! Pourquoi d'ailleurs faut-il de grandes régions ? Cela fera-t-il faire un centime d'économies, diminuer le chômage ? Le succès économique allemand n'a rien à voir avec la taille des régions, contrairement à ce qu'on tente de mettre dans la tête des gens. Tout cela est fumeux. Quand on fusionne deux communes pauvres, on obtient une grande commune pauvre ! Pourquoi pas deux ou trois régions seulement, tant qu'on y est ?
M. Pierre-Yves Collombat. - Paris et le reste !
Mme Éliane Giraud. - Je ne peux pas entendre de tels propos. Ce n'est pas sérieux. Je fais partie d'une très grande région qui est déjà de taille européenne, Rhône-Alpes. Or nous savons très bien qu'avec l'Auvergne, nous allons faire corps... (M. Jacques Mézard s'exclame ; on s'amuse sur de nombreux bancs) Ensemble, nous serons plus forts. N'ayons pas une vision purement institutionnelle. La société civile, les entreprises ont besoin du politique.
Mme Éliane Assassi. - Nous sommes donc des archaïques !
M. Bruno Sido. - Répondez, monsieur Mézard ! (On savoure d'avance à droite)
M. Jacques Mézard. - Toutes les opinions peuvent être exprimées dans cette enceinte, même celles qui vous déplaisent, madame. J'attends encore qu'on m'explique les raisons et motivations de cette nouvelle carte. (Exclamations sur les bancs socialistes) Moi, je n'ai pas changé d'avis tous les trois mois sur cette réforme territoriale ! Tout le monde ne peut pas en dire autant... (Mme Éliane Giraud et M. Jacques Chiron s'exclament) On ne peut traiter ce type de problème avec des éléments de langage solfériniens. La région Rhône-Alpes travaille, dîtes-vous ? Elle n'est pas la seule ! J'écoute M. Vandierendonck, que j'estime : si nous avions tous travaillé à partir des réalités, nous n'en serions pas là ! (Applaudissements au centre et à droite et sur les bancs du RDSE)
M. Bruno Retailleau. - Cet article va donner du sens à ce texte et au suivant. La proximité, c'est le lien démocratique, le lien social, un gage d'efficacité. C'est aussi un principe de responsabilité. Sa traduction juridique, c'est le principe constitutionnel de subsidiarité. Comment voter aujourd'hui sans connaître la trajectoire qui nous mènera au deuxième projet de loi ? Réaffirmer le principe de subsidiarité, c'est marquer le point de départ du débat sur les compétences. Nous sommes des élus politiques, nous devons donner sens à nos votes et à notre action. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Cet article, dit le président Hyest, est destiné à rappeler au Gouvernement ce que veut le Sénat. Eh bien, le Gouvernement vous a entendus. (Exclamations à droite) Le Premier ministre a pris hier des engagements clairs, le compte rendu fait foi. L'article premier A est en quelque sorte satisfait.
M. Jean-François Husson. - Sénateur échaudé...
L'article premier A est adopté.
(Applaudissements sur les bancs UMP)
ARTICLES ADDITIONNELS
Mme la présidente. - Amendement n°7, présenté par M. Masson.
Après l'article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Si, avant le 1er mars 2015, tous les conseils généraux et le conseil régional d'une région actuelle demandent à fusionner en une collectivité territoriale unique, cette fusion est prononcée par décret.
La collectivité territoriale unique visée au premier alinéa exerce l'ensemble des compétences attribuées par la loi à la région et aux départements qu'elle regroupe. Elle leur succède dans tous leurs droits et obligations.
Le présent article s'applique par dérogation à l'article L. 4124-1 du code général des collectivités territoriales et par dérogation aux autres articles de la présente loi.
M. Jean Louis Masson. - Pourquoi faudrait-il des régions de « taille européenne » - concept fumeux s'il en est - pour gérer des routes ou les lycées ? Qu'est-ce d'ailleurs que la « taille européenne » ? Regardez le Luxembourg, il marche beaucoup mieux que la France !
On peut réduire autrement les dépenses du millefeuille. On pourrait par exemple fusionner certaines régions avec leurs départements, en Alsace ou en Lorraine. Les Alsaciens ne se débrouillent pas si mal... Je comprends que Rhône-Alpes veuille avaler son voisin pour devenir encore plus gros mais laissez les autres libres de décider de leur sort ! (Applaudissements sur quelques bancs au centre et à droite)
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Fusionner une région et des départements par décret serait contraire à l'article L. 4124-1 du code général des collectivités territoriales, pris en application de l'article 72 de la Constitution. Avis défavorable.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Même avis.
M. Jean-René Lecerf. - M. le rapporteur a raison. Je ne voterai pas l'amendement. Cependant, il est intéressant de faire appel à l'intelligence des territoires, qui peut s'exprimer différemment selon les régions. Ainsi, en Nord-Pas-de-Calais, une majorité d'élus envisagent sérieusement la fusion de la région avec les deux départements. Ce ne sera plus possible demain, en cas de fusion avec la Picardie.
M. André Reichardt. - La proposition de M. Masson est intéressante. Je ne voterai pas l'amendement, ayant entendu l'avis du rapporteur, mais je ne peux qu'encourager ce type de méthode, qui a fait ses preuves en Alsace.
M. François Grosdidier. - Nous nous apprêtons à dessiner, d'en haut, la carte des nouvelles régions. En Alsace, le projet de fusion n'a pas abouti faute de participation suffisante. Je regrette le retrait de l'amendement sur l'autodétermination des départements. Pourquoi ne pas entendre les attentes locales ? Pourquoi ne pas procéder selon la méthode utilisée sous la précédente législature pour la carte intercommunale ? La loi fixait un cadre, un objectif et laissait les communes s'organiser, jusqu'à une date butoir après laquelle l'État reprenait la main.
Finalement, en laissant l'Alsace seule, la carte de la commission spéciale n'est pas satisfaisante. Cela dit, l'amendement se heurte au principe de l'entonnoir...
M. Jean Louis Masson. - Irrecevable mon amendement ? Non, contraire seulement à la loi en vigueur, mais nullement à la Constitution.
M. René Vandierendonck. - L'entonnoir existe. M. Longuet l'a très bien rappelé. Revenons-en au droit. Nous verrons plus tard comment organiser les collectivités compte-tenu de leur diversité.
L'amendement n°7 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°73, présenté par M. Favier et les membres du groupe CRC.
Après l'article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Lorsqu'il est envisagé de créer une nouvelle collectivité territoriale dotée d'un statut particulier ou de modifier le périmètre d'une collectivité territoriale existante, il est procédé à la consultation, par voie référendaire, des électeurs inscrits dans les collectivités intéressées.
Un décret en Conseil d'État précise les conditions de cette consultation.
M. Christian Favier. - En première lecture, le Sénat a adopté une motion référendaire de sorte que le texte fût soumis au verdict populaire. Ce grand chambardement mérite un débat public sanctionné par le peuple. De même, toute modification du périmètre d'une collectivité, ou toute création, doit être soumise aux citoyens, concernés au premier chef. La Constitution le permet.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Le droit en vigueur autorise déjà le référendum local : voyez le premier article du chapitre 2 du code général des collectivités territoriales. Avis défavorable.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Même avis.
L'amendement n°73 n'est pas adopté.
ARTICLE PREMIER
M. Jean Louis Masson . - Initialement, le président de la République avait prévu une grande région Picardie-Champagne-Ardennes, regroupant des territoires -la Somme, la Haute-Marne- qui n'ont rien à voir. Le texte de l'Assemblée nationale est beaucoup plus pertinent. Les complémentarités sont évidentes, par exemple du point de vue des infrastructures routières et ferroviaires ; la région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne est équilibrée autour de grands pôles urbains.
Mais pourquoi créer de grandes régions ? Cela n'a rien de rationnel. Il vaudrait beaucoup mieux fusionner les régions existantes avec leurs départements, en Alsace, en Lorraine et pourquoi pas, dans le nord. Un peu de souplesse ! Je préfère des petites régions efficaces, proches des citoyens, que de grandes structures éloignées de tout, où chacun tirera à hue et à dia. L'argumentation du Gouvernement est fumeuse.
M. Philippe Leroy . - Rassuré par le vote de l'article premier A et la réaffirmation du principe de proximité, j'interviens à présent pour dire que de nombreux élus de l'Est plaident pour une grande région, dont l'Alsace serait la figure de proue, un pont entre l'est de l'Europe et la France. Strasbourg est une capitale européenne, un phare. Une grande région européenne allant de Reims à Strasbourg, frontalière de l'Allemagne, de la Suisse, de la Belgique, du Luxembourg, qui confortera Strasbourg dans son rôle de capitale européenne : de grâce, ne privons pas la France de cette opportunité en autorisant l'Alsace à expérimenter, son projet n'est peut-être pas souhaitable aujourd'hui. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)
M. Christian Manable . - Une nouvelle architecture territoriale est indispensable. Elle doit faire entrer notre pays dans la modernité, renforcer la solidarité et les services publics de proximité. Il faut clarifier les compétences des collectivités territoriales et renforcer leurs moyens. Les intercommunalités, notamment, doivent être fortifiées. Veillons cependant à préserver la proximité et la cohérence de leur action : la géographie, la densité de population, l'accès aux services publics devront être pris en compte. Les départements restent pertinents, entre les régions agrandies et les intercommunalités renforcées.
En ce qui concerne la Picardie, la carte issue de l'Assemblée nationale est plus cohérente. La langue picarde, parlée par 500 000 personnes jusqu'au Hainaut et dont découle le chtimi, illustre le destin commun du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie. Je préside le parc naturel estuaires picardes et mer d'Opale, qui illustre la pertinence de l'échelon suprarégional. Je pense à la gestion du littoral, aux infrastructures ferroviaires, routières, au canal Seine-Nord-Europe.
Cette grande région atteint la taille européenne adéquate : six millions d'habitants, 149 milliards de PIB, cinq départements, 137 EPCI, le troisième budget régional. Il faudra du temps et du travail pour aboutir. La place et le rôle de l'agglomération d'Amiens devront être renforcés.
Le rôle de l'État doit être revu, les doublons supprimés : c'est là que nous trouverons des gisements d'économies. Et il faut optimiser les énergies et les moyens. « Si tous les gens pouvaient s'arranger ensemble, il ne faudrait pas tant de maisons », dit un proverbe picard.
M. Gérard Longuet. - « Réveillez-vous, Picards » !
M. Jean-Pierre Grand . - Cette réforme territoriale touche au fonctionnement de la Nation. Pour qu'elle ait un sens, les régions ont besoin des moyens d'exercer leurs compétences. J'imagine une grande et belle réforme, avec une déconcentration, la délégation de certains moyens de l'État... Je suis favorable aux grandes régions, à la région Midi-Roussillon, mais les grands véhicules ne sauraient avoir de petits moteurs.
M. Gérard Longuet. - C'est tout le problème !
M. Jean-Pierre Grand. - Or on reporte à demain le débat sur les compétences. Et que dire des institutions, du rôle et du statut des présidents de régions, d'une éventuelle conférence qui les réunisse ? Les réformes brouillonnes qui s'enchaînent inquiètent, créent de la paralysie. Il est temps que l'État nous rassure. Gaulliste, je tiens aux institutions de la Vème République comme à la prunelle de mes yeux mais je ne crains pas de m'attaquer aux vaches sacrées.
La séance est suspendue à 19 h 30
présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président
La séance reprend à 21 h 30.
M. Antoine Lefèvre . - Des régions plus grandes, moins nombreuses, théoriquement plus puissantes et génératrices d'économies, nous promet-on. Cette réforme est indispensable, comme l'avait établi le rapport Raffarin-Krattinger. La carte propose de fusionner Nord-Pas-de-Calais et Picardie. Je crains plutôt que ce mariage forcé ne soit une simple annexion de la Picardie... Certains collègues socialistes s'en sont plaints. Les Picards se sentent bien mal accueillis par « la dame du nord » comme dit Jean-Claude Gaudin. Ils regardent plus naturellement vers Reims et la Champagne-Ardenne que vers le Nord. Deux tiers des territoires de l'Aisne se sont engagés dans un processus de métropolisation autour de Reims. La Somme, certes, est plus tournée vers le Nord-Pas-de-Calais quand l'Oise regarde plus vers l'Ile-de-France.
Le droit d'option aurait pour nous tout son sens. Respectons la cohérence de chacun des territoires ; c'est le gage de l'acceptation de la réforme par nos concitoyens.
M. François Grosdidier . - La majorité du Sénat est face à un dilemme : refuser cette nouvelle carte des régions ou accepter, à contrecoeur et provisoirement, le principe de grandes régions, pour corriger les aberrations proposées par le Gouvernement et l'Assemblée nationale. Jamais l'exercice n'aura été mené de façon aussi gribouille. Déjà le Gouvernement nous a proposé une carte cantonale en totale contradiction avec celle des Scot, qui venait d'être adoptée...
Cette carte des régions a été élaborée sur un coin de table, en une demi-journée, cédant aux coups de gueule des plus en cour -Mme Royal ou M. le Drian, ou contre ceux qui étaient en disgrâce, comme M. Ayrault.
Le Gouvernement aurait été mieux inspiré de prendre exemple sur la démarche intercommunale !
Quelle que soit la qualité du travail de la commission spéciale, je ne peux accepter que l'Alsace continue seule sa voie. Les arguments qui valent pour l'Alsace valent pour la Lorraine : l'approfondissement plutôt que l'élargissement. À l'instar de la construction européenne, qui a préféré l'élargissement à l'approfondissement, le problème est toujours celui de la subsidiarité, des compétences et du budget. La Sarre, c'est moins d'un million d'habitants, moins que la Moselle, mais un budget et des moyens, des leviers d'action publique infiniment supérieurs. Voilà l'exemple à suivre ! Ces grandes régions auraient vocation à gérer l'université, peut-être, sûrement pas les collèges ! Encore faudrait-il que les régions soient toutes de la même taille. Cela veut dire : Midi-Pyrénées avec Languedoc-Roussillon, Bretagne avec Pays de la Loire, et bien sûr, l'Alsace avec Lorraine et Champagne-Ardenne.
M. le président. - Il faut conclure.
M. François Grosdidier. - Il faut les mêmes possibilités entre région et département partout. (On s'impatiente à gauche)
M. le président. - Je demande à chacun de respecter le temps de parole.
M. Michel Raison . - Nous voilà arrivés au plat de résistance de ce projet de loi. Un plat bien indigeste, car les règles de base n'ont pas été respectées. Prenez deux entreprises qui souhaitent se rapprocher : elles vont prendre des mois pour étudier ce rapprochement !
Le Gouvernement procède au coup par coup : suppression du conseiller territorial, redécoupage purement électoral des cantons, suppression du département... Le ministre se réjouit que les choses avancent vite mais une réforme d'une telle ampleur doit respecter les règles de la logique et de la lenteur.
J'en viens au dossier de la Franche-Comté. Dieu sait que j'adore la Bourgogne, ses grands crus et ses habitants. Belfort est relié à Nancy par le rail, en passant pas ma bonne ville de Luxeuil. Un territoire déjà en difficulté, comme celui du nord de la Franche-Comté, ne peut être fusionné avec des gens avec lesquels il n'a aucun lien économique ! Personne ne sait où est la Haute-Saône... (Vives protestations sur de nombreux bancs) On pourrait en découper un bout pour le rattacher aux Vosges ! (M. Jackie Pierre applaudit) La fusion de la Bourgogne et de la Franche-Comté ne repose sur aucun argument solide : quelles économies, quel intérêt ? Je ne peux voter une mesure que je ne saurais expliquer à la population. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite et au centre)
Mme Catherine Morin-Desailly . - Beaucoup de questions demeurent après la première lecture. Je félicite notre commission spéciale : la quatrième mouture de la carte est un peu plus satisfaisante... En dépit de mes réserves sur la méthode employée par le Gouvernement, je voterai cet article qui acte la réunification de la Normandie. Le saucissonnage de la réforme par le Gouvernement ne nous facilite pas la tâche : rarement une réforme tant attendue aura été menée dans une telle précipitation, sans concertation. On ne peut construire une maison en commençant par le toit : le préalable devait être la redéfinition des missions de l'État et des collectivités territoriales, puis la réflexion sur les compétences. La réorganisation territoriale doit prendre en compte la population, les bassins de vie, l'activité économique, bref, faire l'inverse de votre redécoupage des cantons...
Sénatrice de Seine-Maritime, ancienne conseillère régionale, je me réjouis de la réunification de la Haute et de la Basse-Normandie. Elle s'appuie sur des coopérations importantes, des axes forts. Je milite depuis dix ans avec Hervé Maurey, aux côtés d'Hervé Morin et de Bruno Le Maire, pour cette réunification - que la majorité socialiste de Haute-Normandie a toujours refusée, la traitant tantôt avec indifférence, tantôt avec mépris. Qu'ils ne se réjouissent pas d'une réunification que le gouvernement leur a imposée : j'appelle mes collègues à mettre en cohérence leurs actes et leurs propos, afin que cette réforme se fasse, enfin, dans l'intérêt des Normands. (Applaudissements sur plusieurs bancs au centre et à droite)
Mme Fabienne Keller . - Cet article premier modifie sensiblement la carte votée par le groupe socialiste de l'Assemblée nationale. Il permet de ne pas mettre à mal le projet alsacien de collectivité unique, visant à fusionner les deux conseils généraux avec le conseil régional : il a recueilli plus de 90 % des voix des élus de trois conseils concernés, de 58 % des voix des Alsaciens. Plus de 12 000 manifestants sont venus le soutenir à Strasbourg le 11 octobre. Nous savons tous comme il est complexe de simplifier notre organisation territoriale, de faire avancer des idées nouvelles. Mais notre région a avancé dans sa démarche, depuis des années. Nous ne craignons pas les territoires, nous les accompagnons. Je vous propose que le Sénat ait la hauteur et l'indépendance de vue pour défendre une carte des régions moins politique que celle de l'Assemblée nationale et plus pragmatique. Je vous invite donc à adopter la carte élaborée par la commission spéciale.
Lors de notre dernière campagne, nous avons beaucoup entendu douter de l'intérêt du Sénat. Cette carte, celle du Sénat, démontrera notre indépendance, notre plus-value. Votons cette carte qui donne du sens à notre action et à notre engagement. (Applaudissements sur plusieurs bancs au centre et à droite)
M. Michel Le Scouarnec . - Nous avons déjà beaucoup argumenté sur notre rejet de cet article premier, que nous proposons de supprimer. L'objectif de la réduction des dépenses est un bien mauvais subterfuge : ces regroupements conduiront d'abord à une hausse des dépenses !
Vous affirmez que l'on peut économiser 10 % des dépenses, monsieur le ministre, mais sans dire que cela suppose de rogner sur les services rendus aux habitants. La baisse des dotations va en outre contraindre les régions à réduire leurs actions.
Il suffirait de faire grandir les régions actuelles pour les rendre plus attractives, entend-on. En quoi regrouper deux régions en détresse peut-il les rendre plus dynamiques ?
Quid des organismes publics et parapublics organisés par région ? Vont-ils devoir se réorganiser ? Le texte n'en dit rien... (Applaudissements sur les bancs CRC ; M. Joël Labbé applaudit aussi)
Mme Cécile Cukierman - Solidarité bretonne !
M. Jacques Bigot . - Je vais faire entendre une autre voix de l'Alsace, celle qui croit dans son ancrage dans la République. Nos régions doivent assurer, dans l'Europe des grandes régions, l'aménagement régional et le développement économique, qui ne vont pas l'un sans l'autre. Quelle doit être la taille des régions ? En Allemagne, il y a des petites régions, des villes État comme Brême et Hambourg mais le Bade et le Wurtemberg n'ont-ils pas fusionné ?
M. André Reichardt. - Rien à voir avec l'Alsace !
M. Jacques Bigot. - L'Alsace doit s'allier avec la Lorraine : Philippe Richert était pour comme Jean-Pierre Masseret ! Comme j'ai aimé le premier projet du Gouvernement, comme j'ai regretté que le Sénat ait balayé en première lecture l'article premier. Ce fut un rendez-vous manqué. Certains d'entre vous -MM. Longuet ou Baroin- prônent une très grande région. Le conseil unique n'a pas été souhaité par les Alsaciens : pour faire l'alliance de deux départements, il faut l'accord des habitants des deux départements ! Le soir du référendum du 13 avril 2012, le président du conseil général du Haut-Rhin, votre département madame Troendlé, arborait un sourire hilare. Le conseil unique ne peut se faire dans ce texte, pour cause d'entonnoir. Si nous ne votons pas ici la région Alsace-Lorraine, l'Assemblée nationale nous imposera la grande région. J'aurai souhaité que nous suivions M. Richert et M. Masseret, et voterai, moi, pour l'Alsace-Lorraine. (Applaudissements sur quelques bancs socialistes, murmures désapprobateurs sur divers bancs à droite)
M. André Reichardt . - Avec cet article, nous voici entrés dans le dur : la commission spéciale nous propose une nouvelle carte des grandes régions. Sans nous faire d'illusion sur la position de l'Assemblée nationale, saisissons le moment -le dernier- de dire ce que nous pensons de ce grand fantasme technocratique, ce grand rêve de l'optimum dimensionnel. Passer de 22 à 13 ou 14 régions, cela a-t-il vraiment un sens ? Il s'agit de faire des nouvelles régions des collectivités qui vont compter à l'échelle européenne ? Celles qui comptent ne sont pas les plus grandes ou les plus peuplées, mais celles qui disposent de compétences, de ressources financières, de poids politique. Quel état européen fédéral ou pas a-t-il procédé de façon autoritaire à de tels mariages forcés ? Aucun ! Avec ce mariage forcé on va dégouter les mariés du mariage. Il est vrai que nous sommes à l'heure du mariage pour tous !
Mme Cécile Cukierman. - Oh ! Oh !
M. André Reichardt. - La régionalisation n'a de sens que si elle suscite la participation des populations. Il est heureux que devant l'intransigeance, l'aveuglement du Gouvernement, la commission spéciale nous ait proposé cette carte plus cohérente, surtout pour le grand Est, dissociant l'Alsace des régions Lorraine et Champagne-Ardenne.
Cela fait des années que les élus alsaciens travaillent pour la collectivité unique. Les Alsaciens sont sceptiques face à la création d'une grande région qui ferait deux fois la taille de la Belgique. L'objectif n'est-il pas d'améliorer la cohérence et l'efficacité territoriale ? Je vous invite à voter cet article premier. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite et au centre)
M. Jacques Mézard . - Monsieur le ministre, je n'ai toujours pas obtenu un certain nombre de réponses ni aucune explication sérieuse sur ce qui a présidé à l'élaboration de la carte des régions, qui sont le fait du prince. On découpe les régions en fonction du poids, plus ou moins important, de tel ou tel élu. Pour exemple, la place fluctuante du Limousin, initialement rattaché à la région Centre, qui a changé sous la pression du maire de Tulle, qui voulait la réunir à l'Aquitaine... Voilà la réalité de ce découpage. Le découpage proposé par le rapport Raffarin-Krattinger avait un sens. En juin, notre commission spéciale a auditionné des présidents de région : le mot qui revenait le plus souvent dans leur bouche était le mot « pouvoir ».
M. Bruno Sido. - Exactement.
M. Jacques Mézard. - Il faudrait de grandes régions pour avoir plus de « pouvoir »...
Conforter la capacité d'action économique des régions ? Comment ? Relisez la loi « NOTRe » : si elle est profondément changée, votre projet initial en sera complètement déséquilibré, que ce soit sur les seuils ou sur les compétences. Une nouvelle fois, nous sommes dans le flou. En juillet, le président Guillaume demandait le report des élections régionales pour se donner le temps nécessaire. On ne change pas les institutions de notre pays de cette manière-là ! (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)
M. René Danesi . - Plusieurs collègues nous ont vanté les avantages d'une région Grand-Est. Le rôle de Strasbourg serait conforté si la région englobait la Franche-Comté, nous dit le ministre. Certes - et le rôle de capitale européenne de Strasbourg serait encore plus inexpugnable si Strasbourg était aussi la capitale de la France, comme Bruxelles l'est de la Belgique ! (On approuve à droite en souriant)
L'Alsace a eu une histoire douloureuse. Nous savons devoir compter d'abord sur nous-mêmes. Le général De Gaulle s'est heurté aux électeurs quand il a voulu créer les régions, je le rappelle. Elles se sont faites néanmoins. Les élus alsaciens ont remis l'ouvrage sur le métier. On nous demande de reporter notre réforme aux calendes grecques. C'est reléguer l'avant-garde de la réforme du mille-feuille à l'arrière-garde ! Le conseil régional d'Alsace est prêt à accueillir à bras ouverts le département de la Moselle, puisque nous avons le droit local en commun, ainsi que le Territoire de Belfort, arraché à l'Alsace en 1871.
M. Bruno Sido. - Ce n'est pas possible !
M. Yves Daudigny . - Monsieur le ministre, j'appartiens à votre majorité, sans ambiguïté. (Exclamations à droite) Je dois dire que je n'ai pas été convaincu que la division par deux du nombre de régions était la solution pour relever les défis qui se posent à la France. Cela dit, je vous ai écouté, je vous ai entendu et je me suis rangé à vos arguments.(Mêmes mouvements)
Les deux tiers du département de l'Aisne sont tournés vers l'est. En matière de santé, d'éducation, de culture, de sport, le centre de référence est la ville de Reims. Un rapprochement Picardie-Champagne-Ardennes serait source de dynamisme économique, notamment dans le domaine agricole et agro-alimentaire, sans parler de l'AOC Champagne, au moment où ses paysages pourraient être inscrits au patrimoine de l'Unesco. Je serai donc amené à voter l'amendement n°45 de M. Savary. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite ; MM. René-Paul Savary et Yves Détraigne applaudissent aussi))
M. Michel Bouvard . - Je donne acte au Gouvernement d'avoir osé bouleverser la carte territoriale, qui était ancienne. Je regrette d'autant plus qu'il n'ait pas pris le temps nécessaire pour élaborer une carte adaptée à la réalité économique et géographique, en supprimant l'échelon départemental, pourtant indispensable et en sacrifiant au fantasme des grandes régions européennes. L'Allemagne, l'Espagne, l'Italie comptent de très grandes régions, mais aussi d'autres très petites : quel rapport entre l'État libre de Brême et le Schleswig-Holstein, la Catalogne et la Cantabrique, la Lombardie et la Basilicate ? Dans un premier temps, le président Queyranne a indiqué que la région Rhône-Alpes était assez grande : c'est la sixième la plus peuplée d'Europe, une fois et demie la superficie de la Belgique. Pourtant, on l'agrandit encore. On aurait pu le faire vers le sud, en intégrant le département des Hautes-Alpes, dont l'économie est alpine, tournée vers Grenoble. Plutôt que d'ouvrir le droit d'option après l'adoption de la carte, il aurait mieux valu le faire avant. Que va faire l'Oise avec Lille ?
M. René Vandierendonck et M. Michel Delebarre. - Eh oui !
M. Michel Bouvard. - Des économies ? Quand on alignera les régimes indemnitaires de 12 ou 14 départements, qui peut croire que l'on retiendra le moins favorable ? Malgré les améliorations apportées par la commission spéciale, nous sommes nombreux à rester sur notre faim. Il faudra introduire de la souplesse pour apporter les correctifs nécessaires.
M. le président. - Amendement n°74, présenté par M. Favier et les membres du groupe CRC.
Supprimer cet article.
M. Christian Favier. - Cet article est au coeur du projet de loi. Nous dénonçons la méthode d'établissement d'un découpage qui ne peut avoir lieu sans avoir au préalable déterminé les compétences de chaque collectivité territoriale et le rôle de l'État.
Jean-Pierre Raffarin, lors de la première lecture, a déclaré qu'il souhaitait plus de temps, plus d'études, pour dresser une carte plus légitime. J'ai partagé ces propos et je les partage encore aujourd'hui. Or la précipitation reste de mise. La seule différence, c'est le changement de majorité du Sénat.
M. Bruno Sido. - Ce n'est pas rien.
M. Christian Favier. - Cette carte est issue d'un compromis en commission et porte la trace d'un très puissant lobbying de nos collègues alsaciens.
M. le président. - Amendement identique n°94 rectifié, présenté par MM. D. Dubois, Delahaye et V. Dubois et Mmes Loisier et Morin-Desailly.
M. Daniel Dubois. - Mariage forcé, disais-je en première lecture. Les mariages se font et se défont, comme nous le constatons aujourd'hui. La méthode n'est pas bonne, même si je doute qu'une carte idéale existe. Néanmoins, la voie tracée par Jean-Pierre Raffarin et Yves Krattinger était féconde. Il eût fallu la suivre. Je regrette que cela n'ait pas été le cas. Quel doit être le rôle de l'État déconcentré ? Évitons les doublons.
Économies ? M. Vallini a évoqué une fourchette de 12 à 25 milliards d'euros qui a fort surpris tous ceux qui connaissent les collectivités territoriales. Je parlerais plutôt de millions alors que certains évoquent même des surcoûts. Le mariage forcé de la Picardie et du Nord-Pas-de-Calais est loin de faire l'unanimité. La Picardie est une mariée bien mal aimée, d'ailleurs : voyez les amendements de nos collègues nordistes, toutes tendances confondues !
M. Antoine Lefèvre. - Ce n'est pas gentil.
M. Daniel Dubois. - Une réforme qui engage le pays pour plusieurs décennies doit être acceptée par tous.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Sans surprise, avis défavorable. La commission spéciale a adopté une carte, qu'elle n'entend pas voir supprimer.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Même avis.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - En première lecture, j'avais indiqué mon désaccord sur le contenu du projet de loi et la méthode suivie, par fidélité à l'engagement n°54 du candidat François Hollande, qui ne supprimait aucun échelon. J'ai été impressionnée par le discours de M. Valls hier (Exclamations à droite), signe positif qui répond à de nombreuses préoccupations exprimées en première lecture : il a ainsi rappelé qu'il était hors de question de voir disparaitre l'assemblée départementale avant un hypothétique réexamen en 2020.
Beaucoup l'ont dit, ce n'est pas la taille de la région qui fait sa cohérence. Je reste très attachée aux stratégies de filière définies à l'échelle du pays tout entier, la plupart des filières -automobile, agroalimentaire, textile- ne sont pas propres à une seule région, quoi qu'en pense le rapport de Jacques Attali, lequel expliquait en bon technocrate ce qui était bon pour le peuple...
M. Gérard Longuet. - Il le fait avec tous les gouvernements ! (Sourires)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Si les Normands le souhaitent, qu'ils fusionnent, même si un actuel chef-lieu de région va y perdre beaucoup, mais qu'on ne force pas les régions qui ne veulent pas.
En deuxième lecture, rejeter cet article revient à accepter celui de l'Assemblée nationale.
Mme Cécile Cukierman. - Eh oui !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Je n'ai pas de théorie préétablie sur la taille optimale des régions mais je suis convaincue que nous devons débattre du découpage.
Je ne voterai pas les amendements de suppression.
M. Bruno Retailleau. - Il n'est pas question que le Sénat se laisse imposer la carte de l'Assemblée nationale. (Applaudissements à droite) Nous voulons discuter de la carte. C'est pourquoi nous rejetons ces amendements de suppression, pour avancer. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Cécile Cukierman. - Si nous proposons cet amendement de suppression, c'est parce que nous ne nous retrouvons pas dans ce texte. Les régions qui le souhaitent peuvent déjà fusionner. Les contraindre par la loi est un moyen de passer outre au référendum que tout le monde veut éviter. On ne veut pas demander aux gens leur avis : ils risqueraient de voter contre ! Nous faisons ici un tour de France des qualités de chaque région ; nous ne pouvons pas en supprimer, donc nous faisons une loi pour répondre à une logique libérale européenne de compétition entre régions.
Des régions sont jugées moins attractives, en fonction de certains critères - l'ensoleillement, peut-être ? - il faut donc qu'elles soient récupérées par d'autres. Nous refusons cette logique ; nous avons un désaccord de fond, non avec la carte proposée, mais avec la méthode. Nous respectons le travail de la commission spéciale, mais notre groupe votera la suppression de cet article.
M. Didier Guillaume. - Nous sommes à un premier tournant de ce projet de loi. Le Gouvernement a choisi de réformer. Nous sommes tous d'accord ici pour réduire le nombre de régions (On le conteste sur plusieurs bancs à droite). Oui, puisque nous avons voté à l'unanimité le rapport Raffarin-Krattinger. Le gouvernement a hésité pour garder les conseils départementaux, les dirigeants de droite et de gauche s'interrogeaient sur leur avenir. M. Longuet évoquait l'idée de les fusionner dans la région.
Après plusieurs mois de discussion, de tergiversations diront certains (On renchérit à droite), je dis que le Gouvernement a écouté les représentants des territoires et opté pour le maintien de la proximité incarnée par les conseils départementaux.
Le Sénat a raté le coche une fois en rendant copie blanche, au lieu de présenter sa propre carte, et a laissé trancher l'Assemblée nationale. Qu'allons-nous faire à présent ? Passer notre tour, encore une fois ? Dresser notre carte ? Il y a des divergences sur la fusion de telle ou telle région. Elles passent à l'intérieur des groupes. Reste que le Sénat doit présenter une carte, qui sera votée par une majorité de sénateurs, pas tous. Ce sera l'honneur, la chance du Sénat que de voter une telle carte. Restons sur les faits, le texte et pas le contexte.
Le Premier ministre a fait hier d'énormes avancées (on le conteste à droite), le ministre de l'intérieur nous écoute. Le Sénat doit être au rendez-vous des territoires. Notre groupe ne votera pas la suppression de cet article. Des référendums ? Mais aurait-on aboli la peine de mort ou autorisé l'IVG si l'on avait eu recours au référendum ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Cécile Cukierman. - Rien à voir !
M. Jean Louis Masson. - (Exclamations à droite) Tout le monde serait d'accord pour réduire le nombre de régions ? Pas moi ! Je le dis, clair et net.
Le Premier ministre nous a entendus ? Il ne nous a pas écoutés ! Le ministre de l'intérieur nous dit plein de choses gentilles, mais au bout du compte, l'Assemblée nationale fera ce qu'elle voudra. Je n'ai aucune illusion. Qu'on vote ou pas cet article, tout se fera sans nous, le Gouvernement et sa majorité à l'Assemblée nationale n'en ont rien à faire ! Un référendum ? À ce compte, pourquoi ne pas supprimer les élections, et même les parlementaires ? (Mouvements divers)
Nous avons le choix entre voter comme l'Assemblée nationale ou dire non et l'Assemblée nationale rétablira sa version. L'affaire est dans le sac.
M. Jean-Jacques Lasserre. - L'honneur du Sénat ? Il est naturel de forger une proposition sénatoriale. Sur celle de la commission spéciale, j'ai le sentiment qu'elle n'est pas à la hauteur de l'enjeu.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. - Amendez la carte, alors !
M. Jean-Jacques Lasserre. - Les départements sont en lien étroit avec les régions. On traite le dossier de façon morcelée. L'honneur du Sénat serait de donner un peu de temps au temps et de revoir la copie.
M. Bruno Sido. - Et de laisser la main à l'Assemblée nationale ?
M. Ronan Dantec. - En deuxième lecture, nous n'avons toujours pas de méthodologie pour tracer la carte des territoires. Celle qui sortira sera l'expression d'un rapport de forces. Manuel Valls voulait faire vite et fort pour éviter tout blocage. Cela ne marche pas, faute d'avoir défini au préalable les compétences et les fonctions de chaque région. Tout dépend en définitive du poids des grands élus. Nous nous abstiendrons sur l'amendement de suppression. Nous présenterons ensuite un amendement de méthodologie. (Exclamations)
Comment se prend la décision ? Décidons-nous comme parlementaires ou comme élus de tel ou tel territoire ? On aurait pu parler de la volonté du territoire, quitte, pour le Gouvernement, à prendre vraiment ses responsabilités. (Vives exclamations à droite) Je suis extrêmement déçu par ce débat. La France a changé depuis les années 60. L'absence de méthode nous place dans une situation difficile. Donnons-nous trois à quatre mois, quitte à autoriser le Gouvernement à trancher par décret (Vives protestations à droite)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Là, ça ne va plus du tout !
M. Alain Fouché. - Ce serait la mort du Parlement !
M. Ronan Dantec. - Je ne veux pas être provocateur. La carte suscitera beaucoup de frustrations. (Applaudissements sur quelques bancs à droite)
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Le Sénat, sa commission spéciale, ont fait un très bon travail. J'ai entendu les appels au débat. Saisissez-vous en ! Si la carte ne vous convient pas, essayez, amendement après amendement d'en bâtir une de compromis. Si, à nouveau, le Sénat, assemblée pourtant concernée au premier chef par un texte portant sur les collectivités territoriales, choisit de ne pas se prononcer, je ne suis pas certain qu'il en sortira grandi. (Applaudissements sur les bancs socialistes et certains bancs à droite)
M. René Vandierendonck. - J'allais dire la même chose beaucoup moins bien que le ministre.
M. Gérard Longuet. - C'est pour cela qu'il est ministre ! (Sourires)
M. Daniel Dubois. - Je voterai l'amendement communiste ; ce n'est d'ailleurs pas la première fois. On nous explique que le Sénat doit être présent mais M. Dantec a raison : il faut une vision globale de la méthodologie. Il fallait un peu plus de temps, pour préciser les critères. On réforme le pays pour 50 ans et on ignore la mer, on ne dit mot du poids de la région parisienne, on passe sous silence les capitales régionales. Au lieu de prendre de la hauteur, nous avons un débat de chiffonniers !
M. Michel Delebarre. - Parlez pour vous !
M. Daniel Dubois. - Ce n'est pas l'honneur du Sénat, monsieur Guillaume, mais le déshonneur du Sénat !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. - N'exagérez pas !
M. Philippe Bas. - Le Sénat n'a pas apprécié la manière dont cette réforme a été conduite, l'improvisation du Gouvernement et la suppression à l'emporte-pièce des départements. Depuis ces annonces précipitées et surprenantes, un travail a commencé. Le débat d'hier, provoqué par le président Larcher, a été riche.
Le Sénat ne peut pas se mettre à l'écart d'une réforme des territoires. Il doit prendre la porte de la modernisation. Il importe qu'il ne soit pas évincé de ce débat. Tel est l'enjeu du vote sur l'article 1er : comptons-nous peser sur cette réforme ou laissons-nous libre cours au dialogue exclusif entre le Gouvernement et sa majorité à l'Assemblée nationale ? Nous avons ici toujours préconisé la constitution de grandes régions.
Notre commission spéciale qui représente toutes les composantes du Sénat...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Même géographiques !
M. Philippe Bas. - ...a proposé une carte. L'article 1er A que nous avons adopté reconnait dans la loi la place du département dans la hiérarchie des collectivités territoriales. Nous aurons aussi à débattre d'un droit d'option pour les départements, qui doit être rendu opérationnel.
Je partage beaucoup des arguments énoncés sur les imperfections de cette carte, mais nous devons avancer en espérant que nos conditions finissent par prévaloir dans les discussions à venir sur les compétences.
M. Jacques Mézard. - Nous avons dit tout le mal que nous pensions de la méthode du Gouvernement. Tout ce dont nous débattons, il n'en restera rien à l'Assemblée nationale.
M. Gérard Longuet. - Vous inversez la charge de la preuve !
M. Jacques Mézard. - Je ne me fais aucune illusion. Il y aura des évolutions sur les départements, nous y avons beaucoup contribué, dans des négociations difficiles.
Cela dit, nous ne pouvons être absents de ce débat, même si in fine il ne restera rien. Nous avons eu des engagements du Premier ministre et du ministre sur le fait qu'il y aura des évolutions sur la loi NOTRe.
J'espère que le Gouvernement comprendra qu'il est utile de respecter davantage la Haute Assemblée. (Applaudissements sur quelques bancs au centre et à droite)
Les amendements identiques nos74 et 94 rectifié sont mis aux voix par scrutin public à la demande du groupe CRC.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°5 :
Nombre de votants | 348 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Pour l'adoption | 29 |
Contre | 308 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - Amendement n°98, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.
Rédiger ainsi cet article :
I. - 1° Au plus tard le 1er février 2015, plusieurs régions formant un territoire d'un seul tenant et sans enclave peuvent, par délibérations concordantes de leurs conseils régionaux, demander à être regroupées en une seule région.
Ces délibérations sont précédées d'une consultation des citoyens sous la forme d'un débat public.
2° L'avis du comité de massif compétent est requis dès lors que l'une des régions intéressées comprend des territoires de montagne au sens de l'article 3 de la loi n°85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne. Son avis est réputé favorable s'il ne s'est pas prononcé à l'expiration d'un délai de quatre mois suivant la notification par le représentant de l'État des délibérations des conseils régionaux intéressés.
Par dérogation aux articles L. 4132-8 et L. 4132-9 du code général des collectivités territoriales, la demande de regroupement des régions prévue au premier alinéa est inscrite à l'ordre du jour du conseil régional à l'initiative d'au moins 10 % de ses membres.
3° Ce projet de regroupement est soumis pour avis aux conseillers économiques, sociaux et environnementaux régionaux des régions concernées ainsi qu'aux conseils départementaux concernés. L'avis de tout conseil départemental qui, à l'expiration d'un délai de trois mois suivant sa saisine par le président du conseil régional, ne s'est pas prononcé est réputé favorable.
II. - Le 1er mars 2015 au plus tard, le Gouvernement propose une carte complète de délimitation des régions de la métropole, respectant les propositions de fusions réalisées par délibérations concordantes des assemblées délibérantes des régions.
Ce découpage est soumis pour avis aux assemblées délibérantes des régions concernées, après organisation d'une consultation des citoyens. L'avis du Conseil économique, social et environnemental régional des régions concernées et des conseils départementaux concernés est aussi sollicité.
III. - La modification des limites territoriales des régions est décidée par décret en Conseil d'État au plus tard le 31 mars 2015.
M. Ronan Dantec. - Je vous propose un testament politique du Sénat sur cette réforme territoriale. Je propose que les régions soient au centre du débat. Autre message : là où l'on n'y arrive pas, plutôt que donner l'impression que le Parlement décide, à l'État de prendre ses responsabilités. Je ne suis guère optimiste sur l'avenir de mon amendement, mais je souhaite faire passer ce message politique clair, plutôt que de consacrer des heures à débattre du découpage. Un tel message portera peut-être plus que cette carte fragile.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Cet amendement renaît de ses cendres. La commission spéciale l'a rejeté, comme en première lecture, où elle avait été suivie par le Sénat. Ce testament s'expose à un destin funeste.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - La réforme de la carte territoriale ne peut être retardée davantage. Le Gouvernement ne peut être favorable à cet amendement, qui dessaisit le Parlement.
Mme Catherine Tasca. - Très bien !
M. Pierre-Yves Collombat. - On sait très bien quelle est la fonction de ce projet de loi : c'est un coup politique. Fin janvier, le président de la République, en Corrèze, dit tout le bien qu'il pense des départements. Deux mois après, on parle de les supprimer. Toute parole inutile doit être évitée, je me tais. (Applaudissements)
M. Daniel Dubois. - Je voterai l'amendement. Le Gouvernement n'a aucune méthode. Je le maintiens depuis la première lecture. (Protestations socialistes et sur quelques bancs à droite) Si l'on avait voté une loi-cadre et laissé douze ou quatorze mois aux territoires, avec de critères : importance de la mer, des métropoles ; si l'on avait ensuite mis sur pied une commission nationale mixte, on aurait pu ensuite procéder par décret ou ordonnance : le débat aurait eu lieu.
M. Ronan Dantec. - Très bien !
M. Christian Favier. - C'est un amendement intéressant. Pour la première fois, on mentionne le citoyen, étrangement absent du débat. Pourquoi ne pas aller jusqu'au référendum ? Le groupe CRC votera cet amendement qui va dans le bon sens.
L'amendement n°98 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°75, présenté par M. Favier et les membres du groupe CRC.
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° Après le second alinéa, il est ajouté un II ainsi rédigé :
Mme Christine Prunaud. - En supprimant le texte actuel du second alinéa de l'article L. 4111-1 du code général des collectivités territoriales, le territoire des régions n'est plus défini. La référence à la loi de 1972 qui a créé les établissements publics régionaux serait en effet supprimée. Ces établissements ont succédé aux circonscriptions d'action régionale créées quelques années plus tôt. La suppression de cette référence rompt avec la chaîne des textes réglementaires passés. Les régions deviennent hors sol, les départements ne seraient plus rattachés aux régions.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - C'est une autre façon de supprimer l'article premier. Avis défavorable.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Même avis.
L'amendement n°75 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°61 rectifié, présenté par MM. J. Gillot, Cornano, Desplan, S. Larcher, Patient, Karam et Antiste.
I. - Alinéa 4
Remplacer les mots :
régions d'outre-mer
par les mots :
collectivités de Guyane, de Martinique, de Mayotte, de La Réunion
II. - En conséquence, après l'alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« - Guadeloupe ;
M. Jacques Gillot. - La Guadeloupe est la seule collectivité territoire d'outre-mer qui n'est pas engagée dans une évolution institutionnelle. Elle compte trente-deux communes, six intercommunalités, une région et un département sur un seul territoire ; cette organisation territoriale est depuis longtemps, source de doublons, de déperditions, et d'enchevêtrement des politiques publiques.
Parallèlement à l'aboutissement de l'évolution institutionnelle de la Guyane et de la Martinique, qui mettent en place une collectivité unique, et en cohérence avec la rationalisation de l'organisation territoriale portée par le président de la République et le Gouvernement, la Guadeloupe ne peut rester à l'écart de ce mouvement réformateur.
M. Bruno Sido. - Très bien !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. Le projet de loi ne parle que des limites des régions ; il ne concerne que le territoire métropolitain. La Guadeloupe ne change pas de périmètre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Même avis.
M. Jacques Gillot. - Pour les communautés d'outremer relevant de l'article 73 de la Constitution, la loi s'applique de plein droit sans qu'il soit nécessaire de procéder à des adaptations. La région Guadeloupe fait partie de la nation. Pourquoi ne pas l'associer à la dynamique institutionnelle en marche ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - L'article 73 est relatif aux politiques publiques ; le projet de loi traite du périmètre.
L'amendement n°61 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°16 rectifié, présenté par MM. Patriat et Durain.
Alinéa 4
Remplacer la date :
1er janvier 2016
par la date :
4 janvier 2016
M. Jérôme Durain. - Les régions regroupées connaitront une vacance d'organe exécutif entre les 1er et 4 janvier 2016 -ce qui pose un problème majeur de continuité de l'action publique, en particulier pour les actes d'administration de nature conservatoire et urgente.
Cet amendement prolonge l'existence des régions actuelles jusqu'au 4 janvier 2016 et répond ainsi aux objectifs constitutionnels de continuité du service public et de sécurité juridique.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis favorable.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Cet amendement pose de sérieux problèmes techniques. Le dispositif retenu a été examiné attentivement et approuvé par le Conseil d'État ; il vise à avoir le calendrier le plus cohérent. Décaler au 4 janvier la création de nouvelles collectivités entraînerait des difficultés juridiques, budgétaires, fiscales et, comptables disproportionnées. Il faudra que les anciennes régions votent un budget pour trois jours, payent leurs agents pour trois jours, prévoient des fonds de péréquation pour trois jours... La complexité, et le coût, ne seraient pas négligeables. La jurisprudence administrative estime que la vacance exécutive entre le vendredi 1er et le dimanche 3 ne pose pas de problème juridique. Le législateur pourrait revoir la rédaction de l'article 12 pour prévoir que le conseil régional se réunit « au plus tard le 4 janvier 2016 ». Cette solution de repli vous agrée-t-elle ?
M. Jérôme Durain. - Je retire l'amendement.
L'amendement n°16 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°41 rectifié ter, présenté par MM. P. Leroy, Adnot, Baroin, Grosdidier, Huré, Husson, Laménie, Namy, Gremillet, Pierre, Longuet et Nachbar.
I. - Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« - Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine ;
II. - En conséquence, alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
M. Daniel Gremillet. - Plus grande région transfrontalière, la région Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine est soudée par des infrastructures partagées et l'histoire de ses composantes, qui vivent ensemble. Quel sens y aurait-il à déchirer le massif des Vosges, alors que cette grande région répond aux impératifs stratégiques de la France au sein de l'Union européenne ?
M. le président. - Sous-amendement n°146 à l'amendement n° 41 rectifié de M. P. Leroy, présenté par MM. Guené et Sido.
Amendement n° 41 rect. ter
I. - Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« - Alsace, Bourgogne, Champagne-Ardenne, Franche-Comté et Lorraine ;
II. - En conséquence, après l'alinéa 3
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - En conséquence, alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
M. Charles Guené. - Ce sous-amendement est inspiré du rapport Raffarin-Krattinger. J'aurais préféré pour ma part une France à 45 ou 60 départements, qui aurait été la base d'un redécoupage régional. Ce n'est pas le choix qui a été fait.
Cet amendement propose une région Grand-Est qui, si j'ose dire, ne joue pas petit bras. La singulière méthode du Gouvernement rejaillit sur nos débats et nous contraint au dépôt de deux amendements ; le premier intègre l'Alsace.
Certains esprits taquins prêtent à la Haute-Marne un dessein hégémonique... Qu'ils se rassurent, même située en plein centre de cette grande région, elle n'a pas la masse critique et n'a d'autre capitale à proposer que Colombey-les-Deux-Églises... (Sourires)
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Les diverses propositions transcendent les clivages politiques. L'Alsace, région mémoire, a une identité et une histoire fortes.
Mme Catherine Troendlé. - Elle a un projet !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Porté avec courage par le président Richert, à qui je rends ici hommage, le projet de collectivité unique était intéressant. Certains élus éminents du Haut-Rhin...
M. André Reichardt. - De gauche !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - ... lui ont compliqué la tâche à l'époque... Je ne donnerai pas de noms, mais lui en a la liste !
En même temps, il faut faire attention. L'identité de l'Alsace, qui fait sa force au plan national comme européen, repose sur le statut de Strasbourg comme capitale européenne. Refuser d'en faire la capitale d'une grande région Est, pont vers les Länder limitrophes, serait bien mal la servir. Le Gouvernement, via les contrats triennaux, l'accompagne, même s'il reste encore à faire.
Mme Fabienne Keller. - Si peu ! Les subventions ont été divisées par deux !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Comme Gérard Longuet ou François Baroin, le Gouvernement est favorable à la grande région Est. Mais nous voulons aussi que cette carte soit coproduite : si votre amendement rétablissant cette grande région a l'assentiment du Sénat, le Gouvernement retirera le sien. (Exclamations et rires à droite) Preuve que le Gouvernement veut travailler avec vous, dans l'ouverture et une volonté de compromis. (Applaudissements sur certains bancs socialistes)
M. le président. - Amendement n°24 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Arnell, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et M. Requier.
I. - Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
Bourgogne, Franche-Comté et Lorraine
II.- En conséquence, alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
III. - En conséquence, alinéa 11
Supprimer les mots :
et Lorraine
M. Jacques Mézard. - Cet amendement vise à fusionner les régions Alsace, Bourgogne, Franche-Comté et Lorraine. La fusion de ces quatre régions mettra en valeur l'axe Rhin-Rhône plutôt que la liaison avec Paris. La fusion de la Franche Comté et de la Bourgogne a l'inconvénient de fusionner deux régions très étendues et peu peuplées.
On constituera ainsi une région puissante, frontalière de l'Allemagne et de la Suisse.
M. le président. - Sous-amendement n°145 à l'amendement n° 24 rectifié de M. Barbier, présenté par MM. Guené et Sido.
Amendement n° 24 rect.
I. - Alinéa 3
Après le mot :
Bourgogne
insérer les mots :
Champagne-Ardenne
II. - En conséquence, alinéas 7 et 8
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
Supprimer cet alinéa.
M. Bruno Sido. - L'Alsace devrait bien réfléchir. Sa prospérité durera ce qu'elle durera. Fessenheim fermera un jour. (On le nie vigoureusement sur plusieurs bancs à droite) D'où viendra l'électricité ? Où iront les déchets ? Il doit y avoir des solidarités entre régions, d'autant qu'il y a des intérêts communs entre l'Alsace, la Lorraine et la région Champagne-Ardenne.
M. le président. - Amendement n°66, présenté par MM. Masseret et Bigot et Mme Schillinger.
I. - Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
et Lorraine
II. - En conséquence, alinéa 11
Supprimer les mots :
et Lorraine
M. Jean-Pierre Masseret. - Cet amendement répond à une double fidélité. Fidélité à la proposition initiale du Gouvernement, et fidélité à ce que nous avons élaboré ensemble avec Philippe Richert, qui on le sait n'appartient pas à la même sensibilité politique que moi. Nous avons examiné ensemble la réalité de la vie quotidienne de nos concitoyens, leur mobilité, leurs études, leur santé, et travaillé publiquement de concert à ce que nous pouvions construire ensemble, dans leur intérêt.
M. le président. - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par MM. Guené et Sido, Mme Loisier et MM. Kern, G. Bailly et Houpert.
I. - Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
« - Bourgogne, Champagne-Ardenne, Franche-Comté et Lorraine ;
II. - En conséquence, alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
M. Charles Guené. - Nous adhérons à des régions stratèges, plus grandes, voire plus puissantes que celles qui sont souvent proposées. Faute de configuration préalable des départements, nous voulons par cet amendement ménager l'avenir et redonner du sens au découpage régional en rassemblant les régions dans des ensembles plus cohérents. Nos amis alsaciens souhaitent vivre seuls une voie originale. Nous en tirons les conséquences pour proposer la création d'une région regroupant la Champagne-Ardenne, la Lorraine, la Bourgogne et la Franche-Comté.
La mise en commun de leurs potentiels serait source de synergies dans bien des domaines. Cette région serait multipolaire, et laisserait une grande place aux départements et aux zones intermédiaires qui pourraient se constituer en réseaux.
M. le président. - Amendement n°45, présenté par MM. Savary et Détraigne, Mmes Férat et Gruny, M. Lefèvre et Mme Troendlé.
I. - Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Champagne-Ardenne, Lorraine et Picardie ;
II. - En conséquence, alinéa 15
Supprimer les mots :
et Picardie
M. René-Paul Savary. - La région Champagne-Ardenne est ballotée, refusée par certains territoires. Ils ont tort ! Mon département, la Marne, en son coeur, est emblématique d'une économie performante avec le champagne et ses 4,2 milliards d'euros de chiffre d?affaires ; il a un PIB de 25 000 euros par habitant, proche de celui de l'Alsace.
Une telle région devait être l'objet de convoitises... Et c'est le contraire qui se produit, elle est rejetée, alors je la remets au centre du débat...
Dans les zones métropolitaines, la question se pose de la fusion de la région avec les départements qui la composent. C'est vrai en Alsace ; ce sera peut-être vrai demain dans le Nord-Pas-de-Calais. Remettons enfin les décisions à nos concitoyens, permettons-leur de débattre au sein de leurs assemblées. Entre Lille, Strasbourg, Paris, trois grandes métropoles qui rayonnent vers nos territoires, reste un no man's land qui n'a pas de capitale propre : la Picardie, la Champagne-Ardenne et la Lorraine. D'où cet amendement qui sera contesté, je m'en doute.
M. le président. - Amendement n°8, présenté par M. Masson.
I. - Alinéa 11
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« - Champagne-Ardenne ;
« - Lorraine ;
II. - Après l'alinéa 19
Insérer un I ter ainsi rédigé :
I ter - Après l'application en Alsace, en Champagne-Ardenne et en Lorraine de la procédure de fusion prévue à l'article L. 4124-1 du code général des collectivités territoriales, ce même code est complété par un article L. 8111-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 8111-1. - Dans les trois régions Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine, un décret en Conseil d'État peut fusionner en une collectivité territoriale unique la région et les départements qui en font partie. Cette collectivité territoriale unique exerce l'ensemble des compétences attribuées par la loi à la région et aux départements qu'elle regroupe. Elle leur succède dans tous leurs droits et obligations.
« Le présent article s'applique par dérogation à l'article L. 4124-1 du code général des collectivités territoriales et par dérogation aux autres articles de la présente loi. »
M. Jean Louis Masson. - Tout le monde veut décider à la place du voisin. Personne ne sait mieux que les Alsaciens où est l'intérêt de l'Alsace ! Que chacun s'occupe de sa région, sans s'occuper de celle du voisin. Il y a bien des arrière-pensées dans ces conseils donnés à son prochain... L'avis formulé par les Alsaciens me paraît pertinent. En tant que Lorrain, j'estime qu'il serait bienvenu que la Lorraine fasse elle aussi le choix d'une région à taille humaine, fusionnée avec ses départements. Voyez les amendements précédents : bientôt, la grande région Est englobera la moitié de la France ! De la Picardie à la Lorraine, de la mer du Nord aux Vosges ! Un peu de bon sens ne nuirait pas.
M. le président. - Il faut conclure.
M. Jean Louis Masson. - Je propose que ma région suive l'exemple alsacien. (M. André Reichardt applaudit)
M. le président. - Amendement identique n°70, présenté par Mme Létard et M. Lecerf.
Mme Valérie Létard. - À nous de faire progresser au mieux cette réforme territoriale, qui a si mal démarré. Le projet de loi initial conservait la région Nord-Pas-de-Calais dans son périmètre actuel en capitalisant sur les efforts déjà consentis, la définition de projets de territoire cohérents et financés. Malheureusement, l'Assemblée nationale est revenue sur cette proposition. Dans le contexte économique actuel, la fusion du Nord-Pas-de-Calais avec nos amis Picards ne pourrait qu'aggraver les difficultés. Que deviendront nos stratégies respectives d'aménagement du territoire, quelle communauté de projets, de destin, avec quels moyens ? Aucun travail partenarial n'a encore été ébauché. Quel périmètre ? Les trois départements de Picardie se tournent chacun vers trois régions différentes !
M. René Vandierendonck. - Eh oui !
Mme Valérie Létard. - Restons-en à la configuration actuelle, qui permettrait ensuite aux départements de Picardie d'opter pour la région qui leur convient. Si les deux régions sont fusionnées d'office, ce sera impossible. Et le maintien des limites actuelles de la région Nord-Pas-de-Calais lui permettrait d'envisager à terme une fusion avec les deux départements, autour de la métropole lilloise.
M. le président. - Veuillez conclure !
Mme Valérie Létard. - Je n'ai pas encore pris la parole dans ce débat... Cela irait dans le sens de la maîtrise des dépenses et de la cohérence institutionnelle. Il ne faut pas injurier l'avenir.
J'attire l'attention du Gouvernement : nous risquons le gel pour deux ans des investissements publics, le temps que la nouvelle région redéfinisse sa stratégie. Et quand on arrête les projets pendant deux ans, le taux de chômage, déjà à 15 % aujourd'hui, pourrait bondir à 25 %... Je n'ai rien contre les Picards (M. Daniel Dubois s'exclame), mais il faut une fusion préparée, anticipée, autour d'une stratégie cohérente ! En l'état, le texte mettrait le Nord-Pas-de-Calais dans une situation dont il mettrait des décennies à se remettre. (Applaudissements sur plusieurs bancs socialistes et au centre)
M. le président. - Amendement n°43, présenté par MM. Delebarre et Vandierendonck, Mme Génisson et MM. Poher, D. Bailly, Percheron et J.C. Leroy.
Alinéa 15
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« - Nord-Pas-de-Calais ;
« - Picardie ;
M. Michel Delebarre. - Mme Létard, qui était inscrite après moi, a parlé huit minutes. Vous savez à quoi vous attendre, monsieur le président... Je ne parlerai pas de l'Alsace, mais du Nord-Pas-de-Calais. Je ne crois pas que ce soit une bonne idée de la fusionner avec la région Picardie. On s'est peut-être dit : puisqu'elles sont là-haut, fusionnons-les... Elles n'ont pas de rapport, pas de solidarité de fait. Quand on vit en Nord-Pas-de-Calais, on ne vit pas avec la Picardie, et vice versa. Tant que le canal Seine-Nord-Escaut n'aura pas été réalisé, il en sera ainsi. Le projet initial du Gouvernement nous convenait. L'évolution des structures internes de la région viendra plus vite qu'on ne le pense, si on lui laisse son identité. Nos plus proches voisins sont aussi belges ; notre région ne se créera son avenir que si elle regarde vers le nord de l'Europe...
M. Michel Bouvard. - Très bien !
M. Michel Delebarre. - ... et sache développer des coopérations transfrontalières intelligentes -stratégie que l'Union européenne encourage. Travaillons pour développer le transfrontalier, monsieur le ministre ! (Applaudissements nombreux sur les bancs socialistes ; Mme Valérie Létard applaudit aussi)
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - La commission spéciale a décidé que l'Alsace poursuivrait son destin seule, que Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon vivraient dans l'autonomie. Tous les amendements modifiant la carte votée en commission reçoivent donc un avis défavorable.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - Favorable à l'amendement n°41 rectifié ter ; le Gouvernement retire l'amendement n°143 à son profit. Défavorable au sous-amendement n°146, à l'amendement n°24 rectifié, au sous-amendement n°145 ; retrait de l'amendement n°66 au profit de l'amendement n°41 ; défavorable à l'amendement n°1 rectifié bis, ainsi qu'à l'amendement n°45, à l'amendement n°8 et aux amendements n°s43 et 70.
Monsieur Delebarre, l'intérêt pour le Nord-Pas-de-Calais de se tourner vers le nord de l'Europe est indiscutable. Nous en avons parlé ensemble quand j'étais ministre des affaires européennes et que nous avons mis en oeuvre des coopérations renforcées dans les domaines de l'université, des transports, de la culture. Mais je ne vois pas d'antinomie entre le développement de telles coopérations et la création d'une région plus grande, incluant la Picardie, qui pourrait elle-même se tourner vers le nord. Pas de point commun, de zones de coopération ? Les présidents des deux régions les ont énumérés, à commencer par le canal Seine-Nord, que vous avez-vous-même ardemment défendu ! Il ne serait plus aujourd'hui un axe structurant de la grande région ? Il y a des pôles de compétitivité qui travaillent ensemble, autour de l'économie de la mer et du tourisme notamment.
Ces coopérations sont porteuses d'avenir. Je peux comprendre des raisons de temporalité mais je ne suis pas convaincu par votre argumentation, car de nombreux arguments plaident en faveur de la carte adoptée par l'Assemblée nationale. Par cohérence, avis défavorable aux amendements n°s43 et 70.
M. le président. - Je vais lever la séance. Nous poursuivrons le débat demain. (Mouvements divers)
Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 30 octobre 2014, à 9 h 30.
La séance est levée à minuit vingt-cinq.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques