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Table des matières
Débat sur la gouvernance mondiale de l'internet
Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe UDI-UC
M. Henri Tandonnet, auteur de la proposition de loi
M. Yves Détraigne, auteur de la proposition de loi
M. Philippe Bas, président de la commission des lois
M. André Vallini, secrétaire d'État
Demande d'avis sur une nomination
Accords de libre-échange (Questions cribles)
Décision du Conseil constitutionnel
Ordre du jour du mardi 28 octobre 2014
SÉANCE
du jeudi 23 octobre 2014
9e séance de la session ordinaire 2014-2015
présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente
Secrétaires : M. François Fortassin, M. Philippe Nachbar.
La séance est ouverte à 9 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Fusillade d'Ottawa
M. André Gattolin . - En cet instant, je veux exprimer, en tant que membre de l'interparlementaire France-Canada et des groupes d'amitié France-Canada et France-Québec, la vive émotion qui nous étreint devant les événements survenus hier à l'intérieur et hors du Parlement canadien.
Nous adressons un message de solidarité à nos amis canadiens et nos vives condoléances à la famille du jeune soldat qui a trouvé la mort lors de ces événements tragiques.
Mme la présidente. - Nous nous associons tous à cet hommage.
Conférence des présidents
Mme la présidente. - La Conférence des présidents s'est réunie hier soir. L'ordre du jour des séances jusqu'au jeudi 6 novembre demeure inchangé. Pour la séance du jeudi 6 novembre, la Conférence des présidents a retenu le thème du logement étudiant.
LUNDI 10 NOVEMBRE 2014, à 14 heures 30
MERCREDI 12 NOVEMBRE 2014, à 14 heures 30 et le soir
JEUDI 13 NOVEMBRE 2014, à 9 heures 30, à 16 heures 15 et le soir
VENDREDI 14 NOVEMBRE 2014, à 9 heures 30, à 14 heures 30, le soir et, éventuellement, la nuit
Éventuellement, SAMEDI 15 NOVEMBRE 2014, à 9 heures 30, à 14 heures 30, le soir et la nuit
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 (A.N., n°2252)
En outre,
JEUDI 13 NOVEMBRE 2014 à 15 heures :
- Questions d'actualité au Gouvernement
Semaine sénatoriale de contrôle
MARDI 18 NOVEMBRE 2014
À 9 heures 30 :
1°) Questions orales
De 14 heures 30 à 18 heures 30 :
Ordre du jour réservé au groupe RDSE :
2°) Débat sur le thème « Ruralité et hyper-ruralité : restaurer l'égalité républicaine »
3°) Proposition de loi constitutionnelle visant à rétablir à sept ans la durée du mandat du Président de la République et à le rendre non renouvelable, présentée par M. Jacques Mézard et plusieurs de ses collègues (n°779, 2013-2014)
De 18 heures 30 à 19 heures 30 et de 21 heures 30 à 0 heure 30 :
Ordre du jour réservé au groupe UMP :
4°) Proposition de loi tendant à réformer le système de sécurité sociale des étudiants, présentée par Mme Catherine Procaccia et plusieurs de ses collègues (n° 622, 2013-2014)
MERCREDI 19 NOVEMBRE 2014
De 14 heures 30 à 18 heures 30 :
Ordre du jour réservé au groupe socialiste et apparentés :
1°) Proposition de loi tendant à favoriser le recrutement et la formation des sapeurs-pompiers volontaires, présentée par M. Roland Courteau et les membres du groupe socialiste et apparentés (n°553, 2013-2014)
2°) Débat sur l'action de la France pour la relance économique de la zone euro
De 18 heures 30 à 19 heures 30 et de 21 heures 30 à 0 heure 30 :
Ordre du jour réservé au groupe écologiste :
3°) Proposition de loi relative à la prise en compte par le bonus-malus automobile des émissions de particules fines et d'oxydes d'azote et à la transparence pour le consommateur des émissions de polluants automobiles, présentée par Mme Aline Archimbaud et plusieurs de ses collègues (n°802, 2013-2014)
4°) Proposition de loi relative à l'instauration d'une journée des morts pour la paix et la liberté d'informer, présentée par Mme Leïla AÏCHI (n°231, 2013-2014)
5°) Proposition de résolution relative à la préservation des insectes pollinisateurs, de l'environnement et de la santé et à un moratoire sur les pesticides de la famille des néonicotinoïdes, présentée par M. Joël Labbé et plusieurs de ses collègues, en application de l'article 34-1 de la Constitution (n°643, 2013-2014)
DU JEUDI 20 NOVEMBRE AU MARDI 9 DÉCEMBRE 2014
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2015 (A.N., n°2234)
EN OUTRE, JEUDI 20 NOVEMBRE 2014
De 15 heures à 15 heures 45 :
- Questions cribles thématiques sur le thème « Quel financement pour les transports collectifs en France ? »
L'ordre du jour est ainsi réglé.
Dépôt de conventions
Mme la présidente. - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, d'une part, la convention entre l'État et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) relative au programme d'investissements d'avenir, action « Quartiers numériques » - « French tech » et, d'autre part, la convention entre l'État et la Caisse des dépôts et consignations ?(CDC), action « Transition numérique de l'État et modernisation de l'action publique ».
Ces documents ont été transmis à la commission des finances ainsi qu'à la commission des affaires économiques.
Renvoi pour avis
Mme la présidente. - Le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, dont la commission des finances est saisie au fond, est envoyée pour avis, à sa demande, à la commission des affaires sociales.
Débat sur la gouvernance mondiale de l'internet
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle un débat sur les conclusions du rapport de la mission commune d'information sur le nouveau rôle et la nouvelle stratégie pour l'Union européenne dans la gouvernance mondiale de l'internet.
Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe UDI-UC . - L'internet a vu le jour dans les années 60 aux États-Unis. Si son succès est devenu planétaire, c'est en revanche grâce au web né en Europe. Celui que nous consommons en 2014 est pourtant très américain. Trop longtemps, notre vieux continent n'a pas pris la mesure des enjeux et de la puissance transformatrice de cette technologie. Heureusement, les révélations d'Edward Snowden ont fait de l'internet un sujet politique.
Je me réjouis que mon groupe politique, l'UDI-UC, ait exercé son droit de tirage pour y consacrer une mission commune d'information. J'ai eu l'honneur d'en être le rapporteur, M. Gorce d'en être le président -je lui rends hommage. Le temps est venu de partager nos conclusions.
De la notion ambigüe de gouvernance de l'internet -gestion technique mais aussi régulation-, je retiendrai la définition du Sommet mondial sur la société de l'information de 2005 : « L'élaboration et l'application par les États, le secteur privé et la société civile, dans le cadre de leur rôle respectif, de principes, normes, règles, procédures de prise de décision et programmes communs propres à modeler l'évolution et l'utilisation de l'internet ».
Quelles instances ? Comment doivent-elles fonctionner ? Comment concilier la liberté d'une part, la protection des données personnelles, la lutte contre la cybercriminalité et contre les menaces pour la diversité culturelle d'autre part ? Comment prévenir la fragmentation de l'internet en espaces nationaux, voire régionaux ? Comment éviter que sa gouvernance ne devienne le terrain d'un nouvel affrontement ? De fait, l'affaire Snowden a fait tomber le mythe originel. Internet facilite la surveillance massive et fait apparaître de nouvelles vulnérabilités. L'effet de réseau est à l'origine d'une hypercentralisation au profit de quelques grands groupes et l'Europe apparaît plus que jamais comme une « colonie du monde numérique ».
La gouvernance de l'internet présente le même caractère distribué que le réseau. Une pléthore d'enceintes (Icann, IETF, IAB, W3C...) participent à la régulation. Ce système informel a fait la preuve de son efficacité ; comme le résument certains : « Nous refusons les rois, les présidents et les votes. Nous croyons au consensus approximatif et au code qui marche ». Pour des raisons historiques, la gouvernance est de facto américaine : dix des treize serveurs racines sont aux États-Unis ; surtout, l'Icann (Internet corporation for assigned names and numbers) est une société de droit californien, sous supervision du département du commerce américain. En proie aux conflits d'intérêts, elle fonctionne de manière trop opaque. Or la gestion des noms de domaine a d'importantes conséquences économiques et politiques. Le cas du « .vin » et du « .wine » en est une illustration.
La contestation de l'hégémonie américaine a conduit à la création de l'internet governance forum. Il se réunit chaque année mais son bilan est médiocre. Et, en décembre 2012, à la réunion de Dubaï, l'opposition s'est cristallisée entre les tenants d'une reprise en main étatique de la gouvernance de l'internet et ceux qui plaidaient pour une gouvernance multi-acteurs. La parole européenne reste peu audible : portée par la seule Commission européenne, elle n'est pas assumée par le Conseil. Et pour les États-Unis, tous ceux qui interrogent le statu quo sont des ennemis de la liberté.
Mais depuis les révélations de Snowden, la position américaine ne tient plus. Les États-Unis ont perdu leur magistère moral sur l'internet, au risque d'accélérer sa fragmentation. C'est en octobre 2013 que la mondialisation de la supervision du fichier racine a été mise à l'ordre du jour et en mars 2014 que l'administration américaine a annoncé son intention d'abandonner sa tutelle sur le système. La conférence NETmundial de Sao Paulo a finalement consacré certains principes et valeurs fondamentaux ; elle condamne la surveillance en ligne, sans renoncer pour autant à l'unicité et l'ouverture de l'internet. Mais le rôle des États doit encore être précisé : la réforme de la gouvernance de l'internet reste à mener.
Notre mission commune d'information appelle l'Europe à jouer un rôle de médiateur dans cette nouvelle gouvernance. Nous plaidons pour la transformation du Forum pour la gouvernance de l'internet en Conseil mondial de l'internet, la refondation de l'Icann en une société de droit international. Notre proposition de résolution européenne rassemble ces conclusions. Pour que l'Europe soit crédible, il faut qu'elle reprenne en main son destin numérique, y compris en matière fiscale et culturelle.
À l'ère du cloud et du big data, nous sommes rentrés des États-Unis avec la conviction que l'Europe doit conforter son modèle de protection des données personnelles -ce peut d'ailleurs être un avantage comparatif.
M. Jean Bizet. - Très bien.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Distinguons cette question de celle des négociations sur le traité de libre-échange. L'Europe doit promouvoir les clusters européens, un cloud européen sécurisé et ouvert, les noms des domaines en « .fr » et en « .eu », faciliter l'émergence de champions européens, mobiliser davantage les citoyens dès l'école, améliorer l'encadrement légal : cette ambition donnera à l'Europe la possibilité de défendre sa vision par une diplomatie exigeante, appuyée sur une doctrine claire. Le président Juncker en semble convaincu. Internet invite à repenser la souveraineté sous une forme dynamique, autour d'une communauté de valeurs. À cet égard, madame la ministre, je regrette le silence de la France lors de l'affaire Snowden, à la différence de l'Allemagne.
Le moment est stratégique : tout se joue maintenant alors que l'Icann se prépare à devenir indépendante. J'espère que le Gouvernement s'appuiera sur les travaux que le Sénat a engagés depuis deux ans. (Applaudissements au centre et à droite)
M. André Gattolin . - Je salue l'impressionnant travail accompli par notre mission commune d'information, en particulier par Mme Morin-Desailly et M. Gorce qui, sur ce sujet, sont loin d'en être à leur coup d'essai. Chantier passionnant que cette étude qui se conclut par un rapport de 400 pages, riche de 62 propositions -400 pages d'annexes.
Parmi les moments forts de nos travaux, l'audition du philosophe Michel Serres qui s'est efforcé de replacer l'internet dans l'histoire des échanges humains. La question posée par internet dépasse son aspect technique ; nous sommes au coeur d'une transformation venue par la connaissance qui bouleverse l'ensemble des connaissances. Autre exemple, notre rencontre avec le député écologiste allemand Hans Christian Schmidt à Berlin, l'une des rares personnes qui se soient entretenues avec Snowden depuis le scandale. « Devons-nous éteindre nos portables ? » À cette question naïve, il a répondu par la négative : c'est inutile, l'ambassade des États-Unis est à moins de 500 mètres du Bundestag et de la Chancellerie ; les services secrets américains n'ont pas besoin de cela pour écouter nos discussions... Édifiant !
M. Jean Bizet. - Inquiétant !
M. André Gattolin. - Sous prétexte d'autogouvernance, ce sont les Américains qui dominent. Devant le risque d'une balkanisation de l'internet, ils commencent cependant à mettre de l'eau dans leur vin -hélas, ce n'est qu'une goutte dans l'océan... Quand personne ne veut non plus d'un internet à la chinoise, l'Europe ne peut plus être une colonie du monde numérique. Sa passivité durant toutes ces années est coupable, elle doit désormais développer une politique commune du numérique, faire évoluer ses règles de concurrence pour favoriser l'émergence de grands acteurs européens. Elle doit faire vivre le meilleur de ses valeurs dans la régulation et s'en donner les moyens. (Applaudissements)
M. Michel Billout . - Je salue à mon tour l'excellent travail de la mission d'information. En quelques décennies, internet s'est imposé dans nos vies et a profondément transformé la société ; cela continuera à un rythme effréné. La gouvernance de l'internet est aux mains des grands acteurs privés, surtout américains. Il est temps d'envisager cette question comme un véritable sujet politique pour les citoyens et leurs représentants. La gestion des noms de domaine, par exemple, devrait être aux mains d'un organisme international public. Actuellement, les États ont seulement une voix consultative.
Autorégulation rime trop souvent avec optimisation fiscale, menaces sur les libertés individuelles ou nos modèles culturels. Il a fallu attendre novembre 2013 pour que l'ONU adopte une résolution sur le respect de la vie privée à l'ère du numérique. C'était après l'affaire Snowden. L'Europe a avancé mais doit aller plus loin. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme de 2014 constitue un progrès indéniable pour la protection des données personnelles. Autre principe à consacrer, celui de l'égal accès au réseau. Au-delà se posent des questions fiscales et économiques.
Les géants de l'internet, au moyen de montages financiers complexes et de leur localisation, échappent à l'essentiel de leur impôt.
L'harmonisation fiscale est une nécessité, comme la réforme de la TVA sur les services électroniques et de télécommunication -pourquoi ménager un régime transitoire entre 2015 et 2019 ?- et l'alignement des taux de TVA des biens et services culturels numériques et physiques. Il importe aussi, comme le propose le rapport, de faciliter l'accès au financement des entreprises européennes et le développement de clusters dans le secteur numérique, mais les aides publiques devront être accordées sous conditions et pas sans contreparties.
Si nous ne voulons pas que les conclusions de ce rapport,que le groupe CRC partage pour la plupart, restent lettre morte, nous devons refuser l'accord de libre-échange entre l'Europe et les États-Unis, qui est dans l'intérêt des grands groupes au détriment de la souveraineté des États. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Claude Requier . - Internet a ouvert de nouveaux horizons, planétaires, avec son réseau en toile d'araignée et ses enjeux économiques et politiques. Pas moins de 40 % de la population mondiale est connectée, le commerce électronique a généré un chiffre d'affaires de 1 221 milliards de dollars en 2013.
Alors que l'internet est né comme un espace libre, il est trusté, disons-le, par l'Icann, et donc par les États-Unis, ce qui menace nos intérêts. Il faut le dire, l'Europe s'est laissée distancer. L'extension en « .wine », le Sénat l'a bien vu, représente un danger pour notre filière vitivinicole. La bataille est loin d'être gagnée, même si l'Italie, qui préside l'Union, a fait de cette question un sujet d'importance.
Autre effet de cette domination et de l'absence de régulation, la question fiscale : les grands groupes de l'internet, Google et consorts, se jouent de l'absence d'harmonisation de nos règles. On peut se réjouir que le G 20 ait pris la mesure des enjeux. Enfin, le big brother d'Orwell n'est plus de la science-fiction ; le témoignage de M. Gattolin tout à l'heure faisait froid dans le dos.
Il est temps que l'Europe reprenne son destin numérique en main. Elle a un atout : ses valeurs démocratiques. Elle doit développer une stratégie industrielle, juridique, politique pour rééquilibrer la gouvernance d'internet, plutôt que d'édicter des normes sur le lait cru et la puissance des aspirateurs.
La mission d'information fait 62 propositions, pour l'essentiel pertinentes. L'Europe doit être capable d'anticiper les évolutions technologiques si elle ne veut pas devenir, au mauvais sens du terme, le vieux continent.
M. Olivier Cadic . - Au sommet de la pyramide est placé Big brother. Big brother est infaillible et tout-puissant. 1984, de George Orwell, est devenu réalité quand a éclaté l'affaire Snowden. C'est à la lumière de cet événement qu'il faut replacer l'initiative de Mme Morin-Desailly de créer une mission commune d'information.
Pour l'instant, nous devons le constater, nous sommes les grands perdants. Quand je dis « nous », je pense à tous les pays européens. De fait, nous sommes partis dans cette bataille en ordre dispersé. Seule une approche européenne nous apportera la taille critique pour discuter avec les géants américains du web. Ce discours européen de la part du groupe centriste n'étonnera pas : plus qu'une secrétaire d'État au numérique, nous avons besoin qu'un responsable européen mène la discussion avec les États-Unis.
La National Security Agency (NSA) est le cerveau -le parti intérieur de 1984. Pour espionner, elle s'appuie sur les données collectées par les « mains de l'État » -encore Orwell- que sont Google et autres géants, contraints par une législation interne très efficace.
Internet conduit à une modification radicale du paysage économique : 80 % de l'économie française est irriguée par le numérique, 300 milliards d'e-mails sont échangés chaque jour dans le monde. Face à cela, l'Europe doit miser sur son unité, comme le disait Mme Morin-Desailly dès 2013, pour peser dans la gouvernance de l'internet. Celle-ci doit reposer sur un traité international, une sorte de Magna carta seule à même de garantir que cet espace reste libre et neutre. Le concepteur du web l'affirme aujourd'hui.
Autre sujet d'importance, la protection des données personnelles que l'essor des objets connectés, demain, rend encore plus indispensable. Votre montre connectée pourrait donner des informations sur votre santé à un organisme de crédit qui modulerait ses prestations en conséquence.
Enfin, si les services de renseignements doivent continuer d'effectuer leur office pour lutter contre le terrorisme et la criminalité, il faut un cadre européen pour encadrer leur action, car la France seule ne peut rien. En cette période de doute, l'UC-UDI réaffirme sa conviction européenne...
Le défi numérique est l'occasion de présenter la construction européenne comme un facteur de progrès et de protection. (Applaudissements au centre et sur plusieurs bancs à droite)
M. Philippe Marini . - Les technologies numériques font exploser beaucoup de choses... Elles remettent en cause habitudes et concepts, ainsi que les bases de la fiscalité des États. Il est vital de reprendre l'initiative.
À mon sens, les nations ne sont pas hors du jeu : c'est dans leur cadre, en effet, que s'expriment les opinions publiques. Si le G 20 progresse sur ce sujet, c'est parce que les opinions s'en sont emparés, notamment en Grande-Bretagne : souvenez-vous des manifestations devant les Starbuck fiscalement avantagés par rapport aux pubs du coin de la rue.
En matière de droit de la concurrence, la Commission a été hésitante : il faut que la jurisprudence s'exprime. Les consultations menées par M. Almunia ont montré une aspiration à l'égalité et les propositions de la Commission européenne ont été largement repoussées par les professionnels. Alors que l'Union européenne s'est fondée sur le droit de la concurrence, la position dominante des multinationales américaines a posé un singulier problème à la machine communautaire. Il faudra saisir la Cour de justice.
S'agissant de la protection des contenus, les États avancent en ordre dispersé. La « loi Google » allemande, censée imposer aux moteurs de recherche de verser leur dû aux éditeurs de presse afin qu'ils rémunèrent les auteurs des articles, est difficile à appliquer, mais une plainte a été déposée par la société de gestion collective WG Media contre Google.
L'Espagne aussi a été novatrice, avec son mécanisme de compensation de la captation des revenus publicitaires perçus par les moteurs de recherche grâce aux fils de presse, avec, là aussi, l'intervention d'un organisme de gestion collective des droits, sous l'égide d'une agence administrative. Nos deux voisins ont donc imaginé un droit commun. Et qu'a fait la France ?
M. Bruno Sido. - Rien !
M. Philippe Marini. - Non, mais elle a préféré négocier avec Google et un accord a été conclu à l'Élysée, en présence du président de la République, entre l'entreprise et l'association de la presse d'information politique et générale : une aumône de 60 millions sur trois ans...
M. Jean Bizet. - Tout de même !
M. Philippe Marini. - ...alors que le problème est structurel ; en 2013 16 millions auraient été versés, 17 le seraient cette année. Il serait temps de penser à la phase suivante, c'est-à-dire à un droit commun !
Bien que l'opinion publique européenne n'existe pas encore, la responsabilité de l'Europe est éminente. Au-delà, c'est tout de même à l'échelle globale que doivent être réglées les questions fiscales.
Ma proposition de loi sur la rémunération des auteurs d'images fixes et photographiques, auxquelles il faut aussi s'intéresser...
M. Bruno Sido. - Oui !
M. Philippe Marini. - ...sera-t-elle bientôt inscrite à l'ordre du jour ? Elle est en droite ligne du présent rapport d'information. La Hadopi a réfléchi à la rémunération proportionnelle du partage des oeuvres en ligne et fait des propositions bienvenues. Le sujet est essentiel. Le Sénat doit être précurseur en la matière. Le monde d'aujourd'hui est le monde d'internet, tâchons de le maîtriser un peu. (Applaudissements)
M. Bruno Sido. - Très bien !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Fruit d'une innovation militaire -preuve de l'importance de la recherche dans le secteur de la défense-, l'internet reste une promesse d'échanges et de progrès. C'est une révolution spatio-temporelle car l'internet s'affranchit des distances. Une révolution économique et sociale est en marche, comme en témoigne la récente entrée à la bourse de New-York de la firme chinoise Alibaba, où elle a levé 25 milliards de dollars, avec ses 300 millions d'utilisateurs.
La France doit contribuer à l'amélioration de la gouvernance de l'internet pour stabiliser celle-ci et pérenniser les effets sociaux et économiques du web. Un new deal est nécessaire pour un internet sûr, où les droits seront garantis. D'où notre appel à un traité international. Si nécessaire, les données personnelles pourraient être transmises aux autorités d'un autre pays, mais dans un cadre strict.
Transparence, sécurité juridique, harmonisation du droit : voilà comment nous éviterons le ralentissement des progrès permis par l'internet. Les règles du jeu internet doivent être loyales et efficaces, concilier liberté civile et sécurité publique. Il importe que le projet de règlement européen aboutisse rapidement.
Ne nous y trompons pas : le renforcement de la gouvernance de l'internet, c'est aussi la lutte contre les monopoles de grands groupes qui érigent des barrières à l'entrée sur le marché d'acteurs européens, comme l'ont montré les travaux de Jean Tirole sur les marchés biface. Le récent rapport du Conseil d'État sur le numérique et les droits fondamentaux insiste lui aussi sur la loyauté des plateformes : le régulateur rejoint le prix Nobel !
Le commissaire Almunia a dû constater l'échec des discussions avec Google. Posons la question de la régulation d'un acteur qui s'apparente à une infrastructure essentielle.
L'Europe, colonie du monde numérique ? Sans aucun doute, alors qu'un géant de la Silicon Valley prétend maîtriser toute l'information du monde.
Vous avez rencontré longuement, avec le Premier ministre, les dirigeants de Google, madame la ministre. Ne cédez pas à leurs sirènes ! L'économie de marché n'est pas la soumission aux monopoles, l'innovation sans règles n'est que la dérégulation.
Quel peut être le rôle des législateurs ? La Constitution d'une mission commune d'information fut une première pierre. L'édifice demeure à construire. Mme Morin-Desailly a accompli un remarquable travail à partir duquel il nous faut avancer.
Inspirons-nous de la commission Agenda numérique du Bundestag, constituée à la demande de tous les groupes, qui s'intéresse au numérique dans tous les aspects de la vie économique, politique et sociale. Cette commission, non législative et transversale, ne concurrence pas mais aiguillonne les autres commissions. C'est aussi un signal fort adressé à l'opinion qui s'inquiète de la diffusion des données personnelles.
À l'Assemblée nationale vient d'être créée une commission ad hoc ; le Sénat, lui aussi, doit se mobiliser : pourquoi pas une délégation, un comité ou un groupe de travail pour mobiliser les experts, à l'instar de l'Opecst ?
Dans la Silicon Valley, on investit aujourd'hui dans le « corps connecté » et on a créé une structure, à l'initiative du gourou de la transhumanité, qui réunit biologistes, ingénieurs, informaticiens : c'est l'avènement de la Mobile Heath, avec l'impression des médicaments en 3D... On sait que certains pacemakers disposent déjà d'une adresse IP intégrée. Quid du stockage de ces données biologiques, y compris génomiques ? Anticipons ces évolutions au lieu d'en être submergées. (Applaudissements sur la plupart des bancs)
M. Gaëtan Gorce . - Six mois durant, la mission commune d'information a essayé de clarifier les enjeux d'une question qui était restée un peu trop en retrait du débat public jusqu'à l'affaire Snowden. C'est à nous de tracer une ligne d'action.
Dans les années 1970, nous étions largement maîtres des choses. Le nivernais Louis Pouzin nous l'a rappelé. Si les États-Unis ont repris la main, c'est grâce à une véritable stratégie. Comment faire pour que l'internet puisse redevenir un système sur lequel chacun a un droit de regard ?
Le marché européen est indispensable aux géants américains. Un règlement européen aurait donc une influence mondiale et serait utile dans les négociations transatlantiques, dites des Safe Harbor Privacy Principles, sur le transfert de données personnelles. La confiance qui reposait sur la réciprocité et fondait l'accord de 2000 a été, à l'évidence, trahie.
Sans aller jusqu'à suspendre l'accord, veillons à ce que les règles soient respectées et des voies de recours ouvertes.
La négociation sur le traité commercial transatlantique est distincte mais la question numérique doit aussi y être soulevée. Je suis inquiet car nos négociateurs montrent encore leurs faiblesses : à la différence des États-Unis, les entreprises européennes ne sont pas associées aux discussions. (M. André Gattolin renchérit)
Une coopération renforcée est nécessaire entre Européens : dommage que les propositions allemandes, émises parfois rapidement en raison de l'émotion née outre-Rhin au lendemain de la révélation que la chancelière avait été écoutée, aient été écartés. (M. Jean Bizet le déplore aussi)
J'ai eu grand plaisir à animer cette mission. Bon nombre d'entreprises, y compris américaines, nous soutiennent car leurs intérêts ne sont pas ceux de Google. Une délégation ad hoc serait utile pour une vision transversale.
Dans nos débats sur le projet de loi sur la lutte antiterroriste, nous avons pu encore vérifier que le web était en théorie un espace de liberté, conformément à ce que pensaient ses promoteurs, mais qu'en pratique, ceux qui ont pris la main sur internet cherchent à exploiter nos données, avec parfois une grande avidité.
N'ayons donc pas d'états d'âme : une reprise en main politique est nécessaire. Il ne s'agit pas d'ériger des lignes Maginot mais il est légitime que la société, dans son ensemble, fixe un cadre. (Applaudissements)
M. Jean Bizet. - Très bien !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique . - Avant tout, je m'associe, au nom du Gouvernement, à l'hommage rendu par M. Gattolin au soldat tué hier à Ottawa et à sa famille. Nous nous entretiendrons des suites de cette affaire au Canada où le président de la République se rendra prochainement.
Un grand merci, madame Morin-Desailly, pour votre rapport. Le Gouvernement partage très largement vos préoccupations. À Berlin, il y a quelques jours, j'ai rencontré les membres de la nouvelle commission numérique du Bundestag et j'ai cité vos travaux, qui nous sont très utiles, comme je ne manque pas de le faire avec mes interlocuteurs du secteur privé.
Oui, nous avons pêché par naïveté à l'égard des grands acteurs de l'internet, et probablement de l'administration américaine. Lors du G 8 de 2011, nous avons déroulé le tapis rouge aux géants de l'internet... Le temps est venu de la reconquête, au niveau européen.
L'Europe s'est trop concentrée sur les barrières commerciales entre les États membres et le droit de la concurrence, sans stratégie industrielle en faveur des acteurs européens. Nos valeurs ont été insuffisamment portées. Internet est un outil de soft power. Américains, Chinois et Japonais savent bien mieux défendre leurs valeurs et intérêts.
Alors, que fait le Gouvernement ? Nous avons rompu avec la vision classique focalisée sur les infrastructures. Aujourd'hui, la France mène le combat contre l'évasion fiscale et le fera encore lors du prochain G 20 en Australie. L'issue de nos contentieux avec Google et Amazon sera observée de près car le rapport de force avec les géants de l'internet va peut-être s'inverser. Oui, madame Garriaud-Maylam, je les ai rencontrés et le Wall Street Journal a rapporté mes propos sur leurs pratiques fiscales qualifiées d'outraging.
La protection des données est une des priorités de la lettre de mission du président de la Commission européenne. Oui, il est urgent de réviser l'accord Safe harbor. J'espère que l'Europe n'hésitera pas à imposer ses règles : une dénonciation de l'accord n'est pas exclue. (M. André Gattolin approuve) Les négociateurs français du traité de libre-échange sont aussi très attentifs à la question numérique.
Sur l'abus de position dominante de Google, il semble que la prise de position commune des ministres de l'économie français et allemand ait fait fléchir le commissaire Almunia. Je rencontrerai prochainement la nouvelle commissaire en charge du dossier, après avoir eu un échange avec les responsables privés allemands, dont le groupe Springer. La France demande que la régulation des plateformes numériques soit inscrite à l'ordre du jour du Conseil européen, dès le 17 novembre à la réunion du conseil télécom de Bruxelles, et lie ce sujet à la négociation sur le marché unique des télécommunications. Il faut faire reconnaître la neutralité du net en droit européen.
La France considère aussi qu'il faut inclure les grandes plateformes numériques parmi les infrastructures vitales, au même titre que les centrales électriques et les réseaux d'eau, de communication... La possibilité doit en être offerte aux États : les discussions devraient bientôt aboutir. Nous veillons aussi à la compétitivité de nos entreprises numériques. La french tech, la prochaine métropole labellisée, nous servira de têtes de réseau pour que nos écosystèmes numériques soient attractifs.
Il s'agit de faire en sorte que nos start up se développent, embauchent et deviennent, pardonnez-moi ce terme anglais, des scalers avant de partir sur le marché américain.
Nous encourageons l'État, les collectivités locales et le réseau public à ouvrir leurs achats aux entreprises innovantes. Ce potentiel est sous-utilisé et explique notre retard par rapport aux Américains.
Sur la gouvernance de l'internet par l'ICANN, sujet complexe mais pas si ésotérique qu'il y paraît, les choses vont très vite. L'Europe ne défend pas un modèle intergouvernemental mais un système ouvert, alors que 80 % des entreprises de la Business Constituency icann sont américaines et issues du secteur de l'internet. Onze des trente membres du groupe sur la transition sont américains. J'ai porté la question de la délégation des noms de domaine. Je me suis rendue à Rio pour le sommet Net Mundial, où la France fut un peu isolée, au départ, sur la nécessité d'un modèle attractif et ouvert aux pays en développement en particulier.
Petit à petit, nous sommes davantage écoutés. L'Italie, qui préside l'Europe, en a fait une priorité de son mandat. À Milan, il y a quelques semaines, nous sommes parvenus à une déclaration commune européenne, au point que le gouvernement américain et l'ICANN s'en inquiètent. J'ai compris l'opacité du système de délégations des noms de domaines à Londres, il y a quelques mois, où, au milieu de la nuit, en pleine négociations, il m'est apparu que le Rough Consensus est en fait un droit de veto.
M. René Vandierendonck. - Eh oui !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. - Il ne faut pas que l'Europe, l'Afrique, l'Asie, les grands pays émergents se laissent enfermer dans un débat limité à la réforme de l'Icann par l'Icann. C'est pourquoi la France demande qu'un sommet soit organisé par l'ONU pour les dix ans du sommet mondial de la société de l'information, fin 2015.
S'agissant de « .vin », les fédérations viticoles françaises, rejointes par plus de 2 000 viticulteurs américains, négocient avec la société délégataire aux États-Unis une liste de délégations géographiques qui devra être respectée par tous les acteurs.
Madame Morin-Desailly, je ne partage pas votre déploration de notre supposée absence de diplomatie numérique de la France. Au contraire ! Exercer une diplomatie d'influence en la matière est une priorité du gouvernement français. Nos diplomates sont désormais très présents sur les réseaux sociaux. Nous avons lancé un projet qui intègre en open source une gestion électronique des documents. La France a rejoint une structure qui promeut la transparence internationale des open data, enceinte où nous défendons les valeurs françaises. Nous jouons complètement le jeu de la diplomatie d'influence.
Je souhaite que les principes élaborés à Net Mundial soient un jour inscrits dans un traité international. La France pousse pour qu'ils soient intégrés dans un document européen défendant les principes de liberté d'expression, d'opinion et d'information, d'accessibilité, de transparence, d'ouverture, d'équité.
Oui, le débat est philosophique et éthique. Aux États-Unis, des intérêts étroitement économiques se prévalent d'ailleurs des visions libertariennes et transhumanistes. La France doit porter ses valeurs dans ce débat, ce que je me plais à résumer en ces termes : nous sommes une Digital Republic et nos principes de liberté, d'égalité et de fraternité doivent être réitérés sous forme numérique. Je le redirai lors des journées du Wall Street Journal où je suis invitée à m'exprimer sur l'impérialisme américain en matière d'internet.
L'enjeu de l'école, de la formation est fondamental. Nos enfants sont des natifs d'internet, dont nous ne sommes que des migrants ; ils doivent être autonomes et libres demain. Le président de la République porte cette ambition. Nous travaillons à l'élaboration d'un grand plan numérique pour l'école française, pour préparer nos enfants à la révolution numérique. (Applaudissements)
Le débat est clos.
Prescription acquisitive
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à interdire la prescription acquisitive des immeubles du domaine privé des collectivités territoriales et à autoriser l'échange en matière de voies rurales, à la demande du groupe UDI-UC.
Discussion générale
M. Henri Tandonnet, auteur de la proposition de loi . - Une fois n'est pas coutume, nous nous intéressons aux territoires très ruraux. Quel contraste avec le débat précédent ! On passe de la gouvernance mondiale d'internet aux chemins ruraux. (Sourires)
Ma proposition de loi poursuit deux objectifs : protéger le domaine immeuble privé des collectivités territoriales, faciliter la conservation et le redéploiement de nos voies rurales. J'ai constaté, en tant qu'avoué spécialisé dans ces questions et comme maire rural en Lot-et-Garonne, un contentieux récurrent, aigu, entre les communes et des propriétaires privés, dû à la prescription acquisitive, aussi variée que l'est le patrimoine concerné qui va du puits au lavoir et aux chemins. Dans de nombreux villages, certains se sont appropriés au fil du temps des éléments du patrimoine. C'est ainsi que des chemins ont été labourés puis clôturés.
Cela ne posait pas problème jusqu'en 1959, quand la voierie communale a été redéfinie. Trente ans après, des particuliers s'opposent à la réouverture de ces chemins qui pourraient avoir une vocation touristique. Ainsi des sentiers de grande randonnée, les GR, des chemins de Saint-Jacques de Compostelle ou des chemins à thème que nous avons ouverts dans le Lot-et-Garonne.
Le principe de prescription acquisitive heurte-t-il des principes généraux du droit ? Le code civil protège la propriété privée. Le droit de propriété est imprescriptible et peut être atteint par le non-usage. Une exception est fondée sur la possession centenaire. L'article 2258 précise qu'elle ne peut être opposée pour mauvaise foi. Il faut distinguer entre propriété privée d'un particulier et celle d'une collectivité territoriale, qui est en fait une propriété collective, dont on peut concevoir que la protection est supérieure et n'est pas affectée par les transmissions inter ou trans-familiales. Des différences existent entre ces deux types de propriété privée, dont l'insaisissabilité. Pourquoi ne pas y ajouter l'imprescriptibilité ?
Il convient assurément d'améliorer le statut de cette propriété collective. Le renvoi pur et simple au code civil est un peu court. Le patrimoine rural, si divers et si riche, mérite mieux. Sa pérennisation est justifiée. Il ne s'agit pas de remettre en cause les autres règles, fort nombreuses, du droit privé. Ce n'est donc pas un grand bouleversement que je préconise.
Ce sont essentiellement les chemins ruraux qui sont concernés. Définis par l'article L. 161-1 du code rural, ils sont affectés au domaine privé de la commune mais sont à l'usage du public. Les chemins ruraux sont donc prescriptibles et les riverains ne se privent pas d'user de cette faculté. Des règles mixtes entre droit public et droit privé s'appliquent. Il est grand temps de mettre fin à l'exception de la prescription acquisitive pour protéger des abus cette propriété privée, certes, en droit mais collective en fait puisqu'elle est au service d'une communauté. Cette proposition de loi vise à stopper l'hémorragie due à la prescription acquisitive.
Limiter ma proposition de loi aux chemins ruraux serait en restreindre inutilement la portée.
M. Vincent Capo-Canellas. - Eh oui.
M. Henri Tandonnet, auteur de la proposition de loi. - La procédure d'échange des chemins ruraux que je propose constituera une simplification et évitera de nombreux contentieux. On peut s'interroger sur la jurisprudence du Conseil d'État car l'échange est déjà prévu par les textes. Les échanges pratiqués visent à améliorer les tracés des chemins et à s'adapter aux nouveaux usages des exploitations qu'ils sont censés desservir. On ne peut juger préférable une combinaison de vente et achat aboutissant au même résultat mais via une dépense supplémentaires et inutile.
Voilà beaucoup de raisons de mettre l'ouvrage sur le chantier. Il est attendu par les maires ruraux. J'espère que le retour en commission annoncé sera un moyen d'approfondissement et non une manière de nous engager dans une impasse. (Applaudissements)
M. Yves Détraigne, auteur de la proposition de loi . - Cette proposition de loi s'attaque à la prescription acquisitive des immeubles du domaine privé des collectivités territoriales. Elle est inspirée par les difficultés croissantes des collectivités à reprendre des éléments de leur patrimoine, tels de vieux moulins, des lavoirs ou des chemins dont tel voisin est devenu propriétaire par prescription acquisitive parce que plus personne ne s'en souciait. Le sujet est moins anecdotique qu'il n'y paraît : la prescription acquisitive représente un véritable obstacle à l'aménagement touristique des communes.
Comme l'a rappelé en commission M. Vandierendonck, l'imprescriptibilité est inhérente à la domanialité publique. À l'inverse, les règles du droit qui s'appliquent au domaine privé des collectivités locales, dont font partie les centaines de milliers de kilomètres de chemins ruraux, sont un objet juridique hybride puisque, aux termes de l'article L. 161-1 du code rural, ils sont affectés à l'usage public. Il y a là une contradiction : une voie à usage public peut être clôturée sans autre forme de procès et devenir propriété d'un particulier après trente ans. C'est ancien mais surprenant. Comment concilier ce processus avec l'impossibilité, selon la jurisprudence du Conseil d'État, de procéder à des échanges pour rendre des chemins ruraux à l'usage du public ?
Le temps imparti a été court au regard du problème posé : j'ai été nommé rapporteur le mardi pour rendre mon rapport le lendemain matin ! J'ai envisagé un basculement des chemins ruraux de la propriété privée des communes vers leur propriété collective, avant de me rendre compte que cela aurait pour effet d'imposer aux communes une obligation d'entretien, ce qui paraît difficile en l'état des finances publiques. D'où ma proposition médiane tendant à rapprocher les chemins ruraux du régime de la propriété collective tout en facilitant leur échange, pour la bonne cause.
Si une réponse dérogatoire d'aliénation semble justifiée, l'imprescriptibilité me paraît tout aussi légitime. Il est possible d'échanger des propriétés du domaine public avec des biens du domaine privé. L'échange n'est donc pas incompatible avec la protection de l'intérêt général. Pourquoi serait-on plus exigeant pour l'échange d'un élément du domaine privé de la commune que pour celui d'un élément de son domaine public ?
Face au risque compréhensible de confusion dans le régime de la domanialité publique, la commission des lois a préféré ne pas se prononcer en l'état. La nécessité de mieux assurer la protection de ces chemins a été reconnue. C'est pourquoi la commission des lois a jugé utile d'approfondir sa réflexion. D'où la motion de renvoi en commission. J'ajoute que ne n'est pas une fin de non-recevoir.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Je le confirme.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Nous y reviendrons donc en séance publique, avec une issue qui ne sera sans doute guère différente de celle que je vous ai exposée. (Applaudissements)
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale . - Le droit de la propriété des personnes publiques est fondé sur la différence entre domaine public et domaine privé. Les caractéristiques de certains biens justifient des dérogations. Tel est le cas des chemins ruraux, comme l'explique avec pertinence M. Tandonnet.
La France compte 750 000 kilomètres de chemins ruraux. C'est considérable par rapport aux autres pays. Leur définition se trouve à l'article L. 161-1 du code rural. Les deux critères d'appartenance aux communes et d'usage public justifient leur rattachement au domaine public mais le code en dispose autrement : ils appartiennent à son domaine privé. Il existe néanmoins un principe de présomption d'affectation à l'usage public. Le cadastre n'est cependant pas toujours clair.
L'article L. 1612-3 précise aussi que tout chemin affecté à l'usage du public est présumé appartenir à la commune. Au particulier de renverser cette présomption, le cas échéant. Le code civil pose des exigences : son article 2262 pose un principe de prescription acquisitive de trente ans qui empêche la commune de récupérer le chemin qu'elle avait délaissé, souvent par ignorance. Ce, sans recours.
La vente peut aussi être décidée par le conseil municipal lorsque le chemin rural cesse d'être affecté à l'usage public. La loi exclut toute possibilité d'échange. Grâce à M. Tandonnet, nous avons rafraîchi nos mémoires d'anciens étudiants en droit civil... (Sourires)
Cette vulnérabilité a souvent été dénoncée ici même, par des questions aux gouvernements successifs. Cette proposition de loi rend imprescriptibles des biens du domaine privé des collectivités territoriales et permet l'échange des chemins ruraux. La commission des lois, sous la présidence de Philippe Bas, que je salue, a délibéré sur le rapport de M. Yves Détraigne, dont je souligne la qualité du travail. Elle a opté pour une formule médiane afin de limiter l'objet de la proposition de loi aux seuls chemins ruraux et d'autoriser leur échange. Elle s'est montrée perplexe, en revanche, sur l'imprescriptibilité. Le dossier est passionnant, même si l'on n'y pense pas chaque matin en se rasant.
Le Gouvernement rejoint pour l'essentiel la position de votre commission des lois. Attribuer à l'ensemble des biens du domaine privé l'imprescriptibilité remettrait en cause la frontière entre domaine privé et domaine public. En revanche, la proposition de loi comble un vide juridique incontestable. La commission des lois propose de créer un dispositif ad hoc, avec une désaffectation de l'usage du chemin. Le dispositif d'échange resserré, proposé par votre rapporteur, est une bonne solution.
La réflexion sur la domanialité à laquelle invite la proposition de loi est très intéressante et, comme le montrent les débats de votre commission des lois, soulève de nombreuses questions. Sa position, tendant à approfondir sa réflexion sur les meilleurs moyens de protéger les chemins ruraux, apparaît comme la meilleure solution. (Applaudissements)
M. Michel Le Scouarnec . - J'ignorais le problème des chemins ruraux jusqu'à cette semaine ! (Sourires) Cette proposition de loi pose une véritable question, celle de la capacité des communes rurales à maîtriser leur développement et leur patrimoine, auquel appartiennent les chemins ruraux. Puisqu'ils sont à l'usage du public et remplissent des missions d'intérêt général, certaines associations font monter la pression sur les communes pour qu'elles les récupèrent. Elles n'en ont nulle obligation, s'agissant de leur domaine privé. Soyons vigilants au vu des difficultés financières qu'elles doivent affronter.
L'imprescriptibilité est liée à la nature publique de la domanialité. Ne créons pas de confusion ! Gardons-nous de l'émergence de nouveaux contentieux : la prudence de la collectivité locale est justifiée. Veillons aussi à ce que les intérêts privés ne prennent pas le pas sur des considérations d'intérêt général. Une politique publique ne procède pas par défaut mais par volontarisme.
Les collectivités locales peuvent inscrire les voies à leurs documents d'urbanisme. La baisse des dotations oblige à réduire les budgets d'investissements. Aussi ces voies ne sont-elles pas une priorité. Dans la commune dont j'ai été le maire dix-sept ans durant, nous avons laissé les lavoirs et les fontaines se dégrader parce que c'était loin d'être la première urgence.
Compte tenu des charges afférentes aux collectivités locales, le cadre juridique de la prescription acquisitive est injuste. Il convient de légiférer pour éviter l'explosion de cette véritable bombe à retardement. D'où l'intérêt des options ouvertes par cette proposition de loi que nous regrettons de n'avoir pas eu le temps d'examiner à fond. Le renvoi en commission de proposition de loi dans le cadre des niches doit rester une exception sinon l'initiative parlementaire serait bafouée. Compte tenu de l'accord de l'auteur de celle-ci, nous la voterons néanmoins, puisque la réflexion doit être approfondie. J'y vois aussi une piste de travail pour la délégation des collectivités locales, pour avancer sur ce chemin chaotique qui ne doit pas devenir une impasse. (Applaudissements)
M. Jean-Claude Requier . - Éclectisme de nos débats : tout à l'heure, nous étions au coeur de la révolution numérique planétaire, nous voici à présent sur ces chemins qui sentent bon la noisette, comme le dit la chanson...
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Et la framboise !
M. Jean-Claude Requier. - En déclarant imprescriptible le domaine public, l'édit de Moulins visait à éviter au XVIe siècle que le roi ou ses conseillers ne dilapident les joyaux de la Couronne. L'hypertrophie du domaine public a cependant justifié que soient fixées deux conditions, héritées de la jurisprudence, pour limiter cette imprescriptibilité.
La rigueur des règles applicables au domaine public est un frein à sa gestion et à sa valorisation. De nombreuses réflexions constitutionnelles, doctrinales ou issues des élus locaux ont révélé l'intérêt de créer une échelle de la domanialité. Le groupe RDSE s'y associe.
L'ordonnance du 17 janvier 1959 a transposé au domaine privé les chemins ruraux parce que le régime du domaine public était inadapté. Leur vocation est avant tout agricole : ils permettent d'accéder aux parcelles. Ils servent aussi à la randonnée pédestre et, en cette saison, de la cueillette des champignons ! (Sourires)
L'imprescriptibilité appliquée aux chemins ruraux constitue une bonne solution. La position extrêmement rigide du juge administratif sur les échanges depuis 2004 est regrettable.
Le groupe RDSE, comme la commission des lois, considère que les chemins de campagne valent bien le petit détour du renvoi en commission. (Sourires et applaudissements)
M. Mathieu Darnaud . - Les maires sont souvent confrontés à des situations qui ne sont pas ou ne sont plus prévues par le législateur. À nous d'y remédier. Je remercie M. Tandonnet d'avoir déposé une proposition de loi sur la prescription acquisitive, sujet d'hier mais aussi de demain car nos chemins ruraux sont de plus en plus empruntés comme des itinéraires de promenade.
Il est souvent difficile pour les communes rurales, compte tenu de leurs moyens, de détenir une liste à jour de ces chemins et des biens immobiliers appartenant à leur domaine privé. Aidons-les à protéger la physionomie de leur terroir, leur patrimoine, leur capacité à mettre celui-ci en valeur. Pour autant, une imprescriptibilité générale aboutirait à des situations inextricables. Je rejoins donc le rapporteur : concentrons-nous sur les chemins ruraux, pensons aux particuliers de bonne foi.
Le groupe UMP émet des réserves non sur l'intérêt de la question mais sur la solution juridique proposée. En revanche, un rejet pur et simple de la proposition de loi serait ressenti comme un terrible message de résignation et d'abandon par les élus. Prenons le temps de la réflexion et de la sérénité. (Applaudissements)
M. René Vandierendonck . - Rassurons M. Tandonnet, pour commencer, et apportons-lui des preuves. Souvenons-nous que Mme Didier, avec sa proposition de loi, a réussi à faire bouger les lignes sur la gestion des ouvrages d'art -on pensait que c'était impossible.
S'il y a, aujourd'hui, 700 000 kilomètres de chemins ruraux, 200 000 ont disparu ces dernières années ; c'est dire que nous ne nions pas l'importance du sujet. En revanche, emprunter toutes les caractéristiques de la domanialité publique pour les chemins ruraux poserait un vrai problème de droit ; la propriété privée, je le rappelle, est inviolable, sacrée et garantie par la Constitution.
La jurisprudence de 2004, les dispositions complexes, voire contradictoires, du code rural... Nous avons, pour une fois, l'occasion de progresser sur la ruralité et même l'hyper-ruralité.
C'est ainsi qu'il faut comprendre la décision de la commission des lois. M. Détraigne, saisi la veille, a exposé un très bon rapport en un temps record. Nous savons bien qu'aux franges du débat, il y a la compétence départementale et le plan des itinéraires de promenade. Nous devons examiner sous toutes ses facettes ce sujet important de la prescription acquisitive -ou usucapion pour ceux qui aiment le droit romain... En tout état de cause, la question relève de l'intérêt général ! (Applaudissements)
Mme Jacqueline Gourault . - Cher Henri Tandonnet, merci de votre initiative, même si vous pouvez déplorer le renvoi en commission. Un examen du texte six mois après son dépôt, c'est inhabituellement court pour une proposition de loi ! Si le champ du texte est plus vaste, les chemins ruraux tout particulièrement font l'objet d'un contentieux important, de même que les jardins ; le rapporteur a cité aussi moulins ou presbytères. À cause de la prescription acquisitive, les communes s'en trouvent lésées ou privées de toute possibilité d'aménagement. Tout a changé, il faut le dire, depuis que ces voies sont devenues un élément de développement touristique et économique. M. Détraigne a cité l'exemple de la Picardie : 40 000 kilomètres de chemins ruraux selon le cadastre, dont 30 000 seulement existent encore. Que sont devenus les 10 000 restants ? Nous ne pouvons nous désintéresser du sujet à l'heure du développement du tourisme rural, un sujet qui concerne beaucoup de communes -par hasard, le lendemain de la réunion de la commission des lois, un maire de mon département m'interrogeait sur la question.
Prenons le temps d'aboutir à une solution juridique sûre. Le groupe UDI-UC votera le renvoi en commission. (Applaudissements)
La discussion générale est close.
Renvoi en commission
Mme la présidente. - Motion n°1, présentée par M. Détraigne, au nom de la commission.
En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, la proposition de loi tendant à interdire la prescription acquisitive des immeubles du domaine privé des collectivités territoriales et à autoriser l'échange en matière de voies rurales.
M. Yves Détraigne, rapporteur . - Je serai bref. Tous les orateurs, le ministre compris, ont souligné l'importance du sujet des chemins ruraux comme la difficulté qu'il soulève. Le renvoi en commission n'est pas un enterrement mais le signe que la commission des lois entend lui apporter une réponse appropriée.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois . - Le débat, très riche, doit se poursuivre. J'ai tenu à prendre la parole pour vous assurer qu'avec ce renvoi en commission, nous ne voulons nullement couper court au débat, comme cela est souvent le cas, mais faire prospérer ce texte. Le rapporteur, qui s'est beaucoup investi dans ce texte, présentera, le temps venu, une solution pleinement satisfaisante.
M. André Vallini, secrétaire d'État . - L'avis du Gouvernement est favorable.
La motion n°1 est adoptée.En conséquence, le renvoi de la proposition de loi en commission est ordonné.
Avis sur une nomination
Mme la présidente. - La commission des finances, lors de sa réunion du 22 octobre 2014, a émis un vote favorable -17 voix pour, deux bulletins blancs- à la nomination de Mme Stéphane Pallez aux fonctions de président-directeur général de La Française des jeux.
Demande d'avis sur une nomination
Mme la présidente. - M. le Premier ministre, par lettre en date du 22 octobre 2014, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l'avis de la commission du Sénat compétente sur le projet de nomination de M. Nicolas Grivel aux fonctions de directeur de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine. Cette demande d'avis a été transmise à la commission des affaires économiques.
La séance est suspendue à midi vingt-cinq.
présidence de M. Hervé Marseille, vice-président
La séance reprend à 15 heures.
Accords de libre-échange (Questions cribles)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques posées à M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, sur les accords de libre-échange, thème choisi par le groupe UMP.
Mme Bariza Khiari . - Il sera souvent question du traité que la Commission européenne et le Canada ont conclu le mois dernier. Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour exprimer notre solidarité au Canada, dont le Parlement a été la cible d'une attaque, nos condoléances à la famille du soldat abattu et notre sympathie à l'ensemble du peuple canadien.
Le traité conclu le 26 septembre dernier l'a été dans une grande opacité. 521 pages et 1 000 pages d'annexes : après la stratégie de la rétention d'informations, voici celle de la profusion ! La question de l'accessibilité et de la lisibilité du texte risque de nourrir l'euroscepticisme plus que de raison.
À vouloir faciliter la vie des investisseurs, on limite la capacité d'intervention des États.
M. Éric Bocquet. - Très bien !
Mme Bariza Khiari. - Les indications géographiques protégées, comme celle du riz de Camargue, posent un problème d'asymétrie juridique : une société canadienne détentrice d'une marque pourrait ainsi vendre en Europe du « riz de Camargue » ou du « jambon de Parme » en vertu du droit américain. Pouvez-vous nous donner davantage de précisions ?
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Veuillez excuser M. Fekl, aujourd'hui en Chine. Avant de répondre, je veux m'associer à vos propos et dire notre émotion et notre solidarité envers le peuple canadien.
Le résultat global obtenu avec le Canada est satisfaisant, comme avec la Corée en 2011. Les indications géographiques voient leur protection renforcée ; 42 indications bénéficient d'une protection totale, comme les pruneaux d'Agen ou le foie gras d'oie ou de canard du sud-ouest. Vous avez cité le riz de Camargue. Par exception, le système de marque déposée canadien pourra toutefois, dans certains cas, coexister avec l'indication géographique protégée, assorti d'une précision « style canadien » ou « de type canadien » ou « sorte de ».
Mme Bariza Khiari. - J'avais noté ces avancées. En tant que socialistes, nous nous situons au juste milieu, entre libéralisme et protectionnisme. Il faut un juste échange, tel que défini par notre ancien collègue Henri Weber, reposant sur la réciprocité, l'équité, le respect des normes nationales et internationales.
M. Joël Guerriau . - En décembre 2013, le Gouvernement s'est réjoui d'avoir signé un accord avec l'OMC qui devait bénéficier avant tout aux PME. Les PME françaises ont un potentiel à l'exportation important mais, faute de cadre juridique précis, le libre-échange avantage les pays qui n'appliquent pas les mêmes normes sociales : nous payons les conséquences de ce déséquilibre.
Commercer sur le dos de la pauvreté, c'est nourrir l'exploitation de l'homme par l'homme. Quel est l'intérêt d'importer aujourd'hui ce que nous produisions hier, avec une meilleure qualité de surcroît ? Quelles mesures prend le Gouvernement pour défendre nos exigences sociales et environnementales ? Quels sont les bénéfices réels pour la France de l'accord de 2013 à l'OMC ? (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et UDI-UC)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. - Le Conseil de l'OMC n'a pu que constater le blocage de l'Inde sur la finalisation de l'accord de facilitation du commerce. Une période de réflexion s'ouvre -c'est un euphémisme. Le multilatéralisme reste une priorité, et le G 20 tentera de trouver une solution lors de la réunion de Brisbane.
Sur le dumping social, les accords de libre-échange incluent un chapitre sur le développement durable. Les parties s'engagent à développer leurs relations commerciales dans le respect des normes sociales et environnementales. L'Union européenne applique à ce titre son système de préférence généralisée. Des progrès restent indubitablement à faire.
M. Joël Guerriau. - Ce traité de libre-échange selon la chambre de commerce internationale devrait créer vingt-et-un millions d'emplois supplémentaires, et 1 000 milliards de dollars de chiffre d'affaires... Nous restons dubitatifs. Il faut tout faire pour que le libre-échange se fasse dans le respect des droits humains.
M. Jean Bizet . - Ma question porte sur le système d'arbitrage investisseurs-État. À propos du mandat de négociation du traité transatlantique, le Sénat avait fait part de son inquiétude sur l'indépendance et l'accessibilité de la justice et sur le droit des États à faire respecter les normes. Les États-Unis ont déjà conclu des accords de libre-échange sans un tel système d'arbitrage. Pourtant, le mandat de négociation prévoit explicitement un tel mécanisme. Le président Junker a affirmé hier que l'accord ne comporterait aucun article interdisant l'accès aux juridictions nationales. Je m'en félicite, mais je reste inquiet. Les traités commerciaux ne prévoient que l'information du Parlement européen ; pourtant, le Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP) devrait être ratifié aussi par les parlements nationaux. Ceux-ci doivent être tenus pleinement informés à toutes les étapes de la procédure. Quels engagements pouvez-vous prendre à cet égard ? (Applaudissements)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. - Le Gouvernement a demandé à la nouvelle commission européenne de travailler dans la transparence. Étape après étape, les informations seront communiquées. Le Parlement in fine aura son mot à dire sur la validation ou non de ce traité.
Le mécanisme de règlement des différends existe dans plus de cent accords bilatéraux conclus par la France. Le Parlement n'y a jamais vu risque de perte de souveraineté. Ces accords peuvent être un enjeu de compétitivité de nos entreprises à l'international.
La France, vous le savez, n'était pas demanderesse d'un traité avec les États-Unis. Nous gardons la totale souveraineté de nos décisions en la matière au cours de la négociation. M. Junker a posé des conditions très strictes sur la présence d'un tel mécanisme dans le traité. Il en va de notre souveraineté.
M. Jean Bizet. - J'apprécie la façon dont ce type de débat peut s'engager avec les parlements nationaux dans les pays d'Europe du Nord. Je souhaite que le parlement national puisse définir un mandat qui sera mis en oeuvre par la Commission.
Le multilatéralisme ne se porte pas bien au sein de l'OMC, mais l'organe de règlement des différends, lui, a toujours donné satisfaction. Inspirons-en nous !
Mme Françoise Laborde . - Mes pensées vont vers le peuple canadien, qui a fait l'objet d'une attaque insupportable.
L'accord conclu avec le Canada prévoit un contingent de 50 000 tonnes de viande canadienne sans droits de douane. Bientôt, c'est de la viande en provenance des États-Unis et des États du Mercosur qui pourrait arriver dans nos assiettes, dans les mêmes conditions. Cette viande est très compétitive car elle est produite avec la rentabilité pour seul objet. Il faut protéger nos éleveurs et nous battre pour une filière européenne et française, rentable et d'excellence. La viande bovine ne doit pas être une monnaie d'échange. Ne pourrait-elle être exclue de ces accords ? (Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. André Gattolin applaudissent)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. - Vous posez une question importante, en particulier pour nos agriculteurs. Il est légitime que le Sénat s'y intéresse. Sachez que le Gouvernement est lui aussi mobilisé pour défendre cette filière stratégique. Le boeuf est un produit sensible, en effet. Nous refusons d'abaisser les tarifs douaniers à zéro sur ce produit. Des quotas peuvent être toutefois alloués à nos partenaires commerciaux pour de la viande de boeuf -sans hormones, précisons-le.
Le Canada, lui, a accordé un quota de 18 500 tonnes pour les fromages européens, ce dont notre filière d'élevage pourra profiter. Nous pensons que ces quotas ne déséquilibreront pas le marché. Enfin, l'accord conclu avec le Canada ne préjuge pas de celui qui sera conclu avec les États-Unis.
Mme Françoise Laborde. - En dépit de l'importance de la métropole toulousaine et de l'industrie aéronautique, la Haute-Garonne n'est pas que péri-urbaine. Le secteur agricole y est bien présent. Or, il souffre, pris en étau entre la zone urbaine et les contraintes réglementaires, qui ont conduit à la disparition de 556 élevages entre 2006 et 2012. Nous serons vigilants.
M. André Gattolin . - Les discussions qui ont eu lieu avec le Canada sont moins connues que celles en cours avec les États-Unis. Elles sont pourtant riches d'enseignements. Côté canadien, les provinces et territoires ont pu pleinement participer, disposant d'études d'impact précises. Rien de tel côté européen, où la négociation a été excessivement centralisée autour de la Commission et fort opaque.
Nous n'avons aucune certitude sur les conditions de la ratification par les parlements nationaux. Nous ferions bien de nous inspirer du système fédéral canadien, au moment où la Commission négocie à marche forcée de nouveaux accords de libre-échange, très décriés, avec les États-Unis. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. - L'organisation fédérale de nos partenaires canadiens et américains peut constituer un avantage institutionnel, une rigidité aussi qui n'existe pas dans l'Union européenne. Les accords avec les États-Unis ou le Canada seront des accords de compétence mixte et devront donc, je le répète, être ratifiés par le Parlement français. L'accord avec le Canada améliore l'accès aux marchés publics des provinces canadiennes. Notre objectif est d'obtenir des avancées de même nature, le cas échéant, avec les États-Unis.
M. André Gattolin. - Je vais assez souvent au Canada ; la semaine dernière, nous recevions ici même le président de l'Assemblée du Québec, M. Chagnon. Sa province a dépensé des millions en études d'impact sur ce traité. Nous ne disposons pas de toute l'information dont il a connaissance sur les négociations menées par son pays. La Commission annonce que le traité transatlantique nous apportera un demi-point de croissance et 300 000 emplois : dans quel pays ? Les Pays-Bas sont favorables au traité parce que le port de Rotterdam, qui bénéficie déjà de l'abolition des droits de douanes, en profitera. Comment la richesse créée sera-t-elle répartie ? Comment mieux nous informer ? (Applaudissements)
M. Éric Bocquet . - Merci au groupe UMP d'avoir obtenu l'inscription de ce débat ; j'espère qu'il jettera la lumière sur ces mystérieuses négociations concernant des pans entiers du secteur non marchand, qui se déroulent portes closes. Rien ne doit filtrer ! Le texte stipule d'ores et déjà que les pays signataires assureront « la mise en conformité de leurs lois et procédures » avec le traité. Faute de quoi des sanctions commerciales pourraient être prononcées.
Monsieur le ministre, quelles initiatives le Gouvernement compte-t-il prendre pour créer dans notre pays les conditions d'un débat transparent et démocratique ? (Applaudissements)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. - La France, je l'ai dit, a des exigences précises. La transparence est une nécessité absolue. Nous nous félicitons de la publication du mandat de négociation donné à la Commission européenne. Sur l'Investor-state dispute settlement (ISDS), le mécanisme de règlement des différends dont l'utilité n'est pas avérée, nous avons des réserves. Nous connaîtrons en novembre le résultat des consultations publiques lancées par la Commission, qui ont suscité 150 000 réponses d'ores et déjà, dont 10 000 françaises.
Les accords seront soumis à la ratification du parlement, ce qui donnera lieu à un débat démocratique.
Valorisez vos inquiétudes et vos préventions pour en faire une force dans la négociation et ne vous en tenez pas à l'idée qu'il est impossible de réussir. Nous ne sommes pas obligés d'aller à l'accord ni de le refuser, c'est notre force.
M. Éric Bocquet. - L'enjeu démocratique est tout aussi important que l'enjeu commercial. Selon le président de la République, « nous avons tout intérêt à aller vite » pour éviter de nourrir les peurs et les inquiétudes. Un tel sujet vaudrait à lui seul plusieurs heures de discussion en séance publique. Il s'agit d'un choix de société. « Même sous la Constitution la plus libre, un peuple ignorant est esclave » disait Condorcet.
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - (M. André Gattolin applaudit) Autre question sur la transparence. Que répond la Commission pour garantir la transparence à chaque étape, pour chaque thème de négociation ? Je m'associe aussi à la peine du peuple canadien.
Nous n'avons dit mot du pacte sur les services, qui se négocie dans le plus grand secret à Genève, sous le couvert de l'ambassade d'Australie, semble-t-il. Des sujets aussi sensibles que la libéralisation de la sécurité sociale, de l'éducation, des services publics y sont inclus... C'est tout un pan de notre modèle social historique et, je l'espère, futur, qui risque d'être menacé. « Ne soyez pas inquiets », nous dit-on, parce que ces traités devront être ratifiés. Rien n'est moins sûr. Il y a une autre vérité : on murmure dans les couloirs du Berlaymont que l'accord pourrait ne devenir qu'un accord purement commercial, donc soumis à la seule ratification du Parlement européen.
Monsieur le ministre, garantissez-vous que ce traité sera bien qualifié de « mixte », c'est-à-dire soumis à la ratification du Parlement européen et des parlements nationaux ? Il faut faire vivre l'humain avant l'argent. (Applaudissements)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. - Ces propos font l'unanimité du Sénat, c'est de bon augure ! Je suis moi-même un parlementaire et un militant ayant une certaine expérience : nous avons entendu semblables inquiétudes à propos de la construction européenne, censée menacer notre sécurité sociale, nos services publics... Nous sommes un des pays qui a la dépense sociale, les structures publiques les plus importantes. De ce point de vue, nous sommes en avance. Notre modèle social est-il en cause dès que nous franchissons nos frontières ? Le Gouvernement est vigilant. Les négociations dont vous parlez ont lieu à l'OMC, dont vous connaissez l'état. Nous avons exclu, je vous le confirme, les questions du modèle éducatif, de la sécurité sociale, des services publics. Je vous confirme aussi que sans accord mixte, il n'y aura pas d'accord. Cela lève-t-il toutes vos inquiétudes ? Je l'ignore, mais je ne puis que réitérer cet engagement. Que puis-je dire de plus ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - J'en prends acte. C'est essentiel et cela n'avait jamais été clairement exprimé auprès de nos concitoyens ni, semble-t-il, des autorités européennes. Je n'ai jamais dit que le libre-échange ne pouvait pas être encadré. Je veux être sûre que l'on ne va pas réintroduire, en cours de mandat, les questions relatives à la sécurité sociale ou aux retraites. Ne laissons pas la place au moindre doute. À cette condition, et si une information régulière est donnée, à chaque étape, je serais rassurée. (Applaudissements)
M. Jean Desessard. - Bravo.
M. Jean-Claude Lenoir . - Je tiens à mon tour à adresser un message de sympathie au peuple canadien.
Vous avez bien dit, monsieur le ministre, que le Parlement français sera associé à la ratification. Du côté canadien, nous avons constaté une certaine distance entre les parlements provinciaux et le Parlement fédéral... Comment seront-ils associés à la ratification ?
M. Philippe Bas. - Très bonne question.
M. Jean-Claude Lenoir. - Le traité portera sur les services financiers. Qu'en est-il des déplacements temporaires des cadres qui se rendent au Canada ? Quid de l'élevage français ? Le département de l'Orne est particulièrement concerné. Pour le lait cru, on connait les réticences de certains milieux américains, parce que nos produits sont les meilleurs, notamment le camembert ! (Sourires et applaudissements)
M. Philippe Bas. - De la Manche !
M. Jean-Claude Lenoir. - Certains éleveurs s'inquiètent des distorsions de concurrence qui pourront être provoqués par l'inondation du marché européen par les produits américains. Un accord doit être gagnant-gagnant et non gagnant-perdant. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. - Votre question est très générale...
M. Jean-Claude Lenoir. - Mais appelle une réponse précise !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. - Vous êtes parti des services financiers pour finir par le camembert.
M. Roger Karoutchi. - C'est très français... (Sourires)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. - Je comprends qu'en tant qu'élu de terrain vous y portiez une égale considération. La négociation avec les États-Unis n'est pas similaire à la négociation avec le Canada. Je m'étonne qu'aucun d'entre vous n'ait évoqué les enjeux géopolitiques...
M. Jean-Claude Lenoir. - Faute de temps ! (On renchérit sur plusieurs bancs)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. - Nous avons obtenu avec le Canada des avancées qui pourront servir pour l'accord avec les États-Unis. Cela dit, il n'est pas impossible que certains états canadiens remettent en cause le traité. Ce serait un problème pour le Canada, pas pour l'Union européenne. On ne peut être gagnant-gagnant dans tous les secteurs. Ce qui compte, c'est l'intérêt général, l'intérêt national aussi. Les difficultés canadiennes proviennent du fait que l'Union européenne a réussi à obtenir, quoi qu'on s'en plaise à dire dans notre pays, des satisfactions notables.
On a parlé de la filière bovine, de l'agro-alimentaire. Pour les alcools, vins et spiritueux, il y a une indéniable réussite. De même pour les indications géographiques protégées, reconnues par le traité et qui pourront développer leurs marques à l'international. Vous n'y êtes pas insensible, j'en suis sûr.
Nos indications géographiques protégées pourront prospérer au niveau international. Nous sommes dans une situation où il est légitime de montrer des préoccupations mais cet accord est positif pour notre économie et notre croissance.
M. Jean-Claude Lenoir. - Vous avez tort de dissocier les services financiers et le camembert : souvent les banques utilisent des dessins en forme de ce fromage pour retracer leurs engagements. (Sourires) Je ne partage pas tout à fait votre optimisme. Nous avons une activité agricole surchargée par les contraintes environnementales, les normes de toutes sortes. Hier, au Salon de l'industrie agro-alimentaire, il y avait 1 000 exposants français sur 6 000 en tout, avec une très forte représentation de la Chine.
Nous avons les meilleurs produits de la planète, les autres sont de pâles copies. Pouvons-nous lutter à armes égales ? (Applaudissements)
M. Antoine Karam . - La question des accords commerciaux, compte tenu de notre déficit extérieur, est une priorité. On parle depuis 2010 d'un nouvel accord avec le Brésil. Pourtant, rien ne semble aboutir. Cela n'avance pas de notre côté, en raison des réticences françaises, selon la présidente Rousseff. La Guyane dispose d'une frontière de plus de 700 kilomètres avec le Brésil. Un accord peut en faire un territoire dynamique, et non un comptoir sans production, pour relancer l'emploi. Cet accord doit se faire sur la base d'une liste de produits, pour ne pas concurrencer notre production. Une zone de libre-échange entre nos deux continents profiterait à la France et à la Guyane.
Où en est-on des négociations entre l'Union européenne et le Mercosur ? (M. André Gattolin applaudit)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. - Les négociations ont été relancées en 2010 mais aucun échange d'offres qui permettrait un redémarrage des discussions n'a eu lieu depuis lors. La partie brésilienne, en tout cas le Mercosur, n'a pas présenté d'offre commune, sur la base des propositions de chacun de ses pays membres, notamment l'Argentine. Nous sommes attentifs et conscients des répercussions d'un tel accord pour la Guyane. Il faut que cette offre soit finalisée pour que les États membres soient consultés. Cette négociation n'ira de l'avant que si le Mercosur accepte des concessions importantes en matière d'industrie, de services et de marchés publics. Nous veillerons aussi aux intérêts de notre agriculture, viande, sucre, éthanol.
M. Antoine Karam. - Merci pour cet éclairage. Ce dimanche, la République fédérative du Brésil élit son président. Il faudra ensuite recommencer ces discussions, si importantes pour la Guyane. Alors qu'on vient de se féliciter du dernier lancement d'un satellite de télécommunications depuis Kourou, de nombreuses zones blanches subsistent à quelques kilomètres du centre spatial européen, sans eau ni électricité. Le Gouvernement doit se préoccuper du développement de la Guyane.
Pour ma première intervention dans cet hémicycle, permettez-moi d'avoir une pensée pour notre compatriote Gaston Monnerville, qui a marqué l'histoire de notre Haute assemblée et de la République tout entière. (Applaudissements)
Décision du Conseil constitutionnel
M. le président. - Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat une décision en date du 23 octobre 2014, prise en application de l'article 12 de la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, sur une demande du président de la Polynésie française tendant à ce qu'il constate que sont intervenues dans une matière ressortissant à la compétence de la Polynésie française certaines dispositions de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal (n°2014-5 LOM).
Prochaine séance mardi 28 octobre 2014 à 14 h 30.
La séance est levée à 16 h 5.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
Ordre du jour du mardi 28 octobre 2014
Séance publique
À 14 h 30
Présidence :
M. Gérard Larcher, président
M. Hervé Marseille, vice-président
Secrétaires :
M. Catherine Tasca
M. Jackie Pierre
1. Éloge funèbre de Christian Bourquin
À 16 h 15
2. Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, sur la réforme territoriale
Le soir
Présidence :
M. Gérard Larcher, président
Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente
3. Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral
Texte de la commission (n°43, 2014-2015)