FATCA (Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement des États-Unis d'Amérique en vue d'améliorer le respect des obligations fiscales à l'échelle internationale et de mettre en oeuvre la loi relative au respect des obligations fiscales concernant les comptes étrangers, dite loi FATCA.
Discussion générale
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget . - L'accord soumis à votre ratification est particulièrement novateur : c'est le premier texte signé par la France avec un autre État qui met en oeuvre un échange automatique d'informations bancaires à des fins fiscales sur un large spectre de données bancaires.
À l'origine, la loi du 18 mars 2010, dite loi FATCA -Foreign account tax compliance act. Cette décision du Congrès américain impose à toute banque étrangère de transmettre à l'administration américaine les informations sur les comptes de citoyens américains, quelle que soit la localisation de ces comptes.
Après que les institutions financières ont sollicité dès 2010 l'aide du Gouvernement, la France a été à l'origine d'une démarche alternative avec quatre de ses partenaires, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et le Royaume-Uni -le G 5. Un modèle intergouvernemental a ainsi été mis sur pied. Les échanges d'informations se feront d'administration à administration, ce qui offre des garanties en termes de confidentialité ; avec la signature d'un accord bilatéral, l'ensemble des institutions financières du pays signataire sont réputées se conformer à FATCA et dispensées de la retenue à la source si l'accord est respecté ; les États européens ont pu négocier avec les États-Unis les modalités pratiques et le champ des établissements concernés. Le G 5 a en outre obtenu la réciprocité de la part des États-Unis, qui fourniront des informations à l'administration fiscale française sur des comptes bancaires détenus outre-Atlantique.
C'est ce modèle, repris par la très grande majorité des États avec lesquels les États-Unis négocient la mise en oeuvre de FATCA, qui a servi de cadre à l'accord franco-américain signé en novembre dernier.
La convention FATCA s'inspire de cet accord multilatéral. La première transmission d'informations est fixée au 30 septembre 2015. Les échanges seront ensuite annuels. Les USA se sont engagés à promouvoir les réformes pour une réciprocité complète. En 2015, les numéros de compte des Français possédant des avoirs aux USA nous seront communiqués. Pour obtenir les autres informations nous devrons procéder au cas par cas, conformément à la convention fiscale bilatérale. Notre pays bénéficiera de la clause de la nation la plus favorisée.
Cet accord est à situer dans un cadre plus large. Nous espérons, grâce aux efforts de la France et du G 20, instituer un système multilatéral, calé sur FATCA, qui mettrait enfin un terme au secret bancaire.
Au sommet de Saint-Pétersbourg de septembre 2013, le G 5 a convaincu le G 20 de confier à l'OCDE la responsabilité de concevoir un standard mondial unique. Ce dernier sera présenté en septembre en Australie.
La France et ses partenaires ont rassemblé une masse critique de 45 États et territoires partenaires qui s'engagent à mettre en oeuvre le standard d'ici 2017. Ce mouvement, que la France soutient depuis longtemps, est en marche. Il est irrémédiable, comme en témoigne le ralliement de places financières importantes. FATCA y a contribué mais surtout, ce que nous, Européens, sommes parvenus à en faire. La France a joué un rôle primordial.
M. François Marc, rapporteur général. - Très bien.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Je sais que la lutte contre l'évasion fiscale vous tient à coeur, et ce sans clivage partisan. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Nathalie Goulet. - Ça, c'est bien vrai !
Mme Michèle André, rapporteure de la commission des finances . - Nous examinons l'accord sur la loi dite FATCA qui oblige, sans autre précaution, les banques à transmettre à l'administration américaine les informations relatives aux contribuables américains, sous peine d'une retenue à la source équivalente à 30 % des fonds concernés. La démarche est bien plus efficace que l'échange d'informations à la demande. Soyons clairs : l'échange automatique d'informations, autre nom de la transparence fiscale, n'aurait jamais vu le jour sans FATCA. La directive européenne a été approuvée grâce à cet aiguillon.
Certes, la démarche américaine était quelque peu cavalière, car unilatérale et extraterritoriale. Nous transformons aujourd'hui cette démarche en accord bilatéral. Les données transiteront par la DGFiP, au lieu d'être transmises directement par les banques. Les produits visés reçoivent une définition conforme à notre droit. La clause de la nation la plus favorisée est une autre garantie : l'accord ne pourra évoluer que dans un sens plus favorable à la France.
Reste la question de la réciprocité. Ne surestimons pas les conséquences du blocage imposé par le Congrès américain : la France peut toujours demander les informations qu'elle souhaite. Les États-Unis s'engagent en outre à instaurer la réciprocité dès que possible. L'article 6 de l'accord le permet. Nous partions d'un accord imposé, nous avons désormais un accord négocié, équilibré. Cela vaut le coup de se battre ! La loi FATCA est un véritable outil pour lutter contre l'évasion fiscale. Citons les amendes record imposées aux banques américaines par la justice américaine : 17 milliards pour J.P. Morgan, 7 milliards pour Citigroup et 17 milliards de dollars réclamés à Bank of America.
L'initiative américaine a provoqué un sursaut international en faveur de l'échange automatique de données et incité les banques suisses à changer d'attitude et à encourager leurs clients à régulariser leur situation. Notre pays a enregistré ainsi d'excellents résultats et l'objectif de 1,85 milliard de recettes pourrait être dépassé. Qu'en pense le ministre ?
Cette loi FATCA est une chance à saisir : je vous recommande d'approuver ce projet de loi de ratification. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances . - Le Sénat est la première assemblée saisie de ce projet de loi de ratification de l'accord mettant en oeuvre la loi dite FATCA -sigle que les orateurs précédents ont admirablement explicité. (Sourires)
Je ne tirerai pas les mêmes conclusions que Mme André de nos trois années de travail en commission sur le dispositif FATCA. En 2011, Mme Bricq, alors rapporteure générale, nous invitait à y voir non la décision unilatérale d'un pays puissant mais une opportunité pour réviser la directive européenne. Depuis, c'est devenu le discours officiel de l'Union européenne et de l'OCDE. FATCA serait le déclencheur d'un mouvement mondial en faveur de l'échange automatique d'informations et de la transparence bancaire. On ne peut nier qu'il se passe quelque chose en la matière. Mais je m'interroge : l'Europe est-elle à l'avant-garde ou bien la trop bonne élève qui s'expose à des désillusions ? Hongkong est en train de négocier un accord qui préserve largement le secret bancaire, tout comme la Suisse. Au fond, n'est-ce pas un nouvel exemple de l'impérialisme juridique des États-Unis ? (On apprécie sur les bancs CRC)
J'étais, en avril, à la tête d'une délégation de la commission, en Iran : nous avons observé que si les États-Unis sont très durs avec les banques qui y opèrent, ils ne sont nullement gênés par la présence de leurs entreprises dans ce pays, Boeing ou Coca-Cola. L'année dernière, en déplacement aux États-Unis, nous avions observé que la FED n'a pas peur de contrôler le niveau de capital des maisons mères européennes. Dans ce dialogue difficile avec nos amis américains, il arrive que la raison l'emporte. Il a fallu une coalition mondiale pour que la CRTC américaine évolue sur les relations entre régulateurs...
L'accord est-il équilibré ? Certes, les apparences sont préservées, puisqu'il s'agit désormais d'un accord entre États. L'accord est presque entièrement réciproque. (Mme Michèle André le confirme) « Presque... à l'exclusion des soldes des comptes bancaires, soumis à une procédure fastidieuse qui ne concerne qu'une dizaine de cas par an. Ces informations seraient pourtant bien utiles au fisc. Les États-Unis se sont engagés à cette réciprocité, certes, mais le Congrès américain n'en veut pas. Ce n'est pas très engageant...
Les États-Unis ont-ils la capacité matérielle de fournir les informations en question ? La collecte d'informations y est rendue plus difficile par un système bancaire bien moins concentré qu'en Europe. Les États-Unis n'appliqueront sans doute pas de sitôt les règles de FATCA, non plus que le standard de l'OCDE. Les États-Unis participeront-ils pleinement à cette grande initiative, à ce grand mouvement de transparence ? Il y a des précédents historiques éclairants...
Autre grand chantier : la lutte contre l'optimisation fiscale des grandes entreprises multinationales, notamment américaines, notamment dans le domaine du numérique. L'OCDE a lancé le programme Base Erosion and Profit Shifting (BEPS) dont nous attendons beaucoup. Ces grands groupes du numérique doivent contribuer à financer les systèmes sociaux qui alimentent le pouvoir d'achat des consommateurs !
M. Éric Bocquet. - Bien belle idée !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - En Irlande du nord, le G 8 avait pris des positions encourageantes il y a un an. Depuis, les intérêts américains se sont réveillés et le Trésor américain défend désormais le principe qu'une entreprise ne peut être taxée dans un pays que si elle y est physiquement présente.
La logique du projet BEPS est-elle toujours d'actualité ? Serons-nous encore bernés dans une logique de concurrence internationale débridée ? Le G 8 de Brisbane sera éclairant... Nous n'avons pas la puissance des États-Unis mais nous avons notre esprit critique et le droit de dire ce que nous pensons. M. Delattre m'a toutefois convaincu de ne pas voter contre : je m'abstiendrai donc. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Anne-Marie Escoffier . - L'évasion fiscale a longtemps été jugée secondaire. Certes, l'OCDE attirait l'attention sur ses conséquences dommageables depuis la fin des années 90. Il a fallu la crise de 2009 pour que ces questions occupent le devant de la scène. À l'issue du G 20 de Londres de 2009, l'OCDE a dressé les fameuses listes noire et grise des États non coopératifs, selon le principe du Naming and Shaming. Le nombre d'accords bilatéraux sur l'échange d'informations a été multiplié par trente en quelques années. Mais certains territoires restent rétifs et les conventions fiscales ne sont pas toujours respectées. D'autres jouent sur les divergences d'interprétation du droit. Ainsi les Bermudes, Jersey ou les Iles Vierges ont dû être réinscrites sur la liste des États non coopératifs... Certains n'ont pas les moyens d'assurer un échange automatique.
En 2010, l'adoption -unilatérale- de la loi FATCA par les États-Unis a fait l'effet d'un coup de tonnerre. La méthode est brutale, il est vrai : c'est une forme de vote bloqué imposé par un pays tiers. Mais cet accord constitue un réel progrès : bilatéral, équilibré, il offre de réelles garanties avec une clause de la nation la plus favorisée. Il repose sur un principe de réciprocité. Il faudra toutefois rester vigilant...
Actuellement, le Congrès américain bloque en effet la transmission des soldes bancaires. La question du traitement d'informations mérite d'être posée. Notre administration fiscale a-t-elle les moyens humains, techniques et financiers pour répondre à ces objectifs ? L'évasion fiscale et l'opacité ne risquent-elles pas de gagner des territoires plus lointains, Hong Kong ou Singapour ?
L'harmonisation fiscale européenne, avec le projet Assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés (Accis), est au point mort. Espérons que la coopération renforcée se développera en la matière, comme le préconise les rapports sénatoriaux de 2013 et 2014. Sur le projet BEPS, il faudra redéfinir la notion d'établissement stable.
Le chemin reste long, mais FATCA nous donne de bonnes raisons d'espérer. Sans l'unilatéralisme permis par l'hégémonie américaine, nous en serions encore à dresser des listes de paradis fiscaux... L'ensemble du groupe RDSE votera ce projet de loi de ratification. (Applaudissements sur les bancs RDSE, socialistes et UDI-UC)
M. André Gattolin . - La lutte contre les paradis fiscaux importe tout particulièrement aux écologistes. Ces dérives se traduisent par des millions d'euros de pertes de recettes fiscales. Aux États-Unis, un quart des grandes compagnies dotées de 250 millions de dollars d'actifs et générant 50 millions de dollars de recettes ont réussi à réduire leur impôt à zéro en 1998 et 2005. Les mêmes procédés sont utilisés par des individus fortunés qui s'engouffrent dans toutes les brèches pour réduire leur contribution aux charges publiques. La loi FATCA impose une collecte d'informations qui se veut, à terme, réciproque. Cela équivaut à un échange automatique de données bancaires, ancienne revendication des ONG et des écologistes. C'est une forme de révolution copernicienne. En la matière, les États-Unis savent se rendre persuasifs : les activités des banques récalcitrantes sur leur territoire seraient menacées en cas de réticence. Même le Luxembourg ou la Suisse ont dû céder. L'Union européenne elle-même est sous pression, elle qui n'a jamais su harmoniser ses politiques et lutter contre le secret fiscal en son sein.
Cela fait longtemps que l'Europe aurait dû se doter de sa propre loi FATCA. Cet échec domestique explique son relatif effacement sur ce dossier : il aura fallu la puissance de frappe américaine pour avancer. L'Europe ne peut continuer à se construire de cette façon. Son influence souffre de ses propres divisions. C'est d'autant plus dommageable que la réciprocité n'est pas totale, du moins pour le moment, puisque sont exclus les soldes bancaires d'assurance vie. Simple contretemps, certes, mais fort regrettable.
Le groupe écologiste soutient ce texte, en espérant que l'échange automatique d'informations devienne bientôt une règle universelle. (Applaudissements sur quelques bancs socialistes)
Mme Nathalie Goulet . - Ce texte est novateur, certes. Il était très attendu. Aux grands maux les grands remèdes. Après avoir mis à genoux les banques suisses, après les amendes massives, les États-Unis continuent de manier le Big Stick.
Notre groupe votera avec entrain ce texte. La MCI sur l'évasion fiscale avait fait voeu de rappeler ses grands principes à chaque occasion ; je n'y manque pas.
Les sanctions infligées par l'AMF font pâle figure par rapport à celles de son homologue américain : 39 sanctions infligées l'année dernière pour 14 millions d'euros, contre 688 sanctions infligées par la SEC américaine pour un montant de 3 milliards de dollars. Nous nous soumettons à la diplomatie du dollar : voyez la BNP... De plus en plus d'Américains exilés renoncent à leur nationalité -3 000 l'année dernière ; des banques ont préféré se passer de clients américains pour se soustraire à ces obligations. « Impérialisme judiciaire » ? Je préfère parler d'efficacité.
Mme Nicole Bricq. - Absolument !
Mme Nathalie Goulet. - Avec Éric Bocquet, par amendement, nous avions proposé un petit FATCA national, en réformant le Ficoba pour y inscrire les encours d'assurance vie.
Le ministre Cazeneuve m'avait alors suggéré le retrait, promettant une concertation avec la profession. C'est au Journal officiel du 18 juillet dernier. Le Parlement, le Gouvernement, l'OCDE ont le même objectif : que personne ne passe entre les mailles du filet.
Je rentre du Golfe ; là aussi, désormais, les banques doivent passer sous les fourches caudines américaines : là encore, le Big Stick est efficace.
Je ne reviens pas sur les récents développements de l'OCDE, qui s'est inspiré de la FATCA. Il faudra minimiser les coûts pour la place de Paris. La prochaine loi de finances devra être l'occasion d'avancer. Ce texte prouve qu'on peut obtenir des résultats !
J'ai deux enfants qui vivent aux États-Unis. Comment ce texte va-t-il s'appliquer aux Français de l'étranger ? Quid des territoires non coopératifs ?
Notre groupe votera ce texte que nous appelions de nos voeux. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC)
M. Éric Bocquet . - C'est un petit bonheur, en cette fin de session, de pouvoir voter un texte qui va dans le bon sens.
Mme Nicole Bricq. - Un homme heureux !
M. Éric Bocquet. - Presque. Libéralisme et laissez-faire absolu diffèrent quelque peu : l'attitude des États-Unis nous le montre bien. Pragmatique, cette démarche ? Elle ne va pas sans schizophrénie si l'on songe au Delaware ou au Wyoming...
Autant de raisons d'être vigilant sur la comptabilité des normes entre elles. Face à notre commission d'enquête, Jérôme Haas, président de l'Autorité des normes comptables, avait démontré le poids des normes comptables anglo-saxonnes, qui s'imposent désormais à tous.
Pragmatisme et volontarisme ne suffisent pas. Depuis 2009, date à laquelle l'ancien président de la République déclarait avec fracas la fin des paradis fiscaux, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts et beaucoup d'argent a passé dans les coffres suisses, sans parler des îles anglo-normandes ou de Singapour.
FATCA a provoqué une onde de choc parmi les 7 millions d'Américains installés à l'étranger : 3 000 ont renoncé à leur citoyenneté ou à leur carte verte. Certaines banques souhaitent se défaire de ces clients encombrants : leur motto, travailler moins pour gagner plus...
Un Américain ayant la double nationalité hollandaise a gagné son procès contre une banque qui avait unilatéralement fermé son compte.
Gageons que le soutien de M. Juncker, ancien Premier ministre d'un paradis fiscal notoire, nous sera acquis.
Mme Nathalie Goulet. - Quel taquin !
M. Éric Bocquet. - Nous verrons si ses nouvelles fonctions font évoluer sa position... M. Juncker a dirigé le Luxembourg, pays de l'opacité, pendant dix-huit ans.
Or, l'administration fiscale du Luxembourg a récemment démontré son ambiguïté sur ces questions.
Les chantiers à ouvrir sont multiples. FATCA n'est qu'un premier pas. Le groupe CRC s'est engagé pour défendre l'intérêt général. En la matière, vous pourrez toujours compter sur nous. (Applaudissements)
Mme Nicole Bricq . - Mme André a fait référence à mon opiniâtreté. En cette matière, j'ai mené au moins cinq batailles depuis 2010, en effet. Dans l'opposition, nous les avions perdues. Le 28 novembre 2011, monsieur Marini, vous aviez reconnu dans mon amendement une intention louable mais sollicité un retrait. Je vous avais donné rendez-vous : nous y voilà.
Le G 5 avait demandé à la Commission européenne de proposer un mécanisme inspiré de FATCA. Ce fut fait en 2013. Sur le sol national, le texte de régulation bancaire d'août 2013 introduit l'échange automatique de données. Rappeler cet historique était une manière de prendre la mesure du temps politique, celui qui sépare la volonté de la décision.
C'est en 2009 que les États s'étaient, pour la première fois, au G 20, engagés dans ce combat. Nous étions alors vingt-quatre députés et sénateurs à nous réunir régulièrement pour faire avancer ce dossier.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Tout à fait. Sous l'impulsion du président de la République de l'époque.
Mme Nicole Bricq. - Restent des interrogations et des réticences. Lex americana ? La puissance américaine pousse à s'interroger, en effet. La sanction prévue par ce mécanisme extraterritorial peut étonner. La belle affaire ! On découvre que les États-Unis mettent le droit et la fiscalité au service de leurs entreprises. Que n'en faisons-nous autant ! L'Union européenne est la première puissance économique du monde ; elle a des atouts à faire valoir.
Les banques sont réticentes car toute adaptation entraîne des frais. Elles ont pourtant eu le temps de s'adapter. Les banques américaines elles-mêmes ont mis du temps à accepter le mécanisme FATCA. Certes, la réciprocité n'est pas totale. Hier, l'OCDE a publié sa norme : la réciprocité y est totale. Elle sera présentée au sommet de Cairns en septembre et discutée de nouveau en octobre, à Berlin.
Faisons confiance à la volonté politique et à la convergence des efforts. Les associations engagées de longue date dans le combat pour la transparence fiscale seront au rendez-vous.
« Séisme », « bombe »... Il faut reconnaître que la vague américaine a provoqué des remous chez nous. Mais combien de fois nous sommes-nous lamentés de l'absence de renégociation de cette directive européenne qui faisait la part belle à des pays attachés au secret bancaire ? Ce projet espéré et attendu doit être concrétisé. Nous le ratifierons de très bon coeur. (Applaudissements à gauche)
M. Francis Delattre . - Cet accord fixe un cadre à l'échange automatique d'informations bancaires entre la France et les États-Unis. Les contribuables français concernés seraient 130 ou 140 000 ; les Américains, 100 000. Notre groupe votera ce texte. Ce n'est quand même pas Bretton-Woods, n'exagérons rien. De là date l'impérialisme du dollar. Nous n'avons pas réussi à imposer l'euro comme monnaie mondiale.
L'oncle Sam est puissant, c'est vrai, mais il nous rend service : c'est lui qui a contraint UBS à renoncer au secret bancaire. Les embargos restent efficaces. M. Poutine ne craint pas nos canons mais il redoute nos sanctions économiques.
Ce projet est un très bon projet. La retenue à la source de 30 % sur les flux perceptibles montre que les États-Unis sont très exigeants vis-à-vis de leurs contribuables nationaux. Les amendes infligées par la justice américaine aux banques jugées responsables de la crise des subprimes sont colossales et promptement appliquées, tandis que, dix-huit ans après, nous traînons encore les histoires du Crédit lyonnais...
La FATCA sert l'Europe. Nous allons enfin avancer vers une union budgétaire et fiscale, de nature à peser vraiment dans le monde. La planche à billets américaine tourne à fond, portant la croissance de pays émergents qui ne demandent qu'à devenir submergents. Cette abondance de liquidités nous profite également puisqu'elle nous permet d'emprunter dans des conditions très favorables...
L'Américain travaillant à l'étranger paie des impôts dans son pays alors que nous demeurons attachés à un système territorialisé. Avançons à notre tour vers un système fiscal adapté à l'économie mondialisée.
Plus de 77 000 banques se sont engagées à collaborer avec les États-Unis. L'OCDE est également impliquée. Son standard sera indispensable pour établir des règles simples, compréhensibles, auxquelles on ne pourra donc pas échapper. Cette convention sera un outil majeur. La France a la chance d'avoir de grandes entreprises, celle du CAC 40. Elles en bénéficieront. Le G 20 en sort grandi. Rappelons que 80 % des échanges mondiaux sont concernés par ces questions.
L'articulation entre FATCA et le droit de l'Union européenne reste à organiser. Nous avons été pionniers de la première loi informatique et libertés. Faisons en sorte que les documents techniques nécessaires dans les procédures s'y conforment.
Nous voterons ce texte et vous donnerons ainsi, monsieur le ministre, un motif de satisfaction ce soir.
M. Jacques Chiron . - À l'échelle européenne, ce sont 1 000 milliards d'euros qui échappent chaque année à l'administration fiscale. En France, la fraude et l'évasion fiscales coûtent 60 à 80 milliards d'euros. En profitent ceux qui ont les moyens de payer des fiscalistes pour échapper à la contribution élémentaire au pacte social.
Les travaux récents du Sénat ont mis en lumière les mécanismes en jeu et élaboré des pistes de travail. Si l'on nous avait dit, en juin 2012, que nous arriverions à ce point, nous ne l'aurions pas cru. Nous avons resserré utilement les mailles du filet, aggravé les peines, fait comprendre aux fraudeurs que la volonté politique ne faiblirait pas. Les rapatriements d'avoirs se multiplient.
Les États-Unis ont joué un rôle fondamental de pression. La puissance diplomatique américaine a entraîné la signature de nombreux accords. Nous pouvons être optimistes, désormais, sur la réciprocité des échanges d'informations.
La convention bilatérale du 14 septembre 1993 instaure l'échange automatique d'informations. L'administration fiscale sera désormais directement informée, hors de toute procédure administrative ou judiciaire. Restons prudents toutefois : les États-Unis n'ont pas levé toutes leurs réserves, sur le Delaware par exemple. Les États européens rétifs à la transparence sont toutefois de plus en plus isolés.
Le standard publié hier par l'OCDE devra être adopté par les ministres de l'économie et des finances en septembre prochain. Souhaitons que la France reste à l'avant-garde.
La révision de la directive européenne doit être l'occasion d'adapter des règles communes pour les échanges avec les pays tiers. Si l'Europe parle d'une seule voix, elle aura autant de poids que les États-Unis.
Mme Michèle André, rapporteure. - Absolument.
M. Jacques Chiron. - Le périmètre de la directive a été étendu, notamment aux produits d'assurance vie. C'était inespéré en 2012. Les réticences autrichiennes et luxembourgeoises ont été vaincues : notre volontarisme produit ses effets.
La ratification de l'accord FATCA est une nécessité. Nous le voterons tous pour mettre un terme à une injustice. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Merci à tous pour la qualité du débat. Une unanimité à une seule exception près semble se dégager en cette fin de session, je m'en félicite.
D'aucuns regrettent que les choses aient mis du temps à évoluer : c'est vrai ; d'autres, que le chantier ne soit pas achevé : c'est vrai aussi. Mais de quelle affaire humaine pourrait-on dire qu'elle est achevée ? Question de bac. (Sourires)
Ne boudons pas notre plaisir. Les États-Unis ont joué un grand rôle. C'est encore vrai. Continuons à travailler, notamment pour parfaire la réciprocité, pour faire avancer le projet BEPS.
Reste que cette convention apporte indéniablement un progrès. L'unanimité ne connaîtra qu'une exception : je veux lui répondre, même s'il nous a quittés. La France, trop bon élève ? Non : les États ayant signé l'accord FATCA sont nombreux, et parfois surprenants : Jersey, Suisse, Lichtenstein, Luxembourg, îles Caïman, Panama en font partie.
Mme Goulet m'a demandé une consultation gratuite. (Sourires) Je lui précise qu'effectivement un Français résidant aux États-Unis entre comme tous les contribuables américains dans le champ d'application de la FATCA. Quant au Ficovie, sa création a été entérinée par la loi de finances votée fin 2013 ; dans une vie antérieure, j'avais défendu un amendement en ce sens. Oui, les moyens de l'administration seront renforcés pour qu'elle puisse remplir cette nouvelle mission ; nous avons conscience du travail qui reste à accomplir. Merci d'adopter cette convention, qui marque un grand progrès. (Applaudissements à gauche et au centre)
La discussion générale est close.
Discussion de l'article unique
L'article unique constituant le projet de loi est adopté.
(Applaudissements)
Mme la présidente. - Il nous reste à examiner les conclusions des CMP sur le rail : je me vois donc dans l'obligation d'ouvrir la nuit.
Il en est ainsi décidé.