SÉANCE
du mardi 8 juillet 2014
6e séance de la session extraordinaire 2013-2014
présidence de M. Jean-Claude Carle, vice-président
Secrétaires : M. Hubert Falco, Mme Catherine Procaccia.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle seize questions orales.
Loi Alur et urbanisme méditerranéen
M. Jean-Paul Fournier . - Ma question concerne les conséquences, ou plutôt le préjudice, pour les communes de la loi Alur qui s'est appliquée à elles dès sa promulgation, entre les deux tours des élections municipales.
Un grand nombre de communes de l'arc méditerranéen, situées entre plaine littorale inondable et reliefs, parvenaient à gérer leurs sols par un fin équilibre entre urbanisation et respect des identités paysagères locales. Souvent adossées à des massifs de garrigue ou de forêt méditerranéenne, les règles locales d'urbanisme qui posaient des surfaces minimales pour la constructibilité participaient de cet équilibre.
La suppression brutale des surfaces minimales combinée à celle, tout aussi brutale, du coefficient d'occupation des sols a eu pour effet immédiat un encombrement des services d'urbanisme de demandes d'autorisation de construire. Résultat, une défiguration totale des identités paysagères et urbanistiques de ces communes.
Quels sont les moyens dont disposent les autorités communales pour remédier sans délai à cette situation catastrophique ?
Mme Sylvia Pinel, ministre du logement et de l'égalité des territoires . - La position de l'État sur l'étalement urbain est constante depuis quatorze ans. Malgré la loi SRU du 13 décembre 2000, qui a supprimé les zones ND pour mettre fin à un urbanisme désorganisé, destructeur de la nature, certaines communes ont choisi de maintenir les zones U, mal équipées et au coefficient d'occupation des sols très faible. La loi Alur a levé toute ambiguïté en supprimant les COS et la taille minimale des parcelles ; reste aux communes la possibilité de s'opposer aux projets nuisibles en se fondant sur des motifs d'ordre public : prévention des atteintes au paysage, des risques d'incendie, interdiction des constructions en zone sous-équipée.
M. Jean-Paul Fournier. - Je vous invite à relire une étude historique de 1962 qui démontre les ravages d'une trop grande occupation des sols. La loi Alur est loin d'être une avancée !
Loi Alur et urbanisme breton
M. Yannick Botrel . - Je veux dire la grande inquiétude des élus devant la remise en cause par la loi Alur des secteurs de taille et de capacité d'accueil limité (Stecal). En Bretagne, l'habitat est historiquement dispersé autour de hameaux et de fermes. La loi du 24 mars 2014 rendra impossible toute modification et extension de l'habitat existant. Qu'adviendra-t-il pour les communes déjà très avancées dans l'élaboration de leur PLU ? Il faut revenir vers la loi de 2010.
Mme Sylvia Pinel, ministre du logement et de l'égalité des territoires . - Comme vous le savez, la lutte contre l'étalement urbain est une constante du code de l'urbanisme, de même que la protection des zones naturelles et agricoles.
Des exceptions sont toutefois envisageables pour des bâtiments remarquables. Sensible à votre réflexion, nous engagerons une réflexion sur la possibilité de les étendre à tous les types de bâtiments.
M. Yannick Botrel. - Merci pour votre conclusion. Mon objectif n'est ni la condamnation des terres agricoles ni le mitage. Les maires accordent des extensions réduites, de 40 mètres carrés, pour un habitat qui, je l'ai dit, est historiquement dispersé.
Expropriations à Ivry
M. Christian Cambon . - De la Bretagne, je vous ramène en Ile-de-France, à Ivry, où une zone d'aménagement concerté (ZAC) de 145 hectares est ouverte depuis 2011. Ce projet, qui repose sur l'expropriation, est baptisé « Ivry-Confluences » ; il représente pas moins d'un tiers de la ville. Malgré un semblant de concertation, la population, laissée dans l'incertitude, n'a reçu aucun élément précis d'information sur ce projet alors que la procédure débouchera bientôt sur la signature des arrêtés de cessibilité.
Le bien-fondé de cette entreprise n'est pas discutable, quoique l'on puisse s'interroger sur son gigantisme, mais peut-on, en 2014, conduire des opérations selon des méthodes peu respectueuses des habitants ? Ceux-ci sont mal informés et des indemnisations extrêmement faibles leur sont proposées : 2 000 euros par mètre carré alors que les prix du marché oscillent entre 4 000 et 5 000 euros. Une délégation d'habitants, venue assister à nos débats, attend des réponses.
Mme Sylvia Pinel, ministre du logement et de l'égalité des territoires . - Cette ZAC, essentiellement constituée d'anciennes friches industrielles entre une ligne ferroviaire et le fleuve, fait la part belle au logement, avec 5 000 nouvelles habitations répondant à un objectif de mixité. Le projet a fait l'objet d'un effort particulier de communication sur ses aspects de programmation et de relogement. Le Gouvernement a été très attentif à l'information des habitants. La mairie d'Ivry et l'aménageur s'attachent au relogement des habitants, grâce à une maîtrise d'ouvrage urbaine et sociale. Quatorze propriétaires occupants ont déjà réinvesti dans des logements neufs et huit dossiers sont en cours d'instruction. Les expropriations sont phasées afin que les locataires puissent bénéficier des nouveaux projets immobiliers. Vous le voyez, tout est fait pour répondre aux préoccupations légitimes des habitants.
M. Christian Cambon. - Je ne puis que confirmer la différence entre ce que vos services vous ont dit et la réalité du terrain : les gens n'ont pas accès aux informations. Il serait bon que le préfet rappelle précisément les règles d'information à l'aménageur. Vous n'avez pas évoqué le problème de l'indemnisation ; il ne s'agit pas de contestataires mais de propriétaires modestes, j'y insiste.
Postiers des Hauts-de-Seine
M. André Gattolin . - Depuis le 29 janvier 2014, des postiers des Hauts-de-Seine sont en grève. Au départ, ce mouvement a fait suite au non-renouvellement du contrat d'insertion d'une factrice. Il porte désormais sur la précarisation des conditions de travail. Les facteurs demandent une prime de vie chère, la fin des emplois précaires et des tâches supplémentaires, l'arrêt des réorganisations aboutissant à la suppression d'emplois.
Le nombre de facteurs en grève est estimé à une centaine. Même si la direction de La Poste estime que ce mouvement est très minoritaire, il a des conséquences importantes. Selon les grévistes, des milliers de plis seraient en attente d'être distribués.
Le contrat d'entreprise 2013-2017 précise les engagements en matière de responsabilité sociale de l'entreprise La Poste. Il y est signalé que les attentes des salariés de La Poste à l'égard de leur entreprise évoluent vers quatre axes dont deux doivent être relevés. D'une part, les salariés ont exprimé « une demande de sens et de dialogue sur l'évolution de leur entreprise et de leur travail » et, d'autre part, ils sont « en attente d'un management de proximité attentif ». Pour répondre à ces obligations, La Poste a signé, en janvier 2013, un accord-cadre avec quatre organisations syndicales couvrant l'ensemble du champ de la relation sociale. Comment sortir de ce conflit au plus vite ?
Mme Carole Delga, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire . - Le contrat d'entreprise 2013-2017 comporte un important volet social : 15 000 CDI pour réduire la précarité et une amélioration du dialogue social avant toute réorganisation. Concernant les Hauts-de-Seine, la direction a proposé pas moins de douze protocoles de sortie de crise. Sud Poste 92 a refusé de signer. Pourtant, une réorganisation est nécessaire pour protéger les emplois. Le Gouvernement encourage La Poste à poursuivre le dialogue.
M. André Gattolin. - Oui, « il faut savoir terminer une grève dès que la satisfaction a été obtenue ». Étrange, direz-vous, pour un écologiste de citer Maurice Thorez. Les conditions ne sont pas encore réunies dans les Hauts-de-Seine. Après 160 jours de grève, il convient de trouver une piste : peut-être faut-il explorer celle du « facteur de demain », polyvalent, préférable à des suppressions d'emplois. Les habitants de Rueil-Malmaison, Courbevoie et la Garenne-Colombe ont droit à recevoir leur courrier tous les jours et non une fois par semaine comme actuellement.
Fonds national de garantie individuelle des ressources
M. Jean-Claude Lenoir . - Merci à Mme Delga de me répondre pour Bercy. Certaines communes qui alimentent le fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) sont en grande difficulté à cause du gel de leur cotisation depuis 2010.
Un problème se pose, en particulier, pour les communes isolées ayant intégré une intercommunalité à fiscalité additionnelle après la réforme territoriale du 16 décembre 2010. Certaines ont été placées sous surveillance par la chambre régionale des comptes.
M. Roland Ries avait excellemment interrogé le Gouvernement sur ce problème. Le maintien de ce prélèvement à son niveau fixé en 2010 est d'autant plus pénalisant que la fiscalité intercommunale intègre déjà la part de prélèvement FNGIR mis à la charge de l'EPCI qu'elles ont dû rejoindre, de sorte que les communes subissent deux fois ce prélèvement. M. Ries avait eu droit à une réponse aimable, sans que le problème soit réglé pour autant.
Mme Carole Delga, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire . - Une garantie de ressources a été mise en place à la suite de la suppression de la taxe professionnelle ; pour chaque catégorie de collectivité territoriale, il est fait en sorte que la somme des prélèvements soit équivalente à la somme des reversements. Il ne serait pas normal que la politique de taux des communes ait une incidence sur le mécanisme.
Les communes, pour avoir rejoint un EPCI à fiscalité additionnelle, subissent normalement moins de charges. L'impact de cette opération sur leurs finances doit donc être relativisé. Si elles ont diminué leur taxe d'habitation, elles peuvent, conformément à l'article 37 de la troisième loi de finances rectificative pour 2012, transférer le prélèvement du FNGIR à la charge de l'EPCI, avec l'accord de celui-ci.
M. Jean-Claude Lenoir. - Reste que ces communes sont prélevées deux fois pour la part départementale... En outre, les fonctionnaires de mon département nous indiquent que le transfert du prélèvement à l'EPCI est possible seulement pour les établissements à fiscalité unique. (Mme Carole Delga, secrétaire d'État, le conteste) Je m'en remets à la parole ministérielle. Dans ce cas, c'est une avancée considérable.
Associations d'aide aux victimes
M. Yannick Vaugrenard . - Madame la garde des sceaux, je vous apporte mon soutien total face aux propos de l'ancien président de la République qui, parce qu'il est mis en examen, instille le doute sur l'indépendance de la justice.
M. Éric Bocquet. - Très bien !
M. Yannick Vaugrenard. - Je vous avais déjà écrit à propos des associations d'aide aux victimes, dont le rôle est fondamental. Elles sont présentes sur tout le territoire et fédérées par l'Inavem, Institut national d'aide aux victimes et de médiation. La plupart d'entre elles ont une permanence dans les commissariats afin d'apporter une aide psychologique aux victimes d'infractions.
La baisse de leurs subventions met en péril leurs activités. Il est question d'instaurer une amende pénale demandée aux auteurs d'infractions, dont le produit bénéficierait à ces associations. L'exemple québécois semble donner satisfaction.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice . - Merci de votre mot de soutien. Après quatre années de baisse, j'ai décidé, dès 2013, d'augmenter le budget de l'aide aux victimes de 25,8 %, puis de 7 % en 2014. De ce fait, il est passé de 10 millions à 13,8 millions. J'oeuvre également pour que chaque TGI compte un bureau d'aide aux victimes ; ce sera le cas fin 2014. De plus, une enveloppe de 1,4 million d'euros, au sein du programme de lutte contre les violences faites aux femmes, est dédiée aux associations d'aide aux victimes. Les frais résultant des mesures judiciaires confiées aux associations d'aide aux victimes sont des frais de justice dont le tarif est fixé par le code de procédure pénale.
Dans le projet de loi de réforme pénale, nous avons majoré les amendes pénales sur le modèle québécois. Si les associations de votre département ont un problème particulier, n'hésitez pas à m'en saisir directement.
M. Yannick Vaugrenard. - Trois bonnes nouvelles pour notre justice et notre démocratie. Elles seront un signe d'encouragement pour les associations et de soutien pour les victimes. Pour ces trois bonnes nouvelles, trois grands mercis !
Langue française et diversité linguistique
M. Éric Bocquet . - Voilà vingt ans qu'a été adoptée la loi du 4 août 1994. Chacun s'en souvient, ce texte s'appuyait sur une disposition introduite en 1992, à l'article 2, dans la Constitution : « La langue de la République est le français ». Le décret d'application du 3 juillet 1996 impose l'usage des termes en français dans les services et établissements publics de l'État.
Depuis vingt ans, la mondialisation économique et l'essor des nouvelles technologies ont contribué à l'accélération du recours à un vocabulaire nouveau, essentiellement d'origine anglo-saxonne. Ce débat n'a donc rien de superficiel ou d'anecdotique. L'évolution de notre langue est le marqueur d'une évolution des modes de pensée.
L'enjeu n'est pas seulement linguistique, il est aussi fondamentalement politique, au sens le plus noble du terme. Il ne s'agit pas non plus d'engager une guerre linguistique mais bien de créer les conditions d'un développement harmonieux et mutuellement enrichissant de la diversité linguistique dans nos sociétés. Quelles actions mener aujourd'hui ?
Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication . - Loi du 4 août, la date n'est pas anodine : la maîtrise de la langue est une condition de l'abolition des privilèges.
Nous organiserons un débat au Sénat le 13 octobre sur ce grand texte et, comme vous le savez, sa pertinence aujourd'hui. La question est d'actualité : ainsi, quand des établissements d'enseignement supérieur ont demandé à pouvoir offrir des cours en anglais à des étudiants non francophones, des garanties ont été apportées afin que ces derniers apprennent en même temps le français. Telle est l'approche ouverte que nous privilégions.
Un comité de terminologie est à l'oeuvre pour enrichir notre langue et l'adapter aux évolutions des sciences et des sociétés. C'est essentiel pour notre rayonnement linguistique. Pour la diversité linguistique, j'ai publié un code des langues régionales, sur le modèle des codes Dalloz, et signé un décret le 31 mars pour la diversité des langues dans notre pays. Dans un même mouvement, nous devons concilier la défense de la langue de la République et la République des langues, comme je l'avais dit à l'Assemblée nationale en janvier dernier.
M. Éric Bocquet. - Votre approche n'est pas défensive, c'est heureux. Inutile de construire une ligne Maginot des langues, la connaissance d'une langue étrangère enrichit la connaissance de la nôtre. Que serait La Joconde si toutes les teintes avaient été mélangées en une couleur uniforme ?
Enseignement de l'informatique
Mme Catherine Procaccia . - L'informatique est une science mais aussi une langue. Jusqu'à peu, elle n'était pas encore enseignée dans le secondaire. Depuis 2012, les terminales scientifiques peuvent choisir une option « Informatique et science du numérique » étendue à l'ensemble des terminales à la rentrée de 2014.
Dans son discours aux États-Unis lors de la Us French Tech, le président de la République a dit sa volonté d'encourager l'enseignement de la programmation informatique dans nos collèges. Quel est le calendrier prévu ? Comment les établissements seront-ils choisis pour mener ces expérimentations ? Ces dernières reposeront-elles sur le volontariat.
Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication . - L'apprentissage du numérique par le numérique est l'un des socles de la refondation de l'école. Des enseignements d'informatique sont dispensés dans tous les collèges, ainsi qu'en lycées professionnels et, désormais, en section scientifique. C'est un enseignement d'ouverture et de découverte qui prépare les élèves au monde de demain. Depuis 2013, l'académie de Montpellier expérimente l'extension de cet enseignement aux séries ES et L.
Le Conseil supérieur des programmes s'est saisi du sujet, à l'occasion de la définition du nouveau socle de formation. L'informatique y occupe une bonne place : tous les élèves doivent pouvoir créer des applications simples en fin de collège. L'école supérieure de l'éducation nationale, de l'enseignement et de la recherche se préoccupe de la formation en informatique des enseignants et des cadres administratifs.
Mme Catherine Procaccia. - Un rapport de l'Assemblée nationale, l'an dernier, préconisait l'éveil à l'informatique dès le primaire, et vous me parlez de quelques heures de cours au lycée !
La programmation informatique s'apprend désormais par le jeu, dès le plus jeune âge. La France prend du retard, comme dans le domaine de l'enseignement des langues étrangères, alors que la maîtrise du langage numérique est une condition d'employabilité. L'informatique en 2014 est tout sauf une nouvelle technologie !
École maternelle de Cahors
M. Éric Bocquet, en remplacement de Mme Éliane Assassi . - Mme Assassi m'a demandé de la suppléer. Le maire de Cahors a proposé, sans concertation avec les parents, la suppression d'un poste d'enseignant à l'école maternelle Henri Thamier, dans le quartier populaire de Sainte-Valérie, et donc la fermeture de cette école. Pourtant, la loi de refondation de l'école plaide en faveur du maintien de cet établissement. La scolarisation précoce favorise la réussite des élèves des milieux défavorisés, comme le souligne un rapport de l'Assemblée nationale.
En supprimant un service public, on met en cause la mixité sociale et culturelle. Plus de 50 % des habitants du quartier de Sainte-Valérie n'ont pas de moyens de locomotion, il leur sera beaucoup plus difficile de se déplacer vers une école située à plus d'un kilomètre. Cet obstacle constitue un premier pas vers la fracture sociale et la déscolarisation.
Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication . - Merci d'avoir rappelé nos efforts en faveur de l'égalité des chances. La scolarisation des moins de 3 ans est un gage de réussite et un moyen de lutter contre les discriminations sociales, culturelles et linguistiques dans les quartiers défavorisés.
En 2014-2015, en raison de prévisions d'effectifs en baisse, un poste a été supprimé à Cahors, ce qui a conduit l'équipe municipale à fermer cette école à classe unique, au terme d'une large concertation. Les élèves seront accueillis dans deux établissements situés à moins de 750 mètres, un service de transport scolaire sera mis en place. Les conditions d'apprentissage seront préservées, et même améliorées puisque les 26 enfants concernés seront accueillis dans des structures plus importantes.
Combattre dès le plus jeune âge les inégalités sociales et territoriales, c'est l'engagement de tout le Gouvernement !
M. Éric Bocquet. - Merci. J'insiste sur l'importance de l'école maternelle. Les élèves apprennent plus facilement à lire s'ils arrivent au CP avec un bagage linguistique de deux mille mots que de cinq cents.
Vote électronique des Français de l'étranger
Mme Hélène Conway-Mouret . - Pour l'élection des conseils consulaires les 24 et 25 mai, les électeurs ont pu recourir au vote électronique. En 2012, beaucoup avaient été déroutés par les dysfonctionnements du logiciel, qui implique d'installer une version obsolète de Java. Les mêmes causes ont produit les mêmes effets en 2014... Qu'entend faire le Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargée du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger . - Cette question me donne l'occasion de saluer la réforme de la représentation politique des Français de l'étranger que vous avez conduite, madame Conway-Mouret.
Ce scrutin était inédit pour le ministère des affaires étrangères ; il se déroulait dans 129 circonscriptions, 3 000 candidats se sont présentés -signe de la vitalité démocratique de notre communauté expatriée.
Ce scrutin était également original avec l'utilisation du vote par internet. Pas moins de 482 bureaux de vote ne suffisent pas pour couvrir des zones si étendues. 80 000 de nos concitoyens ont opté pour le vote électronique, ce qui représente 7 % des inscrits et 43 % des votants. Quelques milliers n'auraient pu finaliser leur vote électronique en raison de difficultés informatiques et malgré la ligne d'assistance mise en place par le Quai d'Orsay. Une nouvelle solution sera mise en place afin de se dispenser de Java.
Mme Hélène Conway-Mouret. - Le vote électronique ne peut que se développer. Je suis rassurée par l'engagement du Gouvernement à prendre en compte les dysfonctionnements.
Temps partiel
M. Henri Tandonnet . - Les commerces de détail en fruits et légumes, épicerie et crémerie comptant moins de dix salariés exercent en majorité sur les marchés et, ayant un statut de non sédentaire, n'ont pas les ressources matérielles et humaines suffisantes pour garantir à leurs salariés à temps partiel une durée de travail de 24 heures minimum par semaine. Les dérogations prévues par la loi du 14 juin 2013 ne suffisent pas et les formalités ajoutent encore aux lourdeurs administratives qui entravent le fonctionnement de ces entreprises.
Les commerçants sont contraints de supprimer des emplois et d'augmenter la charge de travail de leurs salariés, ou même la leur. Face à la concurrence toujours plus forte des supermarchés, ils demandent un cadre législatif et réglementaire adapté à leurs spécificités.
Mme Fleur Pellerin, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargée du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger . - La règle des 24 heures hebdomadaires résulte de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, signé par les partenaires sociaux : il s'agit notamment de protéger les femmes contre le travail partiel subi. Des dérogations sont possibles, individuelles ou par branche. Plusieurs accords de branche ont déjà été conclus, notamment dans la restauration rapide, couvrant plus d'un million de salariés.
Le Gouvernement n'aménagera pas, dans la loi, de dérogations sectorielles : ce serait ouvrir la boîte de Pandore. Des solutions existent : beaucoup de branches ont trouvé un accord malgré de fortes spécificités. Le Gouvernement s'attachera à sécuriser le cas de salariés souhaitant passer à plus de 24 heures avec une priorité, sans automaticité.
M. Henri Tandonnet. - Le temps partiel permet à ces commerces d'embaucher ; des associations d'emplois familiaux m'ont aussi alerté. À l'heure où le chômage s'aggrave, cette interdiction est trop générale.
Aquaculture
M. Charles Revet . - L'aquaculture est en stagnation depuis 1995. La France, en pointe dans les années 1970, voit ses productions régresser. La conchyliculture représente une production de 163 000 tonnes de coquillages ; la pisciculture seulement 6 000 tonnes de poisson mais 200 millions d'oeufs embryonnaires ou de larves, dont 66 % sont exportés. Au total, 3 000 entreprises emploient 18 000 salariés pour un chiffre d'affaires de 550 millions d'euros.
La France, qui possède la deuxième plus grande zone économique maritime derrière les États-Unis, ne couvre que 15 % de ses besoins en poissons et crustacés.
La loi de modernisation de la pêche et de l'agriculture a prévu des schémas tout au long du littoral, faisant ressortir les espaces à protéger, ceux où pourraient s'établir des productions aquacoles ou autres activités économiques et, éventuellement, des espaces à classement ultérieur afin de ne pas hypothéquer l'avenir de ces terrains. Quelle application en a été faite ?
L'algoculture, dont les débouchés sont nombreux dans les cosmétiques ou la biomasse, est un gisement à développer. L'aquaculture contribue fortement à la sécurité alimentaire. En 2030, selon la Banque mondiale, plus de 60 % du poisson consommé proviendra de ce secteur.
Il importe d'éviter la concentration de la production au Vietnam, en Chine et au Chili, nuisible pour l'environnement. La pêche française génère un chiffre d'affaires d'1 milliard d'euros et représente 93 000 emplois. Avec l'épuisement des richesses halieutiques, nous devons organiser une économie de substitution.
Mme Fleur Pellerin, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargée du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger . - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Cuvillier. Si la France est le premier pays d'Europe pour l'ostréiculture, elle est très en retrait par rapport à l'Espagne ou la Grèce pour la pisciculture. La France est d'accord avec l'Union européenne pour développer ce secteur. Un plan de développement de l'aquaculture est en cours d'élaboration : simplification des démarches administratives, préservation et exploitation des espaces marins, renforcement de la compétitivité des entreprises via le FEAM, valorisation de l'aquaculture française qui apporte des garanties qualitatives et environnementales.
M. Charles Revet. - Ce dossier vous concerne aussi, madame la ministre, alors que la France importe 85 % de ses poissons et crustacés. Cela participe du déficit de notre balance commerciale.
J'ai proposé, il y a longtemps, d'élaborer des schémas sur le territoire car il faut de l'espace pour les fermes aquacoles. Or, on continue de classer tous les terrains et on décourage les entrepreneurs. Les schémas prévus en 2009 se font attendre. L'administration n'est-elle pas là pour appliquer ce qui a été voté par le Parlement ?
Contrat de plan de la vallée de la Seine
Mme Catherine Morin-Desailly . - Le 22 novembre 2012, le ministre des transports annonçait la volonté de l'État de revoir la gouvernance de l'axe-Seine.
Il aura fallu pourtant attendre six mois pour que soit nommé un délégué interministériel, par décret du 24 avril 2013, faisant table rase du rapport rédigé par le commissaire au développement de l'axe-Seine en février 2012.
L'État a également refusé, au mépris du travail réalisé et du consensus parmi les élus locaux, la création d'un pôle métropolitain de l'estuaire qui aurait été une force motrice pour le développement de l'axe-Seine.
Les conseils économiques, sociaux et environnementaux des trois régions d'Ile-de-France, de Basse-Normandie et de Haute-Normandie et les chambres de commerce et d'industrie ont demandé des « moyens exceptionnels et proportionnés à l'ampleur de l'ambition. ». Pas moins de 700 millions d'euros vont être investis sur la base de la charte « Compétences totalement Estuaire » afin d'attirer les entreprises. Les acteurs de la société civile avancent. Où en sont les négociations sur le contrat de plans ? Il est temps de donner vie à l'axe-Seine.
Mme Fleur Pellerin, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargée du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger . - La nomination d'un délégué interministériel montre que le Gouvernement reconnaît la spécificité de cet espace. Le schéma stratégique sera décliné en un contrat de plan interrégional État-régions pour la période 2015-2020. Les études réalisées par le commissaire au développement ont été utilisées.
Pour préparer ce schéma, des groupes de travail ont été créés -déplacements, réseaux et flux, gestion de l'espace et excellence environnementale-, associant tous les acteurs. Il sera validé en septembre. Préfectures et collectivités travaillent déjà, de concert, à son application. Les engagements financiers de l'État seront honorés. Pour ce qui est de la ligne nouvelle Paris-Normandie, les décisions du comité de pilotage du 29 janvier dernier devraient aboutir à une déclaration d'utilité publique d'ici la fin de la décennie. La méthodologie participative et l'étroite coopération entre l'État et les régions sont un gage de succès.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Démarche participative ? Les parlementaires n'y ont pas été associés. (M. Charles Revet le confirme) Les acteurs déplorent l'atonie du processus.
Pourquoi le veto de l'État au pôle métropolitain « Estuaire » ? Je ne comprends pas. M. Fabius en avait été le promoteur, aux côtés des élus de tous bords.
M. Charles Revet. - Très bien !
Réforme territoriale
M. Charles Revet, en remplacement de M. Jean-François Humbert . - Ma commune appartenait à ce pôle métropolitain : la question de Mme Morin-Desailly était judicieuse.
M. Humbert s'interroge sur la pertinence de la réforme territoriale annoncée par le Gouvernement. Ses objectifs sont la lisibilité, l'efficacité par la clarification des compétences et une meilleure gestion des deniers publics. La réforme est indispensable, mais dans quelles conditions ?
En 2009 et 2012, M. Humbert a consulté l'ensemble des maires du Doubs pour connaître leurs positions et leurs attentes. Majoritairement, les élus demeurent attachés au conseil général pour sa compétence sociale, à la région pour sa compétence économique. Ils ne souhaitent pas un transfert supplémentaire de compétences vers les intercommunalités existantes.
Cette réforme structurelle doit être travaillée dans la concertation, en tenant compte des réalités et de la diversité des territoires, plutôt qu'adoptée à des fins électorales.
Mme Fleur Pellerin, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargée du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger . - La concertation avec les élus et les habitants est la méthode du Gouvernement, et depuis les états généraux des collectivités territoriales de 2012. Le Parlement a été associé, qui a créé les conférences territoriales. Pour la réforme territoriale, la même méthode est suivie : consultation des associations d'élus, tour de France des régions. Les départements n'ont pas démérité mais leur structure n'est pas immuable. Loin d'être électoraliste, cette réforme, d'ampleur, est profondément progressiste et bien comprise par les Français, qui attendent des services publics plus efficaces. Ce sont les élus qui la mettront en oeuvre.
Le Gouvernement a choisi d'aller vite pour ne pas laisser le débat s'enliser et les conservatismes s'affirmer. Le Premier ministre a invité le Sénat à faire preuve d'imagination en ce qui concerne l'avenir des territoires ruraux et des conseils généraux.
M. Charles Revet. - Manifestement, votre projet ne convient pas à la majorité des sénateurs... Il y a un besoin de proximité. Les maires s'inquiètent de l'avenir des petites communes et de l'écart qui va se créer entre les grandes régions et le bloc communal, en l'absence de départements.
Espaces territoriaux de solidarité et de réciprocité
Mme Anne Emery-Dumas . - On invite fortement les élus locaux à revoir les périmètres des espaces territoriaux de solidarité et de réciprocité. Les préfets, en application de la loi du 27 janvier 2014, ont engagé la consultation avec les syndicats mixtes reconnus comme pays avant l'entrée en vigueur de la loi du 16 décembre 2010 : l'objectif est leur transformation rapide en pôles d'équilibre territoriaux ruraux (PETR). Les EPCI à fiscalité propre composant ces syndicats mixtes disposent d'un délai de trois mois à compter de la notification du projet de transformation pour s'opposer éventuellement à celle-ci.
En outre, le projet de réforme territoriale invite dès à présent les élus municipaux et intercommunaux à travailler à des regroupements afin de dessiner, d'ici le 1er janvier 2017, une carte de l'intercommunalité autour d'espaces comptant au moins 20 000 habitants. Or, le périmètre des PETR est constitué d'EPCI ; impossible donc de fixer les premiers sans avoir finalisé le travail sur les périmètres des futurs EPCI. Les élus demandent un peu de temps pour travailler.
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale . - Le PETR, créé par la loi du 27 janvier 2014, est un outil de développement et de mutualisation au service des communes, au fonctionnement souple.
Vous évoquez justement la difficile articulation entre la mise en place des PETR et l'élaboration de la nouvelle carte des intercommunalités. Premièrement, la transformation des pays en PETR ne sera pas automatique. Deuxièmement, si le PETR est créé, son périmètre pourra évoluer avec le projet de loi de réforme territoriale présenté à l'automne. Enfin, dans certains cas, mieux vaut attendre la nouvelle carte de l'intercommunalité pour créer un PETR.
Mme Anne Emery-Dumas. - Les élus nivernais suivront sans doute votre conseil.
Associations d'aide à domicile
M. Didier Marie . - L'État a confié aux départements la charge de financer l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), puis la prestation de compensation du handicap (PCH). Le conseil général de la Seine-Maritime délivre l'APA à 28 000 personnes, pour un budget supérieur à 120 millions d'euros en 2013 -un taux bien supérieur à la moyenne nationale.
Malgré cet important effort, plusieurs associations d'aide à domicile connaissent des difficultés, l'une d'elles a été placée en liquidation judiciaire et plus de 450 salariés sont menacés. D'autres associations mettent en oeuvre des plans de sauvegarde de l'emploi. Elles viennent de lancer un SOS au conseil général.
Une aide exceptionnelle d'1,3 million d'euros a été versée, un schéma de modernisation du secteur adopté. Mais le conseil général ne peut pas tout. Le secteur commercial exerce sa concurrence, alors que la convention collective de branche du 1er janvier 2012 s'applique aux seules associations.
Dans quels délais le projet de loi d'orientation et de programmation pour l'adaptation de la société au vieillissement sera-t-il présenté au Parlement ? Est-il possible d'harmoniser les conventions collectives ?
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale . - Au-delà des mesures de soutien comme la mobilisation du fonds de restructuration de l'aide à domicile, dont la Seine-Maritime a bénéficié à hauteur de 1,2 million d'euros, le Gouvernement a choisi d'apporter une réponse pérenne avec le projet de loi d'adaptation de notre société au vieillissement qui prévoit, ce qui n'est pas rien en ces temps difficiles, un financement de 645 millions d'euros par an : 185 millions d'euros pour l'anticipation du vieillissement, 460 millions d'euros pour l'accompagnement dont 375 millions pour la revalorisation de l'APA à domicile. Lors de la montée en charge du dispositif, il est prévu 84 millions d'euros pour l'adaptation des logements.
La Casa sera intégralement utilisée pour l'application de cette loi. L'accessibilité aux prestations sera renforcée. Une meilleure réponse aux besoins et plus de justice sociale, tels sont les objectifs. Le Gouvernement veut aller vite : le texte, adopté en conseil des ministres le 3 juin dernier, a été transmis à l'Assemblée nationale. La commission des affaires sociales l'examine pour une première lecture à la rentrée.
Cela ne règlera pas toutes les difficultés des associations. Il faudra restructurer, moderniser et professionnaliser les services essentiels. L'accord de branche du 21 mai 2010, conclu après dix ans de négociations, est entré en vigueur le 1er janvier 2012. Il remplace quatre textes.
Le secteur privé lucratif a, quant à lui, conclu une convention le 3 avril 2014, qui a été d'harmonisation étendue.
La poursuite de ces efforts dépend maintenant des partenaires sociaux, le Gouvernement leur fait confiance.
M. Didier Marie. - Mme Rossignol a annoncé un plan en septembre pour l'aide au domicile, je m'en réjouis, comme de votre réponse.