Protection sociale et allégement des charges des entreprises
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution relative au financement de la protection sociale et à l'allégement des charges des entreprises, présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution.
Discussion générale
M. Serge Dassault, auteur de la proposition de résolution . - Cette proposition de résolution vise à favoriser les entreprises qui participent à la croissance et à l'emploi. Ainsi, les charges sur salaires sont presqu'égales aux salaires nets : le coût total du salaire est donc le double. Cette situation date de la création de la sécurité sociale, quand il fut décidé de financer la protection sociale par des taxes sur les salaires, quand d'autres pays les financent par l'impôt. Pour 2012, pour 400 milliards d'euros de salaires nets versés, le montant total des charges payées par les entreprises s'élève à 327 milliards, soit presqu'autant que le montant des rémunérations versées aux salariés, dont 183 pour le chômage, la retraite, les accidents du travail-maladies professionnelles et la formation ; le reste, 144 milliards, finançant l'assurance maladie et la branche Famille -qui devraient relever de l'État, et non de l'entreprise.
En réduisant ces charges, on augmente la possibilité d'embaucher. Comment financer la sécurité sociale autrement que par les contribuables, surchargés d'impôts, ou par l'État, dont la situation budgétaire est critique ? C'est l'objet de cette proposition de résolution. Elle propose d'asseoir le financement des branches Maladie et Famille sur le chiffre d'affaires, diminué de la masse salariale, avec un coefficient d'activité pour diminuer le coût de la main-d'oeuvre et ainsi, favoriser embauches et augmentations de salaire. Ce coefficient serait de 4,7 : 0,4 % du déficit rapporte 10 milliards de recettes à l'État.
Cette proposition sert l'entreprise, l'État et les salariés. Les entreprises embaucheront, les branches Famille et Maladie seront équilibrées. Il n'y aura plus de taxation en cascade, on ne distinguera plus salaire net et salaire brut. Nous proposons que les services de l'État analysent plus en profondeur cette idée, d'où cette proposition de résolution.
On ne peut jamais satisfaire tout le monde. L'intérêt général, aujourd'hui, passe par les entreprises qui produisent et tirent la croissance. Cette proposition de résolution n'engage personne, ne coûte rien et permettra des études complémentaires utiles. À Bercy de dire si elle aurait des avantages ou des inconvénients.
Mme Éliane Assassi . - Je reconnais un certain talent aux auteurs de cette proposition de résolution. Nous avons, grâce à eux, un échange sur ce sujet important. Votre groupe avait, dans un premier temps, déposé une proposition de loi réduisant de 44 % la part patronale des cotisations sociales. Elle était loin de faire l'unanimité, même au sein de l'UMP -d'où cette proposition de résolution qui anticipe le débat que nous aurons sur le fameux pacte de responsabilité qui, avec la défection de la CFDT dans toutes les caisses, ne réunira plus que le Medef et le Gouvernement...
Le postulat est que le coût du travail entraverait la compétitivité de la France. Cette proposition de résolution préconise donc de faire financer la branche Famille et la branche Maladie par la solidarité nationale et non par l'entreprise. Nous ne partageons pas ce postulat. Les exonérations de cotisations sociales existent depuis vingt ans -et n'ont jamais empêché la compétitivité de nos entreprises de fléchir continument, sans doute à cause de la progression ininterrompue du coût du capital : les distributions de dividendes des entreprises du CAC 40 ont crû de 6 % en 2013, pour atteindre 39 milliards d'euros, alors que les profits baissaient de 8 %.
Ces exonérations n'ont cessé de se multiplier, pendant que les gouvernements successifs en faisaient payer le coût par les salariés et les assurés. Cela a ouvert des trappes à précarité, comme l'a relevé la Cour des comptes.
Les allégements dits Fillon auraient sauvegardé 250 000 à 500 000 emplois, lit-on, ce qui est invérifiable.
À cette aune, l'État subventionnerait chaque emploi à hauteur de 75 000 euros ! Selon l'OFCE, le coût du CICE par an et par emploi s'élèverait à 130 000 euros, bien loin de l'efficacité proclamée ! Au regard de ces éléments, vous comprendrez que nous rejetions cette proposition de résolution, comme nous rejetons le pacte de responsabilité. Les coupables ne sont pas les salariés -mais la finance !
Ces allégements viennent en réalité augmenter les marges de profit à l'export. Mais on préfère s'attaquer aux hommes et aux femmes qui produisent la richesse plutôt qu'à la finance. Il existe pourtant des voies alternatives, comme la taxation des revenus financiers des entreprises. Cette proposition de résolution préconise en réalité le retour de la TVA sociale, qui pèserait essentiellement sur les ménages. Comment ne pas nous opposer au projet de sortir de la sécurité sociale la branche Famille -revendication ancienne de la droite et du Medef et aujourd'hui d'une partie de la gauche- et la branche Maladie, c'est une aberration ! Comment croire que la santé des travailleurs n'ait pas d'impact sur la production ? Convaincus de la pertinence économique et sociale de ce système, nous souhaitons l'étendre, quand cette proposition de résolution veut la vendre à la découpe !
Mme Nicole Bricq . - M. Dassault nous fait une proposition forte. Nos concitoyens persistent à tomber malades, les jeunes générations à avoir des enfants. Vous proposez de faire financer ces coûts par l'impôt -ce qui est étonnant de votre part, qui prônez par ailleurs des baisses d'impôts... Comment comptez-vous, alors, financer ces branches ? Par la TVA, l'impôt sur le revenu, l'ISF ? Vous ne le dites pas.
À vous entendre, la baisse du coût du travail serait la panacée. Avez-vous évalué le retour sur investissement ? Les investissements ont-ils assuré la montée en gamme de nos produits ? Comment se répartit la dépense en recherche et développement ? Quid de la formation des personnels ? La loi du 5 mars 2014 a apporté des améliorations notables sur la formation continue et l'alternance. Voilà les questions que vous ne posez pas. Rien n'est mécanique : rien ne garantit que les gains engendrés par les entreprises via une telle réforme iraient à l'investissement et à l'emploi. Nous avons l'impression que cette proposition de résolution repose sur un présupposé, pour ne pas dire un préjugé. L'impact sur l'emploi des exonérations de charges sociales est très variable : il est évalué entre 400 000 et un million d'emplois. Autant dire que les estimations ne sont pas fiables. Certains experts présument qu'un transfert vers la fiscalité du financement des branches Famille et Maladie créerait 62 000 emplois à condition que la croissance suive. Les exonérations franches de cotisations sociales sur les bas salaires entraînent un cycle de croissance et d'emploi, et profitent aux PME. Encore faut-il que les salaires progressent à mesure que les salariés gagnent en qualification. La négociation de branche doit se pencher sur ce point. Le pacte de responsabilité prévoit 10 milliards d'euros d'allégements de charges, dont près de la moitié pour les bas salaires, jusqu'ici 1,6 Smic. « Zéro charge au niveau du Smic », le slogan est clair. L'effet est évalué à 160 000 emplois. Le CICE représentera 20 milliards d'euros en année pleine. Selon la Dares, le Gouvernement en attend 300 000 créations ou sauvegardes d'emplois d'ici 2017. Il doit avoir un impact positif sur l'investissement, mais s'agira-t-il d'investissement d'innovation ou de remplacement et d'entretien ?
Louis Gallois, le 21 mai, rappelait, devant notre mission commune d'information sur l'impact sur l'emploi de la baisse des cotisations, l'exemple de Michelin : ses pneus sont plus chers que ceux de ses concurrents mais se vendent mieux car ils sont de meilleurs qualité.
Le coût du logement représente 16 % des salaires en Allemagne, 26 % en France. Les ménages allemands paient plus cher leur électricité, pour que les industries électro-intensives paient moins cher. Bref, il faut tout un ensemble de mesures en faveur de la croissance. La priorité est de retrouver la confiance des acteurs économiques -les chefs d'entreprise, mais aussi les salariés. S'il y a un modèle allemand, c'est dans la capacité à négocier et à tenir les engagements. Prenons en compte le facteur de cohésion sociale, qui garantit notre manière de vivre ensemble. Votre proposition de résolution ne se pose pas ce genre de question. Je vous reconnais toutefois de la continuité dans vos idées !
Nous y reviendrons lors du projet de loi de finances rectificative et du projet de loi rectificative de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. André Gattolin . - C'est avec beaucoup d'intérêt que les écologistes ont étudié cette proposition de résolution. La question de fond -celle de la répartition des charges et des coûts- mérite d'être posée. Relevant de logiques différentes, on peut imaginer que les branches de sécurité sociale soient financées différemment. Mais cette proposition de résolution ignore nombre d'autres dépenses qui ne sont pas prises en charge par les entreprises mais bien par la collectivité : la formation préalable des futurs salariés, qui n'est pas financée par les entreprises, contrairement aux États-Unis. Or, l'enseignement supérieur offre des formations de plus en plus professionnalisantes, recherchées par les entreprises. Citons aussi les externalités négatives, en matière de pollution.
À lire ce texte, on croirait qu'aucune concession n'a jamais été faite aux entreprises pour réduire leurs charges... Or, les grandes entreprises sont celles qui paient proportionnellement le moins d'impôts, par rapport aux PME. Cette proposition de résolution perpétue le mythe des grandes entreprises, « fleurons nationaux », alors que ce sont les PME qui font la richesse de la France. Le succès de l'Allemagne tient d'ailleurs à son tissu de PME.
Autre idée fort répandue : tout serait imputable au coût du travail. C'est oublier l'importance du dumping fiscal. Dans ce domaine, la politique européenne est défaillante puisqu'elle prescrit le crédit d'impôt sectoriel. Nous aurions volontiers soutenu une proposition de résolution européenne pour une vraie politique industrielle appuyant la création d'une commission en charge des stratégies industrielles, pour contrebalancer le poids excessif -de l'aveu même de M. Barnier- de la commission de la concurrence.
Les entreprises électro-intensives françaises paient leur électricité 15 à 20 % moins cher que les Allemands.
M. Gérard Longuet. - Grâce au nucléaire !
M. André Gattolin. - Nous en reparlerons. Vous ne dîtes rien du moyen de financer par l'impôt cette réforme : réduction drastique des dépenses, hausse de la CSG, TVA sociale ? Le groupe UMP était naguère plus précis dans ses propositions...
Le groupe écologiste votera contre cette proposition de résolution. (M. Claude Dilain applaudit)
M. Gérard Longuet . - Je remercie M. Dassault de son obstination et de sa persévérance afin d'engager ici un débat de fond sur la compétitivité de nos entreprises. Le groupe UMP tout entier a soutenu l'idée d'une proposition de résolution. M. Dassault avait conçu une proposition de résolution qui ouvrait un débat de fond mais le dispositif n'était pas encore assez approfondi. La procédure de l'article 34-1 est plus adaptée pour aborder le problème majeur de la relation entre entreprise et protection sociale. Il s'agit de ne pas pénaliser les entreprises qui font confiance à la main-d'oeuvre et s'appuient sur elle. Cette proposition de résolution a le mérite d'ouvrir le débat, sans aller jusqu'à trouver une solution.
Elle s'inscrit dans une actualité brûlante : nous aurons bientôt le débat sur le CICE ; nous avons la mission d'information de la commission des affaires sociales sur l'impact des exonérations de charges sociales sur l'emploi.
Le problème n'est pas nouveau. Ce qui est nouveau, c'est que depuis 1993, la France ne peut plus utiliser la dévaluation pour ajuster les coûts de production. Depuis 1945, si la France n'a pas toujours été bien gérée, c'est en vérité qu'elle n'a jamais été parfaitement responsable : comment expliquer, sinon, que la différence entre le franc et le mark soit de 1 à 4 ? Nous avons constamment dévalué, repoussant la lancinante question du financement de nos dépenses sociales. Il n'y a pas de complot des capitalistes : ceux-ci sont des opportunistes, ils s'adaptent aux opportunités. Ce sont les consommateurs, par leur démarche d'achats à bon marché, qui font la mondialisation. Les accords politiques du libre-échange servent davantage à entériner des situations de fait qu'à les créer.
Le groupe UMP est totalement unanime sur ce premier point de la proposition de résolution : il y a des dépenses sociales liées au travail et d'autres, celles liées à la santé en particulier, qui sont l'expression d'une politique de solidarité et d'une vision collective. La politique familiale est, elle, fondée sur une certaine conception de la société, de la famille et non menée en fonction de l'intérêt des entreprises, bien que celles-ci puissent en bénéficier indirectement.
Les accidents du travail et maladies professionnelles relèvent en revanche exclusivement de l'entreprise, ainsi que l'indemnisation du chômage.
Sur les retraites, on considère en France, depuis 1940, qu'il s'agit d'un salaire différé et que l'employeur en a la responsabilité.
La proposition de résolution écarte de la responsabilité de l'entreprise la formation et l'apprentissage. On peut en discuter. La formation initiale ne relève pas d'elle ; il y a des formations très proches du marché du travail. Il y a aussi une zone grise, qui mériterait d'être étudiée de plus près.
En revanche, la santé, la politique familiale sont assurément des charges qui doivent peser sur l'ensemble de la collectivité. Ce premier point de la résolution fait, je l'ai dit, l'unanimité.
Le deuxième point est un acte de foi : les charges sociales ne doivent pas décourager les employeurs. Pour l'expression de la solidarité, nous nous sommes efforcés de trouver un système qui ne pénalise pas les entreprises qui cherchent l'emploi davantage que la valeur ajoutée fondée sur le négoce. La frontière est difficile à établir... Les pays en développement ne peuvent impunément conquérir sans cesse des marchés s'ils ne respectent pas les travailleurs. L'importation qui s'appuie sur un négoce d'importation sans valeur ajoutée sur notre territoire doit, en vertu de cette logique, contribuer au financement de la protection sociale dans notre pays.
Serge Dassault y a introduit un élément de compétitivité reposant sur l'investissement technique. Je me réjouis qu'il ait pris en compte cette ouverture demandée par de nombreux membres de notre groupe, afin de ne pas pénaliser la nécessaire modernisation des entreprises.
Lorsque Pierre Laroque a conçu le système universel de sécurité sociale, l'idée paradoxale était de pénaliser l'emploi. À l'époque, la modernisation, la mécanisation de l'industrie française étaient une exigence absolue. Ce système a fonctionné jusqu'au premier choc pétrolier. Il a ensuite été déstabilisé, jusqu'en 1982 où les initiatives du gouvernement Mauroy ont renchéri le coût du travail. Les pouvoirs publics ont ensuite été entraînés dans une politique d'allégement des charges sociales. Président de la région Lorraine de 1992 à 2004, je puis témoigner qu'il y a dix ans, les coûts salariaux allemands sur les emplois industriels étaient de 15 à 20 % supérieurs aux coûts salariaux français chargés ; nous étions, dix ans plus tard, au même niveau et nous sommes aujourd'hui parfois plus cher....
En contrepartie, le paritarisme imaginé par Pierre Laroque a volé en éclat et l'État a pris la relève. La protection sociale est assurée par des cotisations sur les salaires pour un peu moins de 60 % et à environ 40% par la fiscalité, la CSG essentiellement. L'appel de Serge Dassault tend à engager une réflexion sur ce qui relève des entreprises et ce qui doit être financé par la solidarité nationale. Il propose une taxe sur le chiffre d'affaires qui sera allégée des charges déjà payées sur les salaires. Pour l'énarque que je suis, qui se soigne régulièrement au suffrage universel, cette vision est plutôt novatrice...
Il est vrai que depuis l'invention de la TVA par Maurice Lauré, on craint l'effet cascade. Celui-ci, madame Bricq, a lieu quand le rapport entre l'entreprise et le client est favorable à celle-là. Telle n'est pas notre situation : on n'en est plus aux listes d'attente pour acheter une voiture... Il faut tenir compte de l'offre et de la demande. Les entreprises ont du mal à vendre, elles seront vraisemblablement contraintes d'intégrer une hausse dans leurs marges.
L'effet cascade ne pèsera pas sur le consommateur mais sur l'excédent brut d'exploitation des entreprises -ce qui peut être une source de préoccupation. Oui, monsieur Gattolin, il y a d'autres compétitivités que la compétitivité-coût. Mais pour conquérir des marchés, inventer des produits nouveaux, il faut des investissements. L'excédent brut d'exploitation des entreprises françaises est déjà inférieur de 10 % à la moyenne européenne... Je déborde mon temps de parole mais le sujet me passionne... (Sourires)
Cette proposition de résolution a le mérite du courage, le bénéfice de l'expérience et non de l'intérêt personnel, car elle est défavorable à l'industrie aéronautique et favorable à l'industrie de main-d'oeuvre dont notre pays a tant besoin. (MM. Serge Dassault et Yves Pozzo di Borgo applaudissent)
M. Yves Pozzo di Borgo . - Ce qu'affirme cette proposition de résolution, nous ne cessons, avec les membres du groupe UDI-UC, de le dire depuis des années : nous savons que le mode de financement de notre protection sociale est obsolète.
Tous les paramètres se sont retournés depuis la création de la sécurité sociale. Certaines de ses branches, Santé et Famille, aux prestations universelles, n'obéissent plus à une logique assurantielle. On ne peut pas dire, cependant, que le système n'ait pas évolué. La fiscalisation est heureusement engagée depuis les années 1990 ; la part des impôts, dont la CSG, représente à peu près 35 % du total.
Le financement de la protection sociale pèse trop lourdement sur la production en général et sur le travail en particulier. La compétitivité des entreprises en est obérée, toute l'activité s'en ressent. Cela nuit à l'emploi, favorise les délocalisations et le remplacement du travail par le capital. (M. Gérard Longuet approuve) Plus le travail est chargé, moins il y a d'incitation à reprendre l'emploi. La France est dans le trio de tête des pays européens en matière de fiscalité globale. Pire, elle taxe relativement peu la consommation et beaucoup le travail et le capital ; la part des contributions sociales est la plus importante de l'Union européenne, 17 %, la contribution des employeurs en représentant plus des deux tiers. Ce sont les consommateurs, les contribuables, les salariés qui paient in fine. Et je ne parle pas de l'aléa économique : ce mode de financement met les comptes sociaux à la merci des retournements de conjoncture.
Chômage, AT-MP, retraite sont des dépenses contributives et doivent en toute logique continuer à être financées par les entreprises. Mais la santé et la famille sont coupées du monde du travail, les prestations sont servies à tous. La solidarité nationale devrait être financée par l'impôt. Mais sur quelle assiette ? C'est là que le bât blesse.
Le groupe UDI-UC défend une logique de taxation de la consommation. Jean Arthuis a prôné la TVA sociale car elle revient à taxer les importations. Mais nous ne sommes pas fermés à d'autres pistes comme celle du chiffre d'affaires diminué de la masse salariale, qui avantagerait les groupes les plus intensifs en main-d'oeuvre. Cette idée doit être analysée, évaluée. Le Parlement pourrait ainsi être éclairé, mais il n'a pas les moyens dont dispose Bercy, plutôt fermé dès qu'il s'agit d'analyser les conséquences des décisions que nous pourrions prendre...
La piste du revenu des ménages n'est pas la bonne.
M. Gérard Longuet. - C'est vrai !
M. Yves Pozzo di Borgo. - Je rappelle qu'à Paris, 80 % de la population gagnent moins de 1 800 euros par mois. Reste la flat tax, non évoquée par la proposition de résolution, telle la CSG. (M. Gérard Longuet approuve)
Nous voterons la proposition de résolution. Au-delà, le Gouvernement doit prendre le problème à bras-le-corps. La réforme structurelle, qui n'a que trop tardé, ne peut être repoussée indéfiniment. (MM. Gérard Longuet et Serge Dassault applaudissent)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget . - Cette proposition de résolution porte sur un sujet lourd, le financement de la protection sociale et ses effets économiques. Ce débat n'est pas nouveau mais a une actualité nouvelle. Les conclusions du rapport Gallois de décembre 2012 sont traduites par le pacte de responsabilité et de solidarité, que la loi de finances rectificative met en oeuvre.
Tout le monde s'accorde sur le caractère contributif des cotisations sociales de la branche AT-MP ; la branche Vieillesse est aussi essentiellement contributive. On peut s'interroger davantage sur le caractère contributif des branches Maladie et Famille, universelles, qui sont sans lien avec le montant des cotisations. Certaines prestations d'assurance maladie, par exemple les indemnités journalières, dépendent du niveau des salaires. Ne reposant pas principalement sur des mécanismes assurantiels, on pourrait considérer qu'elles ne relèvent pas des entreprises, mais ce serait simpliste.
Les prestations d'assurance maladie et les allocations familiales font de notre pays l'un de ceux où la population est globalement en bonne santé, l'expérience de vie longue et l'économie dynamique ; l'emploi des femmes y reste au-dessus de la moyenne européenne, sans doute en partie grâce aux prestations familiales. Tous éléments qui bénéficient aussi aux entreprises. Il est trop simple de distinguer, comme le fait la proposition de résolution, les prestations par nature contributives et celles qui, par nature, ne le seraient pas.
Sur les transferts de prélèvements préconisés, plusieurs pistes sont envisagées, dont un transfert des cotisations patronales considérées comme non contributives sur une nouvelle assiette, le chiffre d'affaires diminué de la masse salariale, ce qui serait favorable aux entreprises intensives en main-d'oeuvre. Les prélèvements sociaux pèseraient sur les autres composantes de la valeur ajoutée des entreprises -autofinancement, rémunération du capital- et les consommations intermédiaires.
M. Gérard Longuet. - Exact.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Pour les entreprises où la main-d'oeuvre représente une faible part de la valeur ajoutée et où les consommations intermédiaires sont importantes, comme de nombreuses entreprises industrielles, ce transfert serait certainement défavorable et perturbateur pour l'économie.
En outre, les recettes sociales varieraient beaucoup d'une année à l'autre, ce qui serait néfaste pour les comptes publics et l'économie.
La part des cotisations sociales sur les revenus d'activité a déjà fortement reculé depuis vingt ans. Les cotisations sont désormais minoritaires dans le financement de l'assurance maladie, même si elles sont encore majoritaires dans le financement de la branche Famille.
Le Premier ministre a chargé, en décembre 2013, le Haut conseil du financement de la protection sociale d'étudier les voies de financement des différentes branches de la sécurité sociale, en envisageant une réduction des prélèvements sur le seul facteur travail. Dans son rapport, le Haut conseil estime que la baisse des cotisations sociales des entreprises aurait des effets potentiellement favorables sur l'emploi, au moins en apparence, mais que le transfert aurait des inconvénients qui les contrebalanceraient, quelle que soit l'assiette choisie, TVA ou CSG. Taxer la consommation, hors taxes comportementales et tabac, c'est augmenter la TVA. On en mesure les conséquences... Quant aux autres impôts sur les ménages, ils financent déjà dans une proportion importante les branches Maladie et Famille.
Le Gouvernement a choisi d'autres voies pour réduire le coût du travail et favoriser l'emploi et l'investissement productif. Nicole Bricq a rappelé que les cotisations salariales ne sont qu'un élément de la compétitivité des entreprises françaises. Ainsi, la gamme des produits de l'industrie allemande est-elle supérieure.
Le CICE soutient l'emploi, avec un allégement de 20 milliards d'euros en régime de croisière de l'imposition qui pèse sur le travail. Le pacte de responsabilité et de compétitivité amplifie l'effort en direction des bas salaires, pour 4,5 milliards d'euros. L'investissement productif est aussi soutenu car il conditionne la prospérité du pays à court et à long terme. La suppression progressive de la C3S, la disparition de la cotisation exceptionnelle de l'impôt sur les sociétés et la perspective d'une baisse de son taux normal contribuent à cette politique. Des mesures d'économies exceptionnelles ont été prises pour maîtriser la dépense publique et financer le pacte ; les dépenses sociales y prennent leur part.
Madame Assassi, 2,5 milliards d'euros de réduction des cotisations des salariés sont inscrits dans le projet du Gouvernement que vous examinerez prochainement, de même que plus d'1 milliard d'euros de réduction, dès septembre, de l'impôt dû au titre des revenus de 2013. On ne peut donc pas prétendre que le pacte de solidarité ne s'adresse qu'aux entreprises.
Le Gouvernement propose une autre voie que celle des auteurs de la proposition de résolution pour améliorer la compétitivité des entreprises, qui ne présente pas les mêmes inconvénients. Je vous invite à travailler avec le Gouvernement en ce sens. Nous y reviendrons prochainement. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
M. le président. - La Conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explications de vote.
À la demande du groupe UMP, la proposition de résolution est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°201 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Pour l'adoption | 167 |
Contre | 178 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Prochaine séance lundi 23 juin 2014 à 16 heures.
La séance est levée à 20 h 5.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques