Débat sur le sport professionnel et les collectivités territoriales
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat sur les conclusions de la mission commune d'information sur le sport professionnel et les collectivités territoriales, à la demande de la mission commune d'information et du groupe RDSE.
M. Michel Savin, président de la mission commune d'information . - La mission commune d'information que j'ai eue l'honneur de présider a rendu son rapport le 29 avril dernier, rapport assorti de 33 propositions. Je remercie notre ancien rapporteur, M. Mazars, qui s'est impliqué jusqu'au bout dans ce travail. Celui-ci fait suite à de nombreuses études : le rapport éclairant de la Cour des comptes de 2009, celui de la mission d'évaluation de la politique de soutien au sport professionnel et le rapport sur le fair-play financier, monsieur le ministre, que vous avez rendu en 2013 quand vous étiez encore député. L'objectif n'était pas un rapport de plus, il était de réfléchir à un nouveau mode de gouvernance du sport professionnel dans le contexte budgétaire et financier des collectivités territoriales et de tenir compte du modèle européen qui se met en place. Si nous souhaitons que nos clubs portent haut nos couleurs, nous ne pouvons ignorer ce qui se fait à Arsenal, à Schalke 04, et au Bayern de Munich, comme à la fédération anglaise de rugby ou au tournoi de tennis de Wimbledon.
Quelles conclusions tirer du rapport ? D'abord, les clubs européens, et c'est une forte différence avec la France, ne reçoivent pas de subventions publiques. Ensuite, les stades sont considérés comme des actifs à part entière à rentabiliser, avec les loges VIP et les places Premium. Enfin, pour remplir leur rôle social et civique, les clubs ont des fondations sociales et des fonds de dotation : 40 millions de livres sont investis par les clubs de Premier league ; en France, seuls cinq clubs disposent de telles fondations pour un budget de 400 000 euros seulement.
Nous recommandons un changement du mode d'organisation du sport professionnel français. Une évolution est déjà en cours avec la construction des stades des clubs de Lyon et du Racing Métro 92 et le projet de grand stade de la Fédération française de rugby. Les initiatives en ce sens sont disparates. Cela interroge notre système français.
Premier changement majeur à amorcer, la fin des subventions sans contrepartie. Elles devraient strictement servir à des missions d'intérêt général ; au lieu de cela, elles financent les frais de fonctionnement, participant à l'inflation de la masse salariale. C'est pourquoi dès la saison 2016-2017, nous proposons, pour le football et le rugby, de cesser les subventions publiques. La hausse des droits télévisés compensera. Il n'est évidemment pas question d'appliquer cette mesure aux autres sports professionnels, en particulier féminins, qui ne pourraient encore subsister sans argent public.
Moins d'argent, mais aussi mieux d'argent public. Le rapport de 2013 d'évaluation dénonçait le manque de transparence. Nous proposons de créer une instance indépendante chargée de mieux contrôler l'utilisation des deniers publics ; elle pourrait s'appeler le Conseil supérieur du sport professionnel français et regrouperait les compétences de l'Arjel et des DNCG. Parmi ces missions, la surveillance des subventions, du contrôle de gestion des clubs, des plans de financement et des grands stades et arénas. On pense aux problèmes survenus pour l'aréna du Mans... Comme l'AMF pour la finance, il faut une autorité indépendante pour le sport professionnel, qui brasse des millions d'euros.
Ensuite, nous proposons de renforcer la responsabilité sociale des clubs. Chaque ligue, chaque club de première division devrait avoir sa fondation, que les collectivités territoriales aideraient financièrement en contrepartie d'actions sociales et éducatives.
Puisque les clubs sont devenus des entreprises à part entière, qu'ils deviennent propriétaires de leurs stades plutôt que de recevoir de coûteuses subventions ou de bénéficier du recours au partenariat public-privé. Pour cela, il faut modifier l'article L. 113-1 du code du sport, comme l'autorise la décision de la Commission européenne de décembre dernier dans le cadre de l'Euro 2016. Dans le même esprit, nous prévoyons la possibilité par rachat en crédit-bail d'un stade public ou construit en partenariat public-privé. Si les collectivités territoriales doivent pouvoir demeurer propriétaires de leurs stades, limitons la part publique dans la construction de nouveaux stades à 50 %. Les projets mutualisés entre disciplines sont à encourager, comme l'envisagent les fédérations de volleyball, basketball et handball pour la construction d'une salle de 10 à 15 000 places en région parisienne.
Nous proposons enfin de désigner une collectivité territoriale de référence, pour accompagner le sport professionnel : l'agglomération ou la métropole, la région restant compétente pour la formation professionnelle et le département pour le soutien aux événements qui ne sont pas organisés par des clubs professionnels.
Le sport professionnel a changé ; nos collectivités aussi : il est temps d'adapter notre droit et nos usages à ces nouvelles réalités. (Applaudissements)
Mme Anne-Marie Escoffier, pour le groupe RDSE . - C'est avec une grande humilité et une grande joie que je vous présente ce rapport. Je n'ai aucun titre sportif qui m'autorise à égaler nos athlètes de haut niveau mais je prends le relais de Stéphane Mazars, qui m'a passé le témoin, avec son remarquable travail.
Le sport, au fil des lois de décentralisation, n'a pas fait l'objet d'une compétence exclusive. Aussi notre mission commune d'information s'est-elle opportunément penchée sur les relations entre le sport professionnel et les différents échelons de collectivités.
Le sport professionnel a connu une évolution qui le rapproche autant de l'industrie, du commerce que du spectacle.
Nos clubs ont fait le choix de la scène internationale comme leurs homologues européens.
Ils ont appliqué une politique de recrutement ambitieuse qui conduit à une hausse de la masse salariale qui va de pair avec celle, parfois astronomique, des droits de retransmission, en particulier dans le football et le rugby.
Ils ont cherché la valorisation des stades avec une gestion fine des places par le yield management, sur le mode des compagnies aériennes.
En raison d'une forme de dérive des modes de fonctionnement et de financement, notre rapporteur a conclu qu'il fallait desserrer les liens entre sport professionnel et collectivités territoriales. Les soutiens de celles-ci sont de deux types : directs, par des subventions ; indirects, par des mises à disposition de personnel et d'infrastructures, ces dernières étant difficiles à mesurer. Le risque est soit une désaffection du public, faute d'équipements ou à cause d'installations vieillissantes, soit des investissements surdimensionnés, dans une course au gigantisme. La mesure s'impose en toutes choses. Gardons un équilibre entre ces deux maux en mettant fin aux subventions publiques sans contrepartie, en exigeant une redevance d'occupation pour les infrastructures publiques en lien avec l'avantage procuré et en privilégiant l'investissement sur la participation au fonctionnement. Nous répondrons aussi au désarroi des villes moyennes de 15 à 20 000 habitants qui n'ont absolument pas les moyens d'offrir à leurs sportifs des équipements de très grande qualité. Dès la saison 2016-2017, il faut renoncer à verser des subventions aux clubs de ligue 1 et du Top 14 qui sont soutenus par des investisseurs privés, avant d'élargir la mesure en 2020 aux autres disciplines. À cette occasion, il est un impérieux besoin : tordre le cou à l'inflation normative des fédérations et des ligues : superficie du stade, hauteur du panier, tout cela entraîne de coûteuses dépenses.
Soulignons, parmi la trentaine de propositions, celle relative aux compétences des collectivités territoriales à l'heure où l'on s'interroge sur la disparition de la clause de compétence générale. Pour les clubs, le bloc communal fait figure de référence. Aux métropoles, celles définies par la loi du 27 janvier 2014, la charge des stades omnisports. Quant aux départements, si tant est que la réforme territoriale aboutisse, ils s'intéresseront naturellement au sport professionnel. Aux régions, reviendra la formation professionnelle. Enfin, le Grand Paris sera responsable des équipements pour notre candidature aux Jeux olympiques.
En conclusion, dans ce paysage institutionnel aussi peu prévisible, il convient de redonner aux collectivités territoriales la liberté d'user de leurs dotations. (Applaudissements)
M. Raymond Couderc . - Je salue le travail de la mission commune d'information, qui traite d'un problème qui n'est pas nouveau, puisque la Cour des comptes y avait consacré un rapport en 2009, mais reste d'actualité. Le Premier ministre souhaite, en effet, réaliser 11 milliards d'euros d'économies sur les collectivités territoriales. Rationaliser leurs interventions dans le sport professionnel est légitime, d'autant que, depuis plusieurs années, on assiste à l'émergence du « sport spectacle », de clubs riches et puissants -surtout ceux de ligue 1 de football.
Les collectivités territoriales se trouvent parfois contraintes de consentir des financements ; l'opinion publique ne comprendrait pas qu'on abandonne son club fétiche quand la ville voisine finance, elle, largement ses sportifs. Les demandes des clubs sont de plus en plus subtiles : achats d'espaces publicitaires, flocage de maillots et de shorts, interventions plus ou moins fictives auprès des jeunes de quartier, pression pour la baisse des loyers des équipements publics...
La mission commune d'information a fait des préconisations intéressantes sur la transparence et la séparation entre activités commerciales et services rendus à des entreprises, qu'il faudra mettre en oeuvre avec discernement. Ce qui vaut pour la ligue 1 et le Top 14 ne vaut pas pour le badminton !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Le sport professionnel évolue vers le sport business tandis que les collectivités territoriales continuent à lui verser quelque 350 millions d'euros par an. Comment faire évoluer le modèle, à bout de souffle, tout en évitant d'affaiblir nos clubs ?
Les subventions publiques, cela vient d'être dit, sont accordées sous pression : pression de l'opinion publique, des clubs, des médias. Quand nos concitoyens vivent des temps difficiles, il faut en finir avec la communalisation des pertes et la privatisation des profits, avec le versement de subventions qui servent indirectement à acheter des joueurs pour des sommes indécentes.
Nous manquons d'un encadrement juridique et la mission d'information réclame toute la transparence. Ensuite, 80 % du parc stadier français est public alors que 18 des 20 premiers clubs européens sont propriétaires de leur stade. Des dérives sont constatées, on l'a vu avec les grands stades du Mans et de Grenoble. Nous sommes d'accord pour en finir avec les partenariats public-privé et le risque d'endettement pendant des décennies.
Oui à plus de transparence mais faut-il créer une autorité indépendante, un comité que je n'ose dire Théodule ?
L'inflation normative des fédérations doit être jugulée. Je salue l'audace des propositions de la mission commune d'information. Toutefois, prenons garde, avec la fin des subventions publiques pour 2020 pour les disciplines arrivées à maturité, à ne pas créer une fracture sportive. Je rappelle que le volleyball, par exemple, est encore subventionné à plus de 80 %. Le risque est de freiner le sport professionnel féminin, des disciplines qui pourraient émerger ou encore les actions sociales. Oui au développement de fonds à vocation sociale, comme en Angleterre, pour restaurer le rôle social du sport.
Merci à la mission commune d'information de s'être penchée sur un nouveau modèle économique pour aller vers l'autonomie du sport professionnel, en ces temps où il est nécessaire d'assurer l'efficience des dépenses des collectivités territoriales.
Le groupe UDI-UC appelle ce changement de modèle de ses voeux. Ce travail excellent était nécessaire ! (Applaudissements)
M. Michel Le Scouarnec . - Mes félicitations pour la quantité et la qualité du travail effectué. Il y a un siècle déjà, Jaurès craignait que le capitalisme ne transforme le sport en « un spectacle à grand fracas ». Quel visionnaire !
De fait, le sport professionnel est dorénavant aux antipodes d'un sport émancipateur, facteur d'épanouissement humain et de paix entre les nations. Cette affirmation ne vaut évidemment pas pour toutes les disciplines mais essentiellement pour le football et le rugby. Hélas, l'arrêt Bosman de la Cour de justice des communautés européennes du 15 décembre 1995 a renforcé ce mouvement en appliquant le principe de libre circulation aux échanges de footballeurs, sans quota de nationalités, ouvrant un marché des transferts même en cours de saison.
Nous voilà à la société du spectacle de Guy Debord. Or, le sport n'est « pas un ensemble d'images mais un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images ».
Alors que les ressources des collectivités territoriales s'amenuisent, faut-il qu'elles consacrent 160 millions d'euros par an au financement des clubs professionnels ? En France, contrairement à ce que l'on observe chez nos voisins, les collectivités sont le plus souvent propriétaires des équipements et en paient la construction et l'entretien. La recherche de l'événementiel, national voire international, a alourdi leur charge. En quelque sorte, nous observons une mise en concurrence des territoires. Les collectivités territoriales sont sollicitées pour combler les déficits des clubs mais non pour mutualiser les bénéfices... Certains investissements sont à la limite de l'illégalité : mise à disposition gratuite d'équipements, subventions sans contrôle. Oui, le besoin de régulation est évident, même s'il ne passe pas forcément par la création d'une autorité administrative indépendante. En revanche, la fin des subventions publiques aux sports arrivés à maturité ne se justifie pas par la disette budgétaire à laquelle les collectivités territoriales sont soumises, mais par l'unique souci de l'intérêt général.
Le rapport pointe l'incohérence de la participation des collectivités territoriales à des pratiques éloignées de l'intérêt général et des valeurs que l'on associe au sport, comme la morale, la solidarité, la paix. On pourrait revoir cette participation, en transférant les subventions de fonctionnement des collectivités territoriales vers l'investissement pour que les clubs deviennent propriétaires de leurs stades et en assument la charge. Limiter la participation des collectivités territoriales à 50 % du capital est une bonne idée, tout comme revaloriser la taxe Buffet sur les droits de retransmission télévisée. Encadrons les salaires des sportifs, le prix des transferts, sujet que le rapport renvoie à la compétence d'une nouvelle autorité. Dans d'autres pays, les montants des transferts sont redistribués. Il est temps que le sport professionnel renoue avec les valeurs de solidarité et de paix.
Le rapport propose des pistes intéressantes. Toutes méritent examen. Leur mise en oeuvre ne sera pas aisée, il faudra compter sur le génie du ministre. (Sourires) Changeons la réalité, qui n'est plus acceptable. (Applaudissements)
Mme Danielle Michel . - Cette mission commune d'information avait pour but de réorienter le financement public du sport. La Cour des comptes, en 2009, posait déjà les bases du débat, appelant à réformer le cadre juridique du secteur et à oeuvrer pour la compétitivité internationale des clubs.
L'implication des collectivités locales en faveur du sport est considérable, en particulier celle des communes qui, en 2007, atteignait les 9 milliards d'euros sur un total de 13,5. Comment adapter l'intervention des collectivités territoriales à l'évolution marchande du secteur ? Si elles interviennent pour le sport, c'est d'abord parce que l'État lui a reconnu une mission de service public.
Les subventions publiques doivent servir l'intérêt général, non les besoins de structures privées. Certes, les collectivités territoriales sont libres d'exercer leurs compétences. Mais ne soyons pas naïfs : elles subissent des pressions pour intervenir. Les situations sont diverses. Maintenons une certaine souplesse.
Pour le sport professionnel féminin, la France est très en retard...
M. Alain Néri. - C'est vrai !
Mme Danielle Michel. - ...tant pour le nombre de disciplines et de ligues que pour les rémunérations, nettement moins élevées que chez les hommes, et pour la couverture médiatique et les infrastructures. C'est le sport professionnel féminin, le sport amateur, le handisport qui ont besoin, en premier lieu, de l'intervention publique.
La préconisation de la fin des subventions aux clubs est heureuse. Ceux-ci doivent verser des redevances d'exploitation en lien avec le bénéfice retiré. La propriété privée des équipements sportifs doit également être encouragée.
Comment expliquer aux contribuables que leurs impôts profitent en bout de chaîne à des footballeurs qui gagnent des millions ? (Applaudissements)
M. Jacques Mézard . - Cette mission a été demandée par le groupe RDSE. Puisque, pour un temps encore, cette assemblée représente les collectivités territoriales, il nous a semblé urgent d'étudier les rapports que celles-ci entretiennent avec le sport professionnel.
Le sport est un des piliers de la vie en société ; il ne s'agit aucunement de le mettre en accusation, même si certains de ses excès ne peuvent que susciter le rejet, comme jadis l'adage panem et circenses.
Autre souci : l'aménagement du territoire. La question du sport professionnel ne se pose pas de la même manière à Paris, Lyon ou Marseille qu'à Rodez, Mende ou Brive. Mais, quel que soit le lieu, le sport d'aujourd'hui n'est plus celui d'il y a dix ou vingt ans. Le poids des télévisions a de lourdes conséquences. Les collectivités territoriales ne peuvent plus être aux ordres des fédérations ou ligues professionnelles.
M. Alain Néri. - Bravo !
M. Jacques Mézard. - La présence d'un club est une source de fierté pour les habitants, d'attractivité pour une commune. Mais cela ne justifie pas tout et les excès de toutes natures doivent être combattus. Il faut parfois savoir dire non à un club, même si ce n'est pas toujours facile.
« Préserver le rôle des départements pour soutenir les événements sportifs », propose le rapport. Il faudrait le dire au Premier ministre, qui prépare la prochaine réforme territoriale.
Se concentrer sur les métropoles est une nécessité, sans doute. Mais cela suppose de rationaliser l'implantation des équipements. Autrement dit, on ne pourra faire vivre des clubs partout. Il en résultera une nouvelle fracture territoriale.
« Supprimer les subventions des collectivités territoriales aux clubs de ligue 1 et du Top 14 dès 2016 » : c'est une bonne phrase et j'espère que cela ne restera pas un voeu pieux.
Renforcer la transparence, bien sûr. Aider les collectivités territoriales à mieux évaluer leurs dépenses en leur imposant un bilan annuel me laisse sceptique. Elles ont déjà suffisamment de contraintes : n'en rajoutons pas.
Avoir un club professionnel suppose de lui louer des équipements. Les montages juridiques et financiers relèvent parfois de la gymnastique rythmique et sportive... (Sourires) Les propositions en la matière sont les bienvenues.
Progresser vers la contribution de fonds de dotation par des achats de prestations d'intérêt général, oui encore. Bref, ce rapport montre que le Sénat a, sur ce sujet également, un vrai message à faire passer. (Applaudissements sur les bancs RDSE, au centre et à droite)
Mme Corinne Bouchoux . - Je salue le travail de nos collègues, approfondi et consensuel.
Le sport représente 5 % du budget des communes et 70 % de son financement sont assumés par les collectivités territoriales. Quel équilibre entre disciplines ? Entre sport spectacle et sport pour tous ? Comment renforcer la transparence ? Voilà les principales questions que pose le secteur.
La mairie de Paris continue à verser plusieurs centaines de milliers d'euros au PSG chaque année, répartis entre subventions directes et indirectes, alors que le budget du PSG version qatarie approche désormais le demi-milliard d'euros annuel. Ce seul exemple laisse perplexe sur le rôle des collectivités territoriales en matière sportive.
De nombreuses propositions du rapport vont dans le bon sens. La suppression des subventions aux disciplines mûres est opportune. Le soutien aux fondations suscite des réserves de notre part mais constitue une bonne base de réflexion.
N'allons pas, pour alléger la dépense des collectivités territoriales, les priver de la propriété de leurs équipements, sous peine de leur retirer la main sur de nombreux enjeux locaux. On cite en exemple les clubs allemands propriétaires de leur stade. Mais avons-nous les moyens, notamment sportifs, de suivre ce modèle ? Les premières initiatives en ce sens nous invitent à la plus grande prudence car elles posent des problèmes de transport, d'artificialisation de terres agricoles, de déséquilibre économique avec les autres stades régionaux, sachant en outre que les collectivités locales sont contraintes de se porter garantes d'emprunts très lourds et de financer des aménagements locaux. Et il y a eu l'exemple négatif du stade du Mans. Bref, le diagnostic est bon, la conclusion plus contestable.
Hostiles aux partenariats public-privé, nous soutenons la proposition n°18. Il ne nous paraît pas envisageable de céder le stade de Roland Garros à une fédération de tennis qui souhaite s'étendre sur le jardin des serres d'Auteuil, site classé à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. L'extension porterait atteinte à un jardin botanique renommé.
La création d'une salle de 10 000 places pour le handball, le volleyball et le basketball devrait être envisagée hors de Paris. Quant aux Jeux olympiques, vous le savez, nous ne sommes pas des fanatiques des grands travaux et du BTP.
Regrettant que le sport féminin n'ait pas été abordé dans le rapport, nous espérons toutefois que les préconisations de celui-ci seront suivies d'effets. (Applaudissements)
M. Dominique Bailly . - Je salue le travail effectué par la mission commune d'information, notamment celui de M. Mazars. Diverses pressions s'exercent sur les pouvoirs publics de terrain. La France accuse un net retard en matière d'infrastructures sportives. Les collectivités territoriales participent majoritairement à leur financement. Le modèle dominant est celui du club locataire. Voilà pour le constat.
En 2013, j'ai présenté, avec Jean-Marc Todeschini, un rapport préconisant d'impliquer davantage les clubs dans l'exploitation, voire la propriété, des équipements. Je me réjouis que cette proposition ait été reprise. Baux emphytéotiques, conventions d'occupation, de nombreuses pistes sont sur la table.
Le club de football du Havre, le HAC, assure l'exploitation de son stade avec l'agglomération propriétaire ; il règle les charges d'entretien et verse 1 million à la communauté d'agglomération : l'aléa sportif est pris en compte. Le modèle me semble instructif.
L'aide financière locale aux clubs ne peut être remise en cause que pour le football et le rugby. Les sports en salle, qui ne relèvent pas du sport business, souffriraient d'un désengagement public.
La création d'un Conseil national du sport professionnel me laisse sceptique. De même que le transfert au Comité national olympique de la mission de favoriser l'accès au sport de haut niveau. Cette compétence est par nature, me semble-t-il, celle de l'État et du politique. (M. Thierry Braillard, secrétaire d'État chargé des sports, approuve)
Faire de la métropole ou de l'intercommunalité le partenaire de référence me gêne également. Certaines communes sont les partenaires historiques de leur club. Ne les privons pas de la liberté d'agir. Pour le reste, je forme le voeu que le rapport trouve à s'appliquer largement. (Applaudissements)
M. Jean-Jacques Lozach . - Les collectivités territoriales sont le premier financement de la pratique physique et sportive : elles lui consacrent 9 milliards par an. L'action de l'État, en comparaison, est minime.
Donner le goût de la pratique aux enfants, renforcer le sentiment d'appartenance à une communauté politique, promouvoir la mixité et la tolérance : telles sont les vertus du sport.
L'État a pour mission d'encadrer le sport afin de lui maintenir une dimension éthique : maîtrise du marché des transferts, lutte contre la corruption, transparence... Une association bruxelloise vient de dénoncer une vaste pratique de trucage de matchs européens. Glorieuse incertitude du sport...
Le recours aux partenariats public-privé, attractifs pour les collectivités territoriales, se révèle coûteux à long terme. Limitons leur usage. Le désengagement public est justifié pour les disciplines mûres mais serait mortifère pour les autres, y compris le sport individuel professionnel. En 2009, la Cour des comptes a révélé que les collectivités territoriales finançaient des équipements au bénéfice exclusif de structures privées, souvent déficitaires, tandis qu'elles-mêmes sont contraintes à l'équilibre.
N'oublions pas que les collectivités territoriales soutiennent également de nombreux jeunes sportifs en voie de professionnalisation, d'anciens champions en voie de reconversion et financent des actions d'insertion sociale par le sport. Les dernières municipales ont été l'occasion de rappeler l'importance de ce rôle. Réaffirmons les missions de service public. Engageons une réflexion sur la régulation financière et éthique du secteur.
En 2012, selon le groupe d'experts européens ad hoc, 153 milliards d'euros ont été consacrés au sport dans l'Union européenne. Les collectivités territoriales sont les plus grands pourvoyeurs de fonds, qu'il s'agisse du sport professionnel ou du sport pour tous. Les investissements en faveur du sport pour tous doivent être sécurisés.
Nous souhaitons que le travail de la mission commune d'information fournisse les bases d'une réflexion éthique sur le sport. (Applaudissements)
M. Maurice Vincent . - Le sport tient une place croissante dans notre société et ses enjeux sont multiples : santé, cohésion sociale, épanouissement personnel, développement économique. La représentation nationale est donc pleinement fondée à se pencher sur le sujet.
Je partage naturellement l'idée de clarifier le soutien local au sport professionnel. Pour la plupart des disciplines, les contreparties d'intérêt général aux subventions sont toutefois difficiles à évaluer. Les aides accordées, directes ou indirectes, ont souvent une fonction qui dépasse le seul cadre sportif. Les subventions de fonctionnement ne sauraient être remises en cause dans leur ensemble.
Les redevances et droits d'utilisation des équipements sont hétérogènes, révèle la mission commune d'information. Un bilan exhaustif serait bienvenu. La contrepartie de l'aide publique doit naturellement être facturée à son juste prix. Les montages juridiques et financiers choisis pour la construction de stades sont, eux aussi, extrêmement divers.
La transmission de la gestion directe et de l'exploitation des grands stades aux clubs me laisse dubitatif. Cela se fait en Allemagne mais la plupart des grands clubs français ne pourraient assurer la gestion de leur stade.
Remettons à plat l'ensemble de la régulation du sport professionnel et recréons des liens entre sport professionnel et sport amateur. (Applaudissements)
M. Alain Néri . - Le sujet du sport est de plus en plus important dans la vie de nos concitoyens. Il suscite souvent des discussions passionnées et incite à la pratique.
Il faut distinguer entre le sport loisir pour tous, le sport amateur et le sport professionnel, qui donne lieu à spectacle. De ces premières formes se distingue le sport business, dans lequel il s'agit principalement de gagner de l'argent. Ne soyons pas libéraux à moitié : quand on veut gagner de l'argent, on ne demande pas de l'argent public. Trop d'argent dans le sport, pas assez pour le sport, ai-je souvent dit. Les vedettes du football savent-elles seulement combien elles gagnent ? Soyons sérieux : les pouvoirs publics ne sauraient participer au financement de ce sport-là, ni se désengager car certaines disciplines vivent chichement.
Les droits de retransmission atteignent des montants ahurissants. On demande 748,5 millions pour cinq ans à la ligue 2 ! Même le rugby subit cette inflation : on en est à 355 millions pour quatre ans. Lorsque nous avons étudié le budget des sports de Mme Buffet, nous avons demandé que 5 % de ces droits aillent au sport amateur. Que de cris ! Nous allions « tuer le sport de haut niveau ». Quand je vois ce que les mêmes acceptent de payer aux télévisions, je me dis que nous aurions dû demander 15 % !
Sachons raison garder. Nous ne sommes pas favorables aux ligues fermées à cause de l'aléa sportif. Lorsqu'un club chute, la collectivité qui le soutenait en souffre : voyez Le Mans, Grenoble, Strasbourg... Le Mans jouait en ligue 1, maintenant en nationale ! Les équipements sont parfois surdimensionnés, ce dont pâtit tout le monde, les collectivités territoriales, le public et les joueurs. Imaginez-vous jouer devant 300 spectateurs dans un stade de 50 000 places !
Le sport doit conserver ses valeurs de cohésion sociale et de dynamisme pour nos collectivités territoriales. La passion ne doit pas l'emporter sur la raison.
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès de la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports . - À mon tour de saluer le travail accompli par MM. Mazars et Savin. Il illustre une fois de plus la sagesse de la Haute assemblée, mais aussi l'impertinence dont elle sait faire preuve... Le rapport précédent de MM. Bailly et Todeschini ne nourrit pas moins la réflexion du Gouvernement.
Un regret : vous avez un peu oublié les vertus de la loi Buffet du 6 juillet 2000, qui a introduit de la transparence dans les relations entre collectivités territoriales et les clubs professionnels. Deux sortes de financements existent : pour des missions d'intérêt général et pour l'achat de prestations de services. Il est vrai que les trois missions d'intérêt général ont parfois été détournées, interprétées dans un sens qui n'était pas celui voulu par le législateur. Ce rapport doit nous inciter à remettre à jour cette loi essentielle.
On revenait de loin ! Course à l'échalote des exécutifs locaux, mélange de fonds publics et privés, construction de stades sans que la collectivité en ait le besoin ou les moyens... (M. Alain Néri et Mme Corinne Bouchoux approuvent)
Le modèle français était fondé jusqu'ici sur la propriété et l'exploitation publiques des équipements. Il est révolu : pourquoi une ville investirait-elle pour construire un stade qui ne profitera qu'à une seule société privée ? Je partage le sentiment des rapporteurs, les partenariats public-privé sont des bombes à retardement. Et pour une raison simple : l'aléa sportif. Comment signer un engagement sur trente ans avec la certitude que le club à qui on loue l'équipement restera au haut niveau ? Qui peut dire que le club de Montferrand est en Top 14 pour toujours ?
Qu'entendez-vous cependant par « sport professionnel arrivé à maturité » ? Si demain les collectivités territoriales ne subventionnent plus les clubs de volleyball, de handball, de basketball, ils seront rayés de la carte... Restent le foot et le rugby... Oyonnax est en Top 14 ; est-il pour autant à maturité et mérite-t-il de n'être plus subventionné, alors qu'il est un vecteur économique important pour la vallée ? Non, sans soutien public, le club ne serait plus en Top 14. De même pour le club de football féminin de Juvisy, ou pour les clubs de Caen et de Metz qui viennent de monter en ligue 1 : peut-on dire qu'ils sont « mûrs » ? Mais vous avez raison, moins d'argent public, mieux d'argent public, plus de bon sens, comme l'a dit Mme Escoffier. Le désarroi des villes moyennes est réel : le cas du Havre est exemplaire ; c'est en vertu d'une convention temporaire d'occupation que le HAC exploite le stade. J'ajoute que métropoles, régions, Grand Paris devront aussi trouver leur place.
M. Vanlerenberghe parle de privatisation des bénéfices dans le sport professionnel ; je le mets au défi de trouver des clubs qui fassent des bénéfices et les aient répartis ces dernières années...
M. Alain Néri. - C'est qu'ils ne limitent pas leurs dépenses !
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. - La plupart des clubs professionnels sont des sociétés. La mise à disposition d'équipements ne peut donc être gratuite, monsieur le Scouarnec. Reste que la redevance d'occupation mériterait d'être mieux encadrée et que les collectivités, aujourd'hui, agissent à leur guise...
M. Alain Néri. - Marseille !
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. - La régulation est nécessaire.
L'US dacquoise, madame Michel, n'est financée sur fonds publics qu'à hauteur de 13 %. N'oublions pas que le sport professionnel contribue à la notoriété des villes, Dax doit beaucoup au rugby et à Albaladejo... M. Fortassin, grand amateur de sport, sait l'importance du TBR pour Tarbes...
Le salaire moyen des professionnels... En ligue 1, deux ou trois clubs font exploser les compteurs. Dans le Top 14, la moyenne est de 11 000 euros ; à Dax ou à Tarbes, qui sont en Pro D2, 4 000 euros. Ibrahimovi? ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt, ou plutôt l'oasis qui cache le désert...
Sport professionnel et sport amateur ne doivent pas être opposés. MM. Mézard et Néri ont raison de souligner la complexité des normes des fédérations : j'ai saisi du sujet Mme Spinosi, présidente du CNS.
Mme Bouchoux n'a pas tort de parler d'un système à bout de souffle. Si un club ne souhaite pas acquérir son stade, il faut au moins qu'il en assume la gestion afin de dégager des bénéfices qui lui éviteront de frapper à la porte des collectivités. Vous connaissez la position du Gouvernement sur Roland-Garros. L'environnement est privilégié, les serres d'Auteuil font partie du patrimoine parisien. Plutôt que de construire un nouveau stade, on rehaussera le court central actuel : cela devrait vous rassurer.
La proposition n°27 va trop loin : une politique sportive équilibrée relève de l'État. Oui, il faut garantir l'exemplarité du sport de haut niveau. M. Vincent sait tout ce qu'un club de haut niveau apporte à une ville. Reste qu'il faut parfois résister aux pressions qui s'exercent sur les élus.
Si, en début de saison, on connaît déjà le vainqueur du championnat, monsieur Néri, l'intérêt sera en effet limité ! Les ligues doivent réfléchir à l'importance de l'aléa sportif.
Afin de poursuivre le travail engagé, je vous propose de réfléchir au semi-professionnalisme car la plupart des joueurs vivent aujourd'hui dans la plus grande précarité. Pour les payer, on bricole... Nos clubs doivent retrouver leur compétitivité, il nous appartient de les aider car de nombreux emplois, au-delà des joueurs sur le terrain, sont en jeu.
La France peut s'enorgueillir de son combat contre le dopage et les dérives des jeux en ligne, de son système de contrôle de la gestion des clubs professionnels. Ce modèle vertueux pourrait être exporté...
Pour finir, je salue encore une fois le travail de MM. Savin et Mazars, qui inspirera les mesures, voire les textes que je pourrais être amené à présenter. (Applaudissements)