Comptes bancaires inactifs (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d'assurance vie en déshérence.
Discussion générale
M. François Marc, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire . - Je veux saluer la qualité du travail de nos deux assemblées. L'Assemblée nationale, à l'initiative de son rapporteur de l'époque, Christian Eckert, a abouti à une proposition de loi de très grande qualité, inspirée par l'expertise de la Cour des comptes et celle du Conseil d'État, enrichie en commission et en séance. Je veux dire aussi la qualité des échanges que nous avons eus avec les services du ministère tout au long de la procédure.
Le Sénat a préservé l'équilibre du texte ; il en a étendu le périmètre aux coffres-forts et a amélioré l'accès à l'information des différents acteurs. Certains regrettent que nous ne soyons pas allés plus loin ; je crois pourtant que nous avons fait bouger quelques lignes avec le souci de proportionner les obligations faites aux professionnels aux enjeux. Le texte avait d'ailleurs été adopté ici à l'unanimité.
Peu de points restaient à trancher en CMP. Celle-ci a simplifié à certains stades de la procédure les modalités d'information des titulaires d'un compte inactif et des bénéficiaires d'un contrat d'assurance vie en déshérence. Elle a précisé les modalités de liquidation des engagements exprimés en unités de comptes avant leur dépôt auprès de la CDC.
Sur les coffres-forts en déshérence, la CMP a précisé le sort de ceux dont le contenu n'aurait pas été vendu aux enchères après deux tentatives. Elle a repoussé la date d'entrée en vigueur du raccourcissement de la durée maximale des plans de surendettement au 1er juillet 2016 et prévu l'entrée en vigueur, dès le 1er janvier 2015, de certaines dispositions propres à améliorer l'information des professionnels, ainsi que du plafonnement des frais précomptés. Le champ de ce plafonnement a été précisé.
Ce texte réglera de manière définitive le problème des comptes bancaires inactifs et des contrats d'assurance vie en déshérence au profit des bénéficiaires et, à défaut, de l'État, pourvu que les professionnels respectent leurs obligations et que le contrôle soit efficace. Je vous invite à l'adopter ainsi que les amendements rédactionnels déposés par le Gouvernement -à l'unanimité, je l'espère. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics . - Je salue l'accord en CMP. L'injustice des comptes bancaires inactifs et des contrats d'assurance vie en déshérence mobilise les parlementaires depuis de nombreuses années. Le débat a trop duré. Cette initiative parlementaire de grande qualité traite le sujet de manière parfaitement satisfaisante.
La proposition de loi définit enfin ce qu'est un compte bancaire inactif. Elle prévoit un ensemble d'obligations à la charge des banques, en particulier la consultation annuelle du Répertoire national d'identification des personnes physiques pour vérifier que le titulaire du compte n'est pas décédé, le recensement des comptes inactifs, le plafonnement des frais et le transfert des fonds à la CDC. Le Sénat a trouvé une solution pragmatique pour la gestion des coffres-forts en déshérence ; le Gouvernement s'en félicite.
S'agissant des contrats d'assurance vie en déshérence, la loi de séparation bancaire n'avait traité la question qu'en partie. La proposition de loi prévoit de nouvelles obligations pesant sur les assureurs, un renforcement des contrôles, la revalorisation, le plafonnement des frais de gestion, ainsi que l'obligation de transfert des sommes détenues à la CDC. Les notaires réglant une succession pourront consulter les fichiers de l'administration fiscale recensant les comptes bancaires et les contrats d'assurance vie.
Le Sénat a étendu l'obligation de revalorisation post mortem des contrats d'assurance vie dépourvus de valeur de rachat, ce qui permet de traiter de manière identique tous les contrats et d'éviter un manque à gagner pour les bénéficiaires.
La mission confiée à la CDC donnera au nouveau dispositif toute son efficacité, grâce à un guichet unique. La bonne application du principe de prescription trentenaire devrait permettre à l'État de récupérer des recettes qui lui reviennent de droit.
La date d'entrée en vigueur du raccourcissement des plans de surendettement est repoussée au 1er juillet 2016 : le Gouvernement en est d'accord.
Ce texte protège les clients et préserve les intérêts financiers de l'État : je le soutiens avec ardeur. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Hervé Maurey . - Lors du vote de la proposition de loi à l'Assemblée nationale, le rapporteur de la CMP indiquait que ce texte réglait de manière définitive la question. Je serai plus mesuré et plus prudent. Oui, il comporte des avancées, apporte des solutions concrètes au problème des avoirs inactifs et couvre un large champ. À l'initiative du Sénat, il plafonne les frais de gestion, comme le souhaitait la Cour des comptes ; il assure la revalorisation minimale post mortem des contrats et interdit aux professionnels de réclamer toujours de nouvelles pièces ou des pièces identiques pour retarder le règlement.
Il fait la transparence sur les contrats d'assurance vie non réclamés. C'était un point primordial de ma proposition de loi, adoptée à l'unanimité par le Sénat le 29 avril 2010 et reprise depuis dans la loi bancaire, mais de façon insuffisante. L'encours de ces contrats serait de 5 milliards d'euros -4,6 milliards, selon l'ACPR. Un rapport sera remis au Gouvernement et à l'autorité de contrôle. Mais la transparence sur les flux est tout aussi indispensable : je me félicite de l'adoption de mes amendements sur ce point. D'autres, toutefois, n'ont pas survécu à la commission mixte paritaire. Je persiste à penser que l'information aux ayants droit devrait se faire par recommandé et au moment même où un compte est identifié comme inactif -la CMP n'a retenu cette obligation que pour l'article 12 et non pour la procédure de droit commun. Je regrette que l'obligation de recherche de titulaires et ayants droit de ces comptes n'ait pas été réaffirmée. Les assureurs sortent par le haut d'une situation dont ils sont responsables et échappent aux sanctions : c'est une sorte d'amnistie. (M. François Marc, rapporteur, proteste)
La recherche frénétique de ressources pour remplir les caisses de l'État l'a emporté sur le souci de la protection des épargnants. C'est là la ligne de fracture entre nous... Les résistances des professionnels ne sont pas levées. Il faudra être vigilant sur l'application de ce texte. L'ACPR semble enfin jouer son rôle -elle a imposé récemment une amende record. Je compte sur le rapport prévu et sur la publication rapide des décrets d'application. Je n'oublie pas vos engagements du 7 mai, monsieur le ministre, sur les courriers retournés à l'expéditeur avec la mention « n'habite pas à l'adresse indiquée » ; plus la recherche est précoce, plus elle est efficace.
Mon enthousiasme est mesuré, donc, car j'aurais aimé un texte plus protecteur des épargnants. C'est une étape et non un aboutissement. Je le voterai en vous donnant rendez-vous pour poursuivre le combat. (Applaudissements)
M. Éric Bocquet . - Les comptes dits inactifs ne l'étaient pas pour tout le monde... Cette proposition de loi, si elle est encore trop timide, va dans le bon sens. Elle vient combler une lacune. La loi de séparation bancaire avait mis en lumière des pratiques parfois discutables, pour ne pas dire plus...
La commission mixte paritaire est arrivée à un compromis, à un moyen terme. Manque encore de vraies sanctions des agissements ne respectant pas les règles légales et déontologiques de la finance. Les contrats en déshérence et comptes inactifs sont une source de recettes gratuites pour les établissements de crédit qui continuent de percevoir des frais de gestion sur ces comptes, une gestion automatisée qui, en réalité, ne leur coûte rien tandis que les fonds déposés à la BCE portent rémunération... Il faudra y revenir.
Une grande banque française risque d'être condamnée à une très forte amende aux États-Unis, équivalente à son résultat 2013, privant ses actionnaires de juteux dividendes... Nous avons toujours dénoncé les agissements des établissements de crédit contraires à l'intérêt général ; mais la justice américaine, derrière des considérations morales ou politiques, ne cherche-t-elle pas à mettre en difficulté un des adversaires de son système financier ? (Sourires)
Ne manquons jamais de rappeler aux banques leur très grande responsabilité dans le financement de l'économie. Les clients doivent pouvoir leur faire confiance en toute circonstance. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Francis Delattre . - Cette affaire des comptes inactifs est un vieux marronnier législatif... Le groupe UMP a voté ce texte en première lecture.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Absolument ! Ne boudons pas notre plaisir. Il est si rare... (Sourires)
M. Francis Delattre. - Il protège les droits des épargnants et de leurs ayants droit et préserve les intérêts financiers de l'État. La CMP est parvenue à un accord, technique et politique.
M. François Marc, rapporteur. - Très bien !
M. Francis Delattre. - Un certain nombre d'avancées sont dues au Sénat. Les frais ne pourront être prélevés par l'assurance pour financer son obligation de recherche et d'information en cas de contrat d'assurance vie non réclamé. L'information des ayants droit connus sera obligatoire pour les comptes bancaires dits inactifs. Le délai de dépôt des avoirs à la Caisse des dépôts et consignations est allongé afin de laisser davantage de temps pour rechercher les ayants droit, notamment en cas de successions complexes ou internationales. L'établissement d'un fichier unique tenu par la CDC simplifiera grandement les choses et renforcera la transparence : c'est une excellente innovation.
Nous regrettons toutefois que l'information des ayants droit ne soit pas plus large ; que la mention expresse, à l'initiative de Philippe Adnot, de l'obligation de contrôle régulier, par l'ACPR, des obligations des assureurs ait été supprimée. Elle eût été utile au regard des observations de la Cour des comptes.
L'extension de la prescription trentenaire aux coffres-forts en déshérence est bienvenue pour les finances de l'État. À la commission des finances, nous étions entrés difficilement dans ce sujet...
M. Michel Sapin, ministre. - Logique quand il s'agit de coffres-forts ! (Sourires)
M. Francis Delattre. - ...avant de nous apercevoir que de nombreux coffres-forts restaient effectivement en déshérence. Combien cela rapportera-t-il à l'État ? Mystère...
L'équilibre du texte a été préservé, une grande partie des avancées du Sénat retenue par la CMP. Cet accord entre nos deux assemblées n'est pas fortuit, au regard du contexte actuel. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous assurer de la levée de tous les obstacles juridiques qui pèsent encore sur ces mesures ? Le groupe UMP adoptera cette proposition de la loi. (Applaudissements)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
M. le président. - En application de l'article 42, alinéa 12 du Règlement, le Sénat examinant le texte après l'Assemblée nationale, se prononcera par un seul vote sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.
ARTICLE PREMIER
M. le président. - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 18, première phrase
Après le mot :
natures
insérer les mots :
ou versement de produits ou remboursement de titres de capital ou de créance
M. Michel Sapin, ministre. - Amendement de coordination, comme les trois suivants, après le travail scrupuleux de vos deux assemblées.
ARTICLE 4
M. le président. - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 19, seconde phrase
Supprimer les mots :
ou disposition
II. - Alinéa 32
Supprimer les mots :
mentionnées au deuxième alinéa
ARTICLE 12
M. le président. - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéas 2 et 8
Compléter ces alinéas par les mots :
ou versement de produits ou remboursement de titres de capital ou de créance
II. - Alinéa 12, seconde phrase
Remplacer les mots :
deuxième et dernier
par les mots :
trois derniers
ARTICLE 13
M. le président. - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.
Compléter cet article par les mots :
et à l'exception de l'article 12 bis A qui entre en vigueur au lendemain de la publication de la présente loi
M. François Marc, rapporteur pour le Sénat de la CMP. - Favorable aux quatre amendements.
L'ensemble du texte issu des travaux
de la CMP, modifié, est adopté définitivement.