Questions orales
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle vingt questions orales.
Accessibilité aux personnes handicapées
Mme Patricia Bordas . - Le 26 février 2014, Jean-Marc Ayrault a annoncé le report de trois à neuf ans de l'obligation faite aux établissements recevant du public et aux transports collectifs de se rendre accessibles aux personnes handicapées. C'était, hélas, devenu inévitable, en raison du retard pris dans la publication des décrets, à la suite de la loi de 2005, de la sous-évaluation financière des travaux, de la singulière complexité de la réglementation et, surtout, d'un portage politique de la loi de 2005, insuffisant voire inexistant. De fait, entre 2005 et 2012, deux conférences nationales seulement ont été réunies.
Afin de convertir en actes la loi de 2005 qui me paraît une révolution sociétale, Jean-Marc Ayrault a confié en 2012 une mission à notre collègue Claire-Lise Campion pour réfléchir à l'application de cette loi. Une concertation inédite avec tous les acteurs a été lancée et un projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance est en cours de discussion. Voilà le second souffle de la politique d'accessibilité tant espéré. Entre parenthèses, le recours aux ordonnances qu'apprécient peu les parlementaires se justifie par l'urgence et la technicité des mesures à prendre, et le monde associatif l'a approuvé.
Le Gouvernement envisage-t-il un mécanisme d'incitation à l'égard des collectivités territoriales qui ont un devoir d'exemplarité ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion . - L'accessibilité universelle est un objectif partagé. Le retard pris depuis 2005 suscite une impatience légitime : pour certains, la vie quotidienne est un parcours du combattant. C'est pourquoi Jean-Marc Ayrault a confié une mission à Claire-Lise Campion en 2012. Une vaste concertation a été ouverte courant 2013 associant pour la première fois tous les acteurs concernés.
L'objectif du projet de loi actuel n'est pas de se laisser du temps, mais d'appliquer la loi de 2005 en s'en donnant les moyens et en simplifiant des normes parfois trop complexes. La loi demeure effective : son non-respect est pénalement sanctionnable, sauf si un agenda d'accessibilité programmée est conclu d'ici la fin de l'année.
Je signerai bientôt une convention avec la Caisse des Dépôts et BPI France, notamment pour financer les travaux engagés par des collectivités publiques. Une campagne d'information va bientôt démarrer avec l'appui des jeunes engagés dans un service civique.
L'accessibilité doit être considérée comme un investissement d'avenir, car elle concerne 12 millions de personnes en France : être accessible, pour un établissement, c'est être attractif.
Mme Patricia Bordas. - L'accessibilité concerne non pas seulement les personnes handicapées, mais tous ceux qui, un jour ou l'autre, peuvent être confrontés à des problèmes de déplacement. Songez aux parents avec des poussettes, à la population vieillissante...
Des communes comme Grenoble ou Brive ont entrepris des travaux. Il n'en va pas de même partout.
Les futures échéances doivent être respectées. Tout nouveau retard serait une régression pour la société dans son ensemble. Vous avez ma confiance.
Port du foulard et neutralité du sport
Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - En juillet 2012, j'ai déjà interpellé le Gouvernement sur l'autorisation du port du voile sur les terrains de football par la Fifa
L'International football association board (Ifab) vient de faire de même, bafouant le principe de neutralité du sport énoncé par l'article 50-3 de la Charte olympique, ainsi que l'interdiction des discriminations fondées sur le sexe - car le voile est porté uniquement par les femmes.
La Fédération française de football (FFF) s'est déclarée hostile à cette mesure. Si elle est maintenue, son président a indiqué que si la France organisait la Coupe du monde de football féminin en 2019 et que l'Arabie saoudite se qualifiait, les règles internationales seraient respectées.
Qu'entend faire le Gouvernement pour refermer la boîte de Pandore ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès de la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports . - La neutralité politique et religieuse sur les terrains de sport est un principe auquel la France est très attachée. La décision de l'Ifab entrera en vigueur le 1er juillet ; elle a été prise au motif que la kippa ou le voile seraient des signes « culturels », et non confessionnels. Il ne nous appartient pas de commenter cette décision d'une instance internationale indépendante, mais le Gouvernement exprime tout son soutien à la FFF pour veiller à ce que le football, en France, reste neutre. Nous nous efforcerons de peser à l'avenir sur les décisions de la Fifa.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Imposer aux seules femmes le port d'un couvre-chef est discriminatoire et contraire aux principes olympiques. Soyons vigilants, y compris sur la féminisation des instances du sport.
Rédacteurs territoriaux
Mme Michelle Demessine . - Pour apaiser les inquiétudes des lauréats du concours interne de rédacteur territorial non encore recrutés, le Gouvernement a publié le 30 juillet 2012 un décret qui assouplit les modalités de recrutement.
Il fixe un quota de 5 % de nominations par la voie de la promotion, pour une période de trois ans à compter de la parution du décret. Cela ne règle pas la situation des lauréats du concours interne en attente de promotion. Après le 31 décembre, ils seront en concurrence avec les lauréats du concours externe. Certains envisagent d'ailleurs de passer ce concours. Quel paradoxe pour ces agents qui se sont investis dans leur collectivité ! Ils ont le sentiment de ne pas être reconnus à la hauteur de leur mérite. Mais cela ne suffira pas. Il conviendrait de créer une part hors quota ou, comme le demande Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, de rehausser le quota de 5 % à 10 %.
Qu'envisage le Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique . - J'entends votre souci de précision. Les lauréats ont bénéficié d'une mesure exceptionnelle et transitoire de promotion interne, pour tenir compte de la réforme des cadres d'emploi de catégorie C.
Tous n'ont pu être promus en raison du quota, fixé en 1984 dans le but de garantir un juste pyramidage des effectifs.
Afin de favoriser leur recrutement, nous avons prolongé la validité de l'examen, sans limitation de durée. Des mesures favorables ont été prises sur le quota par les décrets de 2010 et 2012. Une clause de sauvegarde autorise un recrutement interne en 2015, même en l'absence de tout recrutement externe.
Alors que le dispositif de 2004 était expressément transitoire, il a été progressivement étendu et prolongé.
Je me suis engagée à faire le bilan fin 2014. La plupart des cas devraient être résolus. Une discussion a commencé sur les parcours, formations, passerelles... À partir de là, voyons comment favoriser les promotions sans déclencher un bug.
Mme Michelle Demessine. - Merci d'apporter un peu de clarté sur ce dossier complexe. Ces fonctionnaires doivent bénéficier de la reconnaissance pécuniaire mais surtout morale qui leur est due.
Élections cantonales et régionales
M. Jean Boyer . - Ma question ne vous surprendra pas puisqu'on parle de reporter les élections cantonales et régionales. Les cantons ayant été agrandis, les candidats ont besoin de s'y faire connaitre ; c'est indispensable. Dans les cantons urbains, bien des élus ne connaissent pas leur secteur mais, dans les cantons ruraux, il est rare que l'élu ne connaisse pas au moins quelques habitants dans chaque village.
La réforme territoriale ne doit pas être éphémère. Vous êtes, madame Lebranchu, une ministre appréciée. Les élections cantonales seront-elles effectivement reportées ? Vous êtes bretonne, je suis auvergnat, j'espère une réponse qui ne soit pas de Normand.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique . - Le ministre de l'intérieur, pardonnez-moi, est normand... (Sourires)
La loi du 17 mai 2013 a fixé à mars 2015 la date des élections cantonales et régionales. L'accélération de la réforme territoriale nous conduit cependant à redessiner bientôt les régions : c'était une demande unanime du Sénat, exprimée lors d'un débat en janvier. Un autre projet de loi est en préparation sur la répartition des compétences, qui sera bientôt présenté en conseil des ministres. Le président de la République a choisi de consulter les responsables des partis politiques pour faire le point sur les réformes et leur calendrier.
Pouvons-nous faire cette réforme avec le calendrier électoral actuel, qui empêcherait tout débat à partir de novembre ? Ce n'est pas sûr, et c'est pourquoi le ministre de l'intérieur fera des propositions. Vous êtes auvergnat, je suis bretonne et le ministre Vallini est dauphinois : nous voulons tous que nos territoires se sentent bien pour participer au redressement de la France.
M. Jean Boyer. - J'ai bien entendu votre volonté de concertation. Là où il y a une volonté, il y a un chemin. Dans des cantons deux à trois fois plus grands, il faudra du temps pour se faire connaître. Je ne me présenterai pas aux prochaines élections sénatoriales, volontairement. C'est donc sans esprit de polémique que je m'efforce de faire remonter les messages de la France d'en bas, afin d'éviter que de nouveaux cantons ne meurent avant de naître.
Permis de conduire international
Mme Catherine Procaccia . - Hors de l'Union européenne, le permis de conduire international est indispensable. Délivré pour une durée de trois ans, il est renouvelable une seule fois, si la demande est déposée un mois avant la date d'expiration initiale. Il comporte un emplacement réservé pour un tampon donnant lieu à sa prorogation. Ce sujet m'a déjà occupée en 2010, et j'ai obtenu que soient harmonisées ses modalités de renouvellement qui étaient auparavant variables en fonction des services préfectoraux. Le renouvellement intervient dans les mêmes conditions que la demande initiale : le demandeur doit justifier son identité et la validité de son permis français. Il suffit d'apposer un tampon pour proroger le permis. Problème, deux photographies d'identité récentes sont exigées qui diffèrent généralement de la photo apposée sur le permis international.
À l'étranger, nos compatriotes peuvent avoir besoin de conduire. Les consulats les informent peu sur la nécessité de posséder un permis international.
Qu'entend faire le Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale . - Je vous prie d'excuser l'absence du ministre de l'intérieur. Il préside une réunion des préfets place Beauvau.
L'annexe 7 de la convention de Vienne du 8 novembre 1968 a été modifiée le 29 mars 2011, fixant un nouveau modèle de permis de conduire international. L'objectif est de sécuriser ce document, qui a fait l'objet de nombreuses fraudes. Contrairement au précédent modèle, il ne permet plus aux autorités nationales de proroger le permis. À son échéance, le conducteur doit solliciter la délivrance d'un nouveau permis, en remplissant le formulaire Cerfa n°14881-01 et en fournissant trois photographies : les deux premières pour le formulaire Cerfa et la troisième pour le permis international.
Mme Catherine Procaccia. - Ah !
M. André Vallini, secrétaire d'État. - Pour les Français, le permis de conduire international reste indispensable pour pouvoir conduire hors de l'espace économique européen. Comme vous l'y invitez, le ministère des affaires étrangères demandera aux consulats de le mentionner systématiquement sur leurs sites Internet.
Mme Catherine Procaccia. - J'ignorais que les règles avaient été modifiées. Sur Internet, on peine à trouver des informations sur le permis de conduire international. Le site de la préfecture de l'Isère le mentionne, sans plus de détails. Rien dans mon département ! Les informations devraient être disponibles sur le site du service public.
Mineurs emprisonnés
Mme Marie-Thérèse Bruguière . - J'aurais aimé que Mme la garde des sceaux me réponde en personne. Le 23 avril 2014, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a dénoncé la situation au quartier des mineurs de la maison d'arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone, où s'étaient déroulées de graves violences à l'encontre de jeunes à leur arrivée en détention, - comme une forme de rite de passage ou de bizutage. Celles-ci m'ont choquée, comme elles ont choqué M. Tropeano. Certains mineurs en sont traumatisés, ce qui compromet leur réinsertion. L'administration pénitentiaire est désemparée. Beaucoup de faits échappent à tout signalement, et les procédures disciplinaires sont trop longues. Des faits semblables ont déjà été dénoncés à Villefranche-sur-Saône en 2009.
Ces rites d'un autre âge qui se sont déroulés dans la cour doivent prendre fin. Je retiens deux des recommandations du Contrôleur général. D'abord il faut veiller à la prise en charge éducative des enfants, leur rappeler les notions de règlement, de respect d'autrui. Ensuite il faut que les médecins fassent un signalement lorsqu'ils constatent les conséquences corporelles de ces actes. On ne saurait s'abriter derrière l'argument selon lequel les enfants seraient naturellement portés à être violents.
M. Benoît Hamon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Le Gouvernement ne minimise nullement ces faits. La garde des sceaux, empêchée ce matin, a répondu au Contrôleur général. Une mission a été créée dès le 17 avril, et des mesures ont d'ores et déjà été prises : des travaux de sécurisation sont conduits pour empêcher tout contact entre majeurs et mineurs. Un nouveau quartier pour mineurs de 25 places sera ouvert dès juillet à Toulon en attendant l'ouverture du quartier d'Aix.
Pour mettre fin au sentiment d'impunité, une commission de discipline spécifique a été créée, et le procureur de Montpellier poursuit systématiquement les infractions constatées.
Des formations sont dispensées sur le respect de l'autre et la distinction entre auteur et victime. Un travail important est aussi entrepris avec les familles.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - La solution, vous l'avez dit, passe par le respect de l'autre, et par plus de moyens. Nous resterons vigilants.
Rythmes scolaires (I)
M. Antoine Lefèvre . - Loin de simplifier les choses, le récent décret sur les rythmes scolaires n'a fait que créer des complications supplémentaires. Je passe sur le problème informatique qui entraîne la suppression de la prérentrée, mais il y a de quoi être caustique...
Je veux attirer votre attention sur les conditions de la prise en charge des élèves en situation de handicap lors des activités organisées après la classe dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires. Les journées de classe sont allégées, se terminent plus tôt et ne doivent plus dépasser une durée de cinq heures trente. Les communes et Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ayant la compétence en matière d'enseignement maternel et primaire ont dû, par conséquent, adapter leurs activités périscolaires afin d'assurer la prise en charge obligatoire des élèves au moins jusqu'à 16 h 30, heure de fin de classe, dans la plupart des cas, antérieurement à la réforme.
Cependant, ni le décret du 24 janvier 2013 ni celui du 7 mai ne précisent rien quant à la prise en charge des enfants handicapés pendant cette période périscolaire. Or les Auxiliaires de vie scolaire (AVS) ont vocation à intervenir pendant le temps scolaire uniquement. Des animateurs, non qualifiés pour cette prise en charge, sont alors amenés à encadrer ces enfants, cependant que dans certains départements, de jeunes enfants handicapés sont exclus de ces activités périscolaires et se retrouvent marginalisés dans leur processus de socialisation auprès de leurs camarades de classe. Pour les communes ou EPCI, il paraît difficilement concevable d'opérer une rupture d'accueil, potentiellement discriminatoire, entre les temps scolaires, périscolaires et extrascolaires.
Je vous demande donc de prendre les mesures nécessaires à l'adaptation des missions des Auxiliaires de vie scolaire afin qu'ils puissent couvrir non seulement le temps scolaire, mais aussi les périodes réservées aux activités périscolaires telles qu'elles découlent du décret du 24 janvier 2013. Les crédits et personnels nécessaires doivent être consacrés au financement de l'élargissement des missions des AVS aux activités périscolaires afin que les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) puissent réellement déterminer un nombre d'heures suffisant pour couvrir aussi bien le temps scolaire que les périodes d'activités périscolaires et, ainsi, assurer une prise en charge de qualité à l'enfant.
M. Benoît Hamon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche . - La mission sénatoriale sur la réforme des rythmes scolaires a fait un excellent travail. Hélas, le vote sur le rapport a contredit les déclarations de la veille de M. Carle entre autres, qui saluaient la simplification apportée par le décret... Sur un tel sujet, le débat ne doit pas être pris en otage par les appareils des partis. Il y va de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Les AVS en temps scolaire se voient désormais offrir un CDI au bout de six ans, et une valorisation des acquis : c'est ce gouvernement qui l'a fait.
Pour le temps périscolaire, les projets éducatifs territoriaux, qui associent tous les acteurs locaux, prévoiront des activités destinées aux élèves handicapés.
Il appartient à l'État d'organiser le temps scolaire, aux collectivités territoriales le temps périscolaire. L'État maintient son aide de 50 euros par enfant, même pour les communes qui ont annoncé qu'elles n'organiseraient pas d'activités périscolaires. À elles de dire ce qu'elles en feront.
M. Antoine Lefèvre. - Merci de cette réponse, même si elle était très politique... Le Gouvernement doit assumer la totalité de ses prérogatives. Je ne suis pas convaincu par vos arguments sur le financement. Que je sache, la réforme des rythmes scolaires n'a pas été décidée sous M. Sarkozy. Les collectivités territoriales, je le regrette, se sont vu confier de nouvelles missions non financées.
Rythmes scolaires (II)
Mme Françoise Férat, en remplacement de M. Hervé Maurey . - M. Maurey assiste actuellement aux obsèques du maire de Fourges auquel il tient à rendre hommage. La réforme des rythmes scolaires était d'ailleurs une question chère à ce grand élu local. Il a pris note, monsieur le ministre, de la prolongation du fonds d'amorçage. Cela ne suffira pas quand se profile une baisse de la DGF de pas moins de 30 %.
Réforme bâclée, prise dans la précipitation... Pour autre preuve, les règles qui encadrent le reversement du fonds aux intercommunalités traduisent une profonde méconnaissance de la réalité. Le décret du 2 août 2013 prévoit que les communes ne peuvent reverser le fonds d'amorçage à un établissement public de coopération intercommunale que si ce dernier exerce conjointement les compétences « activités périscolaires » et « service des écoles ». Or dans de nombreux cas, les EPCI n'exercent que la compétence « activité périscolaire ». Ainsi, l'organisation des activités périscolaires et leur financement est à la charge des EPCI, les communes membres perçoivent le fonds d'amorçage sans pouvoir le reverser à l'EPCI. Cette situation est aberrante et témoigne, une nouvelle fois, de l'impréparation de cette réforme décidée sans concertation et de la nécessité de reporter sa généralisation. Quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre pour clarifier cette situation dans les meilleurs délais ?
M. Benoît Hamon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Vous parlez d'impréparation de la réforme des rythmes scolaires quand elle reposait sur un diagnostic consensuel, pendant le quinquennat précédent, sous les bons auspices de M. Luc Chatel. Notre école, avec ses journées trop longues, est devenue la championne d'Europe de la reproduction des inégalités sociales. D'où une matinée de plus pour mieux apprendre le français, les mathématiques, afin d'éviter le décrochage en classe de sixième.
Il revient à l'État de fixer le temps scolaire, je le réaffirme avec force car les communes qui ne le respecteraient pas se trouveraient dans l'illégalité. Charge aux communes, cela est facultatif, d'organiser le temps périscolaire.
L'État, avec le fonds d'amorçage et la CAF, peut verser jusqu'à 144 euros par enfant ; c'est la preuve de notre volonté d'accompagner les collectivités.
L'essentiel est que les élèves du primaire sachent correctement lire et compter. J'espère que vous serez au rendez-vous de la prochaine rentrée, qui aura lieu dès le 2 septembre.
Mme Françoise Férat, en remplacement de M. Hervé Maurey. - Cette réforme ne règle pas les difficultés, raison pour laquelle notre mission sénatoriale n'a pas adopté le rapport. Je n'ai jamais changé de position. Et de grâce, dispensez-nous l'éternel argument de l'héritage...
Les élus ruraux sont inquiets. Plutôt que des rafistolages, différez la généralisation de cette réforme ; faites une expérimentation et un bilan, avant d'en passer par la loi. (M. Jean Boyer applaudit)
Remorqueurs dans le golfe de Gascogne
M. Yannick Vaugrenard . - Nous manquons de remorqueurs dans le golfe de Gascogne depuis que l'Abeille Languedoc, qui était autrefois basé à La Rochelle, est remonté dans le Pas-de-Calais, après la décision du gouvernement britannique de mettre fin au contrat d'affrètement du remorqueur de cette zone. Mme Kosiuzcko-Morizet avait promis un navire de remplacement : promesse non tenue.
Entre Brest et Bayonne, il n'y a plus aucun navire pour protéger les côtes. Pourtant, leur utilité n'est plus à démontrer. Depuis leur mise en place en 1978, après la catastrophe de l'Amoco Cadiz, ils ont évité 21 catastrophes. Comment ouvrir des autoroutes de la mer sans eux ?
La France doit se doter des moyens nautiques pour venir en aide aux équipages et aux biens.
M. Benoît Hamon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Veuillez excuser l'absence de M. Cuvillier. En 2011, le gouvernement anglais a décidé de mettre fin au financement d'un remorqueur dans le Pas-de-Calais.
D'où la remontée de l'Abeille Languedoc dans cette zone, qui est la plus accidentogène, où circulent 100 000 navires par an. Au reste, l'Abeille Bourbon a une capacité d'intervention dans le golfe de Gascogne, lequel est également couvert par un plan franco-espagnol. Grâce à deux bâtiments de soutien et de dépollution, nous avons par exemple récupéré 520 conteneurs perdus en mer cet hiver par un navire au large de Brest.
Notre organisation actuelle est conforme à nos obligations internationales et européennes, comme la Commission l'a reconnu début 2013.
M. Yannick Vaugrenard. - Il est plus coûteux à l'État de réparer que d'anticiper les catastrophes écologiques. J'espère que vous appuierez la demande des professionnels de la mer auprès de M. Cuvillier.
Aides à l'enrichissement du vin
M. Robert Tropeano, en remplacement de M. Christian Bourquin . - L'arrêt des aides à l'enrichissement du vin par moût concentré (MC) et moût concentré rectifié (MCR) a de sérieuses conséquences sur les vignobles du sud de la France. Instituées dans la nouvelle organisation commune de marché de 2008, ces aides ont pris fin au 31 juillet 2012.
Les caves particulières et les coopératives du Languedoc-Roussillon ne sont pas autorisées à enrichir par chaptalisation, c'est-à-dire par adjonction de saccharose, contrairement à leurs homologues du reste de la France et d'une partie de l'Europe. D'où une concurrence déloyale.
Envisagez-vous des mesures de compensation dès les vendanges 2014 ? Elles sont plus que nécessaires...
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement . - Avec raison, vous avez rappelé que l'arrêt des aides à l'enrichissement était prévu dès 2008. La chaptalisation est réservée aux régions les moins ensoleillées, celles du nord de l'Europe, quoique des dérogations soient prévues en cas de nécessité.
L'an dernier, nous avions déjà débattu de cette question pour le Languedoc-Roussillon, dont les viticulteurs ont fait de très importants efforts de qualité. Oui, nous devons renégocier au niveau européen, mais cela ne se fera pas sans fixer des objectifs stratégiques clairs - un vin de qualité, la marque Sud de France - et anticiper - car nous n'obtiendrons rien pour les vendanges de 2014.
M. Robert Tropeano. - Merci, de la part de tous les viticulteurs du Languedoc-Roussillon, pour votre soutien.
Barrage de Guerlédan
M. Yannick Botrel . - Le barrage de Guerlédan, en centre Bretagne, est un site touristique très fréquenté à la limite des départements du Morbihan et des Côtes d'Armor.
Sa vidange totale est programmée en avril et mai 2015 pour un nouveau remplissage à compter de novembre ; huit mois d'intervention sont nécessaires, dont six mois d'assec.
Les autorités prévoient une affluence massive comme cela fut le cas lors de la précédente vidange en 1985. Pour le stationnement, les services de l'État ont prévu un conventionnement avec les agriculteurs ainsi qu'une indemnisation pour l'occupation de leurs parcelles. Mais 2015 sera la première année d'application de la réforme de la politique agricole commune. Or le recensement des terres agricoles éligibles à la PAC, effectué en ce début de période, exclura les surfaces agricoles non exploitées. Quelles mesures envisager ? Les élus, les agriculteurs attendent une réponse claire.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement . - Dès cette année, et sans attendre 2015, les droits à paiement unique peuvent être activés. L'occupation de terres agricoles étant ici décidée par les autorités publiques, la clause de gains exceptionnels - qui réduira proportionnellement les droits à paiement de base à attribuer à un exploitant ayant cédé des terres en 2014 ou 2015 - ne s'appliquera pas aux exploitants concernés, qui conserveront l'intégralité de leurs portefeuille. Tout sera remonté sur les terres agricoles effectives, pour retrouver la valeur globale de celui-ci.
M. Yannick Botrel. - Merci pour cette réponse circonstanciée, qui mettra un terme aux blocages constatés dès les réunions techniques préparatoires. La discussion pourra avancer avant 2015 période où, paradoxalement, le lac sera davantage visité vide que rempli. Les communes ont besoin d'être aidées quand elles doivent assumer des charges supplémentaires, merci de relayer ce message aussi !
Observatoire national de l'enseignement agricole
Mme Françoise Férat . - Le mandat des membres de l'Observatoire national de l'enseignement agricole (Onea) est arrivé à terme en 2013. Or aucun décret n'a été publié. Est-ce à dire que l'on veut mettre fin à l'Observatoire ? Son rapport en 2013 soulignait la spécificité et la qualité de l'enseignement agricole, avec raison. Je proposerai, en deuxième lecture, comme en première, de traduire ses recommandations dans la loi d'avenir de l'agriculture. L'Onea ne doit pas disparaître. Quand le décret de désignation sera-t-il publié ?
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement . - Je connais votre attachement, madame Férat, à l'enseignement agricole ; je découvre aujourd'hui votre attachement à l'Onea... Je vous le dis clairement : j'entends maintenir cet observatoire mais dans un cadre nouveau, qui devra donner lieu à un décret. Son expertise est nécessaire au ministère, en particulier pour son travail d'anticipation. Je travaillerai à une publication rapide du décret après l'adoption de la loi d'avenir.
Mme Françoise Férat. - Faut-il attendre jusque-là ? Ce serait dommage d'attendre un an... Je vous remercie toutefois pour ces propos rassurants.
Politique de sécurité routière
M. Alain Fouché . - La multiplication incessante des radars n'a pas de lien de cause à effet sur la baisse de la mortalité au volant. Le « tout radar » est aujourd'hui davantage une manne financière pour l'État quand M. Chirac avait conçu les radars comme un outil servant à abaisser la mortalité sur les routes. Les Français ne sont pas dupes.
Le cas de l'Allemagne est éloquent : grâce à une politique fondée sur la confiance, à population supérieure, à nombre de permis en circulation et parc automobile plus importants, la mortalité sur les routes allemandes est plus faible. Au cours des vingt dernières années, le nombre d'accidents mortels y a diminué de 71 % malgré une augmentation du trafic de 25 % et du nombre de véhicules de 17 %.
Le « tout répressif » français a ses limites. Un excès de vitesse de 5 kilomètres/heure n'entraîne pas une perte de contrôle du véhicule ou une augmentation du potentiel de mortalité. Ce qui est en cause, c'est avant tout l'alcool, les stupéfiants et les grands excès de vitesse. Le pari allemand est payant : l'Allemagne occupe la cinquième place du classement européen en termes de sécurité routière, avant la France qui se situe en huitième position. Pourquoi continuer dans le « tout-répressif » ? Le Gouvernement entend-il engager une concertation avec les automobilistes et établir avec eux un rapport de confiance pour mener une vraie réforme ?
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement . - Je vous prie d'excuser l'absence de M. le ministre de l'intérieur, retenu place Beauvau.
La baisse de la mortalité routière est un objectif partagé. Le Gouvernement mobilise tous les leviers de la prévention comme de la répression, qui sont complémentaires. La mise en place de radars automatiques n'a nullement un objectif financier, elle a déjà sauvé 30 000 vies. En 2013, les recettes de radars ont atteint 700,8 millions d'euros, dont 238 millions ont été reversés aux collectivités territoriales pour améliorer leurs infrastructures de transport, et 170 millions à l'Afitf. Ces chiffres sont à mettre en regard des 21,7 milliards d'euros que coûtent les accidents de la route.
Les petits excès de vitesse de moins de 10 km/h sont désormais responsables, sur les routes bidirectionnelles, de 46 % des accidents mortels.
La lutte contre l'alcool et la drogue au volant fait également partie de nos priorités : 10 millions de contrôles ciblés ont été menés l'an dernier.
Quant à la comparaison avec l'Allemagne, elle ne vaut pas. Notre taux de mortalité sur la route a baissé de 72,3 % entre 1990 et 2010, soit davantage que les 71,6 % constatés outre-Rhin et le nombre d'accidents corporels a baissé ici de 59 %, là de 20,5 % seulement.
M. Alain Fouché. - Vos chiffres sont fantaisistes. Les accidents sont d'abord dus à la forte augmentation du nombre de conducteurs sans permis ou disposant d'un permis étranger, sans points, néanmoins valable sur tout le territoire européen. Le Gouvernement sanctionne toujours les mêmes, ceux qui se lèvent tôt pour travailler et n'ont pas comme d'autres les moyens de s'acheter des points sur Internet. Tout cela est d'une injustice incroyable. Il faut modifier cette politique.
Lutte contre le chômage dans le Nord-Pas-de-Calais
M. Dominique Bailly . - Selon les statistiques mensuelles du chômage publiées en 2014, ma région du Nord-Pas-de-Calais compte 269 600 demandeurs d'emploi en catégorie A, 375 700 toutes catégories confondues. Plus de 70 000 sont moins de 25 ans. Le nombre de demandeurs d'emploi atteint un niveau record dans le Nord-Pas-de-Calais, 14 % de la population active.
Le Gouvernement a appelé à une mobilisation générale pour faire reculer durablement le chômage et lancé le pacte de responsabilité, qui comprend des engagements chiffrés en termes de création d'emplois. Quelles dispositions le Gouvernement entend-il prendre dans ce cadre, en particulier au bénéfice de ma région ?
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement . - La région Nord-Pas-de-Calais bénéficie de dépenses de l'État deux fois supérieures proportionnellement à son poids démographique et économique. C'est la preuve du volontarisme de l'État. Le Gouvernement active tous les leviers dans la région du Nord-Pas-de-Calais : l'activité partielle (16 millions), les formations individualisées (7 500 personnes en ont bénéficié en 2013), les contrats aidés (12 % du total national). Grâce aux contrats d'avenir, les résultats sont au rendez-vous : le chômage des jeunes a reculé de 6 % dans la région, davantage que la moyenne nationale. En 2014, 1 350 contrats aidés supplémentaires seront octroyés.
Le pacte de responsabilité amplifiera ces résultats. La mobilisation doit être permanente pour redonner de l'espoir.
M. Dominique Bailly. - Merci de cette mobilisation en faveur de cette région qui est la plus jeune de France. Je me félicite de la garantie jeunesse annoncée par le président de la République et du combat qu'il mène à Bruxelles. L'expérimentation menée dans dix régions doit être pérennisée.
La séance, suspendue à 11 h 25, reprend à 11 h 30.