Convention européenne contre les violences à l'égard des femmes
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l'égard des femmes et la violence domestique.
Discussion générale
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès de la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports . - Veuillez excuser Mme Vallaud-Belkacem, retenue pour l'instant.
Nous parlons d'un phénomène qui touche un tiers des femmes dans le monde, selon le rapport de l'OMS l'an dernier : les violences qui, toutes, sous toutes leurs formes, sont le fruit de représentations sexistes. En France, une femme sur six a subi des violences conjugales, et 148 femmes en sont mortes en 2012. Une sur dix également déclare avoir subi des rapports forcés, ou des tentatives de rapports forcés. Cela signifie que nous devons briser la loi du silence et baisser notre seuil de tolérance. Gestes déplacés, insultes sexistes, violences conjugales dans le voisinage... : ce qui est tristement banal n'en est pas moins choquant. Intimité ne doit plus rimer avec impunité, comme l'a dit Mme Vallaud-Belkacem au Conseil des ministres.
La convention d'Istanbul d'avril 2011 est un instrument contraignant précieux. La France en a été le premier signataire, elle veut en être la promotrice. Le seuil de dix ratifications a été franchi, la convention entrera en vigueur en août prochain. Ouverte à la signature de tous les États, elle représente, a dit l'ONU Femmes, la norme d'excellence. Elle est fondée sur la stratégie globale des trois « p » : prévenir, protéger et poursuivre.
La France a déjà adapté son droit pénal en introduisant dans la loi d'avril 2013 la sanction du mariage forcé et des mesures contre les mutilations sexuelles.
Cependant, la convention d'Istanbul ne s'arrête pas à des dispositions pénales. Elle propose une démarche globale, qui est soutenue au plus haut niveau de l'État. D'où le quatrième plan de lutte contre les violences faites aux femmes, doté d'un financement de 66 000 euros. Il comprend le renforcement des hébergements d'urgence, du numéro d'urgence, le soutien aux victimes et le suivi des auteurs de violences. Une mission interministérielle, créée en janvier 2013, recense les bonnes pratiques et oeuvre à la formation des professionnels.
La politique de la France, intégrée et globale, correspond donc à l'esprit de la convention d'Istanbul. Je remercie le Sénat et tout particulièrement Mme Garriaud-Maylam, rapporteur, et Mme Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes, pour leur soutien et leur engagement. (Applaudissements)
Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur de la commission des affaires étrangères . - Nous transposons, avec ce texte, la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l'égard des femmes et les violences domestiques, adoptée il y a trois ans. Les violences faites aux femmes, je les constate souvent lors de mes déplacements à l'étranger ; là aussi la coopération internationale est indispensable. Mais revenons au texte : la France l'a signé dès le 11 mai 2011. Nous plaidions pour une procédure simplifiée, pour aller plus vite, un autre choix a été fait. Ce qui est d'autant plus dommage qu'entre-temps, les violences faites aux femmes ont progressé, qu'elles soient physiques ou psychiques.
Depuis les années 1990, le Conseil de l'Europe se préoccupe de mieux combattre les violences faites aux femmes. Entre 2006 et 2008, il a mené une campagne pour les combattre, la task force chargée du suivi recommandant alors l'adoption d'un instrument juridique contraignant. En réponse, le comité des ministres a institué un comité ad hoc, le Cahvio, qui a élaboré un projet de convention finalement adopté par le comité des ministres le 7 avril 2011.
L'utilité de cette convention n'est plus à démontrer. L'enquête menée par l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne, auprès de 42 000 femmes, et publiée le 5 mars 2014, révèle une situation alarmante : un tiers des femmes victimes de violences depuis l'âge de 15 ans, un tiers des femmes victimes de violences durant leur enfance, 5 % des femmes violées et, c'est accablant, 67 % n'ont pas signalé à la police les violences qu'elles ont subies.
En France, nous ne disposons pas de données systématiques. La Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences (Miprof), créée en janvier 2013, doit combler cette lacune. Inspirons-nous des modèles étrangers. Nous devons faire courir le délai de prescription à partir de la déclaration de la victime pour une IVG forcée. Le Parlement devra s'y pencher.
Une femme sur dix, rappelait le ministre, est victime de violences. La convention du Conseil de l'Europe est un instrument régional novateur parce que contraignant - seule l'organisation des États américains et l'Union africaine en possédaient un - et parce que global, avec ses trois « p » : prévenir, protéger et poursuivre. Sur le deuxième point, j'insisterai sur la protection des témoins, y compris des enfants.
Au-delà de la réponse aux urgences, la France a encore des progrès à faire. Nous ne disposons pas d'un guichet unique, notre dispositif d'aide pour recouvrer une pension alimentaire dans les mariages mixtes, est insuffisant.
En conclusion, cette convention donnera un nouveau souffle aux politiques que la France mène depuis plusieurs années. Elle promeut une approche intégrée, que nous retrouvons dans la loi sur l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Elle aura des retentissements sur notre droit d'asile, en raison de ses articles 60 et 61 qui appellent à un examen sensible au genre des demandes d'asile. Nous devrons veiller à la conformité de la proposition de loi n°1856 relative à l'autorité parentale. Il reste du chemin à faire. En attendant, nous devons ratifier cette convention pour qu'elle entre en vigueur au plus vite. (Applaudissements)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes . - Adopter ce texte très attendu autorisant la ratification de la convention d'Istanbul en procédure simplifiée aurait été dommage ; ce débat sera utile, j'en suis sûre.
Je salue l'arrivée de Mme Vallaud-Belkacem.
La convention d'Istanbul est un texte complet s'attaquant au continuum des violences, des violences psychiques aux crimes dits d'honneur. Je note cependant une lacune : il y manque la prostitution. Nous y reviendrons lors de l'examen de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel.
Je me félicite, néanmoins, de la mention dans le préambule de la convention des violences sexuelles faites aux femmes lors des conflits armés - nous y avons consacré un rapport récemment. Les souffrances liées aux guerres doivent être traitées dans notre pays, de nombreuses femmes les ont connues avant d'achever leur parcours migratoire dans notre pays.
Les violences faites aux femmes découlent, il faut le marteler sans relâche, des inégalités entre hommes et femmes.
La convention insiste, avec raison, dans son article 14 sur la prévention dès le plus jeune âge ; au lycée, il est trop tard. La délégation aux droits des femmes travaille d'ailleurs depuis le début de l'année sur les stéréotypes véhiculés par les manuels scolaires. Les clichés sexistes enferment les jeunes filles dans des parcours de formation qui ne sont pas, loin s'en faut, des passeports pour le succès.
Autre point important de la convention, l'article 17-2. On sait les risques liés au contact avec des images violentes ou dégradantes qui, par exemple, banalisent le viol dans les jeux vidéo. Nous devons endiguer cette prolifération d'images non maîtrisées par des actions de prévention fermes.
Notre délégation sénatoriale ne peut que vous inviter à voter ce texte. (Applaudissements)
Mme Françoise Laborde . - Il est plus que jamais nécessaire d'harmoniser les politiques européennes de lutte contre les violences faites aux femmes. Le rapport de l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne, fondé sur une enquête auprès de 42 000 femmes, fait froid dans le dos : 33 % de femmes victimes de violences, 5 % de victimes de viol et, surtout, 67 % de femmes ne portant pas plainte - ce chiffre atteint 90 % en France.
Cette loi du silence signifie la double peine pour les victimes : la liberté de ces femmes est entravée : elles évitent certaines situations et certains lieux, de peur d'être agressées.
L'enquête révèle la diversité des formes de violence, qui n'épargnent aucun âge et se rencontrent dans la rue comme au sein du couple.
Enfin, toute la famille en pâtit, jusqu'aux enfants.
Je le rappelais dans mon récent rapport pour la délégation aux droits des femmes en présentant vingt préconisations - on les retrouve, pour la plupart, dans la loi sur l'égalité réelle entre hommes et femmes et dans la présente convention.
Briser la loi du silence, la honte pour les victimes et l'impuissance des autorités à poursuivre les auteurs des violences, c'est le but de ce texte qui comprend un catalogue de mesures en ligne avec la stratégie des trois « p ». Stratégie globale nécessaire car, comme le dit Gérard Lopez, formateur des services de police, « le cycle de la violence conjugale repose sur le déni, (...) c'est un long processus qui déstructure la personne ».
Cette convention est la plus contraignante jamais proposée aux États membres en la matière : c'est un instrument ambitieux, intégré et transversal.
La France s'honorerait à la ratifier avant les élections européennes, nous donnerions ainsi du sens à notre maison commune qu'est l'Union. Les violences conjugales ne sont pas à traiter comme de simples violences : si elles doivent être punies, il faut également aider les femmes à se reconstruire.
Vous ne serez pas surpris que le groupe RDSE du Sénat vote pour. (Applaudissements)
Mme Esther Benbassa . - La convention d'Istanbul d'avril 2011 représente le premier instrument complet, intégré et contraignant de lutte contre les violences faites aux femmes. La France s'honorerait, après l'Espagne, à être le dixième État à ratifier ce texte et, par là-même, à autoriser son entrée en vigueur. Trop souvent, les femmes violentées sont abandonnées par le corps médical insuffisamment formé au dépistage des troubles psycho-traumatiques. Il faudrait développer une approche empathique et bienveillante pour éviter que ces troubles ne deviennent chroniques.
Alors que 35 % des femmes qui se présentent aux urgences présentent des symptômes de violences conjugales, seules 2 % sont identifiées... Je vous invite à méditer l'ouvrage de Muriel Salmona Le livre noir des violences sexuelles.
À quelques jours des élections européennes, nous montrerions que l'Europe est celle de tous les citoyens. Le groupe EELV votera ce texte.
Pour finir, un témoignage : « On nous fait taire très rapidement, mais nous parlons quand même, nous parlons avec notre corps ; on ne se sent plus appartenir à notre espèce, l'espèce humaine ; on nous juge, nous nous terrons dans nos maisons. Nous ne vivons pas, nous survivons avec nos douleurs dans une solitude que vous n'imaginez même pas. Nos droits doivent être réels, et non pas de simples mots couchés sur le papier ». À nous, chers collègues, de les entendre. (Applaudissements)
Mme Muguette Dini . - Je dois l'avouer, je n'avais pas lu, il y a peu, l'intégralité de la convention d'Istanbul. Quelle erreur ! Les 81 articles sont riches. Je vous en épargnerai le détail pour insister sur le fait que les violences faites aux femmes touchent tous les États. Je vous renvoie au rapport de l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne de 2014.
Deuxième observation, la lutte contre ces violences est européenne et internationale. Voyez les travaux du Conseil de l'Europe et de l'ONU.
Troisièmement, la convention est intégrée dans notre législation. Cependant, quatrièmement, notre législation doit évoluer. Avec l'association Stop aux violences sexuelles, j'ai organisé des assises au Sénat pour élaborer une stratégie d'éradication. Cette dernière passe par une modification du délai de prescription dans notre législation.
Il ne suffit pas de libérer la parole des victimes, il faut la leur donner. C'est d'autant plus nécessaire quand les faits sont survenus durant l'enfance. D'où ma proposition de loi, conforme à l'article 58 de la convention, qui ferait démarrer le délai de prescription au dépôt de la plainte.
Mes chers collègues, je vous invite à la cohérence : soutenez ma proposition de loi comme vous adopterez, je n'en doute pas, ce projet de loi. (Applaudissements)
Mme Laurence Cohen . - Je suis heureuse que le Sénat, contrairement à l'Assemblée nationale, puisse débattre de ce texte important, qui doit bientôt entrer en vigueur suite à sa ratification par 11 États.
Les chiffres sont sans appel : les violences faites aux femmes sont un phénomène de masse reflétant la perpétuation de la domination masculine dans notre société. En deux ans, 300 000 femmes ont été victimes de violences sexuelles, une femme sur sept a fait l'objet d'insultes sexistes, une sur vingt de propos déplacés. Les faits sont trop souvent banalisés.
Cette convention exprime une prise de conscience et une volonté commune de lutte contre les violences : c'est le premier instrument juridique contraignant à cet effet. Il s'appliquera aux 47 pays membres et au-delà. À la veille des élections européennes, ces sujets doivent être présents dans les différents programmes, alors que les forces rétrogrades sont à l'oeuvre, qui tentent d'imposer leur vision moraliste et traditionnelle de la société. Elles manifestent contre le mariage pour tous, l'IVG.
En Espagne et ailleurs, on cherche à remettre en question le droit à l'avortement.
M. Roland Courteau. - Eh oui !
Mme Laurence Cohen. - En France même, ce droit reste fragile, en raison des manoeuvres d'obstruction d'extrémistes et de la disette budgétaire : 130 centres ont été fermés en dix ans, je le rappelais lors de l'examen de ma proposition de loi visant à imposer un moratoire sur la fermeture d'établissements de santé, je crains que cela ne s'aggrave. Les femmes qui peinent à obtenir un rendez-vous risquent de dépasser le délai légal. Il est donc regrettable que l'article 39 de la convention n'évoque pas les attaques contre l'IVG.
Nous ne comprenons pas non plus que ce texte fasse l'impasse sur la prostitution, cette violence extrême.
En France, 85 % des prostitués de rue sont des femmes, dont 90 % d'étrangères : c'est dire la mondialisation de ce fléau. Il aurait été bon que les Européens s'accordent contre la traite des êtres humains et le proxénétisme.
Les femmes sont aussi victimes de la violence économique : je vous renvoie au rapport - hélas rejeté par le Parlement européen - de l'eurodéputée portugaise Inês Zuber.
C'est l'effet de l'austérité galopante, que nous avions dénoncé en rejetant l'ANI.
Malgré ces manques, nous soutenons évidemment cette convention. Le groupe CRC a d'ailleurs déposé une proposition de loi sur le même sujet. Hélas, le format des niches parlementaires ne permettra pas de l'examiner. Une intervention du Gouvernement serait bienvenue.
La France se doit de combattre toutes les formes de violences faites aux femmes. Nous soutenons une clause de non-régression, ainsi qu'un débat sur la clause de l'Européenne la plus favorisée voulue par Gisèle Halimi, tendant à aligner les législations vers le haut. L'Europe sans violence sera un pas supplémentaire vers l'égalité réelle entre femmes et hommes. (Applaudissements)
Mme Maryvonne Blondin . - Représentante du Sénat à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe avec Mme Bourzai, elle-même membre du réseau parlementaire pour le droit des femmes à vivre sans violence, je suis très satisfaite de voir enfin ce texte arriver devant nous. Il complète l'arsenal dont la France dispose déjà, mais à une échelle paneuropéenne. Nous aurions pu être le dixième pays à la ratifier et permettre ainsi son entrée en vigueur si le calendrier législatif n'en avait pas décidé autrement.
La convention d'Istanbul est le premier instrument juridique contraignant, en Europe élargie, visant à protéger les femmes contre toutes les formes de violences. Pour la première fois, une convention énonce clairement que la violence à l'égard des femmes et la violence domestique ne peuvent plus être considérées comme des questions privées. Elle est l'aboutissement d'un long travail au sein du Conseil de l'Europe ; à ce jour 32 pays sur 47 l'ont signée.
Sur la prostitution, nous avons voté la transposition d'une directive européenne relative à la lutte contre la traite des êtres humains et le mariage forcé. Le Conseil de l'Europe a voté en avril dernier un rapport sur le sujet. Il y eut aussi le traité de Varsovie.
Depuis 2006, le réseau parlementaire pour le droit des femmes à vivre sans violence, qui compte 51 membres, est à l'oeuvre avec détermination. Intimité ne doit pas rimer avec impunité - ce n'est malheureusement pas toujours le cas. Une enquête de l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne confirme que la violence à l'égard des femmes est une violence à grande échelle : 33 % des femmes interrogées ont connu des violences physiques ou sexuelles dès l'âge de 15 ans ; 67 % victimes de leur conjoint disent ne pas l'avoir signalé.
Cette convention, novatrice, établit des normes contraignantes et rejoint sur bien des points les politiques menées en France. Sans revenir sur les trois piliers, je soulignerai seulement que les États devront veiller à ce que la culture, les traditions ou l'honneur ne soient pas considérés comme des justifications aux violences.
Des mécanismes de suivi sont prévus : observatoires nationaux, collecte de données. La France applique d'ores et déjà plusieurs des mesures prévues. Le projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes va dans le même sens et tous les ministres sont impliqués dans une feuille de route pour l'égalité dans leur champ de compétence.
Des experts indépendants seront chargés d'évaluer le respect des normes par les États.
Le groupe socialiste votera ce texte avec conviction. (Applaudissements à gauche)
Mme Christiane Kammermann . - Je rends hommage à Mme Garriaud-Maylam, qui a accompli un formidable travail qui dépasse ce projet de loi de ratification ; elle défend toujours avec pugnacité les droits des femmes, aux niveaux national et international, et s'implique dans la lutte contre la traite des êtres humains. Son intervention en février à la Conférence Marmara à Istanbul témoigne de son engagement.
Cette convention est une étape importante. Elle a pour vocation d'éradiquer à terme les violences à l'égard des femmes au-delà des frontières de l'Europe, puisqu'elle pourra être ratifiée par des États extérieurs au continent.
Le chemin reste long. Le mois dernier, au Nigéria, des lycéennes de 12 à 15 ans ont été kidnappées pour semble-t-il être vendues 10 euros. Double perversité, puisque les auteurs organisés et armés de ces crimes, la secte Boko Haram, cherchent à empêcher leur émancipation et les priver d'un avenir dont elles seraient maîtresses.
La situation n'est pas meilleure au Pakistan, où la radicalisation religieuse progresse et rend de plus en plus difficile l'accès à l'école pour les jeunes filles. Selon l'Unicef, entre 2007 et 2011, 61 % des femmes entre 15 et 24 ans étaient alphabétisées. Mais les jeunes filles désertent les écoles à l'issue du primaire. Selon le gouvernement pakistanais, 26 % des femmes seulement savent lire et écrire - selon d'autres données, cette proportion est de 12 %, contre 26 % dans la population générale. Or la liberté des femmes est indissociable de l'éducation ; les priver du savoir est la première des violences qui leur sont faites.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. - Absolument !
Mme Christiane Kammermann. - En Inde, la justice a condamné fermement les auteurs d'un viol collectif. Les victimes sont de moins en moins considérées comme des parias. Preuve qu'un changement sociétal est à l'oeuvre.
Que la France use de son influence pour faire ratifier cette convention par le plus grand nombre de pays. Trente-deux pays l'ont signée.
Ce texte n'est pas une énième déclaration, mais un instrument juridique contraignant, qui doit s'accompagner d'une modification du droit national. Sur ce point, la France n'a pas à rougir (M. Roland Courteau le confirme) puisque des mesures existent déjà en droit interne ou sont prévues par le projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Nous en sommes au quatrième plan national contre les violences faites aux femmes depuis 2004, du fait de tous les gouvernements. Il y a des sujets où la France est en avance !
Le groupe UMP soutiendra pleinement le projet de ratification.
Revenons sur quelques points. La stratégie des trois « p » est très pragmatique. Il est également judicieux de prendre en compte les témoins, et notamment les enfants - qui, d'une manière générale, sont de plus en plus exposés aux violences faites aux femmes. Foin des polémiques sur le genre ou les stéréotypes des jouets, travaillons plutôt sur l'image de la femme dans la publicité, les clips ou les jeux vidéo.
Pour être crédible la France doit être exemplaire, en mettant en oeuvre une politique pénale plus adaptée. Les femmes victimes de violences ne peuvent se satisfaire de voir leurs bourreaux condamnés à des peines avec sursis.
Ce combat doit s'inscrire dans un combat global contre toute forme de violence faite à l'humanité. Nous formulons le voeu que d'autres pays nous rejoignent rapidement. (Applaudissements)
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports . - Un clin d'oeil d'abord : en sa qualité de coprince d'Andorre, François Hollande a contribué à la ratification par un dixième État de la convention d'Istanbul...(Sourires) J'aurais aimé, moi aussi, que la ratification de la convention intervienne plus vite.
Le fait que notre débat se tienne ce soir est loin d'être anodin, alors que nous venons de recevoir des nouvelles alarmantes des jeunes femmes enlevées au Nigéria. Vente des femmes et mariages forcés existent encore dans certaines parties du monde... C'est aussi aujourd'hui 5 mai que la justice militaire congolaise a rendu son jugement contre les 39 soldats mis en cause pour viol massif, en novembre 2012 ; 36 ont été acquittés. En quelques jours, 150 femmes avaient été violées. Soyons conscients de notre chance d'appartenir au continent européen qui a décidé, par cette convention, d'agir résolument contre les violences faites aux femmes.
Je vous confirme la mobilisation du Gouvernement. L'enquête Virage a été lancée, qui porte sur un échantillon de 17 000 hommes et femmes ; elle nous permettra de disposer de données fiables sur la réalité et la diversité des violences, que la mission interministérielle rendra publiques.
La réserve émise par la France sur le délai de prescription était nécessaire pour ne pas allonger le délai applicable à l'avortement forcé. Un programme national de formation des personnels médicaux et paramédicaux a été lancé en novembre dernier. Nous travaillons avec Gynécologie sans frontières, grâce à qui un manifeste contre les violences faites aux femmes a été signé par des représentants de toutes les spécialités. Mme Touraine et moi-même élaborons un protocole sanitaire de prise en charge des femmes victimes de violences.
Merci du travail accompli sur un texte long dans lequel il faut se plonger ; mais quand on le fait, ça fait du bien... (Applaudissements)
La discussion générale est close.
Discussion de l'article unique
ARTICLE UNIQUE
M. Roland Courteau . - Ce sujet me préoccupe au plus haut point depuis de nombreuses années. Comment admettre qu'au XXIe siècle, il faille voter de tels textes pour empêcher que des femmes soient violentées ? Les chiffres prouvent que ces textes sont plus que nécessaires. La France a déjà adapté sa législation. La loi contre les violences au sein du couple, qui m'est chère, a été suivie de la loi de 2010 et de la loi sur le harcèlement sexuel, puis du projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Mais il est encore des États où l'impunité perdure.
Notre pays s'engage à ce sujet sur la scène internationale, et je me félicite que la convention d'Istanbul reprenne de nombreux points de notre législation. Ce texte repose sur la stratégie globale des trois « p », je n'y reviens pas. La France est en avance, mais dans d'autres pays qui n'ont pas encore pris la mesure de ce fléau, les femmes ne se sentiront plus isolées et auront désormais les moyens de se battre pour leur dignité. Oui, intimité ne doit plus rimer avec impunité.
L'article unique est adopté.
Le projet de loi est définitivement adopté.
(Applaudissements)
Prochaine séance demain, mardi 6 mai 2014, à 9 h 30.
La séance est levée à 23 h 20.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques