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Table des matières
Commissions mixtes paritaires (Candidatures)
Organisme extraparlementaire (Appel à candidature)
M. Jean-Pierre Leleux, auteur de la proposition de loi
Commissions mixtes paritaires (Nominations)
M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social
Mme Catherine Deroche, rapporteure de la commission des affaires sociales
M. François Rebsamen, ministre
ARTICLE ADDITIONNEL AVANT L'ARTICLE PREMIER
Modification à l'ordre du jour
Ordre du jour du lundi 5 mai 2014
SÉANCE
du mercredi 30 avril 2014
92e séance de la session ordinaire 2013-2014
présidence de M. Jean-Pierre Raffarin,vice-président
Secrétaires : M. Jean Desessard, M. François Fortassin.
La séance est ouverte à 14 h 35.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Dépôt d'un avis
M. le président. - M. le président du Sénat a reçu de Mme la présidente de la commission permanente du congrès de la Nouvelle-Calédonie l'avis formulé par la commission permanente du congrès de la Nouvelle-Calédonie au cours de sa séance publique du mercredi 30 avril 2014 sur le projet d'ordonnance portant extension et adaptation à la Nouvelle-Calédonie de l'application des dispositions du livre IV du code de commerce relevant de la compétence de l'État en matière de pouvoirs d'enquête, de voies de recours, de sanctions et d'infractions.
Ce document a été transmis à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale.
Commissions mixtes paritaires (Candidatures)
M. le président. - J'informe le Sénat que la commission des lois a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. Cette liste a été affichée ; la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 12 du Règlement.
La commission des lois a aussi procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales, actuellement en cours d'examen. Cette liste affichée conformément à l'article 12, alinéa 4 du Règlement, sera ratifiée si aucune opposition n'est faite dans le délai d'une heure.
Organisme extraparlementaire (Appel à candidature)
M. le président. - M. le premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein du Comité national de l'eau. Conformément à l'article 9 du Règlement, la commission du développement durable est invitée à présenter une candidature. La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par le Règlement.
Premiers secours (Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire, présentée par M. Jean-Pierre Leleux et plusieurs de ses collègues.
Discussion générale (Suite)
M. le président. - Je vous rappelle que nous avons commencé l'examen de cette proposition de loi lors de notre séance du 19 novembre dernier au cours de laquelle l'auteur de la proposition de loi, la rapporteure et la ministre étaient intervenus.
M. Jean Boyer . - L'histoire du permis de conduire en France remonte au-delà de 1922, date à laquelle il apparaît pour la première fois dans le code de la route pour remplacer le certificat de capacité jusqu'alors exigé pour conduire les véhicules terrestres à moteur.
La loi du 30 mai 1851 sur la sécurité routière, texte fondateur, servit de fondement juridique à plusieurs codes de la route, la traction était alors surtout le cheval.
Il fallut attendre le décret du 27 mai 1921 pour que tous les véhicules fussent concernés. Le premier permis de circuler fut passé en 1899... sur un tricycle. La Duchesse d'Uzès fut la première française à obtenir le permis et à se voir infliger une contravention... pour un excès de vitesse à 40 km/h au lieu des 20 km/h autorisés.
L'ordonnance du préfet Lépine du 14 août 1893 fut étendue le 10 mars 1899 à tout le territoire : un certificat de capacité était alors créé, sous le contrôle d'un inspecteur des mines. On demandait alors aux candidats de savoir démarrer, s'arrêter, repartir et procéder à des menues réparations. La vitesse autorisée était de 12km/h en agglomération et 20km/h en rase campagne.
Le premier permis de conduire date de 1922. L'arrêté du 16 mars 1923 a créé les catégories A et B. Entre les deux guerres, les types de véhicules se multiplient, ainsi que le nombre de voitures de tourisme. Cela conduit à renforcer la répression des infractions, avec la suspension du permis en 1927. Après la deuxième guerre mondiale, le permis se modernise : catégories, limitation de vitesse pour les débutants, conduite accompagnée...
Nous connaissons tous les imprudences, voire les inconsciences de certains. Impossible de mettre un policier derrière chaque conducteur : la sécurité est un état d'esprit qui doit s'acquérir dès le plus jeune âge. Nous avons un permis de conduire, pas de nuire. La vie n'a pas de prix.
Une contradiction est cependant flagrante : les véhicules peuvent aller beaucoup plus vite que la vitesse autorisée. De même le tabac tue, mais on le laisse en circulation... La sécurité routière repose avant tout sur la responsabilité individuelle.
Une formation régulière aux gestes de premiers secours est nécessaire tous les cinq ans à partir d'un certain âge, ainsi qu'une mise à jour pour mieux suivre l'évolution de la réglementation.
Si la lutte contre les maladies les plus terribles n'a pas donné tous les résultats espérés, nous pouvons empêcher la mort sur la route. Le combat doit être individuel et collectif, citoyen. La mort sur la route n'a ni âge, ni profession, ni couleur, ni sexe, ni heure. Par notre prudence, nous pouvons différer notre départ vers l'au-delà et celui des autres. (Applaudissements sur les bancs UMP et sur le banc des commissions ; M. François Fortassin applaudit aussi)
M. Michel Le Scouarnec . - À l'origine, cette proposition de loi tendait à créer une épreuve supplémentaire à l'examen du permis de conduire, visant à s'assurer que les candidats maîtrisaient les notions élémentaires des premiers secours. La survie des blessés est en jeu. Notons que la France est au troisième rang européen des plus fortes réductions d'accidents mortels sur la route, moins 8 % par an, mais cela ne suffit pas.
L'apprentissage des gestes de premiers secours est un enjeu collectif ; il n'est pas normal qu'il soit individuel et payant -moins de la moitié des français l'ont suivi. C'est un enjeu de santé publique. Nous appelons à une vaste campagne publique de formation, en partenariat avec les collectivités territoriales, les Sdis, les associations humanitaires et de secourisme. Une formation initiale de base doit être dispensée dès le collège. Elle existe déjà dans le cadre de l'enseignement civique et dans certaines spécialités de la voie technologique et professionnelle. Les élèves d'aujourd'hui sont les conducteurs de demain. Alors que tout le monde ne passe pas le permis, en raison de son coût parfois, l'école doit aussi être, dans ce domaine, un lieu de correction des inégalités.
Nous partageons cependant les réserves de la commission sur la création d'une épreuve nouvelle dans un examen déjà coûteux, alors que nous manquons d'examinateurs. Mieux vaut généraliser la formation aux notions élémentaires : aussi voterons-nous le texte de la commission. (Applaudissements sur les bancs CRC et socialistes, au centre et à droite)
M. Roger Madec . - Qui ne serait d'accord pour dispenser à tous une formation de base aux gestes de premiers secours ? Si la France a engagé depuis longtemps une politique résolue de sécurité routière, il faut ajouter la prévention à la répression. On dénombrait 3 250 tués sur la route en 2013, 403 vies ont été épargnées l'an dernier. C'est la plus forte baisse enregistrée depuis 2006. Il faut cependant aller plus loin pour atteindre l'objectif fixé par le Gouvernement de passer sous la barre des 3 000 victimes.
La formation aux gestes de premiers secours pour les conducteurs est réclamée par les associations. Or seuls 46 % des Français en bénéficient. Cette proposition de loi crée une épreuve supplémentaire à l'examen du permis de conduire afin de combler cette lacune. La connaissance de notions de secourisme est importante car 50 % des victimes d'accidents succombent dans les premières minutes. Une étude de l'OMS montre que la gravité des accidents augmente si les personnes qui y assistent ne savent pas réagir correctement.
En 2004, le législateur a imposé l'apprentissage des gestes de premiers secours au collège et au lycée mais, sans doute par manque de moyens, seuls 20 % des élèves de troisième sont formés chaque année. Pour les candidats au permis de conduire, la loi du 12 juin 2003 avait créé une obligation de formation aux gestes de premier secours ; elle est restée lettre morte, faute de décret d'application.
Le Parlement n'est pas resté inactif. Le président Sueur avait déposé un texte en 2007 pour intégrer une formation obligatoire aux premiers secours dans l'examen du permis de conduire de transport de personnes. La dernière proposition de loi en date, similaire à celle que nous examinons, a été rejetée à l'Assemblée nationale en 2012, au motif qu'elle relevait du domaine règlementaire.
La création d'une nouvelle épreuve occasionnerait un surcoût, alors que le coût du permis de conduire reste bien trop élevé en France. Il n'est pas non plus certain que les associations puissent répondre aux demandes individuelles, ce qui allongerait encore les délais.
Je salue le travail de Mme Troendlé, rapporteure de la commission des lois, qui a simplifié le texte : l'examinateur au permis de conduire devra vérifier que les candidats maîtrisent les gestes élémentaires de premier secours. La formation sera intégrée au volet théorique - celui-ci sera modifié par voire réglementaire.
Depuis le mois de septembre, le Gouvernement a engagé une réflexion sur le permis de conduire, pour réduire les délais, la fiscalité et les accidents impliquant des jeunes conducteurs ; les conclusions du groupe de travail seront connues d'ici quelques semaines. Le Gouvernement pourra intégrer cette proposition de loi, même si elle relève du domaine règlementaire, à son projet de réforme. Le Parlement se doit de répondre à l'urgence. Le groupe socialiste votera le texte. (Applaudissements).
M. Gilbert Barbier . - La France a longtemps détenu, en Occident, le triste record des accidents routiers mortels. « Tropisme latin », disait-on... Alors qu'on comptait 45 morts par jour en 1972, les pouvoirs publics ont pris conscience du problème, et toutes les majorités ont adopté des mesures fermes. Hommage soit rendu à l'action décisive de Jacques Chirac pendant son second mandat.
La sécurité routière ne repose pas seulement sur la répression. D'où l'intérêt de cette proposition de loi. Une prise en charge appropriée des victimes d'accidents, dès les premiers instants, est capitale. Or la formation aux premiers secours ne relève encore en France que de l'initiative individuelle. Cette proposition de loi, qui part d'une bonne intention, s'inscrit dans la continuité de la loi de 2003, restée lettre morte faute de décret. Certes, cette matière ne relève pas du domaine de la loi. Mais face à l'inertie de l'administration, on peut penser que le Parlement doit agir.
Notons cependant que les « Cinq gestes qui sauvent » ne font plus consensus parmi les médecins. On ne peut pas attendre de tous les candidats aux premiers secours qu'ils passent un brevet de secourisme, au risque d'occasionner un lourd surcoût. Le permis coûte déjà cher, alors qu'il est indispensable dans certains territoires et pour certains métiers.
Le texte de la commission, tout en respectant l'esprit initial de la proposition de loi, nous paraît plus facile à mettre en oeuvre. Il est bon que les conducteurs aient à tout le moins pour premier réflexe d'appeler les secours. Et le dispositif retenu n'occasionnera aucun surcoût. Le groupe RDSE votera ce texte sans réserve. (Applaudissements)
Mme Esther Benbassa . - L'objet de cette proposition de loi est limpide : sauver des vies. Les premières minutes qui suivent un accident sont décisives : jusque 350 vies pourraient être sauvées chaque année si les témoins d'accidents étaient formés aux premiers secours. Or les Français y sont peu : d'après une enquête de la Croix-Rouge de 2013, seuls 55 % indiquent que leur premier geste serait d'avertir les secours ; 50 % des personnes interrogées ne savent pas correctement placer un triangle de signalisation.
Le texte initial suscitait des réserves. D'abord, il relève du règlement - nous sommes attachés au respect de la Constitution. Ensuite, il existe un dispositif général de formation aux premiers secours. La loi du 12 juin 2003 a imposé la sensibilisation aux premiers secours des candidats aux permis de conduire. Faisons appliquer la loi plutôt que d'en créer une nouvelle. Enfin, la création d'une nouvelle épreuve et le surcoût qui y serait lié empêcherait certains d'obtenir ce précieux sésame qu'est le permis de conduire.
Nous saluons le travail de la rapporteure de la commission des lois : au lieu d'une épreuve spécifique, l'examinateur devra s'assurer que le candidat maîtrise les notions élémentaires des premiers secours. Encore faut-il que cette formation soit effectivement dispensée à tous, dès l'école, au travail et tout au long de la vie. (Applaudissements)
M. Jean-René Lecerf . - Nous ne devrions pas débattre de cette proposition de loi puisque l'article 16 de la loi du 12 juin 2003 prévoit que les candidats au permis de conduire doivent être sensibilisés aux premiers secours - mais les décrets n'ont jamais été pris. Je connais ce dossier, porté par un conseiller municipal d'une commune du Nord et d'autres parlementaires du département, dont notre ancienne et regrettée collègue Dinah Derycke. Je vous éviterai mes commentaires sur l'obligation qu'a l'exécutif d'appliquer la loi...
Jean-Pierre Leleux a remis l'ouvrage sur le métier. La commission des lois a adouci les aspérités du texte qui pouvait de nouveau conduire à une impasse.
Chacun se félicite des progrès de la sécurité routière, grâce à la volonté sans faille des pouvoirs publics qui n'ont pas hésité à prendre des mesures parfois impopulaires. La mortalité sur les routes a été divisée par quatre depuis 1972. Actuellement, on parle beaucoup de la réduction de la vitesse autorisée sur les routes départementales, mesure dont la pertinence n'est pas unanimement appréciée... Cette proposition de loi permettrait déjà de sauver bien des vies, sans qu'elle présente de véritable inconvénient.
La compétence, dit-on, appartiendrait au pouvoir réglementaire. Je crois, pour ma part, que le constituant voulait que le Parlement se consacrât à l'essentiel. Or quoi de plus essentiel que de sauver des vies ?
D'autres veulent s'en remettre à l'éducation nationale, dont les résultats, en la matière, sont souvent décevants...
On fait parfois grief du coût supplémentaire de cette mesure généreuse, qui pèserait sur les candidats au permis de conduire. Mais cet effort supplémentaire doit être mis en regard des vies épargnées, des handicaps évités ou minimisés. Pour ceux qui ne seraient pas encore convaincus, un peu de droit comparé... L'Autriche forme 40 000 personnes aux gestes de premiers secours depuis 1971 ; l'Allemagne, la Suisse et le Danemark ont adopté des dispositifs semblables.
D'après la Croix-Rouge, 69 % des Français souhaiteraient suivre une formation aux gestes qui sauvent adaptés aux accidents de la route ; 91 % jugent important de les connaître ; 98 % plébiscitent l'obligation d'une telle formation pour les candidats au permis de conduire - les 2 % restant se partageant équitablement entre sans opinion et avis contraire...
En votant cette proposition de loi, le Parlement ne risque pas de heurter l'opinion : ne boudons pas ce plaisir supplémentaire. (Applaudissements sur les bancs UMP et au banc des commissions)
M. Maurice Antiste . - Pour réduire le nombre de victimes d'accidents de la route, il est essentiel que les Français connaissent les gestes qui sauvent, ce qui est encore trop rarement le cas. C'est d'autant plus préjudiciable que les secours mettent en moyenne treize minutes pour arriver sur place en ville, vingt à trente minutes en rase campagne.
Après le projet « Cinq gestes qui sauvent », dans les années 1970, plusieurs propositions de loi ont été repoussées ou sont restées lettre morte. Il est pourtant indispensable que tous les usagers de la route connaissent les gestes de premiers secours, qui doivent devenir des réflexes. La loi fait désormais de tous les citoyens des acteurs de la sécurité civile.
Dans ma ville du François, en Martinique, des cours de premiers secours sont dispensés gratuitement et les enseignants sont incités à les suivre ; 500 de mes concitoyens les ont suivis. C'est un atout précieux outremer, où les catastrophes naturelles ne sont pas rares. J'envisage de saisir les ministres de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur : il est indispensable que les enseignants soient formés à tous les niveaux de la scolarité. L'ajout d'un module « Premiers secours » dans la formation au permis de conduire, comme en Allemagne, en Autriche, en Suisse ou au Danemark est impératif. Je voterai cette judicieuse proposition de loi. (Applaudissements)
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale . - Veuillez excuser le ministre de l'intérieur, retenu. En vous écoutant, j'ai constaté une nouvelle fois que la sécurité routière transcende tous les clivages.
Sous la présidence de M. Jacques Chirac, et sous votre impulsion, monsieur le président Raffarin, on est passé à la vitesse supérieure - sans mauvais jeu de mots. Depuis, tous les gouvernements en ont fait une priorité.
Le texte de la commission évite l'écueil d'une troisième épreuve du permis de conduire. Plus simplement et plus efficacement, elle crée une formation obligatoire aux notions élémentaires de premier secours dans le cadre de la formation à la conduite. On peut s'étonner, d'ailleurs, qu'il ait fallu attendre aussi longtemps. Le Gouvernement partage votre objectif, déjà partiellement satisfait, notamment pour ce qui est de la formation des enseignants. Il accueille très favorablement cette proposition de loi.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
L'amendement n°1 est retiré.
ARTICLE UNIQUE
M. Jean-Pierre Leleux, auteur de la proposition de loi . - Pour être simple, cette mesure n'en permettra pas moins à la France de combler son retard et de répondre aux attentes de la population. Surtout, elle sauvera entre 250 et 350 vies par an. Il importe qu'un conducteur, sur un lieu d'accident, ne cède pas à la panique, qu'il soit en quelque sorte conditionné aux gestes de premier secours : c'est l'objet de cette proposition de loi.
Certains intervenants ont parlé des cinq gestes qui sauvent. Ce sont essentiellement des gestes de bases : alerter, baliser ; d'autres sont des gestes de secours, comme ventiler ; mais certains peuvent craindre de ne pas savoir s'y prendre.
Merci à Mme Troendlé et à la commission d'avoir accompagné notre démarche en évitant l'écueil réglementaire et en écartant avec sagesse et intelligence la troisième épreuve au permis de conduire. J'aimerais toutefois que, sans entrer dans le domaine réglementaire, la loi définisse mieux le contenu de la formation.
M. le président. - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par M. Leleux, Mme Cayeux, MM. Cambon, Gournac, Lefèvre et Gaillard, Mme Giudicelli, Mlle Joissains, M. Cointat, Mmes Duchêne, Sittler, Deroche et Férat et MM. Pierre, Couderc, B. Fournier, Pinton et P. Leroy.
Alinéa 3
Après les mots :
Cette formation
insérer les mots :
aux gestes de survie comprenant, outre l'alerte des secours et la protection des lieux, ceux pour faire face à la détresse respiratoire et aux hémorragies externes
M. Jean-Pierre Leleux, auteur de la proposition de loi. - Soit, nous ne devons pas empiéter sur les compétences du pouvoir réglementaire. Cependant, ajoutons quelques mots pour faire figurer dans la loi les cinq gestes qui sauvent. Ils sont dans Les premiers secours pour les nuls. (L'orateur brandit le livre)
M. le président. - Amendement n°3 rectifié, présenté par M. Leleux, Mme Cayeux, MM. Cambon, Gournac, Lefèvre et Gaillard, Mlle Joissains, M. Cointat, Mmes Duchêne, Sittler et Férat, MM. Pierre, Couderc, B. Fournier, Pinton et P. Leroy et Mmes Giudicelli et Deroche.
Alinéa 3
Après les mots :
Cette formation
insérer les mots :
aux gestes de survie
M. Jean-Pierre Leleux, auteur de la proposition de loi. - Amendement de repli.
Mme Catherine Troendlé, rapporteure de la commission des lois. - Lors des auditions que j'ai menées, le président du Samu et les pompiers ont souligné que la ventilation n'était pas forcément adaptée en cas d'accident de la route. Laissons le contenu de la formation au règlement, cela facilitera les adaptations qui seront rendues nécessaires par l'évolution des techniques. Avis défavorable.
M. André Vallini, secrétaire d'État. - Même avis pour les mêmes raisons.
M. Jean-Pierre Leleux, auteur de la proposition de loi. - Ces précautions sont-elles vraiment nécessaires ? Franchement, si on apprend seulement aux candidats à alerter et à signaler le lieu de l'accident, sauvera-t-on des vies ? Ouvrir légèrement la bouche, dégager la poitrine, comprimer une plaie ouverte pour stopper l'hémorragie sont des gestes simples. Partout en Europe, on les apprend.
L'amendement n°2 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°3 rectifié.
M. le président. - Amendement n°4 rectifié, présenté par M. Leleux, Mme Cayeux, MM. Cambon, Gournac, Lefèvre et Gaillard, Mme Giudicelli, Mlle Joissains, M. Cointat, Mmes Duchêne, Sittler, Deroche et Férat et MM. Pierre, Couderc, B. Fournier, Pinton et P. Leroy.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, un comité de suivi est chargé d'évaluer son application et de s'assurer que cette dernière répond aux exigences définies. À cet effet, il demande un rapport au Gouvernement sur la mise en oeuvre des dispositions votées.
Ce comité comprend deux députés et deux sénateurs, désignés par les commissions des lois auxquelles ils appartiennent.
M. Jean-Pierre Leleux, auteur de la proposition de loi. - Cet amendement, simple, instaure un comité de suivi composé de parlementaires afin d'évaluer les effets de cette loi. Je parlais de 250 à 350 morts épargnées grâce à ce texte, il faudrait affiner.
Mme Catherine Troendlé, rapporteure. - Le mécanisme m'apparait très lourd quand les décrets d'application font déjà l'objet d'un contrôle par notre commission des lois. Retrait, sinon défavorable.
M. André Vallini, secrétaire d'État. - Décidément, je tombe toujours d'accord avec la rapporteure.
M. Jean-Pierre Leleux, auteur de la proposition de loi. - Dont acte. Pour autant, monsieur le ministre, j'aimerais savoir si, dans le décret, vous comptez intégrer les gestes de survie dans cette formation obligatoire aux premiers secours.
M. André Vallini, secrétaire d'État. - Le secourisme est une matière qui évolue ; nous devons agir avec prudence. Les enseignants des auto-écoles ne sont pas habilités à dispenser une formation de secourisme. Pour enseigner aux candidats la ventilation externe ou la compression d'une hémorragie externe, il faudrait donc soit faire appel à des intervenants extérieurs, soit former les enseignants, ce qui, dans un cas comme dans l'autre, aurait un lourd impact financier.
De plus, les autorités médicales sont divisées sur l'utilité de ces gestes pour sauver des vies. (M. Gilbert Barbier le confirme) En revanche, il est possible et souhaitable d'apprendre aux conducteurs à protéger les lieux, à avertir les secours, à évaluer leur propre compétence à dispenser des premiers secours. Le référentiel REMC, qui entrera en vigueur le 1er juillet 2014, met justement l'accent sur cette formation et les compétences ainsi acquises pourront être vérifiées lors de l'examen du permis de conduire.
Je m'engage à prendre des dispositions précises et concertées avec les professionnels, y compris ceux de la santé.
M. Jean-Claude Lenoir. - Un regard rapide jeté sur nos travaux pourrait laisser croire que nous passons notre temps à discuter des textes mineurs. Celui-ci est loin de l'être car il sauvera des vies. Monsieur Raffarin, vous qui présidez notre séance, vous avez pris, il y a dix ans, des mesures courageuses qui ont véritablement modifié les comportements des automobilistes -je pense aux radars. Soyez-en remercié !
M. René-Paul Savary. - Je veux rassurer M. Leleux. Dans mon département, nous avons pris de nombreuses mesures : aménager les virages, adapter la vitesse, former les collégiens. Les Sdis, s'ils restent départementaux, et les services de la Croix-Rouge enseignent les gestes de premier secours aux collégiens. Par là, on peut toucher les adultes. Ce serait une manière de réduire l'accidentologie routière.
M. Gilbert Barbier. - L'argumentation du ministre touche juste. La médecine d'urgence a beaucoup évolué. Beaucoup de tétraplégies sont dues à des manipulations intempestives pour sortir les blessés des véhicules. Une ventilation externe d'une personne souffrant d'une fracture au thorax peut provoquer un pneumothorax et entraîner la mort. En tant que médecin, je vous le dis : la meilleure chance de survie d'un blessé est qu'on n'y touche pas !
M. Jean-Pierre Leleux, auteur de la proposition de loi. - Je voterai bien sûr le texte de la commission des lois. On peut dire que toucher une personne victime d'une fracture cervicale tue. Mais prenez une publication incontestable, la Revue des instructeurs, on y explique que la fracture des cervicales ne représente que 2 % des cas. Que fait-on des 98 % restants ? Ce que conseille Les premiers secours pour les nuls.
Je prends acte de l'engagement de M. le ministre.
L'amendement n°4 rectifié est retiré.
M. André Vallini, secrétaire d'État. - Merci. L'administration prendra l'attache de Mme la rapporteure et de vous-même, monsieur Leleux, pour rédiger le décret.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Merci à ceux qui ont oeuvré pour ce texte, en particulier M. Leleux et Mme Troendle.
Monsieur le président Raffarin, il est vrai de dire que l'impulsion de M. Jacques Chirac et la vôtre ont été déterminantes en ce dossier. Il est bon que vos successeurs aient persévéré sur ce chemin et nous devons continuer car trop de gens meurent encore sur la route.
J'avais déposé une proposition de loi pour rendre obligatoire une formation aux gestes de premiers secours pour les permis de conduire de transport de personnes après un accident atroce dans mon département : un jeune homme passé sous un autobus, le conducteur avait cru bon de déplacer l'autobus pour le dégager, ce qui l'a tué.
Mon texte a été rejeté, je l'ai proposé ensuite par voie d'amendement, sans plus de succès. On me répondait, à chaque fois, qu'une telle mesure relevait du pouvoir réglementaire et, pour le transport collectif, de l'Europe. Je maintiens qu?il est impérieux que les conducteurs de véhicules de transport collectif aient une solide formation de secourisme.
Je forme le voeu que cette proposition de loi soit examinée à l'Assemblée nationale dans un délai raisonnable. À y regarder de près, il y a une importante déperdition dans le travail parlementaire : un grand nombre de propositions de loi, même adoptées à l'unanimité, n'arrivent jamais dans l'autre assemblée. J'invite tous les groupes à y réfléchir.
M. André Vallini, secrétaire d'État. - Matignon m'avait donné pour consigne de délivrer un avis de sagesse. Après ces débats consensuels et ayant pris l'engagement que le décret serait publié pendant l'été, je prononce un avis favorable.
L'article unique est adopté.
M. le président. - À l'unanimité !
Commissions mixtes paritaires (Nominations)
M. le président. - Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures.
La liste des candidats établie par la commission des lois a été affichée conformément à l'article 12 du Règlement.
N'ayant reçu aucune opposition, je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire, titulaires : MM. Jean-Pierre Sueur, Jean-Pierre Michel, Thani Mohamed Soilihi, Mme Cécile Cukierman, M. Jean-Jacques Hyest, Mme Catherine Troendlé et M. François Zocchetto ; suppléants : Mme Esther Benbassa, MM. Jean-Patrick Courtois, Michel Delebarre, Yves Détraigne, Jacques Mézard, François Pillet et René Vandierendonck.
Au cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales, il va être procédé à cette nomination.
La liste des candidats a été affichée. N'ayant reçu aucune opposition, je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire, titulaires : MM. Jean-Pierre Sueur, Jean-Pierre MICHEL, Thani Mohamed Soilihi, Mme Cécile cukierman, M. Jean-Jacques Hyest, Mme Catherine Troendlé, M. François Zocchetto ; suppléants : Mme Esther Benbassa, MM. Jean-Patrick Courtois, Michel Delebarre, Yves Détraigne, Jacques Mézard, François Pillet et René Vandierendonck.
Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.
Dépôt d'une convention
M. le président. - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la convention entre l'État et le Centre national d'études spatiales relative au programme d'investissements d'avenir, action « Espace » du programme « projets thématiques d'excellence ».
Ce document a été transmis à la commission des finances et à la commission des affaires économiques.
Don de jours de repos
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à permettre le don de jours de repos à un parent d'enfant gravement malade.
Discussion générale
M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social . - Il revient à votre Haute Assemblée d'examiner cette proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale. Elle vise à autoriser le don de jours de repos à un parent d'enfant gravement malade de moins de 20 ans, anonymement et sans contrepartie, avec l'accord de l'employeur. C'est vrai, il n'y a pas de plus grande injustice que de voir son enfant frappé par la maladie.
Le texte vise tous les types de jours de repos - RTT, congé... - à partir du 24e jour de repos. Le député Salen s'est inspiré d'une démarche humaniste entreprise dans sa circonscription : on y avait réuni 170 jours de repos pour qu'un père puisse assister son enfant en phase terminale d'un cancer.
Le don, quelle belle chose, dans notre société où tout se vend et tout s'achète ! La tragédie, la douleur s'accompagne mal de règles administratives : comment accepter que la loi soit un frein au désir légitime d'un parent d'accompagner son enfant jusqu'au bout ?
Toutefois... Toutefois, le code du travail, c'est mon rôle de le dire, accorde 310 jours sur trois ans dans ce cas. Devons-nous légiférer quand on nous répète qu'il y a trop de lois et qu'on nous demande sur tous les bancs de simplifier ?
La position du Gouvernement est nuancée. D'abord, le jour de repos correspond à un impératif de protection pour le salarié - toute notre société est fondée sur cela : l'entraide puis la codification. Les jours de repos, conquis de haute lutte, constituent des acquis qu'il ne faut pas défaire, y compris pour les bonnes causes.
Deuxièmement, le jour de repos n'est pas un capital. Il ne s'échange pas, de même que les gratifications et les primes. Il ne s'échange pas, sinon dans le cadre de ce beau geste humaniste - et la solidarité est l'addition des dons individuels. On risque une inégalité de traitement entre les salariés. J'ajoute que nombre de parlementaires sont opposés aux RTT... Parler d'égalité dans des cas aussi graves semblera iconoclaste hors de cet hémicycle ; c'est pourtant mon devoir de ministre du travail de la préserver.
Pour autant, il n'est pas question de briser des élans généreux. N'interdisons donc pas. Mais faut-il généraliser ? Je pose la question. Deux entreprises ont prévu par accord un tel mécanisme : Casino a créé un fonds congé de l'élan familial. Le décret de janvier 2013 a d'ailleurs élargi aux fonctionnaires le congé solidarité famille. Je comprends donc l'intention, elle est louable.
Le code du travail se bâtit toutefois sur des accords d'entreprises, des accords avec les partenaires sociaux. Deux organisations syndicales se montrent très réservées à l'endroit de cette initiative législative - je dis bien « législative ». Attaché au dialogue social à la française, je veux les entendre. La loi n'est pas le seul vecteur de progrès social, nous pouvons aussi compter sur les forces vives de la Nation.
Face à ces situations de détresse, en vérité, il n'est pas de bonne solution. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Catherine Procaccia. - Heureusement !
Mme Catherine Deroche, rapporteure de la commission des affaires sociales . - La proposition de loi de M. Salen, adoptée par l'Assemblée nationale le 25 janvier 2012, est soumise à notre examen. Enfin ! Je souscris aux propos du président Sueur sur le retard souvent pris dans l'examen des propositions de loi par la deuxième assemblée saisie.
Le don de jours de repos à un parent d'enfant malade, un geste de solidarité déjà possible dans le secteur privé, mérite d'être inscrit dans la loi, notamment pour que les fonctionnaires en bénéficient. Certains employeurs publics l'autorisent déjà, sur un fondement légal incertain.
De nombreuses entreprises comme Casino, PSA, April, Merial, la MSA Picardie ont mis en place des accords autorisant de tels dons ces dernières années.
Il existe déjà, en droit du travail, des dispositifs pour que des parents puissent prendre soin d'un enfant malade : les absences pour enfant malade à l'article L. 1225-61 du code ; pour les cas graves, l'article L. 1225-62. Le cadre est pourtant très contraignant : ces jours, en particulier, ne sont pas rémunérés, sauf accord contraire. Une allocation, plafonnée à 945 euros par mois, existe toutefois.
En définitive, ce sont les grandes entreprises qui ont pris l'initiative de dons de jours de repos. Cette proposition de loi l'élargit à tous les salariés, sous la réserve de l'accord des employeurs.
Les modalités du don et les motifs pour lesquels il peut intervenir sont encadrés : don volontaire, pour un collègue déterminé et avec l'accord de l'employeur. Néanmoins, le don, c'est notre droit, doit rester gratuit et anonyme. C'est une protection pour le donataire et le donateur.
Il s'agit bien de partage d'une situation difficile entre collègues, non de charité car, monsieur le ministre, la première inégalité, c'est la maladie qui frappe un enfant. La gravité de la maladie de l'enfant sera établie par un certificat médical.
Cette proposition de loi entend poser le principe du don de jours de repos, les modalités précises seront fixées par les entreprises elles-mêmes, par décret pour la fonction publique.
La commission vous invite à voter ce texte qu'elle n'a pas modifié. (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs écologistes)
M. Dominique Watrin . - Comme vous tous, les sénateurs du groupe CRC sont émus devant la détresse des parents d'enfants malades. L'article L. 1225-61 du code offre des droits trop contraignants. Comme vous tous, nous sommes convaincus qu'il faut mieux accompagner les familles concernées, d'autant que leur nombre est relativement faible : 1 500 par an.
Mais cette proposition de loi n'est pas la solution. Le don reposera sur l'aléa, voire l'injustice, et deux salariés aux besoins identiques peuvent ne pas être traités à la même enseigne.
On parle d'un salarié de Badoit qui a cumulé 170 jours de repos grâce à ses collègues, d'un policier qui n'a pu profiter des jours qu'il avait cumulés en raison du droit existant. Il faudrait un vrai droit, pour tous.
Selon la proposition de loi, l'employeur pourrait s'opposer à cette mesure : un droit doublement putatif, ce n'est pas notre idée de la solidarité. Nous n'avons pas de leçon d'humanité à recevoir. L'auteur de la proposition de loi s'indigne de l'outrecuidance de ceux qui oseraient ne pas voter ce texte, voire déposer des amendements. C'est notre honneur de parlementaires communistes de faire avancer le droit social !
Article 40 oblige, nous nous contenterons de demander un rapport. Le Gouvernement distribue 30 milliards aux entreprises, et il ne pourrait dégager quelques dizaines de millions d'euros pour soulager les parents ?
Vous appelez les petites gens à se substituer à la solidarité nationale, et vous exonérez les employeurs de toute responsabilité. Oui, sécurisons les accords collectifs et la solidarité individuelle. Mais ayons aussi l'exigence d'une solidarité universelle. Nous ne voterons pas cette proposition de loi. (Mme Annie David applaudit)
M. Jacky Le Menn . - Des salariés ont généreusement donné à leurs collègues leurs jours de repos pour s'occuper d'enfants malades. Pourquoi ? Des congés existent déjà. Certains ne sont pas indemnisés, comme le congé pour enfant malade. D'autres le sont, comme le congé de solidarité familiale, à hauteur de 54 euros/jour. Il existe en outre une allocation journalière de présence parentale, un complément pouvant être versé par les CAF. Mais ces indemnités ne suffisent pas pour vivre, surtout avec un enfant malade, les parents doivent recourir à des congés maladie... Face à des situations dramatiques, des salariés ont donné leurs jours de repos : geste fraternel dans un monde que l'on dit égoïste.
Que doit faire le législateur ? On nous propose de généraliser ce droit au don : soit. Mais ces dons sont le signe de l'insuffisance des congés existants. Certes, il faut faire des économies... Il est de notre devoir de régler cette affaire équitablement. Faut-il légiférer sur la générosité ? Ne nous appartient-il pas plutôt de donner à tous les mêmes droits et les mêmes devoirs ?
Dans une entreprise de plus de 500 salariés, il sera beaucoup plus facile d'obtenir des jours supplémentaires. Comment garantir l'anonymat du don, éviter pressions et conflits ? Comment s'organisera-t-on concrètement ? Les salariés ne sont pas interchangeables. Quid en cas d'accident du travail ? L'employeur apportera-t-il des jours supplémentaires ? En l'absence d'accord, nous restons dans le flou.
Pour ce qui est de la fonction publique, la proposition de loi s'en remet au décret : c'est reconnaître que l'on est aux frontières du domaine règlementaire.
Il faudra plutôt renforcer les congés existants. Le groupe socialiste s'abstiendra.
M. Gérard Roche . - Un enfant de moins de 20 ans, atteint d'une maladie grave, appelé à être hospitalisé pour une longue durée dans un service hautement spécialisé, souvent très éloigné du domicile parental, a besoin de la présence de ses parents. Celle-ci contribue grandement à l'amélioration de l'état de santé de l'enfant et, on l'espère, à sa guérison.
Si les deux parents travaillent, l'un d'eux quitte son emploi, souvent la mère, et risque de le perdre. Un parent seul doit se débrouiller avec ses droits à congés... Alors, on s'arrange : les parents cumulent leurs congés, anticipent ceux à venir. Les agents des services hospitaliers ou les policiers cumulent leurs droits ouverts par les services de nuit et les services exceptionnels, sans toujours réussir à être assez présents auprès de leur enfant.
La proposition de loi autorise, dans ce cas, le don de jours de repos entre collègues. Ce ne sera efficace que si plusieurs jours seront donnés, donc dans les grandes entreprises. On parle de 1 800 cas par an, d'après les estimations des hôpitaux : comment y faire face ? Ce texte permet de manifester sa solidarité à l'égard d'un collègue, sans rien imposer.
Je sais que certains préféreraient renforcer le droit social mais soyons pragmatiques. L'UDI-UC votera la proposition de loi. (Applaudissements au centre)
Mme Aline Archimbaud . - L'objectif de cette proposition de loi est partagé sur tous les bancs. 1 500 familles par an sont concernées, qui traversent une période de grande détresse. Il est arrivé que des collègues donnent des jours de repos : ce geste généreux indique toutefois que les congés de droit méritent d'être améliorés. En tout, le congé de présence parentale peut atteindre 310 jours, mais le cadre juridique est si contraignant que beaucoup de parents modestes doivent y renoncer.
La proposition de loi offre un cadre légal à cette substitution de la générosité individuelle à la solidarité nationale. Cela peut paraître choquant.
Ce dispositif introduit certes une inégalité : seuls les salariés des grandes entreprises seront vraiment concernés.
Cette proposition de loi ne résout donc pas tout mais elle élargit le don à de nouveaux salariés, notamment à tous les agents publics. Le mieux est l'ennemi du bien. Oui, la solidarité nationale doit jouer mais le fera-t-elle, et quand ?
Une telle réforme devra attendre, alors que l'on cherche des milliards. Cette initiative parlementaire, si elle est imparfaite, répond à certaines situations. Aux municipales, les citoyens nous ont appelé à sortir de notre bulle. Quand un élan de solidarité se manifeste dans la société civile, nous devons lui donner la possibilité de s'exprimer légalement.
Le groupe écologiste votera en toute conscience cette proposition de loi. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Gilbert Barbier . - Depuis l'adoption de cette proposition de loi par l'Assemblée nationale, plusieurs entreprises ont mis en place des systèmes de dons de jours de repos à des parents d'enfants malades, gravement atteints ou en phase terminale. Le sujet est d'importance : 1 500 enfants sont concernés chaque année. Lorsque les parents ne peuvent être présents en permanence, c'est un drame pour eux comme pour leurs enfants. Je le sais pour avoir exercé en chirurgie infantile durant dix ans.
Si les salariés se sont mobilisés, c'est que le congé de présence parentale n'offre pas assez de garanties. La proposition de loi propose de compléter la solidarité nationale par une solidarité au sein de l'entreprise, sans coût pour les finances publiques.
L'Assemblée nationale a grandement amélioré le texte, prévoyant l'anonymat et la gratuité du don, le respect des périodes minimales de congé. L'extension du dispositif à la fonction publique est capitale.
Certes, ce texte ne règle pas tout. Le législateur doit-il intervenir dans un domaine où la solidarité s'est construite sans la loi ? Ne négligeons pas la puissance symbolique de la loi.
Certes, des inégalités subsisteront. Le texte autorise mais n'assure pas la solidarité. Il répond cependant à un besoin immédiat, notamment dans la fonction publique. Nous serons nombreux au groupe RDSE à le soutenir. (Applaudissements à droite)
M. René-Paul Savary . - Les parents qui accompagnent un enfant malade, ces héros, passent jours de repos et nuits à l'hôpital. Cette proposition de loi est indispensable, je dirai même plus, c'est une évidence. Une dotation forfaitaire de présence parentale existe mais elle est contingentée, et l'indemnité de 942 euros par mois pour un couple, franchement, c'est très insuffisant. Le don de jours de repos peut être déterminant.
La proposition de loi n'impose rien. Seuls les parents d'enfants de moins de 20 ans atteints d'une maladie d'une particulière gravité sont concernés. La mesure ne coûtera rien aux employeurs, qui ont besoin de compétitivité.
Dans une entreprise à taille humaine, la solidarité peut aussi correspondre à un projet d'entreprise, elle renforcera l'esprit d'équipe.
Et puis une loi sans incidence financière, quel bonheur rare ! La solidarité nationale, elle, est financée à crédit...
La journée de solidarité, créée par vous-même, monsieur le président Raffarin, a fait grincer des dents avant d'être généralisée. Pourquoi ne pas en créer une deuxième pour financer la dépendance ? Vous en direz-nous plus, monsieur le ministre, sur le projet de loi annoncé ? Les départements sont au centre du jeu alors que les conseils départementaux à peine créés sont appelés à disparaître...
En France, il faut une loi pour autoriser la générosité... Comme quoi, nous sommes une société complexe qui a besoin d'être encadrée. Je soutiens ce texte avec vigueur, vous l'avez compris. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Philippe Bas . - N'opposons pas générosité et solidarité : les deux sont nécessaires. La cause est noble. Les réserves émises par certains sont opposables à tout geste philanthropique, qui ne repose pas sur un droit mais vient colmater les brèches de notre système social : à côté du RSA, il y a toujours les Restaurants du coeur. Eh bien, à côté du congé de présence parentale, il y aura le don de jours de repos. Un don éthique, un don gratuit, un don anonyme, un don encadré. En dépit de la performance de ses services sociaux, une société peut-elle se passer de gestes de fraternité ?
Si la loi de 2006 a augmenté le nombre de bénéficiaires de l'allocation de présence parentale, j'y ai contribué, mais ses insuffisances demeurent.
Faute d'autre solution, il n'y a pas de bonne raison de différer l'application de ce texte. Certes, le dispositif n'est pas général, il ne concerne pas les retraités dont la présence est souvent généreuse dans ces cas-là. Faut-il pour autant le repousser - ou adopter des amendements qui imposeraient un nouvel examen à l'Assemblée nationale ?
Nulle entorse ici à nos grands principes de solidarité. Il s'agit seulement de faire en sorte que les enfants malades puissent être mieux accompagnés. (Applaudissements au centre et à droite)
M. François Rebsamen, ministre . - Après les envolées lyriques de M. Bas, j'ajouterai seulement que des initiatives de solidarité ont déjà eu lieu, avant même le vote de la loi, et que l'on peut regretter que les employeurs ne soient pas appelés à contribuer à la solidarité. Le Gouvernement réitère sa position de sagesse.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE ADDITIONNEL AVANT L'ARTICLE PREMIER
M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.
Avant l'article premier
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant le coût pour la protection sociale et les avantages pour les assurés sociaux d'une disposition portant l'allocation journalière de présence parentale à 90 % du salaire précédemment versé par l'employeur au parent bénéficiaire dudit congé, sans toutefois que le montant de cette allocation puisse être inférieur au seuil de pauvreté.
M. Dominique Watrin. - En commission, on nous reprochait de manquer d'humanité et d'être dogmatiques, mais j'ai entendu reprendre certains de nos arguments... Notre but n'est pas de casser cette proposition de loi mais d'en généraliser le dispositif en créant un droit pour tous, salariés ou non, travailleurs dans de grandes entreprises ou non. Nous ne partons pas de rien : des congés et une allocation de présence parentale existent et doivent être renforcés.
Contraints par l'article 40, nous demandons un rapport, en vous donnant rendez-vous lors de l'examen du collectif budgétaire, en juin.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. - Très bien.
Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Loin de moi l'idée de vous reprocher de défendre vos convictions en faveur de la solidarité nationale. Nos débats en commission ont été sereins. Je vous demande de retirer cet amendement qui retarderait l'entrée en vigueur du texte : il faudrait un nouvel examen à l'Assemblée nationale et l'urgence n'a pas été déclarée sur cette proposition de loi.
M. Roger Karoutchi. - Cela signifie un an !
Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Il s'agit d'un dispositif transitoire. Le temps législatif est long, celui de la maladie peut être court. (Mme Muguette Dini et M. Roger Karoutchi applaudissent)
M. François Rebsamen, ministre. - Vos arguments ont été entendus, j'ai exprimé moi-même mes réserves, mais je crois que vous pouvez accéder à la demande de retrait.
M. Maurice Vincent. - Élu de la Loire, où est implantée l'entreprise Badoit, je reconnais que ce texte imparfait est sans doute souhaitable. Je ne prendrai donc pas part au vote sur les amendements. (Applaudissements à droite)
L'amendement n°3 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Le Menn et les membres du groupe socialiste et apparentés.
I. - Alinéa 6
1° Première phrase
Après les mots :
jours de repos
insérer les mots :
et jours de congés prévus à l'article L. 3141-1
et après le mot :
enfant
insérer les mots :
ou d'un jeune
2° Dernière phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Les jours de congés cédés ne peuvent avoir pour effet de réduire la durée du congé pris en-deçà de vingt-quatre jours ouvrables.
II. - Alinéa 7, deuxième phrase
Remplacer les mots :
Cette période d'absence
par les mots :
Celle-ci
III. - Alinéa 8
Après le mot :
enfant
insérer les mots :
ou le jeune
M. Jacky Le Menn. - Cet amendement distingue clairement entre la notion de jours de repos, qui renvoie aux jours acquis par le salarié en fonction de l'organisation du temps de travail appliqué dans l'entreprise -jours de récupération, jours d'aménagement et de réduction du temps de travail, etc-, et la notion de congés payés. Cette dernière, partie intégrante de l'ordre public social, est strictement encadrée par le droit de l'Union européenne en matière de durée minimale. Nous précisons aussi la rédaction.
Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Le texte est clair : les congés payés sont incompressibles. Le don n'est autorisé que lorsque l'enfant a moins de 20 ans et qu'il a donc le plus besoin de ses parents.
M. François Rebsamen, ministre. - Ces améliorations rédactionnelles sont bienvenues pour limiter les contentieux. Avis favorable.
M. Jacky Le Menn. - Compte tenu de l'avis de M. le ministre, je maintiens l'amendement.
L'amendement n°2 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°1 rectifié, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste.
Après l'alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'employeur peut attribuer au salarié qui assume la charge d'un enfant à charge atteint d'une maladie, d'un handicap ou victime d'un accident d'une particulière gravité rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants des jours de repos en supplément de ceux dont il dispose.
Mme Aline Archimbaud. - Cet amendement visait à lever une ambiguïté en précisant que l'employeur peut attribuer au salarié qui assume la charge d'un enfant gravement malade des jours de repos en supplément de ceux dont il dispose.
Cela dit, à ce point de la discussion, je préfère le retirer. J'ai entendu que ce dispositif répondait à l'urgence, qu'il était provisoire et que la question était claire en droit. (Applaudissements à droite)
L'amendement n°1 rectifié est retiré.
L'article premier est adopté.
L'article 2 est adopté.
La proposition de loi est définitivement adoptée.
Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Merci à tous mes collègues de la commission et à la présidente de la commission pour ces débats sereins. Merci au ministre sur lequel nous comptons et merci pour les enfants malades et leurs familles ! (Applaudissements à droite)
Modification à l'ordre du jour
M. le président. - Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande de modifier l'ordre du jour du mercredi 14 mai.
En raison du report du projet de loi relatif à la désignation des conseillers prud'hommes à une date ultérieure, le Sénat examinera, l'après-midi et le soir, la proposition de loi relative aux moniteurs de ski et la suite de la proposition de loi tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires.
Le délai limite de dépôt des amendements de séance sur le premier de ces deux textes pourrait être fixé au mardi 13 mai à 11 heures et le temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale serait d'une heure. Par ailleurs, la séance pourrait débuter à 15 heures.
En outre, le Gouvernement demande de compléter l'ordre du jour du jeudi 15 mai par l'examen, l'après-midi et le soir, du projet de loi relatif aux activités privées de protection des navires.
Le délai limite de dépôt des amendements de séance sur ce texte pourrait être fixé au mercredi 14 mai à 16 heures et le temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale serait de une heure trente.
L'ordre du jour est ainsi réglé.
Prochaine séance lundi 5 mai 2014 à 16 heures.
La séance est levée à 17 h 35.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
Ordre du jour du lundi 5 mai 2014
Séance publique
À 16 heures
Présidence :M. Jean-Pierre Raffarin, vice-président
Secrétaires :
M. Jean Desessard
M. Jacques Gillot
1. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l'interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié (n°455, 2013-2014).
Rapport de M. Daniel Raoul, fait au nom de la commission des affaires économiques (n°485, 2013-2014).
Texte de la commission (n°486, 2013-2014).
Le soir
Présidence :M. Jean-Léonce Dupont, vice-président
2. Suite éventuelle de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l'interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié.
3. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l'égard des femmes et la violence domestique (n°369, 2013-2014).
Rapport de Mme Joëlle Garriaud-Maylam, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n°436, 2013-2014).
Texte de la commission (n°437, 2013-2014).