Accès au logement et urbanisme rénové(Deuxième lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.
Discussion générale
Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement . - Nous voilà de nouveau réunis pour examiner en deuxième lecture ce projet de loi Alur et témoigner du caractère collectif de la construction de ce texte. La crise du logement s'impose à nous avec violence. L'année 2013 a été difficile, il y a une nécessité absolue de ne pas renoncer. Avec le plan de construction pour le logement et les huit ordonnances que nous avons prises, nous avons agi vite. L'enjeu est que l'État régule le secteur car le marché, seul, ne peut pas le faire. Le président de la République a fixé le cap des décisions : réduire les délais et diminuer de 10 % le coût de constructions collectives. Il faudra du temps pour en voir les effets ; le temps médiatique n'est pas le temps politique. Je revendique ce temps long, il est la condition sine qua non de la réussite qualitative de notre politique du logement.
La loi pour la mobilisation du foncier public porte déjà ses fruits : sur des terrains cédés avec une décote de 60 % à Toulouse, 750 logements vont être construits, dont 520 logements locatifs sociaux, au coeur de l'agglomération. Le deuxième pilier de notre politique fut le pacte de confiance avec le monde HLM, grâce auquel 117 000 logements sociaux ont été agréés en 2013, soit une hausse de 14 % par rapport à 2012.
Vous l'aurez compris, ce projet de loi Alur est le troisième temps de la réforme structurelle que je devais, en tant que ministre, réaliser.
Je pense d'abord à la protection des plus fragiles, à l'accès de tous à un logement digne, au rapprochement entre hébergement et logement suivant le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté. Je salue avec sincérité le travail parlementaire accompli sur la prévention des expulsions, avec les possibilités nouvelles données au juge. La trêve hivernale est étendue du 1er novembre au 31 mars, ce dont je suis fière à l'approche du soixantième anniversaire de l'appel de l'abbé Pierre.
La garantie universelle des loyers (Gul) est une avancée sociale de première importance. C'est un projet ambitieux, réaliste et pragmatique, quoi que difficile à expliquer aux médias : nous avons repris la majeure partie des conclusions du groupe de travail sénatorial, présidé par M. Raoul et dont M. Mézard fut le rapporteur. La caution, qui représente une véritable injustice et protège mal les bailleurs, sera bientôt abandonnée au profit de la Gul, plus sûre. C'est un projet de loi d'émancipation qui s'attaque aux loyers exorbitants.
Un locataire sur cinq du parc privé voit son budget grevé de 40 % par le coût du loyer. D'où l'encadrement des loyers mais aussi de celui des honoraires des agences de location - ils devront être divisés par deux dans les zones les plus tendues. La profession sera mieux encadrée par des mesures inspirées de son livre blanc.
Ce texte lutte aussi contre l'habitat indigne, que la République ne peut pas accepter.
Je conclurai par le PLUI qui a donné lieu à un très très riche débat démocratique (Rires sur les bancs de la commission) Si l'intercommunalité est le bon niveau, vous avez voulu instaurer une minorité de blocage. Je fais partie des démocrates attachés au bicamérisme. Les maires seront entendus, le Premier ministre l'a dit. J'ai tenu mes engagements, la sincérité de ceux qui veulent aller plus vite vers le PLUI est tout aussi respectable que celle de ceux qui ne veulent pas brusquer les élus locaux, sauf à être contre-productif. J'ai défendu avec vigueur la position du Sénat, les députés ont fait un pas vers vous ; entendez qu'ils sont tout aussi sincères. Il vous revient de trouver une issue, je compte sur votre intelligence collective.
Grâce à la navette, vous avez amélioré nombre de mesures ; je le dis avec franchise. Certains, parfois sarcastiques, ont fait remarquer que le projet de loi Alur était le plus volumineux de la Vème République. Soit. Reste qu'il poursuit une ambition : donner un logement à toutes et tous et je suis persuadée que vous avez fait vôtre cette ambition. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Claude Dilain, co-rapporteur de la commission des affaires économiques . - Relation entre locataires et bailleurs, Gul, renforcement de la lutte contre l'habitat indigne, réforme de la gouvernance d'Action logement, renforcement de la couverture territoriale par les Scot... Vous êtes sur tous les fronts, madame la ministre.
Les titres I et II comptent 104 articles. Le Sénat a adopté 23 articles conformes ; les députés 38 en deuxième lecture. Il en reste une quarantaine seulement en discussion. Preuve que la qualité de nos travaux est reconnue, j'étais encore en contact avec le rapporteur de l'Assemblée nationale.
Concernant la relation entre bailleurs et locataires, encadrée par la loi du 6 juillet 1989, la plupart des dispositions du Sénat ont été modifiées à la marge par les députés. Seule innovation, l'encadrement des frais d'agence. Les dispositions sur les meublés de tourisme ont été reprises par l'Assemblée nationale.
J'avais qualifié, peut être maladroitement en première lecture, la Gul initiale de squelettique. M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, avait annoncé la création d'un groupe de travail, dont M. Mézard a été le rapporteur. Il a travaillé à marche forcée dans un esprit constructif. Ses conclusions, présentées avant Noël, ont été adoptées à la quasi-unanimité. Le dispositif du Gouvernement est proche : une garantie publique locale obligatoire, une assurance complémentaire facultative, un plafonnement de la garantie socle au niveau du loyer de référence dans les zones tendues, des dispositions visant à responsabiliser bailleurs et locataires, une mise en oeuvre progressive. Les conclusions du groupe de travail différeront sur le caractère obligatoire de la Gul et la suppression de la caution. Autre divergence, la possibilité donnée aux bailleurs de consulter un fichier pour vérifier que le locataire n'a pas d'impayés. Mieux vaut, par respect de la liberté, donner aux locataires la possibilité de présenter une attestation d'accès à la Gul. Concernant la suppression de la caution, ne prenons pas le risque de l'inconstitutionnalité. En revanche, je soutiendrai les amendements de M. Mézard renforçant l'automaticité de la Gul.
S'agissant de la réforme Hoquet, il faudra préciser le rôle des commissions de contrôle, et préciser qu'il n'en existera qu'une à vocation nationale.
Au chapitre V sur l'hébergement et la prévention des expulsions, les députés ont étendu le bénéfice de la trêve hivernale, sur décision du juge, aux personnes entrées dans les lieux par voie de fait.
C'était le droit entre 1956 et 1991.
À l'initiative du député Touraine, le dispositif d'hébergement d'urgence a été distingué du dispositif réservé aux demandeurs d'asile - un public pour lequel Mme Lienemann a présenté un amendement décisif garantissant leur droit à l'information. Les règles actuelles de domiciliation des demandeurs d'asile ont été maintenues par les députés qui ont également prévu que la domiciliation assurait la jouissance des droits civils comme l'AME et l'aide juridictionnelle.
Au chapitre VI, après de longues discussions, les députés ont fini par se rapprocher du texte adopté par le Sénat, qui privilégie le principe de non-spéculation dans la cession des parts sociales.
Le titre II porte sur les copropriétés dégradées. Le fonds de travaux, créé par le projet de loi que recommandait notre ancien collègue Braye, sera étendu à l'ensemble des copropriétés, quelle que soit leur taille. Nous avons fait du chemin sur l'assurance obligatoire pour les copropriétés, il faudra le poursuivre ; pour ma part, je le ferai.
Je ne vous proposerai que des amendements rédactionnels sur la lutte contre l'habitat indigne, et la lutte contre les marchands de sommeil, car les députés ont adopté beaucoup de nos articles conformes.
Je vous invite à adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Claude Bérit-Débat, co-rapporteur de la commission des affaires économiques . - Le titre III améliore la lisibilité et l'efficacité des politiques publiques du logement : 16 articles sur 31 restent en discussion.
L'Assemblée nationale a resserré le champ d'intervention des organismes HLM.
Au titre IV, il reste 26 articles en discussion sur 41. Hormis la question du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI), l'Assemblée nationale n'est guère revenue sur les choix du Sénat. Le Sénat en a fait de même, ce qui témoigne d'une large convergence de vues. Les députés ont assoupli le plafond s'appliquant aux aires de stationnement dans les centres commerciaux, nous n'y reviendrons pas. En revanche, ils ont rétabli l'article 58 modifiant les règles de l'urbanisme commercial, qui préempte la future réforme ; nous resterons sur notre position. Ils ont rétabli l'article 59 qui prend en compte les formes diverses d'habitat - les yourtes : la commission l'a maintenu.
À l'article 64, la périodicité de l'évaluation obligatoire du plan local d'urbanisme (PLU) a été portée de six à neuf ans. Cela est un peu long quand le PLU tient lieu de plan local de l'habitat (PLH). Nous restons sur notre position. L'Assemblée nationale a instauré une conférence des maires avant l'élaboration du PLUI ; gardons de la souplesse. Elle se réunira quand ce sera nécessaire. Nous préférons rétablir l'approbation du plan.
À l'article 65, les députés ont de nouveau supprimé l'obligation pour le Scot d'analyser le potentiel de densification ; c'est contradictoire quand le Scot fixe des objectifs chiffrés de consommation de l'espace.
Venons-en au noeud du projet de loi : l'article 63 sur le transfert du PLU à l'intercommunalité. Je salue la ministre qui a défendu notre position à l'Assemblée nationale. Certes, les députés ont fait un tout petit pas vers nous : le transfert de la compétence ne sera plus automatique, la minorité de blocage est actée. Il n'empêche, par principe, la commission a purement et simplement rétabli son texte de première lecture, soit 25 % des communes représentant au moins 10 % de la population. Le bicamérisme, qu'il s'exprime autant dans les actes que dans les paroles ! Dire, comme le font les députés, qu'une minorité de blocage arrêtera le processus est faux. Dans les intercommunalités que sont les communautés de communes ou les communautés d'agglomération, on ne peut pas passer en force. Les présidents d'EPCI présents dans cet hémicycle le savent : une majorité dans une intercommunalité ne fonctionne pas comme une majorité au sein du conseil municipal ou du conseil général.
Il faut faire comprendre où est l'intérêt général, respecter les intérêts des uns et des autres. Votons notre article 63, ce sera reconnaître la force du bicamérisme. (Vifs applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean-Jacques Mirassou. - Bravo !
M. Jacques Mézard . - Quelques observations générales ce soir, je parlerai demain de la GUL. Merci à M. Raoul, aux rapporteurs et à Mme la ministre du travail collectif réalisé ensemble. Les chiffres de la construction en 2012 ont été publiés : 330 000 logements. C'est insuffisant, loin des objectifs ambitieux fixés. Je le dis pour vous encourager, madame la ministre, cela fait presque 25 ans qu'on ne construit pas assez. Les belles déclarations sur le droit au logement n'ont pas enrayé la crise. Le logement est dans une situation inacceptable en France. Il est de notre devoir collectif de l'améliorer. Dépassons nos querelles pour construire plus et vite. Vous vous y êtes attelée, madame la ministre, avec la mobilisation du foncier, la lutte contre les recours abusifs entre autres. À ce propos, avec 3 700 normes, nous versons dans l'incontinence normative, qui entrave la construction dont le coût est plus élevé en France que chez nos voisins européens. Ces phrases bien connues du président Clemenceau, de novembre 1917, sont toujours d'actualité : « Il est urgent qu'une chasse obstinée soit faite à tous les temps morts qui ralentissent encore la machine administrative. L'intérêt du pays l'exige. » Il prévoyait des sanctions, je n'irai pas jusque-là...
Ce projet de loi est certes volumineux ; l'important est que la situation du logement sera meilleure avant qu'après. Nous approuvons les mesures sur les relations entre bailleurs et locataires, mais nous proposerons à nouveau, par exemple, la réduction à deux ans, supprimée par les députés, du délai de grâce avant expulsion : il faut également sécuriser les bailleurs. L'encadrement des loyers ? Ce n'est pas la meilleure idée, mais il est nécessaire pour que les familles pauvres se logent dans les zones tendues. Par qui seront financés les observatoires locaux des loyers ? À notre sens, ce doit être par l'État.
En première lecture, j'avais qualifié l'article 8 qui crée la GUL de communiqué de presse. Vous nous avez entendus, madame la ministre, et c'est tant mieux. Reste la question de la suppression de la caution : ne suivons pas cette voie inconstitutionnelle.
Le transfert des PLU aux intercommunalités est souhaitable, mais il faut laisser aux maires le temps d'y venir. Le texte de l'Assemblée nationale ne peut pas nous satisfaire. Merci de votre ode au bicamérisme, devenue discours officiel depuis quelques jours. Que le président du groupe socialiste de l'Assemblée nationale s'en inspire plutôt que de déclarer le Sénat chambre archaïque.
La très grande majorité du RDSE soutiendra ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)
M. Joël Labbé . - La dignité humaine suppose un logement décent, à un coût acceptable : vous l'avez dit et redit, madame la ministre. Vous avez rappelé avec détermination qu'il y a nécessité absolue à ne pas renoncer.
Les Français ont du mal à se loger, alors que le prix du mètre carré a augmenté de 200 % en dix ans. Le loyer représente 40 % du budget moyen, quand le taux d'endettement maximal - et le loyer est une forme de dette - est de 30 %... Les files d'attente sont longues pour espérer déposer un dossier de candidature ; je parle bien du logement, non de l'emploi qui est tout aussi difficile à décrocher... Les petits propriétaires craignant les impayés, nous sommes confrontés à un cercle vicieux.
L'encadrement des loyers, on en parle depuis des années ; vous l'avez fait, nous vous en félicitons. Les mesures prévues par ce projet de loi sont nombreuses, mais je me réjouis tout particulièrement de la mise en place de la GUL, bien améliorée au cours de la navette, grâce à un travail pluri-politique admirable.
L'habitat participatif et les coopératives d'habitants, qui constituent un nouveau mode du vivre-ensemble, auront enfin une définition juridique. Un beau projet, avec de la mixité sociale, est en train de voir le jour dans la commune dont je suis encore le maire pour quelques semaines.
Les écologistes, vous le savez madame la ministre, en veulent toujours plus... (Mme Cécile Duflot, ministre, sourit) Pour parfaire le texte, nous proposerons d'étendre la trêve hivernale aux bidonvilles et à l'habitat précaire. Nous proposerons aussi de revoir les règles de domiciliation des demandeurs d'asile, malgré le contexte pré-électoral. Mme Archimbaud vous fera des propositions.
Sur le PLUI, j'ai évolué. Je souhaitais un plan territorial alimentaire dans chaque document d'urbanisme, on m'a renvoyé à la loi agricole mais j'ai obtenu satisfaction à l'Assemblée nationale qui parle de contrats alimentaires territoriaux. Je défendrai, en revanche, l'inscription de l'agriculture dans le diagnostic des Scot.
M. Jean-Claude Lenoir. - Nous l'avons votée en commission.
M. Joël Labbé. - C'est le bons sens, si nous voulons renouer avec la noblesse d'une agriculture de proximité, nourricière et créatrice d'emplois.
Nous soutiendrons vigoureusement ce projet de loi en comptant sur la dextérité de la ministre pour le fignoler. (Applaudissements à gauche)
Mme Élisabeth Lamure . - Nous partageons certaines de vos préoccupations, comme l'articulation des documents d'urbanisme. Le groupe UMP considère que le PLUI peut être utile, mais que la décision en revient aux maires : nous nous opposerons à un transfert automatique. Si les communes ne sont plus détentrices de leurs compétences historiques, à quoi bon les maintenir ? Un PLUI obligatoire n'est-il pas contraire à l'esprit du principe de non-tutelle ?
La minorité de blocage introduite au Sénat constitue un moindre mal. Hélas, malgré l'intervention du Gouvernement, l'Assemblée nationale est revenue sur le choix du Sénat en votant le sous-amendement du président Brottes : 45 % des communes représentant 45 % de la population. Nous défendrons la suppression de l'article 63.
La refonte des documents d'urbanisme et de l'article L.101 du code de l'urbanisme est une tâche légitime et délicate. Le nouveau Scot renforcé ne posait pas de problème.
J'en viens aux habitations démontables ; étrange de les autoriser sur des terrains non desservis en eau ou en électricité, au mépris de la sécurité sanitaire.
L'article 65 systématise des procédures coûteuses de révision des PLU, dans un contexte de disette budgétaire...
Bref, vous n'avez pas saisi l'opportunité de rationaliser les documents d'urbanisme et le PLUI, qui ne simplifie rien, porte un nouveau coup de boutoir à l'autonomie municipale. Nous voterons contre. (M. Jean-Claude Lenoir applaudit)
M. Daniel Dubois . - Je veux d'abord dénoncer les conditions d'examen de ce texte dont la moitié des articles reste en discussion. L'Assemblée nationale a adopté le texte en deuxième lecture le 16 janvier ; notre commission s'est réunie le 22 et nous examinons le texte le 29. Pour un projet de loi aussi volumineux, c'est peu d'autant que notre commission était saisie au début de la semaine d'un texte qui n'est pas moins important : le projet de loi relatif à la consommation. Cela témoigne d'un mépris du Parlement en général et du Sénat en particulier. Vous transmettrez à M. Vidalies notre indignation : il est impossible de travailler sérieusement et sereinement dans ces conditions.
Le secteur du logement et la construction sont prioritaires aux yeux du groupe UDI-UC. Dans ce domaine comme dans d'autres, votre Gouvernement est en échec ; vous ne tenez pas vos promesses. Le président de la République avait annoncé 500 000 logements neufs chaque année, dont 150 000 logements sociaux, nous n'en sommes qu'à 330 000... Et le nombre de permis de construire a chuté. La faute à la crise ? L'explication est un peu courte... Si les investisseurs font défaut, c'est que votre politique les inquiète. Votre acharnement à tout administrer est très nuisible. Ce projet de loi achèvera les propriétaires. L'encadrement des loyers aboutit à une étatisation des contrats de droit privé...
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Dites-le à Mme Merkel !
M. Daniel Dubois. - ... qui risque d'avoir des effets pervers encore mal mesurés, notamment une augmentation des loyers pour les plus modestes dans les zones de grande diversité de loyers. En compliquant et en judiciarisant les relations entre locataires et bailleurs, vous mettez en danger les plus faibles. C'est de souplesse et d'oxygène que le secteur a besoin !
Sur l'urbanisme, votre Gouvernement travaille en dépit du bon sens... et des élus locaux. Le PLUI est une bonne chose, pourvu qu'il soit d'initiative locale et facultatif. Le Gouvernement sauve les meubles en conservant le mot « obligation » ; le groupe socialiste du Sénat se prépare aux sénatoriales (M. Jean-Jacques Mirassou se récrie) en créant un droit de veto qui verrouille tout... Tout cela est contreproductif, sauf si le Gouvernement envisage de faire sauter ce verrou par ordonnance... (Exclamations sur les bancs socialistes)
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. - Fantasme !
M. Daniel Dubois. - Je n'ose croire que vous ne faites pas confiance aux maires, que vous ne croyez pas à leur volonté de servir l'intérêt général, que vous voulez les dessaisir d'un des trop rares leviers dont ils disposent. Écoutez-les, madame la ministre.
Faute d'évolutions significatives, une grande partie du groupe UDI-UC ne pourra soutenir ce texte.
Mme Mireille Schurch . - Près de 60 ans après l'appel de l'abbé Pierre, le défi du logement pour tous n'est toujours pas relevé. La loi Alur était attendue avec beaucoup d'espoir. Est-elle à la hauteur ?
Le message du Gouvernement est contradictoire. Ses objectifs sont ambitieux, la régulation du secteur est bienvenue, mais les crédits de la politique du logement baissent, les aides à la pierre et les APL sont rabotées ou gelées, l'épargne populaire du livret A rendue aux banques. J'apprécie votre engagement, madame la ministre, mais votre texte n'est pas à la mesure de la grave crise du logement. Certaines mesures de ce projet de loi sont positives : allongement de la trêve hivernale, pénalisation des expulsions manu militari, sécurisation des cautions... Mais le compte n'y est pas.
Malgré les tentatives de conciliation du Gouvernement, les députés ont balayé nos travaux sur le PLUI. On peut avoir des doutes sur la suite du processus législatif...
Il est bon de réguler le marché, mais plutôt que d'encadrer les loyers à des niveaux élevés, il faudrait les geler puis les faire baisser. Vous ne faites qu'accompagner les tendances du marché. Nous proposerons en particulier que le plafond en zone tendue soit celui du PLS.
La GUL est bien loin d'une sécurité sociale du logement. Gratuite mais facultative, elle ne saurait produire tous ses effets. Quelles contreparties à la sécurité apportée aux bailleurs ? Les locataires resteront redevables des impayés...
M. Philippe Dallier. - Ça paraît normal !
Mme Mireille Schurch. - Et le trésor public est instrumentalisé pour recouvrer des dettes privées. Le fichier des mauvais payeurs exclura les plus fragiles, ceux qui ont accumulé des impayés durant deux ans.
J'en viens au PLUI. Depuis des années, on dévitalise les communes, on évapore leurs compétences. Or respecter les communes, c'est respecter la démocratie. Le mépris affiché à l'égard des maires est inacceptable. L'élaboration d'un PLUI doit rester un choix. Pourquoi ne pas favoriser la co-construction entre communes et intercommunalités, comme le fait M. Lamy ? Nous soutiendrons la position pragmatique du rapporteur, respectueuse des élus.
Nous souhaitons que nos valeurs imprègnent ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs CRC)
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Nous avons déjà dit l'importance de cette loi et du travail engagé au Parlement, notamment au Sénat. Avancer vers l'accès de tous à un logement digne, décent et à un prix abordable, produire plus de logements dans le cadre de l'aménagement durable de nos territoires, telle est sa philosophie.
La régulation du marché, d'abord. La création d'observatoires territoriaux est cruciale pour mettre en place des politiques refusant tant le marteau-pilon que le laissez-faire. Certains trouvent le dispositif trop contraignant ? Les Allemands se demandent s'il n'est pas trop souple au regard de l'augmentation de leurs loyers... cette première étape est indispensable.
Vous renforcez la lutte contre l'habitat indigne et les copropriétés dégradées : c'est un enjeu national, que Claude Dilain connaît parfaitement. L'encadrement des professions de l'immobilier est nécessaire pour lutter contre les abus, il faut davantage de transparence. L'habitat participatif progresse lentement, mais sûrement : c'est aussi un moyen d'endiguer la spéculation.
La construction de logements sociaux reprend, alors que la majorité précédente avait relevé la TVA et opéré une ponction sur les organismes HLM. Les choses s'accélèreront après les élections municipales.
Allongement de la trêve hivernale, encadrement des ventes à la découpe, prévention des expulsions, toutes ces mesures mises bout à bout amélioreront la protection des plus fragiles.
La GUL suscite des réserves. En France, dès qu'on crée quelque chose, on pense que cela ne marchera pas. Souvenez-vous des commentaires qui ont accompagné la création de la sécurité sociale. Ce que l'on retiendra avant tout de cette loi, c'est la GUL, qui réconcilie les intérêts des propriétaires et des locataires. Merci à tous ceux ici qui se sont investis sur cette question, au sein du groupe de travail et ailleurs : la GUL sera en partie un apport du Sénat. Cette garantie ne coûtera ni au propriétaire, ni au locataire.
M. Philippe Dallier. - Miracle !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Bien sûr, elle coûtera quelque chose à la puissance publique... Bien sûr, elle ne règlera pas tous les problèmes de solvabilité des ménages les plus fragiles et ne dispense pas de l'aide sociale. Mais elle empêchera que le couteau leur soit mis sous la gorge : dès le deuxième mois, les locataires concernés seront accompagnés. Un équilibre a été trouvé entre les apports des assureurs et la garantie-socle.
M. le président. - Veuillez conclure !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Quel propriétaire réclamera une caution quand il pourra bénéficier d'une garantie gratuite ? Vous verrez que sur la durée la caution deviendra résiduelle. Le Conseil constitutionnel acceptera sans doute alors l'interdiction de la caution. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean-Claude Lenoir . - Je dois d'abord vous complimenter, madame la ministre. C'est la première fois que j'entends un ministre de ce gouvernement dire que le Sénat est utile et plaider pour le bicamérisme. Quel progrès ! Il n'y a pas si longtemps, M. Jospin condamnait le Sénat.
M. Marc Daunis. - Non ! Son mode d'élection !
M. Jean-Claude Lenoir. - Le Sénat a tenu bon, plus que lui... Autre compliment que je vous fais, madame la ministre... (Marques d'amusement sur les bancs socialistes), nous avons eu droit à deux lectures. Puissiez-vous convaincre vos collègues du Gouvernement de vous imiter !
J'en ai fini avec les compliments... (On feint de le déplorer sur les bancs socialistes). Il y a comme une fatalité en France : dès que la gauche est au pouvoir, le nombre de logements construits diminue.
M. Marc Daunis. - Il faut du temps pour les construire !
M. Jean-Claude Lenoir. - Quand la droite est au pouvoir, c'est l'inverse.
M. Jean-Jacques Mirassou. - À Neuilly !
M. Claude Bérit-Débat, co-rapporteur. - C'est le fruit du travail antérieur !
M. Jean-Claude Lenoir. - Pour construire, il faut de la confiance, de la souplesse et un soutien financier. Ces conditions ne sont pas remplies, alors que le logement est une priorité comme dans les années 1950 et 1960 ; on construisait alors des tours, on a aujourd'hui une préférence pour l'habitat individuel et un logement qui met à l'abri des déperditions énergétiques.
Mme Lienemann a déployé tout son lyrisme et son talent, et ils sont grands, pour défendre la GUL.
M. Joël Labbé. - Elle a réussi !
M. Jean-Claude Lenoir. - Système pragmatique et efficace, avez-vous dit, madame la ministre. Pragmatique, c'est beaucoup dire ; efficace, on verra... On crée un dispositif très complexe pour s'attaquer à 2,5 % d'impayés... Qui paiera ? Le flou persiste.
M. Claude Bérit-Débat, co-rapporteur. - Lisez le texte !
M. Jean-Claude Lenoir. - J'en viens au PLUI, principale aspérité de ce débat. J'y suis favorable et j'ai soutenu en première lecture l'amendement du rapporteur. Ayant promis de défendre cet amendement à l'Assemblée nationale, vous vous en êtes tenue à une obligation de moyens, madame la ministre... (Mme la ministre s'exclame) Le texte des députés est inacceptable et le verrou qu'elle a inventé inopérant. La majorité sénatoriale n'a-t-elle pas les moyens de convaincre ses camarades de l'Assemblée nationale ?
M. Marc Daunis. - Qu'ont-ils donc voté ?
M. Jean-Claude Lenoir. - L'État doit soutenir les intercommunalités qui feront le choix d'un PLUI, car il y faudra des moyens humains. Et quid des cabinets susceptibles de travailler avec elles ?
Ne souhaitant pas abuser de mon temps de parole...
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. - C'est fait !
M. Jean-Claude Lenoir. - ... je cède ma place, monsieur le président. (Applaudissements UMP)
M. Pierre Jarlier . - Les dispositions sur l'urbanisme ont fait l'objet de discussions vives, au Sénat comme à l'Assemblée nationale. C'est un sujet méconnu, mais un levier essentiel pour un aménagement équilibré et durable, la lutte contre l'étalement urbain, la limitation de la consommation de terres agricoles. C'est bien l'approche intercommunale qui servira le développement durable de nos territoires. Les députés ont assoupli leur position, je le note avec plaisir, mais elle reste inacceptable pour beaucoup d'entre nous. Oui au PLUI, mais à condition qu'il suscite l'adhésion des maires et qu'un équilibre soit trouvé entre protection et développement.
Le PLUI devra être approuvé par une majorité des deux tiers ; la majorité préalable de 75 % des communes représentant 90 % de la population pour entériner le transfert de la compétence sera utile pour mener le projet. Il aurait d'ailleurs fallu harmoniser les seuils, mais je soutiendrai la position du Sénat en première lecture.
Les mécanismes de lutte contre l'étalement urbain... S'il faut préserver nos espaces naturels comme nos terres agricoles, certaines dispositions font craindre une sanctuarisation des territoires ruraux, notamment en montagne et sur le littoral, qui sont déjà confrontés à des dispositions très contraignantes en matière d'urbanisation. Mais je me réjouis que la commission, dans les zones en discontinuité non couvertes par un PLU ou une carte communale, ait introduit à nouveau la possibilité de déroger au principe de constructibilité limitée sans faire référence aux friches.
Les zones de moyenne montagne sont souvent habitées, viabilisées, et offrent un patrimoine très intéressant ; nombre de bâtiments agricoles anciens méritent d'y être rénovés. Pour ce faire, le texte prévoit une identification formelle de chacun d'entre eux... La procédure est très lourde et certainement source de conflit avec les propriétaires.
Plus généralement, de nombreux maires ruraux attendent des éclaircissements sur le devenir du développement de leurs communes. J'espère que vous saurez les rassurer, madame la ministre, comme vous avez su entendre le Sénat. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Jacques Mirassou . - Nous voilà réunis pour examiner ce texte dont la portée est pratique mais aussi politique. Je salue le travail de MM. Dilain et Bérit-Débat, qui ont eu la tâche difficile de mener les débats, notamment sur la GUL et le PLUI.
Sur le premier sujet, le tandem Raoul-Mézard a permis de nombreuses avancées ; les conclusions de leur groupe de travail se retrouvent largement dans ce texte. Que les mêmes qui critiquaient le dispositif en première lecture et à qui ce texte de deuxième lecture répond fassent un travail d'introspection et se mettent en accord avec eux-mêmes. Disant cela, je me tourne vers mes collègues Dubois et Lenoir. Le premier ne trouve jamais rien de bon dans l'action de ce gouvernement. Pourtant, dans mon canton à Toulouse, un terrain de dix hectares a été cédé par l'État pour un projet urbanistique dont le coût est passé de 16 à 6 millions... Quand même, malgré la mauvaise foi, ce Gouvernement a une action positive et vérifiable. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Vedette américaine du texte, le PLUI. La ministre s'est engagée à défendre la position du Sénat. Monsieur Lenoir, quand on s'engage en politique à une obligation de moyens, on n'a pas forcément une obligation de résultat.
M. Jean-Claude Lenoir. - On en a la démonstration tous les jours !
M. Jean-Jacques Mirassou. - Cette deuxième lecture est l'occasion de réaffirmer nos vues, je vous invite puissamment à le faire. Je le dis pour la 493eme fois, le transfert de la compétence n'aura lieu que si une minorité de blocage ne s'y oppose pas. Votons ce texte avec le plus de force possible et affirmons la libre administration des communes. Oui, la répétition est nécessaire du côté du Palais Bourbon...
L'intercommunalité, c'est se donner les moyens de faire ensemble ce qu'on ne peut pas faire seul. L'intercommunalité, oui ; la supra-communalité, non. Il n'y a pas d'un côté les prosélytes fougueux du PLUI et, de l'autre, les pseudo-rétrogrades que nous serions nombreux ici à représenter. Disons-le encore : nous sommes du côté des maires. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Philippe Dallier . - Nous voici réunis, en deuxième lecture, pour examiner ce texte, l'un des plus volumineux de la Ve République. « Qui trop embrasse, mal étreint » ! J'ai un peu ce sentiment... Rapports locatifs, documents d'urbanisme, lutte contre l'habitat indigne ; au total, 180 articles...
Je m'en tiendrai à l'une des mesures emblématiques du texte : la GUL. Sans reprendre le terme utilisé par M. Mézard dans son communiqué de presse, disons que le dispositif était squelettique ; le texte n'était pas mûr. Les incertitudes étaient nombreuses en première lecture. Interdire la caution ? Ce sera finalement non. Faire contribuer les locataires ? Non plus. On aurait dû purger d'emblée ces questions qui n'en étaient pas. Le texte de l'Assemblée nationale, même amendé par le Sénat, ne proposait pas une solution juridique satisfaisante.
Le président Raoul a proposé un groupe de travail, que la ministre a accepté. J'y ai participé de bonne grâce, nous avons fait un travail sérieux. Je ne peux m'empêcher de vous rapporter un épisode savoureux... Nous voici devant des professionnels de l'immobilier sortant du cabinet de la ministre et nous expliquant les orientations du nouveau dispositif - qui se sont confirmées. Nous avons eu la désagréable impression de ne servir à rien ou d'avoir été instrumentalisés...
La GUL sera-t-elle universelle ? Elle ne l'était pas dans le texte initial, il aurait fallu pour cela qu'elle s'appliquât à la fois aux parcs public et privé - je n'y étais d'ailleurs pas favorable. Elle ne l'est pas plus aujourd'hui puisque le bailleur pourra choisir entre elle et la caution. Le financement ? On a d'abord prévu un partage des coûts, puis de faire contribuer les seuls propriétaires mais par un formidable retournement de l'histoire parlementaire, la GUL sera finalement financée par l'État, en des temps où la réduction de la dépense publique est devenue l'alpha et l'oméga du président de la République et du Premier ministre.
La GUL n'empêchera pas les propriétaires de faire le tri des dossiers. Vous faites un pari hasardeux, un pari à 560 millions d'euros... Mieux aurait valu un dispositif universel assurantiel comme l'assurance habitation...
Mme Élisabeth Lamure. - Très bien !
M. Philippe Dallier. - Je l'ai proposé, vous l'avez rejeté. Outre les 160 millions demandés à Action logement, vous escomptez 400 millions d'économies tirées de l'extinction des dispositifs Scellier et de Robien, qui coûtaient cher, il est vrai...
M. Jean-Claude Lenoir. - Ils ont aussi permis de construire des logements !
M. Philippe Dallier. - Mais Action logement est déjà en difficulté et vous lui demandez aussi de financer la construction de nouveaux logements... Pour l'Anah, en situation très difficile, il y a urgence à trouver une solution : la financer par la vente des quotas de CO2 ne tient pas. Je crains que vous n'ayez pas choisi la meilleure utilisation de l'argent public.
Ce texte comporte des bonnes mesures ; malheureusement, sur bien des points, dont les rapports locatifs, il va trop loin. Je crains fort qu'il ne soit contreproductif et atteigne l'objectif inverse de celui recherché - moins de logements... (Applaudissements à droite et au centre)
M. Jean-Claude Lenoir. - Ça a déjà commencé !
Demande de priorité
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. - Après la fin de la discussion générale, nous entamerons demain la discussion des articles. Je souhaite que l'article 8 soit appelé en priorité après l'article premier.
La priorité, acceptée par le Gouvernement, est de droit.
Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 30 janvier 2014, à 9 h 35.
La séance est levée à minuit trente-cinq.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques