Engagement des forces armées en République centrafricaine
M. le président. - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur l'engagement des forces armées en République centrafricaine, dans le cadre du mandat résultant de la résolution 2127 du Conseil de sécurité des Nations unies, en application de l'article 35, alinéa 2, de la Constitution.
Avant que nous n'engagions ce débat, c'est avec une grande émotion que je souhaite rendre hommage aux deux soldats français du 8e régiment de parachutistes d'infanterie de marine de Castres, qui sont morts au combat cette nuit à Bangui. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent)
Le Sénat tout entier salue l'immense courage de ces deux hommes, qui ont fait le sacrifice de leur vie pour défendre les valeurs universelles de liberté et de démocratie. Nous exprimons à leurs familles et à leurs proches nos condoléances les plus attristées. Nous nous associons à leur douleur, ainsi qu'à celle de leurs camarades de régiment.
Nos pensées vont également à cette heure vers l'ensemble des militaires déployés en République centrafricaine pour rétablir la sécurité et protéger les populations.
Mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir observer une minute de silence pour honorer la mémoire des deux soldats morts au combat la nuit dernière. (Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence)
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense . - Jeudi dernier, le président de la République s'est adressé à la Nation pour annoncer l'intervention des forces françaises en République centrafricaine. La décision d'engager nos forces armées est toujours une décision grave ; nous venons de rendre hommage aux deux soldats du 8e RPIMa de Castres, qui ont fait le sacrifice de leur vie. Je pense à leurs familles et à leurs proches auxquels j'exprime la solidarité de la Nation et transmets les condoléances attristées de l'ensemble du Gouvernement.
En RCA, nos hommes interviennent en soutien de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (Misca), sur la base d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. C'était urgent et nécessaire : quelques heures auparavant, des miliciens commettaient encore des exactions et des massacres dans les rues de Bangui, n'épargnant ni les femmes ni les enfants. L'alarme, que le président de la République avait lancée en septembre à la tribune de l'ONU, était justifiée ; le pays était au bord du gouffre.
Depuis le 24 mars 2013, depuis l'arrivée au pouvoir des rebelles de la Seleka, pillages, viols, exécutions sommaires se sont multipliés dans cet État failli. Plus inquiétant, la spirale de la haine avait pris une tournure intercommunautaire et interreligieuse. L'anarchie qui s'installait menaçait aussi une région déjà fragile, celle des grands lacs. La RCA ne pouvait en aucun cas devenir un nouveau sanctuaire pour les trafiquants et les terroristes. C'est aussi notre sécurité, et celle de l'Europe qui étaient en cause.
À la crise sécuritaire s'ajoute une tragédie humanitaire. La France pouvait-elle ne rien faire, rester sourde aux appels à l'aide des autorités centrafricaines et de ses partenaires de l'Union africaine ? Attendre, c'était prendre le risque d'un désastre ; 70 000 Centrafricains ont déjà dû quitter le pays et 2,3 millions ont besoin d'une intervention d'urgence. Attendre, c'était prendre le risque d'une réponse plus tardive, plus difficile et plus coûteuse.
Après l'intervention du président de la République en septembre devant l'Assemblée générale des Nations unies, la France a saisi le Conseil de sécurité et a obtenu l'adoption à l'unanimité, j'y insiste, de deux résolutions. La résolution 2127 donne mandat à la force africaine de stabiliser le pays et de protéger les civils, et permet aux troupes françaises de l'appuyer. La France a convaincu ses partenaires d'apporter leur soutien politique, logistique et financier à l'effort international de stabilisation.
Le cadre de l'opération Sangaris est donc incontestable. Nos objectifs sont clairement circonscrits : rétablir la sécurité, permettre l'intervention des organisations humanitaires et le déploiement des structures étatiques de base et la montée en puissance opérationnelle rapide de la Misca.
Cette intervention n'a pas vocation à durer, quelques mois sans doute. Comme nous l'avons clairement affirmé au Sommet de l'Élysée, la sécurité en Afrique relève de la responsabilité des Africains. Nos forces sont engagées en appui de la Misca, dont les troupes, venues de tous les pays de la région, passeront de 2 400 à 6 000 hommes.
Il faudra du temps, nous le savons, pour désarmer les milices, former les nouvelles forces centrafricaines, appuyer le processus électoral : ce sera dans la durée le rôle de la Misca. Une opération de maintien de la paix pourra suivre si les Nations unies en décident ainsi, à laquelle l'Union européenne pourra contribuer grâce aux instruments de la politique de sécurité et de défense commune.
Je salue la rapidité avec laquelle se sont déployées nos troupes, qui ont évité des massacres de masse à Bangui ou à Bossangoa. Grâce à la complémentarité entre nos forces prépositionnées et celles en alerte, 1 600 hommes, en deux jours, ont pu sécuriser les lieux où se sont regroupés les réfugiés, tel l'aéroport M'Poko, et nos ressortissants qui sont de l'ordre de 800 ; le désarmement des groupes armés a commencé ; nos forces patrouillent pour rétablir le calme et la sécurité.
Soyons clairs, la République centrafricaine n'est pas le Mali. Pourtant, on entend les mêmes questionnements. Les moyens ? L'opération Sangaris est financée par le budget de l'État grâce à la clause de garantie intégrée dans la loi de programmation militaire. La pertinence de notre intervention ? La France n'est pas le gendarme de l'Afrique mais assume ses responsabilités internationales, répond à l'appel de ses partenaires africains face à une urgence absolue. La création d'une vraie force panafricaine de réaction rapide occupera les prochains mois, cela a été annoncé au Sommet de l'Élysée. L'isolement de la France ? Nous n'agissons pas seuls : le secrétaire général de l'ONU est intervenu pour appeler les États à réagir à la crise centrafricaine et le président du Conseil européen a dit les risques pour la sécurité de l'Europe tout entière ; l'Union européenne nous accompagne dès le début, elle participe au pont aérien entre Douala et Bangui pour acheminer l'aide humanitaire et finance la Misca à hauteur de 50 millions d'euros ; les États-Unis, quant à eux, la financent pour 40 millions de dollars.
Au-delà de l'urgence, il faut bâtir l'avenir, restaurer l?autorité de l'État et les services publics dans un pays trop longtemps ballotté au gré de pouvoirs faibles et d'ingérences extérieures. C'est ce qu'exprimera ce soir à Bangui le président de la République. Avec les Centrafricains, les pays de la région ont posé les contours d'un processus de transition qui doit mener au plus vite à des élections démocratiques. Les autorités de transition se sont engagées sur cette voie. La communauté internationale sera vigilante.
La décision d'engager nos forces est toujours une décision grave, je l'ai dit. En ces circonstances, l'unité de la nation et des forces politiques est indispensable. Cette unité, nous la devons à nos soldats, au peuple centrafricain, à l'Afrique. La France saura faire preuve de solidarité. Un des plus grands hommes que l'Afrique ait connus disait : « Ce monde doit être celui de la démocratie et du respect des droits humains, un monde libéré des affres de la pauvreté, de la faim et du dénuement, épargné par la guerre civile, débarrassé de la grande tragédie vécue par des milliers de réfugiés ». Cet homme, c'était Nelson Mandela.
La liberté, la paix, la sécurité du peuple centrafricain : cette cause est juste, elle correspond à l'idée que nous nous faisons de la France et de ses valeurs. Soyons rassemblés, comme nous savons le faire, pour la porter. (Applaudissements)
M. Jacques Legendre . - Pour la deuxième fois, le président de la République a engagé les troupes françaises dans une opération extérieure. Je veux, au nom du groupe UMP, adresser un message de soutien à nos soldats et à leurs familles. Ces hommes sont la fierté de notre pays quand ils prolongent notre action diplomatique.
Fallait-il intervenir en République centrafricaine après le Mali ? La France est-elle devenue le gendarme de l'Afrique ? Je connais bien ce pays de 600 000 km², peuplé de 4,5 millions d'habitants, pour y avoir été professeur-coopérant dans un lycée de brousse. L'Oubangui-Chari, comme il s'appelait alors, a été le deuxième territoire africain à rejoindre la France libre en 1940 ; souvenons-nous qu'il a été conduit à l'indépendance par un homme remarquable, l'abbé Barthélemy Boganda qui voulait bâtir les États-Unis d'Afrique latine et avait pour devise « un homme est un homme ». Hélas, il est mort précocement dans un accident d'avion. Depuis, le pays s'est enfoncé dans une spirale de coups d'État et de violences et est au bord de l'effondrement. « Bangui la coquette » est devenue « Bangui la roquette ». À l'heure où nous saluons solennellement la mémoire de Nelson Mandela, pouvions-nous laisser s'installer au coeur de l'Afrique un espace de non-droit où se seraient retrouvés fanatiques, coupeurs de route, trafiquants d'armes et d'ivoire, métastases de Boko Haram ? On peut seulement regretter que nous seuls ayons la capacité et la volonté d'agir ; l'aide de nos partenaires est bien timide... Il faut dire aux Français que la décision d'intervenir est conforme aux intérêts de la France.
La Centrafrique que j'ai aimée n'était pas déchirée par des conflits religieux, pygmées, animistes et Peuls vivaient en bonne entente... Le processus s'est enclenché il y a dix ans, avec l'arrivée du président Bozizé. Il faudra du temps, beaucoup de temps, pour reconstruire un État et y organiser des élections libres. Il faudra accompagner la République centrafricaine dans la durée. Actuellement, les paysans n'osent plus semer en brousse ; ne parlons pas des investissements étrangers, ils ont fui depuis longtemps. Nous n'avons déjà que trop tardé.
Je ne reprocherai pas au président de la République d'avoir engagé nos troupes dès que les conditions en ont été réunies au Conseil de sécurité. Je me réjouis de la révision de 2008 qui nous vaut l'organisation de ce débat qui sera, je le crains, je le crois, renouvelé dans quatre mois. Comment sécuriser dans un temps si court un pays aussi grand que la France face à des combattants seleka dont il ne faut pas sous-estimer la résistance ? Quelque 1 600 hommes suffiront-ils ? La France intervient dans le cadre de l'ONU. Elle est membre de son Conseil de sécurité, c'est une charge et une chance. Nous le devons à la dissuasion nucléaire, à notre armée, à notre réseau diplomatique. Or nos moyens sont de plus en plus contraints : prenons garde à ne pas prendre d'engagements internationaux que nos moyens militaires et diplomatiques ne nous permettraient plus d'honorer.
Parfois, il y a des raccourcis saisissants. Alors que s'achève un nouveau sommet africain, nous voici engagés dans une nouvelle intervention armée et unis dans l'hommage à Nelson Mandela. On le voit bien, la France et l'Afrique ont tissé des liens qui ne sont en rien la Françafrique, mais des liens profonds et particuliers. Je forme le voeu que les jeunes Africains et Français continuent de se rencontrer et de se comprendre, comme j'en ai eu la chance naguère.
La France s'engage une fois de plus par fidélité à ses valeurs. Mais cet engagement ne la dispense pas d'aider ceux qu'elle a rendus indépendants à acquérir les moyens réels de leur indépendance. Un homme politique centrafricain, M. N'Goupandé, avait écrit un livre intitulé L'Afrique sans la France... La France répond une nouvelle fois à l'appel de l'Afrique. L'Afrique n'est pas sans la France. Mais nous devons bâtir une vraie solidarité entre la France, l'Europe et l'Afrique. Pour notre bien commun. (Applaudissements)
M. Jean-Marie Bockel . - Après ce discours émouvant et juste, je veux saluer à mon tour l'intervention des forces françaises en République centrafricaine dans le cadre de l'opération de Sangaris, en appui de la Misca et sous mandat international. Le danger était extrême pour les populations civiles dans un pays livré aux bandes armées depuis l'arrivée au pouvoir de la Seleka. Je rends hommage à nos soldats qui ont fait le sacrifice suprême de leurs vies cette nuit. Comme pour l?opération au Mali, et dans un esprit de responsabilité et d'unité, j'apporte mon soutien à la décision du président de la République. Le premier objectif de notre intervention doit être de rétablir un climat de sécurité, condition du redressement du pays.
Le renforcement du dispositif français ne saurait néanmoins remplacer la force africaine. Cela passe par l'africanisation des forces présentes en République centrafricaine. Je salue la décision de porter les effectifs de la Misca à 6 000 hommes contre 3 600 initialement.
La mise sur pied d'une force africaine d'intervention continue de faire face à des problèmes d'interopérabilité et de financement. Je me réjouis que la France se soit engagée à former 20 000 hommes par an pour qu'elle soit opérationnelle dès 2015 - le sera-t-elle ? Au-delà des déclarations, que compte faire l'Europe pour soutenir notre action militairement, logistiquement, financièrement ? Le Royaume-Uni apportera une aide logistique ; ce matin, les Allemands lui ont emboîté le pas et, si j'ose dire, plus si affinité.
Pourquoi ne pas déployer le groupe tactique européen créé en 2007 et jamais encore mobilisé ? Cela donnerait corps à l'Europe de la défense qui sera à l'ordre du jour du prochain sommet européen.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. - Très bien !
M. Jean-Marie Bockel. - Le pacte républicain signé à Bangui, issu des pourparlers des 6 et 7 septembre derniers, a exclu la violence comme moyen d'accès au pouvoir. Il est temps que ses promoteurs le mettent en oeuvre dans le cadre du processus de dialogue et de réconciliation. La transition politique ne saurait se dérouler sans le désarmement des milices ni la démobilisation des groupes armés.
Enfin, nous devons accélérer l'aide humanitaire. Le pays compte 415 000 déplacés, la moitié de la population a besoin d'aide humanitaire et 1,3 million de personnes d'une aide alimentaire d'urgence. Nous appelons à la convocation d'une grande conférence de bailleurs de fonds.
Le groupe UDI-UC vous apporte son soutien, monsieur le ministre, en espérant la mobilisation de l'Europe et de la communauté internationale et la construction d'une architecture africaine de sécurité. L'Afrique, si convoitée et si diverse, est notre avenir. Traitons-la d'égal à égal, c'était aussi le message de Nelson Mandela ! (Applaudissements)
Mme Michelle Demessine . - Alors que nous rendons hommage à Nelson Mandela, qui voua sa vie à combattre l'inhumanité suprême de l'apartheid et à prôner la réconciliation pour construire une Afrique du Sud libre et démocratique, nos forces sont engagées pour aider à sortir un petit pays du continent du chaos, de l'extrême pauvreté et du sous-développement. Je rends moi aussi hommage à nos deux jeunes soldats qui ont fait le sacrifice suprême de leurs vies.
Les images de la capitale centrafricaine tournent en boucle dans les médias, provoquant des réactions passionnées. Cinq jours après le début de l'opération Sangaris, nous pouvons prendre le temps de la réflexion.
Certes, du point de vue de la légalité internationale, le mandat de la résolution 2127 du Conseil de sécurité est fondé juridiquement et clair : nos forces interviennent en appui de la Misca sous chapitre VII. Mais notre pays est-il le mieux placé pour se faire l'avant-garde de la transition politique et du développement économique en Centrafrique ? On peut en douter quand la République centrafricaine fut longtemps sous notre tutelle ; on nous suspectera d'arrière-pensées et de vouloir défendre nos propres intérêts. Pourquoi persister à agir seuls alors que le président de la République s'est engagé à ne plus s'immiscer dans les crises politiques africaines et à développer des relations d'un type nouveau ?
Pourquoi et comment, avec qui et avec quels moyens voulons-nous gérer cette nouvelle crise ? La déclaration du Gouvernement ne répond pas à ces questions. Contrairement au Mali, le trouble, voire le rejet de notre opinion publique est révélateur : nos compatriotes sont sceptiques sur notre capacité à agir dans ces pays, et s'inquiètent du coût de telles opérations, qui obèrent nos finances publiques, au détriment d'autres priorités. Disons clairement les choses : la faillite de la République centrafricaine, liée à l'effondrement des cours des produits locaux, ne date pas d'hier, et les politiques d'influence discutables de la France ne sont pas pour rien dans ses difficultés, non plus que nos soutiens aux politiques ultralibérales imposées par les institutions financières internationales.
Quelles initiatives diplomatiques notre pays a-t-il pris pour enrayer la montée des violences en République centrafricaine ? S'agit-il seulement de lancer, une fois de plus, en héros solitaire, une opération militaire dans cette région ?
Quelle est votre politique, au-delà des discours convenus sur l'organisation d'élections ? Ces questions, vous ne pourrez éviter d'y répondre quand cesseront les massacres.
Certes, il faut mettre un terme rapidement à ces violences, éviter que s'installe une guerre civile, mais au-delà, traiter les causes profondes des maux de la République centrafricaine : relations néocoloniales, instrumentalisation du territoire centrafricain par le Tchad, extrême pauvreté, exploitation des ressources par de grandes multinationales... (Approbation sur les bancs CRC) Le Gouvernement doit refonder notre politique d'Aide publique au développement (APD). Les résultats de la Conférence de Paris ne sont pas à la hauteur des enjeux. Nous devons nouer de vrais partenariats équilibrés avec les États africains.
Cette intervention ne s'inscrit, hélas, absolument pas dans un tel cadre : nous désapprouvons sa forme et doutons, au fond, qu'elle constitue une réponse appropriée à la crise que traverse la Centrafrique. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. François Rebsamen . - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Je veux d'abord rendre hommage à nos deux soldats tombés hier et exprimer toutes nos condoléances à leurs proches, à leur famille et à leurs camarades de combat. Une fois de plus, l'armée française accomplit sa mission avec professionnalisme, ténacité, rapidité, efficacité. Le courage de nos soldats fait écho à celui de leurs prédécesseurs, montés au front il y a un siècle, que nous commémorerons dans quelques semaines.
(« Très Bien ! » sur les bancs socialistes) De nombreuses vies de femmes, d'hommes et d'enfants ont été sauvées, les viols, les exactions et les pillages ont cessé en Centrafrique ; si cela ne compense en rien la vie des militaires, cela justifie, en soi, l'intervention de la France.
La normalisation de la situation en République centrafricaine est toutefois loin d'être acquise. L'intervention française s'impose donc. La France, fidèle à sa tradition de puissance responsable et à ses valeurs humanistes, a eu raison de prendre les devants.
L'enjeu sécuritaire est d'importance. La crise actuelle n'est que le dernier - espérons-le ! - des soubresauts que connaît le pays depuis la décolonisation. Le retrait, en 2000, de la mission onusienne dépêchée en 1998 par le Conseil de sécurité, déjà, n'a pas mis fin à la spirale des troubles enclenchée dès 1996. Les tensions ont persisté. La Seleka, regroupement des déçus du régime Bozizé, n'a fait que les amplifier depuis 2006. À la fin 2012 s'est ouverte une crise majeure.
Fin mai, après bien des péripéties, et l'échec des accords de paix de Libreville signés en janvier 2013, cet ensemble composite de combattants, conforté par des puissances étrangères, a été dissout par Michel Djotodia, président autoproclamé du gouvernement de transition, lâchant la bride à une soldatesque de 20 000 hommes, rejoints par des miliciens et combattants de pays voisins, dont les membres des groupes terroristes Boko Haram et de l' Armée de résistance du Seigneur (LRA) du tristement célèbre Joseph Kony.
Nous ne pouvons laisser la République centrafricaine devenir une zone de non-droit dans cette région stratégique, où les frontières sont poreuses et les foyers de tension énormes, entre le Sahel, les grands lacs et la Corne de l'Afrique, voire une base arrière pour le développement des activités terroristes.
L'enjeu humanitaire est immense. Sans qu'il faille utiliser de grands mots tels que celui de génocide, le pays est en proie à des conflits à connotation confessionnelle. La Seleka est majoritairement musulmane, la population majoritairement chrétienne. Les violences sont quotidiennes : arrestations arbitraires, exécutions sommaires, viols, enrôlement d'enfants soldats drogués... On estime à 1,3 million le nombre de personnes nécessitant une aide humanitaire urgente, que les ONG ne sont plus en mesure de leur apporter, à 480 000 le nombre des déplacés, dont 50 000 à Bangui. Le HCR a enregistré 66 000 réfugiés.
Je veux rendre hommage au président de la République, qui a pris acte de la gravité de la situation. Il a déclaré, lors du Sommet de l'Élysée : « Un peuple au coeur de l'Afrique est en souffrance. Il nous appelle. Nous ne pouvons plus laisser les massacres se perpétrer. Cet engagement n'est pas seulement sécuritaire, il doit être humanitaire, car c'est aussi notre devoir. » Nous ne pouvions laisser ce peuple en souffrance à son destin. Dès le 24 septembre, François Hollande a attiré l'attention des Nations unies. La France a travaillé sans relâche, obtenant du Conseil de sécurité la résolution 2121, qui définit le cadre juridique de l'intervention actuelle, puis la résolution 2127, laquelle autorise notre pays à accompagner la montée en puissance d'une force internationale.
La République centrafricaine est aujourd'hui un État failli. Les forces de sécurité ne sont plus capables d'assumer leurs fonctions. L'intervention que nous menons avec nos partenaires recouvre la sécurité, l'aide humanitaire, le soutien politique et la reconstruction économique. Nous avons le soutien de l'ONU et des États africains.
La crise centrafricaine sera à l'ordre du jour du Conseil européen du 19 décembre. 50 millions d'euros ont été ajoutés aux 20 millions déjà engagés en faveur de la République centrafricaine. Mais j'estime que les dépenses de cette nature doivent être sorties du calcul du déficit budgétaire national. La France ne peut agir au nom de l'intérêt européen et international et en être pénalisée.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. - Très bien ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)
M. François Rebsamen. - Le citoyen français ne comprendrait pas, et il aurait raison, que nous puissions être sanctionnés pour avoir rempli notre rôle. Monsieur le ministre, je vous demande de relayer cette position au niveau européen.
La France est fidèle à sa mission. Elle soutient l'édification de la paix, dans le respect de la légalité internationale. Mais il revient aux forces africaines d'assurer la sécurité du pays à long terme. Le Sommet de l'Élysée l'a rappelé. La France a su, quasi unanimement, dépasser la tendance actuelle au repli sur soi pour aider un peuple en souffrance. La patrie des droits de l'homme est ainsi fidèle à ses valeurs, soyons-en fiers ! (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes, du RDSE, UDI-UC et quelques bancs UMP)
M. Jean-Michel Baylet . - Je rends à mon tour hommage aux deux soldats du 8e RPIMa de Castres morts hier à Bangui, Nicolas Vokaer et Antoine Le Quinio, je salue leur courage et leur engagement.
Le Conseil européen des 19 et 20 décembre sera consacré à la politique de sécurité et de défense commune ; je m'en réjouis, ainsi que de la tenue du présent débat, aux termes de l'article 35 de la Constitution.
La situation centrafricaine a été successivement inquiétante, dramatique, puis tragique. Elle est semblable, par certains côtés, à celle du Mali. État faible, tensions interconfessionnelles... Elle s'en distingue toutefois par d'autres aspects.
L'instabilité chronique de la République centrafricaine et la faiblesse, voire l'inexistence de l'État, sont avérés. Le coup d'État de la Seleka du 23 mars 2013 a entraîné l'éclatement du pays et exacerbé les tensions régionales et interconfessionnelles. Les milices d'autodéfense, les anti-balaka, qui se sont constituées depuis ont donné naissance à un véritable chaos. La région entière est déstabilisée. Il fallait intervenir vite pour stopper l'escalade de la violence.
Certains responsables politiques français font mine de s'interroger sur la stratégie du Gouvernement. Le mandat, qui nous est confié par la résolution 2127, est pourtant clair ; il légitimise et encadre notre intervention ; il comporte un volet sécuritaire, un volet humanitaire et prévoit l'accompagnement du pays dans le rétablissement de ses institutions.
Des incertitudes demeurent, notamment sur le désarmement et le repli des forces de la Seleka. Son chef ne devrait, en principe, pouvoir se présenter aux prochaines élections. Le volontarisme de la France, le rôle moteur de sa diplomatie, à l'ONU et sur le terrain, ont été justement soulignés. La réorientation des États-Unis vers l'Asie-Pacifique met notre pays en première ligne en Afrique.
Les priorités de la France ont été resserrées autour du Maghreb, de l'Afrique centrale et subsaharienne, conformément au Livre blanc.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. - Tout à fait !
M. Jean-Michel Baylet. - Je me félicite du maintien des bases militaires françaises et forces prépositionnées en Afrique, au Sénégal, au Gabon, à Djibouti et outre-mer - que le précédent gouvernement avait menacées. Seul ce maillage explique le déploiement rapide de nos forces à Bangui.
La mort de Mandela nous appelle à agir. « Sans sécurité, pas de développement ; sans développement, pas de sécurité » : la doctrine africaine du président Hollande s'affirme. Elle conjugue le règlement multilatéral des conflits avec l'implication des organisations régionales. La France assume les responsabilités qui lui incombent du fait de sa stature internationale et, assumons-le, de son héritage historique. Dès 2015, elle pourrait participer à la création d'une force panafricaine, qui serait un atout pour la sécurité du continent.
Ce débat devra lever les dernières ambiguïtés. Sur notre capacité de projection d'abord, estimée dans le cadre de la loi de programmation militaire de 6 000 à 7 000 hommes répartis sur deux ou trois théâtres d'opération. Or les 1 600 hommes engagés en République centrafricaine s'ajoutent aux 2 800 soldats qui oeuvrent au Mali. Soit, mais nous pouvons nous appuyer sur les 15 000 hommes du format « opérations majeures de coercition en coalition » et sur nos forces prépositionnées.
Sur l'action de l'Union européenne, ensuite. Le prochain Conseil européen devra être l'occasion de créer un fonds de soutien aux interventions que le président de la République a appelé de ses voeux.
Enfin, le soutien à la reconstruction de l'État centrafricain. Les Centrafricains doivent redevenir maîtres de leur destin.
Cette intervention, qui est conforme à la légalité sur le plan international comme à notre Constitution, est pleinement légitime : les radicaux de gauche et le RDSE y apportent leur soutien franc et massif. (Applaudissements sur les bancs du RDSE, socialistes, ainsi que sur quelques bancs au centre)
Mme Kalliopi Ango Ela . - Je me réjouis de ce débat sur l'engagement de nos forces armées ; il est l'occasion de rappeler la position constante des écologistes : il devrait être suivi d'un vote des deux assemblées.
La résolution 2127 votée par le conseil de sécurité à l'unanimité de ses 15 membres donne mandat, pour douze mois, à la Misca, appuyée par des forces françaises « autorisées à prendre temporairement toutes mesures nécessaires », de protéger les civils, sécuriser et stabiliser le pays et créer les conditions pour fournir l'aide humanitaire nécessaire. C'est heureux car, depuis la prise de Bangui par la Seleka en mars dernier, la République centrafricaine, qui vit un drame depuis de nombreuses années, est le théâtre d'insoutenables violences : exécutions, violences sexuelles, enrôlement d'enfants soldats...
Face à cette situation inacceptable, il était urgent de réagir. Les écologistes tiennent à réaffirmer que « la capacité des pays africains d'assurer eux-mêmes leur sécurité est un objectif qui requiert le soutien international et particulièrement européen ».
Si nous nous réjouissons du soutien logistique apporté par plusieurs États européens à la Misca et des 50 millions d'euros supplémentaires débloqués par l'Union européenne, à la demande de l'Union africaine, nous regrettons que la France s'engage à nouveau seule dans cette opération en RCA. L'urgence sécuritaire et humanitaire exige un soutien collectif de nos partenaires européens. L'engagement des forces africaines et l'implication de l'Union africaine sont indispensables.
Je me félicite que le Sommet de l'Élysée ait appelé à une réforme du Conseil de sécurité, renforçant la place de l'Afrique en son sein. Je me réjouis, comme les chefs d'État et de gouvernement réunis à Paris, des « avancées importantes réalisées par l'Union africaine, les communautés économiques régionales et les États africains dans la mise en oeuvre d'opérations de paix africaines, au Mali, en République centrafricaine, en Somalie, en Guinée-Bissau, au Burundi, au Soudan (Darfour), aux Comores. Ces initiatives apportent des solutions africaines aux problèmes africains et doivent être soutenues par la communauté internationale ».
Les sénatrices et sénateurs écologistes réaffirment aussi « l'importance de développer les capacités africaines de réaction aux crises » et saluent l'engagement de la France, lors de ce Sommet, à « soutenir les efforts de l'Union africaine pour parvenir à une pleine capacité opérationnelle de la Force africaine en attente et de sa capacité de déploiement rapide à l'horizon 2015, ainsi que la Capacité africaine de réponse immédiate aux crises (CARIC), décidée par le Sommet de l'Union africaine en mai 2013 ».
Les signalements de violences intercommunautaires n'ont cessé de se multiplier depuis un an : une surveillance plus active de ces exactions est nécessaire.
Nous devons tous prendre la mesure de la complexité de la situation sur place, qui complique la tâche de la Misca. Les groupes évanescents se reformeront et se réarmeront rapidement. Ne tombons pas dans l?écueil d'une vision binaire. Le risque est grand que la République centrafricaine se transforme en base arrière de groupes radicaux.
Rappelons que la résolution 2127 prie le secrétaire général de l'ONU de créer un fonds d'affectation spéciale, mais aussi une commission d'enquête internationale, chargée d'investiguer, pour une durée initiale d'un an, les violations du droit international humanitaire et des droits de l'homme. Elle instaure enfin un embargo sur les armements et matériels connexes à destination de la RCA.
Je salue l'engagement des soldats de la Misca, sous mandat de l'ONU, à la demande du Gouvernement et de la société civile de RCA et des États voisins, étape nécessaire pour éviter une catastrophe humanitaire. La prolifération des groupes armés doit nous inciter à refuser la facilité d'une vision binaire et la perméabilité des frontières avec les États voisins à faire preuve de précaution. La sécurisation du pays, hors des grands axes et des grandes villes, sera délicate.
Je salue le courage de nos troupes et rends hommage, au nom de notre groupe, aux deux soldats du 8e RPIMa tombés hier à Bangui. Cette intervention est d'une difficulté sans précédent. La phase militaire devra laisser la place au plus vite à la phase politique, à l'organisation d'élections démocratiques, au temps du développement. L'État centrafricain est particulièrement affaibli. Sa reconstruction sera un préalable nécessaire à tout développement économique. La constitution de listes électorales ne sera pas simple dans un pays désormais dépourvu d'état civil.
L'aide au développement sera indispensable dans un partenariat mobilisant tous les acteurs, les autres États européens, l'UE, le futur État centrafricain, la société civile, les organisations régionales africaines, les États africains, les ONG. En tant que sénatrice représentant les Français établis hors de France, je pense en particulier aux Français installés en Afrique.
Je veux terminer en citant Les mots étrangers de Vassilis Alexakis, écrivain franco-grec en quête du sango, la langue de Centrafrique : « La mort aussi se lève de bonne heure à Bangui. J'ai mis longtemps à me remettre de cette révélation ». Parce qu'elle s'y lève encore plus tôt depuis le 24 mars dernier, pour les Centrafricains, le groupe des Verts soutient l'intervention française en République centrafricaine.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères . - Comme les précédents orateurs, je rends hommage à nos soldats tombés hier, et présente mes condoléances à leurs familles et camarades. Notre peine est profonde ; notre solidarité avec nos troupes sans faille.
Comme au Mali en 2012, la France est en pointe en Centrafrique. Il a fallu deux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies pour décider d'une intervention. Les combats, pendant ce temps, faisaient rage et prenaient parfois une tournure interconfessionnelle.
Nos soldats sont désormais sur le terrain. Nous leur disons notre confiance.
Je veux insister sur la notion de responsabilité de protéger, qui appartient aux dirigeants ou, en cas de défaillance, à la communauté internationale. L'ONU a seule le droit de recourir à la force, en vertu du chapitre VII de la Charte. Il n'y a pas là de contradiction avec la souveraineté étatique, qui ne justifiera jamais d'opprimer sa population. L'urgence humanitaire justifiait à elle seule notre intervention, qui est à l'honneur de la France, en RCA comme en Libye.
Au-delà, nous ne pouvons laisser l'effondrement de l'État centrafricain entraîner la déstabilisation de la région, qui serait préjudiciable à tout le continent. Nous devons empêcher la République centrafricaine de devenir un sanctuaire de terroristes, après l'Afghanistan, la Somalie, le Yémen et le Mali. Les groupes terroristes menacent, en effet, directement, les intérêts de la France et du monde - voyez la piraterie dans le golfe de Guinée, dont nous débattrons en commission en 2014. Autre raison de mettre un terme aux affrontements ethniques ou religieux et aux trafics en tous genres.
D'aucuns agitent le souvenir de la Françafrique. Le message du président de la République est pourtant clair : action aux côtés des Africains, respect de leur indépendance. La France s'est engagée à soutenir les efforts de l'action africaine dans la constitution d'une capacité de déploiement rapide dès 2015.
Sans anticiper sur le débat que nous aurons tout à l'heure sur la loi de programmation militaire en deuxième lecture, notre assemblée, quasi unanime à soutenir l'engagement de nos troupes en République centrafricaine, montrerait quelque incohérence à s'opposer au texte qui confère les crédits nécessaires à de telles actions. Nous défendons ainsi la sécurité de nos concitoyens. On ne peut affirmer que sécurité et développement sont inextricablement liés sans voter les crédits correspondants.
Mais cette opération pourrait en appeler d'autres. Et les crédits des Opex ont déjà été largement dépassés. Leur surcoût s'élève à 1,26 milliard d'euros en collectif 2013, à comparer aux 630 millions d'euros budgétés initialement et 450 millions provisionnés pour 2014 !
Certes, les dépassements sont couverts par la réserve interministérielle, mais nous touchons aux limites de l'exercice. Nous ne pourrons supporter seuls le poids de ces interventions ad vitam aeternam.
La participation de la France est déjà importante, via l'aide bilatérale et les actions de formation. Nous ne pouvons demeurer seuls sur le terrain militaire. L'ONU devra prendre le relais.
Toutes ces questions, monsieur le ministre, devront être posées à l'occasion du Conseil européen des 19 et 20 décembre prochains. Nous reviendrons demain soir sur nos attentes à cet égard. (Applaudissements des bancs socialistes à la droite)
M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Ce débat a été de grande qualité, depuis les rappels historiques de M. Legendre jusqu'aux évocations littéraires de Mme Ango Ela. Un débat de haute tenue, donc, tant sur la forme que sur le fond, sur tous les bancs.
Je veux me réjouir de la quasi-unanimité de votre assemblée.
Elle donne force à nos soldats, je l'ai observé durant l'opération Serval, comme à la France quand elle défend sa position, qui est singulière, au sein de la communauté européenne et internationale.
Puisque nous parlons de nos soldats, j'ai été très sensible aux mots que vous avez eus pour les soldats Vokaer et Le Quinio tombés à Bangui.
Je les avais rencontrés à Libreville, il y a peu et quelques jours avant à Castres, leurs camarades du 8e régiment parachutiste d'infanterie de marine. Ces deux soldats effectuaient une mission de désarmement, engagée depuis hier matin.
Il s'agit non d'une opération de police, mais d'une opération de guerre. Nous devons désarmer toutes les milices, Seleka et anti-balaka, en attendant que se constitue une armée digne de ce nom.
Chaos humanitaire et effondrement sécuritaire, les intervenants l'ont bien dit, justifient notre intervention. Nous intervenons par solidarité et par devoir, en raison du risque sécuritaire pour ne pas laisser s'installer dans la région une zone de non-droit, un creuset de violences, du type Boko Haram, qui menacerait les États africains comme l'Europe. Madame Demessine, notre mandat est clair : assurer un minimum de sécurité par le désarmement, afin d'acheminer une aide alimentaire qu'on ne peut actuellement apporter.
Vous le savez bien, puisqu'on assassine des gens aux portes des hôpitaux à Bangui. Deuxième objectif : soutenir la Misca, dont les effectifs, à la suite de la décision prise au Sommet de la paix et de la sécurité, seront portés à 6 000. Enfin, assurer la transition politique, qui devra intervenir avant 2015. Ce sont les chefs d'État africains réunis à l'Élysée, qui l'ont affirmé samedi dernier, en adoptant des objectifs plus exigeants que ceux définis par la feuille de route de Libreville, modifiée par celle de N'Djaména.
L'intervention sera forte et rapide. En revanche, cinq jours après son déclenchement, il serait irresponsable de vous donner la date précise de sa fin. L'échéance sera de six mois, peut-être un peu plus ou un peu moins, sachant que nos forces étaient déjà présentes à Bangui depuis le précédent coup d'État.
L'Union européenne ? La résolution de l'ONU s'adresse aux Africains, soutenus par la France. Cela n'empêche pas l'Europe de nous aider. La Grande-Bretagne et l'Allemagne nous apportent leur soutien logistique ; la Belgique s'interroge. Cette crise doit être l'occasion de réfléchir à la mobilisation de nos groupements tactiques ; normalement, ils avaient été constitués pour cela. La France interpellera ses amis européens. M. Rebsamen a proposé d'exonérer les dépenses d'opérations militaires du calcul du déficit budgétaire selon les critères européens : cette idée me convient bien mais je ne suis pas sûr qu'on y réussisse rapidement... Je signale que dans le cadre du projet de loi de finances rectificative il est prévu que le mécanisme Athéna soit utilisé pour faire jouer la solidarité européenne.
Je reviens sur la transition en République centrafricaine. Le président de la République et le Premier ministre ont renoncé à se présenter aux élections à venir. S'il leur reste un semblant d'autorité, qu'il soit utilisé pour appliquer le cantonnement et le désarmement. M. le président de la République, je n'en doute pas, leur tiendra ce discours ce soir.
Oui, madame Demessine, il faut avoir une perspective globale de développement. Une conférence de donateurs se réunira au début de l'année prochaine. Nous n'en sommes pas encore là : il faut commencer par rétablir l'ordre en faisant cesser violences et pillages.
Pour finir, une note d'optimisme. J'ai été frappé de voir la prise de conscience par les chefs d'État et de gouvernement africains de la nécessité de bâtir une sécurité collective en Afrique en constituant une force de réaction rapide, et d'assurer la sécurité du trafic maritime dans le golfe de Guinée. Ainsi, madame Ango Ela, la mort se lèvera peut-être moins tôt en Afrique, et aussi grâce au courage de nos soldats ! (Applaudissements)