Anciens combattants

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi visant à élargir les conditions d'attribution de la carte du combattant aux anciens combattants de l'armée française totalisant au moins quatre mois de présence en Algérie avant le 1er juillet 1964 ou en opérations extérieures.

Discussion générale

M. Marcel-Pierre Cléach, auteur de la proposition de loi.   - Je suis heureux que ce texte vienne en discussion dans le cadre de la niche parlementaire UMP. Cela marque l'importance que le Sénat accorde à la reconnaissance des sacrifices consentis par les générations du feu successives. Créée par la loi du 19 décembre 1926, la carte du combattant fut attribuée aux combattants de la Seconde Guerre mondiale, puis aux combattants d'Indochine et de Corée, puis à ceux d'Afrique du Nord. Elle a été élargie aux Opex en 1993.

Elle donne droit à la retraite du combattant, à partir de 65 ans, au bénéfice d'une demi-part supplémentaire sur l'impôt sur le revenu à partir de 75 ans, à l'attribution du Titre de reconnaissance de la Nation (TRN), à une rente mutualiste majorée par l'État, au port de la croix du combattant, à la possibilité de voir son cercueil recouvert du drapeau tricolore.

Chaque année, lors du débat budgétaire, ressurgit la question de l'équité de traitement entre toutes les générations du feu. Quoique le montant de la retraite du combattant soit modique, à 668,64 euros par an, en élargir l'attribution aurait un coût important pour l'État.

Cette proposition de loi élargit cependant les conditions d'attribution de cette carte aux anciens combattants ayant stationné en Algérie entre le 1er juillet 1962 et le 1er juillet 1964, ainsi qu'à tous les combattants engagés en Opex.

Pour les anciens combattants d'Algérie, la « carte à cheval » qui profiterait à quelque 8 000 personnes serait inscrite dans le budget 2014. C'est un pas important, monsieur le ministre. Reste un contentieux important pour la période 1962-1964, pour laquelle des titres de reconnaissance de la Nation sont accordés. Je propose d'attribuer la carte du combattant aux anciens d'Algérie présents au moins quatre mois en Algérie avant le 1er juillet 1964, date de départ des soldats français. Le cessez-le-feu du 2 juillet 1962 n'a pas, loin de là, mis fin aux violences. Plus de 500 soldats ont été tués durant ces deux années, lors d?opérations dites de maintien de la paix. Peut-on parler de fin de guerre, alors que des militaires tués en Algérie dans cette période ont été reconnus « morts pour la France » ? Il convient de prendre en compte l'ensemble de la période pour l'attribution de la carte du combattant.

La date du 2 juillet 1962 comme date de la fin de la guerre n'est qu'une réalité de papier. D'ailleurs, la même date est retenue pour les combattants du Maroc et de Tunisie, alors que ces deux pays étaient indépendants depuis 1956. Retenir la date du 1er juillet 1964, en balayant les arguties juridiques, c'est rétablir l'équité, la justice, la vérité historique.

Quant aux soldats ayant participé aux Opex, quelles qu'elles soient, il convient de les mettre sur un pied d'égalité avec ceux qui les ont précédés. Les conditions sont encore restrictives. Certains soldats ayant participé à huit Opex n'ont pu obtenir la carte du combattant. Quant aux soldats détachés, ils ne peuvent recevoir la carte qu'à titre individuel, en cas de citation pour blessure ou sur décision du ministre. C'est méconnaître le fonctionnement actuel de nos armées, où beaucoup de soldats sont détachés dans d'autres unités françaises ou étrangères. La qualification « d'unité combattante » n'est d'ailleurs pas attribuée de la même manière dans toutes les armes.

Je rends hommage à tous les militaires tués en Opex, dont 88 en Afghanistan, ce qui en fait le théâtre le plus meurtrier depuis la guerre d'Algérie. L'unification des conditions d'attribution de la carte rétablit l'égalité de traitement entre toutes les générations du feu.

Le coût financier sera étalé dans le temps puisque les militaires ayant participé aux Opex sont encore loin de l'âge de la retraite. Il devrait donc rester faible. En 2012, 54 000 cartes ont été attribuées, donnant lieu au versement de 30 000 retraites du combattant. Cette mesure n'aura donc guère d'impact immédiat sur nos finances publiques. Le solde devrait être favorable. La disparition des générations anciennes devrait permettre des économies. Il serait normal qu'elles aillent à la quatrième génération du feu.

Cinquante ans après la fin de la guerre d'Algérie, la France s'honorerait à traiter équitablement nos concitoyens qui ont combattu pour elle.

M. Charles Revet.  - Tout à fait !

M. Marcel-Pierre Cléach, auteur de la proposition de loi.  - Il serait incompréhensible à leurs yeux, qu'à l'heure où le Gouvernement dépense allègrement et supprime le jour de carence des fonctionnaires, on ne rende pas justice à tant de soldats qui se sont engagés pour défendre nos valeurs dans le monde. Il y va de notre mémoire.

M. Masseret avait déposé en 2008 une proposition de loi analogue pour le groupe socialiste. Avez-vous changé depuis l'élection de M. Hollande ? (Applaudissements au centre et à droite)

M. Marc Laménie, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - À l'aube d'un cycle commémoratif sans précédent, qui mettra à l'honneur la première génération du feu, cette proposition de loi nous rappelle que la reconnaissance de la Nation envers les lointains héritiers des Poilus n'est pas pleine et entière.

Après celle de la Seconde Guerre mondiale, la troisième génération du feu, celle de l'Afrique du Nord, concerne toutes les familles de France. Depuis lors, les Opex constituent la principale forme d'intervention de l'armée française à l'extérieur de notre territoire. Au Mali, au Liban, en Afghanistan, des milliers de soldats français sont déployés. Ils constituent la quatrième génération du feu.

La carte du combattant, créée en 1926 à l'initiative d'André Maginot et Paul Painlevé, est créatrice de droits pour ses titulaires. Le plus important d'entre eux est le versement de la retraite du combattant, instituée par Auguste Champetier de Ribes en 1930, alors qu'il occupait le portefeuille des pensions.

Elle donne droit aussi à une rente mutualiste majorée par l'État. Elle ouvre l'accès aux prestations d'aide sociale de l'Office national des anciens combattants (Onac), qui « veille sur les intérêts moraux et matériels des anciens combattants ». Le cercueil du titulaire de la carte peut être recouvert du drapeau tricolore. La demande d'attribution de la carte est instruite par l'Onac, après des recherches du Service historique de la Défense, avant la délivrance par la commission nationale.

Les critères ne sont plus adaptés. Les deux premiers conflits mondiaux ont connu des situations de combats classiques, avec des lignes de front clairement identifiées. Ce n'est plus le cas ensuite. C'est pourquoi il a fallu attendre 1974 pour que les soldats ayant participé aux opérations d'Afrique du Nord entre 1952 et 1962 puissent recevoir la carte du combattant. Ce n'est que par l'adoption de la loi du 18 octobre 1999 qu'a été reconnu aux opérations en Algérie le caractère de guerre. Auparavant, prévalaient des critères qui ont suscité bien des difficultés, des inégalités de traitement. Le Service historique de la Défense s'appuie sur les Journaux de marche et d'opérations, souvent lacunaires, voire manquants, qui correspondent rarement à ce que les soldats vécurent sur le terrain. La loi de finances pour 2004 avait retenu une durée de présence en Afrique du Nord de quatre mois, ce qui a marqué une simplification attendue et indispensable.

Au 1er juillet 1962, 305 000 hommes se trouvent encore en Algérie et ils sont encore 50 000 en janvier 1964, avant l'ultime retrait au 1er juillet 1964. Des troupes françaises restèrent encore après cette date, mais dans un cadre qui ne relève pas de la présente proposition de loi.

Le titre de reconnaissance de la nation n'ouvre pas les mêmes droits et ne revêt pas la même portée symbolique que la carte. L'article premier de la proposition de loi étend jusqu'au 2 juillet 1964 la période de calcul des 120 jours de présence rendant éligible à la carte du combattant. Si la « carte à cheval », destinée à ceux qui sont arrivés en Algérie avant le 2 juillet 1964, satisfait une partie des attentes légitimes du monde combattant, elle ne répond pas à toutes.

Pour les Opex, les critères retenus sont les mêmes, sauf les quatre mois de présence. Les conditions d'attribution de la carte étaient inadaptées à de nombreuses missions, très dangereuses, remplies dans le cadre de ces opérations. Le nombre de cartes de combattant attribuées à ce titre a fortement augmenté. Elles seront plus de 11 000 en 2013. Je salue l'action volontariste du Gouvernement, qui a qualifié d'unités combattantes toutes les unités de l'armée de terre engagées au Mali et en Afghanistan. Des inégalités de traitement entre Opex et entre les trois armées demeurent toutefois. Le problème est le même que celui qui existait pour la guerre d'Algérie avant 2004.

Tous les membres du groupe socialiste du Sénat avaient cosigné le 17 avril 2008 la proposition de notre ancien collègue Jean-Pierre Masseret...

M. Philippe Bas.  - Excellent !

M. Marc Laménie, rapporteur.  - ... identique à l'article premier du présent texte. Il faut poursuivre le mouvement engagé en faveur de celles et ceux qui ont participé aux Opex, génération du feu distincte des précédentes par sa sociologie et ses objectifs. Est-elle moins digne de la reconnaissance de la Nation ? Évidemment non. La construction du monument de la place Vauban doit être poursuivie.

Comme le disait André Morice à cette tribune en 1968, le seul point commun qui les rassemble, ce sont les souffrances qu'ils ont vécues. Il avait alors fallu attendre six ans de plus pour que la carte du combattant fût étendue aux soldats d'Algérie. Ne répétons pas les erreurs du passé !

En commission des affaires sociales, un long débat, passionné, passionnel s'est engagé. Chaque groupe politique a pu y faire valoir son point de vue. L'attachement au devoir de mémoire nous a réunis. Je rends hommage ici aux associations, aux porte-drapeaux. Les témoignages qui se sont exprimés ont souligné la diversité des points de vue, les divergences aussi, notamment sur l'article premier.

Les plaies de la guerre d'Algérie ne sont pas encore cicatrisées. En revanche, les mesures concernant les Opex ont recueilli un large assentiment. Je regrette qu'à l'issue de cet échange de vues la commission n'ait pas adopté cette proposition de loi. Notre discussion portera donc sur le texte originel de celle-ci. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants .  - Vous savez l'attachement que je porte comme vous tous à la reconnaissance, à l'accompagnement qui sont dus, au-delà des clivages partisans, à tous ceux qui ont combattu pour la France. François Hollande a fait des anciens combattants un ministère à part entière.

M. Robert Tropeano.  - Très bien.

M. Kader Arif, ministre délégué.  - Cette proposition de loi me donne à nouveau l'occasion de m'exprimer. Vous savez l'attention particulière que je porte à cette question. Ce texte concerne deux générations du feu. Toutes les générations s'inscrivent dans la continuité du même engagement pour la France.

Quel sens aurait la date du 2 juillet 1962 si l'on vous suivait ?

Mme Gisèle Printz.  - Eh oui !

M. Kader Arif, ministre délégué.  - Le titre de reconnaissance de la nation est attribué à tous ceux qui justifient de leur présence jusqu'en juillet 1964. Cela n'a rien de symbolique, puisqu'en découlent l'accès aux prestations sociales de l'Onac et le droit à la rente mutualiste.

Attribuer la carte du combattant sans distinction à tous les militaires présents en Algérie jusqu'en 1964 créerait une confusion généralisée ; il serait de bon ton d'être cohérent. Il est vrai que des militaires français trouvèrent la mort en Algérie après le 2 juillet 1962, en raison de l'insécurité qui y régnait, la plupart immédiatement après cette date. La « carte à cheval » sur le 2 juillet 1962, répond, en ce sens, à l'attente des anciens combattants, tout en conservant la référence à la date de l'indépendance. L'engagement que j'ai pris il y a un an a été tenu et 8 400 personnes sont concernées, à partir du 1er janvier 2014, pour un coût de 5,4 millions d'euros. Le coût de l'élargissement que vous proposez s'élèverait à quelque 34 millions d'euros. C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable au premier volet de ce texte.

Quant à l'extension à toutes les Opex du critère de quatre mois de présence pour l'attribution de la carte du combattant, elle procède d'une réflexion légitime. Le décret et l'arrêté de 2010 ont largement revu la définition de l'unité combattante, pour chacune des trois armes, avec des critères adaptés aux combattants contemporains. L'arrêté du 30 octobre dernier prend en compte les opérations Atalante de décembre 2008 à décembre 2013, de l'opération Trident au Kosovo entre janvier 2012 et décembre 2013, de l'opération Daman au Liban jusqu'en août 2014, de l'opération Harmattan, de l'opération Épervier au Tchad entre janvier 2010 et décembre 2013. Un article 34 intégré à la loi de programmation militaire simplifie encore les procédures.

Ces débats peuvent sembler techniques, mais il en résulte l'augmentation exponentielle du nombre de cartes de combattants au titre des Opex, plus de 13 000 en 2013. En 2014, nous atteindrons les 20 000 cartes attribuées, en y incluant les anciens d'Algérie. Derrière chacune de ces cartes se profile un combattant.

Et derrière chacune de ces cartes, il y a un soldat qui s'est engagé hier et qui est reconnu aujourd'hui, qui sera l'ancien combattant de demain et qui portera les valeurs du monde combattant comme le font déjà ses aînés. Ils sont la relève.

Ce n'est pas par hasard que les unités engagées en Afghanistan et au Rwanda ont été reconnues comme combattantes par l'arrêté du 20 septembre. Ce n'est pas par hasard qu'en 2011 et 2012, 90 % des 34 000 militaires projetés en Opex ont obtenu la carte du combattant. Ce n'est pas par hasard qu'un million d'euros a été dégagé pour financer les prothèses de dernière génération. Ce n'est pas par hasard si ce ministère a fait de la prise en charge du syndrome post-traumatique une priorité. Ce n'est pas par hasard que la construction du monument Opex à Paris a été dotée d'un budget, que nous avons commémoré l'attentat du Drakkar à Beyrouth.

Ce travail est pour nous une priorité. Il n'est donc pas vrai que les critères ne correspondent plus aux réalités de nos armées.

Les investigations peuvent être fastidieuses, elles n'en sont pas moins menées à bien.

L'application d'un critère uniforme de quatre mois est une piste sérieuse, que j'ai commencé à examiner ; il faudra cependant étudier son impact budgétaire. Pour l'heure, j'y suis défavorable, mais je m'engage à étudier la question d'ici le projet de loi de finances pour 2015. Je m'associe à l'hommage que vous avez rendu à nos soldats ; c'est pourquoi je souhaite que nous puissions y travailler ensemble, en toute transparence. (Applaudissements à gauche ; Mme Muguette Dini applaudit aussi)

Mme Leila Aïchi .  - La prochaine commémoration de la Grande Guerre donne une résonnance particulière à nos débats, puisque c'est à sa suite que fut créée la carte du combattant. Adaptée depuis, elle symbolise toujours la reconnaissance de la Nation envers ceux qui ont combattu pour elle.

Cette proposition de loi élargit l'attribution de la carte aux soldats demeurés en Algérie après juillet 1962, et à tous les combattants des Opex. Le premier point a fait débat au sein du groupe écologiste. Pourquoi cette discrimination entre les soldats ayant combattu en Algérie avant et après 1962 ? Il en était encore 50 000 en janvier 1964.

M. Charles Revet.  - C'est vrai.

Mme Leila Aïchi.  - Quant aux Opex, elles sont dangereuses et les soldats qui y combattent méritent notre entière reconnaissance. Le Gouvernement s'est récemment rallié au critère de 120 jours, nous nous en félicitons.

Écologiste et humaniste, je suis attachée à l'égalité. Nous devons tous rendre hommage à nos soldats de toutes les générations du feu. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs UMP)

C'est pourquoi je m'interroge sur l'inertie des gouvernements précédents, sous lesquels le traitement des dossiers a pris beaucoup de retard. (Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales le confirme)

L'article premier coûterait 39 millions d'euros. Doit-on arguer des contraintes budgétaires pour refuser à nos soldats la reconnaissance qui leur est due ? Sensible, cependant, aux impératifs financiers, nous souhaitons une réforme à budget constant. La carte à cheval est un premier pas mais il ne faut pas s'arrêter là.

Quid des soldats de la Finul, engagés sous mandat de l'ONU dans le 85e détachement de soutien logistique en 1982 et 1983 ? De ceux des anciennes colonies, longtemps honteusement discriminés ?

L'égalité de traitement entre tous les anciens combattants fait partie intégrante du devoir de mémoire. (Applaudissements sur quelques bancs UMP)

M. Jean Boyer .  - Je fais partie de ceux qui, à partir du 1er novembre 1954, ont traversé la Grande Bleue pour faire respecter la volonté de la France sur le sol algérien. Nous sommes partis sans hésitation ni murmures.

Attentats, embuscades, morts des deux côtés... Au fil des jours, l'insécurité grandissait, le sang coulait. La France avait engagé un combat dont il était difficile de voir la fin.

En 1958, le pays était enlisé dans ce drame - il fallait être visionnaire pour trouver une issue. L'Algérie devait choisir son destin, par l'autodétermination. Facile à dire aujourd'hui. Ce ne l'était pas, croyez-moi, à l'époque.

Le 13 mai 1958, près d'un poste radio RC9 , j'ai appris que la France avait fait appel à l'Homme du 18-juin. Charles de Gaulle a entamé l'oeuvre de pacification. Déjà, des milliers de soldats français et algériens avaient perdu la vie.

L'armée française a obéi, c'était son devoir.

Le drame de la mort n'a pas de date. C'est au printemps et à l'été 1962 que le nombre de morts a pris des proportions considérables.

Dans les avis de décès des journaux locaux combien de noms sous lesquels s'inscrivent les mots : « Ancien d'Algérie » ! Nous avons vu tant de paupières se fermer... Certains de nos soldats, cependant, heureusement, sont encore en vie.

Dans la vie, il y a les choix du coeur et les choix de la raison. Puisqu'il faut conclure, monsieur le ministre, je vous dirai qu'une grande partie du groupe UDI, après le débat de ce matin, où j'étais le seul à être allé là-bas, s'abstiendra, certains voterons pour.

J'ai vu la mort, j'ai vu le sang couler, j'ai tenu dans mes bras un caporal mourant, qui appelait sa fiancée Huguette et sa mère Marie. Ne brisons pas notre unité. Ne remettons pas en cause la fraternité de nos soldats, pour des raisons comptables. Je suis pour l'unité dans la fraternité. (Applaudissements au centre et à droite)

présidence de M. Didier Guillaume,vice-président

Mme Cécile Cukierman .  - La transformation du 11 novembre en journée dédiée au souvenir de tous les anciens combattants a été contestée. Nous y avions vu un risque de confusion, d'aseptisation de l'histoire qui risque d'interdire de comprendre le passé et d'envisager lucidement l'avenir.

Cette proposition de loi n'est pas sans lien avec ce débat. Elle répond aux attentes exprimées depuis des années par les anciens combattants. Toutefois, elle pose des problèmes de principe et de mise en oeuvre. Elle est d'ailleurs largement satisfaite. La « carte à cheval » pourra être attribuée aux soldats demeurés en Algérie après 1962 : c'était une promesse de longue date (M. Roland Courteau renchérit), nous nous félicitons qu'elle soit honorée.

Veillons cependant à ne pas récrire l'Histoire. En Algérie, le cessez-le-feu date du 19 mars 1962, et le Sénat a voté une proposition de loi reconnaissant cette date.

M. Roland Courteau.  - Eh oui.

Mme Cécile Cukierman.  - Il n'y eut pas ensuite d'opérations militaires, mais des représailles contre les harkis, ou le massacre des Français à Oran, mentionné dans l'exposé des motifs, qui reprend, consciemment ou pas, le reproche fait à l'armée française de ne pas s'être interposée.

J'en viens aux Opex. Les soldats de la Finul relevaient directement de l'ONU. Faudrait-il revoir rétrospectivement le statut de toutes nos interventions armées à l'étranger ? Le Gouvernement semble disposé à traiter équitablement cette question.

Nous ne voterons donc pas cette proposition de loi, non pour des raisons budgétaires, mais par principe, à cause de la vision de l'histoire qui la sous-tend. (Applaudissements sur les bancs CRC ; M. Alain Néri et Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales, applaudissent aussi)

Mme Gisèle Printz.  - Au lendemain du 11 novembre, toutes nos pensées vont encore à nos anciens combattants, grâce à qui notre République est restée ce qu'elle est.

Évitons les oppositions factices à l'heure où nos soldats sont encore engagés à l'étranger. Nous partageons tous l'objectif d'exprimer la reconnaissance de la Nation à ceux qui ont combattu pour elle.

Pour les soldats d'Afrique du Nord, le critère de participation au feu a été remplacé par celui de présence en zone de combat, pour tenir compte des spécificités de la guérilla. Les soldats présents après juillet 1962 bénéficient du TRN. Ce n'est pas parce que leur tâche restait dangereuse qu'elle était identique.

Cette proposition de loi mettrait à bas le code des pensions. Elle dévaluerait l'expression de la reconnaissance de la Nation. En outre, elle nierait l'indépendance de l'Algérie dès 1962.

Le seul élargissement envisageable c'est la « carte à cheval », prévue par le projet de loi de finances pour 2014.

Quant aux Opex, cette proposition de loi prévoit ce qui n'est rien d'autre qu'une régression, en portant de trois à quatre mois la durée de présence. Elle affaiblit le lien entre la carte du combattant et les motifs qui ont conduit à sa création.

Nous ne voterons donc pas cette proposition de loi, mais attendrons vos propositions, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Robert Tropeano .  - Aux termes du code des pensions militaires, la République s'incline devant ceux qui ont combattu pour son salut et devant leur famille. C'est le fondement même de la carte du combattant.

Le législateur a progressivement reconnu quatre générations du feu. La première fut celle des tranchées, de Verdun et du Chemin des Dames ; ils ont tous disparu, mais nous leur devons une mémoire éternelle. La « Der des Der » ne fut, hélas, pas la dernière. L'attribution de la carte du combattant fut ensuite élargie aux combattants de la Deuxième Guerre mondiale.

Le processus fut plus long pour les soldats d'Algérie. Il fallut attendre 1999 pour que l'on reconnût dans les « événements d'Algérie » une guerre. Les combats, les massacres de la Toussaint rouge et d'Oran, la tragédie des Harkis et le retour des rapatriés ont donné à ce conflit une dimension passionnelle. En 1974, enfin, la carte du combattant fut étendue aux soldats d'Algérie. Depuis 2004, quatre mois de présence en Algérie suffisent. Faut-il aller plus loin ? Une proposition de loi socialiste poursuivait naguère les mêmes objectifs que le présent texte.

M. Charles Revet.  - Il est bien de le rappeler.

M. Robert Tropeano.  - Attention à ne pas affaiblir la signification de la carte du combattant. La « carte à cheval » était nécessaire, et nous remercions le ministre d'en avoir pris l'initiative. En revanche, la guerre d'Algérie, cette « guerre sans nom » selon un célèbre cinéaste, ne doit pas devenir une guerre sans fin. Nous ne voterons pas cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche)

M. Raymond Couderc .  - La même proposition de loi a été rejetée par l'Assemblée nationale en février dernier. Il existe cependant une disparité de traitement entre nos anciens combattants. La carte du combattant donne droit à divers avantages très importants, que M. le rapporteur a rappelés.

À l'origine, la condition était d'avoir appartenu à une unité reconnue combattante au moins 90 jours. Les critères furent ensuite adaptés à l'évolution des conflits. Ces critères très limitatifs excluent de nombreux militaires. C'est méconnaître le climat d'insécurité qui régnait en Algérie entre 1962 et 1964. C'est méconnaître aussi l'engagement des soldats de la Finul.

Puisque l'égalité est si chère au président de la République, pourquoi maintenir ces critères inadaptés ? L'abandon des anciens combattants, c'est maintenant ! (Vives protestations à gauche)

M. Alain Néri.  - Tout ce qui est excessif est insignifiant !

M. Raymond Couderc.  - Je m'indigne, monsieur le ministre, de la diminution du complément de retraite mutualiste des anciens combattants décidée par votre Gouvernement. Pour la première fois depuis 1923, l'aide de l'État à ses anciens combattants diminue. Comme l'a dit à l'Assemblée nationale Marc Laffineur : c'est une infraction au devoir de mémoire. (Applaudissements)

M. Alain Néri.  - Qu'a-t-il fait pour eux ? On ne s'en souvient pas !

Mme Colette Giudicelli .  - Les accords d'Évian prévoyaient le départ des soldats français avant 24 mois. Ils étaient toujours 50 000 en janvier 1964. Plus de 500 morts sont à recenser entre 1962 et 1964 - dont 150 en 1963 et 1964. Ils ne sont donc pas tous morts immédiatement après le cessez-le-feu. Le cessez-le-feu de 1962 n'en fut pas un. Vous n'ignorez pas les violences qu'ont subies les harkis et tous ceux qui portaient l'uniforme français.

La « carte à cheval » ne nous satisfait pas : elle ne correspond pas aux réalités historiques, et elle créera une nouvelle inégalité. Si l'on reconnaît que les armes ne se sont pas tues après Évian, alors la République doit faire cet effort.

Quant aux Opex, elles méritent aussi d'être prises en compte. Les journaux de marche leur sont inadaptés. Pourquoi ne pas simplifier les choses, en autorisant l'attribution de la carte du combattant à tous ceux qui ont combattu quatre mois dans une zone définie par décret ? Je suis favorable à un critère de quatre mois pour tout le monde.

Le Gouvernement a diminué de 20 % la majoration de rente mutualiste. C'est inacceptable. La Nation doit exprimer sa reconnaissance à ceux qui ont risqué leur vie pour nous tous. (Applaudissements à droite)

M. Alain Néri .  - Nous abordons une période de commémoration des Première et Seconde Guerres mondiales. Chacun reconnaît, avec Clemenceau, que les anciens combattants ont des droits sur nous. Pour la troisième génération du feu, il fallut longtemps aux gouvernements et au Parlement pour lui attribuer la carte du combattant.

Il a fallu attendre 37 ans après le cessez-le-feu pour qu'une proposition de loi du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, dont j'étais le signataire, fasse reconnaitre en 1999 qu'en Algérie, il ne s'agissait pas de « pacification », de « maintien de l'ordre », d'« événements », mais bien de guerre !

Mme Catherine Procaccia.  - C'est du recyclé !

M. Bruno Retailleau.  - Et Mitterrand ?

M. Alain Néri.  - C'est le gouvernement Jospin qui se chargea de sa mise en oeuvre. Les critères furent modifiés. Jusque-là, c'étaient ceux de la Deuxième Guerre mondiale - ce qui n'était pas sans poser problème pour le front italien. En Algérie, les unités combattantes d'appelés, n'étaient pas reconnues comme telles, contrairement aux unités de gendarmerie.

C'est pourquoi les parlementaires socialistes ont fait évoluer les critères. Ce furent dix-huit mois au départ et progressivement les quatre mois sont devenus la règle. Quatre mois à cheval, avant et après le 2 juillet 1962, vous l'aviez promis, monsieur le ministre, et vous le faites : merci. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Faut-il aller plus loin ? C'est oublier l'histoire de France ! Il y eut le 19 mars 1962 un cessez-le-feu en Algérie. Ce cessez-le-feu a été conforté par le vote des Français le 8 avril 1962 par un référendum reconnaissant l'autodétermination et l'indépendance du peuple algérien. (Mme Colette Guidicelli s'exclame) Le général de Gaulle a proclamé l'indépendance de l'Algérie le 5 juillet 1962.

Monsieur Cléach, votre proposition de loi part d'un bon sentiment mais rompt totalement avec l'histoire. (M. Alain Gournac proteste) La loi le dit : la guerre d'Algérie a pris fin le 2 juillet 1962. Monsieur Cléach, faudra-t-il rétroactivement déclarer la guerre à l'Algérie entre 1962 et 1964 ? (Mme Cécile Cukierman s'amuse)

Plusieurs voix à droite.  - Cela vous fait rire ?

M. Alain Néri.  - Notre diplomatie aurait sans doute quelques difficultés avec l'Algérie et à l'ONU ! Monsieur Cléach, nous ne pouvons accepter pas votre proposition de loi. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs CRC, socialistes ; Mme Muguette Dini applaudit aussi)

M. Charles Revet .  - Merci à M. Cléach d'avoir déposé cette proposition de loi que j'ai cosignée. Je faisais moi aussi partie de ceux qui ont passé près de deux ans en Algérie. Nous sommes tous d'accord pour renforcer la coopération avec l'Algérie. Mais peut-on oublier tous ceux qui ont servi, ont été blessés, sont morts dans ce pays entre 1962 et 1964, en remplissant la mission à eux confiée par le gouvernement de l'époque ? Ce ne serait que justice de leur accorder la même reconnaissance qu'à leurs camarades présents en Algérie avant 1962.

Nos soldats sont au Mali, au Liban, en Afghanistan, ailleurs demain ; il serait juste et équitable qu'ils bénéficient aussi de la carte du combattant. Le Gouvernement, dit-on, veut amputer votre budget ; le confirmez-vous, monsieur le ministre ? C'est la reconnaissance de la France envers ceux qui ont servi la patrie qui est en jeu.

En adoptant cette proposition de loi, nous devrions marquer la volonté du Parlement et du Gouvernement de traiter sur un pied d'égalité tous les jeunes qui ont accompli les missions confiées par les gouvernements successifs.

Où que nous soyons, sur ces bancs, nous rencontrons des anciens combattants. Que dirons-nous à celui qui a été incorporé après le 2 juillet 1962 ? Quel statut pour ceux qui sont restés jusqu'en 1964 ? Que leur répondre ?

M. Michel Vergoz.  - Évian !

M. Charles Revet.  - Vous croyez ? « Tu as été blessé, tu as servi la France et... rien ». Il serait normal à l'égard du monde combattant, d'adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs UMP ; M. Marc Laménie, rapporteur, applaudit aussi)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président.  - La commission n'ayant pas élaboré de texte, nous examinons le texte de la proposition de loi.

ARTICLE PREMIER

Mme Muguette Dini .  - Monsieur Cléach, votre texte me trouble, car il mélange plusieurs choses.

Monsieur le ministre, vous avez pris en compte la demande ancienne des anciens combattants sur la « carte à cheval ». J'étais présente en Algérie de 1961 à 1965 pour y accompagner mon mari, qui a été libéré en novembre 1963. Je sais qu'il y eut encore des morts, oui ; mais quand je suis revenue en Algérie en septembre 1962, après l'été, le pays était totalement pacifié. J'ai passé ces années dans un pays indépendant, où nous circulions et vivions normalement. Nos soldats n'étaient pas sur le pied de guerre. Leur donner la carte du combattant, c'est presque faire injure à ceux qui ont réellement fait la guerre d'Algérie.

Mme Catherine Procaccia.  - C'était le Club Med !

Mme Muguette Dini.  - Les parents qui ont vu leur fils partir début juillet 1963 ne partageaient pas l'angoisse de ceux dont les fils partaient au combat avant juillet 1962. Vraiment, je ne trouve pas cela juste. Le texte portant aussi sur les Opex, la majorité de mon groupe s'abstiendra. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du RDSE)

M. Alain Néri .  - Le groupe socialiste votera contre cet article premier, nous avons expliqué pourquoi. Pour les dispositions concernant les Opex, nous faisons confiance au ministre. Le nombre de cartes est en forte augmentation. La proposition du ministre se justifie : prenons le temps de réfléchir, avec les anciens combattants, à des critères justes, acceptés par tous. Ne nous précipitons pas. Quid de ceux qui ont 90 jours de présence ? Le ministre a tenu ses engagements à propos de la carte à cheval dans le budget 2014 ; nous avons toutes raisons de lui faire confiance. Rendez-vous au budget 2015.

Mme Leila Aïchi .  - Le groupe écologiste est partagé sur cet article premier. Le principe d'égalité sous-tend notre système juridique, égalité de traitement, égalité de reconnaissance. J'y suis personnellement attachée et voterai pour cet article. Trois autres membres de notre groupe s'abstiendront, les autres voteront contre au prétexte de l'argument historique. (Mme Cécile Cukierman s'exclame) L'ensemble du groupe, à une exception, votera les deux articles suivants.

M. Claude Domeizel .  - Je comprends les motivations de cet article. Mais la guerre s'est terminée le 2 juillet 1962.

M. Charles Revet.  - Dites-le aux 305 000 qui sont restés !

M. Claude Domeizel.  - Il a fallu attendre longtemps pour que cette guerre soit reconnue comme telle.

Je préside le groupe d'amitié France-Algérie. Comment dire à nos amis Algériens que les soldats restés sur place jusqu'en 1964 sont considérés comme combattants ? Étions-nous encore en guerre ? Je ne voterai pas cette proposition de loi.

Mme Cécile Cukierman .  - Notre groupe votera contre l'article premier. L'histoire n'est pas un prétexte. Tenons-nous en aux dates et aux faits. Des jeunes hommes ont été appelés pour faire la guerre ; d'autres, pour d'autres missions, lorsque nous n'étions plus en guerre. De part et d'autre de la Méditerranée, chacun s'est reconstruit. Gardons-nous d'une conception de l'égalité qui pourrait être perçue comme violente et marquant une volonté de récrire l'histoire. La reconnaissance de la « carte à cheval » était nécessaire ; cela a été fait. Nous ne voterons pas l'article.

Mme Colette Giudicelli .  - Il y a beaucoup de harkis en France, des Français comme vous et moi...

M. Charles Revet.  - Pensons à eux !

Mme Colette Giudicelli.  - Ils sont partis pour sauver leur vie. On n'en parle pas. Monsieur Domeizel, vous avez dit en commission qu'en tant que président du groupe d'amitié France-Algérie, vous ne pouviez pas voter un tel texte, que vous deviez consulter vos amis algériens. Depuis quand nos votes sont-ils déterminés par un État étranger ?

M. Claude Domeizel.  - Je n'ai demandé l'avis de personne !

Mme Colette Giudicelli.  - Des millions de harkis ont été massacrés entre 1962 et 1964, ne les oublions pas. (Protestations socialistes ; applaudissements à droite)

M. Kader Arif, ministre délégué.  - Je pourrais vous en parler à travers ma propre histoire... Évitons de jouer sur la corde sensible, ne faisons pas de cette communauté l'otage de partis politiques à l'approche des municipales. (Applaudissements sur les bancs socialistes) Je travaille avec les associations de harkis pour faire en sorte que personne ne soit oublié. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Bruno Retailleau .  - Je remercie M. Cléach et le rapporteur et rends hommage à tous les anciens combattants qui sont parmi nous. Ma génération n'a pas connu le feu, à la différence de mes grands-parents et de mon père. J'aborde ce texte avec cette idée simple : envoyons un signe à ceux qui nous ont permis de vivre libres et en paix. C'est une exigence d'équité, que le hasard du calendrier ne saurait faire oublier. Peut-être y a-t-il eu l'indépendance, mais il y eut 534 morts après. Le risque militaire était donc bien présent.

M. Charles Revet.  - Bien sûr !

M. Bruno Retailleau.  - Équité aussi à l'égard de ceux qui bénéficient de la carte du combattant après avoir servi au Maroc, en Tunisie, plusieurs années après l'indépendance de ces pays. Nous n'allons pas la leur retirer.

C'est aussi une exigence de reconnaissance. Victor Hugo disait : « les morts sont des invisibles, ils ne doivent pas être absents ». Nous devons aussi cette reconnaissance aux vivants. Leur sacrifice fait écho à la très belle phrase de Lazare Ponticelli, dernier survivant de la guerre de 1914-1918, Français de sang mêlé d'une famille italienne, et qui répondait à qui l'interrogeait : « J'ai voulu rendre à la France ce qu'elle m'avait donné. » Le moment est venu que la France rende à ceux qui lui ont tout donné la reconnaissance qui leur est due. Je salue Alain Néri, Jean Boyer et tous les autres : vos plus belles années ont été consacrées au service de la Nation, vous avez pris des risques immenses, cela mérite reconnaissance. (Applaudissements à droite)

M. Kader Arif, ministre délégué.  - Sans vouloir polémiquer, les anciens combattants d'Afrique du Nord attendaient depuis 50 ans la « carte à cheval » Le premier gouvernement à la leur proposer est celui dont je fais partie... (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Charles Revet.  - Ce n'est pas polémique...

M. Kader Arif, ministre délégué.  - Quant au budget, il a baissé de 5,4 % entre 2011 et 2012 ; il ne baisse que de 1,1 % cette année, pour une population en diminution de plus de 5 %. J'entends parler de reconnaissance... Mais quand je suis arrivé, rien n'était prévu pour les 70 ans de la Libération, pas un euro. Le rôle des soldats des anciennes colonies lors de la campagne d'Italie et du débarquement de Provence n'était pas reconnu. C'est chose faite. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Alain Houpert .  - Il n'y a pas deux façons de mourir pour la France, de combattre, de se sacrifier pour la patrie. La date inscrite dans un calendrier n'y fait rien. Je pense à mon père, à ceux de sa génération qui ont traversé la Méditerranée la trouille au ventre. Ils ont trouvé une situation de risque de guerre. La loi est perfectible, soyons généreux, votons cet article premier, pour qu'il n'y ait pas de rupture d'égalité. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Kader Arif, ministre délégué.  - Vous avez raison de penser à votre père. Le mien aussi s'était engagé pour la France. Si je suis contre la date de 1964, au-delà des douleurs de nos histoires personnelles, c'est aussi pour construire la réconciliation entre les rives de la Méditerranée. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Jacques Mirassou .  - Il n'y a jamais de bonne guerre mais toujours la reconnaissance de la nation à ceux qui y ont laissé la vie. Ce sont des gouvernements de gauche qui ont balisé l'histoire. C'est sous le gouvernement Jospin que la guerre d'Algérie a été nommée telle, c'est sous celui de Jean-Marc Ayrault qu'une date historique irréfutable de cessez-le-feu a été officialisée. Les mêmes réticences qui vous animaient contre ce projet de loi vous conduisent à chercher à reconstruire l'histoire, au risque de susciter des crispations et des inimitiés, même si ce que vous exprimez est recevable et nous touche aussi. Les propositions du ministre sur la « carte à cheval » et les Opex sont satisfaisantes et de nature à apaiser. Le vote de cet article premier créerait une ambiguïté, au risque de faire renaître des foyers qu'on croyait définitivement éteints. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Charles Revet.  - Et on fait l'impasse sur plus de 500 morts...

À la demande des groupes socialiste et UMP, l'article premier est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin n° 62 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 312
Pour l'adoption 141
Contre 171

Le Sénat n'a pas adopté.

ARTICLE 2

M. Marc Laménie, rapporteur.  - À l'issue d'un débat de qualité sur l'article premier, nourri de témoignages poignants, un sujet très sensible, je tiens à exprimer mon respect du vote qui vient d'intervenir. J'en prends acte, même si je le regrette.

L'article 2 facilite l'attribution de la carte du combattant aux militaires, dont les gendarmes, qui ont servi en Opex ; il a reçu un large assentiment en commission des affaires sociales, au-delà du groupe politique de l'auteur de la proposition de loi. Certains collègues se sont abstenus en commission. Je vous invite à l'adopter, sur le fondement de l'équité envers les générations du feu. Cet article doit faire consensus, à la différence de la guerre d'Algérie. Exprimons notre reconnaissance à ceux qui ont servi en Opex.

M. Jean Boyer .  - Je me réjouis que le débat évolue. Il n'y aura ni vainqueurs ni vaincus à l'issue de notre vote. Tous ceux qui ont fait la guerre d'Algérie vivent la dernière partie de leur vie. Ils souhaitent la paix. Leur combat ne doit pas être une source de nouveaux conflits. Cinquante ans après, ne greffons pas de nouvelles polémiques sur ce débat. Merci monsieur le rapporteur pour votre message de reconnaissance et de paix.

M. Kader Arif, ministre délégué.  - La question des Opex est juste, légitime. Elle est prise en compte par notre travail. Nous sommes passés de l'attribution de 3 800 cartes à près de 13 000 en moins de deux ans. Sur la base d'un débat serein sur les critères, nous pouvons aboutir lors de l'examen du budget triennal 2015. Telle est ma proposition - je me félicite d'ailleurs des assouplissements intervenus depuis 2010. La question des soldats engagés dans la Finul est liée au passage à 120 jours. Je ne suis pas allé à Beyrouth sans l'évoquer avec les soldats engagés à ce moment-là. Le vote de l'article 2 n'aurait pas de sens, contrairement à un engagement collectif de l'ensemble des groupes.

M. Alain Néri .  - Je souscris à vos propos, monsieur le ministre. Nul ne conteste votre volonté de régler les problèmes. Vous avez tenu vos engagements sur la « carte à cheval ». Vous vous engagez à prendre en compte les Opex dans le budget 2015. Il n'y a pas urgence. La plupart des combattants concernés sont jeunes. Il n'y aurait rien de pire que de confondre vitesse et précipitation. La proposition du ministre est sage et responsable. Rendez-vous au budget 2015. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

À la demande des groupes socialiste et UMP, l'article 2 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin n°63 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 314
Pour l'adoption 151
Contre 163

Le Sénat n'a pas adopté.

ARTICLE 3

M. le président.  - Cet article prévoit un gage. Il ne devrait logiquement pas être adopté. S'il est supprimé, il n'y aura donc pas de vote sur l'ensemble, ni d'explication de vote.

M. Marcel-Pierre Cléach, auteur de la proposition de loi.  - Je ne pensais pas déclencher un tel tir de barrage du groupe socialiste... Ma proposition de loi est similaire à celle qu'il avait déposée en avril 2008. J'en reste sans voix. Comment avez-vous pu changer à ce point ?

M. René Garrec.  - C'est l'âge ! (Sourires)

M. Marcel-Pierre Cléach, auteur de la proposition de loi.  - Nous sommes en face d'une situation de fait, fondée sur le risque, ce qui relativise les arguments juridiques fondés sur l'état de guerre, d'autant qu'il n'y a pas de contestation sur le nombre de morts après le 19 mars. Je suis rentré d'Algérie en 1961. J'ai continué à lire la presse ensuite, à être en contact avec les associations qui se formaient alors. Il y eut de l'insécurité, sans parler du carnage qui a frappé les harkis. C'est la première fois que j'entends dire que la situation était calme...

M. Charles Revet.  - Cinq cents morts !

M. Marcel-Pierre Cléach, auteur de la proposition de loi.  - La gauche pourra continuer à dire qu'elle seule fait adopter des lois mémorielles, puisqu'elle rejette les nôtres ! (Protestations à gauche)

Merci à M. le ministre pour sa modération. Ne pouvant avancer que les motifs de votre refus sont financiers, vous vous abritez derrière des arguties. Je regrette que l'égalité entre les anciens combattants n'ait pas prévalu. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Isabelle Debré .  - Merci à M. Cléach et à M. le rapporteur. Cette proposition de loi repose sur le principe d'égalité, ici entre les quatre générations du feu, entre tous les soldats qui se sont sacrifiés pour la Nation et continuent à le faire. Si l'égalité, c'est maintenant, pourquoi la repousser ? Des parlementaires de tout bord ont fait des propositions similaires. Parmi les générations du feu, les inégalités subsistent.

Il est impératif de revoir les critères d'attribution de la carte du combattant. Je pense aux soldats blessés qui séjournent pendant des mois à l'hôpital Percy, à leur famille. Quoi de plus républicain que de leur exprimer notre reconnaissance ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Alain Néri .  - Chacun a pu exprimer ses convictions. Je les respecte toutes, si elles sont sincères, ce dont je en doute pas. Des décisions ont déjà été prises et nous avons d'autant plus confiance en M. le ministre, qu'il a tenu ses engagements passés.

L'opposition reconnaît donc que l'adaptation des critères à partir de 1997 sous le gouvernement Jospin était légitime. Rendez aux socialistes ce qui leur revient, à défaut de rendre à César.

S'agissant des soldats des Opex, au-delà de la question de la carte du combattant, ils méritent tout notre soutien. Le Gouvernement agit en ce sens.

M. Joël Guerriau .  - Né pendant la guerre d?Algérie, j'ai eu la chance que ce soit sur le territoire métropolitain, loin des effets de cette guerre et de ses 25 000 morts sur les 80 000 militaires français engagés jusqu'en 1964. Je tiens qu'il faut leur rendre hommage, c'est pourquoi je soutenais cette proposition de loi humaniste, dont je regrette le rejet. (Applaudissements à droite)

Mme Catherine Deroche .  - Ne nous perdons pas en recherches en paternité, monsieur Neri. Tous les gouvernements successifs ont eu à souci de faire ce qu'ils pouvaient pour nos anciens combattants. (Applaudissements sur les mêmes bancs)

M. Marc Laménie, rapporteur.  - Ce débat passionné fut passionnant. Merci à tous ici, et aux associations patriotiques que nous avons auditionnées, qui oeuvrent pour le devoir de mémoire. La tâche est immense et collective. Elle doit nous animer tous, comme elle anime les bénévoles de ces associations, auxquels je rends hommage.

Merci, monsieur le ministre, pour vos engagements. Je veux, moi aussi, vous faire confiance. (Applaudissements sur les mêmes bancs)

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales .  - Je suis très honorée de présider cette commission des affaires sociales, toujours saisie des questions concernant les anciens combattants. Il n'y a pas d'un côté les défenseurs de l'égalité, de l'autre ses fossoyeurs.

Merci à M. le rapporteur et à nos services. Merci à vous, monsieur le ministre, d'avoir honoré votre promesse sur la « carte à cheval », et d'avoir lancé une réflexion sur la reconnaissance des Opex, qui intéresse beaucoup de monde, au-delà même des anciens combattants.

Confiants, nous resterons vigilants.

M. Kader Arif, ministre délégué.  - Voilà plusieurs fois que nous débattons ici du devoir de mémoire. Chacun a ici sa propre histoire et réagit parfois avec émotion, par rapport à elle. Imitons la sagesse des associations d'anciens combattants, qui assument leurs débats, pour mieux pacifier les esprits. Merci à tous. (Applaudissements)

À la demande des groupes socialiste et UMP, l'article 3 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin n° 64 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 314
Pour l'adoption 151
Contre 163

Le Sénat n'a pas adopté.

Ses articles ayant tous été rejetés, la proposition de loi n'est pas adoptée.

Rappel au Règlement

Mme Isabelle Debré .  - Pourquoi nous avoir fait voter sur l'article 3, qui prévoyait un gage pour les articles premier et 2 ? Il n'avait plus lieu d'être dès lors que ces derniers étaient supprimés.

M. le président.  - En vertu du Règlement du Sénat, un article ne tombe jamais, à la différence d'un amendement.

M. Charles Revet.  - Que se serait-il passé si nous l'avions adopté ?

Mme Isabelle Debré.  - C'est absurde. Faisons évoluer le Règlement !

M. le président.  - Je vous donne acte de ce rappel au Règlement.