Ligne ferroviaire Lyon-Turin (Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République italienne pour la réalisation et l'exploitation d'une nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin.
Discussion générale
M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes . - C'est un beau rendez-vous que la ratification de cet accord du 30 janvier 2012 entre les Gouvernements français et italien, pour la réalisation de la ligne ferroviaire Lyon-Turin qui a une résonance particulière sur les territoires dont le Sénat est le représentant. En ratifiant cet accord, la Haute assemblée participe à la réalisation d'un projet européen d'envergure, reliant des pôles économiques stratégiques et améliorant la mobilité des citoyens européens.
Au-delà de son impact local, qui est important, ce projet pose la question de la place de notre pays au coeur des réseaux européens. L'Italie, la Suisse et l'Autriche investissent dans le renforcement des échanges entre le nord et le sud de l'Europe avec les mises en service des tunnels de Lötschberg et du Brenner. La ligne Lyon-Turin ne relie pas que la France et l'Italie, elle replace la France au centre de gravité des réseaux transeuropéens en abolissant la frontière naturelle que sont les Alpes.
La ratification de cet accord marque une étape pour l'avenir de notre pays au sein du projet européen, alors que le président de la République réoriente depuis dix-huit mois l'action européenne de la France pour construire une France forte qui entretienne de solides relations avec ses proches partenaires.
Il fallait donner une impulsion dans le sens d'une politique orientée vers la croissance et l'emploi, avec l'Allemagne mais aussi avec l'Italie qui est redevenue un de nos partenaires privilégiés depuis l'arrivée d'Enrico Letta. Avec ce partenariat, nous défendons mieux nos intérêts communs en Europe ; la France et l'Italie se sont retrouvées, après une période mouvementée. Nous ne devons pas perdre de vue notre histoire commune. Ce rapprochement s'explique par de nombreuses convergences. L'Italie est notre deuxième client et troisième fournisseur. C'est dans ce contexte que se tiendra notre prochain sommet bilatéral à Rome, après demain.
L'Assemblée italienne a ratifié l'accord. Son Sénat doit le faire. Nous devons lui prouver que nous croyons en notre avenir commun. Nous avons déjà publié au Journal officiel du mois d'août la déclaration d'utilité publique relative au traité de cette future infrastructure ferroviaire.
Nous partageons la même vision ambitieuse de l'Europe. La ratification de cet accord traduira notre engagement pour la croissance durable et l'emploi.
Ce projet marquera le basculement du trafic transalpin de la route vers le fret. L'intérêt économique est indéniable. Les régions de Rhône-Alpes et de la Lombardie bénéficieront de l'effacement de la frontière alpine. Plus de la moitié des emplois induits seront créés en France. La liaison Paris-Milan se fera en moins de quatre heures, contre sept heures actuellement. La création de ce corridor bénéficiera à la compétitivité de notre économie. La France et les États de l'arc alpin se sont engagés dans une politique volontariste de report modal, qui augmentera la part du transport ferroviaire.
Il faut en finir avec le mur de camions qui traversent les Alpes.
MM. Jacques Chiron, Jean-Claude Carle et Mme Michèle André. - Très bien !
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - La multimodalité, c'est l'avenir de notre économie et de notre planète. Investir les espaces transfrontaliers, c'est investir pour l'avenir. De François Mitterrand à François Hollande, en passant par Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, tous les présidents de la Républiques ont soutenu ce projet.
Cet accord poursuit notre investissement dans les espaces transfrontaliers, en offrant à la France comme à l'Europe de nouvelles perspectives.
À Grenoble, il y a un mois, j'ai réuni les représentants de sept pays pour créer un espace alpin transfrontalier. La ratification de cet accord ajoute à cette dynamique naissante. Elle créera un arc qui rapprochera plus de 300 millions de citoyens européens d'est en ouest, de la péninsule ibérique à la Slovénie et à l'est de l'Europe.
Nous nous sommes battus pour que l'Europe relance ses investissements d'avenir. Dans le cadre pluriannuel 2014-2020, qui doit être approuvé demain par le Parlement européen, 15 milliards d'euros seront mis à la disposition de nouvelles infrastructures. La ligne Lyon-Turin, comme le canal Seine-Nord, est éligible aux subventions européennes à hauteur de 40 % -le commissaire Kallas l'a confirmé à M. Cuvillier le 17 octobre dernier. Restent 35 % à la charge de l'Italie et seulement 25 % à la charge de la France.
La ratification de cet accord, à l'heure où montent l'euroscepticisme et les doutes sur notre capacité à agir, constitue une réponse car, comme l'a dit le président de la République, la réponse à la morosité ambiante passe par les actes. Ce projet, par lequel les Français seront demain fiers d'être des Européens, en est un. Le Gouvernement vous demande de bien vouloir ratifier cet accord franco-Italien. (Applaudissements sur tous les bancs sauf sur les bancs écologistes)
M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur de la commission des affaires étrangères . - Cet accord ambitieux marque une étape décisive pour un projet majeur mis à l'étude depuis quinze ans par les gouvernements français et italien. Une large partie de cet itinéraire sera vouée au ferroutage, alors que le trafic transalpin est à 85 % routier.
La ligne ferroviaire du Mont-Cenis est inadaptée à ce trafic. On ne peut passer sous silence les nuisances provoquées par le trafic des 2,7 millions de poids lourds qui ont franchi, en 2011, les passages franco-italiens. Il est urgent de désengorger les Alpes ; la pollution des vallées reste. S'y ajoutent les risques sécuritaires. Nous avons tous en mémoire les drames survenus dans les tunnels du mont Blanc, de Fréjus et du Saint-Gothard.
Cette nouvelle ligne ferroviaire participe de la création du corridor méditerranéen, allant d'Algesiras à la frontière orientale de l'Union européenne. La longueur totale de la ligne nouvelle sera de 269 kilomètres, divisée en trois tronçons : Lyon-Saint-Jean de Mauricienne, Saint-Jean de Mauricienne-Suse Bussoleno et Suse-Bussoleno-Turin.
L'accord crée un promoteur public pour la partie transfrontalière du projet et, en son sein, une commission des contrats et un service permanent de contrôle qui veillera au bon emploi des fonds publics. Pour la seule partie transfrontalière, le coût du projet s'élève à 8,5 milliards d'euros, financés par l'Union européenne, l'Italie et la France. La part revenant à notre pays s'élèvera à 2,2 milliards d'euros.
Le commissaire Kallas a rappelé le 17 octobre dernier l'importance de ce projet et le soutien de la commission européenne à cette nouvelle ligne ferroviaire.
Le soutien politique infaillible à ce projet est nécessaire. Les présidents de la République successifs n'y ont pas manqué. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer du soutien du Gouvernement ? Que ce dossier sera déposé en temps et en heure avant l'été 2014, qu'il ne fera pas l'objet d'arbitrages budgétaires défavorables ou dilatoires ?
M. Jean-Pierre Vial. - Très bien !
M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur. - L'Italie est le premier marché de l'agro-alimentaire français. L'essentiel de son économie se concentre dans le nord-ouest du pays. Plus qu'une liaison Lyon-Turin, ce sont les relations entre le Grand Paris et toute la région autour de Milan qui bénéficieront de ce projet, deux grandes aires économiques. C'est pourquoi un sénateur de Paris défend ce projet Rhône-alpin.
M. Jean-Pierre Vial. - Très bien !
M. Jean-Claude Carle. - Très bien !
M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur. - Il existe un risque fort de marginalisation de la France si nous demeurons à l'écart des grands axes européens.
Les lignes nord-sud sont très développées en Europe (M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, le conteste) et cette ligne sera une première est-ouest.
Dès 1991, en signant la convention alpine, la France s'est engagée à prendre des mesures en matière de transport pour réduire les nuisances liées au trafic interalpin. L'objectif est de passer d'une répartition de 85-15 en faveur du routier à une répartition 55-45, ce qui réduira les émissions de gaz à effets de serre. Un poids lourd rejette une tonne de Co2 sur 350 kilomètres de trajet dans les vallées alpines.
Bien sûr, ce projet, comme tout projet d'envergure, n'est pas exempt d'oppositions. Celles-ci portent sur son coût. Le financement à très long terme réduira son impact sur les finances publiques. Des financements innovants, auxquels la Banque européenne d'investissement a commencé à réfléchir, pourront être mobilisés.
À ceux qui pointent la sous-utilisation de la ligne actuelle, je réponds que les caractéristiques même de la ligne historique la rendent inadaptée : on ne peut pas aller plus loin que 17 % du fret ferroviaire. Sur place, on s'en rend compte : vu la pente, il faut pousser les locomotives pour qu'elles avancent !
Le prochain sommet franco-italien de novembre sera l'occasion d'enclencher une nouvelle phase. Ce chantier n'est ni démesuré ni inopportun. Il est cohérent et adapté aux exigences écologiques.
Je remercie et rends hommage à tous ceux qui ont accompagné ce projet de loi que je vous propose d'adopter. (Applaudissements sur tous les bancs sauf sur les bancs écologistes et CRC)
M. André Vairetto, rapporteur pour avis de la commission du développement durable . - Ce chantier constituera une prouesse technique, en multipliant les ouvrages d'art sur une longueur supérieure de 57 kilomètres, supérieure de 7 kilomètres à celle du tunnel sous la Manche. Un prochain accord permettra d'engager les travaux proprement dit.
Il ne faut pas se tromper d'échelle. Cette nouvelle liaison sera structurante pour les relations franco-italiennes, mais aussi pour tout le sud de l'Europe. Très attentifs à nos relations avec l'Allemagne, nous oublions parfois que l'Italie est notre deuxième partenaire commercial, avec 70 milliards d'euros pour 40 millions de tonnes de marchandises échangées en 2012, dont 90 % par la route. Avec la nouvelle ligne ferroviaire, le grand bassin parisien sera relié au triangle Gênes-Milan-Turin.
Ce projet fait partie des axes prioritaires européens. Dans le programme RTE-T européen, il constitue le corridor méditerranéen qui reliera le sud de l'Espagne à l'Europe centrale. À ce titre, il peut prétendre à des soutiens financiers renforcés de l'Union européenne.
M. Roland Courteau. - Très bien !
M. André Vairetto, rapporteur pour avis. - Les régions françaises et italiennes traversées recueilleront les bénéfices écologiques immédiats de cette réalisation. La sécurité sera améliorée. L'accident du tunnel du Mont-Blanc, en 1999, fit 39 victimes. Les dessertes pour les passagers de toute la région Rhône-Alpes seront améliorées.
Ce projet entraînera un bond capacitaire. Si les liaisons actuelles sont loin d'être saturées, leurs caractéristiques techniques sont inadaptées au transport moderne. La ligne Lyon-Turin modifie radicalement la donne technique, sécuritaire et économique.
Le transfert modal massif découlant de ce projet devra être accompagné d'une politique tarifaire adaptée, tenant compte des externalités négatives du transport routier.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. - Très bien !
M. André Vairetto, rapporteur pour avis. - Dans son référé d'août 2012, la Cour des comptes s'est inquiétée du coût prévisionnel du projet, estimé à 24 milliards, mais elle a retenu le périmètre le plus vaste. Le coût prévisionnel de la seule section transfrontalière, qui fait l'objet de l'accord, est de 8,5 milliards d'euros, partagés entre la France -25 %-, l'Italie -35 %- et l'Union européenne -40 %. Qui plus est, le financement de ces travaux sera étalé sur deux ou trois décennies pour une exploitation durant deux à trois siècles.
Il convient de mettre en balance le coût de la non-réalisation du projet avec les risques pour la sécurité routière et la qualité de l'air.
M. Jacques Chiron. - Exact.
M. André Vairetto, rapporteur pour avis. - Ce projet est visionnaire. La France et l'Italie du XXIe siècle ne peuvent se montrer plus timorées que le petit État de Piémont-Sardaigne au XIXe siècle, qui décida de percer le tunnel du Mont-Cenis, ou que la Confédération helvétique qui finance seule, en taxant les camions, les tunnels du Gothard et du Lötschberg.
M. Jean-Louis Carrère. - Pas de bonnets rouges !
M. André Vairetto, rapporteur pour avis. En réalisant un saut qualitatif majeur, la France évitera de se retrouver marginalisée dans la recomposition européenne en cours. C'est un projet qu'il faut apprécier à une échelle séculaire. Je sais qu'il est difficile de concevoir de tels projets, en cette époque pressée et obsédée par le court terme. Nos petits-enfants nous remercieront d'avoir eu le courage de lancer cette nouvelle ligne.
MM. Jean Besson et Roland Courteau. - Très bien !
M. André Vairetto, rapporteur pour avis. - Pour toutes ces raisons, la commission du développement durable a donné un avis favorable à l'adoption de ce texte. (Applaudissements sur tous les bancs sauf sur les bancs écologistes)
Mme Kalliopi Ango Ela . - Les écologistes sont attachés à la promotion du transport ferroviaire. Nous regrettons que le fret soit en déclin...
M. Jean-Claude Carle. - Très bien !
M. Jean-Vincent Placé. - Eh oui !
Mme Kalliopi Ango Ela. - Un rapport récent incite à sa rénovation. Les infrastructures actuelles de l'arc alpin doivent être rénovées. Il y a urgence.
Les intentions affichées par ce projet de loi apparaissent louables. Celui-ci favoriserait le basculement de la route vers le fer. Nous regrettons que notre commission n'ait pas jugé utile d'entendre les opposants au Lyon-Turin.
M. Jean-Vincent Placé. - Très bien !
Mme Kalliopi Ango Ela. - La voie du Mont-Cenis est insuffisamment utilisée. Le seuil de saturation ne sera pas atteint avant une trentaine d'années.
Les problèmes techniques évoqués par le rapport sont sujets à discussion. L'afro-tunnel devant relier le Maroc à Gibraltar le montre, avec une pente de 25 à 30 ?. Le défi technologique n'est pas insurmontable.
Le prétendu gain écologique allégué par le rapport n'a pas convaincu les opposants au tracé proposé pour la ligne Lyon-Turin. Vu le coût faramineux du projet, la Cour des comptes a pointé sa faible rentabilité socio-économique. La commission Mobilité 21 a classé le projet en deuxième priorité, donc à renvoyer après 2030. Un projet de cette ampleur peut affecter le cycle hydrologique des régions traversées, avec la perte de 300 millions de mètres cubes d'eau.
Il y aura plus de 720 000 poids lourds supplémentaires dans les Alpes si ce projet se concrétise. Il est inutile, onéreux, nocif pour l'environnement. Le groupe écologiste du Sénat, comme celui de l'Assemblée nationale, se prononce contre cet accord. (Applaudissements sur les bancs écologistes)
M. Jean-Pierre Vial . - En qualité de rhône-alpin et savoyard, j'interviens dans ce débat au nom de mon groupe avec un réel plaisir. Le projet de ligne entre Lyon et Turin est, au-delà de la liaison franco-italienne, essentiel, structurant à l'échelle européenne. Dès le 17 janvier 1989, le conseil général de la Savoie demande une étude sur une ligne Lyon-Turin. Le 23 novembre 1992, le conseil général de Savoie, toujours, promeut le report modal dans l'axe alpin. Est-il besoin de rappeler l'article 2 bis de la convention alpine de 1991 qui appelle à la création de structures appropriées pour soulager les hommes ? Il est bon de rappeler l'histoire à ceux qui se targuent d'imaginer le monde de demain. Pour la ligne Lyon-Turin, la Savoie avait vingt ans d'avance sur le Grenelle de l'environnement.
Les accidents dans les tunnels du Mont-Blanc, du Fréjus et du Gothard, nous ont enseigné que nous ne pouvons plus nous appuyer sur des infrastructures fragiles pour le transport transalpin. Ce sera bon pour l'écologie : le transfert d'un million de camions de la route vers le rail équivaudra à un gain de 700 000 tonnes de CO2. Le gain économique est également majeur : en trente ans, le transport de marchandises transalpin est passé de 68 millions à 150 millions de tonnes ; il augmentera de 60 % d'ici 2030, d'après l'Union européenne. Non, la baisse du fret ferroviaire ne doit pas être une singularité française à conserver. Nous viendrait-il à l'idée de condamner le transport maritime parce que nos ports ont perdu des places dans la compétition mondiale ? Certainement pas, sur ce terrain-ci comme sur ce terrain-là, la France doit lancer une entreprise de reconquête.
Au reste, le transport transalpin est reparti à la hausse depuis la mise en service du nouveau gabarit du tunnel du Mont-Cenis avec une augmentation de 17 % au second semestre 2012 et de 25 % sur les premiers mois de 2013.
Cela dit, il nous faut avoir une vision plus large. L'Union européenne veut renforcer l'axe méditerranéen face à la domination des grands ports du nord et à la nouvelle route de la soie. Déjà la Deutsche Bahn opère un service quotidien à la destination de la Chine via la Russie, et Hupac, de Barcelone à Shanghai, en utilisant l'actuel tunnel du Mont-Cenis !
Tout cela confirme l'ambition du projet Lyon-Turin, que l'Italie financera à 35 % bien que 45 kilomètres des 57 kilomètres du tunnel se trouveront en territoire français.
La France contribuera à hauteur de 2,2 milliards à ce projet qui coûte 8,5 milliards pour la partie transfrontalière, soit seulement le double du coût des descenderies réalisées depuis dix ans, sans que cela suscite de réaction. J'ajoute que la Suisse a financé seule le tunnel du Gothard.
M. Jean-Claude Carle. - Très bien !
M. Jean-Pierre Vial. - Ce projet sera créateur d'emplois et de croissance.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. - Bien sûr !
M. Jean-Pierre Vial. - Oui, vous avez eu raison de souligner la dimension européenne de ce projet, que l'appellation Lyon-Turin a pu faire oublier. Est-ce un hasard si 91 parlementaires français ont lancé un appel au président de la République à la veille du sommet franco-italien, engagés pour lui demander de respecter les engagements pris par trois présidents de la République successifs, si 500 entrepreneurs allemands et 1 000 entrepreneurs français se sont mobilisés?
N'est-ce pas une chance pour cette Europe qui fut celle de Jean Monnet, de la communauté du charbon et de l'acier, de la monnaie unique de devenir l'Europe des grandes infrastructures ? Hasard du calendrier, le Parlement européen s'apprête à adopter un budget dont les crédits pour les transports augmentent fortement.
Le vote par le Sénat de ce projet de loi marquera aussi son exigence que le Gouvernement s'engage à mener à bien cette liaison Lyon-Turin qui est un projet du XXIe siècle. (Applaudissements sur tous les bancs sauf sur les bancs écologistes)
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. - Très bien.
Mme Évelyne Didier . - Cet accord franco-italien concrétisera une idée vieille d'une quinzaine d'années, après les accords de 1996 et 2001, sous le gouvernement Jospin, avec M. Gayssot comme ministre des transports.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. - Exact.
Mme Évelyne Didier. - Nous avons à nous prononcer sur cette décision d'intérêt général juste avant le sommet franco-italien du 20 novembre.
Les principaux axes qui relient nos deux pays sont saturés : 7 400 camions les empruntent chaque jour. Et, comme les autres orateurs, je citerai les accidents survenus dans les tunnels du Mont-Blanc et de Fréjus, en 1999 et 2005. Outre les indéniables avantages écologiques, ce projet a le mérite d'être financé à 40 % par l'Union européenne et à 35 % par l'Italie. Notre pays ne paierait, si j'ose dire, que 25 % du coût, avec la création de 3 000 emplois pour la réalisation du projet et de 300 emplois pérennes pour l'exploitation du tunnel.
Si ce projet paraît globalement cohérent, certains s'interrogent sur l'utilité de cette ligne alors que le trafic transalpin stagne et que la Cour des comptes a souligné un risque de dérapage dans son référé d'août 2012. Autre motif d'inquiétude, les nuisances écologiques. À notre sens, elles sont moindres que celles générées actuellement par le transport routier dans les Alpes.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. - Il y a encore plus de camions à traverser les Landes !
Mme Évelyne Didier. - Compte tenu de l'opposition suscitée par l'écotaxe, nous nous inquiétons, quant à nous, du financement du projet.
Monsieur le ministre, pourrez-vous me confirmer que ce projet signale votre volonté de soutenir le fret ferroviaire et le report modal ? L'Union européenne financera-t-elle comme prévu ?
MM. Alain Néri et Jean Besson. - Il faut croire à l'Europe !
Mme Évelyne Didier. - Ce sont des inquiétudes. Elles n'empêchent pas que le groupe CRC comme les élus communistes Rhône-alpins apportent leur soutien à la ligne Lyon-Turin. (Applaudissements sur tous les bancs sauf sur les bancs écologistes)
M. Jean-Claude Carle. - Très bien !
M. Jean-Claude Requier . - La France est le premier partenaire commercial de l'Italie, qui est notre deuxième partenaire commercial. Nous avons échangé 70 millions de tonnes de marchandises en 2012. La nouvelle ligne ferroviaire entre Lyon et Turin, confortée par les accords de 1996 et de 2001, rapprochera nos économies et nos peuples.
Avec plus de 7 400 camions par jour, cette situation est devenue insupportable aux 14 millions d'habitants de l'arc alpin. Contrairement à ce qu'on entend, cette ligne participera de la protection de l'environnement définie dans l'accord transalpin de 1991. Certes, le trafic ferroviaire a ralenti à partir de 2008. Pour autant, 2,7 millions de camions empruntent les vallées alpines. L'enjeu est international, mais aussi national avec le rapprochement de Grenoble et de Chambéry de Paris.
Au-delà de ces bénéfices immédiats, ce projet souffre d'interrogations sur le financement. À cet égard, la mise en place d'un contrôle par tiers garantira la transparence des procédures. Le Lot, département de Maurice Faure qui a signé le traité de Rome, préfère un tel grand projet européen à la prolifération des normes qui pèsent sur la fabrication des fromages à pâte molle. (Applaudissements sur tous les bancs sauf sur les bancs écologistes)
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. - ...et la chasse aux petits oiseaux.
M. Jean-Claude Requier. - Le groupe RDSE soutiendra ce projet de loi, à l'exception de Philippe Esnol. Par ce vote, notre collègue francilien ne s'oppose pas au projet lui-même mais veut rappeler l'urgence qu'il y a à boucler l'A 104 et à parvenir à un engagement sur le canal Seine-Nord. Comme quoi un train peut cacher une route ou un canal. (Sourires et applaudissements sur tous les bancs sauf sur les bancs écologistes)
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. - Très bien !
M. Vincent Capo-Canellas . - Le Gouvernement nous demande de ratifier ce projet de loi dans la perspective du sommet franco-italien qui aura lieu après-demain. Le projet de création d'un axe ferroviaire entre Lyon et Turin date des années 1990 ; il a fait l'objet de deux premiers accords en 1996 et 2001 et d'une validation européenne. L'accord du 30 janvier 2012 concerne la seule partie transfrontalière : il clarifie la gouvernance et le financement du projet.
Parmi les inquiétudes qu'il suscite, citons la consommation des terres agricoles, l'incertitude sur le calendrier ou sur le coût depuis qu'en 2012, la Cour des comptes a souligné un risque de dérapage. Sur ce dernier point, le rapporteur nous a rassurés. Surtout, l'Union européenne s'est engagée à financer la partie transfrontalière du projet à 40 %, ce qui réduit la contribution de la France à 2,15 milliards d'euros. L'engagement financier de l'Italie sera plus important, alors que le tunnel se situera majoritairement sur notre territoire.
Cette ligne nous reliera à notre deuxième partenaire commercial, l'Italie ; elle revêt une importance économique pour tout le sud de l'Europe. Elle devrait attirer 4,5 millions de voyageurs en 2035 par report modal. Concernant le fret, car c'est là l'enjeu, il reprendrait la moitié du trafic routier à la même période, ce qui réduirait d'autant les nuisances sonores et la pollution atmosphérique.
Parce qu'il n'y a pas d'alternative ferroviaire crédible au Lyon-Turin, le groupe UDI-UC soutient ce projet de loi. (Applaudissements sur tous les bancs sauf sur les bancs écologistes)
M. Jacques Chiron . - En novembre 2012, nous nous sommes réunis, parlementaires de tous bords, pour témoigner de notre engagement envers la ligne Lyon-Turin. Ceux qui étaient présents s'en souviennent : des parlementaires espagnols et italiens, de même que les anciens ministres Louis Besson et Jean-Claude Gayssot, assistaient à la réunion.
Merci à François Hollande de reprendre ce projet porté par quatre présidents de la République successifs. À ceux qui s'enferment dans des postures passéistes, je rappelle que le montant de nos échanges avec l'Italie est treize fois supérieur à celui de nos échanges avec la Chine. Nous, élus des Alpes, connaissons le coût de la pollution provoquée par 2,7 millions de camions dans nos vallées. Pardon, mais nous, nous agissons concrètement pour l'écologie. Avec cette ligne, nous économiserons entre 530 000 et 700 000 tonnes de CO2 avec le report d'un million de camions sur le rail, sans parler du report des voyageurs. Nous veillerons à préserver nos terres agricoles. Que la ligne actuelle ne fonctionne pas à plein n'est pas un argument : inaugurée en 1871, c'est un monument historique vétuste, avec ses 43 kilomètres de voie unique et son vieux tunnel culminant à 1 300 mètres qui rend son utilisation très coûteuse.
Sur la période 2010-2030, les Suisses estiment que le fret ferroviaire augmentera de 3 %, ce qui représentera un doublement d'ici 2035, et ils sont décidés à prendre des mesures autoritaires pour imposer le report de la route vers le fer. Quand la nouvelle ligne ferroviaire sera en service, nous devrons rendre les autoroutes alpines plus onéreuses pour les camions. Les Suisses ont bien compris les enjeux : quand nous discutons, ils creusent les tunnels du Gothard et du Lötschberg. Dans cette situation, est-il raisonnable de renoncer à ce projet de liaison ferroviaire entre Lyon et Turin ?
MM. Jean-Claude Requier et Alain Néri. - Non !
M. Jacques Chiron. - Nul doute que cette nouvelle liaison, qui reliera l'Europe du sud à l'Europe centrale, apportera des emplois et de la croissance. L'Union européenne a reconnu son intérêt en s'engageant à financer le tunnel de base à 40 % ; la France, elle, ne déboursera que 25 %, soit 2,2 milliards d'euros. Voilà qui répond à l'interrogation de la Cour des comptes.
Alors, nous pouvons regarder passer les trains (sourires) sans répondre aux attentes de nos concitoyens ou bien nous pouvons travailler à l'avenir et oeuvrer au développement durable. Le groupe socialiste apporte un soutien déterminé à la réalisation de cet axe ferroviaire Lyon-Turin ! (Applaudissements sur tous les bancs sauf sur les bancs écologistes)
M. Jean Besson . - Les rapporteurs et les orateurs précédents ont si bien présenté ce grand projet Lyon-Turin que je serai bref : je ne comprends pas la position du groupe écologiste. Robert Schuman disait, il y a plus de soixante ans, que « l'Europe ne se fera pas d'un coup ni dans une construction d'ensemble mais par des réalisations concrètes créant des solidarités...
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - ...de fait ».
M. Jean Besson. - Un mot d'ordre repris par Jacques Delors.
M. Vincent Capo-Canellas. - Très bien !
M. Jean Besson. - Une liaison est-ouest, de Séville à Kiev, est indispensable pour contrebalancer les grands axes nord-sud. J'ajoute que cette ligne pourrait très bien passer non par Lyon mais par le sillon alpin, d'Annecy et Chambéry à Grenoble et Valence. La région a déjà consacré 70 millions d'euros à cette ligne qui sera ouverte le 15 décembre. L'opposition au Lyon-Turin est très minoritaire : 2 parlementaires sur 83 ! Le projet est soutenu aussi par les entreprises, sans parler de l'Union européenne qui le finance à 40 %.
Monsieur le ministre, vous pouvez compter sur le oui franc et massif du groupe socialiste à cette belle réalisation européenne ! (Applaudissements sur tous les bancs sauf sur les bancs écologistes)
M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur. - Malgré la procédure accélérée, nous avons organisé douze auditions pour entendre tous les acteurs, y compris des opposants. À la différence de ce qui s'est fait à l'Assemblée nationale, nous avons pu mener un travail considérable sur ce projet de loi important.
M. Thierry Repentin, ministre délégué . - Merci du soutien que beaucoup d'orateurs ont exprimé avec conviction et responsabilité, en reconnaissant que certaines terres, certaines entreprises, certaines habitations seraient touchées par ce grand projet, comme il en va toujours en pareil cas.
Pour ceux qui ne sont pas convaincus, comme Mme Ango Ela, il est encore temps de changer d'avis. La ligne du Mont-Cenis, construite en 1871, culmine à une altitude de 1 300 mètres, avec une pente de 35 % qui impose de recourir à deux ou trois locomotives Diesel pour tracter et pousser les trains de marchandises. D'où son manque d'attractivité par rapport aux routes passant par les tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus. Disons-le clairement : nous n'atteindrons jamais 100 % de capacité du tunnel du Mont-Cenis. Au reste, le fret ferroviaire progresse là où les infrastructures sont performantes.
M. Louis Nègre. - Juste ! C'est seulement chez nous que le fret baisse.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - En Suisse, par exemple, avec les tunnels du Gothard et de Lötschberg -celui-ci, ouvert il y a quatre ans, est déjà à 100 % de sa capacité. À nous de faire aussi du rail un concurrent redoutable de la route.
La commission Mobilité 21 a logiquement classé la réalisation des accès au tunnel de base en second rang pour tenir compte du temps de réalisation de l'ouvrage. Elle a donc mentionné la date de 2030. Mais sa planification doit être révisée tous les cinq ans et le délai pourra être rapproché en fonction de l'avancement des travaux.
L'apport de l'Union européenne ne vient pas en concurrence de la modernisation du réseau ferroviaire actuel. La terminologie européenne est claire : les financements portent sur les « interconnexions européennes ». Seuls deux projets en France sont concernés : le Lyon-Turin et le canal Seine-Nord. M. Philippe Esnol peut en prendre acte. Si nous ne réalisons pas ces projets, ces crédits n'iront pas vers d'autres projets français mais vers d'autres « interconnexions européennes ». Pouvons-nous vraiment nous passer de cette manne dans les temps actuels ?
Plusieurs voix socialistes. - Mais non !
M. Vincent Capo-Canellas. - Pour une fois qu'il y a une manne !
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - Évidemment, les gouvernements successifs prendront des mesures incitatives au report modal. Le report de quelques mois de l'écotaxe poids lourds n'a pas d'impact sur le financement de ce projet de long terme. L'accord bilatéral qui vous est présenté concerne à la fois les court, moyen et long termes. Les flux de marchandises seront régulés par des dispositifs incitatifs ou coercitifs.
La France s'engage à mobiliser rapidement ces sommes que la Commission européenne est prête à mettre à notre disposition et que le Parlement européen votera demain. Le Gouvernement français présentera dès 2014 une demande que nous souhaitons conjointe avec l'Italie, au taux maximum pour la période 2014-2020. La réponse définitive sera apportée par le sommet franco-italien. Je suis plutôt optimiste. (Applaudissements sur tous les bancs sauf sur les bancs écologistes)
La discussion générale est close.
Discussion de l'article unique
M. Jean-Claude Carle . - Il est des projets de loi dont l'examen procure plus de satisfaction que d'autres. C'est le cas de celui-ci. Il correspond à la vraie mission de l'Europe, qui peut être le lieu d'initiatives et d'investissements pour préparer l'avenir plutôt que ce machin technocratique, producteur de normes.
Tous les présidents de la République et tous les gouvernements qui se sont succédé ont soutenu ce projet.
Je salue l'engagement de tous ceux qui ont permis notre débat. Notre regretté ancien collègue Pierre Dumas est de ceux-là, avec Michel Barnier, qui a une position stratégique à la Commission européenne, et Jean-Pierre Vial. J'associe à cet hommage Jean-Jack Queyranne, président du conseil régional Rhône-Alpes. La ligne Lyon-Turin est l'axe central, incontournable, des échanges entre l'Europe du nord et l'Europe du sud. La « banane bleue », qui va de Rotterdam à Milan, a Lyon pour point de bifurcation des flux, vers la péninsule ibérique et vers l'Italie.
Nos infrastructures ferroviaires ne sont pas assez adaptées. Il faut une semaine pour faire Rotterdam-Milan par le fer, 24 heures par la route. Il faut mettre fin à cette incohérence. Soit, Hannibal a traversé les Alpes à dos d'éléphant, mais c'était il y a des siècles et un autre espace-temps. Soyons imaginatifs pour mobiliser fonds publics et privés.
Je me réjouis en outre que ce maillon Lyon-Turin réduise aussi de vingt à trente minutes le temps de parcours entre Chambéry ou Annecy et Paris et confirme le rôle de l'aéroport Saint-Exupéry.
Le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements sur tous les bancs sauf sur les bancs écologistes)
M. Didier Guillaume . - Notre vote est important pour l'Europe, pour la France, pour le développement économique, pour la protection de l'environnement. Je tiens à saluer Jean-Claude Gayssot et Louis Besson pour l'opiniâtreté avec laquelle ils ont défendu ce projet. (Applaudissements sur tous les bancs sauf sur les bancs écologistes)
Monsieur le ministre, j'ai beaucoup apprécié l'engagement du Gouvernement, que vous avez réaffirmé. Nous attendons beaucoup du sommet franco-italien. Je fais confiance au président de la République et aux autorités italiennes. Les relations économiques entre la France et l'Italie sont considérables pour notre industrie agro-alimentaire, pour notre environnement. Nous devons avancer.
À quelques mois des élections européennes, je suis inquiet de ce que nos concitoyens pensent de l'Europe. Il est bon que celle-ci n'apparaisse pas seulement sur le mode de la contrainte mais aussi comme le soutien à de grands projets structurants comme cette liaison Lyon-Turin.
La quasi-unanimité des élus de Rhône-Alpes sont favorables à sa réalisation. Nos votes aideront le président de la République à porter la parole de la France à Rome. Espérons que nos enfants voient demain la réalisation de ce tunnel comme une chance pour la France et pour l'Europe. (Applaudissements sur tous les bancs sauf sur les bancs écologistes)
Mme Kalliopi Ango Ela . - Je suis très heureuse d'avoir entendu ce soir autant d'arguments écologiques, même si nos conclusions diffèrent. C'est si rare ! La commission a-t-elle désiré entendre l'ancien président de RFF et celui de la SNCF, les chambres d'agriculture de Rhône-Alpes, de Savoie, les maires de la région, sans parler des conseillers régionaux EELV ? Nous voyons autrement le développement économique et social harmonieux de la région.
Bien sûr, nous sommes pour le ferroutage. Encore serait-il plus judicieux de commencer par les plaines de notre pays, où ce serait plus facile. Modernisons déjà les réseaux existants. Cela créerait peut-être plus d'emplois. Vous le voyez, nous ne partageons pas la même vision. (Applaudissements sur les bancs écologistes)
M. Alain Néri . - Le Massif central souffre d'un enclavement ferroviaire. Clermont-Ferrand attend avec impatience un TGV. Je milite pour l'amélioration de la ligne Clermont-Paris et du train Téos surnommé, parce que ça secoue, Orangina. Il faut le rendre plus rapide, mieux adapté aux besoins des populations. Dans nos trains, c'est comme au restaurant, il faut choisir, en l'occurrence entre l'éclairage et le chauffage. Dur, en hiver.
Je suis très favorable à la liaison Lyon-Turin ; Clermont-Ferrand est à 2 h 20 de train de Lyon. Une ligne Clermont-Lyon-Turin et au-delà serait un facteur considérable de développement économique. Au moment où l'Europe est en butte à des critiques, c'est une bonne chose qu'elle participe à des investissements aussi indispensables ; c'est ainsi que nous bâtirons l'Europe sociale.
Pendant trop longtemps, notre pays fut jacobin : toutes les voies de chemin de fer convergeaient vers Paris. Ce serait, monsieur le ministre, le changement dès maintenant (sourires) de réaliser des lignes transversales. Mon vote auvergnat sera un vote pour les Rhône-alpins, pour la solidarité, pour la croissance et l'aménagement du territoire.
M. Louis Nègre . - La constance de la position française n'a d'égale que la volonté de l'État italien, qui répond aux réalités de nos échanges économiques avec l'Italie du nord, l'une des collectivités territoriales les plus riches d'Europe. Las, en 2013, 90 % de nos échanges s'effectuent par la route. Comment continuer ainsi tout en clamant que nous oeuvrons au report modal ? Seule une ligne ferroviaire mixte fret-voyageurs apportera une réponse de qualité et efficace.
Le tunnel du Lötschberg a été terminé par la Suisse en 2007, celui du Gothard, long de 57 kilomètres, le sera en 2016, un nouveau projet, à peu près aussi long, est lancé par l'Autriche pour le Brenner. Ces pays sont petits sur le plan démographique mais visionnaires à l'échelle de l'Europe. Il serait regrettable que les 120 millions de Français et Italiens ne puissent pas rassembler les financements nécessaires et que notre pays soit rejeté en marge du continent.
Je déplore en outre le flux routier sur la Côte d'Azur, avec son mur de camions et la saturation de plus en plus fréquente de l'A 8.
Nous ne pouvons plus continuer ainsi. Il est plus que temps de réaliser cette infrastructure majeure, stratégique qui donne une image positive de l'Europe. La participation de l'Union européenne à hauteur de 40 % est une occasion rare, à saisir. J'approuve totalement cet accord et espère que cette liaison ferroviaire sera réalisée dans les meilleurs délais.
Je me félicite également de l'inscription à l'ordre du jour du sommet de Rome de l'amélioration de la ligne Nice-Vintimille, beaucoup plus modeste mais tout autant nécessaire et qui requiert l'engagement des deux gouvernements. (Applaudissements sur tous les bancs sauf sur les bancs écologistes)
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères . - Je suis fier de présider cette commission des affaires étrangères qui est la seule à avoir procédé à une douzaine d'auditions et à avoir entendu les opposants. Membre de notre commission, vous auriez dû, madame Ango Ela, lui proposer des auditions plutôt que de n'en parler que maintenant, dans l'hémicycle. Chaque fois qu'un collègue de la commission peut s'adjoindre à un groupe de travail, il est le bienvenu. Je ne manquerai pas de vous y inviter.
Je suis très sensible au rappel du travail effectué par Jean-Claude Gayssot au sein du gouvernement Jospin sous la présidence de Jacques Chirac. Le même gouvernement Jospin comptait un certain ministre de l'environnement et de l'aménagement du territoire qui s'appelait... Dominique Voynet. J'aime les aspérités, l'échange et la confrontation dont jaillissent les bonnes idées. Apportez-nous donc votre soutien madame Ango Ela ! Ne vous contentez pas de vous satisfaire des nombreux arguments écologistes que vous avez entendus.
Il est des grands dossiers comme celui-ci, comme celui de la défense et quelques autres, où les groupes doivent se rassembler pour donner au Gouvernement et au président de la République toute la force de négociation européenne, afin que l'Europe, parfois mal perçue, reprenne la main. Ne chicanons pas ! Vous citez MM. Tassy et Duport. Que ne les avez-vous pas écoutés sur le TGV sud-atlantique ! Vous vous référez à eux quand cela vous arrange. Pour être persuasifs, des arguments ne peuvent être à géométrie variable. La sécurité, l'attractivité économique, l'argument écologique en faveur de ce projet ne se discutent pas. Avançons.
Dans le même temps, monsieur le ministre, permettez à l'Aquitain que je suis, de dire que les flux de camions sont plus importants encore dans les Pyrénées. Ne parlez pas de Séville, d'Algeciras, de Lisbonne sans mentionner les montagnes. Une liaison transpyrénéenne aura autant de vertus que la voie transalpine Lyon-Turin.
Le vote de la commission a été excessivement favorable puisqu'au terme de deux heures de débats féconds, il y a eu une seule opposition. (Applaudissements)
À la demande des groupes socialiste, écologiste, UDI-UC et UMP, l'article unique du projet de loi est mis aux voix par scrutin public,.
Mme la présidente. - Je salue la présence en tribune de Louis Besson, maire de Chambéry, ancien ministre. (Applaudissements)
Voici les résultats du scrutin n°61 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 347 |
Pour l'adoption | 334 |
Contre | 13 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements)
Prochaine séance aujourd'hui, mardi 19 novembre 2013, à 9 h 30.
La séance est levée à minuit et quart.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques