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Table des matières
Débat sur la protection des données personnelles
M. Yves Détraigne, pour la commission des lois
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères
Modifications à l'ordre du jour
Débat sur le marché du médicament et des produits de santé
M. Gilbert Barbier, au nom du groupe RDSE
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé
Indépendance de l'audiovisuel public (Conclusions des CMP)
M. David Assouline, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication
Vote sur le texte proposé par la CMP pour le projet de loi
Vote sur le texte proposé par la CMP pour le projet de loi organique
Nouvelle-Calédonie (Conclusions des CMP)
Mme Catherine Tasca, rapporteure pour le Sénat des commissions mixtes paritaires
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois
Vote sur le texte proposé par la CMP pour le projet de loi organique
Vote sur le texte proposé par la CMP pour le projet de loi
Simplification des relations entre l'administration et les citoyens (Conclusions de la CMP)
M. Hugues Portelli, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
Vote sur le texte proposé par la CMP
SÉANCE
du jeudi 17 octobre 2013
11e séance de la session ordinaire 2013-2014
présidence de M. Thierry Foucaud,vice-président
Secrétaires : Mme Michelle Demessine, Mme Catherine Procaccia.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Débat sur la protection des données personnelles
M. le président. - L'ordre du jour appelle un débat sur la protection des données personnelles.
M. Yves Détraigne, pour la commission des lois . - La commission des lois a souhaité, conjointement avec la commission des affaires économiques, organiser ce débat à la suite d'une communication de M. Sutour sur la proposition de directive européenne relative au traitement des données dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale. Les débats en cours en Europe ont incité nos deux commissions à se saisir de cette matière.
L'enjeu est de taille. Le règlement européen, quand il sera adopté, se substituera à la loi du 6 janvier 1978 Informatique et libertés. D'où la proposition de résolution européenne, adoptée le 6 mars 2012 au Sénat, pour demander au Gouvernement de veiller à ce que soit ouverte la possibilité pour les États membres d'adopter des dispositions plus protectrices. Notre débat est l'occasion de suivre le devenir des travaux de la commission des lois sur la protection des données personnelles : après le rapport que j'ai commis avec Mme Escoffier quand elle siégeait parmi nous, la proposition de loi visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l'heure du numérique, rapportée M. Cointat et adoptée par le Sénat en mars 2010, est toujours en attente de discussion à l'Assemblée nationale. Hélas, car les problèmes qu'elle soulevait demeurent.
Premier constat : la méconnaissance de nos concitoyens quant aux conséquences possibles sur leur vie privée de l'utilisation du numérique : réseaux sociaux, cookies, géolocalisation, biométrie, profilage... Le rapport se félicitait de la prise de conscience des autorités comme des efforts de régulation mis en oeuvre, mais le contentieux opposant la Cnil à Google montre que le chemin reste long. D'où notre première recommandation : sensibiliser les écoliers et les citoyens sur la question et les informer des droits que leur reconnaît la loi Informatique et libertés. Nous préconisons de définir des labels valorisant les applications et logiciels protecteurs -comme l'a fait la Cnil en 2011.
Pour les moyens de la Cnil, dont les missions ne cessent d'augmenter et auxquels veille Mme Klès dans son avis budgétaire, on peut regretter que le plafond des sanctions pécuniaires reste trop bas face à la puissance de groupes multinationaux comme Google.
L'adresse IP devrait avoir le statut de donnée personnelle, ainsi que le reconnaissent la jurisprudence et le législateur européen. Mais cet acquis est fragile, comme le montre le projet de règlement européen. Et en France, le débat n'est pas tranché... Un « droit à l'oubli » sur internet devrait venir compléter notre droit. Le règlement européen peut être un complément utile, mais se pose la question de la conciliation de ce droit avec la liberté d'expression.
La loi de 1978, qui a inspiré la directive de 1995, assure un haut niveau de protection. Notre rapport allait dans le même sens. Car on peut craindre que la directive européenne ne tire dans l'autre.
La question des fichiers est centrale. Le rapport recommandait de donner au législateur une compétence exclusive sur la création de fichiers de police, de sorte que soit assuré un équilibre vertueux entre sécurité et liberté. Nous n'y sommes pas, la loi de 1978 n'a toujours pas été modifiée en ce sens. Sur le fichier central biométrique des cartes d'identité et des passeports, le Conseil constitutionnel a exercé sa censure, estimant que l'atteinte aux droits de la vie privée n'était pas proportionnée au but poursuivi, eu égard à la nature des données enregistrées, à l'ampleur de leur traitement, au caractère technique de la base et aux conditions de consultation.
Chacun d'entre nous est concerné. Notre responsabilité de législateur est de nous assurer du respect de la vie privée. Le Sénat restera, comme à son habitude, le gardien vigilant des libertés individuelles, y compris dans les nouvelles technologies. Ce débat est l'occasion de le rappeler. (Applaudissements)
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes . - Le Sénat est en effet dans son rôle. La protection des données personnelles touche aux libertés fondamentales. Internet simplifie beaucoup d'actes de la vie quotidienne, est un atout pour la vie économique et fournit des instruments pour lutter contre les menaces terroristes ou criminelles. Mais nos concitoyens sont en droit d'attendre que leurs données personnelles ne soient pas utilisées sans leur consentement. Ils doivent pouvoir accéder à leurs données, les faire rectifier ou effacer. (Mme Nathalie Goulet approuve) Il est de la responsabilité des législateurs nationaux et européens d'édicter des règles sûres ; de celle des pouvoirs publics de veiller à ce que les données de nos concitoyens ne soient pas transférées sans contrôle à d'autres pays. Le scandale de la révélation du programme américain Prism -d'écoute généralisée des non-Américains- en a souligné l'impérieuse nécessité. Un groupe d'experts a été mis sur pied, qui réunit États membres, Commission et autorités américaines : quels sont, madame la ministre, les résultats de ses travaux ? Les services américains auraient surveillé, on l'a appris en septembre, la société Swift, chargée de sécuriser les transferts bancaires internationaux ; l'accord de 2010 a-t-il été violé, madame la ministre ?
J'ai défendu deux propositions de résolution sur les textes en préparation à la Commission européenne : sur le règlement, d'abord, qui sera d'application directe, nous réaffirmions certains principes. Notre position est claire et unanime : nos concitoyens doivent pouvoir continuer à s'adresser à leur autorité de contrôle. Sur les transferts de données, les États doivent pouvoir garantir à leurs citoyens un haut niveau de protection des données. Nous ne voulons pas d'une uniformisation par le bas. Où en est, madame la ministre, la négociation ? La France est pionnière en Europe sur le sujet. La loi Informatique et libertés offre un cadre de protection efficace. Nous ne pouvons accepter une régression. D'où l'avis motivé que nous avons adopté sur la subsidiarité. Ce que propose la Commission européenne ne saurait excéder ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif poursuivi. Est-ce le cas, madame la ministre, du projet de directive ?
Dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale, nécessaire, il faut, aussi, assurer un niveau élevé de protection des droits fondamentaux. C'est le cas de notre droit qui dispose que le traitement des données personnelles dans le cadre des activités répressives doit être mis en oeuvre conformément aux principes généraux de protection des données, les dérogations devant être justifiées et proportionnées aux besoins. Or, sur ce sujet, la directive n'apporte que des garanties minimales. Les États doivent pouvoir aller au-delà. Quelles sont les intentions du Gouvernement ? L'harmonisation européenne, souhaitable, ne doit pas se faire au détriment de notre cadre national, plus protecteur.
Pour nous, le traitement des données biométriques devrait faire l'objet d'un encadrement spécifique. La durée de conservation des données doit être encadrée et de solides garanties apportées en cas de transfert. Où en sommes-nous ?
Où en est la négociation de l'accord cadre Union européenne-États-Unis ? Quel lien avec l'accord PNR portant sur l'enregistrement des données des passagers et la révision du cadre juridique européen ? La commission européenne prépare un PNR européen, que le Parlement européen a rejeté. Le Sénat avait émis des recommandations, notamment l'exclusion des données sensibles et des garanties renforcées en cas de transfert à des pays tiers. Le Gouvernement les prend-il en compte dans la négociation ?
Nous resterons vigilants pour la protection des droits fondamentaux. (Applaudissements)
M. François Pillet . - Après l'affaire du fichier Safari, la France a adopté la loi fondatrice Informatique et libertés, qui a doté le pays d'une autorité de contrôle, la Cnil, et réglementé la collecte, l'exploitation et la conservation des données par les entreprises et les pouvoirs publics. Cependant, le numérique change la donne, tant les mutations sont rapides. La législation européenne est donc en voie de refonte. Le texte de 1995 est obsolète.
Le secteur de la donnée est bouleversé. Les données personnelles sont désormais traitées à grande échelle par les acteurs publics comme privés, l'État s'est doté de nombreux fichiers, parfois interconnectés. Avec internet, les citoyens sont de plus en plus acteurs de la diffusion de données personnelles les concernant ou, pire, concernant des tiers, avec le développement du commerce électronique ou des réseaux sociaux. Désormais, tous les acteurs sont concernés. Il importe de définir un cadre global.
L'objectif du règlement européen doit avoir une ambition forte d'harmonisation. Le Digital Agenda, en vue d'un marché unique du numérique, n'aurait sinon pas de sens. Se pose aussi la question internationale : de plus en plus de données transitent dans le monde. Le cadre européen doit reposer sur des principes clairs. Le premier, l'harmonisation, car il faut en finir avec les paradis numériques. Harmonisation, aussi, des activités de contrôle, en respectant le principe de la plus haute protection.
Nous sommes à un carrefour : le droit sait-il se rendre maître des techniques ? Qu'en feront les entreprises, la médecine ? Ce cadre doit être clair : stabilité juridique et protection des individus. La transparence est le principe clé, qu'elle concerne les États ou les entreprises. Les individus doivent savoir pourquoi leurs données sont collectées, comment elles sont utilisées et pour quelle finalité. Ils doivent pouvoir contrôler leur usage -c'est le fameux droit à l'oubli, le droit à la portabilité, aussi. Il ne revient pas à un tiers de décider ce qu'il adviendra des données d'un individu mais à lui-même. Troisième objectif : la sécurité, essentielle.
Nous appelons donc à un cadre de qualité, stabilisé pour les entreprises et assurant le plus haut niveau de protection.
M. Jean Bizet. - Très bien.
M. François Pillet. - Il faut aller vite mais sans laisser de côté la qualité du droit qui va s'élaborer. Comment serons-nous jugés demain si nous ne veillons pas aujourd'hui à la protection des droits fondamentaux ? (Applaudissements)
Mme Éliane Assassi . - Les possibilités de collecter des données personnelles à l'insu de l'individu se multiplient. La lutte contre l'insécurité et le terrorisme est devenue, depuis dix ans, la justification d'un fichage généralisé, au mépris des libertés publiques. Nous n'avons cessé de dénoncer ce fichage tentaculaire qui concerne les acteurs de l'éducation nationale comme les bénéficiaires de minima sociaux ou les étrangers. Les fichiers et leur traitement informatisé sont devenus de véritables outils de gestion de la société, en même temps qu'une formidable manne financière pour les entreprises, soucieuses de cibler leur publicité.
La directive de 1995 fut l'acte fondateur de la protection de la vie privée à l'échelle communautaire mais sa révision s'impose aujourd'hui de façon urgente. La Commission européenne a fait le choix d'user de deux instruments, l'un étant relatif à la coopération policière et judiciaire en matière pénale. On peut regretter une telle disjonction à l'heure où les fichiers de sécurité se multiplient.
L'enjeu est de taille : garantir le respect de la vie privée dans un cadre mouvant. Les garanties qu'offre notre droit national ne doivent pas être affaiblies. Le guichet unique ne doit pas priver les citoyens de voies de protection nationales. La résolution de M. Sutour a attiré l'attention sur ce point : les pouvoirs a priori et a posteriori de la Cnil doivent être préservés.
Autre enjeu, le droit à l'oubli. Des obligations doivent peser sur les moteurs de recherches pour le garantir de façon effective.
Mme Nathalie Goulet. - Très bien !
Mme Éliane Assassi. - Veillons à ce que le droit européen nouveau ne remette pas en cause des dispositions nationales plus protectrices. Il est vrai que la protection est relative. Voyez le fichier national des empreintes génétiques, qui ne cesse de gonfler, touchant même de simples manifestants que la proposition de loi de notre groupe, bloquée à l'Assemblée nationale, propose d'en sortir.
Gardons à l'esprit nos principes et nos valeurs, dont le citoyen est le centre de gravité. (M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes, applaudit)
Mme Françoise Laborde . - Fidèle à sa tradition de défense des libertés publiques, le groupe du RDSE se réjouit de ce débat. Il s'est emparé très tôt du sujet avec la proposition de loi Escoffier-Détraigne, votée en mars 2010 et toujours en attente d'examen à l'Assemblée nationale -nous regrettons que les députés tardent à agir sur une question aussi fondamentale pour les libertés publiques.
Un récent sondage a montré que 80 % des Français ne croient pas à la confidentialité de leurs données personnelles. Les faits leur donnent raison, il est urgent d'agir. De l'affaire Snowden aux propensions de Google à collecter des données, tout doit nous alerter. La France avait su, en son temps, se montrer pionnière, avec la loi Informatique et libertés de 1978. Mais le cadre doit désormais devenir européen pour être efficace. Nous approuvons ainsi la mise en place d'un guichet unique, mais sous réserve que tous les Européens adoptent un même standard de protection de la vie privée. C'est l'esprit de la proposition de la garde des sceaux, qui a demandé que soit retenue une procédure de co-décision entre autorité en charge et autorités nationales.
C'est pour un vrai droit à l'autonomie numérique que nous plaidons, ce qui suppose un droit à l'oubli numérique, qui demeure encore une chimère.
La sécurité ne doit pas servir de prétexte à un fichage tous azimuts ni à la banalisation des outils de surveillance de la population. Le fichier PNR en est un exemple. La commission des libertés civiles du Parlement européen l'a rejeté au nom des droits fondamentaux de la personne.
La vidéosurveillance a benoîtement pris le nom de vidéoprotection, tandis que les fichiers se multiplient, sans que les délais de conservation soient suffisamment encadrés. J'en veux pour preuve la récente condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme pour le fichier des empreintes digitales.
Faire de 2014 l'année de l'éducation numérique est essentiel dans un contexte où les droits de la personne demandent à être protégés. (Applaudissements)
Mme Hélène Lipietz . - La loi Informatique et libertés de 1978 est-elle toujours suffisante ? Donner son numéro de sécurité sociale était inadmissible il y a trente ans ; aujourd'hui, on remet sans s'inquiéter sa carte vitale à son pharmacien... Et tout à l'avenant. Publier ses exploits sur Facebook est devenu banal. Les parents suivent désormais au jour le jour les résultats de leur enfant sur internet, le privant de toute autonomie, au contraire de ce que préconisait Françoise Dolto. Le fichier génétique, qui touche à l'intime, a été étendu à toutes formes de délinquance, jusqu'aux faucheurs volontaires... Les entreprises incontournables de l'internet imposent à la planète des conditions douteuses d'utilisation des données personnelles.
Les données ne doivent devenir sociales que quand l'intérêt de la société le justifie. Ainsi des données médicales qui, en Suède, deviennent sociales pour les besoins des progrès de la médecine, mais anonymisées. Les données personnelles, cependant, sont aussi des données lucratives pour les entreprises. Sans parler de l'usage qu'en font des services secrets au prétexte de la veille antiterroriste.
Comment donc protéger les citoyens et faire que leurs données personnelles ne soient utilisées que dans un but d'utilité collective ? Telle est la gageure. Cela suppose de couper le cordon ombilical entre données personnelles et données socialisées et de garantir la maîtrise, par le citoyen, de ses propres données. La Cnil pourrait évoluer pour mieux répondre aux enjeux ; mais en a-t-elle les moyens humains ? Les amendes devraient être aggravées, pour que nos vies ne deviennent pas une nouvelle marchandise. (Applaudissements sur les bancs écologistes)
Mme Catherine Morin-Desailly . - L'Union européenne, colonie du monde numérique. Tel est le titre provocateur que j'ai proposé pour mon récent rapport, dans lequel j'appelle à une prise de conscience et à un sursaut. Car il faut s'inquiéter de la perte de maîtrise de l'Union européenne sur ses données. La commission des affaires européennes a adressé un avis politique à Bruxelles, fondé sur les conclusions de mon rapport. Les réponses qu'a apportées la Commission européenne ne sont pas à la hauteur des enjeux stratégiques, je dirais même des enjeux de civilisation.
Cependant, l'idée fait son chemin. Pour la première fois, le numérique est à l'ordre du jour d'un Conseil européen ; et le rapport de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale rejoint mes préconisations. L'heure du sursaut arrive en France. Elle doit sonner au niveau européen.
Le scandale Prism n'a été pour moi qu'une demi-surprise, bien que ce soit grave. Car il y va de la protection de la vie privée et d'un enjeu économique considérable.
Google refuse les modifications demandées par la Cnil et ne respecte pas la loi Informatique et libertés. L'adoption rapide du règlement européen est donc souhaitable. La Commission semble convaincue de l'importance du sujet. Mais une véritable politique industrielle doit être mise en oeuvre. Les routeurs de coeur de réseau doivent être labellisés par une autorité nationale ou européenne pour se prémunir de l'espionnage.
Les services en nuage comportent des dangers. Les prestataires sont le plus souvent américains. M. Montebourg semble ignorer l'extraterritorialité des lois américaines. La solution est de favoriser l'émergence d'un cadre juridique européen. Le stockage à distance des données est d'autant plus préoccupant que se développe l'internet des objets, qui les fera communiquer entre eux.
Une mobilisation politique de l'Union européenne au plus haut niveau est nécessaire. Le 7 octobre, les grands organismes de régulation, réunis à Montevideo, dont l'Icann, ont pris leur distance avec la mainmise américaine sur internet.
Pour les États-Unis, le contrôle des données est aussi vital que celui de l'eau, de l'énergie. Mais il leur est difficile de maintenir le statu quo. Le système de gestion des noms de domaine doit devenir multilatéral. A l'Union européenne d'entrer dans le jeu et aux États-Unis de se conformer aux principes démocratiques. (Applaudissements)
M. Gaëtan Gorce . - Notre Sénat porte une attention constante à la protection des données personnelles. On peut regretter que le règlement européen tarde à être adopté. La Cnil est en pointe sur le sujet. Quel type de société voulons-nous ? Telle est la question de fond. Je ne veux pas casser l'ambiance mais le numérique est lourd de menaces sur nos libertés individuelles. Soyons vigilants. Des évolutions technologiques présentées comme positives sont neutres en réalité, mais peuvent devenir négatives si notre attention se relâche. Je pense au fameux Big data, source de stratégies de marketing, mais aussi de profilage, de connaissance des opinions et de la santé des personnes.
Quant à l'Open Data, il se met en place sans évaluation préalable de ses risques sur la vie privée. Et que dire de la biométrie, considérée comme normale pour accéder à une cantine scolaire, ou à un équipement sportif ? Simon Sutour a soulevé le problème de l'exploitation de données personnelles par des services secrets, en citant Prism. Qui dit que nos propres services n'en font pas autant ?
Mme Nathalie Goulet. - Secret défense !
M. Gaëtan Gorce. - Je ne veux pas noircir le tableau à l'excès mais, pour des questions politiques, philosophiques et morales, face à ces évolutions technologiques, la notion même de vie privée ne disparaît-elle pas tout bonnement ?
Mme Nathalie Goulet. - Si !
M. Gaëtan Gorce. - Le comportement même de nos concitoyens favorise le phénomène. Les réseaux sociaux, sous couvert de nous valoriser, nous poussent à en dire trop.
Cette part d'intimité qui nous constitue, ce « misérable petit tas de secrets » dont parlait Malraux, que deviennent-ils s'ils ne sont point protégés ? L'ordre public en la matière doit être rappelé. Il ne doit pas être porté atteinte à la vie privée, qu'il s'agisse de la santé, des opinions... Travaillons-y et gardons-nous des dérives comme la croyance béate en la bonté absolue de la technologie. Celle-ci doit être conforme à nos valeurs. Les données doivent être subordonnées à d'autres préoccupations. Il faut se méfier de l'économisme primaire qui annonce l'essor de notre industrie et de notre économie : madame la ministre, vous n'échappez pas tout à fait à cette tentation. Le droit et la politique doivent primer. Mettrons-nous de l'ordre dans un droit international diffus ? Les États-Unis exigent la communication de données européennes sans qu'on en sache la finalité. Je regrette que le Gouvernement soit resté si prudent dans l'affaire Snowden. Ces pratiques sont contraires à notre conception de la société et posent un problème politique de fond, indiquons le clairement aux États-Unis au moment d'engager la négociation transatlantique.
M. Jean Bizet. - Très bien !
M. Gaëtan Gorce. - J'aimerais entendre plus souvent ceci : il s'agit d'abord d'une question de société. (Applaudissements)
Mme Nathalie Goulet . - Je vais franchement casser l'ambiance. La protection des données personnelles a été abandonnée. Toutes les Cnil du monde n'y pourront rien. J'aimerais savoir comment les psychologues analysent cet objet transitionnel que nous tripotons à longueur de journée. Comment faisait-on avant ? Twitter et Facebook sont exclus de facto de la protection des données. On y voit la photo de votre domicile, on y lit la plaque d'immatriculation de la voiture, pas forcément la vôtre, garée devant. On abdique le respect de la vie privée, le secret ; l'internaute n'a plus que des droits, aucune obligation. Diffamez et il en restera toujours quelque chose, sous couvert d'anonymat. Oui, nous avons abdiqué. Je milite pour que l'adresse IP ne soit plus une donnée personnelle. La liberté des uns s'arrête là où comment celle des autres ; je regrette d'être bien seule à défendre cette cause légitime. Le droit à l'oubli ? Une loi californienne est intéressante, qui va donner aux mineurs de 18 ans le moyen d'obtenir, sur simple demande, l'effacement des données qu'ils ont pu mettre en ligne comme des photos qu'ils jugent plus tard compromettantes.
Nous sommes dans la lutte de l'obus et du blindage, dans le contexte post 11 septembre, où la peur prédomine partout, où l'on stocke les données, je doute du résultat de nos débats, pleins de bonnes intentions. C'est peine perdue, mais il vaut la peine de défendre les principes face à la technique qui, hélas, prime tout. (Applaudissements sur les bancs écologistes)
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. - Un peu pessimiste !
Mme Nathalie Goulet. - Très pessimiste !
Mme Virginie Klès . - Quatre mots, « protection des données personnelles », qui posent de nombreuses questions. Protection contre quoi ? Que sont ces données ? Que recouvrent-elles ? Notre identité sociale, civile, commerciale, bancaire, juridique ?
Les traces qu'on laisse partout ? Oui, dans quelle société voulons-nous vivre ?
Si les données personnelles désignent notre identité, quel rôle doit avoir l'État dans sa protection ? Il doit produire des documents garantis, infalsifiables, qui créent une identité de confiance. Je suis choquée que dans un magasin, on vous demande trois pièces d'identité différentes quand vous signez un chèque, faute de confiance dans ces documents. Le passeport biométrique ? Êtes-vous conscients des traces qu'il laisse partout où vous passez, pas seulement quand vous rendez aux États-Unis ? Quant au PNR, il pose beaucoup de questions, mais que font les autres pays de notre passeport biométrique français ? Le problème se pose même en Europe : les données biométriques, considérées comme sensibles en France, ne le sont pas en Allemagne. La voix n'est-elle pas devenue une donnée biométrique ? Ne peut-on fabriquer de fausses empreintes digitales ? Et des empreintes combinées avec le lacis veineux d'un doigt sont-elles encore des données biométriques ? Que fait-on face aux évolutions de la technologie ? Ne doit-on pas prendre les devants ? Nos données bancaires et patrimoniales sont-elles considérées comme sensibles ? On vient de décider de révéler celles de certaines personnes publiques... A toutes ces questions, on ne peut apporter une réponse simple.
Nos concitoyens ont-ils conscience de la valeur commerciale, financière de nos traces amalgamées en fichiers ? Ces données peuvent être transférées vers d'autres détenteurs poursuivant d'autres objectifs que ceux qui ont présidé à leur collecte, faite parfois à notre insu.
Les frontières, évidentes en principe, entre liberté et sécurité, droit et technologie, sont bien floues. Les réponses à toutes ces questions sont nécessairement complexes. Les Cnil du monde peuvent-elles tout contrôler ? En ont-elles les moyens ?
Oui, monsieur Gorce, nous avons tous droit à cette part de vie privée qui doit être respectée et protégée. Gardons le contrôle. Sachons dans quelle société nous voulons vivre. (Applaudissements)
M. Jean-Yves Leconte . - Ce débat, dédions-le à Edward Snowden, réfugié à Moscou, qui a mis en évidence la faiblesse de nos protections, l'exigence d'une gouvernance mondiale et donné conscience des limites du net.
La quantité de données stockées par l'humanité jusqu'en 2003, il ne fallut plus que deux jours pour la produire en 2011, dix minutes aujourd'hui. La capacité d'en produire a été multipliée par un million. Peut-on sérieusement garantir le droit à l'oubli ? Quand on achète sur le net, peut-on garantir le respect de son intimité ? Hélas non. C'est pourtant un droit fondamental de l'homme. Pour protéger l'individu, doit-on brider l'internet, formidable outil de communication ? Non. Internet pose le plus grand défi à la souveraineté des nations qu'ait connu l'histoire humaine. Les États doivent réinventer leur rôle, en participant à la création d'une gouvernance mondiale, seule réponse valable aux défis du monde, loin du repli sur soi, de la nostalgie, du refus de la globalisation. Si l'on tourne le dos à la réalité, on ne protège pas les citoyens, on en fait des objets de la mondialisation.
Comprenons comment les données sont conservées, transmises. Une avance technique doit être assurée par des investissements conséquents, au service de cette priorité stratégique.
Le projet de règlement européen doit être soutenu mais ne doit pas remettre en question la Cnil, institution utile, qui pilote -et c'est heureux- le G 29 des autorités de contrôle. Les réserves que celui-ci a exprimées sur le projet, nous les partageons.
Madame la ministre, pouvez-vous indiquer quelle est la position de la France à cet égard ? L'Europe doit parler d'une seule voix aux États-Unis.
La place prépondérante des États-Unis dans l'économie numérique ne durera pas. D'où l'importance de la régulation interne à l'Europe. La liberté est inscrite dans l'ADN des États-Unis, contrairement à celui d'autres puissances émergentes qui, demain, pourraient prendre le contrôle de l'économie numérique.
C'est un enjeu fondamental pour notre démocratie que d'être à la pointe de la technique pour défendre nos valeurs. (Applaudissements)
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique . - Resituons-nous dans le contexte d'une économie et d'une société qui deviennent numériques. Le numérique a dévoré le monde, il a modifié en profondeur le commerce, le tourisme et, demain, l'automobile, l'urbain, la santé aussi.
Cette grande transformation repose sur une immense masse de données, dont l'économie conditionnera notre souveraineté.
Les données personnelles ont été d'abord protégées contre l'État ; l'harmonisation européenne a déplacé le débat sur le contrôle des entreprises privées ; nous sommes dans une troisième phase car internet fait partie de notre quotidien, qui sera envahi demain par les objets connectés ; il convient de définir des règles adaptées.
La Cnil a mis en demeure le CHU de Saint-Malo, qui laissait des données de santé trop accessibles, ce qui n'est pas acceptable. Le projet de règlement européen a reçu quatre mille amendements, émanant pour la plupart de sociétés américaines. Je vous proposerai une loi sur la confiance et l'innovation dans l'économie numérique. Définissons des règles correspondant à la défense de nos valeurs. Google considère que la loi Informatique et libertés ne s'applique pas à lui. Or, 95 % des Français utilisent ce moteur de recherche sur internet.
J'entends proposer un Schengen des données personnelles. Concentrons-nous d'abord sur les transferts de données personnelles à l'extérieur, avant de nous lancer dans cette démarche protectionniste.
Construisons une industrie numérique européenne de rang mondial. C'est l'objet du prochain Conseil européen.
Le Big data, les nuages, les nouveaux usages sont lourds de menaces, certes, mais aussi riches d'opportunités pour notre économie. Nous avons besoin, dans cet esprit, d'une loi équilibrée sur l'innovation et la confiance numériques. Faisons respecter nos règles par les acteurs globaux, installés ou non en France.
Pour notre pays, pour l'Europe, reprenons la main, avec une ambition industrielle, une priorité donnée à l'éducation et la loi sur la confiance et l'innovation numériques. Les enjeux ne sont pas seulement techniques, ils sont politiques.
J'en viens aux données personnelles et à la biométrie. Le Gouvernement, sur le programme Prism, partage les préoccupations de la Cnil et entend inscrire son action dans le cadre de la loi Informatique et libertés.
L'Union européenne et la France souhaitent s'appuyer sur des données recueillies par le PNR pour lutter contre le terrorisme et le crime organisé. D'où le projet de directive à l'étude. L'article 10 du projet de loi de programmation militaire est également concerné. Le ministre de l'intérieur a rappelé combien la menace terroriste nécessite des adaptations de notre législation. Je ne doute pas que vous enrichirez ce texte.
Le Fichier national des empreintes génétiques n'autorise des prélèvements que dans le cadre de certaines infractions pénales. Madame Assassi, la participation pacifique à une manifestation n'est pas une infraction puisque c'est un droit garanti par la Constitution.
Sur le fichier automatisé des empreintes digitales, la Cour européenne des droits de l'homme a rendu une décision considérant que certaines dispositions du décret de 1987 sont contraires à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.
D'où un nouveau projet de décret en cours, qui sera prochainement examiné par la Cnil.
Je compte bien sur le soutien du Sénat dans la discussion du projet de règlement européen. Le Gouvernement estime indispensable le maintien d'un très haut degré de protection des données personnelles, indispensable à la confiance, laquelle est le fondement de la compétitivité de l'économie numérique. Je sais le Sénat en pointe sur ce sujet.
Le Gouvernement a indiqué que le projet de loi que j'ai évoqué renforcera les pouvoirs de la Cnil.
Le droit à l'oubli, évoqué par nombre d'entre vous, figure dans le projet de règlement. C'est une nécessité, même si cela soulève des polémiques, au regard de la liberté d'expression. Mais que peut faire une personne qui n'obtient pas la suppression des données par la voie légale ? (Mme Nathalie Goulet approuve) Il reviendra, à mon sens, au juge d'apprécier l'équilibre entre les deux principes. La question de la territorialité de la loi française se pose. Le cadre actuel n'est pas adapté au monde numérique, puisqu'il repose sur la localisation de l'établissement principal et des moyens de traitement. Le projet de règlement propose des solutions. Pour les données des personnes hors d'Europe, il faudra revoir le safe harbour pour s'assurer que le transfert des données de citoyens européens vers les pays tiers soit plus protecteur.
Comment harmoniser les réglementations en Europe ? Les principes de base sont partagés mais restent des divergences très fortes, qui reflètent des cultures et une histoire différentes entre la France, l'Allemagne et les pays latins, régulateurs et protecteurs, et le Royaume-Uni, l'Irlande, les Pays-Bas, plus libéraux. Le règlement risque, de fait, de réduire le niveau de protection des personnes, sous l'influence de ces derniers. Il faut donc veiller à ce que l'harmonisation ne se fasse pas par le bas.
Le sursaut, madame Morin-Desailly ? Nous travaillons à le produire, avec ce que j'ai dit sur le safe harbour mais aussi en plaidant pour que, par l'action collective, on crée des acteurs européens suffisamment puissants : la prévalence de nos valeurs ne se fera pas autrement. On retrouvera ainsi notre souveraineté. Je travaille à faire avancer l'agenda européen en ce sens.
Oui, monsieur Gorce, il faut défendre nos valeurs et notre modèle de société. D'où la nécessité d'aider les acteurs européens à acquérir une puissance de marché pour faire pièce aux acteurs actuels. La publication des données personnelles est un enjeu économique, mais pas seulement. Aux États-Unis, la publication de données de santé a permis de faire d'énormes progrès, notamment en termes d'épidémiologie, mais avec une totale anonymisation. Cette ouverture doit s'inscrire dans un cadre protecteur en apportant une garantie des données privées.
M. Gaëtan Gorce. - Quelle garantie ?
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. - Cela fait partie de la réflexion sur l'évolution de la Cnil. Il faut concilier prise en compte des avancées technologiques, comme le big data, et protection des données personnelles. L'innovation n'est pas mauvaise en soi : tout dépend de la façon dont on en use.
M. Gaëtan Gorce. - Le problème, c'est que l'on ouvre les données avant d'ouvrir le débat ; ce devrait être l'inverse.
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. - Il faut faire les deux en même temps. L'enjeu du règlement, madame Klès, est bien d'harmoniser en Europe, y compris sur les fichiers et la biométrie. Le débat mérite de se poursuivre et je suis prête à vous donner rendez-vous pour l'approfondir avec le projet de loi sur l'innovation et la confiance dans le numérique. (Applaudissements)
La séance est suspendue à 11 h 40.
présidence de M. Thierry Foucaud,vice-président
La séance reprend à 15 heures.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Agro-alimentaire en Bretagne
M. Philippe Paul . - Vendredi dernier, le tribunal de commerce de Rennes actait la fermeture de l'abattoir de la société Gad à Lampaul-Guimiliau, qui se soldera par la suppression de 889 postes, dans une commune de 2 000 habitants. Après la suppression de 1 000 emplois chez Doux et de 400 chez Marine Harvest, l'hécatombe se poursuit dans l'agro-alimentaire finistérien. Les salariés de Gad se sentent injustement laissés au bord du chemin. Au-delà de leur sort individuel, tout un territoire se sent abandonné. Je vous demande, avec le président du conseil régional un moratoire sur l'écotaxe...
M. Jean-Claude Lenoir. - Très bien !
M. Philippe Paul. - ...et, pour que l'égalité des territoires ne reste pas une belle formule, de mettre en place des contrats de site associant les acteurs publics, État, collectivités territoriales, chambres consulaires, afin de venir en aide à un bassin d'emplois sévèrement touché, comme celui du Pays de Landivisiau. Favoriserez-vous la reprise du site de Lampaul-Guimiliau par la communauté de communes du Pays de Landivisiau ? (Applaudissements)
M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire . - La Bretagne traverse une période difficile, douloureuse. Nous devons apporter des réponses aux salariés qui, vous avez raison, se sentent laissés sur le carreau. Pour répondre à l'urgence, le Premier ministre a proposé hier un pacte d'avenir pour la Bretagne, qui sera finalisé avant la fin de l'année. Le pacte comprendra le maintien à 100 % du salaire net durant un an et un accompagnement pour la reconversion. Voilà une traduction concrète de notre solidarité. Nous ne pouvons pas en rester là. Avec M. Le Foll, nous nous sommes tournés vers les entreprises du bassin d'emplois du Pays de Landivisiau pour examiner les possibilités de reclassement. Pour préparer l'avenir, enfin, nous cherchons des repreneurs et ferons appel à la BPI pour trouver des financements. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Iran
Mme Nathalie Goulet . - L'élection du président Rohani semble avoir ouvert une nouvelle page en Iran. Avec la fin du négationnisme, l'annulation de la journée antisioniste, la possibilité qui serait accordée aux inspecteurs de l'agence internationale de l'énergie atomique de procéder à des visites, le dialogue avec l'Iran semble plus constructif. Je reviens de ce pays et je puis dire sans naïveté excessive que la population semble attendre beaucoup du nouveau pouvoir. J'utilise le verbe semble à dessein car la situation reste délicate, le président iranien étant soumis à des pressions conservatrices. Quelle sera la position de la France dans le dialogue avec l'Iran ? (Applaudissements au centre)
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères . - Le changement de ton est incontestable ; nous attendons maintenant un changement sur le fond. Le Guide est toujours le même, ce qui doit nous inciter à la prudence. Des initiatives individuelles ne doivent pas venir contrecarrer la position de la France.
La France est une puissance de paix. Dans le dialogue qui s'est installé avec l'Iran, elle tiendra totalement son rôle.
Le président de la République François Hollande est d'ailleurs l'un des chefs d'État occidentaux à avoir rencontré le président iranien. Soyez assuré que nous aurons en vue, dans ce dialogue, les intérêts de notre pays et du monde. (Applaudissement sur la plupart des bancs)
Afrique du Sud
M. Jean-Louis Carrère . - Monsieur le ministre des affaires étrangères, quel bilan tirez-vous de la visite du président de la République en Afrique du Sud ? Que pensez-vous de la situation en Centrafrique ?
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères . - Je répondrai à une autre question sur la Centrafrique. Avec 58 millions d'habitants, l'Afrique du Sud est un pays extrêmement important, représenté par le « S » du sigle BRICS. A l'occasion de cette visite d'État, qui portait sur tous les aspects, Alsthom a signé le plus grand contrat jamais signé à l'extérieur. L'Afrique du Sud est l'une des composantes de l'Afrique dans sa diversité. Nous avons discuté du Mali et de la Centrafrique, le président Zuma a accepté de se rendre à la conférence de l'Élysée. On peut donc conclure que ce grand pays, qui s'est libéré de l'apartheid, est un ami de la France. (Applaudissement sur la plupart des bancs)
Naufrage de Lampedusa
Mme Kalliopi Ango Ela . - Le 3 octobre, le drame de Lampedusa -qui fit 400 victimes- est venu gonfler la longue liste des 25 000 personnes mortes durant la traversée de la Méditerranée vers « l'eldorado » européen depuis vingt ans...
M. Roger Karoutchi. - Plus vite !
Mme Kalliopi Ango Ela. - Les grandes associations des droits de l'homme s'interrogent. Frontex et Eurosur jouent-ils leur rôle ?
M. Charles Revet. - Plus que douze secondes !
Mme Kalliopi Ango Ela. - Le président de la République s'est engagé à revoir notre politique migratoire. Comment entend-il traduire concrètement cet engagement ? (Applaudissements sur les bancs écologistes et CRC ; Mme Nathalie Goulet applaudit également)
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères . - L'indignation devant ces faits atroces est partagée sur tous les bancs.
Mme Éliane Assassi. - A entendre la droite, il faut croire que non !
M. Laurent Fabius, ministre. - Les migrants ne cherchent pas à gagner l'Europe pour le plaisir. Ils sont poussés par la faim, la misère...
Mme Éliane Assassi. - ...et la guerre !
M. Laurent Fabius, ministre. - Et la politique abjecte de certains régimes comme celui d'Érythrée. Notre politique doit reposer sur l'aide au développement et la protection. Je serai moins sévère que vous sur Frontex et Eurosur. A eux de remplir leur mission de protection. L'indignation est nécessaire mais elle ne saurait remplacer l'action politique. Faisons en sorte que ces drames ne se reproduisent plus. (Applaudissements sur la plupart des bancs)
Politique économique
Mme Éliane Assassi . - Après l'expulsion de Leonarda, qu'il faut faire revenir...
M. Jean Bizet. - Sûrement pas !
Mme Éliane Assassi. - ...le choix de l'austérité, que le Gouvernement a fait, se solde par des fermetures d'entreprises en cascade. Ayez le courage de faire la politique pour laquelle vous avez été élus. Ce n'est pas le coût du travail qui plombe l'économie française mais le coût du capital !
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif . - Ne le nions pas, nous sommes confrontés à des difficultés de notre appareil productif. Nous mettons en oeuvre, pour y faire face, une stratégie d'endiguement. Nous enregistrons des échecs, mais aussi des succès. Cette semaine, nous avons sauvé Volvo Trucks à Blainville en Normandie, ainsi que Clestra, entreprise de cloisons mobiles, en Alsace. A chaque fois, quelque 400 emplois sauvés.
Mme Éliane Assassi. - Et Florange ?
M. Arnaud Montebourg, ministre. - Vous parlez du coût du travail, du coût du capital. Nous avons créé le CICE.
Mme Éliane Assassi. - Il ne fonctionne pas !
M. Arnaud Montebourg, ministre. - Il démarre en janvier ! C'est un effort sans précédent pour abaisser le coût du travail pour les entreprises : 6 % ! Nous avons également créé la BPI. Nous sommes sur le front en France comme en Europe, et nous avons l'honneur de solliciter votre soutien. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Éliane Assassi. - A voir !
Laïcité
Mme Françoise Laborde . - La laïcité est chère au groupe RDSE et aux radicaux ; elle n'est pas liberticide mais émancipatrice. La bataille judiciaire autour de la crèche Baby Loup a connu aujourd'hui un nouvel épisode ; la Cour d'appel a renvoyé son jugement au 27 novembre. Cette affaire nous interroge tous. Il serait possible, dans la République, de créer une crèche confessionnelle mais non une crèche pleinement laïque... Faut-il étendre l'obligation de neutralité religieuse aux structures privées, associatives, familiales ou d'entreprise, accueillant des enfants de moins de 3 ans ? Le président de la République a répondu oui le 28 mars dernier.
Avec mon groupe, nous préférons que ce problème soit réglé par la loi. C'est le sens d'une proposition de loi déposée par mon groupe, que le Sénat a votée le 17 janvier. L'Observatoire de la laïcité, lui, soutient qu'une circulaire interministérielle suffira ; membre de cette instance, je n'ai pas approuvé cet avis.
Monsieur le ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement ? A-t-il renoncé à légiférer pour mettre fin à cet imbroglio politico-judiciaire ? (Applaudissements sur les bancs RDSE et au centre)
M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Le président de la République a demandé à l'observatoire de la laïcité d'éclairer le Gouvernement sur l'encadrement du fait religieux dans les structures d'accueil des enfants, telles que Baby Loup. La laïcité est le fondement de notre pacte républicain. Ancrée profondément dans notre histoire, elle est trop souvent instrumentalisée.
M. Roland Courteau. - Ah oui !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. - Je remercie le président Jean-Louis Bianco et les membres de l'Observatoire de la laïcité. Pour eux, le droit actuel répond aux interrogations : l'obligation de neutralité s'impose à tous les agents du service public ; il recommande l'élaboration de chartes de la laïcité sur le modèle de celle de l'école. Dans les entreprises, l'employeur peut restreindre l'expression religieuse et le port de certains vêtements. Dans le cas de Baby Loup, il encourage, si une crèche ne souhaite pas revoir son règlement intérieur, un recours plus large à la délégation de service public. Le Gouvernement poursuit sa réflexion dans un esprit d'apaisement et de dialogue, avec le souci du respect des valeurs de la République. (Applaudissements sur les bancs socialistes et RDSE)
PAC
M. Jean Bizet . - Monsieur le ministre de l'agriculture, les négociations communautaires sur la PAC sont terminées. Ses crédits diminuent, contrairement à ce que le président de la République et vous-même avez affirmé -moins 49 milliards sur la période 2104-2020. Se pose désormais le problème de la répartition des aides directes. Rappelons que l'agriculture est d'abord productive et que sa compétitivité est un objectif en soi.
En choisissant de surdoter les 52 premiers hectares, vous déséquilibrez l'ensemble de l'agriculture française. N'opposons pas les filières et les producteurs. La baisse des concours publics nous oblige à repenser notre modèle. Monsieur le ministre, nous craignons que vos choix, uniques en Europe, finissent par faire perdre sa vocation économique au premier piler de la PAC. Ils ne répondent pas aux attentes des producteurs de lait, pas plus qu'à celles de éleveurs ; ils créent des distorsions de concurrence au détriment des céréaliers. Quelle est votre conception de l'agriculture française ? Quand allez-vous choisir la production et la compétitivité économique contre la logique de subvention ? (Applaudissements à droite)
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt . - Il faudrait savoir : aides ou subventions ?
M. Jean-Pierre Sueur. - Très bien !
M. Stéphane Le Foll, ministre. - L'Allemagne, que vous prenez souvent pour modèle, suit notre exemple et surdote elle-aussi les premiers hectares. Quelle est ma vision de l'agriculture ? Dans la Manche, les producteurs de lait sont organisés en Gaec. Si je ne surdote pas les premiers hectares en rapport avec le nombre d'agriculteurs, le risque est que l'agriculture se fasse demain sans agriculteurs... Mon projet est inverse. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
En Afrique du Sud, avec M. Fabius et le président de la République, j'ai discuté avec le directeur général de Danone Sud-Afrique, qui s'approvisionne dans des fermes de 5 000 à 10 000 vaches, à un prix supérieur au prix français ! Quand on surprime les premiers hectares, c'est pour assurer à notre agriculture à la fois compétitivité et diversité. N'opposons pas les questions liées à l'organisation agricole et la compétitivité ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Industrie
Mme Patricia Schillinger . - Notre industrie a perdu, ces dix dernières années, 740 000 emplois ; 1 300 entreprises ont disparu de notre tissu industriel depuis 2009. L'automobile comme l'habillement sont touchés par les délocalisations. Dans mon département, la liquidation de l'entreprise Virtuose, malgré un projet de reprise ambitieux et crédible, a été ordonnée par la justice commerciale, ainsi que la vente aux enchères des machines. Comment accepter le transfert de notre outil industriel et de notre savoir-faire dans des pays où les normes sociales et environnementales sont très inférieures aux nôtres, surtout à l'heure où le Made in France suscite un regain d'intérêt ?
Monsieur le ministre, face à la désindustrialisation, quelles mesures d'urgence le Gouvernement prendra-t-il pour soutenir notre industrie ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif . - La situation de l'entreprise Virtuose, un des derniers producteurs de chemises en France, est suivie avec attention par le commissaire régional au redressement productif. Plutôt que de donner sa chance au projet de reprise, le tribunal a choisi la liquidation et la dispersion des actifs après que l'AGS a été sollicité pour le paiement des salaires... J'ai demandé au procureur général de prendre en compte l'économie... Cette affaire montre que la justice commerciale demande à être réformée. (Applaudissements sur les bancs socialistes) La Chancellerie y réfléchit.
Que faisons-nous ? Conservons ce qui existe, rapatrions ce que nous avons perdu. Le mouvement de relocalisation est minoritaire mais prometteur. Produire en France, c'est un gage de qualité et de satisfaction du consommateur. Une sorte d'alliance se crée entre producteurs et consommateurs pour reconquérir l'industrie française. Créons aussi ce que nous n'avons pas. Tel est le sens des 34 plans industriels annoncés par le président de la République, dont un plan pour le textile innovant, technique, intelligent, mobilisant les acteurs privés comme la BPI et le Grand Emprunt. C'est une mobilisation nationale autour de la nouvelle France industrielle. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Autonomie
M. Yves Daudigny . - En cette période de crise, les budgets sociaux sont, à l'échelle européenne, une variable d'ajustement. A l'inverse, le Gouvernement s'attache à pérenniser la couverture des régimes de base, à sécuriser le financement des retraites, à construire l'avenir avec la stratégie nationale de santé.
M. Philippe Dallier. - Tout va bien donc !
M. Yves Daudigny. - Face au vieillissement, à la révolution de l'âge, les attentes sont très fortes -je pense à la situation des aidants ou au reste à charge en établissement. Madame la ministre, vous avez beaucoup oeuvré pour que les personnes âgées soient mieux considérées. Quels sont vos projets législatifs ? Les élus locaux sont en première ligne dans ce domaine. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie . - Moins de dix-huit mois après notre arrivée, le projet de loi si longtemps attendu a un calendrier : la concertation avec les départements s'ouvrira dès novembre, le texte sera débattu en 2014 pour s'appliquer dès le 1er janvier 2015.
Son premier volet concerne la prévention ; son deuxième, l'adaptation de notre société aux défis de la longévité -logement, aides techniques, urbanisme, déplacements du domicile à la ville. Oui, les Français aspirent à l'autonomie.
M. Didier Guillaume. - C'est vrai.
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. - L'accompagnement de la perte d'autonomie sera aussi au coeur de ce projet de loi.
Le président de la République l'avait annoncé, cette loi prendra effet en deux temps législatifs. L'accueil des personnes âgées en établissement fera l'objet du second, celui de la refondation de notre protection sociale. Nous serons au rendez-vous pour que la vie après l'activité professionnelle soit une vie à accomplir et non à occuper voire à subir. (Applaudissements sur les bancs socialiste et du RDSE)
Centrafrique
M. Jacques Legendre . - Au printemps 2013, le régime du général Bozizé s'est effondré sous les coups de la rébellion armée de la Seleka. Bangui a été pillée, les principales villes de province sont le théâtre de massacres et de viols. La communauté internationale a peu réagi. La France n'a pas voulu s'impliquer dans ce conflit interne et s'est limitée à assurer la sécurité de ses ressortissants.
Peut-on se contenter de cette posture attentiste ? L'État centrafricain a implosé et ne contrôle plus son territoire vers lequel convergent du Tchad et du Sud Soudan des groupes de pillards. Des conflits religieux éclatent, la disette menace. Ne nous y trompons pas : si la communauté internationale continue à se désintéresser de ce drame, ce territoire de 600 000 kilomètres carré et de 4,5 millions d'habitants, aux frontières des deux pays fragiles que sont le Sud Soudan et la République démocratique du Congo peut devenir le sanctuaire de tous les trafics et de tous les fanatismes. Je connais bien ce pays, où je fus coopérant jadis. Il fut l'un des premiers à rallier la France libre. Ne l'abandonnons pas à son destin. Il y a urgence.
Y rétablir la paix ne peut être la mission de la France seule, il y faut un mandat de l'ONU et la coopération de l'OUA. Quel concours, monsieur le ministre, la France entend-elle apporter au retour de la paix en Centrafrique ? (Applaudissement au centre, à droite et sur les bancs RDSE)
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères . - Il ne vous a certainement pas échappé que le président de la République, à l'assemblée générale des Nations Unies, a centré son discours sur la République centrafricaine. Dimanche dernier, accompagné de la commissaire européenne chargée des questions humanitaires, je me suis rendu à Bangui. Le A de République centrafricaine, aujourd'hui, hélas, signifie « abandon » ; 10 % de la population sont déplacés, la mortalité infantile dépasse 10 %. Hors de Bangui, le pays est ravagé par des bandes armées. Personne ne s'y intéressait.
La France, parce que c'est sa mission, a lancé l'alarme. On ne peut prétendre porter attention à l'Afrique, continent d'avenir, si l'on délaisse la République centrafricaine.
Préoccupation n°1, la sécurité. La situation est effrayante dans les provinces. Pour la première fois dans l'histoire du pays, des conflits entre chrétiens et musulmans ont éclaté, que les responsables des trois principales religions ont condamnés. La Seleka a été dissoute, il faut savoir ce que deviendront ses hommes. Les quatre pays limitrophes, -Tchad, Congo, Cameroun, Gabon- ont envoyé des troupes. La France elle-même a un contingent sur place, qu'elle envisage d'augmenter. Nous avons obtenu une résolution unanime du Conseil de sécurité des Nations Unies faisant obligation au Secrétaire général de faire rapport dans les trente jours ; une deuxième suivra, puis une troisième au printemps pour envisager une opération de maintien de la paix. La sécurité est notre première préoccupation.
La situation humanitaire est abominable. Il nous faut avancer aussi sur le front politique. Il faudra un référendum avant 2015 pour adopter la Constitution, alors que le président de la République et le Premier ministre centrafricains n'ont plus le droit de se présenter aux élections et m'ont confirmé, ainsi qu'au président Hollande, qu'ils ne le feront pas. C'est dire ce qu'il reste à accomplir. Nous agissons, sans nous substituer aux Africains, en mobilisant la communauté internationale. Bref, la France ne laissera pas tomber la République centrafricaine. (Applaudissements)
La séance, suspendue à 16 heures, reprend à 16 h 20.
Modifications à l'ordre du jour
M. le président. - Par lettre en date du 15 octobre 2013, Mme Éliane Assassi, présidente du groupe CRC, a demandé que le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Canada tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et la fortune, inscrit à l'ordre du jour du lundi 21 octobre 2013, soit examiné selon la procédure normale et non selon la procédure simplifiée.
Dans la discussion générale, le temps attribué aux orateurs des groupes politiques sera d'une heure. Le délai limite pour les inscriptions de parole est fixé, avant 17 heures, le vendredi 18 octobre.
Par ailleurs, par lettre en date du 17 octobre 2013, le Gouvernement a demandé d'intervertir l'ordre d'examen des projets de loi inscrits à l'ordre du jour de la séance du lundi 21 octobre 2013.
En conséquence, l'ordre du jour du lundi 21 octobre 2013 s'établit comme suit : à 11 heures, à 14 heures 30, le soir et, éventuellement, la nuit, projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale et projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Canada tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et la fortune.
Débat sur le marché du médicament et des produits de santé
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat sur le marché du médicament et des produits de santé.
M. Gilbert Barbier, au nom du groupe RDSE . - La France consomme trop de médicaments, et mal : hypertenseurs, anxiolytiques notamment. Cela pourrait être l'indicateur d'une bonne prise en charge des patients. Hélas, il n'en est rien. Les prescriptions sans justification, voire contradictoires, sont particulièrement prévalentes chez les personnes vulnérables, à commencer par les personnes âgées. Les octogénaires ne consommeraient pas moins de dix médicaments par jour. L'impact sanitaire et économique de cette situation est sévère : 100 000 personnes hospitalisées pour une pathologie iatrogène et un coût global de 10 milliards d'euros pour l'assurance maladie.
Pourquoi cette exception française ? A cause de l'organisation de notre système de soins et de notre structure de prescription et de remboursement. De l'Igas à la Cour des comptes, en passant par mon rapport sur le médicament, de 2006, tout le monde en est d'accord et le dit depuis des années. Bien sûr, les choses ont changé depuis la révélation du scandale du Mediator. Nous devons pourtant faire le point parce que nos concitoyens, après cette affaire, celle des prothèses PIP et des anticoagulants, se demandent à qui ils peuvent faire confiance.
L'adage « primum non nocere » retrouve une nouvelle jeunesse. Aujourd'hui, il est de bon ton de critiquer le médecin qui veut toujours prescrire, les agences trop peu indépendantes, voire les patients toujours avides de consommer. On entend même se développer de douteux discours sur des produits dont les bienfaits sont pourtant reconnus.
Peut-être suis-je, de manière plus épidermique, agacé par le lobby anti-vaccin -particulièrement présent en France-, étant élu de la ville de Pasteur quand j'entends insinuer que le chien qui a mordu le petit Joseph Meister n'avait peut-être pas la rage... Pourchassons les charlatans et les adeptes des thérapies déviationnistes que le rapport de M. Mézard a mis au jour. Il faut être sans pitié pour les fraudeurs et les usurpateurs, et que les autorités sanitaires fassent preuve de réactivité. Trop souvent, elles tardent à énoncer les bons usages, à démentir ou à interdire. Ce qui ne peut qu'inquiéter les patients.
Voyez ce qui s'est passé pour le diabète de type II et les anticoagulants oraux. Après avoir publié son Guide des 4 000 médicaments utiles et inutiles, le professeur Even, dans La vérité sur le cholestérol, dénonce l'usage des statines, provoquant une vive polémique, et la réponse d'une dizaine de sociétés savantes qu'il a, par avance, discréditées après avoir écrit que les cardiologues sont convaincus par la berceuse que leur dispensent les firmes pharmaceutiques au fil des congrès où elles les transportent par charters entiers....
Difficile pour les patients de s'y retrouver : ils prennent leurs cachets et, pendant ce temps-là, les autorités sanitaires restent discrètes.
Je passerai sur la pilule de troisième génération pour citer l'autre exemple éclairant des coupe-faim. Quelle cacophonie !
Mme Nathalie Goulet. - Ah !
M. Gilbert Barbier, au nom du groupe RDSE. - Ne vous méprenez pas, je ne mets pas en cause les autorités sanitaires ; je regrette simplement qu'on n'ait pas profité de l'affaire Mediator pour revoir notre architecture institutionnelle. Nous avons une Agence nationale de sécurité du médicament qui garantit la sécurité du produit de santé depuis l'autorisation de mise sur le marché jusqu'à la surveillance, une Haute autorité de santé qui évalue les médicaments au vu du service médical rendu en vue du remboursement, un Comité économique des produits de santé qui négocie le prix du médicament avec les industriels et, enfin, l'Uncam qui évalue le remboursement, sachant que le ministre décide en dernière instance. Si je ne dénonce pas, comme l'avait fait le professeur Escande en 1998, un système géré par des technocrates qui, même s'ils sont médecins, ne sont jamais au chevet d'un malade, je déplore sa complexité, la dilution des responsabilités et des réactions tardives et peu lisibles. Le rapport Grall va dans le même sens. Mieux vaudrait, par exemple, comme je le préconise depuis 2006, une haute autorité de santé recentrée sur ses missions globales, sans s'occuper de l'évaluation de l'efficacité et de la sécurité des médicaments. Je ne nie pas qu'il y ait des avancées : depuis le 25 septembre, la Haute autorité de santé a reçu sa feuille de route, selon la formule à la mode.
L'augmentation des missions de l'Agence de sécurité des médicaments impose qu'on accroisse ses moyens.
En ce qui concerne la valeur ajoutée thérapeutique, un médicament ne peut être un peu mieux que rien. Il faut en convaincre nos partenaires européens.
Ma dernière exigence concerne la délivrance d'informations claires aux professionnels et aux patients.
Madame la ministre, merci de nous éclaire sur tous ces points.
Mme Nathalie Goulet . - Je ne suis pas médecin ni expert mais, comme tout un chacun, une malade en puissance. « Les antibiotiques, ce n'est pas automatique », soit. Cependant, un Français n'a pas le sentiment de se soigner s'il ne prend pas de médicaments. Ce n'est un secret pour personne ; on prescrit trop : 100 000 tonnes de médicaments achetés en France, dont un quart termine à la poubelle. Un coût de 40 milliards d'euros annuel, à comparer au déficit de la sécurité sociale qui est de 81 milliards d'euros.
Si le Sénat avait le bonheur de discuter de la deuxième partie du PLFSS, j'insisterais, pour ma part, sur la prévention. Eh oui ! La prévention a des vertus qu'on ne peut ignorer dans la lutte contre l'obésité, pandémie qui touche un milliard d'hommes qui creusent leur tombe avec leur fourchette. Pensez que 50 % des praticiens qui prescrivent des médicaments contre le cholestérol n'ont jamais mis leurs patients au régime et ne leur ont jamais demandé de faire du sport ! Quelle sera la place de la prévention dans la prochaine loi de santé publique annoncée pour 2014 ? L'organisation de notre système du médicament a été dénoncée lors de l'affaire du Mediator qui, à dire vrai, n'était qu'une redite de l'affaire du Vioxx en 2006. Il s'est ensuivi un texte qui a révisé notre architecture sanitaire dans le bon sens. Le projet de loi Sauvé, sur la prévention des conflits d'intérêt, n'a pas abouti, c'est dommage. J'avais déposé des amendements au projet de loi sur la transparence de la vie publique, que notre Haute assemblée n'a -hélas- pas adopté. Allez-vous, madame la ministre, reprendre les dispositions sur le conflit d'intérêt dans la prochaine loi de santé publique ?
Concernant les baisses de prix du médicament, on a enregistré une diminution, en 2012, de 0,8 %, qui n'est pas négligeable.
Le ministère travaille sur le conditionnement des médicaments à l'unité, qui fonctionne bien aux États-Unis, dans un système très différent, comme en Suède. Encore une fois, j'espère avec force que le Sénat discutera de la deuxième partie du PLFSS. Venant d'un département touché par l'amiante, vice-présidente de la mission commune d'information sur le Mediator, je défends l'action de groupe en matière de santé. Il est plus que temps de mettre à l'ordre du jour l'excellente proposition de loi du groupe RDSE, qui porte le n°484. Pour conclure, le médicament regarde tout le monde, y compris les modestes membres de la commission des affaires étrangères dont je suis. Je soutiens votre politique, qui me semble frappée au coin du bon sens !
Mme Laurence Cohen . - Après les nombreux rapports produits par notre Haute assemblée, nous débattons aujourd'hui du marché du médicament. Le choix des mots n'est pas anodin : le médicament est un marché, et fort juteux. Mme Véronique Vasseur, médecin chef de l'hôpital Saint-Antoine, l'a dénoncé récemment. Quelques chiffres. En 2012, le marché mondial du médicament représentait 856 milliards de dollars de chiffre d'affaires, contre 200 milliards en 1990. La France est le deuxième marché européen derrière l'Allemagne.
Sanofi enregistre des milliards de bénéfices, et supprime des milliers d'emplois. Vous le savez, notre groupe défend l'interdiction des licenciements boursiers. La financiarisation doit céder la place à la recherche, à la production et à la distribution de médicaments et de vaccins. Nous prônons la création d'un pôle public du médicament, qui est un bien commun universel. La puissance publique doit reprendre la main.
Lors de l'examen du projet de loi sur la sécurité sanitaire du médicament, en 2011, la gauche -et Mme Pasquet en tête- s'était battue pour introduire le principe de responsabilité sans faute du fabricant de médicaments dans un article 17.En transposant la directive sur la responsabilité du fait des produits défectueux, le gouvernement de l'époque avait choisi d'introduire une exonération de cette responsabilité, alors qu'il n'y était pas obligé. De ce fait, les victimes ne peuvent être indemnisées. D'où l'initiative du Sénat, que la majorité de droite de l'Assemblée nationale annula ensuite.
Les nombreux scandales sanitaires, du distilbène aux pilules de quatrième génération, doivent nous inciter à retenir ce principe de responsabilité sans faute. Madame la ministre, l'inscrirez-vous dans votre loi ?
M. Yves Daudigny . - Je remercie le groupe RDSE d'avoir proposé ce débat, particulièrement opportun avant l'examen du PLFSS.
La consommation de médicaments représente 525 euros par habitant et par an. Pour la première fois, la valeur remboursable a reculé en 2012. Le volume et le prix des médicaments consommés en France sont plus élevés qu'ailleurs. Nous nous situons au sixième rang mondial, bien au-dessus de la moyenne de l'OCDE.
Madame la ministre, restons attentifs à l'évolution des dépenses liées aux dispositifs médicaux.
J'ai déposé un rapport relatif au médicament générique. Les personnes âgées de 75 ans ou plus consomment en moyenne sept molécules médicamenteuses minimum, pour une dépense moyenne de 940 euros par an. Nous faisons face à un problème de comportement des prescripteurs et des patients. Les médicaments ne sont pas anodins. Nous devons, au nom de la santé publique, en améliorer le bon usage. C'est pourquoi j'ai proposé de nouvelles campagnes de communication. Celles sur les antibiotiques ont eu un effet réel sur la consommation. Il faut agir dès la prescription.
Il s'agit de moins prescrire et de mieux prescrire. Les visiteurs médicaux orientent les prescripteurs vers les médicaments nouveaux et onéreux. Les génériques, qui sont des médicaments comme les autres, ont une marge de progression importante. Les statines sont un cas d'école : la seule molécule non génériquée est la plus prescrite en France !
Les résultats thérapeutiques ne sont pas meilleurs dans notre pays. J'ai cité, dans mon rapport sur la MEC, « un péché originel » : la France a choisi de fonder le développement des génériques sur la substitution. Ce dispositif mine la confiance des patients envers le praticien.
M. Philippe Leroy. - Très bien.
M. Yves Daudigny. - Le coût moyen des traitements est anormalement élevé en France, en raison des prescriptions hospitalières fournies à bas coût et qui orientent ensuite la consommation en ville.
La nouvelle convention entre assurance maladie et pharmacies, en 2012, prévoit la modification du mode de rémunération des pharmaciens mais les négociations n'avancent guère : comptez-vous les accélérer ?
La production de médicaments se mondialise. Il faut contrôler les médicaments et leurs matières premières : pourquoi ne pas mutualiser les contrôles avec nos partenaires européens pour multiplier les inspections en Inde et en Chine ?
Ne pouvait-on mutualiser les efforts de contrôle, pour multiplier les inspecteurs en Inde et en Chine ?
La maîtrise des dépenses d'assurance maladie repose sur les patients. Ce système atteint ses limites, s'il n'est pas relayé de manière structurelle par des appels à changer les comportements. Avançons vers de telles réponses structurelles, madame la ministre. (Applaudissements)
Mme Françoise Laborde . - L'affaire du Furosémide, fondée sur une erreur rarissime de conditionnement, a relancé la suspicion à l'encontre du générique. Son marché s'essouffle en France après avoir connu une forte croissance. Les pouvoirs publics se sont appuyés sur les pharmacies d'officine, auxquelles ont été octroyés des droits de substitution. En Haute-Garonne, les résultats sont encourageants.
La Cpam 31 a lancé une nouvelle campagne de communication axée sur le coût, moins cher. Mais gare à ne pas entretenir une polémique sur des médicaments qui seraient low cost. Il faut un maximum de transparence et d'information pour assurer à la population que les génériques ne sont pas des médicaments au rabais.
Depuis le 12 juillet 2013, les pharmacies françaises peuvent commercialiser sur internet 4 000 médicaments sans ordonnance. Il semble que la mise en oeuvre de cette disposition soit confuse. Des sites illégaux ont été créés. Des produits contrefaits ou interdits en France circulent. Le ministère doit faire preuve de la plus grande vigilance. La contraception d'urgence peut-être être vendue sur Internet ? Le risque n'est pas mince, ne serait-ce que de retard de livraison.
Le détournement de certains médicaments, comme le Subutex, me préoccupe. Prescrit avec succès sur ordonnance sécurisée dans le traitement substitutif des pharmacodépendances majeures aux opiacés, ce médicament est aussi utilisé par certains dans un but qui est loin d'être thérapeutique.
Le Parlement européen semble devoir refuser que la cigarette électronique soit considérée comme un médicament. Quelle est votre position ? (Applaudissements sur les bancs RDSE)
Mme Aline Archimbaud . - Je remercie le groupe RDSE pour ce débat. Aux États-Unis et en Europe, les résultats de plus de la moitié des essais cliniques ne sont jamais publiés. Une étude a quatre fois plus de chances d'être publiée lorsqu'elle confirme l'hypothèse initiale. Au nom du secret commercial, certaines firmes s'arrogent abusivement le droit de ne pas publier certains résultats. A l'inverse, elles multiplient volontiers les publications d'études favorables. C'est ainsi que les firmes gèrent la recherche ! Parfois, elles recourent à l'intimidation, voire à la neutralisation de chercheurs indépendants.
Trop d'autorisations de mise sur le marché se fondent uniquement sur des essais cliniques réalisés en comparaison avec les placebos et non avec le traitement de référence, au mépris de l'éthique.
Trop souvent, les firmes s'opposent à l'accès des chercheurs et des agences à des données, en raison de leur supposée confidentialité. Nous attendons une recherche plus indépendante et libérée des contraintes commerciales.
Les eurodéputés de la commission de l'environnement ont adopté un rapport tendant à renforcer les exigences de transparence. S'ils sont suivis en séance plénière, le nouveau règlement européen sera un progrès. A l'heure où il est beaucoup question de transparence, j'espère que la France la défendra sur son sol.
Mme Nathalie Goulet. - Très bien !
M. Philippe Leroy . - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Alain Milon, dont mon intervention reflétera, en grande partie, le point de vue. Après m'être réjoui de la qualité du débat, je veux rappeler, après d'autres, que les Français sont de gros consommateurs de médicaments, pour 500 euros en moyenne chaque année. Les entreprises du médicament emploient quelque 100 000 personnes. N'attaquons pas ce secteur d'excellence. Associons plutôt l'ensemble des professionnels de santé à la sécurité sanitaire.
L'affaire du Mediator a conduit à renforcer notre arsenal législatif, avec la loi Bertrand de 2011. La quasi-totalité de ses décrets d'application ayant été pris, nous pouvons en tirer un bilan. Ses trois objectifs, la lutte contre le conflit d'intérêt, l'aménagement de notre paysage institutionnel et la consolidation de nos mécanismes de contrôle, ont été atteints. Avec un Sunshine Act à la française, nous avons clarifié les liens entre l'industrie du médicament et les professionnels de santé. L'agence nationale de sécurité du médicament doit absolument coopérer avec l'agence européenne et les ARS. Les autorisations de mise sur le marché sont désormais réévaluées tous les cinq ans. Depuis 2011, elles ont été reconsidérées pour 58 médicaments. Comment, madame la ministre, améliorer l'information du Parlement sur les programmes de réévaluation ?
Soyons vigilants afin que ne se reproduise pas le drame du Mediator, prescrit à 70 % hors autorisation de mise sur le marché en 2008. Comment renforcer les contrôles sur les prescriptions hors autorisation de mise sur le marché ?
La surconsommation, inutile, coûte cher à la sécurité sociale. La France est l'un des pays où la prescription est la plus forte. Sensibilisons les Français à un usage modéré.
Il est tout de même problématique qu'un pharmacien puisse délivrer un autre médicament que celui prescrit par le médecin. D'autant que, placé sous contrôle de l'agence du médicament, il est soumis à des sanctions. Les logiques économiques propres au marché du médicament sont de plus en plus complexes. Il serait utile qu'une plus grande transparence règne dans ce business. Je m'étonne de l'ampleur de la responsabilité laissée aux pharmaciens, qui soulève des questions éthiques. A qui se fier ? La comparaison entre un médicament et son générique ne garantit pas toujours une similitude absolue.
Qu'est-ce, au juste, que la « bioéquivalence » ? Cette incertitude n'a rien de rassurant pour le patient. Il existe un décalage sérieux entre la composition chimique d'un médicament et celle de son générique. Les différences avec le princeps peuvent porter sur les substances actives et sur les excipients. Les expertises devraient être multipliées. Un médicament princeps suscite parfois quelques dizaines de génériques. Pour quelle nécessité ? Cela ne semble guère sérieux. Je ne mets pas en doute la nécessité de faire des économies, encore faut-il s'entourer d'un maximum de garanties.
Quant à la vente en ligne de médicaments, elle envoie un mauvais signal. Les ventes sur internet nécessitent un encadrement strict. Quelles sont les mesures prises en ce sens par le Gouvernement ?
Les logiciels d'aide à la prescription destinés aux médecins doivent être aussi encadrés.
Les PLFSS se traduisent par de l'instabilité fiscale pour l'industrie pharmaceutique mais nous y reviendrons bientôt.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé . - Je salue à mon tour l'initiative de M. Barbier. Le médicament préoccupe beaucoup les Français. C'est l'occasion de dresser un bilan. La question centrale est celle de la confiance, ébranlée par des crises sanitaires successives qui renvoient, au reste, à des situations bien différentes. Celle du Mediator ne peut servir d'unique grille de lecture. La responsabilité des pouvoirs publics est de garantir la sécurité, la transparence, l'accès aux produits innovants.
Madame Goulet, la question de la prévention trouvera toute sa place dans le projet de loi de santé publique que je vous présenterai l'an prochain, en lien avec l'organisation de notre système de soins. Il faut aller plus loin que la loi de décembre 2011.
L'an dernier, nous avons affronté plus de 170 ruptures de stocks de médicaments dits indispensables. C'est anormal. J'ai pris des décisions pour sécuriser l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement. J'ai instauré un comité de pilotage interdisciplinaire afin de lutter efficacement contre les ruptures de stocks, ce qui impliquera des mesures législatives mais aussi des dispositifs d'alerte européens. Grâce à nos liens avec l'Italie, nous avons pu pallier certaines carences.
La traçabilité des matières premières suppose des contrôles renforcés, quand plus de 80 % d'entre elles viennent de pays extérieurs à l'Union européenne. Cela suppose un effort européen. La France est le seul État membre à y consacrer une équipe d'inspecteurs.
L'achat en ligne est de plus en plus utilisé. Il doit effectivement être régulé et contrôlé. On ne peut admettre que circulent facilement des produits contrefaits ou falsifiés. J'ai mis en place des garde-fous, en m'appuyant sur notre réseau d'officines, en ajoutant des règles à celles de la directive européenne. Les médicaments ne doivent être achetés qu'à des sites labellisés par le ministère, adossés à une pharmacie physique. Les actions en justice sont engagées contre les contrevenants.
Ratifions la convention internationale, renforçons les mécanismes de vigilance, vérifions que les médicaments consommés le sont à bon escient. L'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) effectue des réévaluations périodiques des produits anciens. Elle a retiré le Diane 35 et réévalué 110 médicaments. Il y a eu 11 suspensions de commercialisation. J'ai demandé un plan de réorganisation de la pharmacovigilance, afin de mettre en place un système plus simple -d'abord pour les professionnels de santé- et plus réactif, dès l'an prochain, fondé sur l'utilisation réelle des produits de santé, laquelle peut dépasser le cadre de l'autorisation de mise sur le marché.
Je faciliterai l'accès sécurisé aux bases de données. Les dispositifs médicaux, notamment implantables, seront également concernés par le renforcement de notre dispositif de vigilance. Cela ne va pas de soi au niveau européen. J'instaurerai la traçabilité des dispositifs médicaux. Le paysage institutionnel doit être rendu plus lisible et plus réactif.
Deuxième pilier de ma politique, le bon usage des produits et leur juste prescription au meilleur prix.
Les Français consomment, encore et toujours, trop de médicaments ; c'est une de nos caractéristiques. De même que les professionnels de santé ont tendance à prescrire le dernier médicament mis sur le marché, même lorsque sa nouveauté n'apporte rien au patient. Cela a un coût significatif pour la sécurité sociale. La règle doit être claire : il faut, au moment de la prescription, tenir compte du service médical rendu et du prix.
Cela m'amène au générique, qui n'est pas un médicament low cost. Voilà bien un débat franco-français. Toutes les règles concernant les génériques sont internationales ! Que le pharmacien joue un grand rôle de par son pouvoir de substitution du médicament ne signifie en rien, monsieur Leroy, qu'il se confondrait avec le médecin. Nous avons tous vu des pharmaciens appeler le médecin pour demander conseil ou précision. J'ajoute qu'à la différence des pharmaciens, les médecins raisonnent selon la marque et non selon les molécules, ce qui les amène à prescrire souvent le princeps. S'ils y tiennent, ils peuvent préciser sur l'ordonnance que le médicament indiqué est non substituable.
Troisième pilier de notre politique, une information fiable, gratuite et transparente sur le médicament. Notre base www.medicaments.gouv.fr rencontre un grand succès quinze jours après son lancement. Elle préfigure le grand service public d'information en santé. L'accès à l'information pour tous, c'est aussi la transparence sur les essais cliniques. La France défend cette position à Bruxelles.
Je confirme à Mme Goulet que l'action de groupe trouvera sa place dans la loi de santé publique que je présenterai en 2014.
Quatrième pilier, la transparence de la décision publique. Le décret Sunshine Act va plus loin que ce qui était prévu : tous les avantages devront être publiés sur un site qui ouvrira en avril 2014 et pour lequel la collecte des informations débutera dans quelques semaines.
Enfin, une politique du médicament passe aussi par le soutien à l'innovation, n'oublions pas notre industrie pharmaceutique. Je veux dire la volonté qui est la mienne et celle du Gouvernement de défendre et valoriser l'innovation. Elle n'est en rien contradictoire avec notre ambition de mieux réguler et contrôler le médicament. Merci de votre soutien. (Applaudissements)
Indépendance de l'audiovisuel public (Conclusions des CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les conclusions des CMP sur le projet de loi et le projet de loi organique relatifs à l'indépendance de l'audiovisuel public.
Discussion générale commune
M. David Assouline, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire . - Ce texte comporte des avancées considérables : la nomination des principaux responsables de l'audiovisuel public par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, et non par le président de la République comme cela se faisait depuis 2009. En outre, le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel sera nommé après un avis conforme des commissions compétentes des deux assemblées, aux trois cinquièmes des suffrages exprimés. On galvaude parfois le mot d'indépendance, ce sera une réalité pour le CSA ; il sera doté d'un rapporteur indépendant en vertu du principe de séparation des fonctions de poursuite, d'instruction et de jugement.
L'Assemblée nationale s'est pleinement saisie de ce texte : il comportait 10 articles initialement, 20 après son passage au Palais Bourbon. Le Sénat n'est pas demeuré en reste : le projet compte désormais 38 articles. Nous avons apporté des améliorations, parfois techniques mais importantes, à mettre au crédit de tous les groupes politiques. Nous avons ainsi encadré le passage d'une chaîne de la TNT payante à la TNT gratuite et précisé l'étendue des pouvoirs du CSA.
Je remercie la présidente Blandin de son soutien et tous mes collègues qui ont travaillé de façon constructive à ce texte fondateur. Je me réjouis du succès de la CMP : deux tiers des articles restant en discussion ont été adoptés dans la rédaction du Sénat.
La gauche peut être fière de ce texte assurant l'indépendance de l'audiovisuel public et pourra l'être longtemps. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et RDSE ; Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture, applaudit aussi)
Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication . - Je remercie chaleureusement le Sénat de son travail sur ce texte majeur et symbolique puisqu'il a conforté et renforcé rien de moins que l'indépendance de l'audiovisuel public.
Indépendance, impartialité, lucidité et modernité ; ces quatre mots-clés résument les acquis de ce texte. Indépendance car les responsables de l'audiovisuel public seront désormais nommés par le CSA, dont l'indépendance est parallèlement confortée, avec la nomination de ses membres après avis conforme aux trois cinquièmes des deux commissions de la culture de l'Assemblée nationale et du Sénat -ce mode désignation est une première.
Impartialité car les membres du CSA seront désormais nommés sur leurs qualifications. Les règles relatives aux incompatibilités ont été améliorées et les modalités de communication du collège clarifiées. La parité sera assurée au sein du collège.
Lucidité puisque, grâce au maintien de la publicité en journée sur France Télévision, nous donnons de la visibilité au groupe en évitant d'accentuer la pression financière. Le CSA, de son côté, sera attentif aux évolutions économiques ; toute décision autorisant de nouveaux services nationaux susceptibles d'affecter de façon importante le marché sera précédée d'une étude d'impact.
Modernité, enfin, avec l'enregistrement des déclarations concernant les services de diffusion audiovisuelle à la demande (Smad). Le CSA pourra en outre autoriser le passage des chaînes de la TNT du modèle payant au modèle gratuit sans passer par la procédure d'appel d?offres. Le Sénat a voulu encadrer ce dispositif pour garantir le pluralisme et les équilibres publicitaires, la CMP a eu raison de le suivre.
Certains débats techniques doivent se poursuivre. Nous comptons sur le Sénat pour faire de notre audiovisuel public un espace d'indépendance, de création et de développement. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et RDSE, Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture, applaudit aussi)
M. Pierre Laurent . - Ironie du calendrier, quand notre CMP se réunissait mardi dernier, le comité central d'entreprises de France Télévision annonçait un plan de départs volontaires de 361 postes, qui touche au coeur de l'activité avec la suppression de 90 postes de journalistes. Le personnel de l'entreprise reçoit notre entier soutien.
Cette crise conforte notre analyse : en ne procédant pas à un examen complet des déséquilibres du paysage audiovisuel, cette loi ne soustrait nullement l'audiovisuel public aux influences politiques et financières.
Nous ne contestons ni le maintien de la publicité en journée sur France Télévision, seule perspective de financement en ces temps difficiles, ni la remise en cause du fait du prince que constituait la nomination des responsables par le président de la République. Pour autant, on affiche les symboles de l'indépendance sans la garantir. Rien ne sera consolidé tant que l'on ne reviendra pas sur la réforme de 2009. Je rappelle que le contrat d'objectifs et de moyens prévoit une diminution de 42 millions d'euros des concours de l'État d'ici 2015. Seul point positif côté financier, la possibilité pour France Télévision de passer des accords de coproduction et l'évolution des rapports entre producteurs et diffuseurs, dans la ligne du rapport Plancade. Malheureusement, nos propositions sur les autres sources de financement possibles pour l'audiovisuel public.
Enfin, comment parler d'indépendance de l'audiovisuel public sans mettre en place des dispositifs anti-concentration ? Le groupe socialiste du Sénat ne disait pas autre chose en 2009.
Au total, ce texte, s'il compte des avancées réelles, reste trop timide. Nous attendons toujours le grand texte dont le service public a besoin ! (Applaudissements sur les bancs CRC)
Mme Françoise Laborde . - Au nom de mon groupe, je veux d'abord déplorer le recours à la procédure accélérée...
Aucun texte de loi ne garantira jamais l'indépendance réelle de l'audiovisuel public, pas de mauvais procès donc. La nomination des principaux responsables de l'audiovisuel public par le CSA de même que la nomination des membres du CSA après avis conforme aux trois cinquièmes des commissions compétentes des deux chambres sont des mesures consensuelles. J'en profite pour dire que le RDSE appelle à une réforme constitutionnelle pour que cette procédure vaille pour toutes les nominations effectuées par le président de la République.
Nous avons trop peu parlé de l'excellent article 6 decies A, inspiré par notre collègue Plancade, qui autorise France Télévision à détenir des parts de coproduction dans les oeuvres dont elle finance une part substantielle. Mais l'indépendance financière de l'audiovisuel public est loin d'être acquise ; le RDSE attend d'autres avancées. Le travail doit se poursuivre.
Pour conclure, le travail en CMP a prouvé les méfaits de la procédure accélérée. Il a fallu revenir sur le passage de la TNT payante à la TNT gratuite et le pouvoir de conciliation du CSA entre chaînes et producteurs.
Le groupe RDSE, dans sa grande majorité, votera les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
M. André Gattolin . - Le groupe écologiste se réjouit de ce texte très proche de celui qu'avait voté le Sénat. Je veux témoigner de la grande solidarité des sénateurs de tous les groupes et de l'esprit constructif de nos collègues de l'opposition...
M. Jacques Legendre. - Merci.
M. André Gattolin. - ...qui a permis de valider plusieurs amendements du groupe écologiste, à notre grande satisfaction. Notre vote positif ne sera donc pas une surprise.
Le nouveau mode de nomination des présidents de l'audiovisuel public et le renforcement de l'indépendance du CSA sont de très bonnes nouvelles pour notre démocratie. Les exigences de transparence et de bonne gestion de l'audiovisuel public ont été renforcées ; je souligne en particulier les nouvelles obligations en matière de contrôle ou l'introduction d'une procédure de tuilage.
Enfin, pas d'indépendance sans ressources pérennes. Cela passe par le relèvement de la contribution à l'audiovisuel public mais surtout par le développement des ressources propres, auquel la possibilité de détenir des parts de coproduction contribuera. Je regrette cependant le rejet de l'instauration d'une lettre de mission fixant les attentes de l'État actionnaire -un cadre pérenne sur des questions telles que les publics visés, la vocation généraliste des offres de programme ou le périmètre des sociétés. Pareille clarification paraît nécessaire au regard des dérives financières révélées cette semaine par Le Canard Enchaîné ou de la dégradation du climat social à France Télévisions.
L'indépendance, synonyme de responsabilité accrue, devra être confortée lors du prochain projet de loi sur l'audiovisuel public. (M. David Assouline, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires, et Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture, applaudissent)
M. Jacques Legendre . - Nous voici arrivés au terme de ce débat. Pour avoir participé à la CMP, j'ai constaté combien ce texte aurait mérité des discussions plus longues, s'il n'était pas tombé sous le couperet de la procédure accélérée. Nous avons eu droit à une seule lecture par chambre. Le Sénat n'a guère eu le temps de procéder à toutes les auditions nécessaires.
M. David Assouline, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires. - Oh si !
M. Jacques Legendre. - Nous avons autorisé le retour sur investissement via la coproduction pour France Télévision aux articles 2 bis, 6 octies A et B. Nous y sommes favorables sur le principe, non sur la forme. Il eût été plus sage d'attendre que M. Laurent Vallet soumette ses conclusions et la loi de 2014 pour introduire ces dispositions.
Mesure la plus symbolique du texte, la nomination des présidents de sociétés nationales de programme par le CSA. Au vrai, ce n'est qu'un retour à la législation de 1982. Curieux paradoxe, le président du CSA, lui, reste nommé par le président de la République. Il eût été plus raisonnable de laisser les membres du CSA choisir leur président en leur sein. De reste, l'affaire de la nomination du président de l'institut national de l'audiovisuel montre que les divergences sont vives au sein de la majorité sur ces procédures.
Ce texte, présenté comme une grande avancée démocratique, ne propose qu'une apparence d'indépendance. Celle-ci tiendra avant tout à la volonté des présidents de sociétés de programme de faire entendre leur voix.
Si des avancées sont à souligner, comme le dispositif de tuilage imaginé par les écologistes, nous déplorons que France 24, chère à Louis Duvernois, ne soit toujours pas diffusée sur notre territoire. Nous devions y revenir dans la loi de 2014. Le groupe UMP, vous l'avez compris, ne votera pas ce texte.
La discussion générale commune est close.
Vote sur le texte proposé par la CMP pour le projet de loi
M. Jean-Étienne Antoinette. - Je me félicite de ce texte et des apports adoptés à l'initiative du groupe socialiste. La parité hommes-femmes au sein du CSA et des conseils d'administration, la disparition de la commission du dividende numérique ou encore l'obligation pour le CSA de procéder à une étude d'impact en cas de décision susceptible de modifier les équilibres du marché sont des avancées, au-delà des dispositions garantissant l'indépendance de l'audiovisuel public.
Je veux aussi souligner la qualité du travail de notre rapporteur David Assouline, notamment sur l'encadrement du passage de la TNT payante à la TNT gratuite, le droit de regard sur les différends concernant les Smad ou la mission de conciliation du CSA.
Madame la ministre, je suis heureux de voter ce texte qui assurera le respect d'un principe constitutionnel, l'indépendance des médias. Je suis heureux de voter ce texte qui apportera, même s'il reste du chemin à faire, les financements nécessaires à l'audiovisuel public qui s'était paupérisé depuis 2009 -mais il faudra trouver d'autres sources pérennes de financement. Le groupe socialiste apportera tous ces suffrages.
L'ensemble du projet de loi est adopté.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. - En dépit de la procédure accélérée, contre laquelle je m'élève à mon tour, nos deux assemblées ont travaillé en bonne intelligence. Nous le devons à notre rapporteur, qui s'est montré acharné et a su consolider les intelligents dispositifs proposés par les parlementaires, dont celui proposé par le RDSE sur la coproduction. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et RDSE)
Vote sur le texte proposé par la CMP pour le projet de loi organique
L'ensemble du projet de loi organique est mis aux voix par scrutin public de droit.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Pour l'adoption | 175 |
Contre | 137 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
Mme Aurélie Filippetti, ministre. - Je remercie le rapporteur, qui a fait un travail remarquable, et tous ceux qui ont participé à ce travail.
La séance est suspendue à 19 h 10.
présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente
La séance reprend à 21 h 30.
Nouvelle-Calédonie (Conclusions des CMP)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions des commissions mixtes paritaires chargées d'élaborer les textes sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique portant actualisation de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et du projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer.
Discussion générale commune
Mme Catherine Tasca, rapporteure pour le Sénat des commissions mixtes paritaires . - La CMP est parvenue à un texte commun sur le projet de loi organique et le projet de loi relatifs à la Nouvelle-Calédonie et aux outre-mer. La procédure a été marquée par la sérénité, preuve que la question calédonienne fait consensus dans la classe politique. Il y eut unanimité au Sénat, à l'Assemblée nationale et en CMP. Je salue la mémoire de notre regretté collègue Dick Ukeiwé, qui s'est éteint le 3 septembre.
Le 24 janvier 1985, il interpellait à cette tribune le gouvernement de l'époque pour dénoncer l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie. Quelques mois plus tard, les accords de Matignon, puis ceux de Nouméa apportaient enfin un statut à l'île.
Le consensus s'est fait sur ce texte entre nos deux chambres. L'Assemblée nationale s'est contentée de prolonger notre logique, en confortant l'indépendance des autorités administratives indépendantes (AAI) de Nouvelle-Calédonie, en précisant le régime des incompatibilités. Nous ne pouvons qu'y souscrire. La compétence donnée à la Nouvelle-Calédonie de créer des AAI permettra d'instituer une autorité de la concurrence et donnera sa pleine mesure à la loi récemment adoptée par le Congrès calédonien pour lutter contre l'envolée des prix.
Un point de divergence : les modalités de jugement civil à la suite d'un procès pénal quand les deux parties relèvent du statut civil coutumier. Nous proposions une solution protectrice, suggérée par notre collègue Mohamed Soihili, permettant d'adjoindre deux assesseurs coutumiers à la juridiction pénale pour statuer immédiatement. L'Assemblée nationale a préféré une autre solution, plus souple, autorisant la juridiction pénale à se prononcer sans assesseurs coutumiers sur les intérêts civils, les parties pouvant solliciter le renvoi à la juridiction coutumière sans avoir à présenter une nouvelle requête. Dans un souci de conciliation, nous nous sommes ralliés à cette solution.
Pour le reste, nous nous sommes ralliés au texte de l'Assemblée nationale, avec le seul souci de le préciser. Je vous invite donc à adopter le projet de loi organique.
Pour le projet de loi, les débats ont été riches à l'Assemblée nationale : 30 articles additionnels en témoignent. Plusieurs amendements du Gouvernement ont été présentés pour la première fois devant les députés : il serait souhaitable que les textes soient plus complets dès le stade du dépôt afin de ne pas contourner le droit de priorité du Sénat, issu de l'article 39 de la Constitution.
Ainsi, l'article 29, dans le cadre de l'article 73 de la Constitution, permet d'édicter des règles spécifiques en matière de transport de passagers. Des réticences se sont exprimées sur le sujet : un débat n'eût pas été inutile.
Une promesse a été tenue : celle de compléter l'article 9 pour permettre au centre de gestion de Saint-Pierre-et-Miquelon d'exercer des compétences en matière de formation, comme le souhaitait Karine Claireaux. De même, à l'article 7, pour la chambre consulaire interprofessionnelle de Saint-Martin, afin qu'elle puisse exercer des missions non consultatives dévolues normalement aux organismes consulaires. A l'article 8, une disposition adoptée en 2011 et mal vécue localement, car elle ne visait que l'outre-mer, a été supprimée : le représentant de l'État pouvait se substituer aux élus locaux, ce qui a été reçu comme un signe de défiance.
A l'initiative du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, l'arsenal répressif contre l'orpaillage illégal et la pêche illégale en Guyane a été renforcé, à l'article 12, à l'article 19 et à l'article 24.
Ces dispositions sont nécessaires pour lutter contre ces fléaux, qui coûtent parfois la vie aux gendarmes et militaires chargés de les combattre.
Aux articles 10 bis et 10 ter, l'Assemblée nationale a prévu, sur une initiative gouvernementale, un mécanisme bienvenu, destiné à réguler les tarifs bancaires, parfois décuplés outre-mer.
Aux articles 20 et 23, la procédure applicable devant les chambres des comptes calédoniennes, sur le modèle des chambres françaises, a été introduite.
Un amendement répond à la résolution de l'Assemblée de Polynésie française sur le mode de scrutin municipal : dans les communes à sections, il n'y aura qu'un mode de scrutin.
Enfin, à l'article 18, l'égalité est désormais assurée entre tous les sénateurs puisque les sénateurs de Nouvelle Calédonie et ceux qui représentent les Français établis hors de France participeront au collège électoral sénatorial comme leurs homologues métropolitains.
Sur ma proposition, les articles 10 quinquies et 10 sexies ont été supprimés.
J'invite le Sénat à adopter ce texte, complété par deux amendements qui répondent à une demande de la CMP. (Applaudissements)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois . - Ce qu'a rappelé Mme Tasca répond à une position constante de la commission des lois. Dès lors que le Gouvernement choisit la procédure accélérée, et alors que l'article 24 de la Constitution prévoit que notre assemblée représente les collectivités territoriales de la République, il est problématique que des amendements du Gouvernement soient déposés devant l'Assemblée nationale, ce qui interdit le débat au Sénat. Puisse le Gouvernement y être, à l'avenir, attentif.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation . - Vous avez créé en moi une envie terrible, madame la rapporteure, d'être un jour ministre de l'outre-mer, tant votre conviction est forte. Victorin Lurel, en voyage à La Réunion, prévu de longue date, m'a demandé de le suppléer. Je m'associe à l'hommage que vous avez rendu à Dick Ukeiwé, et salue sa mémoire.
J'ai bien entendu, monsieur le président Sueur, vos observations et ne manquerai pas d'en faire état.
Les deux textes qui nous occupent ont été adoptés à l'unanimité dans les deux chambres. La CMP n'a procédé qu'à quelques rectifications marginales. Je salue la qualité du travail parlementaire, qui a enrichi deux textes nécessaires.
La loi organique de 1999 a déjà été modifiée à neuf reprises. Pour suivre les évolutions du droit métropolitain et les transferts de compétences, ce nouveau texte était nécessaire. Il fallait, d'abord, moderniser le statut, en particulier pour les règles de gestion budgétaire et financière, afin d'assurer le contrôle budgétaire, de déroger à l'obligation de dépôt des fonds libres auprès de l'État et d'autoriser la constitution de sociétés publiques locales.
Pour accompagner le transfert de compétences, deux objectifs ont été privilégiés : clarifier les pouvoirs de police des présidents d'assemblée de province et clarifier les compétences, en ajoutant celle sur les terres rares. En 2011, certaines mesures spécifiques à la Nouvelle-Calédonie avaient été censurées comme cavaliers dans le texte relatif à la Polynésie : le texte les rétablit. Au-delà, les élus souhaitaient des mesures nouvelles pour renforcer la transparence et le contrôle, indispensable pendant des compétences. L'article premier conserve la possibilité, pour l'assemblée calédonienne, de créer des autorités indépendantes dotées des mêmes prérogatives que celles de l'État. Vous avez renforcé les garanties d'indépendance en cours de navette. Les compétences de l'État en matière de libertés publiques et de procédures contentieuses et pénales sont confortées.
Le fonctionnement des institutions de Nouvelle-Calédonie constituait l'autre source de nombreuses demandes. Des pratiques directement tirées de l'interprétation du statut manquaient de base légale : ce texte les leur fournit.
Les débats ont enrichi le texte. Ainsi sur les juridictions financières, pour donner plein effet à la règle de séparation des ordonnateurs et des comptables. Ainsi également des procès civils faisant suite au pénal, dont vous avez longuement parlé, madame la rapporteure. Les victimes, souvent des femmes, en seront mieux protégées. Enfin, dans l'esprit de ce qu'avait voulu Victorin Lurel dans la loi de régulation économique, des dispositions visant à réguler les tarifs bancaires ont été introduites.
Il n'est pas d'usage d'amender un texte ayant fait l'objet d'un accord en CMP. Mais, pour répondre à une demande pressante des commissaires, nous avons déposé un amendement relatif à Saint-Barthélemy à l'article premier bis. Et un autre pour remédier à un vice apparu en cours de route, pour supprimer un article du code de la route.
Le 11 octobre, le comité des signataires de l'accord de Nouméa s'est tenu. Les deux textes issus de la CMP lui ont été présentés, qui ont reçu l'assentiment de tous. Soyez-en remerciés. (Applaudissements)
Mme Françoise Laborde . - Quinze ans après la signature de l'accord de Nouméa de 1998, son préambule conserve toute sa force, qui a contribué à fonder un lien durable entre tous les signataires. La dialogue est ouvert, qui a mis fin aux événements et porté la « Grande terre » sur la voie d'un destin commun.
La politique de rééquilibrage en faveur des kanaks avec la mine de nickel ouverte dans la province nord a renforcé l'autonomie économique du territoire mais la situation demeure fragile. Le chômage frappe durement les jeunes kanaks et la croissance est en berne, avec la volatilité du cours du nickel. Le processus prévu par l'accord de Nouméa permettra d'accompagner la Nouvelle-Calédonie vers une éventuelle pleine souveraineté. Ainsi de la possibilité ouverte par ce texte de créer des autorités administratives indépendantes : la création d'une autorité de la concurrence aidera à apporter des solutions au problème de la vie chère. La question des transferts de compétences mérite aussi d'être clarifiée, car le rythme est soutenu. Nous soutenons la création de la structure d'appui aux compétences, comme le protocole d'accord signé en février sur les prix, les négociations sur les frais bancaires, deux à dix fois plus élevés qu'en métropole. L'article 10 bis, sur ce point, prévoit un mécanisme de déblocage en cas d'échec de la concertation.
La capacité et la volonté locale de construire un projet ensemble rassure pour l'avenir.
Les députés ont enrichi le projet avec des dispositions visant à lutter contre l'orpaillage, qui provoque la pollution des cours d'eau au mercure. De même pour la pêche clandestine : la destruction des bateaux sans pavillon sera dissuasive.
Autant de dispositions qui vont dans le bon sens. Le groupe RDSE soutiendra ces deux textes. (Mme Catherine Tasca, rapporteure pour le Sénat des commissions mixtes paritaires, applaudit)
M. Christian Cointat . - Le projet de loi organique, bien que technique, n'est pas anodin car il touche aux accords de Nouméa, qui ne doivent pas être modifiés sans discernement.
Les changements ici apportés ne sont pas de fond mais visent à accompagner le transfert de compétence et à permettre la création d'autorités administratives indépendantes. Les dispositions techniques ont été adoptées à l'unanimité des deux chambres, avec des différences mineures car le consensus politique est là. Le statut de la Nouvelle-Calédonie s'en trouve amélioré. Tout ne pouvait être prévu à l'avance : il est normal d'opérer des ajustements ponctuels, ce qui a été fait avec l'aide du Conseil d'État.
La cherté de la vie -avec des prix scandaleux- est au centre des préoccupations en Nouvelle-Calédonie. Seule une autorité de la concurrence indépendante peut répondre au problème. Une vraie transparence sur la formation des prix permettrait de combattre les marges anormales.
La différence principale entre nos deux chambres porte sur la justice civile coutumière. Mais les deux solutions s'inscrivent dans la même perspective, si bien que nous avons souscrit à la version de l'Assemblée nationale.
Le groupe UMP votera ce texte et se félicite de la sérénité des débats.
La loi ordinaire n'appelle pas d'observation particulière, sinon celle qu'a émise le président Sueur : il est regrettable que le texte ait pris un tel poids soudain à l'Assemblée nationale, sans que le Sénat ait pu débattre des dispositions ainsi ajustées, essentiellement par amendements du Gouvernement. Pour les habilitations à légiférer par ordonnance, en particulier pour Mayotte, on ne peut qu'y souscrire. De même, le texte corrige une anomalie, en faisant entrer dans le collège électoral sénatorial les sénateurs ultramarins : plus de sénateurs à deux vitesses ; tous sont traités de même. Je remercie notre assemblée de sa vigilance. Le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements à droite, M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, applaudit aussi)
Mme Éliane Assassi . - Sur le projet de loi organique, les différences sont minimes entre les deux chambres. Nous avons ici adopté un amendement de M. Thani Mohamed Soihili qui permettait à la juridiction pénale de droit commun complétée de deux assesseurs coutumiers de statuer directement. L'Assemblée nationale en a jugé autrement. Mme Tasca propose de la suivre. Il y a consensus, et qui dure depuis l'accord de Nouméa.
Bien du chemin a été parcouru mais il en reste encore à parcourir. Un rapport de l'Assemblée nationale, en 2000, relevait que les barrières mentales élevées par la tradition jacobine étaient en voie d'être surmontées. Cette tradition perdure et l'équilibre entre l'unité de la République et les besoins de chacun n'est pas encore trouvé. Jean-Jacques Urvoas déclarait, ainsi, treize ans après, qu'une dose de fédéralisme était introduite dans le titre XIII de notre Constitution, preuve que notre pays sait faire preuve d'imagination quand l'essentiel est en jeu. De l'imagination, il en faut encore beaucoup pour l'emploi et le pouvoir d'achat, tant la situation outre-mer est dramatique. Une étude de l'Insee sur La Réunion, dont notre collègue Paul Vergès nous décrit régulièrement la condition, souligne que 42 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et que le taux de chômage est proche de 30 %. Le défi à relever est donc immense. Il faut faire preuve d'imagination mais aussi d'audace. La délégation à l'outre-mer a parlé d'audace ultramarine dans l'Hexagone, à l'occasion d'un colloque. Il est vrai que les ultramarins ont montré de l'audace pour mener une suite de combats, contre l'esclavage et le colonialisme, pour la liberté et l'égalité. Aujourd'hui, comme le dit Paul Vergès, l'outre-mer doit conduire un combat pour la responsabilité. Nous voterons ces textes. (Applaudissements à gauche et au banc des commissions)
M. Jean-Étienne Antoinette . - Ces deux textes seront votés avec espoir, celui d'un nouveau souffle pour les rapports entre l'Hexagone et l'outre-mer. Sur la Nouvelle-Calédonie, l'initiative du Gouvernement a été enrichie par notre assemblée. Nous avons su dégager, en CMP, des positions communes pour permettre à la Nouvelle-Calédonie de faire face à d'importants défis, qui ne lui sont pas propres.
Car les enseignements de la loi organique sont précieux pour toute l'outre-mer. Ainsi de la capacité de créer des autorités administratives indépendantes, du respect des compétences réduites du Haut-commissaire, qui a sa place mais rien que sa place dans un territoire à très large autonomie juridique - preuve que les relations ont changé entre l'outre-mer et l'hexagone. Ces avancées pourraient s'étendre à d'autres territoires ultramarins. Je pense à la compétence donnée à la Nouvelle-Calédonie sur l'exploitation des terres rares. Les richesses de l'outre-mer sont d'une importance stratégique pour la France, qui fait confiance au gouvernement local pour l'exploitation de son sous-sol, dans la lignée de ce qui avait été fait en 2000 -sans que les décrets, alors, aient été pris...
Le problème majeur outre-mer est celui de la vie chère. La possibilité de créer une autorité administrative indépendante en matière de concurrence sera un outil de contrôle précieux. Elle sera dotée de l'indépendance et de l'efficacité nécessaires pour mettre fin aux pratiques abusives de certains opérateurs économiques. Mais la concurrence n'est pas l'alpha et l'omega de la lutte contre la vie chère. Il existe d'autres moyens : l'État doit pallier les défaillances du marché. L'obligation faite aux commerçants de baisser leurs prix sous peine de se les voir imposer fera certainement des jaloux dans les autres outre-mer. L'extension à la Nouvelle Calédonie des sociétés publiques locales est bienvenue.
L'article 9 de la loi ordinaire est écrit à quatre mains, avec Mme Claireaux et le ministre de l'outre-mer, pour contourner l'article 40 de la Constitution. Puisse, là encore, cette méthode être généralisée outre-mer.
Sur la Guyane, à l'initiative de l'Assemblée nationale et de la garde des sceaux, de nouvelles dispositions pénales viennent s'ajouter à l'arsenal de la lutte contre l'orpaillage illégal et la pêche illégale. Je ne me leurre guère sur leur efficacité hors des moyens de les mettre en oeuvre effectivement. Je salue les efforts de la loi de programmation militaire et la livraison, en 2016, de deux patrouilleurs légers spécifiquement conçus pour la Guyane. Les marchés ne sont pas encore passés. Mais avec deux navires, la police de la pêche pourra être effective toute l'année. C'est un acte fort.
La procédure concernant l'orpaillage clandestin en bande organisée est clarifiée. Mais la répression a ses limites. Une véritable lutte économique doit être engagée. J'ai proposé une réunion au Premier ministre à ce sujet. Les orpailleurs clandestins se sont, depuis deux ans, adaptés à l'opération Harpie. J'évoquais la richesse minérale de la Nouvelle-Calédonie. En Guyane, le BRGM a été missionné pour l'évaluer. L'action publique doit reconquérir ces richesses. La seule réponse viable à la prédation sauvage de l'orpaillage est la lutte économique avec les moyens puissants de l'État. Il faut une approche nouvelle qui asphyxie l'orpaillage clandestin. Créons une grande entreprise minière française. L'enjeu, c'est le devenir de la Guyane.
Madame la ministre, en Nouvelle-Calédonie et dans les collectivités d'outre-mer, vous faites confiance au potentiel des territoires et à la responsabilité des élus. La Guyane demande ce même niveau d'engagement. (Applaudissements)
La discussion générale est close.
Vote sur le texte proposé par la CMP pour le projet de loi organique
M. Jean-Yves Leconte. - Je remercie notre rapporteure et Christian Cointat pour l'introduction dans ce texte d'une disposition relative à l'élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France. Le problème qui se posait a été résolu de manière opportune.
Mme la présidente. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants34 | 6 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Pour l'adoption | 346 |
Contre | 0 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements)
Vote sur le texte proposé par la CMP pour le projet de loi
ARTICLE PREMIER BIS
Mme la présidente. - Amendement n°2 rectifié, présenté par le Gouvernement.
I. - Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
I ter. - Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution et dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure législative permettant d'introduire au sein du code de l'environnement de Saint-Barthélemy les règles de droit pénal et de procédure pénale destinées à sanctionner la violation des règles applicables localement en matière de droit de l'environnement.
II. - Alinéa 5
Remplacer les références :
et I bis
par les références
, I bis et I ter
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. - Cet amendement à l'article premier bis habilite le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance toute disposition législative de nature pénale et de procédure pénale permettant de rendre effective la répression des infractions à la réglementation en matière de protection de l'environnement de la collectivité de Saint-Barthélemy.
Mme Catherine Tasca, rapporteure. - Cet amendement comme le suivant sont présentés à la demande expresse de la CMP unanime.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Mme la ministre est pardonnée.
M. Christian Cointat. - Je félicite le Gouvernement et le remercie d'avoir aussi vite répondu à cet appel.
L'amendement n°2 rectifié est adopté.
Le vote sur l'article premier bis est réservé.
ARTICLE 15
Mme la présidente. - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article L. 142-3 du code de la route est abrogé.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. - Amendement rédactionnel.
L'amendement n°1, accepté par la commission, est adopté.
Le vote sur l'article 15 est réservé.
L'ensemble des conclusions de la CMP, ainsi amendées, sont adoptées.
Mme Catherine Tasca, rapporteure. - Je remercie très chaleureusement tous nos collègues, le ministre Lurel et son administration pour leur appui. Je me réjouis de cette nouvelle étape du processus engagé il y a plus de trois décennies en Nouvelle-Calédonie. Je forme le voeu que ce mouvement ne s'arrête pas là. Continuons dans le même esprit consensuel.
Quant à la loi ordinaire, il est juste qu'elle prenne en compte les diversités de l'outre-mer sur le chemin du progrès. J'espère que nos compatriotes y trouveront des réponses à leurs attentes légitimes.
Par un heureux hasard du calendrier, s'est ouverte il y a deux jours une extraordinaire exposition sur les merveilles de l'art kanak au musée du Quai Branly. J'espère que vous trouverez le temps de vous y rendre.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. - Je rendrai compte fidèlement à Victorin Lurel de cette soirée. J'ai noté votre satisfaction d'avoir mis en place des outils d'avenir. Oui, soyons imaginatifs et audacieux pour nos outre-mer. (Applaudissements)
Simplification des relations entre l'administration et les citoyens (Conclusions de la CMP)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens.
Discussion générale
M. Hugues Portelli, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire . - La CMP devait se prononcer sur les différences subsistant entre les deux assemblées, compte tenu de la réécriture intervenue au Sénat où nous avions eu à coeur de rendre le texte plus intéressant pour les usagers. Le Gouvernement a, par amendement, inversé la charge de la preuve, le silence de l'administration valant désormais avis positif. Les députés ont repris l'essentiel des dispositions du Sénat, sans conserver toutefois la motivation de l'avis négatif, et introduit plusieurs amendements du Gouvernement. L'un d'eux porte sur le droit d'asile, sujet assez éloigné de l'objet du projet de loi ; les députés ont voté ce cavalier et nous l'avons avalisé en CMP. De même, une exception à la règle du silence valant acceptation a été faite à la demande du secrétariat général à la défense et à la sécurité nationale. La CMP a statué à l'unanimité. (Applaudissements)
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation . - Je m'exprime à présent au nom d'une autre collègue du Gouvernement. Mme Lebranchu est en Corse et m'a chargée de développer le sens de ce texte qui contient plusieurs réformes structurelles qui marqueront l'histoire de notre administration. L'heure est venue d'accomplir le choc de simplification que le président de la République a appelé de ses voeux, un choc qui va de pair avec la réforme de l'État. Nous savons l'importance que nos concitoyens accordent à la puissance publique.
Les nouveaux usages numériques n'ont pas irrigué toutes les administrations de la même manière. Nos concitoyens attendent plus de simplicité, de rapidité, d'efficacité. Parce qu'il est question, en ces matières, de protection des droits individuels, il faut en passer par la loi pour simplifier : tel est l'objet des demandes d'habilitation que vous soumet le Gouvernement.
Le texte engage trois réformes structurelles. Nous allons d'abord donner aux échanges électroniques avec l'administration une vraie valeur, y compris par voie recommandée. L'administration devra se conformer aux nouveaux usages. Bien sûr, il faudra se prémunir contre les demandes abusives, en limitant les risques contentieux -c'est tout l'intérêt des ordonnances. Les usagers pourront avoir accès à leurs dossiers en cours d'instruction. Le Cimap du 18 décembre 2012 a dessiné les contours d'un nouveau code des relations avec l'administration.
Deuxième réforme structurelle : la règle de l'accord tacite, qui a été introduite ici même par amendement. Aujourd'hui, le silence vaut rejet ; demain, il vaudra accord. Des exceptions ont été définies touchant la santé publique, la défense, la sûreté nationale, la protection des personnes. Pas de risque qu'un médicament soit mis sur le marché faute de réponse de l'administration.
A l'Assemblée nationale, nous avons introduit le programme Dites-le nous une seule fois, chantier prioritaire qui réduira les démarches des entreprises auprès des administrations. Reconnaissons à l'ancienne majorité sa tentative « d'armoire numérique » stockant les fichiers, malheureusement impossible à mettre en place. Le Gouvernement a repris l'objectif mais limité le programme à des échanges de données au cas par cas. Un annuaire des cent données les plus redondantes sera élaboré dans un premier temps. Par exemple, une entreprise doit communiquer plus de quinze fois son chiffre d'affaires et plus de dix fois ses effectifs à l'administration en une année. Les ordonnances permettront d'harmoniser des notions telles que le chiffre d'affaires des personnes morales ou l'adresse des personnes physiques. La liste donnée par donnée et administration par administration des échanges possibles sera soumise à la Cnil. Pour limiter les tracasseries administratives, le Gouvernement souhaite en outre généraliser, pour remplacer certaines pièces, le principe de la déclaration sur l'honneur.
Je vous invite à faire la promotion de ces réformes structurelles qui seront d'application progressive. Ce projet de loi forme l'armature juridique du choc de simplification. Simplifier n'est pas simple car les droits fondamentaux doivent être préservés. L'action publique du XXIè siècle doit être plus efficace, plus proche des citoyens et moins coûteuse. La force de l'État est de savoir toujours s'adapter, celle de nos services publics de s'adapter sans cesse. Nos mesures auront des conséquences réelles sur la vie quotidienne de tous. Merci à la Haute autorité de s'associer à cette réforme. (Applaudissements à gauche)
Mme Françoise Laborde . - A l'heure où les efforts demandés à nos concitoyens sont conséquents, l'administration doit se montrer exemplaire. La modernisation des services publics est urgente car ils agissent au service des citoyens. Le Gouvernement a décidé en ce sens une réforme d'ensemble. Rendre la dépense publique plus efficace, sans sacrifier les services publics, est possible. Tel est l'objet du choc de simplification.
Ce projet de loi y contribue, qui permettra la mise en place d'un code de procédure administrative, gage de transparence. Il transformera la vie des usagers. Il consacre ainsi le droit de saisir l'administration et d'obtenir une réponse par la voie électronique. Le programme Dites-le nous une fois, intégré au texte à la demande du Gouvernement, était réclamé par les entreprises. Autant de dispositions qui représentent un réel gain de temps pour les usagers comme pour les agents.
M. Requier, en première lecture, avait émis des doutes sur la règle du silence de l'administration valant accord et s'était inquiété de la capacité de certains services à répondre dans les temps -ce qui mettrait à mal le principe d'égalité. Certaines dérogations légitimes sont heureusement prévues. Un décret en Conseil d'État précisera celles liées aux engagements internationaux et européens de la France, à la protection des libertés ou à la sauvegarde de l'ordre public. La CMP a visé la protection de la sécurité nationale. Le délai de deux mois sera modifié pour certaines procédures. Au total, ce changement culturel est une avancée qui doit être saluée.
Nous sommes confiants en la capacité d'adaptation de la France. Le groupe RDSE unanime votera ce projet de loi. (Applaudissements)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - L'unanimité du RDSE est rare et chère...
Mme Éliane Assassi . - Nous voterons ce projet de loi, même si nous sommes opposés à la pratique des ordonnances, moyen de contourner les règles normales de la démocratie. Devenues de plus en plus banales, touchant de plus en plus de domaines, elles portent atteinte au principe de séparation des pouvoirs, puisque le Gouvernement agit en lieu et place du Parlement. Le Conseil constitutionnel n'exerce qu'un contrôle a posteriori.
Cela dit, nous partageons les objectifs de ce texte, de nature à redonner confiance à nos concitoyens en leur administration.
Nous sommes favorables aux échanges par voie électronique avec l'administration, mais la déshumanisation du traitement des réclamations pose problème. Nous soutenons la création d'un code adressé avant tout au citoyen. Mais il est difficile de l'apprécier a priori puisqu'il ne sera pas élaboré à droit constant. Nous soutenons aussi -encore !- l'inversion du principe du refus tacite comme l'amendement du Gouvernement qui transpose la directive européenne sécurisant le droit au séjour des demandeurs d'asile. (Applaudissements à gauche)
M. Alain Richard . - J'approuve ce projet de loi. Comme en première lecture, je souligne l'importance de la codification, qui absorbe généralement peu d'énergie. C'est pourtant un outil essentiel pour le législateur, qui n'a pas toujours conscience de ce qu'il change au voisinage des dispositions qu'il adopte. La coordination entre codes sur des matières voisines n'a pas fini de nous occuper...
Ce texte comporte de bonnes innovations. Nous serons à l'écoute des entreprises dans nos territoires. Je voterai l'accord tacite, par discipline, mais ce n'est pas une mince affaire. Le principe est sympathique mais il s'agit de l'État, de l'intérêt général, lequel n'inspire pas toutes les demandes. Nous donnons une priorité de principe à l'intérêt particulier... Tout cela est bien dans l'esprit du temps... Songeons-y. Heureusement, le Gouvernement et le législateur, dans leur sagesse, encadrent ce basculement. C'est capital.
Parmi les multiples décisions silencieuses qui seront prises ainsi, sans observation ni motivation, certaines seront illégales. Aussi cette disposition ne sera pas sans impact sur l'État de droit. Nos services administratifs ne seront pas oisifs, des décisions non souhaitées interviendront. Voyez l'application du Dalo. La précipitation conduit nécessairement à des décisions inconsidérées.
Je ne saurai trop encourager le Gouvernement à bien vérifier les domaines où il faut prendre quelques précautions au service de l'intérêt général, sachant qu'il est toujours possible de rectifié le tir à mesure.
Cela dit, ce texte apporte une pierre nouvelle à l'oeuvre de simplification et nous avons fait du bon travail. (Applaudissements)
Vote sur le texte proposé par la CMP
Le projet de loi est adopté dans la rédaction proposée par la CMP.
Mme la présidente. - Magnifique unanimité.
Prochaine séance, lundi 21 octobre 2013, à 11 heures.
La séance est levée à 23 h 30.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du lundi 21 octobre 2013
Séance publique
A 11 heures, à 14 heures 30, le soir et, éventuellement, la nuit
1. Projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale (n°822, 2012-2013)
Rapport de M. Jean-Louis CARRÈRE, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n°50, 2013 2014)
Avis de M. Yves Krattinger, fait au nom de la commission des finances (n°53, 2013 2014)
Avis de M. Jean-Pierre Sueur, fait au nom de la commission des lois (n°56, 2013-2014)
Texte de la commission (n°51, 2013-2014)
2. Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (n°517, 2012-2013)
Rapport de Mme Michèle André, fait au nom de la commission des finances (n°11, 2013-2014)
Texte de la commission (n°12, 2013-2014)