Indépendance de l'audiovisuel public (Conclusions des CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les conclusions des CMP sur le projet de loi et le projet de loi organique relatifs à l'indépendance de l'audiovisuel public.
Discussion générale commune
M. David Assouline, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire . - Ce texte comporte des avancées considérables : la nomination des principaux responsables de l'audiovisuel public par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, et non par le président de la République comme cela se faisait depuis 2009. En outre, le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel sera nommé après un avis conforme des commissions compétentes des deux assemblées, aux trois cinquièmes des suffrages exprimés. On galvaude parfois le mot d'indépendance, ce sera une réalité pour le CSA ; il sera doté d'un rapporteur indépendant en vertu du principe de séparation des fonctions de poursuite, d'instruction et de jugement.
L'Assemblée nationale s'est pleinement saisie de ce texte : il comportait 10 articles initialement, 20 après son passage au Palais Bourbon. Le Sénat n'est pas demeuré en reste : le projet compte désormais 38 articles. Nous avons apporté des améliorations, parfois techniques mais importantes, à mettre au crédit de tous les groupes politiques. Nous avons ainsi encadré le passage d'une chaîne de la TNT payante à la TNT gratuite et précisé l'étendue des pouvoirs du CSA.
Je remercie la présidente Blandin de son soutien et tous mes collègues qui ont travaillé de façon constructive à ce texte fondateur. Je me réjouis du succès de la CMP : deux tiers des articles restant en discussion ont été adoptés dans la rédaction du Sénat.
La gauche peut être fière de ce texte assurant l'indépendance de l'audiovisuel public et pourra l'être longtemps. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et RDSE ; Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture, applaudit aussi)
Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication . - Je remercie chaleureusement le Sénat de son travail sur ce texte majeur et symbolique puisqu'il a conforté et renforcé rien de moins que l'indépendance de l'audiovisuel public.
Indépendance, impartialité, lucidité et modernité ; ces quatre mots-clés résument les acquis de ce texte. Indépendance car les responsables de l'audiovisuel public seront désormais nommés par le CSA, dont l'indépendance est parallèlement confortée, avec la nomination de ses membres après avis conforme aux trois cinquièmes des deux commissions de la culture de l'Assemblée nationale et du Sénat -ce mode désignation est une première.
Impartialité car les membres du CSA seront désormais nommés sur leurs qualifications. Les règles relatives aux incompatibilités ont été améliorées et les modalités de communication du collège clarifiées. La parité sera assurée au sein du collège.
Lucidité puisque, grâce au maintien de la publicité en journée sur France Télévision, nous donnons de la visibilité au groupe en évitant d'accentuer la pression financière. Le CSA, de son côté, sera attentif aux évolutions économiques ; toute décision autorisant de nouveaux services nationaux susceptibles d'affecter de façon importante le marché sera précédée d'une étude d'impact.
Modernité, enfin, avec l'enregistrement des déclarations concernant les services de diffusion audiovisuelle à la demande (Smad). Le CSA pourra en outre autoriser le passage des chaînes de la TNT du modèle payant au modèle gratuit sans passer par la procédure d'appel d?offres. Le Sénat a voulu encadrer ce dispositif pour garantir le pluralisme et les équilibres publicitaires, la CMP a eu raison de le suivre.
Certains débats techniques doivent se poursuivre. Nous comptons sur le Sénat pour faire de notre audiovisuel public un espace d'indépendance, de création et de développement. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et RDSE, Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture, applaudit aussi)
M. Pierre Laurent . - Ironie du calendrier, quand notre CMP se réunissait mardi dernier, le comité central d'entreprises de France Télévision annonçait un plan de départs volontaires de 361 postes, qui touche au coeur de l'activité avec la suppression de 90 postes de journalistes. Le personnel de l'entreprise reçoit notre entier soutien.
Cette crise conforte notre analyse : en ne procédant pas à un examen complet des déséquilibres du paysage audiovisuel, cette loi ne soustrait nullement l'audiovisuel public aux influences politiques et financières.
Nous ne contestons ni le maintien de la publicité en journée sur France Télévision, seule perspective de financement en ces temps difficiles, ni la remise en cause du fait du prince que constituait la nomination des responsables par le président de la République. Pour autant, on affiche les symboles de l'indépendance sans la garantir. Rien ne sera consolidé tant que l'on ne reviendra pas sur la réforme de 2009. Je rappelle que le contrat d'objectifs et de moyens prévoit une diminution de 42 millions d'euros des concours de l'État d'ici 2015. Seul point positif côté financier, la possibilité pour France Télévision de passer des accords de coproduction et l'évolution des rapports entre producteurs et diffuseurs, dans la ligne du rapport Plancade. Malheureusement, nos propositions sur les autres sources de financement possibles pour l'audiovisuel public.
Enfin, comment parler d'indépendance de l'audiovisuel public sans mettre en place des dispositifs anti-concentration ? Le groupe socialiste du Sénat ne disait pas autre chose en 2009.
Au total, ce texte, s'il compte des avancées réelles, reste trop timide. Nous attendons toujours le grand texte dont le service public a besoin ! (Applaudissements sur les bancs CRC)
Mme Françoise Laborde . - Au nom de mon groupe, je veux d'abord déplorer le recours à la procédure accélérée...
Aucun texte de loi ne garantira jamais l'indépendance réelle de l'audiovisuel public, pas de mauvais procès donc. La nomination des principaux responsables de l'audiovisuel public par le CSA de même que la nomination des membres du CSA après avis conforme aux trois cinquièmes des commissions compétentes des deux chambres sont des mesures consensuelles. J'en profite pour dire que le RDSE appelle à une réforme constitutionnelle pour que cette procédure vaille pour toutes les nominations effectuées par le président de la République.
Nous avons trop peu parlé de l'excellent article 6 decies A, inspiré par notre collègue Plancade, qui autorise France Télévision à détenir des parts de coproduction dans les oeuvres dont elle finance une part substantielle. Mais l'indépendance financière de l'audiovisuel public est loin d'être acquise ; le RDSE attend d'autres avancées. Le travail doit se poursuivre.
Pour conclure, le travail en CMP a prouvé les méfaits de la procédure accélérée. Il a fallu revenir sur le passage de la TNT payante à la TNT gratuite et le pouvoir de conciliation du CSA entre chaînes et producteurs.
Le groupe RDSE, dans sa grande majorité, votera les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
M. André Gattolin . - Le groupe écologiste se réjouit de ce texte très proche de celui qu'avait voté le Sénat. Je veux témoigner de la grande solidarité des sénateurs de tous les groupes et de l'esprit constructif de nos collègues de l'opposition...
M. Jacques Legendre. - Merci.
M. André Gattolin. - ...qui a permis de valider plusieurs amendements du groupe écologiste, à notre grande satisfaction. Notre vote positif ne sera donc pas une surprise.
Le nouveau mode de nomination des présidents de l'audiovisuel public et le renforcement de l'indépendance du CSA sont de très bonnes nouvelles pour notre démocratie. Les exigences de transparence et de bonne gestion de l'audiovisuel public ont été renforcées ; je souligne en particulier les nouvelles obligations en matière de contrôle ou l'introduction d'une procédure de tuilage.
Enfin, pas d'indépendance sans ressources pérennes. Cela passe par le relèvement de la contribution à l'audiovisuel public mais surtout par le développement des ressources propres, auquel la possibilité de détenir des parts de coproduction contribuera. Je regrette cependant le rejet de l'instauration d'une lettre de mission fixant les attentes de l'État actionnaire -un cadre pérenne sur des questions telles que les publics visés, la vocation généraliste des offres de programme ou le périmètre des sociétés. Pareille clarification paraît nécessaire au regard des dérives financières révélées cette semaine par Le Canard Enchaîné ou de la dégradation du climat social à France Télévisions.
L'indépendance, synonyme de responsabilité accrue, devra être confortée lors du prochain projet de loi sur l'audiovisuel public. (M. David Assouline, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires, et Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture, applaudissent)
M. Jacques Legendre . - Nous voici arrivés au terme de ce débat. Pour avoir participé à la CMP, j'ai constaté combien ce texte aurait mérité des discussions plus longues, s'il n'était pas tombé sous le couperet de la procédure accélérée. Nous avons eu droit à une seule lecture par chambre. Le Sénat n'a guère eu le temps de procéder à toutes les auditions nécessaires.
M. David Assouline, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires. - Oh si !
M. Jacques Legendre. - Nous avons autorisé le retour sur investissement via la coproduction pour France Télévision aux articles 2 bis, 6 octies A et B. Nous y sommes favorables sur le principe, non sur la forme. Il eût été plus sage d'attendre que M. Laurent Vallet soumette ses conclusions et la loi de 2014 pour introduire ces dispositions.
Mesure la plus symbolique du texte, la nomination des présidents de sociétés nationales de programme par le CSA. Au vrai, ce n'est qu'un retour à la législation de 1982. Curieux paradoxe, le président du CSA, lui, reste nommé par le président de la République. Il eût été plus raisonnable de laisser les membres du CSA choisir leur président en leur sein. De reste, l'affaire de la nomination du président de l'institut national de l'audiovisuel montre que les divergences sont vives au sein de la majorité sur ces procédures.
Ce texte, présenté comme une grande avancée démocratique, ne propose qu'une apparence d'indépendance. Celle-ci tiendra avant tout à la volonté des présidents de sociétés de programme de faire entendre leur voix.
Si des avancées sont à souligner, comme le dispositif de tuilage imaginé par les écologistes, nous déplorons que France 24, chère à Louis Duvernois, ne soit toujours pas diffusée sur notre territoire. Nous devions y revenir dans la loi de 2014. Le groupe UMP, vous l'avez compris, ne votera pas ce texte.
La discussion générale commune est close.
Vote sur le texte proposé par la CMP pour le projet de loi
M. Jean-Étienne Antoinette. - Je me félicite de ce texte et des apports adoptés à l'initiative du groupe socialiste. La parité hommes-femmes au sein du CSA et des conseils d'administration, la disparition de la commission du dividende numérique ou encore l'obligation pour le CSA de procéder à une étude d'impact en cas de décision susceptible de modifier les équilibres du marché sont des avancées, au-delà des dispositions garantissant l'indépendance de l'audiovisuel public.
Je veux aussi souligner la qualité du travail de notre rapporteur David Assouline, notamment sur l'encadrement du passage de la TNT payante à la TNT gratuite, le droit de regard sur les différends concernant les Smad ou la mission de conciliation du CSA.
Madame la ministre, je suis heureux de voter ce texte qui assurera le respect d'un principe constitutionnel, l'indépendance des médias. Je suis heureux de voter ce texte qui apportera, même s'il reste du chemin à faire, les financements nécessaires à l'audiovisuel public qui s'était paupérisé depuis 2009 -mais il faudra trouver d'autres sources pérennes de financement. Le groupe socialiste apportera tous ces suffrages.
L'ensemble du projet de loi est adopté.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. - En dépit de la procédure accélérée, contre laquelle je m'élève à mon tour, nos deux assemblées ont travaillé en bonne intelligence. Nous le devons à notre rapporteur, qui s'est montré acharné et a su consolider les intelligents dispositifs proposés par les parlementaires, dont celui proposé par le RDSE sur la coproduction. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et RDSE)
Vote sur le texte proposé par la CMP pour le projet de loi organique
L'ensemble du projet de loi organique est mis aux voix par scrutin public de droit.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Pour l'adoption | 175 |
Contre | 137 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
Mme Aurélie Filippetti, ministre. - Je remercie le rapporteur, qui a fait un travail remarquable, et tous ceux qui ont participé à ce travail.
La séance est suspendue à 19 h 10.
présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente
La séance reprend à 21 h 30.