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Table des matières
Mission commune d'information (Candidatures)
Détachement des travailleurs (Proposition de résolution européenne)
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales
M. Thierry Repentin, ministre chargé des affaires européennes
M. Thierry Repentin, ministre délégué
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes
M. Éric Bocquet, rapporteur pour avis
Mission commune d'information (Nominations)
Débat préalable au Conseil européen des 24 et 25 octobre 2013
M. Thierry Repentin, ministre chargé des affaires européennes
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes
M. Thierry Repentin, ministre délégué
M. Thierry Repentin, ministre délégué
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes
Débat sur la place des femmes dans l'art et la culture
Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication
SÉANCE
du mercredi 16 octobre 2013
10e séance de la session ordinaire 2013-2014
présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président
Secrétaires : M. Jean Boyer, M. Marc Daunis.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Mission commune d'information (Candidatures)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la désignation des 33 membres de la mission commune d'information sur la réforme des rythmes scolaires afin d'évaluer sa mise en place, les difficultés rencontrées et le coût induit pour l'ensemble des communes, créée à l'initiative du groupe UMP en application de son droit de tirage.
Conformément à l'article 8 de notre Règlement, la liste des candidats présentés par les groupes a été affichée. Elle sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure.
Détachement des travailleurs (Proposition de résolution européenne)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution européenne sur les normes européennes en matière de détachement des travailleurs, présentée, en application de l'article 73 quater du Règlement, par M. Éric Bocquet.
Discussion générale
M. Éric Bocquet, auteur de la proposition de résolution et rapporteur pour avis de la commission des affaires européennes . - Je me félicite de ce débat en séance publique, après la discussion devant la commission des affaires européennes puis des affaires sociales. L'intégration de l'Espagne, du Portugal et de la Grèce où le coût du travail était peu élevé, avait conduit la Commission européenne à élaborer une directive sur le détachement des travailleurs, qui consacrait le principe d'application du droit du pays d'accueil en 1996. La directive contient un noyau dur qui s'impose à toutes les entreprises détachant des travailleurs sur le territoire de l'Union européenne : des périodes maximales de travail, des durées minimales de congés payés, des taux de salaire minimum. Elle aborde la question des contrôles, de façon limitée, se bornant à appeler à une coopération administrative. Surtout, elle ne définit ni le détachement ni la nature des entreprises pouvant détacher des travailleurs. Un règlement européen de 2004 prévoit le maintien de la législation sociale du pays d'origine. Ce qui se traduit par des écarts salariaux importants entre les États membres : 30 % entre la France et la Pologne. Le nombre de détachés a été multiplié par quatre depuis 2004 pour atteindre 145 000 personnes en 2011. Les grands chantiers ne sont pas seuls en cause. Dans ma commune, une boulangerie a été rénovée par une entreprise roumaine. La fraude au détachement est d'ampleur : cascade de sous-traitants, sociétés boîtes aux lettres, faux statut d'indépendant, emploi permanent de salariés détachés dans les pays sans salaire minimum, sont les dérives les plus courantes, pour organiser l'optimisation sociale, en parallèle avec l'optimisation fiscale.
La Commission européenne a proposé une directive d'exécution en mars 2012 ; hier le conseil des ministres de l'emploi n'a pu trouver un accord. Une prochaine réunion est prévue le 9 décembre prochain.
L'article 9 et l'article 12 posent problème. Le premier dresse une liste précise des mesures applicables aux entreprises étrangères. Le second institue un mécanisme de responsabilité solidaire limité aux sous-traitants directs.
La France et d'autres États membres tiennent une liste ouverte de moyens de contrôle s'appliquant à toute la chaîne de sous-traitance et à tous les secteurs d'activité. Les Peco et le Royaume-Uni entendent maintenir le statu quo. La proposition de résolution soutient la position du gouvernement français sur les articles 9 et 12, tout en demandant d'aller plus loin. Il est indispensable de limiter la chaîne de sous-traitance à trois échelons, à l'instar de la situation prévalant en Allemagne ou en Espagne.
Le délai de quinze jours préconisé par la Commission pour la transmission de documents est trop court. Il devrait être porté à un mois.
Nous souhaitons une révision du règlement sur l'affiliation au régime de sécurité sociale afin de limiter les pratiques « d'optimisation sociale ». La proposition de directive est un modeste pas en avant, face à un problème grave et pressant. Ne pas agir, ce serait favoriser la fraude. (Mme Cécile Cukierman approuve)
Il faut un acte politique fort, de nature à réconcilier les peuples avec un projet européen apte à faire reculer les réactions sectaires, identitaires et nationalistes qui se manifestent partout en Europe dans ces temps difficiles. (« Très bien » et bravos à gauche)
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales . - Je remercie chaleureusement Éric Bocquet qui avec le soutien de la commission des affaires européennes a su, une nouvelle fois, braquer les projecteurs sur un problème brûlant. La proposition de directive présentée par la Commission européenne n'est pas à la hauteur des enjeux. Je me réjouis que la présidente du groupe CRC ait demandé que cette proposition de résolution soit examinée par le Sénat et que la Conférence des présidents lui ait fait droit.
Plus de 144 000 salariés détachés en 2011, et un grand nombre de travailleurs en situation illégale, « soldés » - terme que je préfère à l'anglais low cost. Nous constatons dans nos départements l'explosion de cette main-d'oeuvre.
Nous ne voulons pas mettre fin au détachement qui permet à 300 000 Français de travailler à l'étranger et à des travailleurs européens de travailler légalement en France. Nous voulons faire cesser les abus. Il en va de l'égalité de traitement entre tous les salariés. Le code du travail doit s'imposer à tous les salariés sur le sol français. Nous ne pouvons accepter les conditions indignes faites à certains travailleurs détachés ni la concurrence déloyale pour nos petites entreprises.
Mieux protéger ces salariés, c'est refuser d'alimenter la xénophobie favorisée par le laisser-faire ambiant.
La sous-traitance en cascade rend opaque les liens de subordination. Il existe une véritable « prime à l'obstacle » pour échafauder des montages complexes. Il faudrait limiter la chaîne de sous-traitance à trois échelons maximum, à l'image des législations allemande et espagnole.
Les parlementaires, soucieux de défendre les droits des salariés, sauront se mobiliser. La législation française protège les droits des salariés. Malheureusement, elle est trop rarement appliquée. La limitation de la responsabilité solidaire actuellement proposée à l'article 12 de la directive n'est pas acceptable en l'état. Les salariés en situation illégale doivent être en mesure de faire valoir leurs droits, une fois l'infraction relevée.
Le renforcement de la lutte contre le travail illégal passe par une meilleure coordination des corps de contrôle. Or les effectifs de l'inspection du travail sont insuffisants. Sa réforme ne doit pas se borner à un redéploiement entre contrôleurs et inspecteurs mais aboutir à un véritable accroissement des effectifs des agents de contrôle.
On ne peut qu'apprécier la proposition de la commission des affaires européennes de s'opposer à la logique de l'article 9. Le principe en vigueur à Bruxelles demeure la libre concurrence. Nos collègues de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale ont également adopté une résolution très proche de celle soumise à notre examen aujourd'hui.
Les abus constatés révèlent les défauts d'origine d'une construction européenne bancale, inégalitaire, reposant sur le seul dogme de la libre concurrence. Ajoutons-y un second pilier social, il est indispensable. (Applaudissements à gauche)
M. Thierry Repentin, ministre chargé des affaires européennes . - Je suis heureux d'échanger avec vous sur la proposition de directive européenne sur le détachement des travailleurs, sujet qui me tient à coeur, depuis que je fus ministre en charge de l'apprentissage et de la formation professionnelle. Je me suis rendu à Vilnius au mois de juin pour demander que la révision de cette directive soit placée en tête de l'agenda de la présidence lituanienne. En effet, les valeurs fondamentales de l'Europe sont en cause. La croissance et l'emploi sont la priorité du Gouvernement et nos efforts commencent à donner des fruits. Mais la croissance n'est bonne que si elle profite à tous, ce qui implique de lutter contre le dumping social. L'Europe solidaire peut et doit faire plus.
Sans croissance solidaire, nous ne réaliserons pas le rêve européen. Ne laissons pas les salariés européens se déchirer entre eux, protégeons-les.
L'Europe solidaire reste en grande partie à construire. Nous luttons contre le chômage des jeunes - qui atteint 53 % en Espagne, 55 % en Grèce ! Nous ne pouvons pas laisser sacrifier toute une génération, écrasée par le poids d'une dette dont elle n'est pas responsable. D'où les 6 milliards d'euros mobilisés pour la jeunesse européenne, dont 600 millions d'euros pour la France. L'extension d'Erasmus aux apprentis et aux jeunes en alternance va dans le même sens.
La prochaine réunion des chefs d'État et de gouvernement sur le sujet se tiendra à Paris le 12 novembre. Pour construire l'Europe solidaire, la France milite pour l'inclusion de critères sociaux au sein de l'Union économique et monétaire (UEM). Le débat aura lieu les 24 et 25 octobre. Le travail doit faire partie de ces critères. Le dialogue social doit être aussi mieux pris en compte pour les instances européennes.
Il reste du chemin à parcourir pour vaincre le dumping social. Cela dit, madame David, nous avons avancé dans le cadre de la directive « marchés publics » avec l'inscription de la responsabilité solidaire du donneur d'ordre.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. - Très bien !
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - Les offres qui ignorent les normes sociales ou environnementales pourront être refusées. La pratique du détachement des travailleurs est en train de devenir un problème majeur, car source d'abus. La soumission au régime social du pays d'origine nivelle par le bas. Depuis que le nombre de travailleurs détachés en France a été multiplié par quatre depuis 2006, la directive d'application est une nécessité. La France souhaite un texte ambitieux, afin de lutter contre l'abus du statut de travailleur détaché pour se soustraire à la législation du travail. Un socle harmonieux de documents doit être exigé au niveau de l'Union européenne. Un mécanisme de solidarité obligatoire doit être mis en oeuvre, dans l'idéal, dans tous les pays et tous les secteurs. Si cet idéal n'est pas unanimement partagé, que l'on autorise les pays volontaristes à en prouver les bienfaits sur leur propre territoire. La mise en place d'un salaire minimum dans chaque État membre de l'Union européenne est également souhaitable.
Le plan national de lutte contre le travail illégal met l'accent sur les fraudes complexes. La réforme de l'inspection du travail vise à en accroître l'efficacité. Plus la législation est complexe, moins son coût est élevé et plus il est difficile de mettre en oeuvre le droit du travail du pays d'accueil.
Une grande entreprise française de BTP, honorablement connue, a utilisé les lacunes du dispositif, grâce à une entreprise installée à Chypre, recrutant des travailleurs polonais... (Mme Nathalie Goulet s'exclame)
En Bretagne, de nombreux salariés sont mis à disposition par une agence d'intérim d'un pays de l'Union européenne. Une procédure pour marchandage et prêt de main-d'oeuvre illicite a été lancée à son encontre.
J'appelle les acteurs économiques à la vigilance et à la responsabilité. Lorsque des entrepreneurs français font appel à des sous-traitants, ils ne peuvent se dédouaner de leurs responsabilités. (« Très bien ! » sur les bancs socialistes)
Un plan d'action devra être présenté lors du conseil des ministres du travail sous présidence grecque en 2014. Le conseil d'hier n'ayant pu déboucher sur un accord, nous continuons à négocier pour aboutir avant la fin 2013.
Nous soutenons votre démarche. Peut-être le résultat ne sera-t-il pas exactement identique aux termes de votre proposition de résolution.
C'est pourquoi le Gouvernement s'en remet à votre sagesse. À titre personnel, j'espère que cette sagesse sera la plus unanimement partagée. Il est urgent d'entendre nos concitoyens et de répondre à leur demande pressante de lutte contre le nivellement par le bas. C'est aussi l'enjeu des prochaines élections européennes. (Applaudissements à gauche)
M. Gilbert Barbier . - Par un hasard de calendrier, nous examinons cette proposition de résolution, alors que manifestent devant l'Assemblée nationale les Français travaillant en Suisse obligés d'abandonner leur droit d'option pour l'assurance. Pour eux, cela représentera une dépense supplémentaire de 200 à 300 euros par mois, qui pourrait les décider à cesser d'aller travailler en Suisse. Nous y reviendrons lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Près de 300 000 travailleurs low cost...
M. Jean Desessard et Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. - « Soldés » !
M. Gilbert Barbier. - ... sont victimes d'un nouvel esclavage moderne, comme l'ont dit les députés.
M. Jacky Le Menn. - Ils ont bien raison.
M. Gilbert Barbier. - Monsieur le ministre, vous avez évoqué l'éventualité d'un Smic européen. Il faut aller dans ce sens, même si nous en sommes encore loin. Beaucoup d'entreprises détournent la législation du travail.
Le détachement des travailleurs est utilisé pour employer des salariés à moindre coût dans les pays, comme le nôtre, où les charges sont élevées. Le phénomène s'est aggravé avec l'élargissement. Voyez cette publicité roumaine vantant une main-d'oeuvre bon marché ! Les règles communautaires sont détournées. La France propose de renforcer l'application du texte européen de 1996. Tout le monde n'est pas d'accord, d'où la pertinence de la présente proposition de résolution.
La Grande-Bretagne et la Pologne, entre autres, refusent le renforcement des contrôles nationaux et s'en remettent à un hypothétique contrôle européen.
L'affiliation au régime de sécurité sociale de l'État d'emploi limitera l'optimisation sociale. Parce qu'il s'agit de lutter contre la concurrence déloyale, les sénateurs RDSE soutiendront unanimement cette proposition de résolution. (Applaudissements à gauche)
M. Jean Desessard . - M. le rapporteur a tout dit, Mme la présidente de la commission des affaires sociales l'a complété, ainsi que le ministre. Cette proposition de résolution réaffirme la position de la France en faveur d'un contrôle accru des détachements afin de lutter contre les fraudes. Ce texte propose des mesures de bon sens pour responsabiliser les entreprises qui recourent à la main-d'oeuvre étrangère.
Élargissons le débat au monde du travail européen. La directive de 1996, celle de mai 2012 et la proposition de résolution se concentrent uniquement sur le contrôle des États. On veut pallier les conséquences négatives sans s'attaquer aux causes. Ce qui pousse les employeurs à détacher des travailleurs, c'est la dérégulation forcenée du droit du travail, en particulier dans les pays les plus fragiles. Nous subissons en France les effets dévastateurs de ce dumping social. Le secteur du bâtiment est particulièrement touché. Selon l'Insee, en 2011 10 % des salariés du BTP étaient des étrangers, 30 à 40 % selon la CGT. Ils seraient ainsi de 200 000 à 600 000, selon les estimations. Les employeurs, avides de profits, jouent des écarts flagrants de coût de la protection sociale au sein de l'Europe. À leurs yeux, certains pays apparaissent comme de véritables paradis sociaux.
Les écologistes appellent à une harmonisation par le haut de la protection sociale en Europe afin de maintenir le progrès social. (« Très bien ! » sur les bancs CRC) Nous appelons de nos voeux une organisation européenne du travail qui garantisse la protection des travailleurs de tous les pays. Cela devra faire, au-delà de cette proposition de résolution, l'objet d'une réforme européenne ambitieuse, pour une Europe sociale. En ce qui concerne la résolution soyez assuré, monsieur le ministre, de mon soutien et de celui du groupe écologiste tout entier. (Applaudissements sur les bancs CRC et socialistes)
M. Jean-Michel Baylet. - Le groupe écologiste est uni, quel événement ! (Sourires)
M. André Reichardt . - Ce n'est pas un scoop. La crise de l'agroalimentaire breton rappelle les difficultés rencontrées par nos entreprises, victimes de la concurrence déloyale favorisée par le détachement des travailleurs. Permettez à un Alsacien de déplorer que les zones frontalières y soient particulièrement soumises. L'économie de coûts salariaux peut aller jusqu'à 30 %. Les salaires sont plus bas en Allemagne, où n'existe pas de Smic. La Cour européenne a estimé impossible d'exiger des entreprises de détachement l'adhésion à des conventions collectives qui ne sont pas d'application générale.
Le bâtiment, gros oeuvre et second oeuvre surtout est particulièrement touché. Les entreprises allemandes y règnent avec une suprématie absolue. Toutes les maisons d'une même rue dans les communes de la bande rhénane peuvent ainsi être crépies par une seule entreprise allemande, qui démarche systématiquement les propriétaires voisins dès qu'elle a conclu un marché. Imaginez les conséquences pour les artisans locaux.
L'agriculture, les producteurs de légumes en particulier, sont eux aussi concernés. On va récolter les mêmes asperges de part et d'autre du Rhin à des tarifs qui n'ont rien à voir. Les exploitations emploient une main-d'oeuvre saisonnière importante, non soumise au salaire minimum. Ce n'est pas acceptable. Il est urgent de faire cesser ce dumping social, source de pertes d'emplois.
Les transports ne sont pas en reste. La concurrence des pays de l'Est est déloyale à l'encontre de nos PME, au profit de grands groupes, y compris nationaux. Ceux-ci recrutent des conducteurs à l'étranger, à des coûts très inférieurs, et les font ensuite travailler chez nous par cycles, en les obligeant à vivre dans la cabine de leur camion, au mépris de toute qualification et de la sécurité. Les fraudes qui se sont multipliées depuis l'entrée de l'Espagne et du Portugal et accrues après l'élargissement, provoquent des pertes d'emplois. Les distorsions de concurrence ne permettent plus aux transporteurs français d'être compétitifs. Ils nous demandent : « Que faites-vous pour nous ».
M. Jacky Le Menn. - Ils ont raison.
M. André Reichardt. - La directive européenne est contournée, donc inefficace.
Elle avait initialement pour objectif de répondre aux besoins de travailleurs spécialisés qui font défaut dans le pays d'accueil. Ces conditions n'ont jamais été respectées et nous aurions 150 000 à 200 000 travailleurs détachés en France et 300 000 travailleurs low cost. Cette explosion est devenue une menace pour l'emploi, pour ne pas dire une plaie, d'autant qu'au détournement de cette législation européenne, s'est ajoutée la fraude avec des montages de sous-traitance en cascade. Les fausses déclarations sont légion.
Pour mettre fin à ces abus, la Commission européenne a proposé, le 21 mars 2012, une directive d'exécution. Celle-ci impose enfin que l'entreprise détachant des travailleurs exerce une activité substantielle dans le pays d'accueil, elle renforce la coopération administrative entre les États membres et instaure une responsabilité solidaire du donneur d'ordre. Toutes ces dispositions vont dans le bon sens.
Vu la sensibilité du sujet, il faut pourtant aller plus loin. M. Bocquet propose avec bonheur des ajouts indispensables dont la limitation de la chaîne de la sous-traitance à trois échelons. Monsieur le ministre, nous ne ferons effectivement pas l'économie de contrôles plus rigoureux sur les chantiers, y compris le week-end, si nous voulons en terminer avec le dumping social. Pour notre part, nous aurions aimé que la proposition de résolution réaffirme clairement le principe de l'affiliation du travailleur au régime social du pays d'accueil, sauf, bien sûr, si celui du pays d'origine est plus favorable. Mais bien entendu nous la voterons.
Que la France poursuive et accentue ses efforts ! Ce ne sera pas facile car la Grande-Bretagne veut conserver le statu quo et, hier encore, les ministres du travail européens n'ont pu se mettre d?accord. Ce sujet est éminemment important, pour l'Union européenne et pour notre pays. (Applaudissements)
M. Jean Arthuis . - À mon tour de remercier M. Bocquet de l'occasion qu'il nous donne ainsi de réfléchir aux normes européennes sur le détachement des travailleurs. Dans mon département de la Mayenne, les propriétaires de gîtes ruraux se disent très heureux de voir leur biens loués, non pas à la semaine, mais à l'année, par des entreprises étrangères qui y installent leurs salariés.
Avons-nous vraiment conscience de l'ampleur du phénomène ? Hier, nous étions aussi heureux de consommer moins cher que satisfaits de notre haut niveau de protection sociale. Nous pensions alors que les emplois du BTP, du transport, de l'agro-alimentaire n'étaient pas délocalisables. La réalité a prouvé le contraire. Demandons-nous comment il se fait que de plus en plus de sociétés de transports s'installent en Pologne. Nos standards sociaux nationaux ne sont-ils pas trop élevés ? Sont-ils soutenables ?
M. Jean Bizet. - La réponse est claire...
M. Jean Arthuis. - Le groupe UDI-UC votera cette proposition. Bien sûr, il faut aller vers l'harmonisation par le haut. Après que nous aurons dit cela, quelles en seront les conséquences concrètes ? Ne nous serons-nous pas livrés à une incantation supplémentaire, une gesticulation ? Ce qui est au coeur des préoccupations de nos concitoyens, c'est le décalage entre nos textes magnifiques et leur sort, celui par exemple des salariés de l'agro-alimentaire breton. Évitons tout déni de réalité.
Nous devons, tôt ou tard, nous attaquer à nos archaïsmes. Au vrai, monsieur le ministre, vous aurez besoin de beaucoup de talent pour vendre notre modèle social français.
M. Jean Bizet. - Ce n'est pas gagné ! (Applaudissements à droite)
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - En manquerais-je ?
M. Jacky Le Menn. - Ce n'est pas gentil !
M. Jean Arthuis. - Vous devrez parler de notre déficit, de notre dette... J'encourage le Gouvernement à lever tous les tabous. Vous avez reconnu qu'il y avait un vrai problème de charges sociales. M. Desessard a rappelé les taux de cotisation en Pologne. Avec le Crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), vous avez fait un premier pas en abaissant le coût du travail, en contrepartie d'une hausse de la TVA, laquelle n'est plus considérée comme une impasse. (Murmures réprobateurs sur les bancs CRC) D'aucuns vous reprochent néanmoins d'avoir créé une nouvelle niche fiscale à rebours des engagements du candidat François Hollande (Mêmes mouvements sur les bancs socialistes) N'en restez pas là car aucun emploi est assuré de n'être pas délocalisable. Sur le chantier de la nouvelle ligne à grande vitesse qui traverse mon département, on ne parle pas beaucoup français
Allez-y franchement et cessez de caresser les chimères. Il faut déjà arrêter avec ces élargissements à répétition qui ouvrent sans cesse de nouvelles brèches. Un peu de courage, si vous voulez inverser la courbe du chômage et rétablir les finances publiques ! (Applaudissements au centre et à droite)
M. Yannick Vaugrenard . - À écouter M. Arthuis, j'avais le sentiment que nous étions au pouvoir depuis vingt ans...
M. Jean Arthuis. - Assez de ce discours, je vous prie ! Nous nous sommes tous trompés.
M. Yannick Vaugrenard. - Le débat porte sur la directive de 1996, qui encadre le détachement des travailleurs sur le territoire de l'Union, une nécessité, vu l'importance du phénomène. À rebours de son ambition, et parce qu'elle n'impose pas l'affiliation au régime social du pays d'exercice, elle encourage le dumping social, alors que l'article 56 du traité de l'Union européenne consacre le principe de libre prestation de services à l'intérieur de la Communauté. Surtout nous avons adopté ce texte pour nous donner bonne conscience, mais sans les moyens de l'appliquer : les services chargés des contrôles, monsieur Arthuis, ont été frappés de plein fouet par votre RGPP. Dès 2012, les socialistes interpellaient le Gouvernement. Une fois n'est pas coutume, la Commission européenne a pris conscience des difficultés et proposé une directive d'exécution dont M. Richard Yung a salué certaines des avancées dans une proposition datée du 19 juillet 2012.
Pour en assurer l'efficacité et la cohérence, nous devons, comme il est écrit dans la proposition de M. Bocquet, étendre le principe de la responsabilité du donneur d'ordre à toute la chaîne et à tous les secteurs.
Je le soutiens d'autant plus que mon département de Loire-Atlantique, qui concentre le plus de travailleurs détachés, a connu de nombreux drames depuis 2008 : je pense au décès de Nikos Aslamazidis, salarié grec, dix-neuf jours après son retour dans ce pays, après une grève de la faim due au conflit salarial l'opposant à son employeur, sous-traitant de deuxième rang des chantiers navals de Saint-Nazaire. J'avais attiré l'attention sur son sort et sur les conséquences de son geste lorsque j'étais député européen.
Grâce à cette proposition de résolution, nous combattrons le vent nationaliste actuel. Au bout du compte, l'Europe sera sociale ou elle ne sera pas ! (Vifs applaudissements à gauche)
M. Dominique Watrin . - Le détachement des travailleurs permet d'économiser entre 650 et 1 500 euros par mois pour 200 heures de travail mensuelles, le calcul est vite fait pour les entreprises, celles du bâtiment en particulier. Certaines ne manquent pas d'imagination pour contourner nos règles : l'entreprise boîte aux lettres, la sous-traitance en cascade ou le recours au faux statut d'indépendant.
Prenons l'exemple de la compagnie aérienne Hermès, filiale de la compagnie Air Méditerranée, qui fait l'objet d'une procédure pour dumping social. Après avoir licencié la moitié de son personnel français en 2011, elle a transféré la moitié de sa flotte en Grèce, dans sa filiale, avec des pilotes prétendument basés à Athènes alors que tous ses pilotes travaillent uniquement au départ de France. Je pourrais aussi évoquer Ryan Air. Si ces pratiques se repèrent facilement chez les grandes entreprises, elles le sont moins dans les petites structures. Au vrai, la solution passe par une harmonisation sociale vers le haut car, en définitive, la victime est toujours le travailleur. Ne nous payons pas de mots, cessons de suivre le Medef pas à pas, et construisons l'Europe sociale ! (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Yves Leconte . - Que les règles du détachement des travailleurs soient détournées, que l'ampleur du phénomène soit mal connue, que les conséquences sociales et humaines soient catastrophiques ne fait aucun doute. Voyez la situation dans nos abattoirs, créée par l'application sauvage de cette directive, couplée à l'absence de salaire minimal en Allemagne. Ne laissons pas les abattoirs allemands abattre l'Union européenne !
Pour avoir longtemps vécu en Europe centrale, j'ai observé combien les petites entreprises connaissent mal la réglementation : expliquons-la et simplifions-la. Puisqu'on parle de détachement, ne faut-il pas fixer une durée maximale ?
La révision de la directive de 1996 est essentielle. Ne la transformons pas en une querelle entre les anciens et les nouveaux États membres et souvenons-nous que l'Europe s'est également bâtie sur les accords de Gdansk en 1982, qui reconnaissaient des droits aux travailleurs. Je crois que nous saurons construire ensemble l'Europe sociale. Cette proposition de résolution constitue un premier pas. (Applaudissements à gauche)
M. Thierry Repentin, ministre délégué . - Merci pour la qualité de vos analyses, pour votre belle et étonnante unanimité.
Monsieur Barbier, un salaire minimal dans tous les pays ? Dans certains pays, l'État n'impose pas ; le dialogue social fonctionne branche par branche. Pour autant, je suis optimiste car, le 30 mai dernier, François Hollande et Angela Merkel ont demandé à débattre du salaire minimum européen. Ce qui était tabou il y a dix-huit mois ne l'est plus. Les Bretons peuvent s'en réjouir, c'est ainsi que nous règlerons le douloureux problème des abattoirs.
MM. Jacky Le Menn et Jacques Chiron. - Très bien !
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - Monsieur Reichardt, vous regrettez la concurrence déloyale dans les activités agricoles saisonnières. Avec l'article 3 du projet de directive, nous pouvons mieux combattre les abus et reclasser ces travailleurs en saisonniers, sous un statut plus protecteur que celui des détachés.
M. Arthuis a lui-même reconnu que les archaïsmes, par définition, se formaient par sédimentation...
Mme Nathalie Goulet. - Oui.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - ... en réponse à l'interprétation de M. Vaugrenard...
M. Jean Desessard. - Nous n'avons pas trop gouverné. (Exclamations sur divers bancs)
M. Jean Bizet. - Il ne vaudrait mieux pas. (Sourires)
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - M. Arthuis a évoqué le CICE, il aurait pu citer l'accord national interprofessionnel obtenu par M. Sapin.
Le toilettage des textes, nous nous y attelons. Cela ne suffira pas : nous devons inciter les autres États membres à en faire de même pour réussir l'harmonisation par le haut. C'est ainsi que, les 24 et 25 octobre prochains, nous discuterons de l'intégration des indicateurs sociaux dans les politiques européennes.
Voter cette proposition n'est pas un geste pour se donner bonne conscience. Ce texte apportera à M. Moscovici et à moi-même des arguments, du carburant, il donnera du poids à nos propos dans les instances européennes ! (Applaudissements à gauche)
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes . - Cette semaine de contrôle est placée sous le signe de l'Europe. Nous avons discuté de l'excellente proposition de résolution de M. Bocquet, nous débattrons demain de la protection des données personnelles et du texte de Mme Reding. À cette occasion, je veux rappeler que nous avons des moyens d'action : avec le traité de Lisbonne, nous pouvons émettre un carton jaune au regard de la subsidiarité et obliger la Commission européenne à revoir sa copie. Nous avons utilisé cette procédure avec succès sur le projet « Monti II ». Le pessimisme de M. Arthuis n'est donc pas de mise. L'Europe sociale, nous en reparlerons beaucoup dans les prochains mois.
La discussion générale est close.
Vote sur l'ensemble
M. Jean Bizet . - Je salue cette proposition de résolution et la directive d'exécution de mars 2012. La directive de 1996 était une bonne idée au départ, elle a fait l'objet de vilaines réalisations car elle a été détournée. Ces applications ont alimenté un discours xénophobe dont nous en savons que trop qu'il est l'antichambre de graves troubles sociaux.
Avec humour, je souligne que Mme David a souligné la pertinence de certains aspects de la politique allemande. De fait, nos voisins ont moins de difficultés que nous.
Monsieur le ministre, vous avez bien fait de distinguer travailleur détaché et saisonnier. Je ne doute pas de votre compétence mais il vous faudra plus que du talent pour convaincre nos partenaires européens de notre capacité à financier le modèle français. Ah, le déni de réalité ! Notre politique sociale est certes louable mais elle n'est plus tenable.
Je soutiendrai cette proposition de résolution qui va dans le bon sens. Quoique, vous savez, l'harmonisation par le haut... Pour un Normand, in medio stat virtus. (Sourires)
M. Éric Bocquet, rapporteur pour avis . - Après l'unanimité des commissions des affaires européennes et des affaires sociales, il semble que nous nous orientions vers un vote unanime. M. Arthuis ayant dit que nous nous sommes tous trompés, je me félicite que la réflexion avance, même si je me sais moins proche de son appel à démanteler nos normes sociales que du plaidoyer de Jean Desessard pour l'Europe sociale. (Applaudissements)
Le texte de la proposition de résolution est adopté à l'unanimité.
M. le président. - Cette résolution proposition sera transmise au Gouvernement ainsi qu'à l'Assemblée nationale.
Mission commune d'information (Nominations)
M. le président. - Je rappelle que les groupes ont présenté une liste de candidats pour la mission commune d'information sur la réforme des rythmes scolaires afin d'évaluer sa mise en place, les difficultés rencontrées et le coût induit pour l'ensemble des communes. La Présidence n'a reçu aucune opposition, cette liste est ratifiée et je proclame M. Jean-Etienne Antoinette, Mmes Maryvonne Blondin, Natacha Bouchart, M. Jean-Claude Carle, Mmes Françoise Cartron, Caroline Cayeux, MM. Jacques Chiron, Philippe Darniche, Mme Christiane Demontes, M. Félix Desplan, Mme Marie-Annick Duchêne, M. Alain Fauconnier, Mme Françoise Férat, MM. François Fortassin, André Gattolin, Mmes Dominique Gillot, Brigitte Gonthier-Maurin, Jacqueline Gourault, MM. Jean-François Husson, Ronan Kerdraon, Mme Françoise Laborde, MM. Jacques, Legendre, Dominique de Legge, Michel Le Scouarnec, François Marc, Pierre Martin, Mmes Colette Melot, Danielle Michel, Catherine Morin-Desailly, M. Rémy Pointereau, Mme Sophie Primas, M. Gilbert Roger, Mme Catherine Troendle, membres de cette mission commune d'information.
CMP (Candidatures)
M. le président. - J'informe le Sénat que la commission des lois m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente aux commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi et du projet de loi organique portant application de l'article 11 de la Constitution.
Cette liste a été affichée et les nominations des membres de ces commissions mixtes paritaires auront lieu conformément à l'article 12 du Règlement.
Débat préalable au Conseil européen des 24 et 25 octobre 2013
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 24 et 25 octobre 2013.
Orateurs inscrits
M. Thierry Repentin, ministre chargé des affaires européennes . - Le prochain Conseil européen se tiendra les 24 et 25 octobre 2013 à Bruxelles. Il portera sur la stratégie numérique européenne et l'approfondissement de l'Union économique et monétaire - avec la mise en place d'indicateurs sociaux, à laquelle la France accorde une grande importance. La France et l'Italie ont aussi demandé l'inscription à l'ordre du jour d'un débat sur les conséquences qu'il convient de tirer du drame de Lampedusa.
Le plus dur de la crise semble derrière nous. Nous entrons dans une phase de consolidation. Le numérique s'inscrit dans notre ambition pour l'Europe et notre stratégie en faveur de la croissance et de l'emploi.
Le FMI vient de revoir ses prévisions pour 2013 et 2014, pour la France comme pour l'Europe, à la hausse. C'est la preuve que la réorientation de la construction européenne, que le soutien à la croissance par l'investissement plutôt que par une austérité sans fin ont été de bons choix. Nous devons décliner ces politiques dans chaque secteur. L'économie numérique ne dépend pas que de la demande, mais aussi de l'offre. C'est un quart de la croissance et de la création d'emplois en France. Le Conseil européen doit souligner l'urgence d'une stratégie globale européenne, fondée sur une politique industrielle à l'échelle de l'Union, sur des règles du jeu équitables entre les acteurs, sur la valorisation et la création de contenus, sur la promotion d'un environnement de confiance pour les entreprises comme pour les citoyens, qui garantira la protection des données personnelles. Tel est le sens de la contribution que la France a transmise à Bruxelles.
S'agissant de l'Union économique et monétaire, il est pertinent que d'autres critères que les seuls indicateurs financiers entrent dans la liste de ceux qui guident nos choix politiques. Grâce à la contribution franco-allemande de juin dernier, la lutte contre le chômage des jeunes est devenue une priorité européenne. Nous avons obtenu la mise en place d'un fonds de 6 milliards d'euros en faveur de l'emploi des jeunes pour 2014-2020, ainsi que l'élargissement d'Erasmus aux apprentis et aux jeunes en alternance.
Le 12 novembre se tiendra à Paris une réunion des chefs d'État et de gouvernement sur l'emploi des jeunes. La Commission a pris une initiative heureuse, qui nous donne une base de travail solide, avec un tableau de bord social construit sur cinq indicateurs - taux de chômage, éducation, formation, revenu disponible des ménages, taux des personnes à risque de pauvreté dans la population active -, première étape décisive vers une Europe plus proche de la réalité vécue par les citoyens européens. C'est un bon début, avant que d'autres indicateurs, démographiques ou de santé, soient ajoutés à cette liste, selon le modèle gradualiste de la construction européenne.
La tragédie de Lampedusa a marqué les esprits. Elle touche aux valeurs fondamentales de la construction de l'Europe.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - C'est vrai.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - C'est pourquoi le président de la République a voulu inscrire ce thème à l'ordre du jour du Conseil européen. La prévention, la solidarité, la protection - surveillance au plus près des côtes des pays de départ ou lutte contre les passeurs - doivent présider à la politique européenne en la matière, car chaque État membre ne peut affronter seul ce problème.
Les trois thèmes qui seront abordés lors du Conseil sont décisifs pour bâtir l'Europe des solidarités, celle que j'ai en tête à chaque fois que je représente la France sur la scène européenne. (Applaudissements à gauche)
M. André Gattolin . - Ce Conseil européen sera le septième depuis un an, alors que les textes n'en prévoient que deux par trimestre ; c'est dire l'importance de cette instance dans la définition des politiques européennes. Ce rythme est désormais entré dans les moeurs. La crise le justifie, ainsi que les difficultés qui ont émaillé la construction du prochain cadre pluriannuel. Mais on aurait tort de se satisfaire d'un tel mode de fonctionnement. Le Conseil, constitué par les chefs d'État et de gouvernement, est précédé de longs travaux préparatoires, tant les échanges y sont peu spontanés. On a du mal à voir en quoi les décisions prises dans un tel cadre seraient plus efficaces que celles prises par d'autres institutions, d'autant que le Conseil n'est responsable de rien devant personne. Et je ne dis rien de la prudence, voire de la paralysie qui saisit certains avant ou après des échéances électorales...
La France, isolée dans sa conception des affaires européennes, celles-ci faisant pour elle partie du domaine privé de l'exécutif, est souvent en peine de conclure des alliances durables avec ses partenaires. Incapables de se consacrer à de grands projets, les chefs d'État et de gouvernement ont tendance à se rabattre sur des considérations sectorielles ou technico-administratives - ce qui est bien commode - faute de vision au long cours.
L'ordre du jour de celui de la semaine prochaine en témoigne ; ce sont des sujets importants, mais à dominante économique et technique, sur lesquels les avancées concrètes tardent à venir. L'échec des politiques migratoires et d'asile appelle des mesures fortes, alors que les réponses ne sont pas à la hauteur de la gravité du problème. Surveillance accrue ? Accords avec les pays de départ ? Lutte contre l'immigration clandestine ? Il ne faudrait pas fermer encore davantage l'Europe sans traiter les causes, d'autant que la majorité des immigrants sont originaires de Syrie. Qu'attend la France pour revenir sur sa décision de soumettre les citoyens syriens en escale dans nos aéroports à des visas aéroportuaires ? Je n'ai toujours pas de réponse à cette question que je pose depuis le mois de juin... J'en attends une aujourd'hui.
Même absence d'informations sur l'éventuelle conclusion du traité de libre-échange avec les États-Unis. N'y a-t-il vraiment rien à en dire ?
La construction européenne est le fruit d'une géniale intuition. Il a fallu que les États européens acceptent de revenir sur leur conception traditionnelle de la frontière, de s'ouvrir, de mettre en commun. Cet esprit est-il en voie de disparition ? Alors qu'elle se referme sur elle-même, l'Europe doit retrouver sa capacité à mobiliser les sociétés qui la composent. On peut craindre qu'à cette aune les Conseils européens ne soient contre-productifs... L'intergouvernemental a trouvé ses limites, il faut trouver un nouvel équilibre institutionnel d'ordre fédéral. Espérons que les prochaines élections européennes ne contrecarreront pas ce projet. (M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes, applaudit)
M. Jean Bizet . - Si sur l'économie, la croissance ou la compétitivité, ce Conseil européen n'est qu'une étape transitionnelle, l'occasion de faire un bilan, il n'en est pas moins intéressant. Il faut consolider la stabilité financière et économique de l'Union, garante de la stabilité sociale et politique.
Les divergences semblent aller croissant entre la France et l'Allemagne. La proposition de résolution déposée en mai par l'UMP à ce sujet est toujours d'actualité, alors qu'Angela Merkel, brillamment réélue, incarne plus que jamais la continuité d'une action fondée sur le désendettement et la maîtrise des dépenses publiques comme sources de compétitivité et d'emplois. Les socialistes et les Verts allemands lui ont régulièrement apporté leur soutien, alors que vous l'avez vainement contestée. Monsieur le ministre, le projet de loi de finances pour 2014 portera-t-il la marque de votre manque de détermination à cet égard ? Espérer le retour de la croissance n'a jamais fait une politique économique... De ce côté-ci du Rhin, emplois aidés, dépense publique, fiscalité alourdie, système de formation professionnelle qui se cherche depuis des années... Et de l'autre... La France ne peut pas se passer de la coopération avec l'Allemagne, pas plus que l'Europe ne peut se passer du couple franco-allemand, facteur de proposition et de dynamisme.
Jusqu'où le Gouvernement ira-t-il dans sa stratégie fiscale et de dépenses publiques ? Jusqu'où nous laissera-t-il diverger de l'Allemagne mais aussi de l'Italie et de l'Espagne, qui ont mené des politiques courageuses et douloureuses de redressement ? Choisirez-vous, encore et toujours, l'Europe des transferts et des subventions, qui n'est pas celle de la croissance ? Regagnons la confiance de l'Allemagne en menant les réformes structurelles qui feront revenir la croissance et améliorer notre compétitivité.
La réélection de la Chancelière met l'Allemagne dans une situation paradoxale : elle n'a pas intérêt à afficher toute sa puissance, au risque de crisper encore davantage ses partenaires. C'est à la France que revient l'impérieuse obligation de relancer l'Europe. Oui, à la France de commencer par assumer ses propres réformes structurelles. Le moment de saisir notre propre destin européen, c'est maintenant. Notre famille politique vous appuiera en ce sens. (Applaudissements au centre et à droite ; M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes applaudit aussi)
M. Aymeri de Montesquiou . - Après une crise très profonde, l'Europe regarde enfin vers l'avenir. L'économie numérique ouvre les portes du futur ; elle bouleverse tous les secteurs. Nous le mesurons tous, dans nos territoires, la plus petite commune pourra être reliée à tous les points du monde. Le Sénat a dressé ce constat en mars dernier, lors de l'adoption du remarquable rapport d'information de Mme Morin-Desailly sur l'Europe numérique, qui doit vous inspirer, monsieur le ministre.
L'effet à court terme sur notre économie sera ambivalent. Des activités seront détruites, des secteurs déclineront. Voyez Amazon, qui s'impose comme la première librairie du monde aux dépens des librairies traditionnelles. Bonne ou mauvaise, la théorie de Schumpeter est une réalité.
M. Jean Bizet. - Exact !
M. Aymeri de Montesquiou. - Le numérique peut et doit cependant constituer un espoir. La transition numérique doit s'appuyer sur une action européenne concertée, du raccordement des foyers à l'aménagement numérique du territoire en passant par la recherche. Je souligne les apports innovants d'Hervé Maurey et de Jean-Léonce Dupont, qui a mis en oeuvre une formule originale de financement dans le Calvados. Faisons de l'Europe un foyer mondial des technologies numériques. Aux pouvoirs publics, à l'Union européenne de mettre en place les clusters qui nous font tant défaut aujourd'hui.
L'effort en faveur du secteur marchand est indispensable. Un exemple : l'explosion des jeux en ligne ne pourra que porter tort aux buralistes, derniers remparts contre la désertification de certains territoires et l'isolement de nos concitoyens. Soutenons et formons les femmes et les hommes qui verront leurs emplois remis en cause pour leur permettre de saisir de nouvelles opportunités numériques. Ce qui implique des aménagements juridiques et institutionnels - un conseil numérique spécialisé est nécessaire.
Le numérique, c'est aussi la cyber-défense, la protection des données personnelles, la généralisation de l'action de groupe au niveau européen.
La transition numérique implique de progresser en équité, comme l'a préconisé M. Marini, dont l'initiative en faveur d'une fiscalité neutre et équitable des activités numériques doit être relayée au niveau européen, alors que l'optimisation fiscale des Gafa, les géants du numérique, freine l'essor de nouvelles industries et prive les budgets nationaux de recettes. Le Sénat ne manque pas d'idées. Nous attendons de vous, monsieur le ministre, que vous les saisissiez. (Applaudissements et « Très bien ! » au centre et à droite)
M. Michel Billout . - Si l'économie numérique, l'innovation, les services et l'Union économique et monétaire méritent toute notre attention, je me concentrerai sur la lutte contre le chômage des jeunes, déterminante pour l'avenir, priorité récente de l'Union européenne. S'agit-il d'un tournant ? Il est trop tôt pour l'affirmer. Près d'un jeune Européen sur quatre est au chômage, 42 % d'entre eux travaillent sous un contrat temporaire et 32 % sont à temps partiel. D'après le directeur du bureau français de l'OIT, la difficulté pour les jeunes est d'accéder à temps à l'entreprise après avoir acquis une qualification.
Les fonds structurels et la garantie pour la jeunesse peuvent certes avoir un certain effet. La France doit mettre en oeuvre cette garantie à titre expérimental dans dix départements ; où en est ce projet, monsieur le ministre ? Il faut aller plus loin. La Commission européenne devrait agir en faveur de cursus communs de formation en alternance et d'un statut européen de l'apprenti, comme nous l'avons préconisé.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - Parfait !
M. Michel Billout. - J'espère que le Gouvernement soutiendra cette proposition. C'est votre « carburant », monsieur le ministre...
Où en est la mise en place d'un réseau européen des services publics de l'emploi ? La BEI a décidé d'apporter son concours, avec le programme Investir dans les compétences ; nous manquons d'informations sur sa mise en oeuvre. Pouvez-vous nous éclairer, monsieur le ministre ? Il est illusoire de penser combattre efficacement le chômage des jeunes sans le retour d'une croissance durable, sans une politique de développement industriel, de recherche et d'innovation. L'Union européenne peut jouer un rôle majeur en coordonnant les politiques de développement et en mettant l'accent sur les formations d'avenir.
Le Conseil européen va plutôt dans le sens des restrictions budgétaires. Comment les États pourront-ils agir si on les soumet sans cesse aux impératifs d'économies et de rationalisation ? La réforme des retraites offre un autre exemple d'incohérence. Le Conseil, examinant le programme présenté par la France, note que notre système sera encore déficitaire en 2018 et que de nouvelles mesures devront être prises, dont le recul de l'âge de départ ou l'allongement de la durée de cotisation. La France se montre bon élève ; mais comment faire baisser le chômage des jeunes en allongeant la durée du travail ? Il est nécessaire de changer d'approche. C'est dans cet esprit que les députés du Front de gauche ont proposé une loi cadre pour la jeunesse. Les questions du logement, des études, de l'emploi, des salaires, des précarités doivent être abordées de front.
J'espère que le Conseil européen portera ses fruits. La jeunesse est l'avenir de l'Europe ; ne la décevons pas, ne la désespérons pas ! (Applaudissements à gauche)
Mme Bariza Khiari . - L'ordre du jour du prochain Conseil européen a été modifié à la demande du Gouvernement français à la suite du drame de Lampedusa. Il faut absolument que les chefs d'État et de gouvernement traduisent leur indignation en actes.
J'ai visité un camp de réfugiés syriens en Jordanie avec Mme la ministre Conway-Mouret - je salue le travail qu'y mène notre mission médicale. La Jordanie est un petit pays sans ressources naturelles ; il accueille des centaines de milliers de réfugiés ; le Liban en accueille 4 millions, parfois jusque sur leurs terrasses. Quatre-vingt-dix-sept pour cent des réfugiés syriens sont accueillis dans les pays limitrophes ; c'est dire qu'une infime minorité choisit de tenter la traversée de la Méditerranée. Il n'y a pas, contrairement à ce qu'on entend parfois, de déferlante. La réalité de l'asile se joue hors de l'Europe. On a dénombré 1 500 morts en mer en 2011...
Tous ces chiffres disent qu'il faut renforcer nos interventions. L'Europe est-elle devenue si inhumaine qu'elle laisse sombrer ses principes moraux en Méditerranée ? L'Europe a déjà désespéré une partie de Billancourt, il ne faudrait pas qu'elle désespère ceux qui n'ont pas renoncé à son projet humaniste. Elle ne doit pas se transformer en cimetière de ses valeurs. Le drame de Lampedusa est là pour nous le rappeler : si elle continue de se dresser comme une forteresse, elle échouera, et d'abord sur le plan moral.
Le groupe socialiste avait déposé en 2011 une proposition de résolution. Monsieur le ministre, peut-on envisager un programme spécifique européen d'accueil sur la durée de réfugiés syriens via la protection temporaire, une harmonisation des procédures, la révision de Dublin II afin de ne pas laisser la Grèce, Chypre, Malte, l'Italie supporter la presque totalité des conséquences de notre inaction ?
Deuxième thème, l'industrie numérique. Vous savez, monsieur le ministre, que le Sénat attache une grande importance à la question de la fiscalité numérique. La commission de la culture se saisira en deuxième lecture de la proposition de loi visant à combattre les pratiques de dumping dans le secteur du livre. Les géants de ce secteur mènent des pratiques systématiques d'optimisation fiscale que les États membres ne doivent pas laisser prospérer. Tant qu'elles ne seront pas encadrées, il ne pourra être mis un terme aux distorsions de concurrence. Un cadre fiscal européen commun est indispensable.
Troisième thème, la dimension sociale de l'union économique et monétaire. Le document sur les indicateurs sociaux n'est pas à la hauteur des enjeux, quelle que soit l'avancée qu'il représente et que je ne conteste pas. Ne peut-on envisager un produit de bonheur brut ...
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - Comme le Bhoutan...
Mme Bariza Khiari. - Si les indicateurs économiques ont une valeur contraignante, les indicateurs sociaux ne sont qu'indicatifs... C'est peut-être un pas en avant pour M. Barroso, mais il est bien petit aux yeux de ceux qui veulent doter l'Europe d'une politique sociale plus ambitieuse. Il y a quelques mois, le Premier ministre belge évoquait la possibilité de saisir le moment politique, de la culpabilité morale de certains dirigeants face à la fraude fiscale pour avancer sur le dossier de l'harmonisation. L'occasion est venue et il ne sera pas nécessaire de jouer sur la culpabilité morale mais de se fonder sur l'esprit de responsabilité pour redonner la priorité aux valeurs capables de mobiliser autour du projet européen. L'opinion regarde l'Europe avec de plus en plus de méfiance et celle-ci ne sert plus de paratonnerre politique aux États.
Il faut redonner de l'âme à l'Europe à travers des projets fédérateurs ! (Applaudissements à gauche)
M. Yvon Collin . - Bien évidemment, on ne peut que souscrire aux grands axes dégagés pour ramener l'Europe sur le chemin de la croissance. Dès 2007, avec M. Bourdin, nous signalions le manque criant de coordination de nos politiques au sein de l'Union dans un rapport au titre prémonitoire : Le malaise avant la crise.
Nous payons aujourd'hui le prix de nos écarts par rapport à nos engagements de stabilité. Ceux qui ont été au pouvoir durant dix ans, au lieu de nous donner des leçons devraient reconnaître que nous sommes au pied du mur, et devons redresser nos comptes publics. L'exercice est difficile, il exige doigté et pédagogie envers les populations.
L'Europe, qui a joué son rôle de pompier, doit maintenant s'efforcer de relancer l'espérance. C'est le cap fixé par le président de la République. La gouvernance des fonds structurels est-elle vraiment adaptée à la lutte contre le chômage des jeunes ?
L'Europe, si elle est un chantier permanent, est aussi un espace de paix et de prospérité, au point que certains veulent la rejoindre au péril de leur vie. Ne laissons pas régner le discours populiste. (Applaudissements à gauche)
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - Très bien !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances . - Le 2 octobre, la Commission européenne, dans une communication, proposait la mise en place d'un tableau de bord comprenant des critères sociaux. Enfin, la dimension sociale est reconnue dans la gouvernance de l'UEM. Cette démarche est tout autant légitime que nécessaire car les déséquilibres sociaux sont aussi déstabilisants que les déséquilibres économiques. J'encourage le Gouvernement à l'appuyer en incitant la Commission à se montrer moins timide. Voyez la situation en Bretagne, où je suis élu, dans l'industrie agroalimentaire, qui subit de plein fouet la concurrence des travailleurs détachés en Allemagne. Avec le salaire minimum, sur lequel François Hollande a obtenu d'Angela Merkel d'ouvrir la discussion en mai dernier, j'espère que nous mettrons fin à cette course au moins-disant social.
Ce sera le gage d'un vivre ensemble européen, je dirais même que ce salaire minimum donnera à l'Europe l'épaisseur humaine qui lui manque.
L'UEM ne fonctionnera que si l'on crée et fait fonctionner un système de résolution unique des crises bancaires. L'union bancaire doit encore surmonter des obstacles juridiques et politiques. J'y insiste : pour rétablir la confiance dans la zone euro, nous devons nous soumettre véritablement aux stress tests et en tirer toutes les conséquences.
Pour conclure, à côté de la discipline budgétaire, la solidarité est un gage de solidité de la zone euro et d'une intégration politique renforcée que j'appelle de mes voeux ! (Applaudissements à gauche)
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes . - Quand le chômage des jeunes atteint 62 % en Grèce et 55 % en Espagne, l'Europe ne peut pas, comme le disait le précédent ministre, se transformer en une maison de correction. Elle se mobilise avec l'initiative pour l'emploi des jeunes, dans laquelle notre président de la République n'est pas pour rien. Je le souligne pour endiguer la montée du discours populiste sur l'inaction de l'Europe.
Pour autant, nous ne pouvons en rester là, même si le contexte n'est pas favorable à un nouvel élan : crise budgétaire américaine, formation du gouvernement allemand en attente ...
M. Jean Bizet. - Ça vient !
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. - Avançons vers l'intégration solidaire, comme l'a proposé le président de la République, bâtissons une communauté européenne de l'énergie, définissons une stratégie européenne du numérique. L'Europe ne doit pas rester une « colonie du monde numérique », selon la formule de notre collègue Morin-Dessailly.
Longtemps, l'intégration solidaire a fait du surplace. L'initiative pour l'emploi des jeunes représente certes une avancée, mais peut-on se contenter d'un plan de 6 milliards d'euros sur sept ans, alors qu'un jeune Européen sur quatre est au chômage ?
Refusons de faire de l'Europe un bouc émissaire, cette remarque vaut aussi pour le drame de Lampedusa. Rien ne nous interdit, dans les textes, de communautariser davantage notre politique migratoire.
Contrairement à ce que disent les populistes, l'Europe n'est pas le problème. Elle comporte une bonne part de la solution. Elle ressemble, disait Jacques Delors, à une bicyclette qu'il faut faire avancer pour tenir debout.
À mi-côte, c'est le moment d'appuyer plus fort, pas de mettre pied à terre ! (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et RDSE)
M. Thierry Repentin, ministre délégué . - Monsieur Gattolin, que le Conseil européen se réunisse davantage que le prévoient les textes est plutôt une bonne nouvelle. De la même manière, que les maires se retrouvent plus souvent dans les instances communautaires, pour discuter des problèmes qui les concernent tous. J'ai cru entendre une crainte que ce Conseil soit corseté par des technocrates. Rassurez-vous, la parole y est libre. Cela est rarement su, mais seuls les chefs d'État et de gouvernement y siègent. Je ne peux y accompagner le président de la République.
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. - Ne le dites pas !
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - C'est tant mieux car, élu au suffrage universel, c'est à lui de porter la voix de la France.
M. Gattolin, M. Collin, Mme Khiari, mais aussi M. Sutour ont évoqué l'effroyable drame de Lampedusa, ils auraient pu aussi évoquer la tragédie de Malte. Si la réponse est internationale, elle est aussi européenne. Au titre de la politique de voisinage, gardons la règle des deux tiers pour les pays voisins du sud de l'Europe et d'un tiers pour l'est de l'Europe, aidons davantage les États membres les plus exposés, et ceux de la rive sud de la Méditerranée et accordons la protection temporaire quand cela est justifié. Il faut aider au développement de la corne de l'Afrique et du sud de la Méditerranée et tout faire pour éviter les départs de migrants ? Rappelez-vous que sur la Syrie la France n'a pas été la dernière à presser pour agir. Il faut parfois prendre des décisions difficiles, qui peuvent aussi aider à sauver des vies. Du point de vue de la protection, surveillons davantage les côtes, et poursuivons ceux qui profitent des trafics.
Sur l'accord transatlantique, monsieur Gattolin, un mandat a été donné à la Commission après ce que j'appellerai une explication de gravure où la France a pris toute sa place pour exclure l'exception culturelle et l'agriculture, l'alimentaire, en refusant les OGM, les hormones de croissance, les viandes décontaminées chimiquement, ainsi que l'armement.
Une première négociation a eu lieu le 8 juillet à Washington sur la convergence réglementaire et les normes ; la deuxième, qui devait se tenir du 9 au 12 octobre, a été reportée en raison du shutdown qui oblige le président Obama à trouver un accord sur son budget. Les visas de transit aéroportuaire permettent à la France de contrôler les demandes d'asile. Souvenez-vous des menaces de Bachar el-Assad à l'encontre de la France. La France a le devoir de protéger son territoire et ses citoyens. Hasard de calendrier, le président de la République, Laurent Fabius et Manuel Valls reçoivent ce soir le président Gutteres du Haut Commissariat aux réfugiés de l'ONU pour faire avancer ce dossier.
Monsieur Bizet, il ne se passe pas une semaine sans qu'un membre du gouvernement français rencontre un homologue allemand. Ce sera mon cas demain et M. Sapin en a fait autant pas plus tard qu'hier. Je ne connais pas d'autres exemples dans le monde d'une telle coopération. C'est ainsi que nous avons dépassé nos divergences sur le salaire minimal et le travail low cost. Je vous renvoie à notre texte du 30 mai dernier, nous y parlons même d'une assiette commune de l'impôt sur les sociétés.
Quant à notre projet de budget, le commissaire Olli Rehn, qui n'est pas le plus prompt à nous adresser des éloges, a reconnu publiquement nos efforts pour redresser nos comptes publics.
M. de Montesquiou, chose rare dans cet hémicycle, a cité Schumpeter, à propos du numérique. L'innovation est aussi facteur de croissance, source d'emplois. Nous traiterons la matière de façon globale lors du prochain Conseil en insistant sur les aspects fiscaux, dont la TVA. Le modèle des grandes plates-formes ne peut plus durer ; 1 000 milliards d'euros échappent chaque année à la fiscalité européenne.
L'initiative européenne pour l'emploi des jeunes est dotée de 6 milliards d'euros. On peut considérer cela insuffisant. Néanmoins, reconnaissons que l'Europe fait preuve pour la première fois d'une telle solidarité envers les jeunes. Cette somme ne tient pas compte de l'apport des fonds structurels, ni des 2 milliards supplémentaires qui pourraient être votés en 2015. Espérons que non, et que d'ici là nous aurons réussi à faire décoller l'emploi des jeunes.
Quant à la garantie financière, elle ciblera les jeunes les moins qualifiés, les plus vulnérables, à partir du mois d'octobre dans dix départements tests, puis dans dix nouveaux départements à partir du mois de janvier, avant une généralisation du dispositif qui pourrait concerner 300 000 jeunes.
Monsieur Billout, la Commission formule des recommandations que nous prenons pour ce qu'elles sont : des avis. Elle ne se substitue en rien à la représentation nationale, ses avis nous éclaireront, au même titre que l'avis du Haut Conseil des finances publiques. À vous d'en débattre souverainement.
Madame Khiari, nous n'instituerons pas de nouvelle taxe sur le numérique en 2014. Nous devons travailler au niveau européen et international. En revanche, j'ai annoncé une réforme de la TVA ; elle devra être acquittée dans le pays où le service est rendu, et non dans le pays où l'entreprise est installée. Ainsi, Amazon ne pourra plus tirer profit de son installation au Luxembourg.
S'agissant des critères sociaux, dont nous a également entretenus le président Sutour, ils ne doivent pas être opposables ; n'en faisons pas un corset supplémentaire. Ils doivent servir à adapter les politiques à la réalité des États.
Nous proposerons de les compléter par d'autres pour avancer vers une convergence par le haut.
Les stress tests du premier semestre 2014, monsieur Marc, sont une étape importante avant que la BCE ne joue son nouveau rôle. Ils doivent donc être crédibles et la Commission européenne en tirera toutes les leçons.
Pardonnez-moi d'avoir été un peu long. C'est que se dessinent d'importantes échéances électorales en mai 2014 et si je retiens un point positif de nos débats, ce sera celui-là : personne n'a remis en question l'Europe.
Mme Bariza Khiari. - Pas encore !
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - En démocrates que nous sommes, défendons en mai prochain nos visions différentes de l'Europe afin que le débat électoral n'oppose pas globalement partisans et adversaires de l'Europe !
La séance, suspendue à 18 h 25, reprend à 18 h 30.
présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente
Débat interactif et spontané
M. François-Noël Buffet . - Nous avons tous été choqués par les drames de Lampedusa et de Malte. Où en est la discussion sur le programme Eurosur ? Quel rôle donner à Frontex ? Monsieur le ministre, pouvez-vous clarifier la position de la France sur l'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l'espace Schengen ?
M. Thierry Repentin, ministre délégué . - Eurosur, Frontex, vous auriez pu aussi citer Seahorse, dispositif de protection des frontières et de coordination des moyens de gestion des flux migratoires. Les rives nord de la Méditerranée subissent un afflux qui nécessite des moyens accrus, ce que nous proposerons au Conseil européen, face aux réseaux criminels qui exploitent la misère humaine.
Schengen ne changera pas, face à la Roumanie et à la Bulgarie en janvier 2014. Leurs ressortissants appartiennent à l'Union européenne et, à ce titre, ils peuvent se déplacer librement pendant trois mois et s'installer dans tout pays de l'Union, même au Royaume-Uni, qui n'est pas dans Schengen. La seule différence c'est qu'on leur demande leur carte d'identité à la frontière. Une entrée dans l'espace Schengen signifiera que la Roumanie et la Bulgarie auront pour responsabilité de surveiller la frontière externe de l'Union européenne. Il semble, après le dernier conseil JAI, qu'elles ne soient pas en mesure de le faire.
M. Jean-Yves Leconte . - La Bulgarie a plus de 20 000 réfugiés syriens sur son sol. C'est elle qui paie le plus lourd tribut de l'Union européenne à la crise syrienne. Comment l'aider ?
L'Ukraine négocie depuis 2008 un accord d'association qui présente de nombreux avantages pour stabiliser nos échanges. Des conditions ont été posées. Les Russes ont engagé une guerre commerciale contre ce pays pour tenter de le dissuader de signer, ce qui a renforcé sa détermination à le faire. Quelle est la position de la France ?
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - Nous tenons compte de la réalité des flux migratoires par rapport à tel ou tel pays, notamment au plan budgétaire.
Sur l'accord d'association avec l'Ukraine, la France est le pays le plus exigeant. Nous demandons que des signes concrets, tangibles, opposables, soient apportés par l'Ukraine, de pratiques démocratiques. Il y a le cas emblématique de Mme Timochenko. Il faut aussi, de surcroît, que la justice ne soit plus sélective. Arrimons l'Ukraine à l'espace démocratique qu'est l'Union européenne. Nous maintiendrons la pression jusqu'au dernier moment. Il y aura un conseil des affaires étrangères le 18 novembre. Vilnius ne sera qu'un point de départ. La vigilance de l'Union européenne sera extrême.
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes . - Les relations entre l'Union européenne et l'Ukraine sont un sujet sensible. Nous y avons beaucoup travaillé avec Gérard César. Nous avons reçu le ministre des affaires étrangères de ce pays. Nous partageons votre exigence. Il est très important d'arrimer l'Ukraine à l'espace démocratique européen. Nous travaillons aussi avec Jean Bizet sur la Russie, l'Union eurasiatique.
L'Ukraine, 46 millions d'habitants, est incontestablement européenne. Signons l'accord d'association, sachant que cette signature n'est qu'un début.
M. Jean-Yves Leconte. - Très bien !
M. Michel Billout . - Nous avons évoqué le drame syrien. Nous partageons tous la volonté qu'une issue pacifique soit trouvée le plus rapidement possible, alors que la conférence de la paix de Genève II devrait réunir à la mi-novembre l'ensemble des parties. La diplomatie française est très active en la matière mais celle de l'Union européenne est d'une grande discrétion. Quelle est sa feuille de route ?
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - J'ai rarement entendu dire que la France était discrète sur le dossier syrien !
M. Michel Billout. - Je parle de la diplomatie européenne.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - Y compris de la Haute Représentante ?
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. - Il n'y a pas que sur le sujet syrien !
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - Nous agissons afin que se retrouvent à Genève II toutes celles et ceux qui ont une légitimité à s'exprimer sur la Syrie. La Russie y sera accueillie ; recevoir ceux considérés comme les représentants légitimes du peuple syrien suscite moins d'enthousiasme de sa part comme de celle des États-Unis. On peut espérer qu'au terme de son mandat, le président syrien actuel ne soit plus dans la course ; cela faciliterait les choses. L'emploi des armes chimiques a cessé mais n'oublions pas que celui des armes conventionnelles se poursuit au quotidien et que chaque jour les victimes sont nombreuses.
M. Yvon Collin . - L'Europe a beaucoup agi en faveur du report des règles de concurrence. Or, en matière de football, celles-ci sont battues en brèche. Certains clubs bénéficient de dispositifs fiscaux qui leur offrent la possibilité de développer des projets sans commune mesure avec d'autres. Je pense au Real Madrid, aux clubs italiens, à ces clubs anglais qui reçoivent d'on ne sait où des sommes colossales...
Ne serait-il pas temps d'y mettre un peu d'ordre, en instaurant certaines règles européennes ?
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - De votre part, je me serais plutôt attendu à une question sur le rugby ! Oui, le football illustre ce qu'est un marché sans règles. L'arrêt Bosman limite le nombre de joueurs étrangers qui peuvent être admis dans une équipe nationale. Je saisirai ma collègue Valérie Fourneyron, plus compétente que moi, afin qu'elle vous réponde précisément.
M. André Gattolin . - Vous avez mis l'accent sur la stratégie numérique et les perspectives de taxation des grands groupes du numérique. Rapporteur sur l'industrie des jeux vidéo avec Bruno Retailleau, j'ai constaté les effets ravageurs de la vision ultralibérale de la Commission européenne sur les crédits d'impôt, quand le Québec et l'Ontario offrent 50 % de crédits et certains États des États-Unis 100 %. Les instances européennes demeurent très fermées. Sur le livre, la presse écrite, on nous renvoie, pour le numérique, à la directive services de 2004-2005, période antédiluvienne au regard de l'évolution technologique. Or l'avenir de la distribution des produits culturels est en jeu.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - Je découvre ce problème en vous entendant. Je vous répondrai par écrit et saisirai ma collègue chargée de la culture, ainsi que Fleur Pellerin.
M. Pierre Hérisson . - Vous m'avez déjà partiellement répondu. Notre groupe de l'UMP tenait à vous faire part de sa satisfaction pour l'inscription à l'ordre du jour du Conseil européen de la stratégie numérique, dont nous souhaitons qu'elle soit hissée au rang de politique européenne autonome. Le paquet proposé par Neelie Kroes attire toutes les critiques : il s'apparente à un écran de fumée.
Les entreprises ont besoin d'investir. L'espace européen doit concourir dans des conditions saines sur le marché mondial. Je reprends à mon compte ce qui a été dit sur la fiscalité. Oui, dans le Québec et l'Ontario, les start-up bénéficient de crédits d'impôts à durée illimitée.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - Neelie Kroes n'est qu'en partie en charge de ce sujet. Ses propositions ne concernent que le paquet Télécom. Nous souhaitons une approche globale, afin qu'émergent de grands champions, à l'instar de ce que font les États-Unis. Des réponses industrielles, culturelles, fiscales s'imposent. La protection des données n'est pas non plus à négliger, face aux tentations d'utilisation mercantile. Il faut un plan stratégique d'ensemble équilibré. Ne nous arrêtons pas uniquement à la réunion des 24 et 25 octobre. Soixante-dix milliards d'euros ont été fléchés dans le cadre du programme « Horizon 2020 ». Les projets de bonds européens peuvent aussi contribuer au financement. La Haute-Savoie sera l'une des premières collectivités à être financée par la BEI pour la numérisation. Nous avons dit à Mme Kroes que nous ne la suivons pas.
CMP (Nominations)
Mme la présidente. - Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi et du projet de loi organique portant application de l'article 11 de la Constitution.
La liste des candidats établie par la commission des lois a été affichée conformément à l'article 12 du Règlement.
N'ayant reçu aucune opposition, je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire : titulaires, MM. Jean-Pierre Sueur, Jean-Pierre Michel, Mmes Virginie Klès, Cécile Cukierman, MM. Hugues Portelli, Jean-Jacques Hyest, Michel Mercier ; suppléants, M. Philippe Bas, Mme Esther Benbassa, MM. Pierre-Yves Collombat, Yves Détraigne, Christophe-André Frassa, Jean-Yves Leconte, Roger Madec.
La séance est suspendue à 19 heures.
présidence de M. Charles Guené,vice-président
La séance reprend à 21 h 35.
Débat sur la place des femmes dans l'art et la culture
M. le président. - L'ordre du jour appelle un débat sur la place des femmes dans l'art et la culture.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente et rapporteure de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes . - La délégation aux droits des femmes, que j'ai l'honneur de présider, a consacré l'essentiel de ses travaux à la place des femmes dans l'art et la culture durant la session 2012-2013. Au cours de douze auditions, nous avons entendu dix-sept professionnels. Notre rapport, qui a été adopté le 27 juin dernier à l'unanimité des présents, a mis en évidence des conclusions contre-intuitives en constatant la force du plafond de verre, la puissance des stéréotypes masculins et féminins dans un milieu artistique et culturel pourtant réputé accueillant aux femmes. En 2011, 132 oeuvres réalisées par les femmes sur 532 acquisitions des Fonds régionaux d'art contemporains (Frac). Celles du Fonds national d'art contemporain (Fnac) ne sont qu'à 21 % créées par des femmes. Le prix moyen des oeuvres des artistes femmes est inférieur de 27 % à celui des oeuvres des hommes. Cinq centres chorégraphiques sur dix-neuf seulement sont dirigés par des femmes.
La proportion de 25 % n'a pas évolué depuis le rapport de Reine Prat de 2009. Il y a peu de femmes aux postes stratégiques. Il faut noter, de plus, que ces femmes sont nommées à la tête des centres les moins subventionnés. À cette faible visibilité des femmes dans le milieu artistique, il faut ajouter le large spectre de comportements et propos sexistes dans les écoles d'art, pouvant aller jusqu'au harcèlement sexuel, que dénonçait un responsable auditionné, évoquant « un véritable fléau ». « Où sont les femmes ? » demandait à juste raison une récente plaquette de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD).
Tout se passe comme si, depuis les rapports de 2006 et de 2009, la situation n'avait guère évolué. Alors, 89 % des institutions musicales et 92 % des théâtres consacrés à la création dramatique étaient dirigés par des hommes. Dans la musique, les femmes représentaient 44 % des interprètes mais seulement 20 % des solistes. De manière plus surprenante encore, la proportion des femmes dans la chorégraphie passait de 43 % à 26 % de 2006 à 2009.
Ce triste bilan n'est pas propre à la France. En 2009, le Parlement européen adoptait des recommandations pour que prospèrent les candidatures féminines dans l'art. Il allait jusqu'à proposer des auditions pour les musiciens d'orchestre derrière un paravent, pour garantir l'anonymat des candidatures. Cela se passe de commentaires.
Alors, que faire ? Je détaillerai les mesures les plus importantes parmi les dix-neuf que nous avons identifiées. Il faut mettre fin aux stéréotypes relatifs aux femmes et aux hommes, défavorables à la promotion des femmes, faire preuve de vigilance et mener une action de sensibilisation dans les écoles d'art, mais aussi dans les médias, la littérature enfantine. Désamorcer ces préjugés sera un chantier de longue haleine. Voyez les jeux vidéo qui véhiculent une représentation de la femme consternante, au point qu'on y banalise le viol.
Pour encourager les candidatures féminines, nous souhaitons des jurys paritaires, qu'il faut aussi sensibiliser à la nécessité de ne pas juger différemment candidats et candidates. De même, pour une représentation équilibrée des femmes dans les institutions culturelles, fixons un objectif d'une proportion d'au moins un tiers. Cela pourrait valoir également pour les oeuvres, qu'elles soient dramatiques ou cinématographiques, créées par des femmes.
Afin de mieux appréhender ce phénomène de discrimination envers les femmes, et de mieux le faire connaître, nous devons continuer de publier des brochures et de recueillir les statistiques. Enfin, délocaliser les comités disciplinaires pour juger des affaires de harcèlement sexuel est un impératif.
« La littérature est appauvrie au-delà de tout ce qu'on peut en juger par toutes les portes refermées sur les femmes », écrivait Virginia Woolf. Cela est vrai pour la littérature comme pour tous les arts. Il n'est plus l'heure d'évaluer une situation hélas bien connue. Il est plus que temps de passer aux actes. (Applaudissements)
Mme Corinne Bouchoux . - « Qui c'est, cette nana ? » ou encore « Je vais appeler son président ou son mari ».Tout récemment à l'Assemblée nationale, un député UMP, heureusement sanctionné, s'est plu à caqueter pendant l'intervention de notre collègue Véronique Massoneau. Le sexisme a la vie dure en politique. Le monde de l'art et de la culture y échappe - t-il ? Pas sûr. Hélas, trois fois, hélas, la place des femmes n'a pas progressé dans ce monde depuis 2009.
Nous avons une ministre de la culture très féministe et c'est tant mieux ; hélas, ce n'est pas suffisant quand la culture ressemble fort à l'école : des femmes en maternelle, des hommes dans le supérieur.
La sur-masculinité des postes de direction est incontestable. Il y a pourtant un vivier. Nos compagnons ne se demandent jamais, eux, s'ils seront à la hauteur... Sans citer Gramcsi, la culture joue un rôle majeur dans la prise de conscience des inégalités ; luttons contre les préjugés sexistes.
Coûte que coûte, soutenons les mesures qui ne coûtent rien : des noms de femmes artistes sur les plaques des rues et des places, comme à Angers, des femmes au Panthéon, et pas seulement Germaine Tillion ou Lucie Aubrac, femmes de culture assurément, mais aussi des femmes artistes. Ces cérémonies doivent être un temps de partage démocratique et non de grands-messes laïques. Il faut s'ouvrir aux arts visuels, en particulier à la photographie, art accessible. Que les conservateurs de musées s'intéressent aux oeuvres des femmes d'autres jours que le 8 mars ! La culture est la parité, c'est tous les jours !
Chantal Akerman, Laure Albin-Guillot, Barbara, Rosa Bonheur, Hélène Cixous, Juliette, Annette Messager, Geneviève Asse, Louise Bourgeois, Marie-Laurencin, et toutes les autres : nous avons besoin de vous ! (Applaudissements)
M. Jacques Legendre . - Il fallait bien que les hommes participent à ce débat, eh oui ! (Sourires)
Les femmes sont trop peu présentes dans l'art et la culture, cette évidence est bonne à rappeler et le rapport de Mme Gonthier-Maurin appuie cette démonstration par des éléments chiffrés : la proportion des femmes augmente, mais celles-ci se heurtent au fameux plafond de verre. Face à ce constat partagé, que faire ? Le Gouvernement préconise l'établissement de shors lists - je n'aime guère ce terme anglais - et des mesures de discrimination positive en faveur des femmes.
Madame la ministre, vous avez farouchement défendu l'indépendance des responsables d'institutions publiques lors de l'examen du dernier projet sur l'audiovisuel. Pourtant, vous avez, ensuite, écarté des gens qui n'avaient pas démérité de postes artistiques au profit de femmes. Vous avez alors parlé de non-renouvellement du mandat, les principaux intéressés n'ont guère apprécié.
Nous ne sommes plus au temps de Camille Claudel. Plutôt que de sombrer dans les excès des quotas, que n'accepte pas le monde de l'art pourtant réputé ouvert, suscitons les vocations. Faisons confiance au secteur pour évoluer. Bien souvent, les jeunes femmes s'autocensurent. Parler d'abus de pouvoir des hommes, comme on le fait dans le rapport de Mme Gonthier-Maurin, paraît excessivement et inutilement polémique et ne me semble guère refléter la réalité. Pardonnons aux auteurs classiques de véhiculer les stéréotypes de la femme - fille, mère, épouse, servante - mais combattons-les dans les pièces contemporaines.
Mme Françoise Laborde. - Tout à fait !
M. Jacques Legendre. - Vous l'aurez compris, ce débat me laisse un peu dubitatif, même si j'en partage entièrement les préoccupations. Évitons d'user d'un ton vif, n'est-ce pas madame Bouchoux, qui suscite la polémique et freine notre progression vers une représentation équilibrée des femmes et des hommes. Il y a, à l'évidence, du chemin à faire. Je souhaite qu'il soit fait. (Mmes Maryvonne Blondin, Françoise Laborde, Marie-Christine Blandin applaudissent ; Mme Corinne Bouchoux applaudit vivement)
M. Pierre Laurent . - Les inégalités hommes femmes restent importantes, quels que soient les secteurs. C'est encore plus vrai dans la culture que l'on pouvait croire plus avancée. Celle-ci est non seulement le véhicule de représentations sexistes, mais en plus la place des femmes y est minorée, voire niée. J'y vois une véritable amputation de notre imaginaire créatif.
Travaillons, avec les dix-neuf préconisations proposées par la délégation aux droits des femmes, à corriger cette situation, qui a été diagnostiquée tardivement en 2006 avec le rapport de Mme Prat. Cela a été dit : le bilan ne s'est pas amélioré depuis.
Les chiffres sont éloquents ; ils ont été cités, je ne les reprendrai pas. Nous disposons aujourd'hui d'un constat objectif, agissons.
Je profite de ce débat pour aborder la question connexe du régime de l'intermittence. Les annexes 8 et 10 indemnisent deux tiers d'hommes et un tiers de femmes. Qui se soucie des femmes artistes et de la réforme de leur congé de maternité depuis 2003 ? Pour porter leur combat, elles se sont nommées les « matermittentes ». Les modes de calcul ouvrant droit au congé sont si complexes que de nombreuses « matermittentes » n'en profitent jamais. Les taux d'indemnisation restent extrêmement bas. D'autant que certaines, comme les danseuses, ne peuvent travailler à huit mois de grossesse. Cette situation a fait l'objet d'une plainte pour discrimination devant la Halde en 2010 qui est pleinement justifiée. Voilà l'observation que voulait ajouter le groupe CRC à ce débat. (Applaudissements à gauche)
Mme Maryvonne Blondin . - Le 23 septembre dernier, pour la première fois une femme était élue à la présidence du Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac). Il s'agit de la direction de la scène de Morlaix, ville chère à Mme Lebranchu.
L'art, contrairement à ce qu'il y paraît à première vue, est un bastion sexiste. Des collectifs hommes/femmes se multiplient. Au théâtre de l'Odéon, ils ont dénoncé une programmation de quatorze textes exclusivement écrits par des hommes et mis en scène par des hommes. Poids des maux et choc des taux, voilà la situation.
Les femmes seraient-elles incompétentes, se demande la directrice du théâtre du Soleil, Ariane Mnouchkine. Non point. Depuis des siècles, on nomme des hommes incompétents aux postes de direction... La venue des femmes à ces postes de direction dans le spectacle vivant a provoqué bien des grincements de dents cet été, cela s'est heureusement bien terminé avec la nomination d'Irina Brook.
Par une lettre, le ministère a également demandé à 270 dirigeants d'institutions culturelles de renforcer la présence des femmes dans leur programmation et leur accès aux moyens de production. Finissons-en avec la vision de la femme comme muse, l'art ne doit pas être phallocentré. Comme l'aurait dit le sociologue Pierre Bourdieu, il ne doit pas être soumis à la domination masculine. Rien ne saurait justifier que l'exigence républicaine d'égalité entre les hommes et les femmes s'arrête aux portes des théâtres et des cinémas.
Le Gouvernement joint les actes aux paroles. Le jeudi 10 octobre a été signé au ministère une charte sur l'égalité homme-femme dans le cinéma. Il était urgent qu'une telle action soit prise, quand la cinéphilie est essentiellement masculine. Mme Bérénice Vincent, responsable de l'association Le deuxième regard en témoignait devant notre délégation le 4 avril 2013.
La part des femmes réalisatrices est de 25 % en France, 12 % en Europe, 5 % aux États-Unis. Peu de femmes siègent dans les jurys et commissions qui attribuent les aides financières. Agnès Varda raconte : à un réalisateur, on dit « oui, monsieur » ; à moi, « oui Agnès ». (Sourires)
Le problème de la précarisation des femmes est aigu. Un fonds de solidarité accompagne les intermittents les plus fragiles : alors qu'elles ne représentent que le tiers des intermittents, 51 % de ses bénéficiaires sont des femmes, vivant souvent seules avec leurs enfants, touchant des revenus annuels inférieurs à 15 000 euros.
De nombreuses femmes avouent qu'elles n'auraient jamais pu réaliser leur carrière si elles avaient eu des enfants. C'est effrayant. D'où le vote de mon amendement sur les « matermittentes » dans le cadre du projet de loi sur l'égalité hommes-femmes. Il faut mettre fin à ces injustices, les rendre visibles. Nous y reviendrons lors de la discussion du projet de loi d'orientation sur la création artistique.
Je salue la volonté politique du Gouvernement. Il est juste et nécessaire de faire cesser les inégalités hommes-femmes, particulièrement choquantes dans ce secteur culturel que l'on suppose ouvert et innovant.
La sous-représentation des femmes dans le monde de l'art et de la culture doit cesser. La panthéonisation de femmes est un mouvement intéressant à cet égard. Ouest-France titrait récemment « Et si les peintres des cavernes étaient des femmes ? ». La question mérite pour le moins d'être posée...
Mon tropisme finistérien est d'autant plus fort en ces moments difficiles. Je parlerai donc de Marie Helia et de son documentaire Les Chevalières de la table ronde sur des militantes féministes, parfois de très longue date, qui sont révoltées de constater que perdurent d?importantes différences salariales entre hommes et femmes, que ces dernières sont encore considérées comme des objets, qu'elles subissent de graves violences, des comportements machistes. Et la réalisatrice de revendiquer le label de « film de femmes » qu'on lui a souvent imposé malgré elle. La sortie nationale est prévue le 23 octobre, je vous invite à le voir car, aujourd'hui comme hier, un homme sur deux est une femme ! (Applaudissements)
Mme Françoise Laborde . - Natalie Dessay, Maguy Marin, Laurence Equilbey, Sophie Calle, Agnès Varda : notre pays a su faire émerger leur talent mondialement reconnu. La canadienne Alice Munro vient de recevoir le Nobel de littérature, c'est la quatrième femme en dix ans. Est-ce à dire que tout va bien ?
Il n'en est rien, comme le montre le remarquable rapport de Mme Gonthier-Maurin. Si j'ai parfois quelques réserves sur la présentation des travaux de la délégation aux droits des femmes, je reconnais la pertinence de son bilan. Les chiffres n'ont pas évolué depuis 2006, date du premier rapport remis au ministère de la culture par Mme Reine Prat sur le sujet. Les arts visuels seraient particulièrement discriminatoires. À la Biennale de Lyon, on compte tout de même de nombreuses femmes.
Quoi qu'il en soit, les femmes représentent 60 % des élèves des écoles d'art ; il est anormal que leur place sur le marché de l'art soit réduite à la portion congrue. Leurs oeuvres représentent moins de 30 % des achats des Frac et 25 % des acquisitions des musées d'art moderne. Les femmes sont souvent obligées de créer leur propre ensemble, leur propre troupe, comme Laurence Equilbey avec Accentus. Le fameux plafond de verre est sans doute encore plus infranchissable dans ce secteur.
Un passage du rapport est très alarmant : celui qui relate la banalisation du sexisme, voire du harcèlement sexuel, dans les écoles d'art. De tels comportements ne peuvent être tolérés. La justice doit agir.
Si toutes les recommandations du rapport ne sont pas de nature à aboutir au but recherché, la plupart d'entre elles y concourent. Je suis en désaccord avec la neuvième recommandation, visant à créer un centre de ressources dédié à la création féminine : on risque ainsi d'accroître la stigmatisation.
L'égalité doit se traduire concrètement. Les mentalités doivent se modifier en profondeur. Nous avons un vivier de femmes de talent, qui doivent être reconnues à leur juste valeur.
Sur la lutte contre les stéréotypes, je souscris entièrement à la politique de prévention et de sensibilisation qui doit être menée à l'égard des jeunes. On ne doit pas, pour autant, jeter Molière et Corneille aux orties. Il faut resituer les oeuvres dans leur contexte historique, et non les récrire. Une politique aveugle de quotas serait dépourvue de sens. Privilégions la lutte contre les discriminations par la prévention en lien avec l'éducation nationale. (Applaudissements)
Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication . - « La place des femmes dans l'art et la culture : le temps est venu de passer aux actes », voilà le titre de votre rapport et toute ma politique. J'en ai fait un thème transversal au sein du ministère de la culture et de la communication ; je salue ici Nicole Pot, qui en est chargée. Après le comité interministériel présidé par le Premier ministre en février, j'ai mis en place un comité qui rassemble une quarantaine d'acteurs de la culture et de la communication, femmes et hommes. Il fallait d'abord rendre visible l'invisible, montrer les discriminations pour les combattre et les corriger. Une étude, riche d'enseignements, que vous avez annexée à votre rapport, a été publiée en mars. Elle sera actualisée, y incluant les données relatives au cinéma, puis régulièrement enrichie.
Les actions mises en place seront évaluées. Le changement passe par des mesures incitatives. Pour combattre les stéréotypes, les médias sont en première ligne. Nous veillerons à ce que leurs représentations reflètent la société, pas ses blocages. Je l'ai dit lors du colloque « En avant toutes ! ». Le rôle du service public audiovisuel, décisif, doit être exemplaire. Le CSA exercera une vigilance toute particulière quant à l'égalité dans l'audiovisuel. Il vient d'ailleurs de créer un groupe de travail, dont la présidence a été confiée à M. Pierre Brossolette, pour éradiquer les préjugés sexistes.
La formation joue un rôle crucial. Il n'existe pas de niveau au-delà duquel les ambitions des femmes devraient s'arrêter, en raison de la maternité, par exemple. Je constate hélas qu'il demeure d'énormes inégalités dans le milieu de la culture, pourtant réputé progressiste. Son organisation reflète les mêmes discriminations à l'encontre des femmes qu'ailleurs, voire davantage. Au nom de je ne sais quel obscur pouvoir démiurgique qui serait propre à l'homme dans la création. Aut liberi, aut libri, « soit des enfants, soit des livres », disait Nietzsche ; nous devons faire pièce à cette représentation. Les écoles d'enseignement supérieur artistique et culturel doivent agir. Leurs directrices sont trop souvent des directeurs.
Je porterai une attention particulière à la question du harcèlement sexuel dans les écoles d'art. Comptez sur moi. Jusque-là, j'avais eu vent de rares cas extrêmes, non de faits généralisés comme vous les avez décrits. Parce que la dimension symbolique compte, je me félicite des conclusions du rapport remis par Philipe Belaval au président de la République sur la panthéonisation de femmes. Nous ne manquons pas de femmes éligibles : Marguerite Yourcenar, Marguerite Duras, Simone de Beauvoir, Joséphine Baker qui a contre elle, alors qu'elle fut une grande résistante, d'avoir été danseuse...
Nous faisons évoluer le ministère. Les contrats qui le lient à certaines institutions tiendront compte de la promotion de l'égalité, de même que les contrats d'objectifs et de moyens des médias publics. La programmation des femmes artistes dans le respect de la liberté de programmation, qui est intangible, fera l'objet d'une attention particulière.
Françoise Laborde a évoqué la nomination d'Irina Brook à la tête du centre dramatique de Nice. Ce n'est pas le seul cas. Je favoriserai le renouvellement des institutions. Et ce, monsieur Legendre, sans écarter des hommes. J'ai fait simplement appliquer les règles relatives aux mandats confiés aux directeurs de ces établissements. Cela ne remet nullement en cause leur talent artistique, nous les accompagnerons d'ailleurs dans le retour à leurs troupes. Le renouvellement doit être l'occasion de renforcer la présence des femmes. J'ai envoyé aux préfets et aux Drac une circulaire, afin que les jurys soient paritaires et que les listes restreintes qu'ils établissent le soient aussi. Les résultats sont parlants. On est passé de moins de 20 % de candidates à plus de 50 %. On débloque ainsi des situations que l'on supposait bien ancrées. J'ai nominé neuf dirigeants de centres dramatiques nationaux dont quatre femmes pour l'instant. Sur dix, il y aura cinq hommes et cinq femmes, choisis sur la qualité de leurs projets, sur leur détermination et leur volonté.
De même, j'ai nommé six directrices régionales des affaires culturelles. Une femme vient d'être nommée à la direction du musée Guimet, une autre au CNC. Oui, les choses changent. Comme l'écrivait Ariane Mnouchkine dans Le Monde cet été, quand les femmes arrivent quelque part, cela dérange les situations acquises.
J'ai pour ambition d'atteindre la parité dans les conseils d'administration des opérateurs du ministère et dans les commissions consultatives. Nous constituons à cette fin des viviers, en repérant les talents et en organisant, le cas échéant, des formations adaptées. La signature d'une charte pour l'égalité engage à veiller aux stéréotypes et à favoriser les créations des femmes.
Cette politique commence à porter ses fruits. Je remercie Pierre Laurent d'avoir rappelé la question des femmes dans les régimes d'indemnisation des intermittents du spectacle, celle des « matermittentes », plaisant jeu de mot qui recouvre une bien difficile réalité.
Les femmes ont écrit de si belles pages de notre littérature, de notre histoire. Le nom d'Elsa Triolet est toujours associé à celui de Louis Aragon, comme si elle n'avait été que la muse du poète. Je suis heureuse d'avoir inauguré en Moselle une médiathèque qui porte son nom. Elle écrivait : « Les femmes, c'est l'avenir du monde. Leur force n'est pas découverte, mais est-ce que l'électricité a toujours été connue ? Elle remuera encore des montagnes, cette force ». Cette force qui remue les montagnes, cette électricité, ne permettons pas qu'elle demeure invisible. II y va de l'avenir du monde. (Applaudissements)
Le débat est clos.
Prochaine séance demain, jeudi 17 octobre 2013, à 9 h 30.
La séance est levée à 23 h 15.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du jeudi 17 octobre 2013
Séance publique
À 9 HEURES 30
1. Débat sur la protection des données personnelles
À 15 HEURES
2. Questions d'actualité au Gouvernement
À 16 HEURES 15 ET LE SOIR
3. Débat sur le marché du médicament et des produits de santé
4. Conclusions des commissions mixtes paritaires sur le projet de loi et le projet de loi organique relatifs à l'indépendance de l'audiovisuel public
Rapports de M. David Assouline, rapporteur pour le Sénat (n°s 74 et 72, 2013-2014)
Textes des commissions mixes paritaires (n°s 75 et 73, 2013-2014)
5. Conclusions des commissions mixtes paritaires sur le projet de loi organique portant actualisation de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et sur le projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer
Rapport de Mme Catherine Tasca, rapporteure pour le Sénat (n° 57, 2013-2014)
Textes des commissions mixtes paritaires (n°s 59 et 58, 2013-2014)
6. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens
Rapport de M. Hugues Portelli, rapporteur pour le Sénat (n° 63, 2013-2014)
Texte de la commission mixte paritaire (n° 64, 2013-2014)