Industrie du tourisme (Débat)
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat sur la pertinence du dispositif légal encadrant l'industrie du tourisme en France.
M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois . - Le tourisme revêt pour la France une importance capitale, dans un environnement collectif où il représente un grand enjeu : deux millions d'emplois non délocalisables qui irriguent notre territoire et font la réputation de la France dans le monde.
C'est pourquoi notre commission pour le contrôle de l'application des lois a voulu se saisir du sujet en liaison étroite avec la commission des affaires économiques. Le rapport de MM. Bécot et Ferrand au Sénat et celui de MM. Léonard et Brot à l'Assemblée nationale s'accordaient pour constater que, si les décrets de la loi de 2009 avaient été bien publiés, le secteur du tourisme avait du mal à s'adapter à une concurrence internationale de plus en plus vive. Je pense aux opérateurs dématérialisés, dont les pratiques ne sont pas toujours transparentes.
Certes, la France reste le pays le plus visité au monde, mais cette quantité masque la part importante prise par le tourisme de transit, qui ne bénéficie guère à la France. Les positions françaises, au vrai, s'effritent. L'heure n'est plus à l'optimisme, il est à la lucidité.
Cela nous appelle à réagir pour retrouver une place de leader, comme nous y invite notre rapport.
Mais à quoi bon légiférer si les moyens ne suivent pas ? Des incertitudes pèsent sur les crédits du tourisme. L'encadrement juridique devrait, aussi, être assoupli. La mise aux normes des équipements hôteliers pour les personnes handicapées est aussi un sujet. Ne vaudrait-il pas mieux cibler l'exigence ? Peut-on l'imposer à tous les hôtels ? On pourrait faire en sorte que cette norme ne s'applique que sur un certain espace territorial. (M. Jean-Claude Requier approuve)
Nos trois rapporteurs, toutes tendances politiques confondues, se sont retrouvés sur les conclusions de ce rapport. J'espère que nous aurons fait oeuvre utile en contrôlant l'application des lois encadrant le tourisme.
M. Luc Carvounas, co-rapporteur pour la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois . - C'est à l'initiative conjointe de la commission d'application des lois et de celle des affaires économiques qu'un groupe de travail sur l'application de la loi de 2009 a été mis en place. Avec MM. Nègre et Lasserre, nous avons travaillé dans un excellent esprit.
La France est le pays par excellence du tourisme mais risque de ne plus l'être si l'on ne se mobilise pas. Notre pays reste la première destination touristique, pour des retombées estimées à 7,1 % du PIB, et le tourisme emploie près de deux millions de personnes, sur des emplois non mécanisables et non délocalisables.
Les raisons ? Cela tient à la richesse de notre patrimoine, au savoir-vivre à la française, que le monde entier nous envie. Mais le tableau n'est pas aussi idyllique qu'il y paraît à première vue. Les touristes sont à 80 % européens, alors que les touristes de pays émergents feront le gros de la demande de demain. Le Comité pour l'avenir du tourisme français n'est guère optimiste, alors que le ministère déclarait vouloir faire du tourisme une grande cause nationale. Il faut donc agir pour adapter cette industrie à la mondialisation.
Premier défi, les stratégies, imprécises et parcellaires ; d'où notre proposition de créer un observatoire. Deuxième défi, la concurrence. Nous n'attirerons pas les touristes sur la seule base de notre réputation. Nous comptons sur un budget de fonctionnement stable, madame la ministre. Troisième défi, la réglementation, qui appelle un véritable choc de simplification. Quatrième défi, la décentralisation : chaque niveau de collectivité territoriale est habilité à intervenir et le récent projet de loi sur la modernisation de l'action publique n'y remédie pas. Cinquième défi, un parc vieillissant : un quart du parc hôtelier obsolète, un tiers à bout de souffle. Sixième défi, le marché mondial du tourisme, concurrencé par un marché parallèle, les plates-formes de réservation en ligne. A quoi s'ajoute le poids croissant des sites de notation, alimentés selon des critères flous. Sans parler des services non déclarés. L'industrie du tourisme demeure un atout formidable. Je sais, madame la ministre, que nous pouvons compter sur votre détermination. Mobilisons les énergies pour relever le défi.
M. Jean-Michel Baylet. - Très bien !
M. Louis Nègre, co-rapporteur pour la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois . - Le tourisme est un atout majeur pour la France, tout le monde en convient. Avec 81 millions de visiteurs en 2011, la France est la première destination mondiale. Les retombées, y compris indirectes, représentent 9 % du PIB. Mais ce moteur est en baisse de régime, du fait de la concurrence mondiale. La position du tourisme français s'érode : troisième rang mondial seulement, derrière les États-Unis et l'Espagne, en recettes globales et seulement le septième rang européen pour le montant des recettes moyennes par touriste ; la part de marché de la France dans le tourisme mondial est passée de 6,4 % en 2000 à 5,7 % en 2009. La France est devenue un pays de transit où les visiteurs ne séjournent pas longtemps. En termes de revenus, nous sommes le troisième pays du monde, avec 39,2 milliards, peu après l'Espagne à 43 milliards mais loin derrière les 83 milliards des États-Unis.
Atout France, opérateur unique, est chargé de la promotion du tourisme mais son budget est cinq fois moindre que celui de son homologue espagnol. Quelque 74 millions, ce n'est pas assez et c'est inférieur de 4,5 % cette année. Comment, à ce compte, mener les actions nécessaires ? Les offices du tourisme représentent 12 000 salariés, dans des structures essentiellement associatives. La récente réforme a cependant été bénéfique.
L'activité de véhicule de tourisme avec chauffeur, différente de celle des taxis en ce qu'elle consiste en des prestations au forfait, a été revue par la loi : les professionnels du secteur souhaitent un aménagement de la réglementation. Il semble que l'on s'y achemine. Les agences de voyage ont perdu l'exclusivité mais vu la gamme de leurs activités élargie. La concurrence d'internet oblige à tenir compte des évolutions des pratiques.
Au total, la loi de 2009 est applicable à 100 %. Ne manquent que quatre rapports sur des sujets non négligeables. Notre système souffre surtout d'un manque de coordination des acteurs. Il faut agir sur la réforme du classement des offices du tourisme, dont 150 seulement sur 2 800 ont été reclassés. Il faut assouplir le ratio du passage de catégorie 1 à 2. Si les professionnels sont incités à monter en gamme, il faut néanmoins aller plus loin. L'évolution de la TVA, qui passe à 10 %, ne représente pas un bon signal pour la restauration. Le dispositif des chèques vacances connaît un vif succès, mais sur 500 000 bénéficiaires supplémentaires attendus, on n'en a pas enregistré plus de la moitié. Le tourisme est un atout pour notre pays mais il est confronté à une concurrence croissante. Il mérite d'être soutenu car il contribue au dynamisme de notre économie.
M. Jean-Jacques Lasserre, co-rapporteur pour la commission des affaires économiques . - La loi de 2009 devait simplifier l'administration des acteurs et renforcer l'offre. La modernisation de la procédure de classement des équipements hôteliers était l'un de ses apports essentiels. L'hébergement est, de fait, capital. Le classement en étoiles, très administratif, était archaïque et guère incitatif. Le nouveau système intègre les standards internationaux. Tout ce qui concourt à la qualité du service est désormais pris en compte.
Le bilan, à quatre ans, reste en demi-teinte. Si 70 % des chambres sont reclassées, sont surtout concernés les grands hôtels et l'hôtellerie de plein air, tandis que la petite hôtellerie rencontre des difficultés. On ne peut exiger qu'elle rende toutes ses chambres accessibles aux personnes handicapées. Ce serait mettre en péril son équilibre financier. Quelles mesures entendez-vous prendre, madame la ministre, pour la soutenir ?
Les meublés souffrent de difficultés spécifiques. Le coût de la procédure de classement est prohibitif pour les particuliers. Et les deux systèmes -celui des épis pour les gîtes et des étoiles- ne sont pas harmonisés. J'ai déposé un amendement pour faciliter la mise en location des résidences secondaires par les particuliers tout en prévoyant un encadrement.
Deuxième grand sujet, la restauration. La baisse de la TVA accordée par le précédent gouvernement et aménagée en 2005, a été consentie en échange d'engagements : réduction des prix d'au moins 11,8 %, création de 40 000 emplois, investissements. La loi de 2009 encadre le dispositif. Mais la TVA, qui était à 5 %, va passer à 10 %.
M. Jean-Michel Baylet. - Entre temps, le taux avait été relevé à 7 % !
M. Jean-Jacques Lasserre, co-rapporteur. - En effet. Donc on va passer de 5 à 10 %. La création d'emplois a été au rendez-vous. (Marques de scepticisme sur plusieurs bancs de gauche) Le dialogue a été renforcé avec les salariés. L'évolution des prix est, en revanche, délicate à mesurer, eu égard à l'importance du poids des intrants dans les repas.
La création du titre de maître restaurateur devait susciter une amélioration de l'offre. Le nombre de titres octroyés étant peu en ligne avec les prévisions, le Gouvernement entend renforcer ce titre. Pouvez-vous nous indiquer de quelle manière ?
Telles sont nos observations sur ce beau sujet. Le groupe d'étude continuera de travailler afin que les acteurs du tourisme puissent valoriser notre merveilleux potentiel. (Applaudissements)
M. Jean-Michel Baylet . - Quelques chiffres disent l'importance du tourisme : 83 millions de touristes en 2012 ; 7,2 % du PIB ; un million d'emplois directs, autant d'emplois indirects. Mais un secteur en pleine mutation : 578 millions de touristes dans le monde en 2006, plus d'un million en 2012, le double sans doute en 2030. C'est dire combien est important le potentiel de croissance.
Cependant, la compétition s'en trouve accrue. La loi Tourisme de juillet 2009, applicable à 100 %, a fait d'Atout France un levier. L'idée de créer l'observatoire que préconise le rapport mérite d'être suivie : un tel observatoire, qui existait lorsque j'étais ministre du tourisme et que l'on a abandonné depuis lors, donnerait un outil incomparable.
La récente loi Métropole est restée au statu quo : la compétence demeure partagée, et je m'en félicite, mais en complémentarité. Les collaborations entre tous les acteurs sont encouragées. Voir les contrats de destination : en Tarn-et-Garonne, ils sont un succès. Le tourisme d'itinérance a été mis en avant. Le dispositif, simple, permet de diversifier l'offre.
L'aménagement du territoire est aussi concerné. C'est un complément d'activité, via les gîtes ruraux, par exemple.
Le tourisme est un gisement d'emplois. Or, 50 000 ne sont pas pourvus. Vous avez confié une mission au directeur de Pôle emploi ; nous en attendons les préconisations.
Il faut garantir aux touristes une meilleure sécurité, car ils sont une proie facile. Les vols subis par des touristes chinois ont beaucoup ému dans leur pays. Vous avez mis en place des dispositifs protecteurs, et c'est une bonne chose.
La loi de 2009 a modernisé les indicateurs mais les petits établissements peinent à faire face aux investissements requis par les mesures d'accessibilité et de sécurité. Internet et les réseaux sociaux ont bouleversé le secteur. Le rapport préconise de mettre en oeuvre une vraie stratégie digitale. Atout France est l'interlocuteur idoine. Les chambres d'hôtes méritent d'être accompagnées. La question de l'accès aux vacances pour tous, enfin, mérite d'être posée. Quelles pistes, madame la ministre ?
L'enjeu est de conforter notre rang de première destination touristique mondiale. L'État doit être, en la matière, stratège. Le budget du tourisme est de bon augure pour préserver la place de la France, que beaucoup de pays nous envient. L'attraction pour la destination France doit s'amplifier. Comptez sur l'appui des sénateurs du RDSE. (Applaudissements sur les bancs RDSE)
Mme Corinne Bouchoux . - La France est un pays d'accueil touristique important, un sujet qui méritait le rapport de la commission sénatoriale d'application des lois. Nous partageons son diagnostic, avec quelques nuances. Le modèle français souffrirait d'un essoufflement dû aux normes. Certes, mais les normes sont aussi protectrices, tant la concurrence « grise » est préoccupante. Le secteur exerce une pression sur les milieux naturels, il faut y être attentif. Certaines collectivités territoriales se sont endettées pour une course à l'équipement, et se pose également le problème des postes non pourvus, comme du travail précaire. La course à la publicité entre les territoires n'est pas non plus la solution optimale.
Les vacanciers veulent un tourisme plus doux, plus écologique : il faut combler cette attente.
Les centrales de réservation sont un problème. Le rapport pointe les améliorations possibles.
Le tourisme en milieu rural mérite d'être encouragé, pour améliorer l'équilibre du secteur.
Se pose également la question du mode d'accès. Réfléchissons à la place, sacro-sainte, de l'automobile.
Il convient aussi d'améliorer la qualité des emplois dans l'écotourisme, pour en faire une branche à part entière.
N'oublions pas les lois Mer et Littoral, au risque de mettre en danger les zones les plus attractives. Le développement des chèques vacances écotourisme pourraient favoriser un tourisme durable.
Se pose, enfin, la question éducation. L'éducation à l'environnement pourrait dessiner les traits d'un tourisme plus durable.
Atout France apparaît comme une instance entièrement masculine alors que le tourisme est mixité à tout point de vue.
Oui au citoyen touriste, pour un tourisme de demain plus respectueux de l'environnement.
Mme Évelyne Didier . - Promouvoir et consolider l'industrie du tourisme, c'est un objectif que nous partageons. Avec 2 millions d'emplois, 230 000 entreprises, plus de 6 milliards d'euros, le tourisme a son poids dans notre économie et dans l'aménagement du territoire.
Mais se pose la question du personnel et de l'accès aux vacances. Trop de jeunes et d'enfants qui ne partent pas en vacances, trop d'emplois saisonniers. Cela suppose un projet national ambitieux ; aussi la loi de 2009 est-elle insuffisante : désengagement de l'État, transfert des missions de la DGCCRF, absorption de la direction du tourisme. Bref, le ministère a été déshabillé.
Dès 2008, nous dénoncions le manque de moyens. Le rapport d'information ne fait pas autre chose, qui déplore le manque de moyens d'Atout France. Or, les communes ont besoin d'aide ; à l'heure où l'on chercher à développer l'économie circulaire, les départements ont un rôle à jouer.
Nous regrettons que la loi de 2009 n'aborde pas la question des conditions de travail et soumette les travailleurs du tourisme à la loi du moins-disant. Il convient donc de réactiver les négociations collectives et de développer les partenariats. Quelles sont les conclusions de la mission confiée au président du conseil d'administration de pôle emploi ?
Chacun a droit aux vacances, vecteur d'émancipation. Or un Français sur deux ne part pas en vacances. Sont en particulier touchés les agriculteurs, les employés, les ouvriers. Face à ce constat, les collectivités territoriales ont de moins en moins de moyens pour porter une politique de tourisme social. La fracture est bien là. Le 12 novembre dernier, vous avez annoncé, madame la ministre, vouloir la réduire. Comment concrétisez-vous cet engagement dans la loi de finances ? (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Jacques Mirassou . - Je suis heureux, quitte à m'éloigner du ton du rapport, d'évoquer les enjeux sociaux et économiques du tourisme. Nous pouvons être fiers de notre industrie du tourisme. La France reste la première destination touristique mondiale, faut-il le rappeler ? D'autres motivations doivent animer pourtant notre politique du tourisme. Dernièrement, un Français sur deux a dû renoncer à des vacances. Cette approche sociale est indissociable de l'ambition du président de la République de faire du tourisme une priorité nationale. Ne dit-on pas que les voyages forment la jeunesse ? Je salue votre engagement, madame la ministre, à réduire cette fracture qui est ressentie, à juste titre, comme une injustice. Une meilleure prise en compte des Français, avec le label « Destination pour tous », relancera le secteur. De même que la mise aux normes des équipements pour les personnes handicapées, quand bien même elle sera longue.
Renouvelons notre approche du tourisme : la demande est de plus en plus diversifiée, avec des publics variés et des temporalités éclatées, malgré la standardisation opérée par internet.
Pour conclure, à partir d'un diagnostic lucide et sans concession, la France doit reconquérir sa place de leader. La réforme est bien engagée avec la refonte de la gouvernance. Privilégions une approche innovante avec les contrats de destination. Nous sommes pleinement disponibles, madame la ministre, pour mener ce travail à bien !
M. Michel Bécot . - Je veux dire ma satisfaction de voir le tourisme prendre la place qui lui revient dans le débat parlementaire. La mondialisation, qu'elle soit bonne ou mauvaise, appelle à une modernisation. Félicitons-nous que la loi de 2009 ait attiré notre attention sur ce dossier essentiel. Je salue le travail décisif de M. Hervé Novelli, ainsi que celui de l'opposition d'alors : Mme Khiari, rapporteur, ne s'était pas opposée à l'adoption du texte. Les trente décrets prévus ont été pris, dont vingt-deux dans les six mois. Le sujet n'est donc pas tant l'application de la loi que de réussir le défi de 2020, avec l'augmentation prévue du nombre de visiteurs venant des pays émergents. La loi de 2009 nous a donné Atout France, un opérateur unique dont le travail est unanimement salué. Reste qu'un budget de 74 millions demeure nettement insuffisant pour assurer la promotion de la marque France.
La promotion de notre industrie touristique passe aussi par un classement rénové des équipements hôteliers, selon des critères transparents. Avec l'actualisation des normes tous les cinq ans, nous pourrons accélérer la mise aux standards internationaux de nos hôtels. Les grands noms nomme Le Crillon à Paris ne doivent pas nous faire oublier la petite hôtellerie, financièrement fragile car notre pays souffre d'un déficit chronique de chambres.
J'en viens à la mesure la plus symbolique de la loi de 2009 : la baisse de la TVA dans la restauration. Elle n'était pas un chèque en blanc puisqu'elle était assortie de contreparties en termes de prix, de création d'emplois et d'amélioration de la situation des personnels.
M. Jean-Michel Baylet. - Promesses non tenues !
M. Michel Bécot. - Tout de même : la petite restauration en milieu rural les a tenues ; et la baisse de prix a bien eu lieu, mais plutôt de 2,2 % à 2,5% que de 3 %.
J'insisterai, pour ma part, sur la clarification des compétences des collectivités territoriales en matière de tourisme. La dernière loi sur les métropoles n'y aidera guère, même si la prise de leadership par une collectivité n'encourt pas de risque constitutionnel.
Le groupe UMP gardera en mémoire les apports de la loi de 2009 mais aussi et surtout les précieuses préconisations de ce rapport d'application. (Applaudissements à droite)
Mme Colette Giudicelli . - Je serai brève puisque les précédents intervenants ont déjà dit beaucoup de choses. Le président de la République a érigé, devant les ambassadeurs réunis à l'Élysée, le tourisme en grande cause nationale. Et c'est tant mieux car les bénéfices du secteur ont été trop longtemps considérés comme une rente.
Les touristes sont de plus en plus nombreux -le cap du milliard a été franchi en 2012- mais la clientèle est de plus en plus volatile. Tous les voyants sont au rouge, notre pays perd des parts de marché. Il a perdu trois places en deux ans, c'est là où je diverge avec M. Baylet sur le constat. La Suisse, l'Allemagne, le Royaume-Uni sont désormais devant nous. Charge à nous de reconquérir notre place.
Notre pays souffre d'un handicap en matière de tourisme haut de gamme. Le nouveau classement y remédie. Mon département, Monaco compris, totalise 66 millions de nuitées et 12 millions de visiteurs. Il représente à lui seul 1 % des touristes internationaux dans le monde...
M. Jean-Michel Baylet. - Nous ne pouvons pas rivaliser !
Mme Colette Giudicelli. - On a observé une montée en gamme qui répond aux attentes des clients venant des pays émergents. Pour preuve, une hausse de 13 % de la fréquentation des hôtels quatre et cinq étoiles.
La petite hôtellerie, cependant, peine à suivre ; le plan de modernisation lancé en 2008 doit être poursuivi. Pouvez-vous, madame la ministre, nous en donner l'assurance ?
Parce que le tourisme représente un important levier de croissance, nous comptons sur vous, madame la ministre, pour poursuivre les efforts de vos prédécesseurs et redonner de la compétitivité à un secteur qui emploie deux millions de personnes. (Applaudissements à droite)
Mme Hélène Masson-Maret . - Un constat s'impose : quatre ans après la loi de 2009 subsistent bien des questions : l'efficacité des politiques publiques, l'organisation, la baisse de 4,5 % du budget d'Atout France, le relèvement de la TVA et une réforme du classement en panne.
Mais je veux insister sur la nécessité d'accélérer le classement des offices du tourisme en trois catégories. La démarche reste volontaire. La dénomination de commune touristique classée représente un avantage certain. Pour être classée, une commune doit déposer un dossier, préparé par l'office de tourisme, qui est validé en dernière instance par le préfet. Au 31 mars dernier, 451 offices seulement étaient reclassés sur les 2 800 existants. N'est-il pas du devoir de l'État de mieux informer les collectivités territoriales ? Il existe un risque certain que certains offices soient privés de ce classement, ce qui aurait des conséquences très négatives, en particulier pour la première catégorie. Les différents classements doivent être opérés rapidement. Comment comptez-vous, madame la ministre, combler ce retard très important ?
Puisque je parle des territoires, les contrats de destination, que vous avez signés avant l'été, ne sont guère nouveaux. Certains, dont ceux pour les Antilles, étaient le fait du précédent gouvernement.
Booster un tourisme qui s'essouffle, notamment en jouant la carte de la culture, développer l'attractivité de nos territoires, c'est certainement donner de nouvelles ressources à notre économie. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme . - Merci pour vos interventions et ce rapport qui me donne l'occasion de rappeler nos priorités et l'ambition de ce gouvernement.
La France, comme vous le savez, est la première destination touristique au monde. Avec deux millions d'emplois, le tourisme représente un secteur fondamental pour notre économie, devant l'industrie automobile. Le secteur contribue directement au rayonnement et à l'image de la France ; en cela il sert nos entreprises, nos exportations et l'emploi. Ce n'est pas anodin dans ces temps de lutte acharnée pour l'emploi et la croissance.
Parce que nous ne pouvons plus vivre sur nos acquis, nous devons structurer la filière et apprendre à jouer collectif autour de stratégies partagées. Je ne reviendrai pas sur le débat autour du chef de filat ; je plaide pour des partenariats solides et souples avec tous les acteurs du tourisme. La démarche innovante que j'ai initiée avec les contrats de destination valorisera davantage nos territoires et renouvellera notre offre. J'en ai déjà signé deux qui préfigurent les bonnes pratiques et les méthodes que d'autres pourront s'approprier. Pas moins de trente candidats ont déposé des demandes. La nouveauté de ces contrats, madame Masson-Maret, est qu'ils associent partenaires publics et privés, du transport à l'artisanat, en passant par la gastronomie et la culture, sans oublier l'écotourisme et les préoccupations environnementales chères à madame Bouchoux. Je veux saluer les projets de cyclotourisme autour du canal du Midi ou de la Loire. C'est dire que tout ce qui peut concourir à l'attractivité d'un territoire peut figurer dans ces contrats de destination nouvelle formule.
J'ai également voulu renforcer la gouvernance du secteur. Tout le monde nous envie, à l'étranger, l'expertise d'Atout France : c'est le bras armé de notre politique du tourisme.
M. Louis Nègre. - Avec une baisse de sa dotation ?
Mme Sylvia Pinel, ministre. - J'ai veillé à préserver son budget dans les différentes lois de finances.
Mme Bouchoux m'a interpellée sur un sujet qui me tient à coeur : oui, il faut plus de parité au sein du conseil d'administration d'Atout France ; j'ai veillé à y nommer deux femmes depuis ma nomination. La situation actuelle tient au fait que peu de femmes exercent des responsabilités dans l'artisanat ou le tourisme. La direction de l'établissement, en revanche, est parfaitement paritaire...
Nous devons rechercher une plus grande efficacité de la promotion de la marque France. Cette promotion doit passer par internet et, dans les salons, sous une bannière unique là où nous arrivions autrefois en ordre dispersé. J'ai également réactivé le Conseil national du tourisme.
L'amélioration de notre offre, autre priorité, passe par une adaptation des formations de l'hôtellerie, tout le monde en conviendra. D'où l'accent mis sur la formation professionnelle, sur la nécessité de pourvoir les postes vacants et de sécuriser les emplois saisonniers. Le rapport Noguet sera rendu prochainement ; nous débattrons de ses conclusions avec les partenaires sociaux.
Un mot sur les emplois d'avenir puisque, vous le savez, le président de la République a voulu les étendre au tourisme. J'ai mobilisé les préfets, je serai particulièrement attentive à leur montée en puissance.
Améliorer l'accueil, c'est aussi faciliter la délivrance des visas de circulation pour les hommes d'affaires et les artistes mais aussi assurer la sécurité des touristes. Les efforts entrepris avec M. Valls ont porté leurs fruits : un guide de prévention en six langues est désormais disponible et les vols à la tire ont baissé de 22 % en juillet et août à Paris.
Améliorer la qualité de l'offre passe aussi par le classement rénové des équipements hôteliers ; si 75% des hôtels -et 85 % des chambres- ont été reclassés, nous devons, il est vrai, accompagner la petite hôtellerie indépendante. Concernant l'accessibilité aux personnes handicapées, je ne cesse de dire que nous devons trouver l'équilibre. L'objectif de la loi de 2005 ne sera pas atteint en 2015, nous en avons pris acte en prévoyant un déploiement réaliste des normes. La banque publique d'investissement travaillera à financer la modernisation et l'accessibilité de la petite hôtellerie indépendante.
Il importe aussi d'adapter notre offre aux exigences des nouvelles clientèles. L'investissement touristique est encore trop peu orienté vers l'offre d'hébergement, notamment dans les zones littorales ou de montagne ; aussi ai-je installé un groupe de travail sur ce dossier pour examiner les voies et moyens de rénover le parc et de développer le tourisme en montagne hors de la période hivernale. Je suivrai la même démarche pour le tourisme sur le littoral. Tout cela en tenant compte des spécificités locales ; une boîte à outils sera mise ainsi à la disposition des élus.
Le classement des offices de tourisme, s'il a contribué à notre montée en gamme, reste trop peu lisible et trop complexe à mettre en oeuvre. J'amenderai le dispositif pour tenir compte des difficultés signalées par les élus locaux.
La modernisation de notre offre repose aussi sur le numérique. Nombre de professionnels se plaignent des sites de réservation en ligne ; si des comportements sont illégaux, il faut les sanctionner mais, surtout, il nous faut sortir par le haut de ce débat. Le numérique représente incontestablement un levier pour notre industrie touristique ; prenons résolument ce virage avec Atout France. Pour améliorer la qualité de l'offre, j'ai mis en place un comité de filière pour la restauration ; les contrats d'avenir n'ayant pas produit les résultats escomptés, ils céderont la place à une démarche partenariale.
La TVA est passée de 5,5 % à 7 %. Nous la maintenons, après un bilan contrasté, au taux intermédiaire. Avec le comité de filière, nous travaillons à définir de nouvelles priorités. La filière, je le rappelle, bénéficie du CICE et des contrats de génération. Nous avons défini dix axes autour de l'information aux consommateurs, de la valorisation des métiers et des savoir-faire et des conditions de travail. J'ai voulu pousser le label « Fait maison », dont vous avez largement débattu, et faire évoluer le titre de maître restaurateur pour le simplifier afin de séduire davantage de professionnels.
Troisième volet de mon action, et je sais que vous partagez cette préoccupation : l'accès aux vacances pour tous, alors qu'un Français sur deux ne part pas en vacances. J'ai confié une mission au contrôle général économique et financier pour identifier les freins et proposer des dispositifs concrets. Les freins peuvent être financiers, mais aussi psychologiques : certaines familles pensent que les vacances ne sont pas pour elles... Des opérations pilotes ont eu lieu en Midi-Pyrénées et en Rhône-Alpes, qui visaient les jeunes apprentis et les familles. Un bilan sera en outre dressé de l'expérimentation de la diffusion des chèques vacances dans les PME-TPE, l'objectif fixé étant loin d'être atteint. Il faut agir sur la demande, mais aussi sur l'offre, animer le marché et capitaliser sur la mobilisation des acteurs.
Pour les Français achetant des résidences en temps partagé, le régime de la loi de 2009 n'est pas assez protecteur face à des sociétés de gestion peu scrupuleuses, ce qui entraîne des contentieux ubuesques. Le texte sur le logement, que vous examinerez la semaine prochaine, doit y remédier.
Les conditions sont réunies pour le succès de notre politique touristique avec des orientations stratégiques claires. Mais il reste beaucoup à faire. Le secteur est en bonne santé au niveau mondial : nous avons passé la barre du milliard de touristes dans le monde en 2012 et le potentiel de croissance est de 3 à 4 % pour un doublement à l'horizon 2020. Dans le même temps, la concurrence s'intensifie. La France a des atouts, elle doit relever le défi du nombre comme celui des mutations dans les comportements des consommateurs. Je veux que la France reste le pays le plus attractif de tous pour tirer la croissance et l'emploi. Les classes moyennes des pays émergents doivent être notre cible. M. Carvounas l'a dit, la fréquentation de certaines destinations, comme la Chine, croît. Le numérique permet d'individualiser les séjours ? Devenons le pays du e-tourisme ! Fidéliser la clientèle existante, faire évoluer l'offre, capter de nouvelles clientèles, augmenter les retombées économiques du tourisme, tels sont mes objectifs. Nous devons, pour cela, enrichir notre offre autour de pôles de renommée mondiale facilement accessibles -ce qui engage tant les transports que les visas- et ne plus la concentrer sur Paris et la Côte-d'Azur, porter notre attention sur le tourisme d'affaires, le tourisme sportif, le tourisme durable. Il faut attirer plus de visiteurs et leur donner envie de France.
Je compte sur votre soutien dans la conduite de cette politique, essentielle pour l'attractivité de la France et son redressement. (Applaudissements)
Prochaine séance demain, mercredi 16 octobre 2013, à 14 h 30.
La séance est levée à 23 h 40.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du mercredi 16 octobre 2013
Séance publique
A 14 heures 30 et le soir
1. Désignation des trente-trois membres de la mission commune d'information sur la réforme des rythmes scolaires afin d'évaluer sa mise en place, les difficultés rencontrées et le coût induit pour l'ensemble des communes
2. Proposition de résolution européenne sur les normes européennes en matière de détachement des travailleurs (n°528, 2012-2013)
3. Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 24 et 25 octobre 2013
À 21 heures 30
4. Débat sur la place des femmes dans l'art et la culture