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Table des matières
Comptes des comités d'entreprise
Mme Catherine Procaccia, rapporteur
Mme Catherine Procaccia, rapporteur
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales
Mme Catherine Procaccia, rapporteur
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales
Situation des universités françaises (Questions cribles)
Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche
Réforme de la dotation globale de fonctionnement
M. Gérard Le Cam, auteur de la proposition de loi
M. Jean Germain, rapporteur de la commission des finances
M. Roland du Luart, président de la commission des finances par intérim
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances
Délégation aux collectivités territoriales (Démission et candidature)
Économie sociale et solidaire (Renvoi pour avis)
Mme Mireille Schurch, auteur de la proposition de résolution
Délégation aux collectivités territoriales (Nomination)
SÉANCE
du jeudi 10 octobre 2013
8e séance de la session ordinaire 2013-2014
présidence de M. Jean-Pierre Raffarin,vice-président
Secrétaires : M. Alain Dufaut, M. Jacques Gillot.
La séance est ouverte à 9 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Comptes des comités d'entreprise
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à établir un contrôle des comptes des comités d'entreprise, présentée par Mme Catherine Procaccia et plusieurs de ses collègues.
Discussion générale
Mme Catherine Procaccia, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission des affaires sociales . - Il m'est particulièrement agréable d'ouvrir en tant que rapporteur la discussion sur cette proposition de loi dont je suis également l'auteur. Le comité d'entreprise, né au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, a la double mission de représenter les intérêts des salariés et, le cas échéant, de gérer les activités sociales et culturelles. Les Français y sont très attachés. Peut-on laisser les comités hors de la dynamique de transparence financière qui est à l'oeuvre, et les exempter de la certification des comptes à laquelle sont tenus presque tous les organismes publics ou privés, y compris les syndicats depuis la loi de 2008 ? Il est juste que les salariés puissent contrôler cet outil qui peut gérer plusieurs millions d'euros par an. Depuis la recodification du code du travail, l'article R. 2323-37 impose cette certification à tous les comités d'entreprise, quelle que soit leur taille. Ce n'est guère réaliste. Aussi, dès décembre 2010, j'avais alerté le ministère du travail sur la difficulté d'interprétation de cet article. Les scandales qui ont touché quelques grands comités d'entreprise ont jeté la suspicion. Aussi, ai-je déposé une proposition de loi le 18 juillet 2012 afin que l'opprobre ne soit pas jeté en raison des errements de quelques-uns sur les 53 000 comités d'entreprise que compte la France.
Alors que j'entreprenais cette démarche, Mme Cayeux faisait de même et les partenaires sociaux obtenaient la création d'un groupe de travail tripartite. Ses conclusions ne sont guère éloignées de celles de la Cour des comptes dans son rapport de novembre 2011 et de la proposition de loi de M. Perruchot.
Ajoutons que l'Autorité des normes comptables a également dessiné un référentiel technique. Tenant compte de ces travaux, j'ai déposé, avec l'accord de Mme Cayeux, sept amendements qui ont tous été adoptés par la commission des affaires sociales mercredi dernier.
Merci aux groupes politiques qui m'ont soutenue et aux groupes de gauche qui ont bien voulu ne pas prendre part au vote en commission afin que nous puissions présenter ce texte.
Son premier article impose des règles annuelles de tenue des comptes différenciées selon la taille des entreprises. Une comptabilité ultra simplifiée sera possible pour les comités d'entreprise dont les ressources sont inférieures à un plafond que le pouvoir réglementaire pourrait fixer à 153 000 euros. C'est le cas de 95 % d'entre eux.
Seraient soumis à la certification de leurs comptes les comités qui, dépassant ce seuil, remplissent au moins deux des critères suivants : employer au moins cinquante salariés en équivalent temps plein, disposer d'un bilan supérieur à 1,5 million d'euros et posséder plus de 3,1 millions d'euros de ressources. Dans les autres cas de figure, les comités pourraient recourir à une comptabilité avec présentation simplifiée.
Si des problèmes sont décelés, le commissaire aux comptes pourra lancer une procédure d'alerte et, si les difficultés persistent, saisir le président du tribunal de grande instance.
Les règles des marchés publics s'imposeront pour les projets d'un certain montant dans une forme simplifiée.
Enfin, l'article premier fixe les règles de publicité des documents comptables du comité d'entreprise. Ceux-ci seront, au moins, portés à la connaissance des salariés. Ce point, qui a fait débat en commission, occupera peut-être nos discussions.
L'article 2 étend les obligations aux comités des industries électroniques et gazières, conformément aux recommandations du rapport de la Cour des comptes d'avril 2007.
Enfin, l'article 3 prévoit que les règles comptables s'appliqueront à compter de l'exercice 2015, tandis que la certification des comptes entrera en vigueur à partir de l'exercice 2016.
Depuis mon entrée au Sénat, j'ai rarement observé un tel consensus. Les partenaires sociaux, que Mme David a saisis, se prononcent pour l'adoption de ce texte. Au reste, la deuxième conférence sociale prévoyait des dispositions législatives sur la transparence des comptes des comités d'entreprise. Cette proposition de loi sera le bon véhicule ; la discussion a eu lieu de même que les travaux techniques.
Monsieur le ministre, profitez de cette fenêtre législative pour respecter votre engagement. Je ne peux pas croire que vous refusiez ce texte, comme la presse s'en fait l'écho. Il est autant le mien que celui des partenaires sociaux et fera avancer la démocratie sociale. Ne le repoussez pas aux calendes grecques. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social . - Vous connaissez mon attachement à la transparence. C'est une exigence démocratique, fruit de notre histoire collective. Mon nom est d'ailleurs attaché à une loi relative à la transparence économique.
La démocratie sociale ne peut rester en marge de ce mouvement, elle ne saurait rester une boîte noire. Le dialogue social à la française doit progresser car l'attente est forte d'une meilleure représentativité, de meilleurs compromis, d'une meilleure association des partenaires sociaux à la vie économique de l'entreprise, d'une meilleure représentativité des syndicats et des organisations patronales, d'une meilleure articulation entre démocratie politique et démocratie sociale, d'une meilleure transparence.
La transparence est un principe qui ne se divise pas, elle se décline. Le Gouvernement s'y emploie. Avec la loi sur la transparence de la vie politique, avec le texte de transposition de l'ANI.
Pour autant, la transparence ne peut pas se faire contre les partenaires sociaux. Elle n'est pas une sanction contre des comportements frauduleux, mais un effort collectif, une dynamique positive.
La transparence, c'est d'abord une meilleure représentativité des organisations syndicales et du patronat. La première a eu lieu ; la deuxième est avancée, sa transcription interviendra après l'accord sur la formation professionnelle.
La transparence, c'est ensuite garantir des ressources pérennes à ces organisations. Elles sont aujourd'hui éclatées. Après la deuxième grande conférence sociale, j'ai écrit aux partenaires sociaux pour réfléchir à la manière de leur donner des moyens stables. Là encore, la transcription législative aura lieu après l'accord sur la formation professionnelle.
La transparence, c'est enfin en venir au dossier des comptes des comités d'entreprise, que Mme Procaccia connaît bien, les partenaires sociaux l'ont souhaité eux-mêmes en 2011. Les principes sont simples : prise en compte de toutes les ressources des comités d'entreprise, une structure de comptabilité adaptée à la taille des entreprises - car ne nous laissons pas abuser par le prisme des gros comités d'entreprise, ils sont rares -, publicité des documents comptables, obligation de certification des comptes dans certains cas, imposition des règles de marché public pour les projets importants.
Je partage ces principes mais, pour des questions de méthode, et uniquement de méthode, je ne peux pas apporter mon soutien à votre proposition de loi. Je proposerai, après concertation, un texte global qui ira de la formation professionnelle à la représentativité et à la transparence des comptes. Vous connaissez notre agenda. Ce texte viendra en janvier ou février et, sauf erreur, les calendes grecques n'ont pas lieu à ce moment-là. Je ne doute pas que le Sénat votera alors ce texte global et ambitieux pour la démocratie sociale ! (Applaudissements à gauche)
M. Jean Desessard . - Le comité d'entreprise, organe au service des salariés, assure leur représentation. Son rôle est central : il est consulté sur les modifications des conditions de travail et du règlement intérieur, sur l'introduction de nouvelles technologies, sur les licenciements économiques.
Ces derniers mois, nous avons eu vent d'affaires dévoilant des comportements à la limite de la légalité au sein de grands comités d'entreprise. À l'heure de l'argent roi, on ne peut pas s'étonner de ces déviances personnelles. La surprise, en revanche, tient au fait qu'il n'existe pas d'obligation de transparence sur les comptes de comités d'entreprise.
Le texte, vous l'avez reconnu, monsieur le ministre, est proche des conclusions remises par les partenaires sociaux en avril 2012. Quelle est la difficulté ? Le calendrier est, comment dire...
M. Michel Sapin, ministre. - Inadapté !...
M. Jean Desessard. - Inadapté car une négociation est en cours sur une réforme globale portant aussi bien sur la formation professionnelle et le dialogue social, que sur la transparence des organismes partenaires. Nous serons extrêmement attentifs à cette future loi cadre ainsi qu'à tous les textes sur la transparence financière. Puisque le ministre s'est engagé à régler ce dossier d'ici cinq mois, faisons plutôt avec les syndicats qu'à côté d?eux ou contre eux pour qu'ils soient acteurs, dans la concertation, de cette volonté de transparence ! (Applaudissements à gauche)
M. Michel Sapin, ministre. - Excellent, comme toujours !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Je ne vais pas du tout tenir le même discours.
Concrètement, ce texte étend aux comités d'entreprise les obligations de transparence s'imposant aux syndicats depuis la loi du 20 août 2008. Les partenaires sociaux l'ont demandé le 7 février 2011. Ce texte, que nous soutenons d'autant plus qu'il s'inspire de la proposition de loi Perruchot, est une nécessité juridique puisque le nouvel article R. 2323-37 du code du travail est inapplicable en l'état. Il est aussi une nécessité éthique, vu l'importance des sommes en jeu. Je vous renvoie au rapport de la Cour des comptes de 2011 sur le comité d'entreprise de la RATP. Les comités d'entreprise ne peuvent être les seuls laissés à l'écart de la transparence. Il ne s'agit pas de jeter la suspicion sur tous, mais bien de consolider leur légitimité.
Ce texte, je l'ai dit, est très proche de celui de M. Perruchot. Pourquoi avoir attendu un an et demi avant de reprendre le dossier au Sénat sur un sujet aussi consensuel ? On avait reproché à M. Perruchot d'avoir shunté la démocratie sociale, on fait le même reproche à Mme Procaccia. Il faut, encore et toujours, attendre, au motif que des négociations sont en cours. Février 2014 ? Mais le calendrier sera chahuté par les élections municipales. On marche sur la tête ! Le Sénat est prêt à voter ce texte. Pourquoi attendre ? Qui fait la loi ? il semble que la Constitution confie ce soin au législateur... Au nom de quoi un grand représentant syndical s'autorise-t-il à dire qu'un parlementaire - en l'occurrence Mme Procaccia - n'a pas « à faire un texte dans son coin » ? Refuser ce texte, c'est attenter à la démocratie parlementaire ! (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Très bien !
Mme Isabelle Pasquet . - Je rends hommage aux délégués des comités d'entreprise qui, par leur engagement personnel, participent à l'épanouissement des salariés en les faisant participer à la vie de l'entreprise et en assurant l'accès à la culture pour tous.
Nous débattions hier de la transparence en matière de médicament et de santé, de la transparence politique. Il faudra en faire de même sur la transparence des subventions publiques accordées aux entreprises. Je pense en particulier au CICE. Là est l'urgence plutôt que de légiférer sur les comptes des comités d'entreprise. Quand il y a eu suspicion de malversation, des informations judiciaires ont été ouvertes. Qui plus est, les comités d'entreprise se soumettent déjà volontairement aux règles de transparence. Surtout, les partenaires sociaux négocient une réforme globale dont l'équilibre ne doit pas être fragilisé.
Si nous partageons les principes de cette proposition de loi, l'initiative de Mmes Procaccia et Cayeux nous semble inspirée par la suspicion. Car pourquoi ne porte-t-elle que sur les oeuvres sociales et culturelles, sans traiter d'aucune façon la question de leur compétence économique ? On ne peut pas renforcer l'encadrement des comités d'entreprise sans leur accorder des droits nouveaux - droit de contrôle sur les aides publiques en matière de licenciement, droit d'engager une expertise sur la situation économique de l'entreprise - qui, contrairement à ce qui est prévu dans la loi du 11 janvier 2013, doivent être financés par l'employeur.
Nous préférons à cette proposition de loi le projet de loi du Gouvernement, qui devra aborder ces questions sans exclusive. (Applaudissements à gauche)
M. Michel Sapin, ministre. - Excellent !
M. Claude Jeannerot . - Je veux d'abord saluer l'important travail de Mme Procaccia et de Mme Cayeux. Ce texte a fait l'objet de nombreuses consultations, il faut le souligner.
La liberté de gestion des comités d'entreprise, garantie par le code du travail ne fait pas débat. Pour être effective, elle doit s'appuyer sur des ressources stables. La plupart des comités d'entreprise gèrent des sommes relativement modestes.
En tout cas, tous doivent se soumettre à des règles de transparence adaptées à leur taille afin d'éteindre les suspicions après les récents scandales, mais aussi d'anticiper les difficultés de gestion en temps de crise.
Les partenaires sociaux partagent ce souci de transparence, ils l'ont manifesté en février 2011. Ce groupe de travail, piloté par la direction générale du travail depuis début 2012, a rendu ses conclusions en avril 2012.
Le texte de notre collègue en tient compte. Néanmoins, je ne peux l'approuver. Et ce, pour une raison simple : le tempo n'est pas le bon.
À la suite de la position commune du groupe de travail tripartite, le ministère des finances a mis en place un groupe de concertation sur la question. C'est une exigence de démocratie sociale, dans laquelle le travail parlementaire ne saurait venir interférer. Ensuite, le Gouvernement s'est engagé, lors de la conférence sociale de juin, à intégrer les résultats de la négociation dans les prochaines semaines. Ce texte à venir intégrera une réforme des critères de représentativité - car rien n'a été fait en ce sens pour les organisations patronales. Il est de bonne méthode d'attendre, pour prendre en compte les résultats de la négociation et votre travail, madame Procaccia, ne passera pas par pertes et profits.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Je l'espère.
M. Claude Jeannerot. - Je partage souvent les positions de M. Vanlerenberghe, mais je ne peux le suivre. Je ne vous incite pas à la procrastination...
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Un défaut que je n'ai pas !
M. Claude Jeannerot. - C'est tout le contraire.
Le temps qui est devant nous est celui des partenaires sociaux, viendra ensuite celui du Gouvernement, puis le temps parlementaire. C'est une complémentarité gage d'efficience et de clarté. Ne pas en tenir compte, c'est bloquer le système et passer à côté de vos ambitions.
Le groupe socialiste votera donc négativement mais...
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Dans un esprit positif ! (Applaudissements à gauche)
M. Nicolas Alfonsi . - Je remercie notre rapporteur et Mmes Cayeux et David qui ont toujours porté un vif intérêt à ces questions. Il faut tenir compte du principe de réalité. Le vide juridique est patent. Un praticien du droit m'a rappelé qu'une décision de cour d'appel avait cherché, il y a vingt ans déjà, d'y parer. On a rappelé le rapport de la Cour des comptes, les affaires du comité d'entreprise d'Air France, de la RATP, d'EDF. Je vous renvoie au rapport Perruchot, passé à la trappe. Mais n'oublions pas la qualité et le dévouement des personnels gestionnaires des comités d'entreprise. L'arbre ne doit pas cacher la forêt. Le problème, c'est celui du retard que nous avons pris dans la démocratie sociale.
On ne peut qu'approuver, sur le fond, ce texte - certification et publication des comptes, lancement d'une procédure d'alerte, marchés publics. J'ai écouté le ministre avec attention. Si je ne représentais pas mon groupe à la tribune, je voterais probablement ce texte. Mais il a été question de calendrier. Des engagements ont été pris. « Nous sommes pressés, allons lentement » disait Foch. Si cette proposition de loi était votée, on n'irait peut-être pas plus vite au but qu'en s'en remettant au projet de loi que vous nous annoncez. Il faut en faire comprendre l'importance à l'opinion. Mais ne nous faites pas regretter notre vote en prenant du retard... (M. Jean Desessard approuve) Le groupe RDSE s'abstiendra.
Mme Caroline Cayeux . - Alors que la transparence de la vie publique est à l'ordre du jour, cette proposition de loi vient répondre à une demande pressante des principaux intéressés. Longtemps, les comités d'entreprise n'ont été soumis à aucune obligation de transparence, lesquelles s'imposent aujourd'hui aux associations et syndicats. La loi de 2008 avait certes rendu la certification obligatoire, mais cette disposition pose problème aux petits comités d'entreprise et la procédure peut engendrer des conflits d'intérêts. Il faut y remédier. D'autant que des dérives de grands comités ont été médiatisées, qui jettent le trouble. La Cour des comptes, dans son rapport de 2011, appelait à une réforme en profondeur. Notre rôle de législateur est de nous saisir de cette question sans attendre. C'est ce que j'ai fait, en même temps que Mme Procaccia, que je remercie pour m'avoir associée.
Il faut distinguer selon les ressources financières des comités d'entreprise, leur bilan, le nombre de salariés. Une réflexion engagée par les partenaires sociaux a abouti, et l'unanimité est là, que nous avons retrouvée lors de nos auditions. Nous avons repris l'esprit des propositions des partenaires sociaux, par voie d'amendement : traitement différencié selon la taille du comité d'entreprise, information des salariés, sécurisation de la procédure, transparence des marchés.
Mon texte prévoyait une transmission au président du conseil d'administration. Je regrette que les partenaires sociaux n'aient pas repris ce point, mais leurs recommandations constituent un premier pas.
Lors de la conférence sociale de 2012, on nous annonçait un texte début 2013. Le calendrier parlementaire chargé a repoussé le délai. Il faudra attendre début 2014. Au moins aurons-nous servi d'aiguillon, avec Mme Procaccia, pour que le Gouvernement s'empare de ce sujet...
Le groupe UMP votera cette proposition de loi en regrettant de n'être pas parvenus, comme pouvaient le laisser espérer nos débats en commission, à plus d'unanimité.
M. Michel Sapin, ministre . - Il n'y a pas de désaccord entre nous sur les mesures que vous préconisez. Il aurait pu y en avoir, comme cela a été le cas dans le passé, où l'on a vu mise en cause telle ou telle entreprise publique, telle ou telle organisation syndicale. Ce n'a pas été le cas ici, et je m'en félicite.
Un travail important de concertation a été mené, qui a permis de parvenir au consensus des partenaires sociaux. Il n'y a donc là aucune difficulté, et certaines de vos rédactions nous seront très utiles pour rédiger notre projet de loi. C'est une pure question de calendrier qui détermine notre position d'aujourd'hui. Il n'y a là, monsieur Vanlerenberghe, nul prétexte. Il est important, sur ce sujet, d'avoir une vision globale, afin de donner des bases solides et pérennes à la démocratie sociale. Cela engage les questions de la représentativité, non seulement syndicale, mais patronale et du financement, qui exige transparence et rationalité, tant pour les fonds publics que pour ceux qui viennent des entreprises.
Il est urgent de réformer la formation professionnelle, pour répondre aux besoins des salariés - les moins qualifiés, les jeunes, les chômeurs en particulier. Le calendrier est fixé. Je m'engage à ce qu'un texte à venir, qui concernera et la formation professionnelle et le dialogue social soit adopté d'ici à la fin de cette année parlementaire par les partenaires sociaux.
Les calendes grecques ? On sait qu'il n'en est que de latines, d'où le mot que Suétone prête à celui qui n'était pas encore Auguste, y renvoyer, c'est reporter un projet à jamais. Ce que je peux vous dire, c'est qu'aux calendes de mars, je vous aurai présenté un projet de loi. (Applaudissements à gauche)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
Mme Catherine Procaccia, rapporteur . - Une petite rectification. Au 4 de l'article, il faut lire l'article L. 2325-1-1, et non l'article L. 2325-1.
Mme Catherine Deroche . - Le groupe de travail a été créé dès 2011 par Xavier Bertrand. Trois ans ont passé, - il y a bien un problème de rapport au temps dans notre pays. Je vous invite à lire l'essai récent La France malade de son temps. Les dispositions sur les comités d'entreprise seront noyées dans celles qui concernent la formation professionnelle. Où sera la lisibilité ? Ce que je crois, c'est que vous voulez vous assurer la paternité de ces mesures. Le groupe UMP votera ce texte et regrette l'absence d'unanimité qui aurait été un signal fort. (Mme Catherine Procaccia, rapporteur, applaudit)
M. Jean Desessard . - Je ne peux pas voter contre les propositions contenues dans les articles, car ce sont des mesures de bon sens. Pour autant, mon vote final sera négatif.
Le ministre a été clair sur le calendrier. Il faudra qu'il y ait un débat parlementaire, car la négociation sociale ne reflète pas toute la société : souvent l'environnement est un peu oublié. D'ailleurs, les syndicats, comme FO, disent clairement qu'ils sont là d'abord pour défendre les intérêts de leurs adhérents, avant l'intérêt général. Il faudra donc un débat plus global.
M. le président. - M. Desessard a compris toute la subtilité qui peut s'attacher au vote... (Sourires)
M. Nicolas Alfonsi . - Nous avons les mêmes scrupules et voterons les articles. Mais nous nous abstiendrons sur l'ensemble.
M. Jacky Le Menn . - N'allons pas dramatiser un texte sur lequel tout le monde est d'accord. Le ministre ne donne aucune injonction au Parlement, il ne fait que nous proposer un calendrier, par souci de cohérence. La démocratie sociale mérite un traitement d'ensemble. Là est la question. Une trop longue attente ? Je me souviens d'un texte sur la biologie médicale, qui a demandé bien du temps, mais qui a fini par aboutir et cela paraît un peu galvaudé de le dire mais il est parfois urgent d'attendre. La réflexion est encore en cours au ministère des finances. Ce n'est pas faire injure au travail de notre collègue que de lui demander de patienter quelques mois. C'est dans cet esprit que mon groupe votera contre ce texte.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Notre groupe votera pour les articles, et pour le texte. Pas de jésuitisme, c'est un texte excellent. Attendre une réforme plus globale ? Mais c'est d'un article du code du travail dont nous débattons ce matin, point. Pourquoi ne pas l'adopter, et gagner ainsi du temps ? (Applaudissements à droite ; Mme Catherine Procaccia, rapporteur, applaudit aussi)
Mme Catherine Procaccia, rapporteur . - L'avis de la commission est évidemment favorable.
M. Michel Sapin, ministre . - Celui du Gouvernement diffère.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales . - En commission, les groupes CRC, socialiste et écologiste n'ont pas pris part au vote, pour que la discussion ait lieu en séance publique. Nous sommes tous d'accord pour que les groupes minoritaires puissent bénéficier d'un temps parlementaire de séance, pour aller au fond de la discussion, qui a été...
M. Jean Desessard. - Correcte ! Approfondie !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. - L'avis favorable de la commission est né de cet accord tacite. Je devais le rappeler.
À la demande du groupe UMP, l'article premier est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Pour l'adoption | 168 |
Contre | 149 |
Le Sénat a adopté.
L'article 2 n'est pas adopté.
L'article 3 n'est pas adopté.
Interventions sur l'ensemble
M. Claude Jeannerot . - Je veux faire écho à l'observation de M. Vanlerenberghe, qui a regretté que le consensus ne se fasse pas pour voter ce texte, alors que nous sommes tous d'accord. Mais accepter un court délai, c'est respecter, contrairement à ce qu'il a dit, le travail parlementaire. Car nous avons besoin de la démocratie sociale pour éclairer nos débats. Attendre tous les résultats du dialogue social et tous les éléments d'expertise est de bonne méthode. De cette méthode dépend la qualité de nos décisions. Nous donnerons ainsi aux partenaires sociaux un signe essentiel, une marque de respect pour les ultimes délibérations. Je vous demande de prendre en compte cette exigence.
M. Jean Desessard . - De l'art d'être contre quand on est pour... Je dois expliquer mon vote. Nous sommes pour les dispositions qu'il propose, mais contre son adoption aujourd'hui, pour respecter le calendrier annoncé par le ministre et permettre aux partenaires sociaux de débattre. On ne repousse pas aux calendes, que je ne saurais qualifier !
Je souhaite en revanche que le ministre tienne le Parlement informé de l'avancée des négociations sociales.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Je comprends l'embarras de ceux qui vont ainsi voter. Le dialogue social ? Mais il a eu lieu, et l'accord des partenaires a été total. Pourquoi attendre ? Parce qu'un texte plus large aura une audience plus importante ? Je préfère, moi, l'efficacité à l'affichage.
Mme Isabelle Pasquet . - Si notre groupe votera contre, c'est que ce texte témoigne d'une méfiance à l'encontre des élus salariés, dans leurs activités sociales. Il faut examiner plus largement la question en se penchant sur les compétences économiques des comités d'entreprise, qui doivent être élargies et donner aux élus salariés les moyens d'exercer leur contrôle. Nous espérons donc un texte plus large sur la démocratie sociale.
Mme Catherine Deroche . - L'accord tripartite date du début de l'année ; le texte ne sera pas voté pour une seule raison : il émane de l'UMP. Lors de l'affaire Cahuzac, on a dû faire diligence sur la transparence de la vie publique. On aurait pu faire de même ici.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur . - Cette séance est pleine de surprises ! J'ai compris la position des groupes de la majorité présidentielle : d'accord sur le contenu - et c'est pourquoi ils ont voté l'article premier - et celle du ministre, qui nous oppose un calendrier. Reste que les votes intervenus témoignent de la justesse de nos propositions, dont j'espère qu'elles finiront par aboutir. Les syndicats nous ont demandé de veiller à la diligence du Gouvernement, se plaignant de n'avoir obtenu aucune réponse de sa part depuis six mois. Le ministre s'est aujourd'hui engagé, tant mieux. Le texte qu'il nous présentera ne pourra recueillir notre accord s'il n'intègre pas tous les comités d'entreprise, y compris les plus gros et ceux par lesquels le scandale arrive. Or le texte mis au point avec la direction générale du travail laisse craindre qu'il pourrait ne pas en être ainsi...
À la demande du groupe UMP, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Pour l'adoption | 168 |
Contre | 160 |
Le Sénat a adopté.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales . - Après les travaux constructifs de la commission, le vote de ce matin aboutit à un étrange résultat : un texte est adopté mais sans les articles d'application... Il faudra remettre l'ouvrage sur le métier !
M. Michel Sapin, ministre. - Le Gouvernement est là pour veiller à la cohérence.
La séance est suspendue à 11 heures.
présidence de M. Jean-Pierre Raffarin,vice-président
La séance reprend à 15 heures.
Situation des universités françaises (Questions cribles)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur la situation des universités françaises à l'heure de la rentrée 2013.
M. Robert Tropeano . - (Applaudissements sur les bancs du RDSE) On annonce la fermeture de l'antenne de Béziers de l'université de Montpellier III à la prochaine rentrée. L'application d'une telle décision fragiliserait mon territoire. Cette université connaît des difficultés, avec un déficit structurel de 3 millions. La sous-estimation de la masse salariale - 90 % de son budget - lors de la réforme LRU et l'augmentation du nombre des élèves boursiers en sont les causes. Reste que l'on ne comprendrait pas, au vu des engagements du président de la République pour la jeunesse, et de la mobilisation de toute la communauté éducative, cette fermeture. Pensez-vous nous donner les premiers éléments de l'audit que vous avez diligenté et les pistes que vous envisagez ? La présidente de l'université a fustigé l'attitude du Gouvernement disant qu'il mentait sur les chiffres. Je n'ose la croire. (Applaudissements sur les bancs du RDSE).
Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Au-delà du cas très médiatique de Montpellier III, la réalité est que le passage en RCE des universités pose difficulté dans certains cas - pas tous - en particulier la première année, car les universités doivent alors intégrer dans leurs comptes les dotations aux amortissements. Comme vous, j'ai appris par la presse le déficit de 3 millions ; comme vous, j'ai appris par la presse la fermeture envisagée de Béziers. Aussi ai-je commandité un audit, dont je n'ai pas encore le résultat. Le Gouvernement est résolu à accompagner Montpellier III, encore faut-il que nos efforts soient conjugués pour sortir de cette impasse.
M. Robert Tropeano. - Merci de cette réponse. Le Gouvernement doit tout faire pour rétablir la situation dans un climat serein.
M. Jean-Pierre Raffarin. - La riposte était sereine ! (Sourires)
Mme Colette Mélot . - Alors que le coût des frais d'inscription universitaire, selon l'Unef et la Fage, a progressé de 1,6 % à la rentrée, le logement représente 55 % du budget des étudiants : 500 euros en régions et 700 en Île-de-France. Le Gouvernement s'était fixé pour objectif 40 000 logements sociaux étudiants nouveaux d'ici 2017. Comme cela se traduira-t-il dans la loi de finances ? Les 20 millions d'euros accordés au Crous ne suffiront pas, annoncent les associations étudiantes. Dans le parc privé, ne faut-il pas élargir le dispositif de cautionnement solidaire au parc privé ? Tous les étudiants connaissent des difficultés de logement.
Mme Geneviève Fioraso, ministre. - Merci de cette question sur le logement étudiant qui est notre priorité. Le dernier plan a été réalisé à moitié - 19 000 logements seulement en construction. Le président de la République a fixé un objectif ambitieux de 40 000 logements sociaux d'ici cinq ans. Nous en avons déjà identifié 30 000, grâce au plan Campus et aux contrats de plan État-régions. Nous avons dégagé 20 millions pour le Crous en plus des 50 millions et 400 millions pour les bourses d'ici trois ans. Dès cette rentrée, nous avons livré 8 500 logements ; la moitié en rénovation, la moitié en construction.
Nous faisons tout pour améliorer les conditions de vie étudiante ! (Applaudissements à gauche)
Mme Colette Mélot. - J'insiste sur le cautionnement solidaire dans le parc privé : tous les étudiants en ont besoin. (Applaudissements à droite)
Mme Chantal Jouanno . - Il est difficile de se faire une idée claire de la situation dans les universités. Le Gouvernement est dans son rôle en annonçant la création de 5 000 postes dans les universités et en augmentant leur budget de 0,44 %. Les associations étudiantes sont aussi dans leur rôle en demandant davantage. La présidente de Montpellier III l'est moins en annonçant la fermeture de l'antenne Béziers pour protester contre sa dotation.
Si l'on y regarde de plus près, les perspectives sont inquiétantes : 400 postes gelés - c'est beaucoup sur les 1 000 créations annoncées - et baisse du budget des universités, si l'on tient compte de l'inflation, de 0,46 %, hors GVT. Madame la ministre, comment entendez-vous concrétiser vos engagements pour l'université ? (Applaudissements au centre)
Mme Geneviève Fioraso, ministre. - Effectivement, il est difficile d'y voir clair dans la situation des universités françaises, en raison du passage en RCE qui a été mal accompagné. L'évolution des salaires et du CAS pension n'a pas été prise en compte. Depuis notre arrivée, nous faisons de notre mieux pour améliorer leur situation - nous avons provisionné 90 % de leur budget - que nous avons trouvé dégradée, et restaurer leur image. Nos universités sont de qualité ! (Applaudissements à gauche)
Mme Chantal Jouanno. - Merci pour cette réponse et pour votre compétence.
Mme Dominique Gillot . - Le plan « Réussite en licence » du précédent gouvernement n'avait pas donné de résultats. La loi ESR de juillet dernier érige la réussite étudiante en priorité. Depuis, l'université Cergy-Pontoise a mis en place un semestre « Nouveau départ ». De quels outils disposez-vous pour mettre en place ce processus qui doit mobiliser l'éducation nationale ? Les bacheliers professionnels et technologiques bénéficieront d'un accès plus ciblé en STS et IUT. A-t-on une idée de l'impact de la mesure ? Pour faire rentrer l'université dans le XXIe siècle, vous insistez sur le numérique. Quelles mesures concrètes pour l'introduire dans l'université ? (Applaudissements à gauche)
Mme Geneviève Fioraso, ministre. - La France se situe en deçà de l'objectif de Lisbonne d'amener 50 % des étudiants à un diplôme bac+3. Comment redresser la barre ? Nous avons introduit des critères qualitatifs tels que le module « -3+3 », l'accompagnement des élèves en difficulté en première année, ou encore l'introduction du numérique non comme un gadget mais comme un outil pédagogique - pour allouer des subventions spécifiques aux universités. C'est ainsi que nous irons vers la réussite étudiante, qui est au coeur de nos priorités.
Mme Dominique Gillot. - Merci de cette réponse complète, bien que nécessairement courte dans le cadre de cette séance.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - La LRU et le passage aux RCE mises en place par le précédent gouvernement ont mis les universités en difficulté. L'autonomie a consisté en un transfert de la pénurie, vecteur de l'application de la RCPP dans l'enseignement supérieur. Cette évolution n'a hélas pas été remise en cause. En cette rentrée, 15 universités sont en déficit, quand les autres n'atteignent l'équilibre qu'au prix d'économies drastiques. La création annoncée de 1 000 postes ne compensera pas les gels intervenus depuis 2008 ; 500 sont annoncés pour 2014. Les universités devront utiliser l'argent de ces postes pour assurer le fonctionnement, chauffer les locaux. Les étudiants en pâtissent : des formations, des sites entiers ferment. Comment entendez-vous y remédier ? (Applaudissements sur les bancs CRC)
Mme Geneviève Fioraso, ministre. - La situation que j'ai trouvée en 2012 était certes difficile mais notre université est de qualité. N'allons pas laisser penser qu'elle ne l'est pas en réclamant des dotations. (Exclamations sur les bancs CRC) Nous créons 1 000 emplois, ce qui n'avait pas été fait depuis des années. (On le confirme sur les bancs socialistes)
La priorité doit être la lutte contre l'échec en premier cycle. Dès lors, limiter la multiplication des mastères pour concentrer les moyens sur le premier cycle n'est pas injustifié. L'université est au service de la formation des étudiants. Les difficultés budgétaires ne portent, je le rappelle, que sur 10 % du budget, puisque les 90 % de la masse salariale sont sanctuarisés. Et nous ne supprimons pas des emplois : au contraire, nous en créons, alors que ce n'était pas le cas depuis des années. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Les difficultés des universités sont nées de la LRU et du passage aux RCE. Le budget continue de baisser. On ne remédiera pas à cette situation sans rupture avec les politiques précédentes.
Alors que les Écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE) se mettent difficilement en place au sein des universités, il est temps que l'État assume ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs CRC)
Mme Corinne Bouchoux . - Les ESPE ont ouvert leurs portes à la rentrée. Elles doivent former les enseignants et les conseillers d'éducation, comme l'avait promis le président de la République pour revenir sur la suppression catastrophique des IUFM.
Mais les enseignements restent trop disciplinaires, alors que le Parlement aurait souhaité plus de pédagogie, de prévention des violences et des intervenants extérieurs.
Alors que les universités peinent à boucler leurs budgets, il faut garantir l'intégrité des programmes dans les ESPE, qui ne doivent pas servir de variable d'ajustement. La volonté du Parlement et du Sénat sera-t-elle respectée par les universités ? (Applaudissements sur les bancs écologistes)
Mme Geneviève Fioraso, ministre. - Les ESPE sont au coeur de notre projet pédagogique, de la maternelle au doctorat. Nous allons former 300 000 enseignants, le tiers du corps professoral. Tous les efforts ont été fait pour cette rentrée tant la situation était désastreuse. Nous progresserons encore.
Le travail en groupe et en équipe plutôt que la formation individuelle, nous sommes d'accord. La prévention des violences, la pédagogie différenciée seront prises en compte. Le recteur Filâtre a été missionné avec M. Édouard Leroy pour suivre la mise en place des ESPE.
Nous suivons plus particulièrement six ESPE qui connaissent des difficultés. Nos équipes sont mobilisées pour qu'elles progressent, au service de la réussite. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Corinne Bouchoux. - Merci de ces réponses sur un dossier qui tient à coeur à Mme Blandin. Les ministères de l'enseignement supérieur, de l'éducation et de la culture et les collectivités locales doivent travailler ensemble. Nous irons voir sur le terrain !
Mme Natacha Bouchart . - Quelle est la politique du Gouvernement pour le soutien aux formations scientifiques et techniques dans les universités de proximité ? L'université de la Côte d'Opale, dont les antennes sont à Boulogne, Calais, Dunkerque et Saint-Omer a lancé l'École du Littoral ; elle compte 250 étudiants à bac+2 qui obtiendront un diplôme d'ingénieur après deux ans de formation.
Les universités de proximité sont un atout quand leurs formations s'inscrivent dans leur bassin économique. Cette École du Littoral renforcera l'économie locale et offrira des débouchés aux étudiants.
Comment renforcer ces antennes ? Comment orienter vers elles la taxe d'apprentissage, trop souvent aspirée par les métropoles ? (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Geneviève Fioraso, ministre. - J'ai rencontré les universités et l'Ifremer à Boulogne. J'ai vu combien les coopérations étaient fortes, dans l'agroalimentaire, sur le Campus de la Mer, mais aussi dans la cosmétique. Le partenariat avec les entreprises doit se développer, ce qui fera fructifier la taxe d'apprentissage.
Le CFA Formasup est là pour apporter son aide, et le ministère continuera d'intervenir pour assurer la réussite étudiante et l'insertion professionnelle dans ce territoire. Un contrat de site donnera à ces établissements les moyens nécessaires à leur intégration dans leurs territoires. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Natacha Bouchart. - Il y aura donc un contrat de site : c'est une bonne nouvelle. J'insiste sur la question de la taxe d'apprentissage.
M. David Assouline . - Votre réforme prend à bras-le-corps la réussite étudiante : c'était nécessaire, au vu du taux d'échec indécent en premier cycle. Les conditions de vie matérielle et sociale de certains étudiants n'y sont pas pour rien ! Quand un étudiant sur trois renonce à des soins, quand beaucoup ont recours à un habitat précaire, quand ils sont de plus en plus obligés de travailler, comment mener de bonnes études ?
Le précédent gouvernement s'était désintéressé du problème. Vous, vous y avez fait face avec l'augmentation des bourses, la création de logements et l'amélioration de la santé étudiante. Pouvez-vous nous indiquer les nouveautés de la rentrée et ce qu'il en sera en 2014 ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Geneviève Fioraso, ministre. - Notre priorité, c'est la réussite des étudiants. Nous avons dégagé, en trois ans, 457 millions, en plus de l'augmentation du budget : 150 millions fin 2012 pour couvrir l'impasse du précédent gouvernement sur les bourses, 150 millions de revalorisation en 2013 et 157 millions en 2014. Nous avons voulu agir de façon qualitative et cibler les catégories les plus désavantagées : le bas de la classe moyenne, où les jeunes ne bénéficiaient que d'allocations mensuelles ; les 100 euros que nous leur donnons pendant dix mois leur éviteront de travailler plus de quinze heures ; les familles les plus précaires, avec une augmentation de 23 % des bourses destinées à leurs enfants ; enfin, les jeunes désocialisés, qui ont bénéficié d'une allocation entre 4 500 et 5 500 euros. Ils sont 7 000 aujourd'hui. Au total, 100 000 jeunes seront touchés par ces nouvelles bourses ; nous amplifierons ces aides tout au long du quinquennat jusqu'à arriver à une allocation d'autonomie.
La caution locative concerne à titre expérimental 2 000 jeunes cette année, 20 000 l'an prochain. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. David Assouline. - Merci pour votre réponse concrète. Le cynisme du précédent gouvernement sur les bourses avait choqué les jeunes ; vous nous rassurez en nous donnant des chiffres clairs. Le remboursement des frais de scolarité est à la charge des universités : il faudra veiller à ce que les universités qui accueillent le plus de boursiers ne soient pas pénalisées.
M. Maurice Antiste . - L'université Antilles-Guyane doit être attractive dans son environnement, elle ne rayonnera qu'en élargissant son périmètre d'influence. Il faut donc diversifier son offre de formation et encourager les filières innovantes ancrées sur les spécificités du territoire : agroalimentaire, halieutique, botanique médicale, créole.
Le coefficient correcteur devrait être étendu, pour accompagner les déplacements et mieux intégrer les unités de recherche dans leur environnement. Les acquis de l'ordonnance de 2008 seront-ils conservés ? Une large concertation avec les acteurs s'impose. Une mission d'information sur la situation des universités ultramarines serait aussi bienvenue. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Geneviève Fioraso, ministre. - L'université Antilles-Guyane, implantée sur trois sites, devrait développer son partenariat avec les universités des Caraïbes. Elle fait l'objet de toute notre attention, car, dans le cadre de la transition énergétique, nous voulons développer la recherche sur la mer, pour aller vers la « croissance bleue ». Nous avons dix-huit mois pour parvenir à des synergies. La concertation va s'engager dans les semaines qui viennent avec les acteurs de l'université et les collectivités territoriales pour répondre aux besoins des jeunes de l'outre-mer, dans l'optique d'un développement durable et partagé. Nous serons au rendez-vous. (Applaudissements à gauche)
M. Maurice Antiste. - L'université des Antilles-Guyane est éclatée en trois, vous l'avez reconnu : vous aurez donc trois fois plus d'attention pour elle.
M. le président. - Belle lecture optimiste du travail sénatorial !
La séance est suspendue à 15 h 50.
La séance reprend à 16 heures.
Dépôt d'un rapport
M. le président. - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la reconnaissance et l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, en application de l'article 100 de la loi du 29 décembre 2012 de finances pour 2013. Il a été transmis à la commission des finances ainsi qu'à la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois.
Réforme de la dotation globale de fonctionnement
M. le président. - L'ordre du jour appelle la proposition de loi tendant au traitement équilibré des territoires par une réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) déposée par M. Le Cam et plusieurs de ses collègues du groupe CRC.
Discussion générale
M. Gérard Le Cam, auteur de la proposition de loi . - Les paroles, c'est bien ; les actes, c'est mieux. J'entends louer les mérites de la commune rurale, on la caresse dans le sens du poil, on salue le dévouement de ses élus. Et pourtant, on ne fait rien. Pire, on s'apprête à leur faire les poches, puisque les concours de l'État aux collectivités territoriales vont diminuer de 4,5 milliards, et les communes en seront pour 70 %... Qu'il est difficile de faire bouger les choses ! La phrase de Laurent Fabius - la France ressemble à une voiture dont on ne pourrait que remplacer l'enjoliveur - reste d'actualité. Avec mon groupe, nous avons l'outrecuidance de vouloir faire bouger 890 millions d'euros sur cinq ans...
La commune rurale est bien difficile à définir. Pour l'Insee, le monde rural couvre 78 % du territoire et regroupe 22 % de la population. Pour la Datar, la campagne compte des communes de densité inférieure à 30 habitants par km². Mais la ruralité est aussi une richesse économique, un cadre de vie, une ressource pour le développement durable. Je vous renvoie à l'excellent rapport Nicoux-Bailly sur l'avenir des campagnes. Comment y maintenir l'activité pour éviter de les voir se transformer en désert, voire en réserve naturelle ? La valorisation des campagnes doit reposer sur leur potentiel économique et ce potentiel existe un peu partout. La repopulation des territoires ruraux l'indique. Rendons cet avenir fécond, comme nous y engage ce rapport, plutôt que d'appliquer une logique strictement comptable.
Or mondes urbain et rural ne sont pas logés à la même enseigne. Les charges de centralité qui pèsent sur le monde urbain ne justifient pas l'écart actuel entre les dotations moyennes par habitant. En huit ans, la population urbaine a augmenté de 4,6 %, mais de 9 % pour la population rurale. L'attractivité du monde rural n'est plus à démontrer ; encore faut-il qu'il ait les moyens de développer ses potentialités, aujourd'hui sous-exploitées.
Les charges de fonctionnement des communes rurales justifient un effort de rattrapage de la DGF. Comment feront les communes rurales pour financer la réforme des rythmes scolaires dont le coût est estimé à 150 euros par enfant ? Pour ma commune de 2 500 habitants, le coût total atteindrait 50 000 euros - à prendre sur son budget de fonctionnement. Autre dépense importante à venir : le très haut débit, avec un coût par connexion dans le monde rural de 2 000 euros, dont 450 à la charge des communes. Tout cela s'ajoute aux charges d'entretien des voiries où roulent toujours plus de camions et de grandes machines agricoles.
Dans le même temps, les services publics ferment, les communes doivent mettre la main à la poche pour maintenir un point de contact poste. Les commerces de proximité disparaissent, les médecins nous quittent. Ma commune a fait venir deux médecins roumains pour 15 000 euros : l'un est resté six mois, l'autre trois seulement. Notre population est vieillissante, ce qui induit encore des dépenses sociales élevées. Vous le voyez, entre charges nouvelles et ponction des ressources, l'équilibre n'y est plus.
La réforme que nous proposons coûtera 889,3 millions par an à partir de 2018, soit 0,1 % des prélèvements obligatoires ou 2 % du produit de l'impôt sur les sociétés. Ces comparaisons sont utiles pour relativiser les arguments de la commission des finances.
Notre réforme apporte en moyenne 9 617 euros aux communes de moins de 500 habitants, jusqu'à 56 916 euros aux communes dont la population est comprise entre 2 000 et 3 500 habitants. Les dotations supplémentaires financeront directement la voirie ou l'entretien du patrimoine, ce qui facilitera l'animation du tissu des PME locales.
On lit dans le rapport de la commission des finances que les petites communes font l'effort fiscal le plus faible. Faut-il comprendre que nous devons augmenter les impôts pour être mieux considérés ? Maire, je sais que nous n'avons pas eu d'autre choix que de faire le dos rond ces dernières années. Les plus petites communes sont celles qui ont le plus faible niveau de DGF par habitant.
Autre argument, l'hétérogénéité de la ruralité. Une chose est sûre ; les petits maires se sentent tous abandonnés - un sentiment déjà fortement exprimé lors des élections sénatoriales de 2008 dans mon département. Contre les communautaristes qui ne veulent entendre parler que de l'intercommunalité, contre ceux qui veulent la mort des communes, je me proclame communaliste ! Le Sénat doit adresser un signe fort, alors que l'association des maires ruraux se réunira dans deux jours. Des paroles, c'est bien ; des actes, c'est mieux. Vivent les communes ! Vive la ruralité ! (Applaudissements sur les bancs CRC ; M. Yvon Collin applaudit aussi)
M. Jean Germain, rapporteur de la commission des finances . - Le texte vise à augmenter la dotation de base de toutes les communes rurales dont la population est inférieure à 20 000 habitants. Certaines d'entre elles connaissent de graves difficultés financières ; elles supportent ce que j'appellerai des charges de ruralité. Elles doivent assurer l'entretien de la voirie communale, des dépenses d'éducation qui représentent une part importante de leur budget, part que la réforme des rythmes scolaires va encore alourdir.
Les maires ruraux s'inquiètent de ne plus pouvoir mener des actions de proximité pour lesquelles ils ont été élus. Entendons-les.
La dotation de base est une composante de la dotation forfaitaire au sein de la DGF des communes ; elle représente 6,8 milliards en 2013, soit un quart de la DGF des communes. Son montant par habitant est d'autant plus important que la commune est peuplée - 64 euros pour les communes de moins de 500 habitants, 128 pour les communes de plus de 200 000 habitants. Ce montant est déterminé par un coefficient logarithmique dont la valeur varie de 1 à 2. Si l'on raisonne en masse, la moitié de la population habitant dans les communes les moins peuplées se partage 43 % de la dotation de base.
L'article premier de ce texte propose d'aligner en cinq ans la dotation de base des communes de moins de 20 000 habitants sur celle perçue par les communes de 20 000 habitants. Le montant minimum par habitant passerait ainsi de 64 à 104 euros. Cela représenterait un coût de 150 millions la première année, puis 889,3 millions à partir de 2018. Cela correspondrait ni plus ni moins à un doublement de la dotation de solidarité rurale (DSR), ou à la quote-part de l'effort demandé aux communes et intercommunalités dans le projet de loi de finances pour 2014. La réforme bénéficierait essentiellement aux communes de moins de 3 500 habitants. La mesure serait gagée par un relèvement à due concurrence de l'impôt sur les sociétés, ce qui n'est guère compatible avec notre politique de prélèvements obligatoires. Un financement par l'État ou les collectivités territoriales elles-mêmes est à exclure en ces temps de redressement de nos comptes publics. Ne remettons pas en cause le pacte de confiance et de responsabilité passé en juillet 2013.
Au-delà de la question du financement, la DSR et la dotation de superficie sont particulièrement favorables au monde rural et prennent en compte ses spécificités. Le montant de la DSR a augmenté de 130 % ces dix dernières années. Certes, son impact est faible à cause du saupoudrage : 95 % des communes en bénéficient - 97 % de celles ayant moins de 10 000 habitants ; la moitié des communes éligibles perçoivent 9 600 euros ou moins. Les 225 millions de dotation superficiaire sont répartis à 99 % entre les communes de moins de 20 000 habitants. Reconnaissons qu'il existe à côté des charges de ruralité, des charges de centralité - un coefficient de pondération a été introduit en 1985. Mais la proposition de loi ne résout pas la question des écarts en la matière.
J'ajoute que l'effort fiscal comme le potentiel financier sont très variables d'une commune rurale à l'autre. Si l'on veut parler de justice financière, reconnaissons surtout la grande diversité du monde rural, qui se partage entre communes touristiques, communes proches de grands pôles urbains et communes isolées. Une augmentation de la dotation de base comme le propose M. Le Cam bénéficierait à toutes les communes, qu'elles soient pauvres ou riches, que leurs habitants soient aisés ou en situation précaire. La proposition de loi ne serait ni juste, ni efficace.
Mieux vaut un effort ciblé pour répondre aux besoins des seules communes en difficulté et inscrire notre réflexion dans le cadre d'une réforme globale de la DGF. D'où notre motion tendant au renvoi en commission. Madame la ministre, quels seront l'ambition la méthode et le calendrier de la réforme globale que vous avez annoncée ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation . - Ce débat est aussi bien financier que technique et philosophique. La DGF a été conçue quand le fait urbain triomphait. Et voilà que l'on voit émerger le fait rural. Il n'y a qu'à observer la multiplication des publications sur les nouvelles ruralités pour le savoir. Notre territoire doit être considéré dans sa globalité, dans sa diversité, dans ses dynamiques. L'exode rural appartient à notre passé ; retraités, jeunes aventuriers et actifs porteurs d'innovation viennent chercher à la campagne des modes de vie plus doux et plus sereins, tout en voulant le très haut débit et des services - coûteux - à la hauteur. Il serait inopportun de laisser ce monde à l'écart de la modernisation.
Je comprends donc les intentions des auteurs de la proposition de loi. Celle-ci pose cependant des problèmes qui sont d'abord techniques. La DGF se compose d'une dotation forfaitaire, laquelle comprend la dotation de base, la dotation de superficie, la garantie complémentaire, la correction née de la réforme de la taxe professionnelle et des parts spécifiques destinées aux communes ultramarines. Cette proposition de loi ne porte que sur la dotation de base, de sorte que toutes les communes de moins de 20 000 habitants verront celle-ci majorée.
Juridiquement, elle est inopérante car elle vise un article du CGCT relatif aux strates de population qui ne sont pas prises en compte pour la dotation de base mais pour les dotations de péréquation. Mais là n'est pas l'essentiel : elle méconnaît les charges de centralité qui pèsent sur les communes-centres et ignore la prise en compte des spécificités rurales dans la dotation de superficie et la DSR.
Pour nous, la mesure coûtera au total 1,7 milliard. En l'état actuel du droit, cela nous obligera à diminuer à due concurrence les autres composantes de la DGF. État et collectivités territoriales se sont engagés, par le Pacte de confiance et de responsabilité, à réduire à toute force la dépense publique.
Vous l'aurez compris : si je partage votre souci d'un traitement plus équitable des territoires, j'estime que cette proposition de loi est prématurée. J'en prends l'engagement : dès la fin des travaux sur la loi de finances pour 2014, mes services travailleront ce dossier afin de pouvoir très rapidement, avec le Comité des finances locales, les associations d'élus et les parlementaires, aboutir à une réforme globale de la DGF.
Fernand Braudel disait que « le présent ne saurait être cette ligne d'arrêt que tous les siècles, lourds d'éternelles tragédies, voient devant eux comme un obstacle mais que l'espérance des hommes ne cesse, depuis qu'il y a des hommes, de franchir ». Ensemble franchissons cette barrière pour réussir nos lendemains ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Charles Guené . - Je salue l'initiative du groupe CRC : ce texte répond à une préoccupation légitime. La DGF doit en effet être rénovée. Sur un total de recettes, hors emprunt de 90 milliards, la DGF des communes atteint 16,5 milliards, et représente 35 % des concours de fonctionnement versés par l'État. Les chiffres sont à relativiser car ils ne distinguent pas les petites communes des autres. Dès 1951, on introduisait une part de péréquation pour les communes, renforcée en 1966. Après la loi du 3 juillet 1979 créant la DGF, on n'a eu de cesse de renforcer la péréquation jusqu'à la réforme globale de 2004. L'histoire de la DGF n'est pas un long fleuve tranquille : la sédimentation des mesures de correction a abouti à un système difficilement lisible et des situations iniques. Je conçois que l'indice logarithmique, qui majore le poids de la population au profit des collectivités qui ont les plus grandes charges de centralité, ne soit pas satisfaisant. La faille du système est qu'il ne tient pas suffisamment compte des besoins minimaux nécessaires à la vie dans les plus petites communes, où ces besoins se sont beaucoup accrus avec les exigences croissantes et souvent légitimes de nos concitoyens et le désengagement du service public.
En dépit de cela, je ne peux pas suivre nos collègues du CRC.
Premier argument, son coût rédhibitoire. Augmenter l'impôt sur les sociétés serait un poison pour notre économie. Ensuite, le contexte ne se prête guère à une modification après la lourde réforme de la taxe professionnelle et la nouvelle répartition des impôts locaux, l'application rigoureuse de l'article 72-2, le renforcement de la péréquation, notamment à travers la poussée de l'intercommunalité. Mesurons tous les effets de ces réformes, réfléchissons à de nouveaux indices synthétiques avant de réformer la DGF. Après avoir beaucoup hésité, le groupe UMP s'abstiendra mais, si le renvoi en commission était adopté, je veux dire à mes collègues du CRC que je serai à leurs côtés pour avancer sur ce dossier. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Vincent Delahaye . - Si l'initiative de mes collègues communistes est généreuse et louable, l'enfer est pavé de bonnes intentions... (Marques d'ironie sur les bancs CRC)
Cette proposition de loi est-elle juste ? Je ne le crois pas : vous augmentez de manière aveugle la dotation de base de toutes les communes de moins de 20 000 habitants, riches ou pauvres, sans tenir compte des charges de centralité.
Cette proposition de loi est-elle responsable ? Non plus, quand on n'a jamais demandé autant d'efforts aux collectivités territoriales : 1,5 milliard de réduction de leurs concours. L'État ne s'impose pas une telle cure.
M. Roland du Luart, vice-président de la commission des finances. - C'est vrai !
M. Vincent Delahaye. - Des ressources en baisse mais des dépenses qui ne cessent de croître du fait des transferts de charges, de la réforme des rythmes scolaires, de la hausse des frais de personnel et des cotisations retraite, de l'augmentation à venir de la TVA...
Pour compenser, nos collègues prévoient de demander un effort supplémentaire aux entreprises... Je comprends que le Gouvernement ait du mal à s'exprimer sur le sujet, alors qu'il vient de renoncer à taxer l'excédent brut d'exploitation au profit d'une augmentation de l'impôt sur les sociétés de plus de 250 millions de chiffre d'affaires...
La mesure serait financée par un effort supplémentaire demandé aux entreprises. Ce n'est ni juste ni responsable.
Le groupe UDI-UC votera le renvoi en commission. La ministre s'est engagée à une réflexion globale sur les dotations, c'est une bonne chose, au vu du saupoudrage actuel. Et puis, ne confondons pas solidarité et assistanat. Il faut revoir la DGF dans son ensemble, y compris celle des intercommunalités, où l'écart va de 1 à 11 - 10 à 110 euros par habitant. Si l'incitation était au départ justifiée, il faut aller vers la mutualisation et en finir avec la course au coefficient d'intégration fiscal, qui n'est plus d'époque.
On pourrait partir du potentiel financier de la collectivité territoriale, corrigé des effets de la péréquation, et prendre pour deuxième critère le revenu moyen rapporté au loyer moyen, pour tenir compte du coût de la vie. Les critères seraient ainsi plus justes pour les intercommunalités. Le même travail doit être fait pour les communes, les départements et les régions. Ce sujet mérite que l'on se mobilise, mais nous ne pouvons pas adopter cette proposition de loi en l'état. (Applaudissements au centre et sur quelques bancs socialistes)
Mme Marie-France Beaufils . - Nombre d'élus des petites communes sont de véritables bénévoles au service du lien social. Ils oeuvrent pour qu'aucun habitant ne se sente oublié. Notre paysage communal est varié, et les élus sont à son image. C'est ce qui fait la richesse de la France.
La grande majorité de nos 36 000 communes comptent moins de 2 000 habitants. Ces dernières années ont été marquées par des évolutions démographiques majeures et les efforts accomplis en matière d'aménagement, dans les domaines social et scolaire n'y sont pas étrangers.
Or, chaque année, l'enveloppe normée se rétrécit, au nom de la maîtrise des déficits ou de la péréquation horizontale. Depuis vingt ans, la part de la DGF dans les recettes des collectivités territoriales ne cesse de se réduire.
De plus, ce sont les collectivités territoriales qui assurent la péréquation horizontale : l'augmentation de la DSR et de la DSU se répercute sur les autres dotations. Le pacte de confiance que vous invoquez ampute la dépense publique et les marges de manoeuvre des collectivités territoriales.
Nombre de communes rurales manquent du minimum vital pour répondre aux attentes de la population et doivent s'en tenir aux dépenses obligatoires. Nombre de maires sont découragés. Les charges de centralité doivent être prises sur d'autres dotations.
Nous voulons précisément assurer le minimum vital aux communes les moins dotées ; 9 000 euros, c'est un budget qui se boucle, un projet qui peut être engagé. On nous reproche de gager la dépense sur l'impôt sur les sociétés. Mais la hausse proposée ne nous mettrait qu'au douzième rang européen, avec un taux inférieur à celui de la Grande-Bretagne. Et le taux facial ne compte pas seul. Entre 2006 et 2013, la dépense fiscale engendrée par les cadeaux aux entreprises a triplé, passant de 16 à 51 milliards. Pour combien d'emplois créés ? Nous payons cher la prétendue exigence de compétitivité de notre économie. Cette hausse modeste du taux facial ouvrira le débat sur l'effort à demander aux entreprises.
C'est une mesure de justice et d'équité que nous proposons. Les élus, bâtisseurs de l'avenir, nous en seront reconnaissants. Elle peut être un levier pour l'investissement et contribuer ainsi, en retour, à alimenter le budget de l'État et de la protection sociale.
Nous avons toujours veillé à rejeter les motions sur les textes inscrits dans les ordres du jour réservés. Nous vous invitons à en faire de même aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Yvon Collin . - Comment ne pas souscrire à l'objectif de ce texte ? Il s'agit d'assurer l'équilibre entre les territoires et de corriger les inégalités. Le RDSE ne peut que souscrire à cette cause, lui qui a fait adopter, le 13 décembre, une résolution relative au développement par l'État d'une politique d'égalité des territoires.
Les territoires ruraux sont les premières victimes de la fracture territoriale et la réforme de la taxe professionnelle a accru les inégalités, tandis que les collectivités territoriales devenaient de plus en plus dépendantes des dotations de l'État. La DGF prend mal en compte les inégalités. Certes, comme notre excellent collègue Jean Germain le souligne, le rural recouvre une grande diversité. Il y a la ruralité mais aussi l'hyper ruralité, chère à notre collègue de Lozère, Alain Bertrand. Les représentants des communes rurales, dont je suis, doivent faire face à des charges importantes : voirie, des dépenses scolaires mises à mal par la réforme des rythmes et j'en passe. La DSR ne produit pas tous les effets recherchés, à cause du saupoudrage. Quant à la péréquation horizontale, elle reste insuffisante pour asseoir l'équilibre entre les territoires.
Si donc nous partageons le souci de nos collègues du CRC, nous estimons que la solution qu'ils proposent ne répond pas à l'objectif. Il y faut une réforme globale de la DGF, pour viser simplicité et efficacité. Quelles sont les intentions du Gouvernement, selon quel calendrier, madame la ministre ? Nous sommes prêts à collaborer à cette réforme, nous serons vigilants.
Le CRC propose de financer les dispositions proposées par une augmentation substantielle de l'impôt sur les sociétés.
M. Gérard Le Cam. - Minime !
M. Yvon Collin. - Le moment est mal choisi pour alourdir la pression fiscale. Nous partageons donc le diagnostic, mais pas le remède. Notre groupe ne votera pas cette proposition de loi ; en revanche, il rejettera la motion de renvoi en commission, fidèle au principe qui veut que l'on ne présente pas de telles motions dans l'ordre du jour réservé. (« Très bien ! » sur les bancs CRC)
M. Jean-Vincent Placé . - Nos concitoyens de la campagne se sentent les grands oubliés de la République et pourraient être tentés de se tourner vers le populisme. Je remercie donc le groupe CRC de son initiative. Les communes rurales se désertifient et se paupérisent - fuite de la population active, des services publics, des commerces de proximité. Dans l'Essonne - développement urbain au nord, mais rural au sud - bien des villes manquent de médecins. Tous les ans, j'interviens auprès des maires grâce à la réserve parlementaire, mais on ne peut continuer dans cette fuite en avant. La DGF est devenue illisible, opaque, inefficace. La réforme proposée par le CRC nous exhorte à débattre. L'écart de la dotation entre communes peut aller du simple au double. Ils proposent de le réduire, et de financer la mesure par l'impôt sur les sociétés. Certes, la DGF doit être réformée, mais il y faut une approche globale. Nous, écologistes, privilégions une réflexion sur le regroupement de communes, pour trouver des solutions dans le cadre d'un bassin de vie cohérent. À quoi servirait d'avoir une piscine dans chaque petite commune ?
Bien des compétences sont par essence communautaires. On le verra avec la loi Alur. De telles coopérations permettent des économies d'échelle qui amélioreront l'offre de service public. L'Internet favorisera l'installation d'entrepreneurs en zone rurale. Ne laissons pas les petites villes devenir les parents pauvres de la France.
Fidèles à notre triptyque intercommunalité, région, Europe, nous sommes plutôt favorables à l'achèvement de la carte de l'intercommunalité et nous en tiendrons à une abstention bienveillante, tout en repoussant, pour les mêmes raisons qu'a dites M. Collin, la motion de renvoi en commission. Veut-on ou non revaloriser le rôle du Parlement ? Commençons par respecter le travail et l'expertise des groupes.
M. Yannick Botrel . - Cette proposition de loi suscite l'intérêt du Sénat, assemblée des collectivités territoriales dont bien des membres siègent au sein des conseils municipaux. La question de la DGF recouvre un double enjeu : accompagnement des collectivités mais aussi redressement des finances publiques de la France. L'économie demandée aux collectivités territoriales est de 1,5 milliard. Car l'endettement augmentera encore si rien n'est fait : nous ne le pouvons pas quand il représente déjà 95 % du PIB.
Les collectivités territoriales sont des acteurs essentiels de l'aménagement et de la solidarité et des donneurs d'ordre importants. Rien de ce qui les touche n'est anodin. La France tire son originalité administrative du grand nombre de ses communes. Elles sont d'une grande variété, non seulement démographique mais aussi en termes de densité. Toutes n'ont pas les mêmes charges de fonctionnement, ni les mêmes moyens. Il faut tenir compte de cette hétérogénéité. Dans les Côtes-d'Armor, j'ai été chargé d'élaborer la politique de solidarité. Avec les autres conseils généraux, nous avons introduit une variation de taux de 1 à 7, preuve que les situations étaient contrastées. En Côtes-d'Armor, nous avons dressé un bilan dont les résultats sont éloquents. La présence sur un territoire d'une ferme éolienne ou d'une installation industrielle peut être une manne substantielle. Les charges de voirie sont très variables. Certaines politiques sont assumées par les intercommunalités, déchargeant les finances de certaines communes.
La réforme des dotations et des modes de financement doit faire l'objet d'une réflexion globale. Augmenter l'impôt sur les sociétés alors que la question de la compétitivité est posée ? Les entreprises ne peuvent pas être mangées à toutes les sauces. Et souvenez-vous des réactions à l'instauration de la taxe carbone sur les transports en Bretagne : attention à l'effet cumulatif de nos décisions !
Attaché à l'autonomie financière des communes, le groupe socialiste estime que la question de la DGF doit être débattue. Mme la ministre s'y est engagée. Parce que cette proposition de loi pose une question importante, nous ne voterons pas la motion de renvoi : nous nous abstiendrons. (Applaudissements à gauche)
M. François Grosdidier . - Cette proposition de loi a le mérite d'ouvrir le débat, mais augmenter l'impôt sur les sociétés, selon l'inclination naturelle du groupe CRC (exclamations sur les bancs CRC) est malvenu, alors que notre économie souffre et que le Gouvernement vient déjà de décider une augmentation de l'impôt sur les sociétés pour remplacer la taxe sur l'excédent brut d'exploitation.
Ensuite, l'approche de ce texte est discutable. Rééquilibrage ? Est-ce à dire qu'il serait des communes surdotées, alors que l'État va amputer les dotations d'1,5 milliard l'an sur trois ans, soit une diminution de 3,1 % jusqu'en 2017, moins 3,3 % pour la DGF. Les communes seront particulièrement frappées. À l'issue du Comité des finances locales de septembre, les maires ont compris qu'ils seront les plus pénalisés. Sans doute est-ce parce que toutes les régions sont à gauche, et que les départements ont déjà été mis à sec, depuis l'APA - et c'était déjà vous - jusqu'aux rythmes scolaires. Nos 36 000 communes subiront toutes une baisse plus forte que les autres collectivités territoriales. L'État ne cesse de rogner les recettes communales Voyez ce qui s'est passé avec le FCTVA ; il a été gelé. C'est inadmissible. L'AMF a vivement protesté.
La crise augmente la demande sociale, et l'évolution de la société veut que chaque citoyen demande toujours plus, on veut le confort de la ville en payant les impôts du village. La ministre en charge du dossier parle de déléguer à la commune la responsabilité d'un service public de la petite enfance. Mais sait-on ce que coûte une place en crèche ? Et le département pourra imposer la création d'une crèche à une commune sans la financer lui-même. Quant à la réforme des rythmes scolaires, elle ne sera compensée que pour 50 euros par enfant, la première année et peut-être la suivante, à hauteur de 250 millions d'euros. Le compte n'y est pas quand le coût sera de 600 millions. On a fait miroiter toutes sortes de merveilles périscolaires aux parents, dont les attentes sont fortes.
Je regrette que notre assemblée ait rejeté l'article premier de la proposition de loi Doligé, pour l'adaptation des normes au contexte local. Il est temps de mettre le holà. L'État doit cesser de baisser les dotations et d'amputer les ressources des collectivités territoriales. Il faut, pour être équitable, agir avec discernement. Dans la majorité, nous avions doublé la DSR, sachant que les charges de voirie et de scolarisation sont lourdes. Mieux vaudrait continuer dans ce sens qu'alourdir l'impôt sur les sociétés pour abonder la DGF. Nous nous abstiendrons sur la motion.
M. Georges Patient . - Cette proposition de loi vise à atténuer les disparités de traitement entre les collectivités territoriales, en réduisant progressivement les écarts de dotation entre communes rurales et urbaines. Certes, il est des communes rurales aisées et des communes urbaines paupérisées, et l'intention est louable. Cependant, comment financer l'augmentation de la dépense ? Nos collègues proposent de sortir de l'enveloppe normée, en augmentant l'impôt sur les sociétés, dans un contexte difficile. C'est un peu la quadrature du cercle. S'attaquer aux inégalités de traitement par une mesure de justice ? Je ne peux que souscrire à l'objectif. Car les 22 communes de Guyane sont victimes de discrimination, je ne cesse de le dire depuis mon arrivée au Sénat en 2008. Outre l'écart entre communes rurales et urbaines, 44 millions de DGF sont chaque année perdus en raison de mesures spécifiques : 27 millions prélevés sur l'octroi de mer des communes depuis 1974 ; 17 millions perdus au titre du plafonnement de la dotation superficiaire, qui ne frappe que la Guyane quand les communes de montagne métropolitaines la voient majorée. À toutes mes demandes pour réparer cette injustice on m'oppose « l'enveloppe normée ». Ces 44 millions, c'est 0,008 % de l'ensemble des concours de l'État ! Cette façon de botter en touche n'est pas une réponse, vu la modicité des sommes. Il faudra porter remède à tout cela si l'on veut éviter la catastrophe. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Roland du Luart, président de la commission des finances par intérim . - J'étais tenté de faire une métaphore cynégétique que M. Le Cam, chasseur, aurait bien comprise. Mais l'essentiel est de dire ici qu'une chose me gêne dans ce texte, c'est son coût, 889 millions, financés en taxant les entreprises, qui ont besoin de lisibilité pour investir et réduire le chômage. Cependant, il est vrai que des charges toujours plus lourdes plombent les budgets des collectivités territoriales. Mais on ne peut pas dire, en l'état de nos finances, « Ya qu'à, faut qu'on » ! N'oublions pas que les situations des communes sont très diverses. Je vous invite à soutenir le renvoi en commission, car il faut une réforme globale de la DGF et c'est au Sénat, grand conseil des communes de France, de faire de vraies propositions.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée . - C'est en réfléchissant ensemble que nous avancerons, car nous tombons tous d'accord sur la nécessité de réformer la DGF. Réforme d'autant plus nécessaire que le contexte a changé, avec le développement de l'intercommunalité. La loi votée la semaine dernière est bien de modernisation de l'action publique et d'affirmation non seulement des métropoles mais aussi des pôles de développement et d'équilibre ruraux. Loin d'être centrée sur les seules métropoles, elle concerne aussi les communes rurales.
Les charges de la révision des rythmes scolaires ? Je sais qu'elles sont lourdes, mais l'aide de 50 euros sera reconduite l'an prochain. Le Gouvernement en a pris l'engagement. Vous avez voté un texte visant à réduire les normes, flux et stocks. Nous nous emploierons, quand il sera définitivement adopté, à le mettre en oeuvre au plus vite. Charles Guené, enfin, l'a rappelé, nous avons engagé le chantier de la révision des bases locatives d'habitation. Le Gouvernement est donc au travail.
La discussion générale est close.
Renvoi en commission
M. le président. - Motion n°1, présentée par M. Germain, au nom de la commission.
En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des finances la proposition de loi tendant au traitement équilibré des territoires par une réforme de la dotation globale de fonctionnement (n° 814, 2012-2013).
M. Jean Germain, rapporteur . - Pourquoi la commission des finances propose-t-elle le renvoi en commission ? Avant de répondre à cette question, je veux faire un aparté sur la forme. Pour certains, une motion sur une initiative parlementaire serait ignominieuse. Ce n'est pas notre vision : nous avons pris cette décision à une large majorité pour poursuivre la discussion. Cela vaut mieux que de dégommer un texte, article par article, et de lui interdire du même coup la navette... Nous travaillons sur la révision des valeurs locatives, nous travaillerons sur la DGF.
Sur le fond, l'article premier est techniquement mal rédigé. Il aurait des conséquences dramatiques, je ne reprends pas les raisons que j'ai développées en discussion générale. Au nom de la commission des finances, je maintiens donc la motion.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. - J'ai dit que le Gouvernement rejetterait la proposition de loi ainsi rédigée. Il est vrai que le renvoi en commission permettra à celle-ci de travailler, je suis donc tentée de vous inviter à suivre son avis.
La motion n°1 n'est pas adoptée.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
Mme Mireille Schurch . - Cet article répare une injustice. Bien sûr, il s'en trouvera pour dire que le financement proposé pèsera sur notre compétitivité. Ils oublient que c'est le coût du capital, non celui du travail, qui handicape notre croissance.
Le prélèvement que nous proposons est très limité - un point - et interviendra après des années de cadeaux faits aux entreprises, que la Cour des comptes a elle-même dénoncés.
Certes, on annonce une loi de programmation pour l'égalité des territoires. Nous vous incitons cependant à passer de la résolution à l'action. N'attendons pas : les communes souffrent, l'AMF nous le dit. Avec cette réforme de la DGF, les communes pourraient faire face aux conséquences de la réforme des rythmes scolaires.
Coeur battant de la République, lieu de résistance et de solidarité, la commune doit être défendue. Pas moins de 60 % de l'emploi industriel se concentre dans les communes de moins de 20 000 habitants, ce serait une erreur de concentrer notre attention sur quelques grandes métropoles.
Passons des paroles aux actes et adoptons l'article premier. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Jean Germain, rapporteur. - Tel que rédigé, cet article accorderait 50 millions à 50 % des communes les plus dotées et 40 millions à des communes dont le revenu moyen par habitant est supérieur de 50 % à la moyenne nationale.
Sans compter qu'il fait référence à un mauvais article du code général des collectivités territoriales, il renvoie à des catégories de communes qui ne sont pas visées par la DGF. Avis défavorable.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. - Je l'ai dit en discussion générale : cet article, mal rédigé, est inopérant. Il modifierait de surcroît la DSR et la dotation nationale de péréquation. L'avis est défavorable.
M. Vincent Delahaye . - J'aurais préféré que la motion de renvoi en commission soit adoptée. J'avais déposé une demande de scrutin public, que j'ai finalement retirée par respect pour les usages de notre assemblée. Tout disposé à poursuivre la discussion sur la DGF, le groupe UDI-UC votera contre cet article premier.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances . - Le président de la République s'est engagé à plus de justice entre les collectivités territoriales, des engagements qui se traduisent dans la prochaine loi de finances : avec la hausse du FPIC pour la péréquation verticale, l'augmentation de la péréquation horizontale, avec l'augmentation de la DSR et de la DSU.
Nous attendions la révision des valeurs locatives depuis trente ans. Là encore, le Gouvernement apporte une réponse, de même qu'il répond à la demande des départements et des régions en leur donnant plus de moyens. Les départements pourront, par exemple, augmenter les droits de mutation. Cette discussion sur la DGF est intéressante. J'ai moi-même appelé à une refondation de cette dotation. Les discussions s'ouvriront avec le Comité des finances locales dès janvier, je m'en réjouis.
La solution proposée aujourd'hui paraît dès lors prématurée d'autant qu'elle comporte des imperfections. Mieux vaut rejeter cet article premier.
Mme Marie-France Beaufils . - Nous étions ouverts à la discussion, on aurait pu amender le texte au cours de l'examen des articles. Il y a un an et demi, nous proposions, pour financer la péréquation, de taxer les actifs financiers et non d'augmenter l'impôt sur les sociétés. Cette proposition n'a jamais été reprise. Nous ne pouvons pas continuer de mettre la réforme de la DGF sous le boisseau ! (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Charles Guené . - Le groupe UMP s'abstiendra, sauf sur l'article 3 que nous refusons. La réforme de la DGF est certes nécessaire ; elle prendra du temps. Plus d'équité pour nos territoires passe, à notre sens, par une péréquation globale - et cela commence à être accepté - et une territorialisation de l'exercice qui s'impose. Avec le précédent gouvernement, nous avions mené une réforme de la péréquation horizontale. Elle aura des effets bien plus importants qu'une modification de la DGF.
M. Yannick Botrel . - J'ai entendu les arguments du rapporteur général sur ce très technique article premier. La DGF a vieilli et il faudra aller plus loin dans la réflexion. Celle-ci devra porter sur les ressources des communes et aussi sur celles des départements, qui sont actuellement bien malmenés, et des régions.
Le groupe socialiste s'abstiendra sur cet article premier qui comporte un grand nombre d'incertitudes.
À la demande du groupe CRC, l'article premier est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 55 |
Pour l'adoption | 22 |
Contre | 33 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'article 2 n'est pas adopté.
À la demande du groupe UDI-UC, l'article 3 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l'adoption | 22 |
Contre | 312 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - Les trois articles de la proposition de loi ayant été rejetés, il n'y a pas lieu de voter sur l'ensemble.
Délégation aux collectivités territoriales (Démission et candidature)
M. le président. - J'ai reçu avis de la démission de M. Pierre Hérisson comme membre de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Le groupe UMP a fait connaître le nom du candidat qu'il propose pour remplacer M. Pierre Hérisson. Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du Règlement.
Économie sociale et solidaire (Renvoi pour avis)
M. le président. - Le projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire dont la commission des affaires économiques est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à leur demande, à la commission des affaires sociales, à la commission du développement durable, à la commission des finances et à la commission des lois.
Système ferroviaire national
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution tendant à la maîtrise publique du système ferroviaire national, présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution, par Mme Mireille Schurch et les membres du groupe CRC.
Mme Mireille Schurch, auteur de la proposition de résolution . - Cette proposition de résolution sera l'occasion de donner un signal fort à nos cheminots et à nos collectivités territoriales. Notre modèle ferroviaire intégré, fruit de notre histoire, répondra aux enjeux de demain. Nous le répétons depuis longtemps et les économistes libéraux du siècle dernier le reconnaissaient eux-mêmes, le ferroviaire n'étant pas un service marchand comme un autre, il est justifié que ce soit un monopole national. Il assure un lien politique entre l'État et la nation. Notre réseau ferroviaire, construit autour du service public et de la SNCF, cimente le lien social ; il ne doit pas se dissoudre dans le marché. Voilà ce que nous réaffirmons.
Ajoutons que le fret ferroviaire, grâce auquel nous atteindrons les objectifs du Grenelle, doit être reconnu, avec le wagon isolé, d'intérêt général. En somme, la logique est la même que pour les trains d'équilibre du territoire. Certes, le ministre a dessiné les contours de la réunification de la famille ferroviaire le 29 mai dernier. Pour autant, le prochain paquet ferroviaire, en cours de préparation, brouille ce message. De même que l'annonce d'une réduction des parts de l'État dans le capital de la SNCF.
Dissipez les inquiétudes en inscrivant rapidement à notre ordre du jour le texte ferroviaire. Monsieur le ministre, vous annoncez revenir sur la loi du 13 février 1997 qui a créé RFF. Nous nous en félicitons. Encore faut-il régler le problème de la dette de RFF : 30 milliards, et même 51 milliards à l'horizon 2025. Comme la Cour des comptes l'a demandé, l'État doit reprendre la dette du système ferroviaire. Pour financer notre système ferroviaire, on pourrait mobiliser l'épargne populaire sur le modèle du livret A ou encore taxer les sociétés autoroutières avant de les nationaliser. La régionalisation des trains a eu des effets positifs, avec 40 % d'amélioration du service rendu. Pour autant, elle signifie, pour nous, désengagement de l'État. L'exemple des trains d'équilibre du territoire, où l'État a pris sa part, doit servir de modèle ; continuons de les considérer d'intérêt général.
Enfin, nous souhaitons un moratoire sur les trois paquets ferroviaires, un bilan sur l'impact pour le personnel, la qualité du service rendu et un bilan carbone afin d'infléchir la politique européenne. En obligeant les États à libéraliser le transport public de voyageurs en 2019, le quatrième paquet ferroviaire met à mal notre modèle. À la différence de M. Ries, qui a rendu son rapport en juillet dernier, nous ne pensons pas que la mise en concurrence soit inéluctable, cette concurrence qui a conduit à concentrer les investissements sur les seuls axes jugés rentables et à accentuer les pressions sur les cheminots.
Menons une politique ferroviaire ambitieuse pour répondre à l'enjeu de la mobilité durable. Cette proposition de résolution renforcera la voix de la France dans le débat européen. Nous ne comprendrions pas qu'elle ne soit pas votée. (Applaudissements sur les bancs CRC)
Mme Marie-France Beaufils . - Cette proposition de résolution porte sur une question essentielle : la maîtrise publique du ferroviaire. Le message gouvernemental doit être clarifié. Le quatrième paquet ferroviaire fait peser des craintes sur l'avenir, alors même que vous annoncez une gestion nationale intégrée. Voyez l'exemple du fret : l'outil est affaibli, son potentiel économique également et la part belle est faite au tout routier. Les infrastructures ont été abandonnées, les gares de triage supprimées ; le wagon isolé, promu en Allemagne, a été déclaré obsolète. Je l'ai constaté à Saint-Pierre-des-Corps.
Des services, comme Logistra et Corail, créés par la SNCF entrent en concurrence avec l'opérateur historique. Bien des entreprises se sont tournées vers ces filiales ou le transport routier, tant les augmentations de tarif ont été importantes. Or les coûts du transport routier ne sont pas pris en compte. Souhaitons que la taxe poids lourds apporte une réponse, sinon suffisante, du moins pertinente.
Il est temps de mettre le holà à la libéralisation.
D'autres pays n'ont pas fait le choix de la séparation de l'opérateur et du gestionnaire de réseau et s'en portent bien. Or le quatrième paquet ferroviaire y revient. Votre projet est-il en rupture avec les politiques passées ? Nous craignons que la formule d'un Epic-mère flanqué d'Epic-filles ne soit pas la solution. Les salariés veulent plus de clarté.
Le troisième texte sur la décentralisation prévoit le transfert de la gestion des infrastructures à des autorités non gestionnaires et l'article 2 prévoit même un transfert de propriété du domaine public d'intérêt régional. Beau cadeau pour les régions ! Le fret est un enjeu essentiel. Des efforts sont faits, des travaux vont être réalisés ! Vous dites vouloir porter l'exigence vis-à-vis du fret SNCF pour assurer un service de qualité : cette question est au coeur du débat. Celle de l'aménagement du territoire est primordiale, mais vous estimez qu'en deçà de 500 km, le jeu n'en vaut pas la chandelle. Les sites reconnus comme noeud ferroviaire, ainsi Saint-Pierre-des-Corps, ne sauraient être tenus à l'écart du projet d'autoroute ferroviaire Dourges-Tarnos que vous programmez.
Il est essentiel de reprendre la maîtrise publique du secteur et de réactiver l'offre multilots multiclients, essentielle à la redynamisation du territoire. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Michel Teston . - Avec la création de la SNCF en 1938, société anonyme détenue à 50 % par l'État et sa transformation en Epic en 1982, la France s'est dotée d'un grand outil de service public ferroviaire. Pas moins de 1 884 km de lignes à grande vitesse sont en service aujourd'hui et 700 km supplémentaires en cours de réalisation. L'industrie ferroviaire française est devenue leader.
La puissance publique doit garder toute sa place dans le service ferroviaire, dont la défense est un enjeu majeur, alors qu'il doit faire face à trois menaces. D'abord, le système mis en place en 1997, créant RFF à côté de la SNCF, entraîne des difficultés importantes au quotidien.
Le vieillissement du réseau classique, relevé par l'École polytechnique de Lausanne, entraîne une détérioration des conditions de sécurité. Quelque 1,5 milliard manquent chaque année pour assurer l'équilibre du système ferroviaire.
Troisième menace, la Commission européenne qui exige une stricte séparation du gestionnaire des infrastructures et de l'opérateur, selon la logique de la concurrence pure et parfaite.
Les régions ont pris la mesure des enjeux, comme l'a montré notre débat en séance publique à l'initiative de la commission des affaires économiques. Le Gouvernement et le ministre ont annoncé la création d'un pôle public unique, lancé un grand plan de modernisation du réseau, doté de 2,5 milliards par an, plus 2,3 milliards pour la maintenance et donné la priorité aux transports du quotidien.
Notre désaccord avec la Commission européenne est idéologique. La vision ultralibérale de Bruxelles menace notre système ferroviaire. Nous sommes donc globalement en phase avec les orientations de la proposition de résolution du groupe CRC, à quelques réserves près. Ainsi, il faut l'inscription rapide du projet de loi ferroviaire à l'ordre du jour du Parlement, avant l'adoption du quatrième paquet. Oui au maintien d'une structure intégrée : tel est d'ailleurs le choix du Gouvernement. Quant à la cession d'une part de capital de la SNCF, il n'en a jamais été question. L'unité du réseau national ne doit pas être remise en cause, nous y sommes profondément attachés. Oui, le wagon isolé, déclaré d'intérêt général, faciliterait le trafic ; se pose la question de l'euro-compatibilité, mais je souscris à l'idée. Oui, l'Afitf doit être dotée de moyens à la hauteur, pour assurer le report modal.
En revanche, il est deux points de désaccord. Nos collègues communistes estiment que la dérégulation a conduit à l'abandon du fret et demandent un moratoire sur le quatrième paquet. Il est vrai que le bilan des effets des trois premiers paquets n'a pas été dressé. Mais ne nous faisons pas d'illusions. La Commission européenne est tenace. Se contenter de déclarer que les États membres doivent rejeter ce paquet, n'est-ce pas renoncer ? Ne vaut-il pas mieux travailler à encadrer strictement l'ouverture à la concurrence ?
Autre désaccord, la reprise de la dette. Oui, il faut décharger RFF de ce poids énorme qui pénalise son action, mais dans le contexte actuel, le Gouvernement ne le peut pas. En 2017, après la réalisation des 736 kilomètres de LGV, la dette dépassera 40 milliards. Pour nous, la réforme ferroviaire doit s'attacher à stabiliser la dette, puis à la réduire.
Le règlement du Sénat ne nous autorise malheureusement pas à amender les propositions de résolution. Il est donc regrettable que nous n'ayons pas discuté en amont, madame Schurch, pour arriver à une position commune. Le groupe socialiste s'abstiendra sur ce texte mais il s'agit d'une abstention positive.
M. Jean-Vincent Placé . - L'ouverture à la concurrence n'est pas nouvelle. Après le premier paquet en 1998, sur le fret international, puis le deuxième en 2002, le troisième est venu en 2004 et la Commission européenne travaille à un quatrième paquet visant à ouvrir le transport de voyageurs national à la concurrence. Cela aura des conséquences incalculables sur notre service public à la française. Merci donc à Mme Schurch de son initiative.
L'ouverture à la concurrence a des effets désastreux. L'exemple de la privatisation de British Rail est suffisamment éloquent. En France, sur le transport de marchandises, elle a renchéri les coûts, provoquant un report sur la route. La part du fer, comme du fluvial, a diminué de 30 % en 30 ans, alors que la différence dans l'émission de CO2 peut aller de 1 à 1 000 grammes par tonne transportée au kilomètre.
Se pose, enfin, la question de la solidarité. Qui assumera la desserte des zones isolées, sinon l'État ? La création d'un pôle public intégré est donc le bon choix, comme la possibilité pour les régions de choisir l'opérateur. Bruxelles s'achemine vers une séparation stricte de l'opérateur et du gestionnaire d'infrastructure. Pour avoir été vice-président de la région Ile-de-France, je puis dire combien la scission entre RFF et la SNCF a été catastrophique. Les écologistes ne peuvent pas accepter que la santé et les acquis sociaux soient remis en cause par l'Europe. Ils se battent pour défendre les droits des personnels, le développement de l'intermodal. Faut-il rappeler le sombre diagnostic du Giec ?
L'ouverture à la concurrence, fondée sur de pures logiques marchandes, dégradera la dynamique du fer et compromettra la sécurité. Cette proposition de résolution est pleinement légitime et nous la voterons, tout en faisant confiance au Gouvernement pour mener une politique ambitieuse. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Francis Grignon . - Je vais apporter un peu de contradiction dans cet hémicycle.
Mme Éliane Assassi. - C'est le jeu démocratique !
M. Francis Grignon. - Décidément, le groupe CRC a le sens du timing. Le 10 avril, un projet de loi a été déposé sur le Bureau du Sénat, qui devait ouvrir l'acte III de la décentralisation. Son chapitre premier contient des dispositions décisives quant à l'avenir du réseau national : compétences à la région, délégation à des non-gestionnaires, réaffirmation du rôle des régions comme AOT. Ce texte viendra-t-il devant nous ? Et quand ?
Quelle sera l'articulation entre le quatrième paquet ferroviaire et votre futur projet de loi sur le ferroviaire ?
Vous prévoyez de créer un gestionnaire d'infrastructures unique, SNCF réseau. Est-ce eurocompatible, alors que la Commission entend poser la règle d'une stricte séparation entre gestionnaire des infrastructures et opérateur ? Je crains qu'il ne faille choisir...
Nous sommes sans a priori idéologique, la libéralisation n'est pas systématiquement gage d'efficacité. Mais la situation de monopole de la SNCF, à l'heure où nos partenaires ouvrent leur marché, ne sera plus tenable. Notre système est-il une réussite ? Des LGV à prix prohibitif, des lignes secondaires dégradées, des petites gares qui ferment, 40 milliards de dette... Nous soutenons donc le paquet ferroviaire. Mais, dans la libéralisation la question sociale doit être un préalable, et la sécurité un fil rouge. Le problème des lignes non rentables, surtout, devra être traité et un vrai service public assuré pour desservir les petites lignes.
Si le groupe de l'UMP est réservé sur certaines dispositions du texte de la Commission européenne, il est favorable à la libéralisation à la condition qu'elle instaure une véritable concurrence.
Autre exigence : la stricte séparation. Nous comprenons les réticences de la SNCF, mais comment maintenir une entreprise si intégrée alors que tous les opérateurs doivent avoir accès au réseau ? Il faut élever des murailles strictes entre les entités. Ce sera l'occasion pour la SNCF de rationaliser ses activités.
L'agence ferroviaire européenne deviendra l'interlocuteur unique pour la sécurité et la certification des opérateurs. On ne peut qu'y souscrire.
Le quatrième paquet améliorera le service aux usagers et aidera à réorganiser la SNCF.
Pour le projet de loi ferroviaire, j'ai dit les contradictions qu'il présentait avec le quatrième paquet.
Autre objection, votre idée de faire participer l'État au redressement de la SNCF, dont vous prévoyez qu'elle percevra un dividende sur SNCF mobilité. Où donc sera la séparation avec SNCF réseau ?
Déclarer l'offre de wagon isolé d'intérêt général ? La représentation nationale n'est pas la mieux qualifiée pour se prononcer sur la stratégie des opérateurs de fret. Le service multilots-multiclients est en marche : faisons confiance aux opérateurs.
Enfin, en ce qui concerne le renforcement du rôle des régions, et l'éventuel désengagement de l'État, nous attendons le texte portant l'acte III de la décentralisation.
Il faudra aussi remettre à plat la question sociale, dans l'intérêt des agents comme de l'entreprise, pour son rayonnement international. Keolis a montré la voie, pourquoi ne pas s'en inspirer.
M. Vincent Capo-Canellas . - J'arrive tard : le RER B était bloqué... les motos taxis ne sont pas inutiles dans ce cas...
Vous avez annoncé aux cheminots il y a près d'un an la réforme du système ferroviaire. Mais votre projet de loi prend l'allure d'un train fantôme, tant le calendrier, avec la question du quatrième paquet, est mouvant. Je comprends l'impatience des cheminots. Il est vrai que mieux valait découpler la réforme du rail de celle des retraites, mais enfin...
J'observe que dans l'exposé des motifs de cette proposition de résolution, le mot grève n'arrive qu'au cinquième paragraphe, et la notion d'organisation représentative au dix-neuvième. (On s'amuse sur les bancs CRC) Mais le mot de moratoire apparaît au onzième...
Notre excellent collègue, Roland Ries, nous a décrit votre projet de loi au cordeau hier en commission : levez donc le voile, monsieur le ministre, ce sera plus sain.
Je mets en garde contre une attitude défensive contre l'Union européenne. Afficher systématiquement un désaccord n'est pas de bonne méthode. Certes, le dialogue social est indispensable, mais on nous alerte, à Bruxelles, sur le retard qui se prend. Ce n'est pas rendre service au monde cheminot.
Le quatrième paquet achève l'ouverture à la concurrence, qui développe l'offre de transport et avance vers l'interopérabilité.
Je partage beaucoup de ce qu'a pu dire M. Grignon, notamment sur le RH70, l'embauche hors statut - ne nous mettons pas, à 30 % au-dessus des coûts, hors marché.
L'ouverture nous obligera à nous mettre au niveau des autres acteurs européens. Mieux vaut s'y préparer lucidement, car elle est inévitable. Les adaptations sont douloureuses, mais c'est l'avenir du système ferroviaire qui est en jeu. Attention, monsieur le ministre, au calendrier. Qu'arrivera-t-il si votre projet de loi sort en même temps que le quatrième paquet ?
Sur la réforme de la gouvernance, vous savez mon scepticisme sur le système à trois acteurs. Les disputes sont inévitables. J'attends beaucoup, monsieur le ministre de vos réponses.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - L'enjeu est de taille et nous préoccupe tous, d'autant que le ferroviaire va mal. Je rassure MM. Grignon et Capo-Canellas : le projet de loi ferroviaire arrivera bientôt, je le présenterai en conseil des ministres la semaine prochaine. Vos préoccupations, madame Schurch, sont aussi celles qui poussent le Gouvernement à engager une grande réforme. La famille cheminote ne doit plus douter de notre volonté de défendre un service public fort, contribuant à l'aménagement du territoire.
Il s'agit de construire avec vous un service public renforcé, mieux piloté par l'État stratège, via un grand groupe public industriel intégré. Le Haut Comité du ferroviaire associera élus, entreprises, représentation syndicale et un débat sera régulièrement organisé, car la représentation nationale doit se saisir pleinement du rail, de son avenir et de sa trajectoire.
L'enchevêtrement entre RFF et la SNCF est tel aujourd'hui, que l'on n'y voit plus clair. Il nous faut un grand établissement public SNCF, auquel seront associés deux Epic-filles. L'unification totale ? Mais la jurisprudence et la directive européenne l'interdisent. Le système que nous proposons est à la fois eurocompatible et efficace industriellement.
La question du fret est un enjeu industriel. J'ai lancé deux autoroutes ferroviaires et réuni l'ensemble des acteurs pour la relance du fret. Non par un énième plan, mais par la recherche de l'efficacité, en adaptant l'offre. Le grand plan de modernisation des infrastructures permettra, aussi, de répondre à la demande. Déclarer le wagon isolé d'intérêt général ? Quelle efficacité ? D'autant que le service est fort coûteux, dans un secteur déjà libéralisé, et que les collectivités territoriales ont des moyens contraints.
Mes prédécesseurs ont libéralisé le fret sans organiser l'opérateur au préalable. C'est à l'inverse qu'il faut procéder, pour des raisons sociales, industrielles et économiques. Le paquet ferroviaire a beaucoup évolué, grâce à la mobilisation du Gouvernement français. L'avant-avant-projet interdisait une gouvernance du type de celle que nous voulions. Nous avons fait avancer les choses. Je serai présent dans la discussion à venir et ferai valoir les dégâts de la libéralisation du fret. C'est un système intégré, fort d'une logique industrielle qu'il nous faut, avec un opérateur intégré. Nous nous battons contre le dumping social, car la concurrence ne serait plus loyale.
Un mot, enfin, sur l'endettement. La situation est très dégradée : 32 milliards pour RFF, un service de la dette qui coûte 2 milliards par an.
Nous devons nous attaquer à la dette de RFF. Si l'État ne peut pas la reprendre, il fera tout pour la stabiliser. Cessons cette course à la LGV à crédit que le précédent gouvernement a engagée : quatre lignes pour 1,5 milliard par an ! Les générations futures paieront.
Madame Schurch, rassurez-vous, nous voulons, nous aussi, un service public ferroviaire fort et notre politique le prouve pleinement.
À la demande du groupe CRC, la proposition de résolution est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 202 |
Pour l'adoption | 33 |
Contre | 169 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Ordre du jour
M. le président. - Comme vous le savez, le commissaire général à la stratégie et à la prospective, M. Jean Pisani-Ferry, sera entendu le mardi 15 octobre prochain à 15 heures en salle Clemenceau par le groupe de travail sénatorial « Quelle France dans 10 ans ? ».
C'est pourquoi, la séance de l'après-midi de ce mardi ne sera reprise qu'à 17 heures afin de permettre aux sénatrices et sénateurs de participer à ce premier échange qui sera également ouvert à la presse. En conséquence,
Ordre du jour du mardi 15 octobre 2013
À 9 h 30 :
- Questions orales
À 17 heures :
- Débat sur les conclusions de la commission d'enquête sur l'efficacité de la lutte contre le dopage
À 21 h 30 :
- Débat sur la pertinence du dispositif légal encadrant l'industrie du tourisme en France
Délégation aux collectivités territoriales (Nomination)
M. le président. - Je rappelle au Sénat que le groupe UMP a présenté une candidature pour la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Le délai prévu par l'article 8 du Règlement est expiré. La Présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Jean-Pierre Vial, membre de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, en remplacement de M. Pierre Hérisson, démissionnaire.
Prochaine séance mardi 15 octobre 2013, à 9 h 30.
La séance est levée à 20 h 5.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du mardi 15 octobre 2013
Séance publique
À 9 h 30
- Questions orales
À 17 heures
- Débat sur les conclusions de la commission d'enquête sur l'efficacité de la lutte contre le dopage
À 21 h 30
- Débat sur la pertinence du dispositif légal encadrant l'industrie du tourisme en France