Égalité entre les femmes et les hommes

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes.

Discussion générale

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement .  - Très longtemps, la République a laissé de côté la moitié des Français, les Françaises ; elle n'a pas affronté cette part obscure, l'oubli des femmes ; elle a écrit l'histoire au masculin. Victor Hugo lui-même dans son plaidoyer de 1850 en faveur du suffrage universel n'a soufflé mot des femmes. Ni Condorcet, ni Olympe de Gouges, ni Louise Michel, ni Maria Deraismes n'ont porté la voix assez haut pour changer le cours de l'histoire. Les femmes anonymes, modestes, invisibles, ont ouvert des portes avec de plus en plus d'éclat. Puis, la République a concédé, petit à petit, des droits nouveaux : à l'éducation, au divorce, au vote, jusqu'à ce que la Constitution consacre le principe de parité. Les progrès de la contraception, l'avortement, l'égalité professionnelle, la lutte contre les violences faites aux femmes ont ouvert la voie de l'égalité. Il nous revient de la réaliser.

La République a établi ce qui pouvait l'être par la volonté politique : Constitution, lois, décrets, textes. L'égalité décrétée, encore fallait-il concrétiser les droits nouveaux.

Cette histoire constitue notre héritage commun, dont les effets n'ont pas fini de s'étendre à la société tout entière. Nous sommes la première génération qui en récolte pleinement les fruits. Loin de moi l'idée de la revanche et de la guerre des sexes. Notre responsabilité historique est d'accélérer sur la voie de l'égalité et entrevoir enfin une égalité sans concession, loin de tout fatalisme. « L'ordre des choses » ancien n'est plus immuable, même s'il produit encore des effets redoutables. Faisons appel à chacun de nous pour que l'égalité républicaine ne soit plus une revendication de quelques-uns, mais une exigence partagée, celle de la République tout entière mobilisée autour de sa responsabilité historique.

Certes, personne ne remet plus en cause l'égalité entre les sexes. Ne nourrissons pas de faux débats. Entrons ensemble dans une nouvelle étape du combat républicain pour l'égalité des sexes. Je suis ici pour vous demander d'examiner ce texte avec un regard neuf, pour adopter une philosophie de l'action adaptée à notre temps, celle des droits appliqués et des lois respectées, du changement des mentalités, au-delà de la tyrannie du quotidien.

Votre contribution sera déterminante. Votre assemblée, avec sa commission des lois et la commission des affaires sociales a accompli un travail de construction législative à nos côtés. Je remercie les rapporteures, la présidente de la commission des affaires sociales, la présidente de la délégation aux droits des femmes et le président de la commission des lois, dont nous connaissons toutes et tous la sérénité et l'intelligence des débats les plus passionnés.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - C'est trop ! (Sourires)

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - L'égalité est un tout, un ensemble cohérent de causes et de conséquences de l'égalité parentale à l'égalité professionnelle, d'où les quatre volets de ce texte : égalité au travail et en famille, lutte contre la précarité, lutte contre les violences, mixité et parité partout.

L'égalité progressera grâce à une répartition plus équilibrée au sein des ménages, qui passe par une réforme ambitieuse du congé parental. Un chiffre suffit : une femme sur quatre prend un congé parental à la naissance d'un enfant, assumant le risque d'un décrochage salarial de 10 % par an ; un homme sur 100 seulement. S'il est à ce point un risque unilatéral pour les femmes, c'est en raison de cette inégalité. Faisons reculer ce risque qui pèse sur les carrières féminines. La stigmatisation sociale menace la volonté des hommes d'assumer pleinement leur parentalité. Celui qui demande un aménagement de son temps de travail, celui qui souhaite être libéré le mercredi est souvent regardé avec suspicion. Simone de Beauvoir disait : « On libérerait l'homme en libérant les femmes ». Oui, cette réforme du congé parental est appelée de leurs voeux par neuf Français sur dix.

Par pragmatisme, nous croyons à l'incitation pour atteindre 100 000 pères en congé parental partagé d'ici 2017 contre 18 000 aujourd'hui. Cette mesure est un point de départ, l'objectif étant de construire un nouveau modèle où la liberté de choix appartiendra aux familles et ne reposera plus sur la « servitude volontaire » des femmes.

Nous travaillons aussi, avec le ministère de l'Éducation nationale, sur l'accueil des enfants de moins de 3 ans, en prévoyant des formules de passerelle pour les enfants nés en début d'année.

La réforme du congé parental agira efficacement sur l'emploi des femmes, grâce à un accompagnement professionnel qui examinera les besoins en formation, offrira un bilan de compétences et les aidera à retrouver le chemin de l'emploi.

Les entreprises doivent respecter leurs obligations en matière d'égalité professionnelle. Nous sommes déterminés à mettre fin au laxisme qui a trop longtemps prévalu, en renforçant les contrôles. C'est un levier pour accompagner et inciter. Les entreprises qui ne respecteront pas leurs obligations légales en matière d'égalité professionnelle ne pourront plus soumissionner à un marché public.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - Notre dispositif, souple, leur laissera le temps de régulariser leur situation.

Nous introduisons une durée de protection de huit semaines, afin que les professions libérales ne soient pas exclues du droit élémentaire à la vie familiale reconnu aux salariés.

Nous voulons changer le rythme et les méthodes. Notre projet de loi a laissé toute sa place à la négociation avec les partenaires sociaux. Celle-ci sera désormais généralisée et non plus réservée aux grands groupes. Un support de situation comparée sera établi, et un indicateur de promotion sexuée permettra d'évaluer le plafond de verre en entreprise.

Un amendement appelle les branches professionnelles à réviser les qualifications pour revaloriser les emplois à prédominance féminine. Nous proposons d'ici fin 2013 une liste de métiers prioritaires de ce point de vue.

Luttons contre cette précarité singulière qui frappe les femmes, avec l'explosion des familles monoparentales. On ne peut attendre pour lutter contre cette inégalité. D'où la mise en place d'un nouveau service public qui garantira contre les impayés de pension alimentaire. La CAF avancera, puis se retournera contre le débiteur défaillant. Ce dispositif nouveau sera expérimenté dans dix caisses l'an prochain avant d'être généralisé d'ici la fin du quinquennat.

Même logique de solidarité appliquée à la lutte contre les violences faites aux femmes. La « suprématie masculine est la dernière aristocratie » disait Maria Deraismes : « elle reflète toute la lâcheté des siècles qui nous précèdent ». Tout inégalité entraîne des violences, terreau fertile de monstruosités que notre société a du mal à regarder en face, comme pétrifiée de honte face à son impuissance. Nulle part il n'est écrit que des femmes doivent périr sous les coups des hommes. Nulle part il n'est écrit que ce combat est perdu d'avance. Non, disent-elles justement, à celui qui s'excuse après coup, ce cri ne doit plus rester un cri de détresse, mais un cri de révolte qui nous oblige à l'action.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - Tout ne relève pas de la loi, certes, mais nous devons faire front au côté des femmes. Seule une femme battue sur dix dépose plainte, une sur deux seulement d'entre celles qui ont franchi la porte d'un commissariat va jusqu'à un tel dépôt. Nous demandons au procureur d'examiner systématiquement les mains courantes. Elles ne seront plus des bouteilles jetées à la mer.

Nous supprimons la médiation pénale pour les cas de violences conjugales. Protéger, encore et toujours, c'est l'objet du renforcement de l'ordonnance de protection. Nous croyons dans cette mesure créée par le Parlement en 2010 et qui doit beaucoup au travail de Roland Courteau et de Michèle André. Il y a une demande, à laquelle je suis sensible, de l'élargir à toutes les violences. Mais comment justifier de faire juger un cas de viol par un juge civil ? Améliorons néanmoins les outils, comme le téléphone portable « grand danger ». L'amendement de M. Courteau l'étendant au viol a été rejeté au nom de l'article 40, je suis tout à fait disposée à le reprendre à mon compte.

M. Roland Courteau.  - Merci.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - Prévenir la récidive est essentiel. Les stages sont une réponse au déni dans lequel s'enferment nombre d'auteurs ; ils sont particulièrement bienvenus lorsque les couples sont appelés à se reformer ou que les liens avec les enfants demeurent.

Nous créons un numéro unique d'orientation et d'écoute des femmes victimes de violences. Nous voulons mieux protéger les femmes contre les atteintes à leurs droits, à l'IVG, par exemple. Nous ne laisserons pas faire les pressions et intimidations. Je salue l'amendement de Laurence Rossignol sur ce point.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture.  - Très bien !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - Nous connaissons le pouvoir considérable des images : comment accepter de ne pas les contrôler ? Les missions du CSA seront revues à cette fin. Il aura la responsabilité d'assurer le respect des droits des femmes. Nous attendons tous un changement de culture dans les médias, où les stéréotypes sexistes ne doivent plus avoir droit de cité. La France se doit d'être exemplaire dans ce domaine. Ce texte, en lien avec l'action déterminée de la ministre de la culture, doit y répondre.

La parité en politique, levier de refondation de notre vie démocratique, doit aller à son terme. Le président de la République a demandé d'être plus sévère envers les partis qui ne respecteraient pas leurs obligations. Nous sommes allés aussi loin que la Constitution nous y autorise. Ce texte généralise le principe d'égal accès dans tous les domaines : ainsi, dans le monde du sport, selon le voeu de Michèle André. La parité est également étendue aux chambres consulaires, chambres d'agriculture, entités administratives indépendantes, commissions consultatives.

Ce projet de loi a été construit dans le dialogue. Notre exigence est raisonnable. L'échéance est réaliste : 2025 sera le moment où les collégiens qui viennent d'accomplir leur rentrée scolaire accéderont aux responsabilités. Cette génération pour laquelle nous voulons que le passé que j'évoquais en préambule soit définitivement de l'histoire ancienne, doit être notre horizon. C'est pour elle que je vous demande d'agir aujourd'hui. Concrétisons la promesse républicaine d'égalité. (Applaudissements à gauche, au centre et sur certains bancs de la droite)

Mme Virginie Klès, rapporteure de la commission des lois .  - Merci, monsieur le président de présider vous-même cette séance. Un regret, nuancé par la qualité des participants ; je constate que la composition, très féminine, de l'hémicycle ne reflète pas celle de l'assemblée. Je regrette que ce sujet n'intéresse guère les collègues masculins.

M. André Reichardt.  - La qualité supplée ! (Sourires)

Mme Virginie Klès, rapporteure.  - Que de chemin parcouru depuis cette image de la femme figurée comme un étrange animal dénué d'âme et de cerveau ! Olympe de Gouges m'est particulièrement chère : une rue porte son nom dans ma commune. Tous les combats qu'elle a inspirés aboutissent à ce texte : « La femme est l'avenir de l'homme » proclamait le poète et un humoriste disait qu'un homme sur deux est une femme.

Les hommes eux aussi, compagnons, travailleurs, amis, sont concernés. La compréhension des rôles sociaux n'est guère égalitaire. Un homme au foyer suscite toujours l'incompréhension. Qu'une fille soit qualifiée de « garçon manqué », c'est presque un éloge ; si un garçon est dit « fille manquée », c'est clairement péjoratif.

À la télévision, au cinéma, dans le sport, l'égalité est loin d'être atteinte. Que dans la quasi-totalité des disciplines - hormis l'équitation, et je suis cavalière ! - les épreuves féminines soient distinguées des épreuves masculines, pourquoi pas. En revanche, je vois mal ce qui justifie que les épreuves féminines soient diffusées à des heures de moindre audience. On présente d'abord la finale féminine, puis celle des perdants et enfin celle qui compte, des gagnants au masculin.

Une femme chef est soupçonnée d'avoir des problèmes au foyer. Une femme en politique est pistonnée ou a pris la place d'un homme en « profitant » des lois sur la parité. Alors, oui, nous sommes égales aux hommes... dans les textes. Caricatures ? Mais que de progrès demeurent à accomplir, pour changer les représentations, la société inégalitaire, où se construisent les images qui structurent l'avenir de nos enfants !

Évoluons aussi grâce à la loi, qui donne un coup de pouce supplémentaire là où il le faut. C'est dans cet esprit que ce texte a été écrit et que la commission des lois, avec le concours de la commission des affaires sociales, de la commission des affaires culturelles et de la délégation aux droits des femmes, l'a examiné.

Il y aura des sujets à approfondir : lutte contre le proxénétisme, le viol, les mariages forcés. Prenons le temps de réfléchir pendant la navette, avec exigence et fermeté.

Il reste un thème cher à la commission des lois : celui des violences, insoutenables, inacceptables. Dans tous les cas, ces manifestations décident d'une représentation de l'autre comme objet, qu'il s'agisse de viol ou, plus sournoisement, de violences intrafamiliales.

Ce texte, qui s'attaque à la représentation de la femme et de l'homme dans tous les aspects de la vie sociale, prend la mesure du combat à mener contre les violences. La commission des lois s'est particulièrement saisie des violences intrafamiliales.

La prise en compte des enfants doit conduire notre réflexion. Je suis heureuse que le Gouvernement l'ait entendu. Comment un enfant peut-il se construire en respectant l'autre dans un contexte où la violence est « normale » ? Comment échappera-t-il à la reproduction de comportements qui ne le rendront pas heureux dans sa vie future ?

Sur la médiation, nous avons été entendus ; c'est essentiel. Elle ne doit pouvoir intervenir deux fois pour un même couple.

M. Roland Courteau.  - Exactement.

Mme Virginie Klès, rapporteure.  - L'ordonnance de protection est prolongée de quatre à six mois. C'est une bonne chose. L'élargissement du téléphone « grand danger » est une excellente mesure. C'est un outil important de la lutte contre les violences familiales. Les auteurs récidiveront s'ils ne sont pas pris efficacement en charge dès que la justice se met en marche. Les stages de responsabilisation donnent d'excellents résultats, ils concourent à la restructuration de ces personnes. Il y a des manipulateurs narcissiques, mais il y a aussi des personnes qui peuvent vivre heureuses, retrouver un rôle d'éducateurs. Pour cela, la formation, celle des éducateurs, des médecins, du personnel, a une importance cardinale...

M. Roland Courteau.  - En effet !

Mme Virginie Klès, rapporteure.  - ... pour orienter les victimes, les prendre en charge alors qu'elles sont détruites par cette violence aveugle, afin qu'aucune plainte ne finisse à la corbeille. Cette formation, cette information, il faut les partager. Le premier appel doit être saisi. Cela nécessite tout un travail en réseau, pour répondre efficacement à ce fléau des violences intrafamiliales. Vous nous avez entendus, madame la ministre.

Ce texte n'est ni une fin ni un commencement. L'histoire des relations entre les hommes et les femmes dans notre République s'écrira avec les uns à côté des autres et pas les uns contre les autres. Cela se fera grâce à ce texte. (Applaudissements à gauche, au centre et sur certains bancs de la droite)

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales .  - Depuis plus d'un an, le président de la République, le Gouvernement et la majorité agissent pour faire progresser l'égalité entre les hommes et les femmes, la rendre concrète, vivante. Il reste beaucoup à faire. Les femmes ont toujours des salaires et des droits sociaux inférieurs à ceux des hommes. Une femme sur dix est victime de violences conjugales, elles représentent moins de 15 % des parlementaires, moins de 20 % des conseillers généraux et des dirigeants d'entreprises.

C'est dire qu'il faut remettre l'ouvrage sur le métier, car l'égalité n'est pas négociable en démocratie. C'est l'ambition de ce texte qui agit de manière transversale. Un texte juste et attendu. Merci, madame la ministre.

Dans le secteur privé, le revenu des femmes est inférieur d'un quart à celui des hommes, de 18 % dans le public. Les femmes sont davantage touchées par le chômage, le temps partiel, les emplois non qualifiés et pénibles. Leur évolution de carrière est plus lente que celle des hommes. Leurs droits sociaux s'en trouvent, par conséquent, amputés.

C'est dès l'arrivée d'un enfant qu'il faut favoriser le partage des tâches en faveur des femmes qui sont majoritaires à choisir le congé parental. Je suis donc favorable aux dispositions de ce texte relatives au Complément de libre choix d'activité (CLCA).

Le texte renforce également l'égalité professionnelle par une série de mesures, exigence d'égalité pour candidater aux marchés publics ou encore déblocage à titre exceptionnel de jours épargnés sur le compte épargne-temps pour financer des services à la personne. La commission des affaires sociales propose d'aller plus loin encore, notamment en étendant le champ du rapport de situation comparée aux questions de sécurité et de santé au travail.

Se pose aussi la question des impayés de pensions alimentaires. Le nouveau dispositif de garantie publique renforcera les moyens de recouvrement, en s'appuyant sur les CAF. La situation de nombreuses familles s'en trouvera améliorée. Il n'est pas normal qu'à la suite d'une séparation le parent qui a la charge des enfants voie ses revenus amputés d'une ressource légale dédiée.

Le titre III est consacré aux violences faites aux filles et aux femmes, un vrai fléau : les victimes de violences sexuelles sont à 80 % des femmes, 50 % sont des filles de moins de 15 ans victimes le plus souvent d'un proche. Les viols qui font 190 000 victimes par an en France, sont majoritairement le fait d'hommes proches de la victime, qui les dénonce peu, car elle demeure sous leur emprise. Et moins de 2 % des viols font l'objet d'une condamnation. Cette situation ne peut plus être tolérée. Il n'y a aucune fatalité à ces comportements, qui sont le fait de l'habitude et de l'éducation. La justice doit condamner fermement ces faits d'un autre âge fondés sur la domination des hommes sur les femmes.

Ces violences physiques, psychologiques, sexuelles, patrimoniales ou morales, commises par des proches, sans témoin, sont indissociables d'un phénomène d'emprise sur les victimes. Des pays comme l'Espagne ou le Brésil ont su le prendre en compte. La France vient de ratifier la Convention d'Istanbul. Il conviendrait de faire concorder notre droit avec ce texte ambitieux, pour faire respecter la loi de la même façon sur tout le territoire. L'aide des associations peut être précieuse. Je sais, madame la ministre, que vous lancez un grand plan de formation auprès des professionnels concernés : nous en attendons beaucoup. Au-delà, il faut donner aux victimes les moyens médicaux et sociaux de panser leurs traumatismes.

Depuis la création du ministère des droits des femmes, le Gouvernement est efficacement mobilisé. Il faudra atteindre, point d'orgue, l'égalité réelle dans les instances décisionnelles et politiques, à la fois par la loi et le changement des mentalités. Les prochaines échéances électorales en seront l'occasion. (Applaudissements à gauche)

Mme Maryvonne Blondin, rapporteure pour avis de la commission de la culture .  - Notre commission s'est saisie pour avis de ce texte qui s'inscrit dans la continuité de l'action du Gouvernement et suit le rétablissement d'un ministère des droits des femmes de plein exercice.

Les inégalités qui se constituent dès la petite enfance marquent encore le parcours de vie des femmes. Le chemin vers l'égalité est encore long et nous devons agir. Je salue, madame la ministre, votre démarche, qui ne laisse aucune dimension de côté. Votre engagement personnel a été déterminant au sein du Gouvernement. Je salue également l'investissement de tous mes collègues qui ont abordé ici ce texte dans un esprit d'ouverture.

La culture, le sport et les médias n'échappent pas à ces situations d'inégalité. La délégation au droit des femmes, dans son excellent rapport, souligne que les chiffres n'ont guère changé en sept ans. Les dirigeants de l'administration culturelle ne comptent que sept femmes pour 31 hommes. 4 % de femmes directeurs d'opéra seulement, par exemple, 15 % à la tête des centres dramatiques nationaux. On est loin de l'égalité !

Cet été, la question des nominations à la tête des centres dramatiques nationaux a provoqué bien des réactions. La ministre de la culture a annoncé que la transparence prévaudrait désormais dans les procédures de nomination. Espérons que la nomination de Sophie Makariou à la tête du musée Guimet soit le signe annonciateur d'une nouvelle ère...

Mme Corinne Bouchoux.  - Eh oui !

Mme Maryvonne Blondin, rapporteure pour avis de la commission de la culture.  - Trois articles sont concernés par notre saisine, l'article 16 sur les pouvoirs du CSA, l'article 19 sur la parité dans les instances dirigeantes des fédérations sportives et l'article 23 habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances.

La commission de la culture a adopté un amendement dans le domaine de l'intermittence. Nous avons constitué, à la demande de Mme Gonthier-Maurin, un groupe de travail sur les intermittentes, en particulier celles qu'on appelle les « matermittentes » dont la situation est intolérable. Nous demandons un rapport à six mois évaluant le nombre de cas de refus du congé de maternité et ses conséquences à la reprise de l'activité. Nombreuses sont ces « maternittentes » qui se retrouvent sans aucun revenu. On ne peut tolérer cette rupture caractérisée d'égalité. Le Défenseur des droits, suite à une saisine de la Halde par 33 « maternittentes », a reconnu, le 8 mars 2012, que le dispositif de l'intermittence était inadapté au regard de l'impératif de protection de la femme enceinte et constituait une discrimination fondée sur l'état de grossesse. Une circulaire a, enfin, été publiée en avril sur cette question par la direction de la sécurité sociale, qui concerne toutes les professions discontinues - les pigistes et guides-conférencières en font également partie. C'est un progrès, mais tout n'est pas réglé. On attend encore le décret d'application de l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale du 17 décembre 2012, modifiant le code éponyme pour prendre en compte les grossesses intervenant dans le cadre de petits contrats insuffisants pour maintenir la qualité d'assurée. Enfin, les CPAM ne motivant pas précisément les refus d'indemnisation, les femmes concernées ne comprennent pas les raisons pour lesquelles elles se retrouvent du jour au lendemain sans revenu. Nous avons besoin d'urgence d'une analyse juridique et chiffrée.

J'en reviens à ce texte, qui confie de nouveaux pouvoirs au CSA et fixe de nouvelles contraintes de mixité au sein des instances dirigeantes sportives, tandis qu'il est prévu que la parité au sein des autorités administratives indépendantes sera assurée par voie d'ordonnance.

Les chaînes hertziennes nationales devront participer à la lutte contre les préjugés sexistes et pour le respect des droits des femmes, mais les obligations de programmation qui leur sont imposées devraient l'être à tous les services de communication audiovisuelle. Nous présenterons un amendement en ce sens.

S'agissant des dispositions relatives aux instances dirigeantes nationales des fédérations sportives, j'y suis favorable. Néanmoins, nous sommes aussi à l'écoute des contraintes spécifiques du bénévolat, d'où notre proposition d'apporter un peu de souplesse au dispositif, par le biais de deux amendements à l'article 19.

Quant aux dispositions de l'article 23, elles sont superfétatoires pour ce qui concerne le CSA, déjà couvert par le texte relatif à l'audiovisuel public.

La commission de la culture a donné un avis favorable à ces articles sous réserve de l'adoption de ses amendements.

À tous ceux qui se sentent concernés par l'égalité entre femmes et hommes, je veux dire, reprenant une exhortation de Marie-José Malis, directrice du Théâtre de la Commune à Aubervilliers : « Inaugurons une ère de confiance et d'audace » (Applaudissements à gauche, au centre et à droite)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes .  - La délégation a examiné avec grande attention ce texte qui propose une approche intégrée bienvenue tant il est vrai qu'une société qui ignore, méprise ou violente les femmes se violente elle-même. J'ai procédé à l'audition d'une quarantaine de personnes pour constater qu'elles se réjouissaient de cette approche globale, mais comptaient aussi sur nous pour enrichir le texte.

D'où nos 35 recommandations, adoptées à l'unanimité, dont certaines peuvent trouver une traduction immédiate ; je les défendrai. L'égalité d'accès aux mandats électoraux et aux fonctions électives doit figurer, ainsi, dans l'énumération de l'article premier. A l'occasion d'une future révision constitutionnelle, la loi devra garantir, et non plus seulement favoriser, l'égal accès.

Mme Maryvonne Blondin rapporteure pour avis de la commission de la culture.  - Très bien !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes.  - La réforme du complément de libre choix d'activité va dans le bon sens - nous demandons au Gouvernement de le revaloriser. Le partage du congé parental est bienvenu, mais il faut aller plus loin, et fixer un calendrier d'évolution. Les moyens dégagés doivent aller à la construction de crèches : au regard de l'augmentation prévisible du nombre de demandes, cela a-t-il bien été anticipé ?

Nous recommandons que des formations pour le retour à l'emploi soient dispensées durant le congé parental. Je défendrai un amendement pour transformer celui-ci en un droit individuel à la parentalité modulable jusqu'aux 16 ans de l'enfant. Un de nos amendements doublant le congé de paternité est tombé sous le coup de l'article 40...

Les mesures relatives à l'allocation de soutien familial et aux impayés de pensions alimentaires sont bienvenues, mais l'expérimentation limitée à dix départements risque d'entraîner des inégalités de traitement.

Pour faire avancer l'égalité professionnelle, il faut s'appuyer sur les accords de branche et faire respecter le principe « à travail égal, valeur égale ».

Aux termes de l'article 7, l'ordonnance de protection devra être rendue « dans les meilleurs délais » ; c'est bien vague... Il faudra prendre des mesures procédurales et réglementaires pour y parvenir. Nous approuvons l'allongement de la durée de l'ordonnance de protection et la réaffirmation de l'éviction du conjoint violent, mais estimons que le logement doit être systématiquement dévolu à la victime, même si elle a bénéficié d'un logement d'urgence. La médiation pénale doit être purement et simplement exclue dans les violences au sein du couple. Le téléphone « grand danger » mérite des moyens ; les associations partenaires doivent recevoir les compensations financières qui leur sont indispensables. Les stages imposés au conjoint violent sont bienvenus, et devraient s'intituler de « responsabilisation ». Nous avons déposé un amendement en ce sens.

La gratuité du titre de séjour pour les étrangères sous ordonnance de protection est une bonne chose. L'autorité administrative ne doit pouvoir la refuser qu'en cas de menaces « graves » à l'ordre public.

On ne saurait, enfin, admettre la tendance des tribunaux à « correctionnaliser » les viols, qui va à l'encontre de la lutte contre les violences et minimise la gravité des actes.

Les nouvelles responsabilités confiées au CSA en matière de protection de l'image des femmes sont bienvenues. S'agissant des instances sportives, un meilleur équilibre doit aussi être recherché dans les postes intermédiaires d'encadrement. Le seuil pour les 40 % de membres de chaque sexe dans les conseils d'administration doit être abaissé de 500 salariés à 250. Nous appelons aussi les syndicats à améliorer la mixité dans leurs instances et plaidons pour la parité dans les Cese régionaux et les conseils de prud'hommes.

Il faut enfin engager une réflexion sur la faisabilité de réaliser des retenues sur la deuxième fraction de l'aide aux partis.

Ce texte est une première approche. Il faut poursuivre, ensemble, le chemin. (Applaudissements à gauche et au centre ; M. Yann Gaillard applaudit aussi)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois .  - Ces cinq discours témoignent d'une conviction forte, conviction que vous portez haut, madame la ministre, par votre détermination. Menant cette oeuvre, j'hésitais à dire ce combat, vous faites preuve de la même volonté que beaucoup de femmes avant vous. Je pense à Michèle André, qui fut ministre des droits des femmes. Je pense à d'autres ministres, comme Mme Tasca ou Mme Jouanno.

C'est une oeuvre collective que je veux ici saluer, en cette Haute assemblée où certains hommes se sont aussi illustrés au service de cette cause, comme Victor Hugo, qui, dans sa lettre à Léon Richer écrivait : « dès 1849, dans l'Assemblée nationale, je faisais éclater les rires de la majorité réactionnaire en déclarant que les droits de l'homme avaient pour corollaires les droits de la femme et les droits de l'enfant. Optimiste, il assurait, devant la tombe de Louise Julien : « Le XVIIIe siècle a proclamé les droits de l'homme, le XIXe proclamera les droits de la femme ». En 1872, il écrivait encore: « Il y a des citoyens, il n'y a pas de citoyennes. C'est là un état violent, il faut qu'il cesse ». Un siècle est passé avant que les femmes n'accèdent au droit de vote... Je me souviens, monsieur le président, qu'un de vos prédécesseurs réunit un jour dans la cour du Sénat des femmes maires. Il y fit un discours remarquable - oubliant de dire que, nombreuses décennies durant, le Sénat s'était opposé à ce droit.

L'histoire de la conquête de leurs droits par les femmes est longue, et elle n'est pas finie. Après le vote de la loi sur le mode de scrutin dans les départements, un élu ne s'est-il pas exclamé : « C'est la fin des départements ! »

Mme Corinne Bouchoux.  - Eh oui !

Mme Nathalie Goulet.  - On croit voir qui c'est...

M. André Reichardt.  - Qu'il se dénonce !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Oui, il y aura autant de femmes que d'hommes au sein des assemblées départementales et c'est une bonne chose. Il y a aujourd'hui des départements qui ne comptent qu'une ou deux élues.

Mmes Virginie Klès, rapporteure, et Corinne Bouchoux.  - Il y en a où il n'y en a aucune !

Mme Maryvonne Blondin, rapporteure pour avis de la commission de la culture.  - Au moins trois départements !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Parité dans les instances représentant les Français hors de France, dans les conseils municipaux, bientôt, de plus de 1 000 habitants... Voilà qui a suscité des craintes : où va-t-on trouver des femmes ? Je veux apaiser ces inquiétudes, on les trouvera ! Je salue de même la loi du 31 janvier 2007, même si je n'ai pas souscrit à tous ses aspects. Je salue l'arrivée de la parité dans les exécutifs locaux.

Pour d'autres élections, on a retenu sans doute faute de mieux un système que je n'aime pas. Il fut un temps où l'on pouvait payer pour ne pas faire son service militaire. Or, aujourd'hui, les partis ont le droit de s'acheter le droit de n'être pas paritaires...

Mme Laurence Rossignol.  - Et après, ils n'ont qu'à faire une souscription...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Pourquoi ce que l'on a su trouver pour les élections européennes ne serait pas possible pour les autres scrutins ?

On s'est aussi inquiété de la parité dans les chambres d'agriculture. Où trouverait-on les candidats ? Mais des femmes ne sont-elles pas exploitantes ou salariées agricoles?

Il y aura des réactions, des lourdeurs mais vous oeuvrez, madame la ministre, pour faire respecter notre devise républicaine. Vous avez terminé votre intervention par le beau mot d'égalité. C'est pourquoi nous avons à coeur de vous soutenir. (Applaudissements à gauche et au centre)

M. André Reichardt .  - J'ai grande joie à compter parmi les quatre hommes qui s'exprimeront à cette tribune sur dix-sept inscrits. Je remercie le groupe UMP de sa confiance.

Les hommes et les femmes sont égaux en droit dans nos textes fondamentaux. Mais tous les jours, des entorses sont constatées. Alors que le traité de Rome entendait déjà lutter contre les inégalités et que pas moins de six textes ont été votés dans notre droit interne, les inégalités persistent. Les inégalités professionnelles et salariales, on en parle depuis un demi-siècle. Pourtant, la France, selon le Forum de Davos, est classée au 127e rang, derrière des pays comme le Kenya ou le Kazakhstan. On constate même quelques signes de régression. Les femmes et les hommes n'occupent pas les mêmes emplois et, à poste égal, les femmes sont moins rémunérées. Elles se heurtent, enfin, à un plafond de verre dans leur progression de carrière. Nombreuses d'entre elles sont victimes d'un marché du travail dual. La conciliation de la vie professionnelle et familiale, enfin, ne se décline encore qu'au féminin.

Les femmes n'investiront pleinement le marché du travail que lorsque la vision de la parentalité aura évolué ; je ne suis pas certain que votre texte apporte les bonnes réponses sur ce point. Il en va de même en politique. Le texte relatif aux départements a fini par donner priorité à la parité pour masquer d'autres enjeux - la limitation de la représentation des territoires ruraux. Le forum de Davos, encore lui, classe la France à la 46e place pour la présence des femmes dans les postes ministériels. Pourtant, lorsque les femmes et les hommes gouvernent ensemble, des habitudes que l'on croyait indéracinables évoluent. Un changement des mentalités en profondeur est devenu une exigence. Or nos stéréotypes perdurent, véhiculés par la publicité et les médias.

Alors que l'égalité entre les sexes est pleinement reconnue en droit, le gouvernement précédent avait su défendre et promouvoir l'égalité réelle. Mmes Des Esgaulx et Garriaud-Maylam avaient initié une proposition destinée à faire progresser la part des femmes dans les conseils d'administration, passée, de fait, de 11 à 25 % en trois ans. En 2010, nous avons intégré les indemnités journalières de maternité dans le calcul des retraites des mères de famille. Sans parler de la lutte contre les violences faites aux femmes, avec l'ordonnance de protection, la création du délit de violence au sein du couple ou de contrainte au mariage.

Comme vous, nous voulons parvenir à une réelle égalité de traitement. Comme vous, nous estimons que les violences faites aux femmes doivent être réprimées avec la plus grande fermeté. Hélas, votre projet de loi n'est pas de nature à combler les attentes. Loin de la loi-cadre attendue, c'est à un saupoudrage que vous procédez. (Exclamations à gauche) Ainsi, créer un régime spécifique de la commande publique pour en exclure les entreprises non vertueuses n'est pas acceptable ; les sanctions existent, pénales, civiles, financières, qui sont autrement dissuasives. Nous présenterons un amendement de suppression et une alternative efficace.

Plus grave, la réforme du congé parental, qui risque de se retourner injustement contre les mères de familles nombreuses et les plus modestes en particulier. (Protestations sur les bancs socialistes) Les mères ayant deux enfants ou plus se verront refuser le droit à prendre un tel congé. Comment imaginer que les mères dont le conjoint est chef d'entreprise ou exerce une profession libérale puissent compter sur lui pour prendre un congé de six mois ? Entendez les inquiétudes des associations familiales, madame la ministre ! Que deviendront les mères de famille qui ne percevront plus le CLCA ?

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.  - Cela ne change rien.

M. André Reichardt.  - Nous ne sommes pas opposés à certaines de vos mesures qui vont dans la bonne direction. Nous regrettons l'absence de réflexion de fond. Nous souhaitons rappeler au Gouvernement que l'égalité entre les sexes n'est pas l'indifférenciation ni le renoncement à l'altérité...

Mme Laurence Rossignol.  - Nous y voilà !

M. André Reichardt.  - ... chers au « théories du genre ».

Nos amendements tenteront de remédier aux dispositions que nous estimons inacceptables : la sanction contre les entreprises qui ne pourront pas soumissionner aux marchés publics ; le partage du congé parental. De leur sort dépendra notre vote. (Applaudissements sur quelques bancs UMP)

Mme Cécile Cukierman .  - Ce débat est nécessaire, tant les reculs et les retards accumulés ces dernières années dans la marche vers l'égalité l'ont rendu urgent. Après avoir rencontré les professionnels concernés, les associations, les partenaires sociaux, nous regrettons que ce projet de loi n'aille pas assez loin, demeurant en deçà de la véritable loi-cadre qui serait souhaitable. « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre » j'ajouterai entre la femme et l'homme, « c'est la liberté qui opprime et la loi qui libère »...

Pour enrayer la précarité, il faut en finir avec les disparités de salaires. L'égalité professionnelle est l'une des premières préoccupations de nos concitoyens. Quatre entreprises ont été sanctionnées, 400 mises en demeure cette année pour non-respect de la parité. En 2011, 79 % des femmes au foyer ont déjà exercé une activité professionnelle. En 1991, 59 % déclarent cesser leur activité pour raisons personnelles, elles ne sont plus que 21 % en 2011. Le congé parental éloigne les femmes du travail et retarde le retour à l'emploi. Le nombre de femmes au foyer a diminué. Elles sont plus diplômées aujourd'hui, même si elles éprouvent plus de difficultés à accéder au marché du travail. Certaines femmes se découragent. L'inégalité face à l'emploi à temps plein est plus forte chez les femmes que chez les hommes. Seules 59 % des mères de deux enfants exercent une activité professionnelle, quand c'est le cas de 90 % des pères de deux enfants.

Quand un homme vante sa réussite professionnelle, on l'admire, on le félicite, on l'envie parce qu'il s'est dédié à sa carrière. Si une femme dit la même chose, on s'interroge, on se demande qui de son mari ou de ses enfants en pâtira, on craint le burn-out, et j'en passe. C'est dire l'importance des représentations sociales assignant des rôles stéréotypés à chacun des sexes, ancrés dès le plus jeune âge dans les esprits, par les parents comme par les éducateurs, souvent inconsciemment.

Les statistiques mettent en évidence que des freins à la lutte pour l'égalité perdurent. Le 8 mars, chaque année, les mêmes faits font la une des journaux : on parle des femmes qui occupent des responsabilités, maires, députées ou sénatrices, ou qui dirigent de grandes associations mais je constate que dans les associations de parents d'élèves elles sont très présentes quand les enfants sont en maternelle ou au primaire mais les hommes plus nombreux après leur passage au collège ou au lycée.... Combattre la précarité, la pauvreté, les inégalités est une exigence politique forte.

La violence qui est à bannir des comportements humains, est majoritairement exercée par des hommes contre des femmes ; 38 % des femmes assassinées dans le monde l'ont été par leur partenaire.

Ce texte doit marquer une rupture.

Est-il possible d'imaginer qu'une victime « mérite » son sort, « l'a bien cherché », comme l'on dit encore, en suscitant parfois des sourires entendus ? Les médias, la publicité, ceux qui portent un discours allant vers le « porno chic » doivent être conscients de leurs responsabilités. Point de pruderie hypocrite, mais mesurons la portée de chaque acte et de chaque parole ! La guerre des sexes n'est pas à l'ordre du jour, mais l'exercice de la démocratie. Montrons l'exemple dans nos assemblées.

Nous avons déposé de nombreux amendements. Nous serons attentifs à leur sort. Notre objectif est d'envoyer à l'Assemblée nationale un texte qui affirme notre volonté d'égalité. (Applaudissements à gauche)

Mme Chantal Jouanno .  - L'histoire est longue, très longue. Dire que la situation s'améliore, c'est faire l'aumône de quelques centimes. Partout, le pouvoir est à 80 % masculin. Pour la paupérisation, la prostitution, et la violence sexuelle, le rapport est inverse.

La France n'est pas condamnée à conjuguer les droits de l'homme au masculin. Madame la ministre, ce projet de loi va dans le bon sens. Quelques sujets fâchent notre groupe, comme le congé parental. Mme Dini y reviendra, comme sur la question des délais de prescription en cas de violences. Il faudrait aller plus loin sur d'autres points, mais votre texte a le mérite d'être global. Beaucoup de familles désespèrent aujourd'hui. Il serait utile de trouver un accord.

La reconnaissance des droits des personnes transgenres et transsexuelles me tient à coeur. Être transsexuel, c'est une réalité, ni un caprice ni une maladie. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin approuve) Les procédures actuelles de changement d'état civil, exclusivement médicales, plongent les personnes dans un désespoir qui les pousse trop souvent au suicide. (Mme Corinne Bouchoux le confirme).

Mme Maryvonne Blondin, rapporteure pour avis de la commission de la culture.  - C'est vrai.

Mme Chantal Jouanno.  - Je défends la cause de ces personnes que j'ai rencontrées, parce que je suis libérale : la loi doit valoir pour tous. Inutile d'agiter la théorie du genre.

La prostitution est un autre sujet délicat. En travaillant avec Jean-Pierre Godefroy, mes convictions en la matière se renforcent : la grande majorité des personnes prostituées sont victimes d'un crime organisé d'une violence inouïe. Mes amendements visent à inverser notre regard : ces personnes ne sont pas des coupables mais des victimes. Leurs clients sont indirectement complices. La distinction entre traite et prostitution fait le jeu des réseaux.

La lutte contre l'hypersexualisation est une autre de mes préoccupations. Nos enfants baignent dans la banalisation des codes de la pornographie. Le législateur n'est pas là pour faire la morale, mais pour traduire dans notre droit le principe international de l'intérêt supérieur de l'enfant. Les concours de mini miss devraient être interdits.

Le pire serait de se résigner. Ce n'est pas un combat personnel, lié à je ne sais quelle blessure individuelle. La République est un combat pour l'égalité, la méritocratie, la richesse humaine, qui ne doit laisser personne au bord de la route. (Applaudissements sur tous les bancs)

Mme Françoise Laborde .  - Les acquis des luttes pour les droits des femmes sont fragiles. En matière d'égalité professionnelle, la France s'est dotée d'un arsenal législatif qui reste mal appliqué. Ce projet de loi va-t-il enfin débloquer la situation ?

Vous vous étiez engagée, madame la ministre, à traduire les dispositions de l'Accord national interprofessionnel (ANI). C'est chose faite. Je regrette néanmoins que cela fût fait par voie d'amendements au dernier moment et que les mesures relatives à l'égalité salariale soient absentes de votre projet de loi.

La femme, lorsqu'elle devient mère, s'arrête de travailler pour élever, éduquer ses enfants. Or rien ne justifie a priori qu'elle le fasse plutôt que son conjoint. L'égalité salariale et professionnelle va de pair avec le partage des tâches domestiques. Il convient d'accroître l'offre de garde des jeunes enfants, d'inciter les entreprises à bannir les réunions tardives et à mettre en place leurs propres crèches.

Le projet de loi réforme le CLCA. C'est une bonne chose, même si cela soulève plusieurs questions. Les lois sont inefficaces si elles ne sont pas un peu contraignantes : vous ne prévoyez qu'une faculté. La durée initiale du versement ne sera que de 30 mois. Si le père ne souhaite pas prendre les six derniers mois, le couple perdra le bénéfice de cette allocation. Qu'adviendra-t-il des enfants ? Les mères en feront les frais.

Les sénateurs du RDSE regrettent que ce texte n'aborde pas la question douloureuse des enfants en cas de divorce ou de séparation parentale. Dans de très nombreux cas, les juges privilégient les liens mère-enfant au détriment du père. Il y a là aussi beaucoup à faire pour battre en brèche les préjugés. Notre groupe a déposé un amendement à cette fin. Quelle est votre position, madame la ministre ?

En matière de lutte contre les violences, ce projet de loi comporte des avancées importantes, que notre groupe votera sans réserve, sur l'ordonnance de protection, le téléphone « grand danger » et la médiation pénale.

La réalité insoutenable des violences faites aux femmes est inacceptable. Nous proposons de renforcer la protection des femmes renvoyées à l'étranger, non seulement pour un mariage forcé, mais aussi pour y subir des violences physiques et psychologiques.

Les violences conjugales appellent un traitement d'ensemble, pour que la victime puisse se reconstruire.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

Mme Françoise Laborde.  - Les besoins et les traumatismes des victimes doivent être pris en compte : d'où le besoin de formation des professionnels.

Le volet parité de votre projet de loi va très loin. Nous craignons que cela nuise à la cause que vous servez, madame la ministre. Ainsi, la promotion 2012 de l'École nationale de la magistrature, compte 80 % de femmes. La parité ne saurait constituer l'alpha et l'oméga. Elle ne peut s'imposer au détriment du mérite. La sexualisation est-elle la meilleure solution ? Les radicaux, fidèles à la conception républicaine de l'indifférenciation des citoyens, souhaitent qu'hommes et femmes puissent exprimer leurs talents en raison de leurs compétences et non de leurs sexes. Nous serons attentifs au sort de nos amendements. (Applaudissements à gauche et au centre)

Mme Esther Benbassa .  - Dans la sélection du Goncourt 2013, quinze écrivains retenus, dont seulement 4 femmes ; 3 054 femmes pour 18 396 hommes au Qui est qui. Ne parlons pas de la composition du Parlement : un quart de femmes ! (Exclamations à droite) Malgré la loi imposant la parité aux postes politiques ! Qu'en serait-il sans cette loi ? Et je constate que pour 23 femmes qui siègent, onze hommes ont été présents depuis le début de la séance !

Mme Maryvonne Blondin, rapporteure pour avis de la commission de la culture.  - Cela progresse !

M. André Reichardt.  - La qualité supplée !

Mme Esther Benbassa.  - Ce débat ne serait-il « qu'une » affaire de femmes ?

Je connais bien l'enseignement supérieur et la recherche. Majoritaires à l'entrée, les femmes continuent d'y être minoritaires, surtout dans les filières les plus prestigieuses, les cursus longs, notamment le doctorat, les postes de professeur et directeur de recherche ; elles sont exclues de bien des organes de décision, présidences d'universités, d'établissements de recherche, directions de projets structurants.

La France est en retard. Le dernier tableau de bord de l'OCDE confirme les données de l'Union européenne en la matière. Votre ministère aussi, madame la ministre.

Nos aïeules féministes avaient pris leur destin en mains ; à nous de donner un nouveau coup de collier pour que nos lois ne soient pas des voeux pieux. Je crois au pouvoir des mots, lorsqu'ils mènent à l'action. Même ceux qui n'ont pas lu l'auteure du Deuxième Sexe la citent volontiers : « On ne naît pas femme, on le devient ». Les mots de Simone de Beauvoir ont foudroyé l'adolescente que j'étais, dans mon Istanbul natale. Dans les familles juives bourgeoises, on n'éduquait les filles que pour en faire de bonnes épouses et des mères exemplaires. J'ai été renvoyée de mon école congréganiste quand on m'a surprise à lire le Deuxième sexe au lieu de choisir entre A. J. Cronin et Guy des Cars dans la bibliothèque ... Simone de Beauvoir, que l'on peut critiquer, nous a appris à nous construire à l'égal des hommes, sans confondre le féminin et le masculin.

Une nouvelle rengaine court les rues, depuis les manifestations contre le mariage pour tous, dénigrant une soi-disant « théorie des genres ». Les études de genre ne sont rien d'autre que ce que l'on appelait auparavant études féministes.

Que de vains bavardages, de pétitions sans fondement doivent être balayés ! Le partage domestique des tâches ne doit rien à la nature, mais bien à des constructions culturelles qui permettent aux hommes de faire carrière. Peut-être perdront-ils un peu, quand la démocratie et l'égalité progresseront beaucoup. Aidons et protégeons les droits de toutes et tous, y compris transsexuels et transgenres qu'hélas, ce projet de loi n'inclut pas. Dommage, il eût été plus audacieux.

Notre groupe le votera toutefois, même s'il reste incomplet. (Applaudissements à gauche et au centre)

Mme Catherine Tasca .  - Je me réjouis que ce projet de loi mette la politique des droits des femmes au coeur des priorités de notre Gouvernement. Je rends hommage à toutes les femmes qui se sont battues pour la reconnaissance des droits, de l'égalité, de la liberté, y compris celle de disposer de leur corps. Elles ont obtenu la reconnaissance du droit de vote pour les femmes, un suffrage véritablement universel. Viennent ensuite les droits économiques et sociaux. La loi Veil de 1974 fut une conquête essentielle. La loi Roudy de 1983 fit progresser l'égalité professionnelle. Le chemin est encore long. Les inégalités ont diminué, mais sont devenues plus insidieuses.

La loi n'est certes pas le seul instrument pour mettre en place une troisième génération des droits des femmes. L'éducation doit s'attaquer durablement à la racine des inégalités. Mais l'action législative demeure indispensable. Ce projet de loi fut annoncé par le président de la République le 8 mars 2013. Il est le fruit d'une concertation de longue haleine selon la méthode qui fut l'honneur du Gouvernement, privilégiant le consensus social. Je salue, madame la ministre, les mérites de ce texte, son originalité, qui tient à son approche globale, transversale. Il nous permet d'espérer que les inégalités et les stéréotypes ne soient plus un jour prochain qu'une trop longue erreur appartenant à l'histoire.

Le titre premier a l'ambition de favoriser l'égalité professionnelle. La réforme du congé parental est emblématique. Les familles avec un seul enfant auront six mois supplémentaires pour le second parent ; pour les familles de deux enfants et plus, six mois seront réservés au deuxième parent. Cette réforme ne prendra tout son sens qu'avec le progrès réel de l'égalité salariale et le renforcement de l'offre de garde de la petite enfance annoncée par le Premier ministre en juin dernier.

Sur la proposition de René Teulade, le groupe socialiste propose deux amendements symboliques et concrets, qui reprennent deux dispositions de la proposition de loi sur l'égalité salariale adoptée en février 2012 par le Sénat, jamais inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Il s'agit de rendre effective l'application de la loi que trop d'entreprises tardent encore à mettre en oeuvre.

Le titre 2 traite de la lutte contre la précarité. Il introduit une garantie publique contre les impayés de pension alimentaire.

M. Jean Besson.  - C'est important.

Mme Catherine Tasca.  - Le titre 3 traite de la protection des femmes contre les violences. L'extension de l'ordonnance de protection est une avancée. Notre commission des lois a apporté une protection supplémentaire aux enfants. J'ai porté en commission un amendement visant à ce que le juge aux affaires familiales recueille l'avis de la victime quant aux auditions.

La formation des professionnels sera renforcée. Sur le CSA, désormais chargé de veiller à une juste représentation des femmes, nous déposerons un amendement relatif aux programmes destinés à la jeunesse.

Le titre IV, relatif à la parité, comporte des dispositions destinées à la favoriser dans les instances de gouvernance de nombreuses institutions.

Ce texte, riche de mesures diverses, est au service de l'égalité réelle, concrète. Il prend en compte les mutations de notre société. C'est un texte de progrès, qui répondra aux attentes légitimes de tous ceux qui aspirent à une société plus harmonieuse. Le groupe socialiste lui apportera tout son soutien. (Applaudissements à gauche et au centre)

M. Roland Courteau .  - On aurait pu penser qu'en 2013, ce texte serait superflu, que l'égalité salariale serait atteinte, que les stéréotypes sexistes rejoindraient l'histoire ancienne, que les violences faites aux femmes auraient disparu. Hélas, la réalité est tout autre, et l'égalité reste un droit à conquérir. C'est un combat qui reste à mener. Pourquoi les femmes devraient-elles sacrifier leur vie professionnelle ou encore accepter des salaires inférieurs ? Malgré les textes internationaux et l'évolution de notre législation, vous soulignez avec raison, madame la ministre, que l'égalité demeure un champ de conquête. Je salue ce texte, qui la fera progresser.

Ni la reconnaissance de l'égalité entre femmes et hommes, ni la lutte contre les discriminations n'ont suffi, faute d'une approche globale par l'ensemble de la société, disiez-vous. Je salue votre volonté. Les mesures relatives au congé parental sont bienvenues, mais il faudrait mieux rémunérer ce congé et allonger la durée réservée au père. Je salue également les mesures relatives à la pension alimentaire, dont le non-paiement est un sport national. Sur la lutte contre les stéréotypes sexistes, je regrette que l'article 23 de la loi de juillet 2010 soit resté lettre morte, en particulier pour ce qui concerne les programmes scolaires. Il faut pourtant déconstruire sans tarder les stéréotypes sociaux. Je regrette également que des mesures comme celles qui étaient destinées à la protection des femmes étrangères, ou celles relatives à l'attribution du logement dans le cas de violences restent inappliquées. Oui, la violence se nourrit des inégalités.

L'ordonnance de protection doit être rendue dans l'urgence. Or le délai reste de 21 jours, et le dispositif demeure mal connu. Les juges d'application des peines n'ont reçu aucune formation. La réduction du délai sera donc bienvenue. Je déposerai un amendement sur ce point.

Le rapport Bousquet-Geoffroy avait signalé des difficultés quant à la délivrance de titres de séjour aux femmes étrangères sous ordonnance de protection. Je déposerai un amendement. L'instauration d'une formation à destination de tous les intervenants est une bonne mesure, que je demande depuis 2006. C'est un pas important. De même que l'élargissement du téléphone « grand danger ».

Merci, madame la ministre, des impulsions que vous savez donner. La longue marche vers l'égalité fut bien trop lente. Puissent les inégalités être reléguées, grâce à la mobilisation de tous, au rang de mauvais souvenir. (Applaudissements à gauche et au centre)

Mme Muguette Dini .  - Merci, madame la ministre, de prendre en compte, dans ce texte, tous les aspects de l'égalité entre les femmes et les hommes. Il fallait que notre arsenal législatif soit complété.

Je suis optimiste car, en matière de protection contre les violences conjugales, votre texte fait, après la loi de 2010, un nouveau pas en avant. Je soutiens les propositions de Mme Klès sur l'ordonnance de protection, la médiation et la formation. Manque cependant l'évolution que je souhaite en matière de prescription des crimes et délits sexuels.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Mme Muguette Dini.  - Puissent les mesures relatives à l'égalité professionnelle être efficaces.

Je suis, en revanche, réservée sur les mesures relatives à la parité, comme je l'étais déjà en 2007. Le renforcement des pénalités financière ne changera rien. Ce qui est bon pour les conseillers départementaux ne l'est-il donc pas pour les députés ? Ce n'est pas Mme André qui me contredira ! On ne peut s'en tenir à un programme « femme contre argent », à l'image du plan « pétrole contre nourriture ». (Mouvements divers)

Sur le congé parental, je suis circonspecte. On sait que c'est la mère qui continuera de le prendre, puisque son salaire est généralement moindre. Si le père ne prend pas ce congé, comment l'enfant sera-t-il pris en charge entre le moment où il atteint 2 ans et demi et son entrée en maternelle ? Vous savez bien, madame la ministre, que nous n'aurez pas les moyens financiers pour y remédier. J'en profite pour rappeler l'intérêt des maisons d'assistantes maternelles, seules à proposer des plages horaires atypiques, et plaider pour que ce mode d'accueil soit favorisé plutôt que freiné.

Vous l'aurez compris, je crains que ce nouveau dispositif ne fragilise les familles les plus modestes. Même si vos intentions n'étaient pas d'économies, vos collègues des finances et des affaires sociales doivent se réjouir. (Applaudissements au centre et sur les bancs écologistes)

Mme Corinne Bouchoux .  - Je vous trouve bien sages, mesurés et polis dans notre indignation. Je suis indignée de l'absence des hommes dans ce débat - hors les quelques présents que je salue. Pourquoi ? Est-ce pour cause de cumul, de manque d'intérêt ?

Monsieur le président de la commission des lois, cela vaudrait de réfléchir à une exigence de quotas masculins dans ces débats. (Mouvements divers) Je fais confiance à celles d'entre nous qui sont agiles sur twitter pour faire connaître ce scandale !

Mme Esther Benbassa.  - C'est fait !

Mme Corinne Bouchoux.  - Je salue la présence dans cette tribune de militantes de longue date qui font progresser la cause de l'égalité.

La question des « trans » n'est pas abordée ici, je le regrette. Plusieurs dizaines de milliers de personnes sont concernées. On ne saurait faire progresser l'égalité entre les femmes et les hommes en passant sous silence les difficultés des « trans ».

Sur l'inégalité professionnelle, je me réjouis de trouver ici une approche intégrative. Dans le domaine de la culture, il n'y a presque que des hommes aux postes de direction. Dans les festivals, alors que 20 % des films sont l'oeuvre de femmes, on n'invite que les réalisateurs hommes. Il est temps que cela cesse !

La crise est économique, sociale, écologique mais c'est avant tout une crise due à l'hypermasculinité de nos sociétés. (On ironise sur divers bancs)

M. Roland Courteau.  - Il ne faut peut-être pas exagérer...

Mme Corinne Bouchoux.  - Un exemple, la toponymie urbaine : 90 % des noms de rue sont masculins. Que fait-on des femmes artistes, scientifiques, politiques ? Qu'attendent les élus locaux que nous sommes pour mettre des rues à leur nom ? Souhaitons que cette loi soit appliquée et que des enseignements destinés à lutter contre les stéréotypes soient enfin appliqués.

« Fais ce que je dis, ne dis pas ce que je fais ! » : je fais le pari que sur le cumul des mandats, cet hémicycle sera très largement masculin. (Applaudissements sur plusieurs bancs à gauche)

Mme Laurence Rossignol .  - Je salue la méthode retenue sur ce texte. Simone Veil, Yvette Roudy, Véronique Neiertz, Nicole Péry, ont bâti une législation structurante ; pourtant, les inégalités demeurent. L'égalité avance peu et lentement. Vous avez voulu le divorce ? Vous aurez la solitude des familles monoparentales. Vous avez voulu la liberté sexuelle ? Vous subirez davantage d'hypersexualisation et de pornographie. Vous avez voulu l'égalité professionnelle ? Vous en aurez un peu, mais sans l'égalité salariale ni l'égalité familiale.

Ne soyons pas naïfs, les obstacles que nous identifions ne sont pas les vestiges d'un passé encombrant. Contre le backlash la revanche identifiée par les chercheuses américaines, c'est notre vigilance qui nous protège. J'ai recueilli, hier, le témoignage d'une femme de 40 ans ayant eu recours à l'IVG. Elle a dû attendre trois heures dans une clinique pour voir un gynécologue, qui lui a fait subir une échographie avec son et image en s'écriant « Oh ! Le beau bébé ! ». Je vous épargne les détails sordides sur l'IVG médicamenteuse puis le curetage et les remarques désobligeantes d'un autre praticien. Je me suis interrogée. Je ne dispose pas de statistiques, mais suis convaincue qu'un tel cas n'est pas isolé. Nous défendons un amendement relatif au délit d'entrave à l'IVG. Je me suis demandée s'il ne faudrait pas l'étendre aux équipes médicales. Mais comme je ne suis pas de l'école « un fait divers, une loi », je vous demanderai seulement, madame la ministre, avec votre collègue chargée de la santé que je sais sensible à ce problème, de diligenter une enquête. Le climat est délétère, il est propice à des remises en cause sournoises. Nous comptons sur vous, madame la ministre. (Applaudissements sur la plupart des bancs)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - L'égalité entre les femmes et les hommes est une priorité de ce gouvernement, le premier gouvernement de l'histoire de la République à s'être doté d'un ministère de plein exercice consacré à l'égalité des femmes.

Le forum de Davos classe la France au 57e rang mondial en matière d'égalité entre les sexes. Dans notre assemblée, on ne compte que 22 % de femmes.

Votre texte ambitieux procède d'une démarche innovante, qui prend en compte la dimension transversale du problème. Il aidera à lutter contre la précarité avec la garantie contre les impayés de pension alimentaire et les protègera contre les violences. Il améliorera la parité politique et professionnelle. La conquête de l'égalité passe par le droit mais aussi et surtout par l'accès à l'éducation.

J'attire l'attention sur la situation outre-mer, où le taux d'analphabétisme et d'échec scolaire est très élevé. On peut regretter, au reste, que les outre-mer ne comptent que deux sénatrices. La société mahoraise est matriarcale. Les femmes sont au coeur de l'histoire institutionnelle de Mayotte et je veux rendre hommage aux « chatouilleuses », qui ont tant fait pour le maintien de notre île dans la France.

Mais bien du chemin reste à faire en matière d'égalité, comme l'a souligné le préfet de Mayotte, qualifiant d'« utopie » l'accès à l'éducation, à la formation à l'emploi, aux postes à responsabilité. En politique, on ne compte que deux femmes maires. Des actions, en matière d'égalité professionnelle, ont été engagées : il faut les encourager. Je salue ce texte qui assurera un rattrapage. (Applaudissements sur la plupart des bancs)

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre .  - Nous sommes entrés dans le vif du sujet, en abordant déjà certains amendements importants. Merci d'avoir pris le temps de vous impliquer dans des délais contraints sur ce texte, dont vous avez compris l'ambition. J'ai entendu l'appel de Mme Gonthier-Maurin, qui a porté la voix des associations. Ce texte, fruit d'un travail collectif, n'en est pas moins pleinement cohérent. J'ai entendu vos propositions sur le CSA, les concours de mini-miss, le nom des stages de responsabilisation, le droit à l'IVG à réaffirmer. J'ai repris l'amendement concernant l'extension du périmètre du téléphone « grand danger » et fait expertiser le doublement du congé de paternité, pour lequel il faudra trouver les financements nécessaires, sachant que pour l'heure, nous avons choisi, dans un contexte contraint, de privilégier les places de crèche. Mais ce n'est que partie remise.

Mme Nathalie Goulet.  - Cela représente le coût de quatre joueurs de football !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - D'autres propositions, comme la prise en charge à 100 % des soins de suite, sont à l'étude.

Nous ne cherchons pas le consensus pour le consensus, mais je suis persuadée que toutes les forces de progrès doivent s'unir contre le conservatisme, qui objecte par exemple, en matière d'égalité professionnelle, à l'instar de la Fédération française de tennis, comptant 35 % de licenciées, que l'on ne trouvera pas les femmes pour siéger dans les instances dirigeantes. (Mme Michèle André s'exclame) Nous allons de l'avant, pour faire appliquer la loi. En sanctionnant les entreprises qui ne respectent pas une loi vieille de plusieurs années, nous ne les prenons pas par surprise.

Le congé parental, monsieur Reichardt ? Mais la question de la jonction entre la fin du congé parental et le début de la scolarisation n'est pas nouvelle.

Mmes Maryvonne Blondin, rapporteur pour avis de la commission de la culture, et Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.  - Bien sûr !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - Nous avons pris les choses en main, en prévoyant un allongement de l'aide, pour faire la jonction.

Mme Jouanno, Mme Benbassa, Mme Bouchoux ont évoqué la question du changement d'état civil des « trans ». Mais je veux préserver l'armature forte de ce projet, qui ne doit pas devenir une loi « portant diverses dispositions... ». Je comprends que vous souhaitiez saisir la balle au bond, mais nous avançons sur ce sujet, avec le rapport Meunier et la saisine de la CNCDH. Évitons les cavaliers, qui feraient courir à ce texte un risque de sanction constitutionnelle.

Sur l'appellation du stage imposé aux auteurs de violence, je suis prête à vous suivre, comme sur le suivi psychologique des victimes. Sur l'ordonnance de protection, nous avons pris modèle sur ce qui marche, en Seine-Saint-Denis, où les ordonnances sont prises en une semaine, grâce à la collaboration des acteurs de terrain. L'éducation à la sexualité, monsieur Courteau ? La convention du 7 février était tombée en déshérence, nous la relançons. Nous engagerons pour la rentrée une expérimentation à l'école.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

Mme Esther Benbassa.  - Et les femmes étrangères ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - Pour les femmes étrangères, le texte prévoit la gratuité des taxes de délivrance d'un titre de séjour. Dès lors qu'il y aura ordonnance de protection, les préfets en seront informés pour faciliter la délivrance des titres. Sur ce sujet, comme sur d'autres, je suis ouverte au débat. (Applaudissements)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. René Teulade .  - Cet examen doit être l'occasion de mesurer les progrès de notre société et d'en définir les contours futurs, tout en regardant le passé dans les yeux pour préparer un avenir meilleur.

Pourquoi des textes votés restent-ils inappliqués ? On dit que 50 % des lois que nous adoptons ne sont pas appliquées faute des décrets indispensables.

Durant l'été 1789, naquit le plus éminent et le plus influent des textes de notre histoire contemporaine, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de portée immédiatement universelle. Mais dont l'universalité s'arrête à la frontière du genre humain, car les femmes en sont exclues. Olympe de Gouges, auteur d'une « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne », goûta la lame de la guillotine pour avoir été précurseur du combat féministe. Si les Lumières ont réveillé les consciences, elles n'ont pas fait d'emblée avancer la cause féminine.

Au XIXe siècle, la femme restera tapie dans l'ombre du foyer, et ce n'est qu'avec la Première Guerre mondiale qu'elle en viendra à s'émanciper. Curieux paradoxe que de voir l'importance des guerres dans l'avancée de la situation faite aux femmes, il fallut attendre le Préambule de 1946 pour que voir proclamée l'égalité des sexes. Les lois du 13 juillet 1965, réformant le régime matrimonial, de 1964 sur le compte en banque, de 1975 sur le divorce ont ensuite marqué d'indéniables progrès. Mais bien des entraves demeurent. Il fallait donc adapter de nouvelles mesures. Les violences à l'encontre des femmes, les difficiles progrès du principe d'égalité salariale l'exigeaient. Je défendrai un amendement sur ce dernier sujet.

La lutte pour l'égalité est loin d'être achevée. Au point qu'il a fallu s'engager dans des politiques en soi injustes de discrimination positive.

M. le président.  - Il est temps de conclure.

M. René Teulade.  - Quand le législateur demeurera muet sur l'égalité entre les hommes et les femmes, c'est que les stéréotypes auront été enfin vaincus. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Cécile Cukierman .  - Il convient d'ajouter aux champs d'intervention de l'État la maîtrise par les femmes de leur sexualité, en veillant à améliorer l'accès à la contraception ainsi qu'à l'IVG, dont les conditions se sont considérablement dégradées ces dernières années. Depuis la loi HPST et les restructurations et fermetures de services, il est de plus en plus difficile d'obtenir une consultation spécialisée. Nous y reviendrons lors de la discussion des amendements. Nous saluons la décision du Gouvernement de rembourser à 100 % l'IVG. La prévention, l'éducation à la sexualité doivent garantir à toutes les femmes l'accès à un contraceptif adapté à leur situation. Nous espérons des actions concrètes, soutien au planning familial, présence d'un gynécologue dans les centres de santé universitaires, remboursement intégral des contraceptifs.

Mme Gisèle Printz .  - Depuis les lois Roudy et Génisson, notre groupe n'a eu de cesse de défendre les droits des femmes, 30 ans durant. François Poullain de La Barre appelait déjà leur respect en 1673... Aujourd'hui, les femmes demeurent trop souvent reléguées au deuxième rang en matière de salaires et d'accès aux postes à responsabilité. Il reste du chemin à parcourir pour atteindre l'égalité réelle de notre société. La disposition du texte relative au complément de libre choix d'activité est une avancée décisive ; elle aura des effets positifs sur le niveau de retraite des femmes.

Cette loi sera un outil de progrès pour les femmes dans l'entreprise, le sport ou la politique, la lutte pour l'égalité dans tous les domaines et surtout le combat quotidien contre les violences qui leur sont faites. Il nous appartient de veiller à son application.

Mme Catherine Génisson .  - Selon Stendhal, « l'admission des femmes à l'égalité parfaite serait la marque la plus sûre de la civilisation et elle doublerait les forces intellectuelles du genre humain ». Ce texte permettra d'avancer de l'égalité formelle vers l'égalité réelle.

L'article premier est le chapeau de ce projet de loi. Il prend en compte le fait que l'égalité doit être une dimension transversale intégrée à toutes nos politiques publiques.

Non seulement on avance peu, mais parfois on régresse. Il y a danger ; les militantes de l'IVG, en particulier dans le monde médical et paramédical, partent à la retraite. Merci, madame la ministre, d'y être attentive, avec votre collègue chargée de la santé.

Pour l'égalité professionnelle, l'éducation en amont, l'orientation des filles ont un rôle décisif à jouer. Le plafond de verre, le « plancher collant », comme disent les Canadiens, doit nous préoccuper. Merci, madame la ministre, d'avoir enrichi les services chargés des droits des femmes dans les départements et les régions. Cela nous permettra d'avancer dans l'application des lois. On n'arrivera à l'égalité salariale que si on atteint l'égalité professionnelle, l'accès des femmes à la formation ou à la mobilité dans les mêmes conditions que les hommes. On s'étonne qu'aussi peu d'hommes prennent un congé parental ; la question, là encore, est liée aux inégalités salariales. (M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, applaudit)

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié, présenté par Mmes Gonthier-Maurin, Cohen et Goy-Chavent.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

...° Des actions en faveur de l'égal accès aux mandats électoraux et aux fonctions électives.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Le domaine politique a été le premier champ d'application du principe de parité. Ce projet de loi y revient dans son titre IV. Pourtant, son article premier ne le mentionne pas. Conformément à sa recommandation n° 2, la délégation aux droits des femmes propose de combler cette lacune.

Nous touchons là à une dimension fondamentale pour donner aux intéressées les moyens de participer à la construction de l'égalité, afin de combler la distance qui sépare la politique de nos concitoyens.

Mme Corinne Bouchoux.  - Très bien !

Mme Virginie Klès, rapporteure.  - La commission des lois, souhaitant de manière constante que la loi soit la plus simple et la plus lisible possible, s'est prononcée contre cette mention, qui lui semble redondante.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - La question étant inscrite dans la Constitution, nous n'avons pas cru indispensable de la faire figurer ici, mais je comprends votre préoccupation. Sagesse.

L'amendement n°7 rectifié est adopté.

(Applaudissements sur les bancs CRC et écologistes)

M. le président.  - Amendement n°132, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

...° Des actions visant à assurer aux femmes la maîtrise de leur sexualité, notamment par l'accès à la contraception et à l'interruption volontaire de grossesse.

Mme Cécile Cukierman.  - La maîtrise par les femmes de leur sexualité mérite, en raison de son importance, d'être mentionnée ici. Il convient de garantir aux femmes un libre accès à la contraception et à une IVG quand elles le souhaitent et où qu'elles résident sur le territoire. Interrogeons-nous sur les inégalités qui persistent, au niveau de l'État, des collectivités territoriales, comme de la société tout entière.

Mme Corinne Bouchoux.  - Très bien !

Mme Virginie Klès, rapporteure.  - Pour des raisons d'écriture et non de fond, puisque nous partageons vos objectifs, nous considérons qu'ils sont satisfaits par la mention de la dignité des femmes et de la lutte contre les stéréotypes sexistes. (Mme Corinne Bouchoux le conteste) La commission des lois a émis un avis défavorable. Méfions-nous des « notamment » et de la tentation de l'exhaustivité, qui peut conduire à des interprétations contraires à l'objectif poursuivi.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - À l'inverse, je soutiens cet amendement. (Bravos et applaudissements sur les bancs CRC et écologistes ; Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis, applaudit aussi)

L'amendement n°132 est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°81, présenté par Mme Génisson et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Avant l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après une concertation entre les partenaires sociaux, le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 décembre 2014, un rapport portant, d'une part, sur une harmonisation des droits aux différents types de congés existants actuellement (parentaux et personnels), en termes de conditions d'ouverture et d'indemnisation, et, d'autre part, sur la portabilité de ces droits et le cadre de leur mise en oeuvre.

Mme Catherine Génisson.  - Nous ne sommes pas des intégristes de la production de rapports. Néanmoins, les signataires de l'accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 ont convenu d'entamer, au plus tard au cours du premier trimestre 2014, une réflexion sur l'harmonisation des droits aux différents types de congés existants, sur la portabilité de ces droits et le cadre de sa mise en oeuvre. Un tel rapport est justifié au regard de l'importance du sujet de l'égalité professionnelle.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.  - Il importe en effet que le Parlement soit informé. Nous avons débattu de ce type de rapports. Je ne suis pas contre. Connaître, c'est déjà agir. Avis favorable.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - Sur le fond, vous avez raison. Les femmes sont les premières concernées par ces congés familiaux. Leur harmonisation est une question importante, dont les partenaires sociaux se sont saisis. J'espère vous remettre ce rapport avant la date butoir du 31 décembre 2014. Favorable.

L'amendement n°81 est adopté et devient un article additionnel.