Simplification des relations entre l'administration et les citoyens (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens.
Discussion générale
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique . - Avec ce texte, le Gouvernement entend moderniser l'action publique pour mieux répondre aux attentes des citoyens dans un monde qui change. Nous vous proposons trois réformes : faciliter la saisine des administrations - de toutes les administrations - par les usagers, grâce au numérique, codifier les règles régissant les relations entre administrations et citoyens, inverser le principe du refus tacite en généralisant l'accord tacite.
La mise en place d'un droit de saisine électronique améliorera les échanges. Des garde-fous sont prévus contre les abus. Ce nouveau droit complètera les efforts de l'administration - je pense aux 13,5 millions de Français qui ont déclaré leurs revenus en ligne cette année, soit 6 % de plus que l'an passé. Cela facilitera aussi le travail des agents.
Nous proposons d'autoriser la communication d'un avis en cours d'instruction d'un dossier par l'administration, pour prévenir les risques contentieux et faire gagner du temps.
Nous reprenons le projet de code des relations entre l'administration et le public, à la suite de la réunion du comité interministériel de modernisation de l'action publique, tout en tirant les leçons de la circulaire de 1996, qui a conduit à l'abandon du projet en 2006. Le code sera centré sur la seule question des relations avec l'administration.
Quand les relations administratives deviennent abusives et freinent l'activité économique, notre devoir est de simplifier. Le président de la République a engagé ce combat pour la compétitivité des entreprises et le bien-être de tous.
Nous avons souhaité, par l'amendement n°3, lancer la mise en chantier de l'autorisation tacite : demain, le silence de l'administration vaudra acquiescement. Aujourd'hui, le droit fonctionne au rebours : le silence vaut rejet. Si près de 400 procédures dérogatoires existent déjà de par l'article 22 de la loi du 12 avril 2000, ces procédures demeurent largement minoritaires. Le principe qui vaut pour les permis de construire, le défrichement ou le recours au chômage partiel doit devenir le droit commun, étant entendu qu'il ne s'appliquera pas quand sont en cause les droits et libertés individuels ou encore nos engagements internationaux et l'ordre public.
Un groupe de travail réunissant des parlementaires des deux assemblées sera mobilisé, ainsi que la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada).
Le choc de simplification annoncé par le président de la République le 28 mars 2013 est au coeur de l'amélioration de la compétitivité hors coût et de l'efficacité de l'administration, qui doit s'adapter sans cesse.
Telle est l'ambition du Gouvernement. (Applaudissements sur le banc de la commission)
M. Hugues Portelli, rapporteur de la commission des lois . - Ce projet de loi s'inscrit dans un mouvement qui remonte à 40 ans et qui tend à mettre le service public au service du public. Il concerne aussi bien les États de droit écrit que ceux de Common law, l'Union européenne et le Conseil de l'Europe l'ont accompagné.
Après la création du Médiateur de la République en 1973 et de la Cada en 1978, puis la motivation des actes administratifs en 1979, est venue la loi du 12 avril 2000. À chaque fois, le but était de simplifier et de permettre au citoyen de contrôler les décisions prises à son égard. Il s'agit ainsi de rendre les actes administratifs plus clairs et, donc, plus accessibles, et de faciliter l'accès des citoyens à tous les niveaux de l'administration.
La routine administrative et le manque de volonté des gouvernements successifs a ralenti le processus qui repose sur deux outils, la codification et les ordonnances. La codification, relancée dans les années 1970, s'est essoufflée. La circulaire du 27 mars 2013 l'appelle à un nouveau départ.
Il importe d'adapter les codes une fois élaborés, sous peine de les voir devenir obsolètes. Le projet de loi prévoit l'achèvement du code de l'expropriation dont l'élaboration est sur le point d'aboutir d'après la Commission supérieure de codification. En revanche, il sera plus complexe d'élaborer un code des relations entre l'administration et les usagers. Les codes de l'urbanisme, de l'environnement, de justice administrative ne doivent pas être remis en cause. Le code, qui sera supplétif, devra être compréhensible pour les non spécialistes.
Le recours aux ordonnances, pour codifier, est freiné par l'incapacité des pouvoirs publics à mettre en oeuvre les habilitations législatives. Les ordonnances non ratifiées, je l'ai dit, deviennent vite obsolètes.
Ce texte a un air de famille avec les projets de loi d'habilitation antérieurs puisqu'il puise son contenu dans les textes votés depuis 2004. On peut donc espérer.
L'idée d'une codification des relations entre l'administration et le public n'est pas nouvelle, mais elle est, ici, plus pragmatique, plus modeste que par le passé. Il ne s'agit pas d'édicter une somme, mais d'aller vers un texte instrumental, fait pour le public. Les grands principes, comme le droit d'accès ou l'obligation de motivation seront rappelés dans un titre préliminaire. Il traitera du régime des actes unilatéraux.
Le secrétariat général du Gouvernement se chargera du pilotage, il aura la tutelle de la commission supérieure de codification. L'achèvement du code de l'expropriation se fera à droit non constant, d'où une modification des délais. Le texte consacre le recours aux nouvelles technologies, démarche amorcée depuis 2005.
Vient ensuite la rénovation des processus de décision, avec la modification du régime des décisions implicites, qui sera introduit en cours de route dans le texte par un amendement portant article additionnel. Le silence de l'administration vaudrait dorénavant acquiescement. Une série d'exceptions est prévue, conformément à la décision du Conseil constitutionnel de 1995, ainsi que l'a rappelé la ministre. La loi de 2000 exige aussi de mettre à part les décisions financières, sauf pour la sécurité sociale.
Aujourd'hui, c'est la logique du contentieux qui prévaut. L'inversion de la règle du refus implicite agira comme un aiguillon sur l'administration. Il faudra veiller à éviter les détournements (M. Jean-Jacques Hyest approuve), et ne pas multiplier les dérogations, qui videraient le principe de l'accord implicite de sa portée. (M. Jean-Jacques Hyest acquiesce) Un délai d'un an est prévu pour la mise en oeuvre dans les administrations de l'État et de deux ans dans les collectivités.
La possibilité d'accéder aux avis préalables rompt, également avec la règle posée par la loi de 1978. Tous les avis, dès lors qu'ils seraient formalisés, seraient communicables. La commission des lois a voulu que les avis négatifs soient motivés, afin qu'ils puissent avoir des effets pour l'usager.
Troisième nouveauté, le renforcement de la participation des citoyens à l'élaboration des actes administratifs. Il s'agit de bâtir un « tronc commun ».
Quatrième nouveauté, la faculté de saisir l'administration par voie électronique, étendue à toutes les administrations, y compris les autorités indépendantes. La commission des lois y est favorable, pour autant que sera préservée la collégialité.
Après avoir dialogué avec le Gouvernement sur la simplification, nous avons ajouté l'abrogation au retrait. Nous pourrons enfin voir naître, semble-t-il, le code de l'expropriation.
Votre commission des lois a voulu préciser le texte, en utilisant le moins possible le mot « public », mal défini.
Sur les autorités administratives, le texte était très fluctuant : nous avons simplifié, en recourant à la terminologie de la loi de 2000. Mais le Gouvernement nous a indiqué qu'il visait plutôt les administrations au sens de la loi de 1978 sur la Cada : la commission s'est ralliée à son point de vue.
Pour les avis préalables, s'ils sont défavorables, ils devront être motivés. Et les délibérations et décisions sur les saisines par voie électronique devront être collégiales.
La position de la commission des lois sur le texte est, globalement, positive. (Applaudissements sur divers bancs)
M. Alain Richard . - Je me concentrerai sur la codification. La démarche est cohérente avec l'objectif fixé par le président de la République et répond à une attente forte. Il y a tension, voire hostilité vis-à-vis de la puissance publique du fait d'une perte de lisibilité des règles encadrant le travail des administrations.
Ceux qui se sont frottés à l'exercice savent que la difficulté est dans le périmètre. Le choix qui a été fait, rappelé par le rapporteur, est le bon : celui de la codification, couplée avec la simplification.
Le processus, délicat, consiste à retrouver une cohérence dans des textes épars, modifiés à plusieurs reprises. On est là au coeur de la « fabrique de la loi ». C'est l'occasion de rendre hommage à ceux qui en constituent la cheville ouvrière, autour du secrétariat général du Gouvernement, avec l'aide de bien des services ministériels. Du fait des évolutions de périmètre des départements ministériels, on peut dresser un palmarès... Quand on a affaire à un ministère très démuni, manquant des compétences humaines, on se trouve devant des problèmes préoccupants.
La commission supérieure de codification fait un travail remarquable. J'ai eu l'agrément d'y participer dès sa création, par la loi de 1978. Petit message à qui veut bien l'entendre : préservons les moyens humains.
Ce texte unifiera les règles ; l'expérience a montré que, quand on recense les textes, on trouve des différences historiques dont plus personne ne connaît la justification. Dans la matière très particulière des procédures administratives en tant qu'elles rencontrent le public, il faudra surmonter le sens de la propriété de certains membres du Conseil d'État, pour parvenir à nos fins, comme on l'a fait pour le code de justice administrative.
Il faut, en ces travaux, rester modeste. Il n'est pas sûr que la loi d'habilitation puisse fixer le champ d'application final mais la loi de ratification pourra être l'occasion de le compléter, comme on l'a vu par le passé.
Lorsqu'on travaille à droit non constant, il est bon de prévoir un rendez-vous intermédiaire. Les assemblées, voyant arriver un produit fini, se méfient : le pouvoir réglementaire a-t-il totalement respecté nos objectifs, se demandent-elles.
Ce terme de public, en dépit de son caractère indéfini, est sans doute le meilleur. D'autant que les entreprises seront aussi bien concernées que les particuliers.
Il est, pour l'avenir, d'autres urgences. Je pense au code électoral. Et le contraire de l'urgence - certains me comprendront - c'est le code général des impôts, dans un tel état que personne n'ose plus engager sa codification. J'insiste pour que ce travail, de longue haleine, soit sérieusement entrepris.
En cette session extraordinaire, nous avons manqué de peu l'examen de la proposition de loi Sueur-Gourault sur l'évaluation des normes. Vous ne manquerez pas, madame la ministre, j'en suis sûr, de demander l'inscription rapide de ce texte à l'ordre du jour.
Je salue l'ambiance de convergence qui a présidé à nos travaux et qui augure bien de la réussite de l'entreprise. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Christian Favier . - Ce texte autorise le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance. Vous le savez, nous sommes opposés, généralement parlant, à cette pratique prévue par l'article 38 de la Constitution. Elle revient à contourner les règles d'élaboration de la loi et porte atteinte au principe de séparation des pouvoirs.
L'article 38 ne délimite que le laconiquement le champ des ordonnances, n'excluant aucun domaine. Nous mettons une nouvelle fois en garde contre la banalisation de cette pratique.
L'article premier de ce texte crée un droit des usagers à saisir l'administration par voie électronique, autorise les délibérations à distance et la communication des avis en cours d'instruction. Il s'agit bien, sur le fond, de simplifier les relations avec les usagers. Nous n'y voyons aucun obstacle. La saisine par voie électronique, cependant, ne doit pas créer une inégalité pour les victimes de la fracture numérique.
La communication des avis en cours d'instruction garantit plus de transparence des décisions et assurera plus de rapidité aux projets. La règle de l'accord tacite constitue un vrai progrès pour les usagers, mais pose la question des moyens dont disposera l'administration pour instruire. L'acceptation tacite ne doit pas être le simple résultat d'un embouteillage.
L'article 2 est relatif à la codification. Il précise que le Gouvernement pourra modifier certaines règles. La codification ne se fera donc pas à droit constant. Il est difficile de l'accepter, en dépit des garde-fous prévus par le rapporteur.
J'en viens à l'article 3, qui ne pose pas de problème sur le fond mais, étant relatif au logement, est ici un cavalier. Il eût mieux valu choisir un autre véhicule, comme la loi Duflot. En dépit de ces réserves, nous voterons ce texte. (Applaudissements à gauche)
M. Yves Détraigne . - Le bilan que nous dressons de la politique menée par Lionel Jospin, Premier ministre, est souvent sévère. Pourtant, la loi de 2000 échappe à notre censure. Elle a introduit la règle du projet en cas de silence de l'administration, qui a bien fonctionné - au point que je me demande pourquoi on en inverse ici la logique.
Améliorer les relations entre l'administration et les citoyens est pour nous, élus locaux, un objectif majeur. Depuis quinze ans, le traitement des demandes s'est accéléré, localement, mais des problèmes demeurent, qui suscitent l'impatience. Il n'est pas anodin de modifier les règles relatives aux délais de retrait ou d'abrogation des actes administratifs, car des hommes et des femmes sont concernés. La jurisprudence Ternon du Conseil d'État prévaut. Beaucoup a été fait pour que la langue de l'administration soit plus fluide, mais l'opacité reste un attribut de l'administration, et peut-être un moyen de témoigner de sa puissance.
On peut faire évoluer de multiples manières les relations entre l'administration et les usagers, mais si l'on ne met pas résolument l'accent sur le numérique, on va au devant de déceptions. La fin du principe de non-communicabilité des actes préparatoires et la participation des citoyens à l'élaboration des décisions constituent une révolution positive. L'inversion de la règle du rejet tacite est un progrès.
Nous allons, ainsi, vers un droit de dialogue, de concorde et de consentement du citoyen administré. Reste qu'un projet d'habilitation est souvent une promesse non tenue, madame la ministre. Le Parlement ne peut contrôler le texte des ordonnances : il ne peut que se prononcer sur leur ratification. Il eût été préférable d'avoir un débat serré au fond, en séance publique, sur des projets de loi. Nous vous laissons le bénéfice du doute, madame la ministre, mais sachez que nous serons vigilants. (M. Hugues Portelli, rapporteur, applaudit)
M. Jean-Claude Requier . - Un constat s'impose : les Français se défient de l'administration. Le rapport du Défenseur des droits met en lumière un paradoxe : des droits sont proclamés, mais ne sont accessibles qu'au travers d'un labyrinthe. Simplifier est indispensable. L'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme dispose que la société a droit de demander compte à tout agent public de son administration. Tout agent public a donc le devoir de s'engager dans une démarche de modernisation.
L'action des pouvoirs publics doit viser à rationaliser les dépenses de fonctionnement afin de consacrer les crédits à l'investissement et à l'action publique. Cela suppose de revisiter notre organisation territoriale, comme l'a souhaité la Cour des comptes. D'après le député Mandon, il est possible de réduire de 80 % les coûts de procédures, un gisement pour améliorer notre compétitivité.
Enfin, la norme, pour être accessible, doit être lisible. Pour reprendre La Fontaine, « le trop d'attention que l'on a pour le danger fait plus souvent qu'on y tombe ».
Le choc de simplification ne saurait attendre. Ne doutons pas de la bonne volonté du Gouvernement : il vient de supprimer une centaine de commissions administratives.
Cette réforme doit consacrer la saisine des administrations par voie électronique, Encore faut-il prévoir des formations et s'attacher à réduire la fracture numérique.
Le 16 mai dernier, le président de la République a annoncé un changement radical, pour ne pas dire plus, dans nos pratiques : passer de la règle du refus tacite à celle de l'accord tacite. Nous y sommes favorables sur le fond mais cette « petite révolution » pose des questions : l'administration aura-t-elle les moyens de la mener ? Comment assurer la cohérence des décisions ? La précipitation pourrait être contreproductive.
En dépit de ces remarques, nous approuvons la finalité de ce projet de loi : rationaliser les relations entre l'administration et les citoyens pour restaurer la confiance. Il n'y a pas de démocratie sans administration forte. (Applaudissements)
M. Jean-Michel Baylet. - Très bien !
Mme Hélène Lipietz . - Il y eut les Gaulois, les Celtes, les « assujettis », les « administrés ». Aujourd'hui, on parle d'« usagers » mais face à une administration lointaine. Internet ne peut pas tout, la vie sociétale est d'abord une affaire de relations humaines.
Ce texte, qui entend rapprocher administration et citoyens, ne rapproche pas les parlementaires du Gouvernement. C'est là le principal de ses défauts. « Restons entre fonctionnaires », voilà en somme le message de ce projet de loi d'habilitation.
Le Gouvernement dépose ce matin un amendement de deux pages, long et complexe, qui modifie une loi dans la loi même qui autorise le Gouvernement à la codifier, pour appliquer le principe « qui ne dit mot consent ». Rien que pour la forme, nous refuserons ce texte.
Le Gouvernement pense-t-il que les parlementaires seraient incapables d'analyses techniques et que seuls les fonctionnaires peuvent en faire ? J'ai sans doute très mauvais esprit. (M. Jacques Mézard approuve) Ce serait pour alléger notre ordre du jour que le Gouvernement nous demande des ordonnances... Aurons-nous plus de temps pour examiner le projet de loi de ratification, pour une codification qui ne se fera pas à droit constant mais à droit innovant ?
Faudra-t-il avoir une confiance aveugle en les techniciens qui les auront rédigées ? N'avons-nous rien appris des fiascos prônés par des techniciens sans légitimité démocratique ? Le puits financier sans fond du surgénérateur, les organismes génétiquement modifiés qui ruinent les agriculteurs américains, le nucléaire, l'informatisation de la sécurité sociale par une ruineuse carte Vitale toujours pas au point, le vote électronique qui n'a pas réduit l'abstention mais pose des problèmes de sécurité et de véracité du vote.
Je doute que notre administration sache mieux que nous organiser sa transparence. Mais pardon, madame la ministre, je suis, encore une fois, mauvaise langue !
M. Jean-Jacques Hyest . - Je vais tenter d'être plus positif.
M. Jacques Mézard. - Ce ne sera pas difficile.
M. Jean-Jacques Hyest. - À tout prendre, je préfère le terme d'usager à celui d'assujetti qui renvoie à la notion de sujet - extraordinaire, n'est-ce pas ?
Comme l'a rappelé le rapporteur, ce texte vient après les lois de 1973, de 1978, de 1979 et de 2000. Sous la précédente législature, avec un bonheur décroissant, nous avons adopté quatre lois de simplification, en 2007, 2009, 2011 et 2012. Elles ont posé problème au Sénat. Nous n'avons pas voulu de ces textes qui, loin d'être de simplification, étaient bien plutôt de complexification et avons dit « non » à l'habilitation pour le code de l'expropriation.
Le recours aux ordonnances est très encadré puisque la réforme constitutionnelle a rendu obligatoire l'adoption d'un projet de loi de ratification. (Mme Marylise Lebranchu, ministre, approuve)
L'extension des voies électroniques profite aux usagers du service public. On ne va pas réunir un tribunal entier à Saint-Pierre-et-Miquelon ! Le recours aux nouvelles technologies, nous y sommes favorables. Cela fonctionne bien parfois, comme pour les cartes grises. Moins bien pour les passeports.
La commission des lois sera attentive à la protection des données personnelles ; le débat est désormais mondial. Enfin, Mme Lipietz devrait se réjouir de la diminution des courriers « papier »... Tout cela est bien beau pourvu que l'on mette fin à la fracture numérique qui sévit même en Île-de-France. (Mme la ministre le confirme) Dans ma commune, 25 foyers sur 150 ne sont pas connectés à Internet. Cela représente une proportion rien moins que négligeable ! Je m'en suis aperçu quand les lignes téléphoniques ont été coupées.
L'approbation implicite, je suis pour ! Les services départementaux de l'architecture et les architectes des bâtiments de France sont plutôt fantaisistes. Vous changez d'architecte, vous changez de doctrine !
M. Alain Richard. - Ils sont utiles, soyons indulgents.
M. Jean-Jacques Hyest. - Je le suis aussi, pourvu qu'il y ait dialogue.
Un mot sur la codification : la rénovation du code électoral ne peut se faire à droit constant. En revanche, le code général des impôts est un monstre incompréhensible...
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Sauf pour les avocats fiscalistes...
M. Jean-Jacques Hyest. - ... et quelques fonctionnaires à Bercy, dont chacun se sent propriétaire de son bel article.
Le président de la République a déclenché un choc de simplification en annonçant la modification de la règle du refus implicite. Si vous y arrivez...
M. Alain Richard. - Direct au Panthéon ! (Sourires)
M. Philippe Bas. - Au risque de faire naître des décisions illégales.
M. Jean-Jacques Hyest. - Les hommes de l'art viennent de s'exprimer... Nous avons tenté l'entreprise et nous sommes heurtés, entre autres, aux architectes des bâtiments de France. Vous voyez que je ne fais pas une fixation. (Sourires)
Le groupe UMP votera ce texte qui s'inscrit dans un mouvement législatif continu. (Applaudissements)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE ADDITIONNEL AVANT L'ARTICLE PREMIER
M. le président. - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - La loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations est ainsi modifiée :
1° Le troisième alinéa de l'article 20 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Si l'autorité informe l'auteur de la demande qu'il n'a pas fourni l'ensemble des informations ou pièces exigées par les textes, le délai ne court qu'à compter de la réception de ces éléments. » ;
2° L'article 21 est ainsi rédigé :
« Art. 21. - I. - Le silence gardé pendant deux mois par l'autorité administrative sur une demande vaut décision d'acceptation.
« Le précédent alinéa n'est pas applicable et le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet :
« 1° Lorsque la demande ne tend pas à l'adoption d'une décision présentant le caractère d'une décision individuelle ;
« 2° Lorsque la demande ne s'inscrit pas dans une procédure prévue par un texte législatif ou réglementaire ou présente le caractère d'une réclamation ou d'un recours administratif ;
« 3° Si la demande présente un caractère financier sauf, en matière de sécurité sociale, dans les cas prévus par décret ;
« 4° Dans les cas, précisés par décret en Conseil d'État, où une acceptation implicite ne serait pas compatible avec le respect des engagements internationaux et européens de la France, la protection des libertés, la sauvegarde de l'ordre public ou des autres principes à valeur constitutionnelle ;
« 5° Dans les relations entre les autorités administratives et leurs agents.
« II. - Des décrets en Conseil d'État et en conseil des ministres peuvent, pour certaines décisions, écarter l'application du premier alinéa du présent article eu égard à l'objet de la décision ou pour des motifs de bonne administration. Des décrets en Conseil d'État peuvent également fixer un délai différent de celui que prévoient les deux premiers alinéas, lorsque l'urgence ou la complexité de la procédure le justifie.
« III. - La liste des procédures pour lesquelles le silence gardé sur une demande vaut acceptation est publiée sur un site internet relevant du Premier ministre. Elle mentionne l'autorité à laquelle doit être adressée la demande, ainsi que le délai au terme duquel l'acceptation est acquise. » ;
3° L'article 22 est ainsi rédigé :
« Art. 22. - Dans le cas où la décision demandée peut être acquise implicitement et doit faire l'objet d'une mesure de publicité à l'égard des tiers lorsqu'elle est expresse, la demande est publiée par les soins de l'administration, le cas échéant par voie électronique, avec l'indication de la date à laquelle elle sera réputée acceptée si aucune décision expresse n'est intervenue.
« La décision implicite d'acceptation fait l'objet, à la demande de l'intéressé, d'une attestation délivrée par l'autorité administrative.
« Les conditions d'application du présent article sont précisées par décret en Conseil d'État. » ;
4° Au deuxième alinéa de l'article 22-1, les mots : « aux articles 21 et 22 » sont remplacés par les mots : « à l'article 21 ».
II. - Le I est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna aux administrations de l'État et à leurs établissements publics.
III. - Le I entre en vigueur :
- dans un délai d'un an à compter de la publication de la présente loi, pour les actes relevant de la compétence des administrations de l'État ou des établissements publics administratifs de l'État ;
- dans un délai de deux ans à compter de la publication de la présente loi, pour les actes pris par les collectivités territoriales et leurs établissements publics, ainsi que ceux des organismes de sécurité sociale et des autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif.
IV. - Le Gouvernement est habilité, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution et dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi, à modifier par ordonnances les dispositions législatives prévoyant qu'en l'absence de réponse de l'administration dans un délai qu'elles déterminent, la demande est implicitement rejetée, pour disposer que l'absence de réponse vaut acceptation ou instituer un délai différent. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans le délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Avec cet amendement, nous instituons la règle de l'accord implicite. Monsieur Favier, le numérique sera un droit supplémentaire.
L'amendement énonce tout d'abord le principe selon lequel le silence gardé pendant deux mois sur une demande vaut acceptation. Il précise ensuite que le silence vaut rejet dans cinq hypothèses qu'il énumère.
Il prévoit également que l'application du principe d'autorisation tacite peut être écartée pour des motifs liés aux enjeux de la décision en cause ou à la bonne administration des procédures, par décret en Conseil d'État et en conseil des ministres. Il est également possible, lorsque l'urgence ou la complexité de la procédure le justifie, de modifier le délai de deux mois pour les rejets tacites, par décret en Conseil d'État.
Enfin, nous précisons le délai dans lequel une décision implicite d'acceptation peut intervenir. Allons au maximum de la protection du droit et des citoyens. Nous revoyons le statut du fonctionnaire pour progresser en transparence. Faisons confiance aux administrations.
M. Hugues Portelli, rapporteur. - L'avis est favorable.
Mme Hélène Lipietz. - J'ai dit mon opposition sur la forme : un amendement de deux pages pour dire que le silence vaut accord... Pour croire à votre délai, j'ai peut-être été trop longtemps avocate d'administrés rejetés d'administration en administration parce que des pièces manquaient à leur dossier. Et puis, quelques jours avant l'échéance, l'administration s'apercevait qu'une pièce manquait au dossier, et l'on repartait pour un nouveau délai, au terme duquel manquait une nouvelle pièce...
Surtout, je suis contre les permis de construire tacites. Finalement, il faudrait, plutôt que de poser le principe de l'approbation tacite, dresser la liste des exceptions prévues à la règle du refus tacite. À tout le moins, il faudrait préciser les délais de retrait. Mieux aurait valu attendre la conclusion des travaux de la Cada que de présenter cet amendement à la va-vite.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Les délais de retrait sont précisés à l'article 23 de la loi de 2000.
L'amendement n°3 est adopté et devient un article additionnel.
ARTICLE PREMIER
M. le président. - Amendement n°1 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.
I. - Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
, définir les conditions dans lesquelles sont publiés des délibérations, actes et avis des administrations de l'État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et des organismes publics sur un site d'ouverture des données publiques, sous format ouvert, et utilisables gratuitement
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
...- La perte de recettes éventuelle résultant pour l'État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et les organismes publics est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Mme Hélène Lipietz. - Les écologistes sont pour le numérique, et pas seulement parce que cela fait économiser du papier. Toutefois, le numérique, c'est aussi la Toile. Je propose un site public et gratuit, en open data, recensant tous les actes administratifs.
M. Hugues Portelli, rapporteur. - Les parlementaires n'ont pas compétence pour modifier le champ d'une ordonnance. Rejet.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Sagesse.
M. Hugues Portelli, rapporteur. - L'amendement est inconstitutionnel !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Dans ce cas, retrait ?
Mme Hélène Lipietz. - Mme la ministre pourrait le reprendre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Je ne peux le faire au pied levé, mais m'engage à le reprendre devant l'Assemblée nationale.
L'amendement 1 rectifié est retiré.
L'article premier est adopté.
ARTICLE 2
M. le président. - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 2, première phrase
Remplacer les mots :
à caractère administratif, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif
par les mots :
et les organismes chargés d'une mission de service public
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Défendu.
L'amendement n°4, accepté par la commission, est adopté.
M. le président. - Amendement n°5, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 2, troisième phrase
Supprimer le mot :
unilatéraux
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Défendu.
L'amendement n°5, accepté par la commission, est adopté.
M. le président. - Amendement n°6, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 2, dernière phrase
Remplacer le mot :
publication
par le mot :
signature
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Défendu.
M. Hugues Portelli, rapporteur. - Défavorable. Ce sont les mêmes autorités qui doivent signer et promulguer. À elles de s'organiser.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Notre interprétation juridique est différente.
M. Alain Richard. - Querelle de juristes qui ne peut être comprise que par dix personnes en France et qui est du reste sans intérêt. (Sourires)
Quel est le sujet ? La codification, doit, en cours de route, tenir compte des modifications législatives intervenues - et la France ne peut pas se passer d'en apporter une dizaine par jour. Le plus simple est que le secrétariat général du Gouvernement retarde la publication jusqu'à la date de la dernière signature.
M. Hugues Portelli, rapporteur. - La codification prend des années et le secrétariat général du Gouvernement ne saurait pas tenir compte de quelques jours ?
L'amendement n°6 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°7, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° Simplifier et unifier les règles relatives au régime des actes administratifs ;
Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°9, présenté par M. Portelli, au nom de la commission.
Alinéa 5
Après le mot :
retrait
insérer les mots :
et d'abrogation
M. Hugues Portelli. - Cet amendement vise à habiliter le Gouvernement à simplifier également le régime d'abrogation des actes administratifs unilatéraux. L'intention du Gouvernement est satisfaite et les préventions de la commission aussi. L'amendement n°7 peut donc être retiré.
L'amendement n°7 est retiré.
L'amendement n°9 est adopté.
M. Ladislas Poniatowski. - Notre rapporteur est vraiment excellent !
M. le président. - Amendement n°2, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par les mots :
en prévoyant les conséquences juridiques d'un avis défavorable ou avec réserve du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête
Mme Hélène Lipietz. - À l'heure actuelle, un avis défavorable dans une enquête publique n'a aucune conséquence juridique. De même qu'on ne tient pas compte des réserves du commissaire enquêteur. Modifions cette règle prétorienne qui vide de son sens l'enquête publique.
M. Hugues Portelli, rapporteur. - Le code de l'environnement prévoit déjà une motivation délibérée de la collectivité en cas d'avis défavorable.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. - Nul besoin d'en rajouter à cet excellent argument contre l'amendement.
L'amendement n°2 n'est pas adopté.
L'article 2, modifié, est adopté.
ARTICLE 3
M. le président. - Amendement n°8, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 4
Remplacer le mot :
publication
par le mot :
signature
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. - Défendu.
M. Hugues Portelli, rapporteur. - Défavorable pour les mêmes raisons que tout à l'heure.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. - Je défends cet amendement avec détermination : évitons la vacuité.
M. Jean-Jacques Hyest. - C'est une question d'organisation !
M. Hugues Portelli, rapporteur. - Tout à fait puisqu'il s'agit de codification.
L'amendement n°8 n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
L'ensemble du projet de loi, modifié, est adopté.