Sections de commune (Deuxième lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen, en deuxième lecture, de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à moderniser le régime des sections de commune.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation . - Du 15 octobre 2012 au 15 mai 2013, voilà sept mois jour que nous avons étudié en première lecture cette heureuse initiative du Sénat, sept mois pour que s'applique le travail constructif du Parlement sur ce droit issu de l'ancien régime, qui a été source d'un contentieux complexe. Il fallait clarifier et simplifier. Des communaux de la Convention à la loi de 1984, les choses ont évolué, mais il fallait aller plus loin afin d'améliorer la gestion des sections de commune, d'éviter la captation des biens et de favoriser la reprise par les communes des biens délaissés. A l'Assemblée nationale, M. Morel-A-L'Huissier, rapporteur, a apporté quelques précisions au texte constructif du Sénat.
Loin de tuer les sections de commune qui fonctionnent bien, il s'agit de faire en sorte que la commune puisse intervenir pour une gestion harmonieuse. Nous voulons améliorer un dispositif désuet, le simplifier. C'est ainsi que le statut juridique de la section de commune est clarifié, comme le statut d'ayant droit, et le rôle de la commune mieux défini, dans le sens de l'intérêt général. Il fallait veiller à l'équilibre du foncier, préserver les terres agricoles, nécessaires à notre autonomie alimentaire : nos départements ruraux aspirent à la maîtrise de leur territoire et à une gestion équilibrée. C'est à quoi ce texte pourvoit. Soyez-en remerciés. (Applaudissements)
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur de la commission des lois. - L'Assemblée nationale a respecté l'équilibre de ce texte que nous avions adopté à l'unanimité en première lecture ; elle l'a juste amélioré sur quelques points : sortir de l'indivision en cas de biens affectés à plusieurs communes, Alsace-Moselle et outre-mer.
Les sections de commune doivent vivre dès lors qu'elles fonctionnent bien et donnent satisfaction. Il s'agit d'aider celles qui sont vivantes à mieux vivre, en évitant les contentieux. Nous avons élagué le maquis des dispositions contradictoires, rappelé quelques principes de droit enfouis sous des usages illégaux. Ainsi avons-nous rappelé qu'une section de commune est une personne morale de droit public, ce qui fait de ses biens des biens publics dont le transfert à la commune n'a à être indemnisé que pour la perte de l'usufruit.
Nous avons précisé qui était membre de la section : « les habitants ayant leur domicile réel et fixe sur la commune », notion se substituant à celle d'électeur et d'ayant droits quand c'était possible. Notre critère était de considérer ce qui se rapprochait le plus de la collectivité paysanne originelle à la survie de laquelle les biens sectionaux étaient indispensable. Nous avons précisé à quelles conditions une commission syndicale peut être constituée et prévu que la décision de transfert revenait au préfet.
L'Assemblée nationale a amélioré le texte sans en modifier la logique. C'est le fruit d'un travail de concertation suivi avec le rapporteur de l'Assemblée nationale, que je remercie, et avec le Gouvernement. Puisse-t-il en être, sur de tels textes, plus souvent ainsi.
Notre commission des lois vous propose à l'unanimité de voter ce texte conforme. (Applaudissements)
M. Alain Richard . - Ce texte a suivi une progression satisfaisante. Il simplifie le régime applicable aux biens des sections ayant une existence réelle et permettra une nouvelle affectation des biens de celles qui sont tombées en déshérence. Saluons le travail de l'Assemblée nationale qui a réglé les questions liées à l'indivision, clarifié les règles de droit éventuel à indemnisation et consolidé le droit de propriété de la commune en cas de dévolution -sachant que ce sont surtout des charges qui sont attachées à ce droit, donc des responsabilités supplémentaires pour la commune. Sont concernées ici des questions touchant à la politique agricole : bois, pâturages, exploitations à faible intensité. Toutes les conséquences du texte, de ce point de vue, n'ont pas été explorées, et peut-être faudra-t-il y revenir.
Reste que si un vote conforme est ici demandé, c'est pour éviter un nouveau report de cette mesure de simplification alors que des problèmes sont en suspens. Nous pouvons nous réjouir d'avoir mené à bien ce dossier, dans le dialogue, selon une méthode typiquement sénatoriale dont nous pouvons être satisfaits. (Applaudissements à gauche)
Mme Cécile Cukierman . - Les sections de commune font parfois l'objet de débats passionnels. Le Sénat a fait sienne la proposition de loi de M. Mézard pour moderniser leur régime. Sur 27 000 sections de commune, 200 seulement sont dotées d'une commission syndicale, d'où l'intérêt de ce texte. Il n'est nullement question de supprimer les sections de commune mais de se pencher sur celles qui fonctionnent mal. Où les commissions syndicales fonctionnent, il n'y a pas de raison d'intervenir : le territoire y est entretenu et l'existence de la section de commune participe au maintien sur le territoire des hommes et des femmes indispensables dans des lieux souvent isolés, notamment en montagne. Il convenait de traiter l'ensemble des cas, en s'attachant plus particulièrement à ceux qui posent problème.
De fait, certaines sections de commune ont été dévoyées, les ayants droit transformant des biens collectifs en patrimoine privé. Les biens, souvent, sont laissés à l'abandon ; les espaces forestiers ne sont plus entretenus et deviennent enjeux de conflits de pouvoir entre des foyers, ou avec la commune, empêchant les maires de maîtriser l'aménagement de la commune.
Je regrette que l'on n'ait pas prévu un inventaire, comme le faisait pourtant le texte initial. Les arguments avancés en première lecture ne peuvent nous satisfaire. Les préfectures n'auraient pas les moyens de réaliser un tel état des lieux ? Il est vrai qu'après plusieurs années de RGPP, elles peinent, en particulier dans nos départements de montagne, à remplir leurs missions... On ne peut que le regretter. Les maires ont besoin d'être aidés pour appréhender la question.
Nous n'en voterons pas moins ce texte attendu, étant entendu que seul le préfet peut prendre la décision de transfert : la présence de l'État est seule garantie de l'équité dans nos territoires. (Applaudissements à gauche)
M. Pierre Jarlier . - Je remercie le groupe du RDSE et son président pour cette excellente initiative. Je me fais le porte-parole des élus d'Auvergne, dont la mobilisation a été forte, notamment dans le Cantal, pour faire évoluer ce régime ancestral, issu du droit féodal, qui peut freiner le développement des communes et susciter de lourds contentieux. Les évolutions législatives intervenues n'avaient pas prévenu l'émergence de contentieux, malgré la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Il fallait clarifier le dispositif, véritable casse-tête pour les maires et les juristes. Tel est l'objet de ce texte qui, largement amélioré en première lecture -notamment en ce qui concerne les conditions d'attribution des terres, conformément aux amendements que j'avais proposés-, nous revient enrichi des précisions de l'Assemblée nationale. Notre commission des lois nous invite à un vote conforme : nous adhérons à cette proposition.
Ce texte répond aux attentes des maires tout en préservant les droits des membres de la section. Il répond à la proposition de loi que j'avais naguère déposée, fruit d'un travail collectif mené en Auvergne. Je remercie nos collègues radicaux de s'en être largement inspirés. Ce fut une vraie coproduction, efficace, et je salue le travail de qualité mené par notre rapporteur, ainsi que par celui de l'Assemblée nationale, et par le Gouvernement, qui a aussi apporté sa pierre à l'édifice. Je n'oublie pas que Mme Escoffier était signataire du texte initial !
Le texte permet à la chambre d'agriculture d'émettre un avis sur l'attribution des biens agricoles. Les élus sont soulagés de voir ainsi inscrites dans la loi des dispositions facilitant la gestion des biens nationaux, qui concerne 3 000 communes. Il est temps de passer à la mise en pratique et d'adopter ce texte sans tarder. (Applaudissements)
Mme Hélène Lipietz . - Les biens sectionaux garantissent l'usage collectif aux habitants des lieux. Leur gestion est d'une complexité notoire. Ce régime particulier constitue une rupture d'égalité au sein d'une même collectivité, puisqu'il s'agit d'un espace commun privatisé. Ce texte fera disparaître les sections de commune qui ne fonctionnent pas, soit la majorité, car seules 200 commissions syndicales sont constituées.
L'article 4 decies répond à notre inquiétude face à la spéculation foncière. Nous vous proposerons de le renforcer. Il faut aussi veiller à une juste indemnisation des membres de la section. La notion de bien commun est chère aux écologistes : il faut retisser les liens qui devraient unir toutes les communautés humaines. Solidarité et partage sont ce dont nous avons besoin en ces temps difficiles. Les jardins partagés sont, dans les villes, un bel exemple. Une même logique pourrait s'appliquer aux canaux désaffectés du Briançonnais. Il faut renforcer le sentiment de confiance des citoyens dans la gestion des espaces publics en leur permettant d'y prendre leur part. C'est à une telle gestion de la respublica que nous appelons. (Applaudissements sur les bancs de la commission et sur quelques bancs socialistes)
M. Jean-Pierre Vial . - Je salue l'initiative de M. Mézard et le travail de M. Collombat. La récente jurisprudence du Conseil constitutionnel a clarifié la nature de la section de commune, en conjuguant que les habitants ne disposaient que d'un droit de jouissance. Ce texte vise à créer un nouveau dispositif de communautarisation des biens. Il facilite des transferts gratuits et assouplit la procédure de transfert. C'est une bonne chose. Il élargit les cas où les prérogatives de la commission syndicale sont exercées par le conseil municipal.
Il fallait, conformément à la décision du Conseil constitutionnel, donner un statut juridique clair à la section de commune et redéfinir la notion d'ayant droit ; ce texte y pourvoit. Il fallait, ensuite, élaborer une nouvelle architecture financière. Les habitants de la section ne sauraient se soustraire à leur devoir de solidarité. Le conseil municipal pourra intervenir sur le budget en cas de désaccord avec la commission syndicale.
Les sections de communes qui ont une véritable raison d'être pourront s'organiser et conserveront leur autonomie mais celles qui ne respectent pas l'intérêt général doivent disparaître. Le groupe UMP apportera son soutien à ce texte. (Applaudissements)
M. Jacques Mézard . - Voilà un bel exemple de simplification et de modernisation en matière de collectivités locales, qui illustre bien l'intérêt du lien entre mandat local et mandat national. (Sourires partagés) C'est bien la proximité avec le terrain qui a permis l'émergence de ce texte, qui doit faciliter la vie de notre collectivité.
En le déposant, notre groupe a voulu attirer l'attention sur les difficultés que rencontrent 3 000 communes dans une trentaine de départements principalement ruraux. Nous avons voulu faciliter la tâche des maires qui se heurtent, tout au long de leur mandat, à des difficultés considérables de gestion de ces sections de commune, au point que certains sont amenés à renoncer à se représenter.
Le législateur a utilement travaillé au service des élus locaux. Je salue le rôle qu'a joué Mme Escoffier, naguère cosignataire de ce texte : son obstination constructive nous a facilité la tâche. Merci à notre rapporteur, M. Collombat, et à celui de l'Assemblée nationale, M. Morel-A-L'Huissier, qui ont su travailler de concert pour aboutir à un texte équilibré. Merci aussi aux élus du Cantal, notre collègue Jarlier et M. Calmette qui a beaucoup oeuvré pour que ce texte soit examiné à l'Assemblée nationale.
Le régime morcelé des sections de commune était devenu illisible. Des « feux » qu'elles rassemblaient au départ, ces sections de commune se sont bien souvent transformées, par l'effet d'un accaparement, en simple propriétés privées.
Il fallait donc rationaliser ce régime. La décision du Conseil constitutionnel du 8 avril 2011 a changé la donne. Nous sommes partis du raisonnement du Conseil qui facilite les transferts des biens des sections de commune tombés en déshérence et autorise les transferts gratuits.
Le texte n'est sans doute pas parfait mais il aboutit à une réforme de simplification et de rationalisation, pour un fonctionnement apaisé des sections dynamiques et un transfert sans heurt des sections tombées en désuétude. Pas question de spolier les ayants droit ni de détourner les terres agricoles de leur affectation. Fruit du travail complémentaire des deux chambres, ce texte apporte de nombreuses simplifications -notamment en matière budgétaire- et des avancées importantes qui permettront de résoudre des problèmes parfois inextricables.
Les sections de commune sont peu connues mais elles ne doivent pas devenir un sujet de litige permanent, comme c'est aujourd'hui parfois le cas. Simplifions la vie de milliers de maires en adoptant ce texte à l'unanimité ! (Applaudissements)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
L'article premier bis est adopté, ainsi que les articles premier ter, premier quater et 2.
ARTICLE 2 BIS
M. le président. - Amendement n°2, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Dans le cas d'un allotissement, l'aliénation des biens de la section est assujettie à une révision du plan d'occupation des sols ou du plan local d'urbanisme ;
Mme Hélène Lipietz. - Il est défendu.
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. - Défavorable, la mort dans l'âme... Il s'agit ici d'urbanisation, ce n'est pas le sujet.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. - Cet amendement qui alourdirait le texte n'a de surcroît rien à voir avec lui.
L'amendement n°2 est retiré.
L'article 2 bis est adopté, ainsi que les articles 2 ter A, 2 ter, 2 quater, 2 quinquies, 3 et 4.
ARTICLE 4 BIS
M. le président. - Amendement n°3, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les anciens ayants droit de la section bénéficient d'un délai de préemption de deux mois à l'issue de la fin de la période d'affichage en mairie sur les biens dont ils peuvent prouver leur jouissance dans les cinq ans précédant l'aliénation.
Mme Hélène Lipietz. - Cet amendement rétabli le texte adopté en première lecture.
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. - L'Assemblée nationale a objecté que ce droit était trop imprécis : on risquerait de se retrouver face à des revendications concurrentes... Avis défavorable.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. - L'Assemblée nationale a bien compris l'intention du Sénat mais une large information des acteurs est une garantie suffisante. Retrait ?
L'amendement n°3 n'est pas adopté.
L'article 4 bis est adopté, ainsi que les articles 4 quater, 4 quinquies, 4 sexies, 4 octies et 4 nonies.
ARTICLE 4 DECIES
M. le président. - Amendement n°1, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.
Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La commission départementale d'orientation de l'agriculture définie à l'article R. 313-1 du code rural et de la pêche maritime est consultée sur l'attribution des baux ruraux et des conventions pluriannuelles d'exploitation agricole ou de pâturage. » ;
Mme Hélène Lipietz. - Cet amendement, comme le suivant, est d'appel. La commission départementale d'orientation de l'agriculture, rarement saisie, a vocation à être consultée pour l'élaboration des décrets d'application.
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. - Ce n'est pas notre objet cet après-midi : défavorable.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. - Le Gouvernement sera vigilant ; la CDOA sera consultée si nécessaire. Elle est d'ailleurs régulièrement saisie.
L'amendement n°1 est retiré, ainsi que l'amendement n°4.
M. Alain Richard. - Une petite malfaçon entache cet article, concernant la résiliation du bail rural. On a cru bon, et c'est judicieux, d'inscrire cet article à la fois dans le code rural et dans le code des collectivités. Or la procédure n'est pas la même : simple lettre recommandée dans un cas, décision du tribunal paritaire des baux ruraux dans l'autre. Il faudra mettre les deux articles en conformité.
M. Jacques Mézard. - Avec beaucoup d'humilité, car je n'ai pas la même expérience que M. Richard, je ne suis pas convaincu par son raisonnement. Je ne pense pas qu'il y ait une difficulté, quoi qu'en dise tel ou tel représentant d'associations d'exploitants.
L'article 4 decies est adopté.
L'article 4 duodecies demeure supprimé.
L'article 6 est adopté, ainsi que l'article 7.
L'ensemble de la proposition de loi est adopté.
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. - Je veux remercier le Gouvernement, le Sénat pour son vote et nos collègues pour leur travail. Nous avons fait avancer les choses. Sur l'inventaire des sections, le simple fait de définir qui est membre d'une section simplifiera bien les choses. Je me réjouis que le Sénat ait adopté ce texte à l'unanimité, toutes couleurs confondues. (Applaudissements)
M. le président. - Je salue la présence en tribune des membres d'un conseil municipal des jeunes du Haut-Rhin
La séance, suspendue à 15 h 50, reprend à 15 h 55.