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Table des matières
Démission et remplacement d'un sénateur
Engagement de procédure accélérée
Demande d'avis sur une nomination
Question prioritaire de constitutionnalité
Médecine du travail et collectivités territoriales
Giratoire des Couleurs à Valence
M. Jean-Louis Carrère, en remplacement de M. Bernard Piras
Clarification des compétences ferroviaires
Retour à la semaine de quatre jours et demi à l'école
Délai d'instruction des dossiers par le Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps)
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur
Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme
Dérives dans les cuisines des restaurants
Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé
Formation à la maïeutique à Saint-Étienne
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé
Compétences en matière de lutte contre l'insalubrité
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice
Protection sociale des détenus
Assurance chômage des Français ayant travaillé à l'étranger
Conventions internationales (Procédure simplifiée)
Débat préalable au Conseil européen
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes
Système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre
Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie
Mme Laurence Rossignol, rapporteure de la commission du développement durable
SÉANCE
du mardi 12 mars 2013
68e séance de la session ordinaire 2012-2013
présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président
Secrétaires : M. Marc Daunis, Mme Odette Herviaux.
La séance est ouverte à 9 h 35.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Démission et remplacement d'un sénateur
M. le président. - M. le président du Sénat a reçu de Mme Odette Duriez une lettre par laquelle elle se démettait de son mandat de sénatrice du Pas-de-Calais, à compter du jeudi 28 février à minuit. En application de l'article L.O. 320 du code électoral, elle a été remplacée par M. Hervé Poher, dont le mandat a commencé le vendredi 1er mars, à 0 heure. Au nom du Sénat tout entier, je lui souhaite la plus cordiale bienvenue.
Engagement de procédure accélérée
M. le président. - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen du projet de loi relatif à la sécurisation de l'emploi, et du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable, déposés sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 6 mars 2013.
Demande d'avis sur une nomination
M. le président. - M. le Premier ministre, par lettre en date du 6 mars 2013, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître, en application de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, l'avis de la commission compétente du Sénat sur le projet de nomination de M. Jean-Yves Le Gall comme président du conseil d'administration du Centre national d'études spatiales.
Dépôt de rapports
M. le président. - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, d'une part, en application de l'article 67 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012 ; et, d'autre part, le rapport 2011 sur les chiffres de la politique de l'immigration et de l'intégration, établi en application de l'article L. 111-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le premier a été transmis à la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois et, pour information, à la commission des finances, le second à la commission des lois.
Question prioritaire de constitutionnalité
M. le président. - M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 11 mars 2013, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, le Conseil d'État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 60 de la loi du 16 décembre 2010 (dispositifs temporaires d'achèvement et de rationalisation de l'intercommunalité).
Retrait de questions orales
M. le président. - La question orale de M. Thierry Foucaud est retirée de l'ordre du jour de la présente séance, à la demande de son auteur.
Par ailleurs, j'informe le Sénat que les questions orales : n° 340 de M. Ronan Kerdraon, n° 351 de Mme Leila Aïchi et nos 371 et 372 de M. Jacques Mézard sont retirées de la liste des questions orales, à la demande de leurs auteurs.
Commission (Candidature)
M. le président. - Le groupe socialiste et apparentés a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission des affaires sociales à la place laissée vacante par Mme Odette Duriez, démissionnaire. Cette candidature a été affichée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du Règlement.
Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle dix-sept questions orales.
Médecine du travail et collectivités territoriales
M. Jean-Pierre Chauveau . - Je souhaite attirer votre attention sur les appels de cotisations de la médecine du travail pour les collectivités territoriales. Le montant de ces cotisations est calculé en fonction de la masse salariale. Cela serait légitime si la visite médicale était annuelle. Or dans ma communauté de communes, 20 % des salariés sont examinés chaque année, un salarié est donc examiné en moyenne tous les cinq ans. Je ne remets pas en cause le principe de la médecine du travail, mais je m'interroge sur le mode de calcul des cotisations. Ces visites coûtent actuellement 500 euros par salarié. En outre, dans le cadre santé et travail, elles sont souvent réalisées par des infirmières spécialisées, non des médecins. Ne faudrait-il pas adapter ce mode de calcul en fonction du service rendu, dans un souci de pragmatisme et d'économie ? Un paiement à l'acte permettrait aux collectivités de diviser cette dépense par deux.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation . - Mme Lebranchu est retenue par l'ouverture des négociations syndicales dans la fonction publique. La médecine du travail préventive, organisée selon la loi de 1984 et le décret du 10 juin 1985, peut passer par un service de médecine interentreprises, le recours à des services associatifs - qui s'est beaucoup développé - et le versement des cotisations. On sait le manque cruel de médecins du travail. Or ils ont deux missions : la santé au travail et, pour un tiers de leur temps de travail, la médecine préventive. D'où la situation actuelle : 20 % des salariés seulement bénéficient de visites bisannuelles. Pour l'heure, nous tentons de remédier à cette situation, mais Mme Lebranchu n'a pas l'intention de modifier le système de versement des cotisations.
M. Jean-Pierre Chauveau. - Merci pour cette réponse. Il serait toutefois souhaitable d'adapter le montant des cotisations à la réalité du service rendu. Ce serait la logique dans cette période où l'on cherche à faire des économies.
Giratoire des Couleurs à Valence
M. Jean-Louis Carrère, en remplacement de M. Bernard Piras . - M. Piras, empêché de nous rejoindre par le mauvais temps, m'a chargé d'interroger le ministre des transports sur le giratoire des Couleurs à Valence. Constitué de sept branches, ce giratoire est saturé, avec des pointes à 8 000 voitures à l'heure. À l'origine, ce giratoire était prévu à plusieurs niveaux afin d'éviter le mélange des transits nationaux, locaux et de tourisme. La ministre de l'écologie a commandé une étude d'opportunité, remise en février 2011, qui propose des scénarios d'aménagement, estimés entre 20 et 30 millions d'euros. Quel est le calendrier ? Vous l'aurez compris, il y a de l'impatience localement.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation . - M. le ministre des transports est également retenu par des congères dans la région de la côte d'Opale. Après l'étude d'opportunité de février 2011, s'ouvrira la phase de concertation. Le financement de l'aménagement du giratoire des Couleurs n'était pas prévu dans le PDLI de 2009. L'année 2014 sera l'occasion de débattre de ce projet de modernisation et de l'inscrire au rang de priorité dans le prochain PDLI. La réflexion est confiée aux préfets de région. A priori, ce projet répond aux critères : sécurité, baisse de la congestion, désenclavement, amélioration de la desserte de certains territoires, qualité de vie. M. Cuvillier s'engage à reprendre les négociations pour apporter des solutions dans les meilleurs délais.
M. Jean-Louis Carrère. - Merci pour cette réponse que je transmettrai à M. Piras. Le délai de 2014 n'est pas très éloigné. Engageons d'emblée la concertation pour être prêts à temps : les usagers de ce giratoire sont impatients !
Clarification des compétences ferroviaires
M. Bruno Sido . - L'avant-projet de loi de décentralisation et de réforme de l'action publique, en son chapitre 9 dédié aux transports, prévoit de clarifier les compétences de l'État et des régions en matière de desserte ferroviaire. Les conséquences pourraient être dramatiques pour la ligne Paris-Belfort. D'après mes informations, les critères fixés pour les lignes d'intérêt national entraîneraient la suppression de onze trains par semaine, au départ de Chaumont. Cette perspective est inacceptable, alors que le conseil général de la Haute-Marne met tout en oeuvre pour moderniser un département durement touché par la crise depuis la fin des Trente glorieuses, avec son cortège de licenciements et de souffrances. À titre d'exemple, nous investissons 40 millions d'euros dans le haut débit. Que faire pour conserver à la Haute-Marne une politique d'aménagement du territoire digne de ce nom ?
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation . - L'avant-projet de loi, déposé jeudi dernier, a été entièrement repris et son chapitre 9 supprimé parce que le ministre des transports a voulu qu'un véhicule législatif spécifique soit dédié aux transports. La concertation sera longue, nourrie et approfondie. La partie traitant des transports a été largement édulcorée pour répondre à la préoccupation - partagée - d'aménagement du territoire.
Les trains d'équilibre du territoire (TET), lourdement déficitaires, sont une priorité du Gouvernement pour proposer une offre complémentaire du TGV. Une première tranche d'investissement de 400 millions dans les prochains mois a été annoncée par le ministre. Cela dit, il faut moderniser l'offre. L'imbrication des TET et des TER est toutefois un frein. Faut-il que l'État concurrence les régions ? Il a vocation à assurer les liaisons entre trois régions. En cas de transfert de charges, des compensations financières seront prévues. Vous le voyez, l'État prend à bras-le-corps le problème des trains du quotidien.
M. Bruno Sido. - Dois-je continuer à m'inquiéter ? Je demeurerai vigilant parce que la ligne Paris-Belfort reliant bien trois régions, la tranche de 400 millions de crédits devrait lui bénéficier. RFF a réalisé des investissements importants, mais le train que j'ai pris hier était mal chauffé et mal éclairé : on ne pouvait même pas y lire le journal ! Il faut rénover le matériel roulant.
La séance est suspendue quelques instants.
Retour à la semaine de quatre jours et demi à l'école
M. Rémy Pointereau . - Ma question s'adresse à M. Peillon : la réforme des rythmes scolaires, quoi qu'on en pense, pose quelques problèmes, non de fond, mais de forme. Fait-elle consensus ? Une enquête menée dans 300 écoles du Cher révèle un rejet du retour à la semaine de quatre jours et demi, tant par les enseignants que par les parents d'élèves.
Plus de 200 élus du Cher, réunis le 18 février dernier, ont demandé à l'unanimité le report de la réforme à la rentrée 2014. Nous avons tous le souci de l'intérêt des enfants, et cette opposition n'est pas politique. Mais les collectivités territoriales doivent avoir le temps de recruter des personnes qualifiées pour animer le temps périscolaire ; cela représente un coût estimé à 150 euros par enfant, sans compter la réorganisation du transport scolaire, pour un coût estimé entre 500 000 et 1,2 million d'euros supplémentaires dans le Cher. Une aide de 50 euros par enfant est promise, et de 40 euros supplémentaires pour les collectivités les plus en difficulté : comment seront-elles sélectionnées ? Comment sera financé le fonds d'aide aux collectivités territoriales de 250 millions ? Quelles solutions après 2014, alors que l'on annonce parallèlement une réduction des dotations aux collectivités territoriales de 4,5 milliards pour 2014 et 2015 ? Écoutez les élus et ne précipitez pas la réforme.
Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative . - Pourquoi cette réforme ? Sous Luc Chatel, la concertation avait abouti à un constat partagé : l'école française décroche dans les classements internationaux, notre système éducatif n'est plus performant, il faut revoir notre organisation.
Cette réforme est donc nécessaire pour redonner à nos enfants de bonnes conditions d'études. On peut discuter de ses modalités d'application. Des assouplissements sont prévus, un fonds d'amorçage de 250 millions a été mis sur pied avec une dotation de 50 euros par enfant, à laquelle s'ajoute 40 euros par enfant dans les communes les plus en difficulté, celles qui sont éligibles à la DSU et à la DSR. Les élus et les associations devront s'organiser avec les services du ministère. La manière de travailler, c'est vrai, est nouvelle mais la démocratie locale y gagnera.
Le bien-être de nos enfants vaut bien cet effort !
M. Rémy Pointereau. - Si la semaine de quatre jours et demi procurait du bien-être à l'enfant, cela se saurait puisqu'elle existait dans le passé ! Pourquoi cette précipitation ? La question du coût est aigüe : quel financement après 2014, étant donné le gel des dotations ? Compenserez-vous les conseils généraux à l'euro près ?
Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. - Le nombre d'heures durant lesquelles l'enfant sera à l'école restera strictement identique. Il s'agit d'une simple réorganisation. Au fond, cette réforme jette la lumière sur les disparités entre communes en termes d'offre périscolaire. Ce n'est toutefois pas du ressort de l'État. (Marques d'ironie à droite) Ce dernier prend sa part de responsabilité en respectant sa parole ; les collectivités territoriales le feront aussi, j'en suis persuadée, car elles sont convaincues qu'il y va de l'avenir de nos enfants.
La séance est suspendue quelques instants.
Délai d'instruction des dossiers par le Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps)
M. Philippe Dallier . - En 2011, la loi Loppsi II a créé le Cnaps, établissement public administratif, placé sous la tutelle du ministère de l'intérieur. Depuis le 1er janvier 2012, le Cnaps régule l'accès aux activités privées de sécurité. Dans le cadre de ce contrôle, il instruit deux types de dossiers : les demandes de formation et les demandes d'agrément à exercer la profession, nécessaires pour être recruté. Dans les deux cas, le centre délivre un numéro d'autorisation préalable dans le premier cas, et provisoire dans le second. En pratique, les délais d'instruction, très longs, voire la non-réponse de l'administration, pénalisent les candidats. Quelle est la durée moyenne de ces délais d'instruction ? Comment les réduire ?
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur . - Le Cnaps assure une triple mission ; de police administrative, disciplinaire et de conseil et d'assistance. Les délégations territoriales du Cnaps, qui assurent désormais l'instruction des dossiers en lieu et place des préfectures, sont en place depuis février 2012. La première année, elles ont rendu 83 408 décisions, qui ont abouti à 75 355 autorisations. Si les demandes ont augmenté au cours du dernier trimestre 2012, c'est à cause de l'effet dissuasif des 826 contrôles menés en 2012.
Dans 80 % des cas, le délai est de dix jours. Pour les 20 % restants, un délai plus long se justifie par la nécessité d'une enquête approfondie sur le passé judiciaire du demandeur. L'expertise acquise des agents du Cnaps produira ses effets dès 2013, ce qui accélérera le traitement des dossiers. Mon ministère y veille, soucieux de la moralisation et de la professionnalisation de ce secteur.
M. Philippe Dallier. - Les agences de sécurité privées, je ne sais s'il faut s'en féliciter, sont de grands pourvoyeurs d'emplois pour des jeunes non qualifiés, notamment dans mon département. On m'a fait part de difficultés dans des cas qui ne posaient pas problème a priori. Je compte sur les améliorations que vous annoncez pour 2013.
Défense contre l'incendie
M. Ambroise Dupont . - La réforme de la défense contre l'incendie, très attendue, a progressé avec l'adoption de la loi du 17 mai 2011. Hélas, il manque encore un décret d'application...
Certaines collectivités territoriales, dans l'incapacité d'amener un débit suffisant des réseaux d'eau potable, peinent à financer de coûteux réservoirs d'eau. La solution serait de les autoriser à ajuster les débits.
Malgré l'avis favorable de l'AMF et de la Commission consultative d'évaluation des normes en 2012, nous attendons toujours l'avis du Conseil d'État. À quand une entrée en vigueur de la réforme ?
M. Manuel Valls, ministre . - Vos préoccupations sont légitimes même si on parle plus aujourd'hui de la neige dans votre département que de l'eau ...
Le texte du décret a été déposé en avril 2012 devant le Conseil d'État sous l'ancienne législature ; il n'avait pas pu être examiné avant les élections.
À mon arrivée place Beauvau, j'ai engagé une nouvelle concertation auprès des ministères concernés - elle était nécessaire - qui s'achève.
Le décret, bientôt transmis au Conseil d'Etat, sera complété par un référentiel national, sous forme d'arrêté. Il s'agit de clarifier le rôle des différents intervenants, et notamment des EPCI. Les maires ruraux seront dégagés de toute responsabilité dans ce domaine.
La loi, comme le futur décret, sépare bien service de l'eau potable et défense contre l'incendie. Il existe des solutions techniques pour utiliser le réseau d'eau potable sans abaisser la sécurité. Des solutions pragmatiques seront mises en oeuvre grâce au partenariat entre tous les acteurs. Je souhaite que cette réforme entre en application au plus vite.
M. Ambroise Dupont. - Merci pour cet historique. Avec le développement de l'intercommunalité, les petites communes se trouvent bien démunies. On en est toujours au même point. À l'époque où les marronniers fleurissent, puissions-nous en finir avec celui-là !
Boulangers de France
M. Alain Gournac . - Le pain français doit être défendu et soutenu. L'appellation « boulanger » ne peut être utilisée que par les artisans qui assurent eux-mêmes le pétrissage de la pâte, sa fermentation et sa cuisson sur le lieu de vente final. Or une viennoiserie sur deux serait de fabrication industrielle... D'aucuns prônent l'utilisation du congelé. Ne faudrait-il pas une signalétique lisible pour le consommateur, qui saurait ce qu'il consomme ? Le Sénat a organisé la remise des prix du concours des meilleurs apprentis de France. Défendons cette grande profession de la boulangerie, le « produire français », par respect pour ces apprentis, leurs formidables maîtres d'apprentissage et leurs parents dont nous avons partagé la fierté !
Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme . - Oui, la boulangerie participe au rayonnement de notre pays. Elle représente 32 000 entreprises, 160 000 salariés ; 12 millions de clients poussent la porte d'une boulangerie pour y acheter leur pain frais chaque jour. Le pays est fier de cette spécificité, encadrée par la loi du 25 mai 1998. Le code de la consommation, qui réglemente l'utilisation de l'appellation de « boulanger», précise que les produits ne peuvent être surgelés ni congelés à aucun stade. L'infraction est passible d'une peine de prison de deux ans et d'une amende de 37 000 euros.
La profession travaille à un code des usages incitant à la fabrication « maison » et à l'information des clients. Le Gouvernement fait tout pour obtenir le respect de la législation et pour attirer des jeunes vers ces métiers passionnants. Le pacte pour l'artisanat, que j'ai présenté au mois de janvier, met notamment l'accent sur la formation, l'orientation, la promotion des savoir-faire. La fête du pain, la fête de la gastronomie sont autant d'occasions de valoriser ces métiers. Enfin, le statut de l'artisan est aussi au coeur de nos préoccupations. J'espère pouvoir compter sur le soutien du Sénat.
M. Alain Gournac. - Merci. Vous avez décrit un idéal. Mais le consommateur reste mal informé sur l'origine du pain qu'il achète en « boulangerie »... Artisanal ou industriel ? Gâteau frais ou congelé ? Sait-il ce que signifie le petit ours planté dans un gâteau ? Ne perdons pas notre tradition ancestrale du pain, célèbre dans le monde entier !
Dérives dans les cuisines des restaurants
M. Christian Cambon . - Même sujet, autre secteur... De plus en plus de consommateurs recherchent la transparence sur les produits qu'ils consomment. En ces temps de crise alimentaire, nous devons mettre en valeur la qualité des produits français. Le « repas gastronomique français » a d'ailleurs été classé au patrimoine mondial immatériel de l'Unesco en 2011.
Or de plus en plus de restaurants proposent des cuisines qui ne respectent pas ces valeurs. Trois modes de cuisine sont pratiqués : le réchauffage, l'assemblage et la cuisine maison.
Le réchauffage consiste à se contenter de décongeler des produits ou de réchauffer des conserves. La soupe de poisson servie sur les rivages de la Méditerranée ne provient pas toujours de la pêche du jour, loin de là ! Et je ne parle pas de la tarte des demoiselles Tatin, dont un industriel détiendrait le monopole sous sa forme congelée. Avec l'assemblage, on se permet de servir dans une même assiette des produits qui n'ont pas été cuisinés sur place ou très partiellement. Seule la « cuisine maison » respecte le savoir-faire de repas entièrement confectionnés sur place et basés sur des produits frais. Un même restaurant peut utiliser ces différentes catégories selon les plats. Faute de label, les consommateurs ne s'y retrouvent guère.
La profession d'Île-de-France se mobilise, avec la mention « des produits d'ici, cuisinés ici » : les choses sont claires. D'autres mentions existent dans d'autres régions... Ne faudrait-il pas créer un label national, comme il existe les étoiles pour les hôtels ? Que compte faire le Gouvernement pour valoriser la cuisine faite sur place, qui est souvent le fait de petits restaurateurs. (M. Alain Gournac approuve)
Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme . - Après un bilan du contrat d'avenir dans la restauration, nous avons décidé de définir une méthode de travail : un comité stratégique de la filière restauration sera bientôt mis en place pour traiter de toutes sortes de préoccupations avec les professionnels. Nous travaillerons notamment sur la qualité et la transformation des produits, mais aussi sur la modernisation sociale, la création d'emplois.
Certaines réponses ont déjà été apportées, comme le titre de maître-restaurateur, sur la base d'un cahier des charges strict. Ce titre n'a toutefois pas rencontré le succès escompté : 2 000 seulement. Il faudra y travailler en lien avec les organisations professionnelles, pour simplifier le cahier des charges et le rendre plus accessible aux petits restaurateurs. Il s'agit aussi de rassurer le consommateur, c'est un tout. À l'occasion de la fête de la gastronomie de septembre, les professionnels pourront expliquer aux consommateurs leur savoir-faire, leur excellence et leur passion.
M. Christian Cambon. - Le sujet est consensuel. Le Sénat est fier de porter haut les couleurs de la gastronomie française et des terroirs.
M. Jean-Claude Lenoir. - Comme au restaurant du Sénat !
M. Christian Cambon. - Tout le monde ne peut pas manger uniquement de la raclette, n'en déplaise au président Carle ! (Sourires) Trop souvent, les restaurateurs font de l'assemblage, au détriment de la fraîcheur des produits. Toutes les initiatives du Gouvernement pour promouvoir notre belle gastronomie auront notre soutien.
M. le président. - Merci pour cette défense de la raclette, mais n'oubliez pas la fondue ! (Sourires)
La séance est suspendue quelques instants.
Obésité
M. René Teulade . - « Personne n'est à l'abri d'une obésité morale : il est nécessaire de se faire transpirer l'âme », écrivait Guy Bedos il y a vingt ans. Aujourd'hui, je parlerai non des maux de l'âme, mais de ceux du corps. L'obésité corporelle progresse : 7 millions de Français seraient obèses selon l'enquête Obepi-Roche de 2012, 15 millions en surpoids, soit une hausse de 76 % depuis 1997. L'obésité a crû de 1,4 point chez les 18-24 ans en trois ans seulement. Les inégalités territoriales se sont creusées : quatre régions concentrent 40 % des obèses. L'obésité subit également le poids des inégalités de revenu. Outre son impact psychique, l'obésité augmente considérablement le risque de maladies cardiovasculaires, de diabète.
Il faut lutter massivement contre cette maladie, faire de la prévention et de l'éducation. Plus de dix ans après les premières mesures prises par l'industrie agroalimentaire, le compte n'y est toujours pas. Renforçons les contrôles sanitaires, l'information des consommateurs, l'encadrement du marketing en direction des plus jeunes. La Première dame américaine fait la promotion de l'éducation physique à l'école, preuve que des actions sont possibles. Que compte faire le Gouvernement ? Que prévoit la future loi de santé publique ?
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé . - L'obésité est devenue un enjeu majeur de santé publique. Derrière les données statistiques se cachent des réalités diverses : le surpoids est devenu un marqueur d'inégalité territoriale et sociale. Il y a dix fois plus d'enfants obèses chez les ouvriers que chez les cadres. Le Nord-Pas-de-Calais, la Picardie, la Champagne-Ardenne sont particulièrement frappés avec des prévalences respectives de 21,3 %, 20 % et de 21 %, quand la moyenne nationale est à 15 %.
Les actions ciblées ne suffisent plus, il faut des actions multiples et cohérentes dans divers milieux, la famille, l'école, le lieu de travail, sensibiliser à une bonne alimentation et au sport, en lien avec les collectivités territoriales. Nous avons engagé des mesures avec les médecins généralistes pour mieux repérer les enfants à risque. La réussite passe par une labellisation des actions des collectivités et des entreprises, avec des obligations de résultat.
La loi de santé publique répondra à ces problèmes en déclinant une politique qui va de la prévention au soin.
M. René Teulade. - Merci. Soyez assurée de notre engagement. Il faut mettre l'accent sur l'école. De nos jours, les enfants sont emmenés à l'école en voiture plutôt que de parcourir 500 mètres à pied !
Formation à la maïeutique à Saint-Étienne
M. Maurice Vincent . - La faculté de médecine de Saint-Étienne est la seule à être dépourvue de formation de maïeutique. Le projet d'ouverture d'une telle formation, engagé en 2006, répond à une situation de carence devenue critique. Il fait l'objet d'un partenariat entre le CHU, l'association des sages-femmes, l'agglomération et la région, mais se heurte à un numerus clausus de 96 places pour toute la région Rhône-Alpes. La région est prête à financer l'intégralité de la formation, soit 500 000 euros par an, dès lors que le numerus clausus serait élargi. Quelles sont les intentions du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé . - Ce projet suppose en effet que le numerus clausus soit élargi de quinze à vingt places. En Rhône-Alpes, il y a un fort taux de naissances ; 12,3 % dans la Loire, avec un taux de fécondité élevé. Douze pour cent des sages-femmes françaises exercent dans cette région. Soit 255 sages-femmes sur 2 256. La région Rhône-Alpes est donc l'une des mieux dotées de France. Douze places sont ouvertes en première année.
L'ouverture d'une formation à Saint-Étienne doit être étudiée en tenant compte de plusieurs critères et en redéployant le numerus clausus sans affecter Lyon et Bourg-en-Bresse. C'est la piste que nous étudions.
M. Maurice Vincent. - L'attractivité de Saint-Étienne s'exerce aussi vers l'Auvergne et les bassins de vie d'Yssingeaux et le Puy-en-Velay, ce qui n'est pas pris en compte dans les statistiques.
Votre réponse me laisse optimiste ; comptez sur ma motivation pour faire progresser le dossier.
Pharmacie à Régusse
M. Pierre-Yves Collombat . - La commune de Régusse, dans le Var, est la plus grande du canton de Taverne, lequel ne compte aucune pharmacie. Sa population ne cesse d'augmenter : plus 19,5 % sur trois ans, pour atteindre 2 067 habitants en 2011. À ce rythme, Régusse aura dépassé les 2 500 habitants en 2015, soit demain matin. L'été, la population triple. Or l'Agence régionale de santé (ARS) et le préfet du Var refusent le transfert d'une officine de pharmacie, appliquant sans nuance l'article L.51254-11 du code de la santé publique. Le Gouvernement envisage-t-il de donner un contenu autre que décoratif à l'article L.1411-11 du code de la santé publique, qui dispose que « l'accès aux soins de premier recours ainsi que la prise en charge continue des malades sont définis dans le respect des exigences de proximité, qui s'apprécient en termes de distance et de temps de parcours » ?
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé . - L'officine de pharmacie joue un rôle important dans l'accès aux soins, notamment en matière de conseil, qui va faire l'objet d'une rémunération. C'est un acteur à part entière de notre système de santé. Au reste, le réseau français des pharmacies est l'un des plus denses en Europe. Il n'y a pas de déserts officinaux dans notre pays.
Les règles d'implantation de nouvelles officines sont fixées par la loi. Dans les communes de moins de 2 500 habitants, l'ouverture d'une nouvelle pharmacie n'est autorisée qu'en cas de transfert ou de fermeture d'une pharmacie. Une autorisation d'ouverture à Régusse serait illégale et susceptible de recours contentieux. Si la population atteint 2 500 habitants, les choses changeront.
M. Pierre-Yves Collombat. - Votre réponse est pour le moins étonnante : vous dites que c'est possible en cas de transfert or il s'agit justement d'un transfert ! Le pharmacien qui est prêt à venir ne va pas attendre trois ou quatre ans. L'article L.5125-11 a été durci : auparavant, on prenait en compte toute la zone de chalandise et pas seulement la commune. Or c'est tout le canton de Régusse qui est démuni de pharmacie.
Je regrette cette nouvelle fin de non-recevoir que m'oppose ce gouvernement. Comme le dit la chanson, « à quoi bon, assurément, changer de gouvernement. » !
Compétences en matière de lutte contre l'insalubrité
M. Vincent Capo-Canellas . - Ma question concerne les compétences respectives du maire et du préfet en matière de lutte contre l'insalubrité. Les communes qui ne disposent pas d'un service communal d'hygiène et de santé ne peuvent assurer la « première visite » d'un logement suspecté d'insalubrité. Or certaines préfectures et Agences régionales de santé estiment que ce n'est pas à elles de le faire. Pour les communes de moins de 20 000 habitants, cela pose un vrai problème. Pourtant, les articles L.1331-26 et L.1331-28 du code de la santé publique prévoient que c'est aux services sanitaires et sociaux de l'État d'établir le rapport motivé sur l'insalubrité d'un immeuble. Le Conseil d'État a confirmé cette interprétation dans son arrêt de principe du 14 novembre 2011.
Pouvez-vous confirmer qu'il revient à l'État de prescrire les mesures de lutte contre l'insalubrité dans les communes de moins de 20 000 habitants ?
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé . - Il revient au maire de contrôler l'application du règlement sanitaire départemental, qui comporte les règles d'hygiène de l'habitat. C'est donc à lui d'intervenir pour constater une éventuelle infraction à cette réglementation et pour mettre en demeure la personne concernée de s'y conformer. Cela tient à ses pouvoirs généraux de police ainsi qu'à ses pouvoirs de contrôle administratif et technique des règles générales d'hygiène applicables aux habitations et à leurs abords.
En complément, les services de l'État sont tenus de mettre en oeuvre les procédures nécessaires pour mettre fin aux situations d'insalubrité présentant un danger sanitaire pour les occupants ou les voisins. La procédure est alors la suivante : l'ARS présente un rapport motivé puis le préfet prescrit les mesures proposées par la Commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques (Coderst) qui est saisie du dossier : travaux ou interdiction définitive d'habiter.
Le maire intervient quant à lui pour de simples infractions au règlement départemental ou de problèmes d'hygiène ; l'État intervient pour les situations plus graves d'insalubrité.
Quelle que soit la commune, il revient au préfet de prescrire les mesures propres à remédier à l'insalubrité d'un immeuble, Pour les communes de moins de 20 000 habitants ne disposant pas d'un SCHS, c'est l'agence régionale de santé qui établit le rapport constatant l'insalubrité.
S'agissant des plaintes ou des signalements reçus ne faisant pas mention d'insalubrité, les maires restent compétents pour intervenir et mener une visite du logement. Si une insalubrité est alors constatée, il revient aux maires de transmettre à l'agence régionale de santé ou au préfet le dossier qui relève alors de sa compétence.
L'enjeu est de caractériser la situation en amont, pour déterminer s'il s'agit d'un problème d'hygiène - qui relève de la municipalité - ou de salubrité - qui relève de l'État. Mon ministère élabore un formulaire pour faciliter cette évaluation.
M. Vincent Capo-Canellas. - La distinction que vous opérez suppose une première visite et, donc, un agent formé pour établir le diagnostic ; c'est un véritable problème dans les petites communes très touchées par l'insalubrité. Au Bourget, nous sommes confrontés à la rigueur et à la longueur des procédures. Trop souvent, les administrés sont renvoyés vers la mairie...
La séance est suspendue quelques instants.
Accès aux actes d'état civil
M. Richard Yung . - Ma question concerne les conditions d'accès aux actes d'état civil, en particulier les actes de naissance. Ce problème ne met pas en péril la République, certes, mais fait partie des tracasseries du quotidien.
Désormais, l'extrait d'acte de naissance peut être commandé en ligne mais il est envoyé non au domicile du demandeur mais à la mairie du lieu de résidence. Que de déplacements inutiles ! J'ai dû me rendre deux fois à la mairie du XIVe... Pourquoi avoir cessé d'envoyer ces actes par la poste ? Faisons simple et rapide pour les usagers !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice . - Mille excuses pour mon retard. C'est que le Sénat travaille plus vite qu'on a coutume de le dire ! (Sourires)
La démocratie ne doit pas se laisser rogner par la bureaucratie car, à chaque fois, le service public perd du crédit auprès des citoyens. Depuis le décret de 1962, l'extrait d'acte d'état civil peut être envoyé par la poste au domicile du demandeur. Si sa demande peut être dématérialisée, le document ne peut l'être car c'est le support papier qui vaut preuve. Pour éviter les usurpations d'identité, l'officier d'état civil procède aux vérifications nécessaires au moment où il instruit la demande. Rien ne justifie, donc, l'envoi du document à la mairie du lieu de résidence.
Une expérimentation a lieu en Seine-et-Marne sur la base du décret de février 2011, pour faciliter encore plus les choses : rendre possible que le demandeur du document, personne morale ou notaire, puisse aller vérifier directement par procédure dématérialisée. Elle devrait être généralisée en 2015.
M. Richard Yung. - Merci de cette réponse positive.
La séance est suspendue quelques instants.
Travailleurs low cost
M. Jacques-Bernard Magner . - La sous-traitance en cascade auprès d'entreprises étrangères pose de graves difficultés dans les secteurs du BTP et du transport routier. La directive 96/71/CE, qui encadre le détachement des travailleurs, est bafouée par des réseaux qui organisent la fourniture de main-d'oeuvre low cost aux entreprises françaises.
À Clermont-Ferrand, les salariés polonais et africains, travaillant sur le grand chantier du centre-ville, sont payés à la « tonne de ferraille ». Certains intérimaires n'ont pas été payés pendant trois mois. Ces pratiques, qui portent préjudice à l'ensemble du secteur du BTP, sont indignes du respect dû à l'être humain. Que compte faire le Gouvernement pour remédier à cet état de fait ?
M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage . - Veuillez excuser mon retard : mon TGV est resté bloqué plusieurs heures par la neige.
D'après la dernière étude de 2011, la France a accueilli 145 000 travailleurs détachés, une hausse historique. La directive du 16 décembre 1996 encadre ces pratiques. Ainsi, les règles françaises s'appliquent aux travailleurs détachés en matière de rémunération et de condition de travail. Des obligations, comme la déclaration préalable de détachement, incombent à l'employeur, ainsi qu'au donneur d'ordre dont la responsabilité solidaire peut être engagée. Le Gouvernement a présenté un plan national pluriannuel de lutte contre le travail illégal, adopté le 27 novembre ; regroupant tous les acteurs, il va du contrôle à la prévention. Il sera décliné dans chaque département et chaque région par le préfet, le secteur du BTP sera particulièrement surveillé. Il s'agit de lutter contre le travail dissimulé, la sous-traitance en cascade, l'emploi de sans-papiers.
Au-delà, il faut agir au niveau européen. Un avant-projet de directive encadrant mieux le détachement a été présenté en mars 2012. Le ministre Sapin est déterminé à le faire aboutir.
M. Jacques-Bernard Magner. - Les contrôles sont nécessaires pour plus de justice ; faisons droit aux entreprises vertueuses.
Direccte à Nancy et Metz
M. Daniel Reiner . - La Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) à Nancy est menacée de fermeture depuis septembre. Le 14 septembre 2012, une réunion interministérielle sur les restructurations des services de l'État avait validé le transfert de la Direccte de Nancy à Metz. L'actuelle organisation bipolaire de la Direction, fruit de l'histoire administrative de notre région, assure une bonne couverture géographique de notre territoire, en particulier des Vosges et de la Meuse qui connaissent une situation économique fragile.
Pouvez-vous confirmer le maintien de la Direccte à la fois à Metz et à Nancy ?
M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage . - Créée en février 2010, la Direccte regroupe d'anciennes directions régionales : DRTEFP, DDTEFPI, la partie des Drire compétente sur le développement économique, les anciennes DRCCRF du niveau régional, les anciennes DRCATIE. (Sourires)
Elle comprend une antenne centrale et une antenne locale. Pour des raisons historiques, l'unité centrale de la Direccte de Lorraine se trouve à cheval entre Metz et Nancy. Un scénario de regroupement, qui présentait bien des mérites, a été étudié, avec une implantation à proximité de l'ancienne gare impériale, donc dans des locaux appartenant à l'Etat. Le ministre Sapin, après une réflexion approfondie, a proposé au préfet que ce projet soit reporté pour tenir compte de la situation actuelle. Il n'est donc plus d'actualité.
M. Daniel Reiner. - Merci. J'ajoute que le regroupement sur un seul site ne serait pas forcément gage d'efficacité de l'action publique et d'économie. La réalité locale donne tort à cette idée qui peut jaillir dans un bureau parisien...
Protection sociale des détenus
Mme Aline Archimbaud . - Le travail réalisé en prison n'ouvre aucun droit à l'assurance chômage, ce qui compromet la réinsertion. Pour ce qui est de la retraite, la loi du 9 novembre 2010 prévoyait un rapport sur l'assimilation des périodes de travail en détention à des périodes de cotisations à part entière. La validation des semestres est problématique, les pensions généralement de quelques dizaines d'euros seulement.
Pour l'heure, seuls les détenus travaillant au service général peuvent valider leurs semestres de cotisations sur la base du temps de travail. L'alignement de tous les détenus sur ce régime serait un progrès, même s'il faut aller plus loin. Le Gouvernement compte-t-il ouvrir une réflexion sur l'accès des détenus à la protection sociale ?
M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage . - Depuis la loi de juin 1987, le travail n'est plus obligatoire en prison. Dans la mesure où il est librement décidé par le détenu, son travail en prison ne réunit pas les conditions, de sujétion par exemple, que comporte un contrat de travail. C'est pourquoi il n'ouvre pas droit à l'assurance chômage. En revanche, les détenus travaillant quelques heures à l'extérieur sont dans une situation de contrat de travail, avec les conséquences que cela suppose.
Pour l'assurance chômage, les anciens détenus peuvent percevoir l'allocation temporaire d'attente de 336 euros par mois. Pour l'assurance vieillesse, la piste que vous évoquez sera discutée lors du rendez-vous de 2013 sur les retraites.
Je vous invite en outre à regarder de près le contenu de l'avant-projet de loi de décentralisation de Mme Lebranchu, qui propose de généraliser les expérimentations menées en Aquitaine et dans les Pays de la Loire, confiant aux régions la formation professionnelle des détenus.
Mme Aline Archimbaud. - Merci de cette réponse. Plus fondamentalement, la question, éminemment républicaine, est : comment préparer la réinsertion en prison ?
Assurance chômage des Français ayant travaillé à l'étranger
Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Avec un taux de chômage historique de 27 %, nombre de jeunes pensent que leur avenir professionnel se trouve à l'étranger. Le plus souvent, ils partent avec un VIE ou un contrat local - leurs conditions de travail sont loin d'être mirobolantes...
Une sécurité minimale doit leur être accordée. Or la France exige une durée minimale de travail en France après la période travaillée à l'étranger pour prétendre à l'assurance chômage. Est-ce conforme au droit européen ? En outre, les périodes travaillées à l'étranger sont prises en compte seulement pour le calcul de la durée des droits à l'allocation chômage et non pour le calcul de son montant.
Informons mieux les candidats à l'expatriation et encourageons nos demandeurs d'emploi à tenter l'aventure à l'étranger !
M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage . - Des améliorations sont encore à apporter. Le traité de Rome, en son article 51, pose le principe de l'harmonisation du marché du travail au sein de l'Union européenne. Notre législation le respecte intégralement. En vertu des règlements n°s883/2004 et 987/2009, Pôle emploi calcule directement le montant de la cotisation en fonction des seules périodes de travail effectuées en France. La suppression du salaire d'équivalence, depuis 2010, a accéléré les délais de traitement des dossiers. Bref, il y a du mieux ; la sénatrice des Français à l'étranger que vous êtes aura à coeur de faire progresser encore notre dispositif.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - J'insiste pour une meilleure information sur les conditions de l'expatriation.
Commission (Nomination)
M. le président. - Le groupe socialiste et apparentés a présenté une candidature pour la commission des affaires sociales. Le délai prévu par l'article 8 du Règlement est expiré. La présidence n'ayant reçu aucune opposition, je proclame M. Hervé Poher, membre de la commission des affaires sociales, à la place laissée vacante par Mme Odette Duriez, démissionnaire de son mandat de sénatrice.
La séance est suspendue à midi vingt.
présidence de M. Jean-Pierre Bel
La séance reprend à 14 h 30.
Éloge funèbre de René Vestri
M. le président. - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent)
C'est avec une profonde tristesse que j'accomplis, pour la première fois, le pénible devoir qui incombe au président du Sénat de rendre hommage à un collègue disparu, René Vestri, sénateur des Alpes-Maritimes, qui nous a quittés le 6 février dernier.
Rien ne laissait présager le malaise cardiaque qui lui a été fatal. La veille encore, il avait participé aux travaux de la commission du développement durable consacrés à la présence médicale sur l'ensemble du territoire et à l'avenir de notre système énergétique, deux thèmes qui lui tenaient à coeur. Le jour même de son malaise, son retard très inhabituel à un petit-déjeuner de travail a donné l'alerte, trop tard hélas... C'est avec stupeur et émotion que nous avons appris sa brutale disparition.
Les obsèques de René Vestri ont été célébrées dans la simplicité le 9 février en l'église de Saint-Jean-Cap-Ferrat, commune dont il aura été le premier magistrat durant près de 30 ans, au milieu de ses proches et de très nombreux Saint-Jeannois. Nos collègues Marc Daunis, membre du Bureau du Sénat, et le président Jean-Claude Gaudin y assistaient. Cet adieu, au milieu des siens, sur cette terre qui lui était si chère, trouve son écho aujourd'hui dans notre hémicycle, en présence de sa famille rassemblée dans les tribunes.
René Vestri fut d'abord un homme de convictions et un élu local passionné. Il avait fait son entrée au Sénat en septembre 2008 pour représenter son département de naissance des Alpes-Maritimes. Cette élection couronnait une longue carrière d'élu local au service de son village, devenu l'un des lieux de villégiature les plus recherchés du littoral méditerranéen.
Issu d'une famille modeste, il aimait à rappeler que son père avait été maçon et sa mère ramassait des olives. Ayant commencé à travailler très tôt comme terrassier, il avait développé avec succès une entreprise de travaux publics et connu une incontestable réussite professionnelle grâce à sa détermination et à sa force de travail.
René Vestri avait parallèlement décidé de mettre son énergie et ses compétences au service de la collectivité. L'enracinement local, le sens des responsabilités et la force de ses convictions personnelles le conduisirent naturellement à s'engager dans la vie politique locale.
Dès 1983, il se présentait aux élections municipales à Saint-Jean-Cap-Ferrat. Il aura été le maire de l'une des plus belles communes de France, gardant toujours un contact étroit et chaleureux avec les Saint-Jeannois qui, sans interruption, lui ont renouvelé leur confiance durant trois décennies.
Son engagement politique et son ancrage local le conduisirent aussi à participer aux élections cantonales en 1985 pour y représenter le canton de Villefranche-sur-Mer. Il conserva ce mandat jusqu'en 2011 et exerça même, de 2004 à 2008, les fonctions de vice-président du conseil général, chargé de la façade maritime. Il fut également vice-président de la communauté urbaine Nice-Côte d'Azur de 2008 à 2011.
Même si la vie politique n'est pas toujours « un long fleuve tranquille », jamais elle n'entama la détermination de René Vestri qui se plaisait à rappeler que « tout ce qui ne tue pas rend plus fort ». En 2008, il brigue l'un des cinq sièges de sénateur des Alpes-Maritimes en présentant une liste dénommée Mer et Montagne 06, traduisant son intérêt pour les questions environnementales et d'aménagement du territoire. C'est sous cette bannière qu'il fit son entrée dans notre hémicycle, au sein du groupe UMP.
Il rejoignit d'abord la commission des affaires sociales, puis celle de l'économie en octobre 2010. Son attention pour les questions d'environnement et d'aménagement du territoire le conduisit à devenir membre de la nouvelle commission du développement durable, dès sa création en février 2012. René Vestri mit également son expérience d'élu local au service de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et participa aux travaux de la délégation à la prospective, ainsi qu'à ceux du groupe de travail « mer et littoral ».
Sa passion pour l'univers marin, et tout particulièrement, pour la Méditerranée, René Vestri la porta tout au long de sa carrière d'élu. Il milita pour la préservation de l'environnement en Méditerranée et pour la défense des espèces menacées. En 1989, s'indignant de l'indifférence dans laquelle certaines espèces animales étaient décimées, notamment les dauphins, il créa l'association SOS Grand Bleu ; dix ans plus tard, il eut la satisfaction de voir aboutir le projet Pelagos, tendant à créer un espace maritime protégé de plus de 87 500 km² au large de la Corse.
Au Sénat, René Vestri s'exprima en faveur de la ratification de conventions internationales de défense des espèces menacées telles que le thon rouge ou lors des débats sur la politique de gestion des ressources halieutiques. Lors des débats sur le Grenelle de l'environnement, il prôna une meilleure implication de nos concitoyens dans la lutte contre les pollutions marines.
Notre collègue ne méconnaissait pas pour autant les nécessités du développement économique de sa région. Il participa ainsi aux travaux de la mission sur la réforme portuaire, sans jamais perdre de vue la défense de l'environnement.
Toujours tourné vers l'avenir, René Vestri était aussi persuadé que l'éducation des jeunes est un vecteur indispensable à la préservation de l'environnement. Il s'impliqua dans la création d'une école départementale de la mer, qui permet chaque année à plus de 1 500 enfants des Alpes-Maritimes de découvrir leur environnement naturel proche et d'apprendre à le préserver.
Ses préoccupations en faveur de la préservation du domaine maritime l'avaient amené à devenir membre, en décembre 2011, du Conseil national de la mer et des littoraux.
René Vestri était soucieux de partager ses préoccupations dans les cadres les plus variés, comme les groupes d'amitié France-Italie ou France-Monaco. Mais son intérêt pour les affaires internationales allait bien au-delà de notre région méditerranéenne.
La disparition brutale de René Vestri nous a stupéfiés. Les sénatrices et les sénateurs perdent en sa personne un collègue chaleureux qui restera longtemps présent dans leurs mémoires.
L'heure est au recueillement. À ses collègues du groupe de l'UMP, éprouvés par sa disparition, aux membres de la commission du développement durable à laquelle il appartenait, j'adresse les sincères condoléances de la Haute assemblée.
À vous particulièrement, madame, à vos filles Olivia et Marjorie et à tous les vôtres, je renouvelle les sincères condoléances du Sénat et vous assure de ma profonde sympathie.
Je vous invite à partager un moment de recueillement à la mémoire de René Vestri.
(Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence)
M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - C'est avec tristesse que nous avons appris le décès subit de René Vestri à Paris, le 6 février dernier. Il avait participé la veille aux travaux de la commission du développement durable du Sénat.
Son élection au Sénat prolongeait la longue carrière d'élu local qu'il mena au sein de son célèbre village, Saint-Jean-Cap-Ferrat, et des Alpes-Maritimes. Il mit son expérience au service de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, au groupe de travail « mer et littoral » et aux groupes d'amitié France-Italie et France-Monaco.
Issu d'une famille modeste, gaulliste de toujours, la politique était sa vie. Il fut pendant près de 30 ans le maire passionné de l'une des plus belles communes de France, transformant Saint-Jean-Cap-Ferrat grâce à sa détermination et à son engagement obstiné. Il fut vingt ans conseiller général du canton de Villefranche-sur-Mer et, de 2008 à 2011, vice-président de la communauté urbaine Nice-Côte d'Azur. En 1989, il créa l'association SOS Grand bleu, reconnue d'utilité publique en 2005. L'aboutissement du projet Pélagos en 1999 avec la signature à Rome d'une convention internationale de protection des mammifères marins fut l'une de ses grandes fiertés - le premier texte juridique au monde créant une aire marine protégée dans les eaux internationales. « La Méditerranée », disait-il, « ne représente que 0,7 % de la surface des océans mais elle est un réservoir de biodiversité ». La France dispose du deuxième patrimoine maritime mondial, rappelait-il avec constance ; d'où le rôle majeur que devait jouer la France dans la préservation de cette richesse.
Homme affable et chaleureux, René Vestri avait le souci de transmettre ses passions : son école de la mer apprenait aux élèves que les mers et océans ne sont pas seulement de vastes étendues qui se perdent à l'horizon, mais aussi un monde fragile auquel nous devons 80 % de l'oxygène sur terre, et qu'il fallait se battre pour la préservation de cet environnement exceptionnel.
Je présente les sincères condoléances et la sympathie attristée du Gouvernement à son épouse, à ses enfants, à sa famille, aux habitants de Saint-Jean-Cap-Ferrat, au conseil municipal, à la commission du développement durable du Sénat, au groupe UMP et à tous les membres de la Haute assemblée.
M. le président. - Conformément à notre tradition, en signe d'hommage à René Vestri, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance, suspendue à 14 h 50, reprend à 15 h 10.
présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président
Rappel au Règlement
Mme Chantal Jouanno . - Notre groupe invoque l'article 37 du Règlement. Nous ne pouvons tolérer que notre République soit salie, marquée de honte, par les propos du ministre Lurel lors des obsèques d'Hugo Chavez. Propos injurieux à l'égard du peuple vénézuélien. La mort n'est jamais risible ; comment peut-on dire d'un mort : « il était tout mignon » ? Propos insultants aussi ; comment peut-on comparer Hugo Chavez à de Gaulle et à Léon Blum, dont la rigueur morale était sans faille ? Comment peut-on dire que le monde gagnerait à compter plus de dictateurs comme Hugo Chavez ? Est-ce à dire qu'il y aurait, aux yeux du Gouvernement, des dictateurs acceptables ? Faut-il rappeler l'amitié de M. Chavez avec le président iranien ? Ces propos, qu'ils soient à mettre sur le compte de l'incompétence, de l'aveuglement idéologique ou d'une incompréhensible légèreté, constituent une faute lourde, inexcusable dans la bouche d'un ministre de la République en déplacement officiel. Nous demandons un désaveu officiel. (« Très bien ! » et applaudissements au centre et à droite)
M. le président. - Acte vous est donné de ce rappel au Règlement.
Conventions internationales (Procédure simplifiée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle sept projets de loi autorisant la ratification ou l'approbation d'accords internationaux. Pour ces textes, la Conférence des présidents a retenu la procédure simplifiée.
Le projet de loi autorisant la ratification d'un accord de partenariat et de coopération établissant un partenariat entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et le Turkménistan, d'autre part, est adopté.
Le projet de loi autorisant la ratification du traité d'extradition entre la République française et la République argentine est adopté.
Le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République libanaise relatif à la mobilité des jeunes et des professionnels est adopté.
Le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Serbie relatif à la mobilité des jeunes est adopté.
Le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Monténégro relatif à la mobilité des jeunes est adopté.
Le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République d'Azerbaïdjan relatif à la création et aux conditions d'activités des centres culturels est adopté.
Le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération administrative entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Bulgarie relatif à la lutte contre l'emploi non déclaré et au respect du droit social en cas de circulation transfrontalière de travailleurs et de services est adopté.
Débat préalable au Conseil européen
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat préalable au Conseil européen des 14 et 15 mars 2013.
Orateurs inscrits
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. - Le Gouvernement aborde le prochain Conseil européen dans un contexte dominé par la crise, qui s'aggrave et s'enkyste même dans certains pays de l'Union. La récession fait son oeuvre destructrice, le chômage augmente partout en Europe. Le contexte de nos discussions, c'est aussi le semestre européen, encadré par le six-pack, le two-pack, et le traité budgétaire. Les européens sont confrontés à un double exercice : évaluer l'efficience de nos politiques économiques et assurer leur convergence pour accélérer la sortie de crise ; rendre compte de la façon dont nous réduisons nos déficits.
En juin, lorsque nous sommes arrivés en responsabilité, nous avions fixé trois objectifs : relancer la croissance au sein de l'Union européenne par des initiatives équilibrant les politiques de sérieux budgétaire, remettre en ordre le système financier et bancaire, créer les conditions d'un approfondissement de l'Union économique et monétaire ; le tout avec le souci constant d'un renforcement de la solidarité. Les institutions de l'Union européenne sont bien décidées à faire du Conseil européen à venir l'occasion d'un débat sur la pertinence des politiques économiques conduites dans l'Union et l'équilibre à trouver entre croissance, solidarité et sérieux budgétaire.
La question du pacte de croissance de 120 milliards d'euros sera à l'ordre du jour ; il faudra en évaluer les instruments et, lors du Conseil de juin prochain, les résultats concrets. Certains s'interrogent avec plus ou moins de bonne foi sur sa réalité. Il se répartit en trois enveloppes : 55 milliards d'euros de fonds structurels budgétés sur la période 2007-2013 et non dépensés, 60 milliards de prêts de la BEI rendus possibles par sa recapitalisation à hauteur de 10 milliards ; et une première phase de financement des obligations de projets à hauteur de 4,5 milliards d'euros. Sur la première enveloppe, la France peut mobiliser un plancher de 2,2 milliards ; à quoi s'ajoutent potentiellement 7 à 8 milliards si la mobilisation des territoires et des industriels permet d'optimiser le retour des prêts de la BEI. Avec les obligations de projet, la France peut espérer 11 milliards au titre du pacte, soit, avec l'effet de levier, un impact global de 24 milliards d'euros. On le voit, ce plan est tout sauf virtuel.
La deuxième enveloppe est celle du budget de l'Union européenne pour 2014-2020. Constamment rabotée, à la demande de Mme Merkel, M. Sarkozy, les Premiers ministres finlandais et néerlandais par une lettre de novembre 2010, l'enveloppe de crédits de paiement prévue pour 2007-2013 a diminué de 80 milliards. Si nous mobilisons la totalité du budget qui vient d'être adopté pour 2014-2020, les crédits seront supérieurs de 50 milliards à ce qu'ils étaient dans la période précédente. Les crédits alloués à la croissance augmenteront de 40 %. Concernant la politique de cohésion et la PAC, nous avons atteint tous nos objectifs. Et nous avons créé un fonds d'accompagnement des jeunes pour les régions où leur taux de chômage dépasse 25 %.
Troisième point, l'acte II du marché intérieur doit être l'occasion de multiplier les initiatives de croissance, l'harmonisation fiscale et sociale, l'instauration du principe du juste échange, de la réciprocité pour que le mieux-disant social et environnemental ne soit pas un handicap pour nos entreprises dans la mondialisation.
Le Conseil sera l'occasion de faire le point sur la remise en ordre de la finance. Depuis juin, nous avons créé les conditions de la mise en place d'une union bancaire. Un compromis a été trouvé avec les Allemands sur la supervision bancaire et la Commission, au sein de laquelle M. Barnier fait un excellent travail, élabore des textes de complément sur la résolution des crises et la garantie des dépôts.
Dès la mise en place de la supervision bancaire, le Mécanisme européen de stabilité (MES) pourra recapitaliser directement les banques. Le lien entre dette souveraine et dette bancaire sera rompu.
M. Philippe Marini. - Ce n'est pas pour demain !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Dans le même temps, nous avons acté que le MES et le Fonds européen de stabilité financière (FESF) pourront intervenir sur le marché secondaire des dettes souveraines, pare-feu contre la spéculation.
Herman Van Rompuy mène la réflexion sur l'approfondissement de l'Union économique et monétaire puis de l'intégration politique. Plusieurs options existent, à commencer par un approfondissement de la gouvernance de la zone euro qui se fasse sans menacer l'intégrité de l'Europe à 27. Dotée d'une capacité budgétaire, la zone euro pourrait faire face aux chocs de conjoncture.
M. Philippe Marini. - Financée par l'impôt...
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Autre sujet : la réflexion sur la mutualisation des dettes. Au terme du trilogue, un groupe de travail se penchera sur les conditions de la mise en place, à terme, des eurobonds. La majorité des membres du Parlement européen, toutes tendances confondues, estiment qu'une telle mutualisation est possible dès lors que les politiques budgétaires convergent.
Enfin, la question de l'Europe sociale est également à l'ordre du jour : reconnaissance des qualifications professionnelles, portabilité des droits sociaux, mise en place d'un salaire minimum européen...
Ce Conseil européen sera l'occasion pour la France d'indiquer comment elle entend respecter les objectifs de redressement qu'elle s'est assignée à elle-même. La croissance très faible ne permet pas d'atteindre notre objectif de réduction du déficit. Mais la Commission européenne, à l'instar de la Cour des comptes, reconnaît que les deux tiers de l'effort de réduction du déficit structurel sont dus à la politique qu'elle a menée.
M. Philippe Marini. - Tout va bien ! Réjouissons-nous !
M. Alain Richard. - Cela va mieux !
Mme Michèle André. - En tout cas, moins mal ! Faut-il rappeler l'héritage ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - En cinq ans, vous avez creusé de manière abyssale les déficits, vous avez doublé la dette.
M. Philippe Marini. - C'est facile, faites preuve d'un peu plus d'imagination !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - La situation que vous nous avez laissée est calamiteuse : point n'est besoin d'imagination, les chiffres sont là.
M. Philippe Marini. - Il n'y a plus qu'une réalité officielle !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Vous aimez les chiffres : regardez-les avec un peu d'honnêteté intellectuelle !
M. Philippe Marini. - Ceux qui ne sont pas de votre avis sont malhonnêtes, c'est bien connu !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Regardez la réalité en face ! (Applaudissements sur les bancs socialistes) J'attends avec impatience de vous entendre m'apporter la contradiction !
M. Philippe Marini. - Merci d'avance, monsieur le ministre.
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes . - Merci pour l'organisation de ce débat à un horaire convenable. Les récentes prévisions de la Commission européenne confirment la dégradation économique dans l'Union, et particulièrement dans la zone euro : contraction de la croissance de 0,3 % et chômage de 12,2 %. Cette situation nous impose d'adapter notre calendrier de réduction des déficits, même le FMI met en garde contre tout excès d'austérité sinon le malade mourra guéri. La France engage pour autant des réformes structurelles, avec la prochaine traduction législative de l'accord interprofessionnel, historique, sur l'emploi.
Après le pacte de croissance en juin 2012, nous avons obtenu lors du dernier Conseil un fonds de 6 milliards d'euros pour lutter contre le chômage des jeunes.
Le budget européen est, par définition, un exercice de solidarité. Cela s'est peu vu lors des dernières négociations... Le résultat des élections en Italie en dit long aussi sur le recul de la solidarité européenne. Pour sortir de cette situation, il faut doter le budget de ressources propres, plutôt que d'en rester aux contributions nationales. Les pays excédentaires doivent faire de la relance, les autres réduire leurs déficits ; c'est aussi cela la solidarité européenne.
La croissance doit être au coeur de nos préoccupations. Or le budget alloué à l'interconnexion - 30 milliards seulement - reste insuffisant. Que dire du fonds d'adaptation à la mondialisation et du fonds d'aide alimentaire ? Le président de la République français a dû batailler pour ses crédits... il faudrait aussi lancer des emprunts entre Etats membres. Ce serait un moyen d'exprimer une solidarité concrète afin d'éviter la désaffection des peuples. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Michèle André, en remplacement de M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances . - M. Marc, retenu dans son département par la neige, s'interroge : pourquoi n'y a-t-il pas plus d'intérêt pour l'Europe ? À nous de l'entretenir.
Pour l'heure, nous avons le semestre européen.
Les objectifs fixés à la France par la Commission européenne ne seront pas tenus : chercher à atteindre 3 % en 2013, sans aucune considération du contexte économique, nuirait à notre trajectoire à plus long terme. La Cour des comptes, d'ailleurs, ne nous demande pas d'effort supplémentaire. Entre 2010 et 2013, la France a tenu ses engagements, réduisant le déficit structurel de quatre points. Cela milite pour un report à 2014 de l'objectif de 3 %. D'autant que personne ne peut prévoir ce que sera la croissance en 2014. Le Gouvernement a mis en route des réformes structurelles, pour réduire le déficit et lancé la réflexion sur la réforme des retraites. Elles seules sécuriseront notre trajectoire de retour à l'équilibre. En parallèle, il a mis en place un pacte pour la croissance et l'emploi avec le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et l'accord interprofessionnel qui vient d'être conclu sera bientôt traduit dans la loi. Notre détermination à respecter les recommandations de juin 2012 est forte ; il s'agira d'en convaincre nos partenaires européens. Une croissance faible alimente le déficit, nous devons en sortir et obtenir le report de l'objectif des 3 % à 2014 ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)
M. Ronan Dantec . - J'évoquerai le deuxième item à l'agenda du Conseil : les relations extérieures de l'Europe. De fait, la situation n'est pas anodine quand le président Obama annonce des négociations sur un accord de libre échange entre les deux rives de l'Atlantique, qui concernera le tiers du commerce international et la moitié de la production économique. Ces négociations devraient débuter cet été, après le conseil de juin et le précédent avec le Canada fait craindre qu'elles ne brillent pas par leur transparence. Les droits de douane sont faibles : 3,5 % sur les importations européennes aux États-Unis et 5,2 % dans le sens inverse. S'ils étaient diminués, le budget européen en serait amoindri. Cela dit, cet accord pèserait surtout sur l'échange des données personnelles - notre modèle économique en la matière n'est pas celui de Google ou Facebook - mais aussi sur le volet alimentaire et sanitaire. Sur tous ces points, à commencer par le principe de précaution, nous avons des visions très différentes : ces négociations pourraient ouvrir la voie à l'importation d'OGM, de volailles traitées au chlore ou encore de porc massivement traité aux antibiotiques. Si les lobbies s'activent, les écologistes européens, eux, seront vigilants : nous ne voulons pas d'un accord au rabais, au détriment de la santé des consommateurs et de l'environnement. Il faut lier régulation économique et climatique ; le cycle de Copenhague en témoigne. Cette fois-ci, le calendrier de l'administration américaine, qui veut s'attaquer au réchauffement climatique, est cohérent ; saisissons cette chance. Les enjeux environnementaux doivent être intégrés dans le logiciel de ceux qui prônent le libre échange ; sans quoi, ils vivront bientôt dans un monde en souffrance, replié sur des identités nationales.
M. Philippe Marini . - Jamais la distance n'a été si grande entre le discours politique et la réalité vécue des sociétés.
M. Roland Courteau. - C'est vous qui le dites !
M. Philippe Marini. - Les élections italiennes en témoignent... Tenons compte des réalités, n'est-ce pas ?
Les institutions européennes parlent d'harmonisation financière et fiscale. Qu'en est-il en réalité ? Rien, puisque le refus de l'un des 27 suffit à empêcher tout progrès. Lorsque je l'ai interrogé sur le renflouement de Chypre, le ministre a utilisé le même langage ambigu, accusant le précédent gouvernement et le précédent président de la République... (On proteste sur les bancs socialistes) Au moins ce dernier avait-il dénoncé le dumping fiscal pratiqué par Chypre avec un impôt sur les sociétés à 10 %. Aujourd'hui, je n'entends pas la moindre condamnation... (Exclamations sur les bancs socialistes)
À quoi servira l'union bancaire ? Il n'y a aucun accord sur les conditions dans lesquelles le MES pourra prêter directement aux banques. Il faut redonner du sens à la construction européenne. Sans doute faut-il mieux utiliser l'article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) dans les parlements nationaux, afin de tirer parti des outils et des instruments du droit communautaire en particulier le two-pack. Encore faudrait-il que nous sachions quelles traductions nationales sont données au grand pacte de croissance européen... Mais, là encore, il y a ambiguïté : sur la compétitivité, la réforme du marché du travail, la fiscalité écologique, la TVA, le salaire minimum, il y a décalage entre le discours européen et le discours tenu au plan national...
Si notre pays abandonne l'objectif de 3 % en 2013, il doit rester crédible ; que répondra-t-on au Conseil quand le déficit de 2013 s'approchera de 4 % ? Continuerons-nous de maintenir nos objectifs pour 2014 dans une conjoncture dégradée ? Cela supposerait 20 à 40 milliards d'efforts supplémentaires, soit 1 à 2 % du PIB...
Voilà les questions qui se posent à l'heure où va se tenir ce Conseil européen de printemps. Pardonnez-moi de les avoir soulevées, monsieur le ministre ; je les sais désagréables...
M. Alain Richard. - Elles ne sont pas pertinentes !
M. Michel Billout . - La politique austéritaire voulue par l'Europe sème la crise en Espagne, en Italie, en Grèce... Le pacte de croissance n'a pas résisté longtemps aux dogmes libéraux.
Lors du prochain Conseil, il sera question de l'harmonisation des politiques économiques et budgétaires. Si l'on traduit la novlangue européenne, on discutera donc d'un accord sur plus de récession et d'austérité.
La crise ? Elle n'existe pas pour tout le monde. Quand on compte 200 milliardaires de plus cette année, que la fortune de Mme Bettencourt s'accroît encore, l'Europe, loin d'être un bouclier social, s'aligne sur le moins-disant social ! Il faut en finir avec cette politique et relancer la croissance en Europe en mettant l'accent sur la recherche, dans le respect des critères du développement durable et du progrès social.
Le budget pour 2014-2020 a été rejeté par la totalité des groupes du Parlement européen. Mme Pervenche Berès, présidente de la commission des affaires sociales du Parlement européen, n'en fait pas la même lecture que vous qui avez parlé d'un bon compromis : ce budget consacre les égoïsmes nationaux en réduisant d'un milliard les aides aux plus démunis, toujours plus nombreux. La Confédération européenne des syndicats, qui n'est pas la gauche de la gauche, réclame un volet social. Voilà quelle devrait être votre feuille de route. Les résultats des élections en Italie doivent vous faire réfléchir. Le chemin est certes difficile mais la France n'est jamais aussi grande que lorsqu'elle tient un discours de justice et d'égalité. (Applaudissements sur divers bancs à gauche)
Mme Catherine Morin-Desailly . - Je participe depuis peu aux travaux de la commission des affaires européennes et je me plais d'y entendre mes collègues formuler des propositions stimulantes. Je regrette d'autant plus que les débats préalables au Conseil européen ne soient malheureusement guère plus qu'un exercice tribunicien : les commentaires sont intéressants, mais dépourvus de tout poids...
Les élections italiennes et la déclaration de David Cameron sur l'organisation d'un référendum sur la sortie de la Grande-Bretagne de l'Union alimentent le populisme en Europe. Prenons-y garde, car les formations anti-européennes ont recueilli 30 % des suffrages lors des dernières élections.
Pourquoi nous refuser un vrai débat sur le budget européen, réclamé au Sénat comme à l'Assemblée nationale par notre groupe ?
Le « non » au traité constitutionnel du 29 mai 2005 constituait un signe avant-coureur du désamour pour l'Europe. Pour les jeunes qui n'ont pas connu la guerre, évoquer l'idéal de paix ou les pères fondateurs ne suffit plus ; ils attendent une Europe concrète. Resserrons les liens entre l'Europe et les citoyens. L'administration bruxelloise n'est plus adaptée, alors que ses pouvoirs en matière budgétaire et fiscale sont immenses : la Commission décide de tout sans être responsable de rien. Qu'elle corrige un chiffre de croissance et la loi de finances initiale votée par le Parlement est obsolète. Il faut associer les citoyens à la prise de décision politique, accroître le pouvoir de contrôle des parlements nationaux. Démocratie et subsidiarité renforcées sont des impératifs. Sautons le pas, donnons à l'Union des compétences fédérales en laissant aux États ce qui est de leur ressort. Nos entreprises souffrent de la concurrence déloyale entraînée par les normes bruxelloises, qui favorisent les entreprises étrangères - je pense notamment à Pétroplus. Je le dis en conscience, vous savez notre engagement européen sans faille. Plus que de la position du gouvernement français au Conseil européen, dites-nous comment vous comptez rétablir le lien de confiance entre l'Europe et les citoyens. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Jean-Claude Requier . - Le nouveau budget accuse une baisse de 35 milliards par rapport à la période précédente, et de 12 % par rapport à la proposition de M. Van Rompuy. Certes, le compromis était le moins mauvais et il fut difficile de l'arracher aux pays conservateurs qui voulaient des coupes partout. Si je me réjouis des retours préservés de la France, des fonds dégagés pour Erasmus et du fonds de 6 milliards pour lutter contre le chômage des jeunes...
M. Jean-Michel Baylet. - Très bien !
M. Jean-Claude Requier. - ... ce budget reste insuffisant. Son adoption par le Parlement européen sera difficile, vu la position des groupes parlementaires. La flexibilité entre les grandes rubriques et la création de ressources propres sont indispensables : à quand la taxation sur les transactions financières ? L'assouplissement de l'austérité que prônent désormais l'OCDE et le FMI qui ne juraient naguère que pour une discipline absolue est nécessaire si nous ne voulons pas que l'Europe se transforme en une maison de redressement budgétaire. (Sourires)
Monsieur le ministre, pouvez-vous confirmer que nos partenaires européens sont disposés à nous accorder un délai pour atteindre l'objectif de 3 % ? La Cour des comptes a souligné récemment la bonne volonté du Gouvernement.
Enfin, quand tous les indicateurs virent au rouge, l'Europe doit avoir pour projet politique la prospérité, l'innovation, l'emploi et surtout la croissance. Il ne suffit pas de sauver les banques. L'Europe a besoin de corps, de souffle et de coffre ; monsieur le ministre, faites-nous rêver ! (Applaudissements à gauche)
M. Alain Richard . - Je salue la décision du Gouvernement et de la Conférence des présidents et je remercie le ministre pour sa capacité de dialogue avec le Parlement et son goût évident de l'échange.
Je me placerai d'abord dans une perspective générale, c'est-à-dire européenne, même si certains ont essayé de nous ramener à la politique intérieure, sans succès. Nous approchons de la sortie de la crise financière. Le nouveau dispositif de mise au point du budget européen se rôde. La Commission européenne doit jouer pleinement son rôle en tenant compte des perspectives économiques - mieux vaut peut-être accumuler des déficits en certaines périodes - et dans un dialogue approfondi avec les parlements nationaux.
Le fait majoritaire doit, à un moment, reprendre ses droits : au Gouvernement de prendre ses responsabilités sur les options budgétaires, en établissant un climat de confiance entre les États et les institutions européennes. Mettre en cause les technocrates, comme fait Mme Morin-Desailly, c'est oublier que nous en sommes là parce que certains États ont falsifié leurs comptes. Comment expliciter devant l'opinion nos choix budgétaires ? La consolidation collective de la situation financière des Vingt-sept est en bonne voie ; la mutualisation de la dette marquera la vraie solidarité budgétaire, M. Sutour a raison de le dire.
La régulation bancaire partagée était indispensable pour prévenir de nouveaux dérapages. Toutes les formalités seront-elles en place d'ici la fin de l'année ? Cette sécurisation financière représente une étape importante pour l'Union européenne. Saluons ce progrès.
L'accord préliminaire sur le plafonnement des rémunérations dans le système bancaire a fait apparaître la position étonnante du Royaume-Uni - qui devrait s'interroger sur le rôle d'un système financier hypertrophié dans la longue récession économique qu'il a subie...
Mme Michèle André, en remplacement de M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. - Et qui ne finira pas de sitôt !
M. Alain Richard. - Si nous sommes sortis de la crise financière, reste la crise économique. Certains s'en sortent mieux que d'autres, mais la tendance générale est à la stagnation. Poursuivons le débat sur le rééquilibrage des finances publiques et sur le maintien d'une demande interne suffisante, premier moteur de la croissance. Nous avons fait une grande partie du travail d'assainissement budgétaire, la Commission européenne l'a reconnu ; attention toutefois à la stagnation. Pouvez-vous nous dire un mot des capacités d'investissement en France ?
L'enjeu est éminemment politique. La majorité de la Commission européenne et du Conseil européen est conservatrice, je le rappelle à l'orateur de l'UMP qui s'est exprimé ! Faisons vivre le pluralisme au sein de l'Union européenne, nouons des alliances. Le débat entre conservateurs et progressistes est légitime, nous aurons l'occasion de le poursuivre. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué . - Merci à tous les intervenants. Beaucoup d'interrogations tournent autour de la croissance et du risque récessif des politiques mises en oeuvre.
Le budget de l'Union européenne 2014-2020 s'inscrit dans un cadre institutionnel ; nous partions d'une discussion engagée bien avant notre arrivée au gouvernement, entre deux clubs, celui des contributeurs nets, dit club des radins, et le club de la cohésion. Au sein du premier, la France faisait partie des plus pingres. La lettre de novembre 2010, signée du président de la République français, du Premier ministre britannique et des Premiers ministres suédois et finlandais, préconisait que l'on coupât le budget de l'Union européenne 2007-2013 de 200 milliards d'euros !
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. - C'est vrai.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - S'il n'y avait pas eu cette lettre des conservateurs, ce budget n'aurait pas été à ce point raboté. Il y avait eu 986 milliards de crédits d'engagement et 940 milliards de crédits de paiement ; mais on n'en a dépensé que 860 milliards, soit 80 de moins que prévu ! D'où le déficit de 16 milliards d'euros, un déficit chronique selon le président du Parlement européen, M. Schulz. Voilà la situation que nous avons trouvée. Nous avons tout fait, dans la négociation, pour que l'on tourne le dos à cette stratégie funeste. Nous avons obtenu l'introduction de la flexibilité maximale, entre les années et entre les rubriques au point 109 des conclusions du Conseil, pour assurer la consommation complète des crédits de paiement. Si l'on totalise tous les crédits de paiement du budget, ce dernier comptera 50 milliards de plus que le budget précédent. Les crédits consacrés à la croissance augmentent de 40 %, de 90 à 140 milliards d'euros.
Pour faire rêver, il faut de grandes politiques comme Erasmus, le transfert de technologies, la transition énergétique. C'est pourquoi nous voulons un budget de l'Union européenne doté de ressources propres, pour rompre avec la logique de retour sur contribution.
Je suis en mesure de vous dire, région par région, programme par programme, comment le plan pour la croissance de 120 milliards est affecté en France : rénovation thermique en Champagne-Ardenne, port de Cherbourg, développement du solaire en Aquitaine, etc. On ne peut dire que le plan de 120 milliards ne serait pas mis en oeuvre !
M. Marini m'a interrogé à propos du montant de l'impôt sur les sociétés à Chypre. La question est à l'ordre du jour du dialogue en cours entre Chypre et la troïka. On peut regretter que le sujet n'ait pas été abordé au moment où l'on négociait avec l'Irlande, sans pour autant prétendre qu'il en irait de même au moment où c'est avec Chypre que l'on discute.
Le président de la commission des finances a prétendu qu'il n'y avait pas de calendrier précis de la mise en oeuvre de l'union bancaire. Si. L'union bancaire sera effective fin 2013. Le commissaire Michel Barnier pourra le confirmer, la recapitalisation des banques par le MES sera possible fin 2013. Enfin, M. Marini sait très bien que, dans le cadre du semestre européen, il est prévu que le Gouvernement rende compte au Parlement de sa trajectoire de retour à l'équilibre et des réformes qu'il engage. Nous sortons d'un compromis historique sur l'emploi, nous avons mis en place un pacte de compétitivité : nous voulons lutter contre le populisme, disons la vérité ! (Applaudissements à gauche)
Débat interactif et spontané
M. Jean Bizet . - Fin février, la Commission européenne a publié des prévisions de croissance très pessimistes. Nous ne pouvons que constater ce qui se dessinait dès l'automne dernier, que la France ne respectera pas son objectif de 3 % de déficit et que son endettement public continuera de progresser.
Après une très forte hausse de la fiscalité en 2012 et 2013, le Gouvernement va-t-il continuer sur cette voie ou s'engager sur des réformes structurelles et la baisse des dépenses publiques ? Alors que l'Italie et l'Espagne sont fragilisées, que la France sera le premier emprunteur de l'Union européenne en 2013, l'enjeu est stratégique. L'écart croissant entre les économies allemande et française fait courir un risque à la zone euro.
Quand reconnaîtrez-vous que la divergence croissante entre les économies allemande et française déstabilise le couple franco-allemand et fait courir grand risque à l'ensemble de la zone euro ? Votre projet européen est-il d'isoler l'Allemagne ? Que signifie la solidarité si l'on n'est pas capable d'y participer soi-même ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué . - Je comprends votre inquiétude, même si je regrette que vous ne l'ayez pas exprimée ces dix dernières années... La dette de la France a doublé entre 2002 et 2013 ; nos déficits se sont creusés au cours des dix dernières années, sous un autre gouvernement, d'une autre sensibilité politique. La France a décroché de l'Allemagne, pas au cours des neuf derniers mois, nos partenaires européens le savent bien.
Nous y répondons, depuis juin, avec un plan de 30 milliards pour le redressement des finances publiques, un plan de 20 milliards pour la compétitivité des entreprises, un compromis historique autour de la sécurisation des parcours professionnels. Pour les deux tiers, nos engagements ont été tenus, et ce depuis juin seulement. La Commission européenne et la Cour des comptes le reconnaissent. Nous allons poursuivre les réformes, le rétablissement des comptes.
Contrairement à ce que d'aucuns tentent de faire croire, la relation franco-allemande n'est pas d'autant plus forte que l'on tait ce que l'on pense. Nous considérons, nous, que chacun doit dire ce qu'il a à dire. La France et l'Allemagne sont capables de se parler franchement, et ainsi de parvenir à des compromis.
M. Roland Courteau. - Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Sur tous les sujets, nous avons trouvé un compromis : sur l'union bancaire, sur les mécanismes de solidarité, sur l'intervention de la BCE, sur le pacte de croissance. Lors du cinquantième anniversaire du Traité de l'Élysée, nous avons défini 70 actions concrètes. Qu'est-ce que ce serait si la relation franco-allemande n'était pas « détériorée » ! (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et RDSE)
M. Roland Ries . - Maire de Strasbourg, j'approuve totalement ces propos sur la relation franco-allemande.
Ma question porte sur le budget 2014-2020, qui doit à présent être approuvé par le Parlement européen. Or celui-ci est très réticent à l'adopter tel quel. Sous la houlette de Martin Schulz, les groupes parlementaires posent des conditions à l'adoption de cet accord : une clause de révision après les européennes de 2014 ; une flexibilité plus grande entre les lignes budgétaires et entre les années financières ; une réforme du système des ressources propres et la fin des rabais et autres chèques de compensation ; un règlement de la question du budget rectificatif pour 2013.
Le Gouvernement est-il disposé à tenir compte de ces quatre orientations du Parlement européen pour sortir de l'impasse politique actuelle ? Quelle est la position des autres gouvernements ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - La flexibilité maximale, nous y sommes favorables puisque nous l'avons fait inscrire au point n° 109 des conclusions du dernier Conseil européen... Idem pour la révision à mi-parcours. Les ressources propres sont l'objet d'un combat historique des progressistes et de ce gouvernement : c'est la condition d'un véritable budget européen.
La quatrième condition est plus délicate : le comblement des déficits passés dès cette année. Une discussion est en cours pour répondre à cette demande du Parlement européen. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes . - Auparavant, le Conseil des ministres tranchait. Désormais, le Parlement européen approuve le budget. Voilà une avancée démocratique importante du traité de Lisbonne.
Nous participons à ce débat à notre niveau : le 2 avril prochain se tiendra au Sénat une réunion des commissions des affaires européennes de l'Assemblée nationale et du Sénat avec des représentants du Parlement européen, dont M. Lamassoure, président de la commission du budget. Les parlements nationaux ont leur mot à dire dans ce processus.
Mme Colette Mélot . - Les prévisions de la Commission européenne confirment ce que nous craignions : vos hypothèses de croissance étaient optimistes au-delà du raisonnable. Vous avez réfléchi en termes de déficit structurel, sans tenir compte de la conjoncture. Quelles mesures allez-vous prendre pour accroître notre croissance potentielle ? C'est une urgence quand le CICE, qui n'est pas financé, accroîtra notre déficit.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Hypothèses excessivement optimistes ? La vôtre était de 1,7 % de croissance, nous l'avons ramenée à 0,8 %. Nous ajustons encore, en relation avec la Commission européenne. J'ai indiqué à M. Bizet les mesures que nous prenions.
M. Roland Courteau . - Le dispositif sur les droits d'implantation de vigne a trouvé une issue heureuse, mais des interrogations demeurent sur la durée du régime : que se passera-t-il après trois ans ? Le spectre de la libéralisation revient... Le nouveau dispositif d'encadrement des plantations doit être pérenne et entrer en application au 31 décembre 2018 sur l'ensemble du territoire de l'Union. Le Sénat a adopté, à l'unanimité, une résolution en ce sens ; le Gouvernement doit en faire une priorité.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Cette question inquiétait nos viticulteurs. Le Gouvernement a hérité d'une situation fâcheuse ; le groupe de travail mis en place a émis des propositions.
Le Gouvernement approuve ses deux orientations principales : le dispositif d'encadrement des vignes doit être généralisé après 2015 pour corriger les effets de la mesure initiale ; le dispositif doit être pérenne.
M. Roland Courteau. - Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - La négociation est en cours au niveau européen, M. Le Foll s'y consacre.
M. Aymeri de Montesquiou . - Le coût de la sortie du nucléaire est évalué par les Allemands à 1 000 milliards d'euros. Le président de la République a annoncé qu'il voulait réduire la part de notre nucléaire de 78 à 50 %, ce qui aurait donc un coût de 650 à 700 milliards, et réduirait l'avantage de nos entreprises lié au bas coût de l'énergie en France.
Le yen et le dollar sont sous-évalués. La revalorisation de l'euro a des conséquences négatives sur notre commerce extérieur ? Ne peut-on convaincre Mme Merkel que des investissements structurels seraient profitables à toute l'Union européenne, ou y a-t-il un blocage religieux sur la continuité de l'euro par rapport au Deutsche Mark ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Sur la transition énergétique, il faut être concurrentiel. La question du coût de l'énergie est centrale. Pourrons-nous avoir une politique énergétique européenne commune ? C'est le souhait du président de la République. Nous travaillons avec l'Allemagne sur ces sujets : la rénovation thermique des bâtiments, le développement des énergies renouvelables, avec la création de l'Office franco-allemand des énergies renouvelables, inauguré le 6 février dernier par Mme Batho et son homologue allemand ; les infrastructures de connexion énergétiques bénéficient de crédits communautaires de un milliard consacrés à l'interconnexion.
M. Jean-Paul Emorine . - La marge de manoeuvre du Gouvernement pour accroître les recettes est quasi inexistante, après l'augmentation des impôts - qui fragilise nos entreprises. Reste le levier de la dépense publique. À 46 %, notre taux de prélèvement obligatoire est l'un des plus élevés. Notre niveau de dépenses aussi : 56 %. Vivons-nous mieux que nos voisins pour autant ? Nous ne sortirons pas de la crise sans réduire les dépenses publiques. Vous avez supprimé la RGPP pour la remplacer par la MAP : un an de perdu ! Que compte faire le Gouvernement ? (Exclamations sur les bancs socialistes)
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Je suis ministre des affaires européennes, pas homme-orchestre. Quoique je n'aie aucune prétention à l'omniscience, je vais vous répondre.
La pression fiscale a augmenté, dites-vous. Mais la procédure du semestre européen fait que nous avons des traces écrites des intentions du précédent gouvernement : il comptait augmenter la pression fiscale de 15 milliards. Nous faisons un peu plus, mais dans un contexte de justice sociale.
M. Roland Courteau. - Voilà la différence !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Nous demandons des efforts à ceux qui avaient été très épargnés pendant la période précédente. S'y ajoutent 10 milliards d'économies supplémentaires. Le plan de compétitivité est financé, ne vous en déplaise ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. René Teulade . - En juillet dernier, le président Schulz évoquait le risque d'explosion sociale. M. Sapin constate que l'Europe sociale est en panne. Les origines de la crise sociale sont connues : le chômage de masse, l'horizon obscur qui se dresse devant la jeunesse entraînent une perte de confiance. Cette génération traumatisée risque de devenir une génération perdue... L'amoncellement des mesures d'austérité nourrit l'exaspération sociale. Il faut agir très rapidement, en direction des jeunes, comme l'a fait le Gouvernement, avec les emplois d'avenir ou les contrats de génération.
À cet égard, dans une communication du 20 février, la Commission européenne a rappelé la nécessité d'investir dans le « capital humain » dès le plus jeune âge.
Pour donner corps à une véritable Union sociale, la feuille de route Van Rompuy intègre-t-elle un volet social ? Quid de l'instauration d'un salaire minimum partout en Europe, tel que le préconisent les ministres du travail français et allemand ? Quid d'un pacte de progrès qui complèterait le pacte de croissance ? Que pensez-vous de l'idée d'un Eurogroupe bis à vocation sociale ? Le social est ce qui manque à l'Europe aujourd'hui, il faut redonner l'espoir aux citoyens pour les rapprocher du projet européen. (Applaudissements à gauche)
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Vous avez raison, l'union n'est pas seulement économique et budgétaire ; elle doit aussi être sociale. Conventions collectives, portabilité des droits sociaux, salaire minimum, y compris dans l'agriculture où on recourt parfois à des pratiques qui favorisent la délocalisation d'activités d'un État membre vers un autre, lutte contre le chômage des jeunes... Les choses bougent sur tous ces sujets, moins vite que nous le voulons mais plus vite que si nous n'étions pas là... Pour preuves, la convergence franco-allemande sur la garantie des droits sociaux, le fait que la question sociale figure désormais à l'agenda de M. Van Rompuy, la création d'un fonds de 6 milliards pour les jeunes chômeurs. Nous souhaitons que l'ambition de la France devienne celle de l'Europe tout entière. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. David Assouline . - Des notes salées nous ont été laissées par la droite. La presse titrait hier que les contentieux avec Bruxelles pourraient coûter 9 milliards d'euros à la France. Parmi les dossiers en cours, il y en a un que je connais bien, celui de la taxe sur les fournisseurs d'accès internet créée après la décision brutale de Nicolas Sarkozy de supprimer la publicité sur France Télévisions. La France pourrait être tenue de rembourser 1,3 milliard - nous avions alerté le gouvernement précédent, mais en vain. Et le Gouvernement devra trouver 300 millions chaque année pour préserver le service public de l'audiovisuel.
Quel éclairage pouvez-vous nous apporter sur ces contentieux ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. - Ils sont en cours, vous comprendrez que je me montre prudent. Toute déclaration hasardeuse pourrait être utilisée contre la France. OPCVM - la Cour de justice a tranché en mai 2012 - taxe Copé-Fillon sur les fournisseurs d'accès à internet - les conclusions de l'avocat général ne sont pas encore rendues - dossier du précompte mobilier : l'héritage, effectivement, est lourd, nous nous en serions bien passé. Nous nous employons à le solder dans les meilleures conditions. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
La séance est suspendue à 17 h 40.
présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président
La séance reprend à 21 h 35.
Système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi ratifiant l'ordonnance n°2012-827 du 28 juin 2012 relative au système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (période 2013-2020).
Discussion générale
Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie . - La détermination de la France à lutter contre le réchauffement climatique est sans faille. Ce phénomène est irréfutable, le rapport de la Banque mondiale de novembre l'a confirmé : il s'accélère avec une hausse de la température de quatre degrés à l'horizon 2060. La crise écologique s'ajoute à la crise économique : vagues de chaleur, tempêtes ont des conséquences extrêmes sur la vie humaine et sur l'économie. À Doha, j'ai mesuré le décalage entre l'urgence de la situation et la lenteur des négociations internationales. Depuis l'échec de la conférence de Copenhague, ces négociations stagnent.
L'Europe s'est engagée sur une deuxième période du protocole de Kyoto. Le système d'échanges des quotas de gaz à effet de serre est au coeur du dispositif. En donnant aux émissions de gaz à effet de serre une valeur économique, il stimule les projets à faible émission et aide à canaliser les économies en transition. Il couvre 12 000 installations industrielles, responsables de 40 % des émissions de gaz à effet de serre dans l'Union européenne.
Une troisième phase a été lancée avec la directive du 23 avril 2009 modifiant la directive de 2003. Le périmètre du système d'échange est étendu, à la chimie et à l'aluminium notamment. Les quotas gratuits seront réduits de 80 % en 2013 à 30 % en 2020 ; la production d'électricité n'en bénéficiera plus. Quelque 170 secteurs, exposés à un risque de délocalisation, continueront toutefois à en bénéficier. Ce nouveau système d'attribution par enchère financera le plan de rénovation thermique de l'habitat. La ratification de l'ordonnance du 28 juin 2012, transposant la directive de 2009, est donc nécessaire. Je salue le travail de votre rapporteur, qui a enrichi le texte en précisant, à l'article 229-8 du code de l'environnement la suppression totale des quotas gratuits en 2027 : le Gouvernement soutient son amendement.
Le système européen d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre est confronté à une crise sans précédent, conséquence de la crise économique - tous les secteurs ont bénéficié d'un quota supérieur à leurs besoins, faute d'activité. Cela a entraîné une baisse du cours du carbone. L'incertitude des négociations européennes et internationales pèse également : le prix de la tonne de CO2 a chuté, et ne joue plus le rôle de signal pour infléchir la décision. Le charbon a fait son retour en 2012 : en Allemagne : + 5 % ; au Royaume-Uni : + 9 % ; en France même, où la part du charbon, quoique modeste, dans la production d'électricité a augmenté de 35 %. Pour l'ensemble de l'Union européenne, la consommation de charbon a augmenté de 7 %. Ces tendances contredisent la croyance en une évolution mécanique de nos économies vers moins d'émissions. Elles s'inscrivent dans un mouvement mondial : le charbon risque fort d'être la première énergie mondiale d'ici dix ans, avant le pétrole, selon l'AIE. La proposition de la Commission européenne de geler 900 millions de quotas jusqu'en 2019 représente une réponse à court terme, une réforme structurelle du système sera indispensable. Fixons dès à présent des objectifs de long terme, au-delà de 2020. Le président de la République a proposé un objectif de réduction de 60 % des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050. Cela permettra de relever le prix du quota. Il faut aussi mieux réguler le marché carbone européen. La Commission a engagé une révision de la taxation de l'énergie pour y intégrer une composante carbone ; nous soutenons ces travaux. L'Union européenne devra faire preuve de patriotisme écologique : la part des émissions de gaz à effet de serre liée à la production intérieure baisse quand elle augmente dans les produits importés...
La France est candidate pour accueillir à Paris en 2015 la conférence sur le climat. La ratification de cette ordonnance est indispensable à la poursuite de nos efforts. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Laurence Rossignol, rapporteure de la commission du développement durable . - La ratification de l'ordonnance de transposition de la directive de 2009 nous laisse une marge de manoeuvre réduite, mais offre l'opportunité de nous pencher sur le fonctionnement du marché des quotas de CO2.
Par le protocole de Kyoto, l'Union européenne s'est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 8 % entre 1990 et 2012. De là le système d'échange de quotas mis en place par la directive du 13 octobre 2003. Chaque État détermine avec la Commission un niveau global de CO2, qu'il répartit ensuite sur son territoire. Jusqu'à présent, les quotas étaient attribués gratuitement, et pouvaient être rachetés à d'autres si besoin. Le système concerne aujourd'hui 11 000 installations en Europe, dont 10 % en France. Le marché secondaire a ses places d'échange, comme BlueNext à Paris ou ECX à Londres. À partir de 2013, les choses vont changer. La directive de 2009, issue du paquet énergie-climat de 2008, remanie le marché d'échange des quotas carbone et le fait évoluer vers des mécanismes harmonisés, gérés au niveau européen. L'objectif est désormais de réduire les émissions de 21 % en 2020 par rapport à 2005, soit 1,74 % par an. De nouveaux secteurs sont inclus, ainsi que de nouveaux gaz, dont le protoxyde d'azote. La directive met surtout un terme à l'allocation gratuite des quotas, sauf pour les activités exposées à un risque de « fuite de carbone », c'est-à-dire qui se délocaliseraient à cause du prix du carbone en Europe.
L'article 10 de la directive impose que la moitié au moins du produit des enchères soit affecté à des mesures de réduction des émissions. En France, il sera affecté à la rénovation thermique de l'habitat.
M. Roland Courteau. - Très bien.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - Les installations nucléaires de base sont intégrées au dispositif, tandis que les hôpitaux en sont exclus, même s'ils devront réduire leurs émissions.
Bref, l'ordonnance de 2012 transpose de façon rigoureuse la directive. Nous avons toutefois adopté un amendement pour préciser dans le texte l'échéance de suppression des quotas gratuits en 2027. L'enjeu ne réside plus dans la transposition. Le marché carbone fait face à des difficultés structurelles. De récents scandales, dont une fraude « carrousel » à la TVA portant sur 5 milliards d'euros interrogent sur la régulation de ce marché. La commission des finances du Sénat s'y est penchée à de nombreuses reprises. Il n'y a toujours pas de gendarme du marché européen du carbone. Le recul sur les compagnies aériennes illustre aussi les difficultés de ce marché : l'obligation de compenser 15 % de leurs émissions de 2012 a été suspendue, pour les vols intercontinentaux jusqu'à l'automne 2013.
Le cours du carbone s'est effondré : 5 euros la tonne, alors que le système n'est incitatif qu'à partir de 25 euros la tonne.
La Commission européenne a proposé le gel de 900 millions de quotas jusqu'en 2019 pour absorber l'excédent sur le marché. Cette proposition n'a toutefois pas encore été adoptée par le Parlement européen, encore moins par le Conseil. Or la Pologne a déjà fait savoir son opposition au gel des quotas.
Plus largement, il faut remettre à plat le système. Le président de la République a annoncé des objectifs ambitieux ; le système d'échange des quotas doit devenir un outil incitatif. Certains prônent sa suppression pure et simple.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Très bien !
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - D'autres pistes existent, mais les questions sont nombreuses et les échéances sont proches. La France est attendue en Europe pour porter de nouvelles ambitions face à la nouvelle donne climatique. Mme la ministre nous a rassurés : nous ferons tout pour être au rendez-vous ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean Bizet . - Avec ce projet de loi de ratification, nous mettrons en oeuvre la troisième phase du système d'échange de quotas de 2013 à 2020. Je m'en félicite : il fallait rattraper notre retard en matière de transposition, d'où l'habilitation à légiférer par ordonnance dans la loi du 5 janvier 2011. Quelles sont l'efficience et la portée de la législation communautaire ? Le bilan est mitigé... La situation actuelle du marché carbone pointe les limites du dispositif ; le prix de la tonne de carbone a chuté, du fait notamment d'une allocation initiale de quotas trop généreuse. Les avis divergent entre les commissions du Parlement européen sur la pertinence du gel des quotas. Comment être vertueux en matière d'environnement sans amputer la compétitivité de nos entreprises ? La Commission européenne prévoit d'ailleurs une dérogation pour les secteurs exposés à un risque de délocalisation. C'est bien notre talon d'Achille... Certains secteurs sont exclus, par principe, comme l'agriculture, mais l'inclusion du protoxyde d'azote frappera les producteurs d'engrais - donc, par ricochet, l'agriculture. Attention à ne pas renchérir le coût des intrants, alors que nos éleveurs sont déjà fragilisés. Il n'y a pas de prairies - ces puits de carbone - sans animaux, rappelons-le.
La récente affaire de la viande de cheval dans les surgelés souligne les difficultés de l'élevage bovin français, qui connaît un déficit de production de 50 à 60 millions de tonnes. Veillons à ne pas fragiliser une activité qui contribue pour 11 milliards d'euros à l'excédent de notre balance commerciale - une contribution précieuse par les temps qui courent.
Comment concilier protection de l'environnement et compétitivité économique ? Il faut avoir le sens de la mesure et cesser de vouloir en faire toujours plus que les autres. Soyons précurseurs sans être naïfs et ne pénalisons pas unilatéralement nos forces vives. Oui à l'écologie innovante, non à l'écologie punitive. Je voterai ce projet de loi avec la majorité de mon groupe, en attendant avec impatience le plan de rénovation thermique en zone rurale. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Évelyne Didier . - Vous le savez, notre groupe a toujours été opposé à l'instauration d'un marché carbone. Rendre économiquement rentables des comportements vertueux, cela ne marche pas. L'expérience a conduit 110 organisations de la société civile à demander son abandon pure et simple. Le marché, loin de répondre aux attentes, s'est révélé hautement spéculatif, d'autant qu'il n'est pas réservé aux industriels. Les premiers bénéficiaires ont été les plus gros pollueurs.
Mittal recevait 4 millions de tonnes de CO2 gratuites pour le seul site de Florange - même quand l'usine était à l'arrêt ! Le groupe a ainsi accumulé en Europe un bonus de 156 millions de quotas, soit un marché d'un milliard d'euros, alors même qu'il cassait l'outil de travail...
Extrêmement volatil, le cours du carbone s'est effondré. Le marché s'est révélé inefficace : les émissions des secteurs concernés diminuent moins vite que celles des secteurs ne relevant pas du système d'échange ! Enfin, la fraude est colossale - touchant dans certains pays jusqu'à 90 % de l'activité du marché carbone selon Europol.
Ce texte a le mérite de mettre fin aux quotas gratuits. Reste que 75 % de l'industrie manufacturière continuera d'en bénéficier ; les dérogations prévues, notamment pour l'Europe de l'Est, demeurent importantes. Surtout, il faut mieux encadrer ce marché. Le gel de 900 millions de quotas proposé par la Commission européenne est du bricolage, disent certains. Il faut avant tout une meilleure gouvernance. Sur le fond, la transition écologique et la réduction de l'empreinte carbone ne peuvent reposer sur un système financier. La marchandisation n'est pas la solution pour la préservation de notre planète.
L'urgence économique appelle des interventions de l'État en matière de recherche et d'infrastructures. Au lieu de libéraliser, il faut renforcer les services publics des transports, de l'eau et de l'énergie afin d'assurer la transition écologique, d'intérêt général. Le groupe CRC s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Marcel Deneux . - La position constante et unanime du groupe centriste est de récuser le recours aux ordonnances : nous nous y opposons systématiquement, aujourd'hui comme hier et quelle que soit la couleur politique du gouvernement. Notre marge de manoeuvre est plus réduite quand ce projet de loi transpose une directive de 2009.
Je souscris totalement aux objectifs de réduction de 20 % des émissions en 2020, en saluant au passage l'action de Chantal Jouanno dans ses fonctions présentes et passées. La directive propose d'aller plus loin : - 21 % en 2020. Pourquoi pas. Mais le plus important, ce sont les mécanismes mis en oeuvre pour y parvenir. Nous soutenons l'harmonisation et la gestion au niveau européen des quotas. La directive intègre de nouveaux secteurs et de nouveaux gaz : c'est une bonne chose. Attention toutefois à ne pas pénaliser des secteurs déjà fragiles, comme l'agriculture, ou des entreprises susceptibles de délocaliser pour pouvoir polluer. La fin des allocations gratuites de quotas va également dans le bon sens, d'autant que le marché a pâti à la fois d'une allocation trop généreuse de quotas et d'une baisse de l'activité économique. Le prix de la tonne s'établit à 5 euros, alors qu'il faudrait qu'il dépasse les 20 euros pour être incitatif.
Le plan de sauvetage proposé par la Commission européenne a été freiné par les divergences entre États ; le Parlement européen doit encore approuver le gel des quotas... Sur l'extension du marché à de nouveaux secteurs ou l'instauration d'un prix plancher, quel est votre avis, madame la ministre ? (Applaudissements au centre et à droite)
M. Raymond Vall . - Je commencerai mon intervention par une citation de Thomas Jefferson, troisième président des États-Unis : « Si l'un des liens de la chaîne de la nature est perdu, un autre se perd jusqu'au moment où tout disparaîtra, morceau après morceau ». Tout était dit. Notre biosphère forme en effet un tout. Tout ce qui vit est lié : si l'on en détériore un élément, c'est l'homme lui-même qui est menacé. Le réchauffement climatique est un enjeu vital. La biodiversité est une exigence. Or nous ne savons pas prendre en compte l'urgence environnementale dans nos décisions, nous continuons de piller les richesses de la planète. Qu'allons-nous laisser à nos enfants ?
Quand parviendrons-nous à mettre en place des politiques plus efficaces, à réguler nos activités ? À quand une véritable taxe carbone ? À quand une transformation de nos modes de production ? L'Union européenne doit être moteur, la France à l'avant-garde de ce combat, d'autant qu'elle souhaite accueillir, en 2015, la prochaine Conférence sur le climat. Cette échéance doit nous inciter à changer de système.
Dans ce contexte, la mise aux enchères des quotas d'émission dégagera des moyens pour lutter contre ces pollutions.
La prise en compte des industries les plus exposées au risque de délocalisation et l'exclusion de l'agriculture, même si elles sont en retrait sur la directive, se justifient. Je regrette l'entorse pour le transport aérien.
Malgré les lacunes, de nombreuses initiatives locales méritent d'être encouragées. Ainsi, l'entreprise Ecocert offre aux entreprises le moyen d'évaluer leurs émissions et de mener des actions de solidarité envers les pays du sud pour éviter la diffusion de notre modèle de croissance énergivore. Mon groupe votera ce texte. Je veux vous faire part d'un rêve : voir ratifiée la Déclaration universelle d'interdépendance de 1992, qui affirme que notre communauté de destin sur terre appelle à la proclamation du principe de l'intersolidarité planétaire. (Applaudissements à gauche)
M. Ronan Dantec . - Le sujet, technique, ne passionne guère les foules. L'enjeu de ce texte est moins de lutter contre le réchauffement climatique que de sauver le système d'échanges des quotas de CO2. Nous soutenons le gel de 900 millions de quotas à condition de relever l'objectif de réduction des émissions de 30 % d'ici 2020. Le président de la République, au reste, a annoncé des chiffres ambitieux ; la Commission européenne vient aussi de publier un texte d'orientation en ce sens. Nous ne doutons pas que la France pèsera de tout son poids dans les discussions avec ses partenaires européens. Un retrait des quotas excédentaires sur le long terme et le relèvement du plafond linéaire de réduction, également, amélioreront l'efficacité du marché en relevant le prix du carbone.
L'outil doit être sauvé, car nous ne pouvons nous priver du seul outil de régulation existant. Cessons de saucissonner le débat. J'évoquais cet après-midi la perspective de l'accord entre l'Union européenne et les États-Unis. Lions économie et environnement si nous ne voulons pas réitérer l'échec de la conférence de Copenhague.
J'entends les critiques à l'encontre du marché carbone. Cela dit, ne lâchons pas la proie pour l'ombre : les grandes associations environnementales défendent une amélioration du marché carbone, non sa suppression. Ce qui manque aujourd'hui, c'est la régulation et la nécessaire solidarité avec les pays du sud. Pour avoir négocié à Cancun, je peux témoigner de l'attenTe - et de la déception - de ces derniers.
La moitié du produit des enchères doit être réinvestie dans la lutte contre le réchauffement climatique, nous y gagnerons donc.
Si polémique il doit y avoir, c'est sur la sous-estimation du réchauffement climatique. Il n'est jamais trop tard, soyons au rendez-vous de Paris 2015 ! (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Jacques Filleul . - L'enjeu climatique est une question politique majeure. Avec la directive de 2009, nous entrons dans la troisième phase du marché carbone, l'un des principaux instruments européens de lutte contre le réchauffement climatique.
Le texte ratifie l'ordonnance du 28 juin 2012 pour la période 2013-2020. Le paquet énergie-climat de 2008 avait fixé deux priorités : moins 20 % d'émissions de gaz à effet de serre et plus 20 % d'efficacité énergétique.
Le marché d'échange des quotas aurait pu bien fonctionner s'il n'avait pas été exposé à la crise de 2008. Lors de la conférence environnementale de septembre dernier, la France s'est engagée à financer son plan de rénovation thermique avec le produit des enchères ; nous nous en réjouissons.
Cela dit, entre un prix trop bas du carbone et la crise économique, la directive de 2009 ne suffira pas à relancer un marché défaillant, d'autant que l'on a constaté trop de pratiques frauduleuses. Cela appelle à une réforme de fond. La Commission européenne y est-elle prête ? La crise ne favorise guère les négociations. Le gel de 900 millions de quotas ne sera sans doute pas approuvé par le Parlement européen. Il nous faut donc aller plus loin pour faire de ce marché un outil incitatif vers une économie sobre et pauvre en carbone.
Le groupe socialiste, bien entendu, votera ce texte. Nous comptons sur le Gouvernement pour défendre l'économie verte auprès de la Commission européenne. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Fabienne Keller . - Le système d'échange des quotas, cela a été dit, représente le principal instrument de l'Europe pour respecter ses engagements pris dans le protocole de Kyoto.
La commission des finances du Sénat s'intéresse de longue date à ce sujet : j'ai écrit un rapport sur le prix du carbone en 2009, M. Marini, alors rapporteur général, avait introduit les premières mesures de régulation dans une loi de novembre 2010 ; Mme Bricq, et M. Marc aujourd'hui, ont suivi de près ce thème, qui n'est pas l'apanage d'un groupe politique.
Ce marché partait d'une bonne idée : donner un prix à une nuisance pour la limiter. C'était un moyen efficace pour éviter de pénaliser la compétitivité industrielle. La contribution carbone, voulue par le précédent président de la République, Mmes Jouanno et Nathalie Kosciusko-Morizet, visait le secteur diffus : les petites entreprises, l'administration. Elle avait été votée dans la loi de finances pour 2010 - avant d'être censurée par le Conseil constitutionnel, à la demande du groupe socialiste...
M. Alain Néri. - Et la dette ? Vous avez la mémoire sélective !
Mme Fabienne Keller. - Non, carbonée. (Sourires)
M. Alain Le Vern. - Carbonisée, plutôt !
Mme Fabienne Keller. - Allons !
Voilà pour l'historique. On parle aujourd'hui du diesel, tant mieux. Mais revenons aux quotas carbone. L'octroi de quotas à titre onéreux à des industriels va dans le bon sens - je rappelle que nous demandions une seule place pour les adjudications afin de préserver l'efficacité du système. Nous voterons donc ce projet de loi, mais en gardant les yeux ouverts sur les vols de quotas dans les registres et les fraudes à la TVA. Petit moment de tristesse, BlueNext a disparu... La France ne compte plus guère dans la finance carbone.
Autre difficulté, la chute du cours du carbone : il était à 17 euros la tonne en 2010 ; il n'est plus qu'à 4,03 euros hier soir, alors qu'on espérait le voir atteindre les 100 euros en 2020. Cela affecte l'idée selon laquelle le carbone représente un coût dans l'esprit de nos concitoyens. Il faut agir sur le plafonnement des émissions - la fixation d'un prix minimal ne fonctionnera pas.
Autre problème, l'attitude des autres pays : beaucoup ne veulent pas freiner leur croissance. Il faut intégrer le signal prix dans les biens fabriqués dans des pays plus laxistes. Un mécanisme d'inclusion au carbone aux frontières, tel que le propose la commission des finances, serait OMC-compatible.
Je souhaite être optimiste malgré tout. Madame la ministre, avez-vous la volonté de travailler sur une vraie taxe carbone, pour que ce système marche sur ses deux pieds ?
Le carbone a un coût pour la planète, qui doit se refléter dans le prix. Malgré ses défauts, le système d'échange des quotas présente bien des avantages. Amendons-le plutôt que de le supprimer. Nous avons besoin de plus d'Europe, de mieux d'Europe, pragmatique plutôt que technocratique. Qu'elle régule - via un comité de gestion - ce marché et se fasse entendre dans le monde face aux pollueurs, à commencer par l'aviation civile. La France doit être ferme et porter haut sa voix dans le monde ! (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs écologistes)
M. François Marc . - Ce texte arrive à un moment paradoxal de l'histoire du marché des quotas : l'année 2013 aurait dû parachever l'édifice. Avec la mise aux enchères de quotas, l'Europe serait devenue leader mondial en matière d'économie verte. Où en sommes-nous ? Le paysage est dévasté et le marché ne sait plus où il va... Les fraudes et les attaques ont miné la crédibilité du marché carbone. Le cours du carbone est totalement déprimé. Nous espérions collecter plus d'un milliard d'euros par, an ; la recette sera au mieux de 400 millions, alors que l'Anah tablait sur 590 millions d'euros...
La capacité de l'Europe à lutter contre le réchauffement climatique est en cause. Certes, le Parlement ne bouleversera pas ce texte - inutile d'ajouter aux difficultés actuelles de ce marché.
On évoque un prix plancher pour les enchères ou encore un gel en attendant un hypothétique avenir meilleur... Cela ressemble à un grand sauve-qui-peut.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Absolument !
M. François Marc. - Le vice vient du mécanisme de l'allocation initiale : les quantités ont été allouées avant la crise et sont totalement décalées. En cette période de gros temps, ne faut-il pas revoir la méthode et prévoir des modulations en fonction de la croissance réelle de chaque pays ? On conserverait ainsi la contrainte carbone. Un pays comme la Pologne, opposé à l'approche rigide de la toise identique pour tous, pourrait être favorable à un tel système.
Si ce gouvernement n'est nullement responsable de cette crise, il doit porter une parole forte au sein de l'Union européenne. Nous comptons sur sa détermination pour garder le cap ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Alain Le Vern . - L'action politique doit apporter une réponse aux défis de notre planète de manière globale. Nous avons besoin de plus d'Europe, et de mieux d'Europe.
M. Roland Courteau. - Très bien !
M. Alain Le Vern. - Depuis plusieurs mois, la ministre s'y emploie, comme lors de sa visite vespérale en Normandie ou en organisant le débat sur la transition énergétique.
Un dispositif vertueux améliorerait aussi nos chances d'atteindre nos objectifs en matière d'énergies renouvelables puisque la directive prévoit que les recettes des enchères doivent financer, pour moitié, des investissements dans la lutte contre le réchauffement climatique. Ce n'est pas négligeable à l'heure où nous cherchons des crédits pour l'innovation et la recherche, par exemple sur les éoliennes flottantes et l'éolien offshore sur les côtes haut-normandes.
Recourir au charbon et au lignite, comme le font certains pays donnés en exemple, alimente les émissions du gaz à effet de serre. ?uvrons plutôt pour développer les énergies renouvelables. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Delphine Batho, ministre . - Madame Rossignol, trois pays ont pris position contre le gel des quotas : la Pologne, Chypre et la Grèce. Onze se sont prononcés pour. L'Allemagne n'a pas encore pris position. La décision se prenant à la majorité qualifiée, les négociations sont en cours, et peuvent très bien aboutir. Faut-il renégocier la directive de 2009 ? Le risque serait de détricoter le seul instrument européen existant. Réformons-le plutôt pour le sauver.
Merci à M. Bizet de son soutien. Concernant les intrants, qu'il s'agit aussi de diminuer, on pense à remplacer l'azote minéral par de l'azote organique.
Mme Didier a rouvert un débat historiquement légitime : fallait-il marchandiser le carbone ? Cela dit, un abandon constituerait un recul, réformons plutôt le mécanisme. Dans la troisième phase, une entreprise qui cessera son activité ne se verra plus attribuer de quotas gratuits - l'exemple de Mittal cité ne se reproduira donc plus. Le mécanisme d'inclusion aux frontières ? La question est en suspens : figurera-t-elle dans le Livre vert de l'Union européenne ? C'est en tout cas à nos yeux un corollaire indispensable.
Monsieur Deneux, nous discuterons, lors du Conseil européen du 22 mai, des questions de long terme, de la gouvernance de ce marché, de la régulation du prix du carbone de même que du mécanisme d'inclusion aux frontières. Déjà, certaines idées font leur chemin.
Merci à M. Vall de ses propos sur le lien entre les questions d'environnement et de développement économique. Il faudra trouver une solution internationalement acceptée pour lever les blocages concernant l'aviation civile.
Monsieur Dantec, vous êtes un fin connaisseur des conférences sur le climat. Nous aurons besoin de toute l'expérience des parlementaires dans les négociations à venir et, dès la fin de l'année, à Varsovie.
Merci, monsieur Filleul, d'avoir souligné l'urgence à agir.
Madame Keller, les travaux suivent leur cours sur la base de la feuille de route de la conférence environnementale. Je salue la réflexion sur l'inclusion aux frontières, qui est en effet OMC-compatible.
Merci à M. Marc de son intervention. Une clé de répartition de l'effort prenant en compte la situation économique de chaque pays est une piste à creuser pour débloquer les discussions européennes. Les conséquences budgétaires du faible prix du carbone sont réelles mais l'Anah a, dans l'immédiat, les moyens de faire face à ses missions.
M. Le Vern a évoqué le financement de la transition énergétique. L'engagement en matière d'énergies renouvelables ne doit pas être dissocié de l'engagement sur les réductions des émissions de gaz à effet de serre. Concernant l'éolien offshore, nous travaillons à un tarif de rachat pour les opérateurs, qui devrait répondre à vos attentes. (Applaudissements à gauche)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Article premier
M. Roland Courteau . - Ce projet de loi est une avancée et démontre notre volonté politique de préserver l'environnement pour les générations futures. Le protocole de Kyoto en 1997 a marqué une prise de conscience : pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, il prévoyait des mesures concrètes. Je rends hommage à l'action de l'Union européenne, qui s'est très tôt positionnée comme un ardent défenseur de ce protocole. La directive de 2009 représente un nouveau progrès. Le montant global de quotas sera réparti entre secteur ; une partie de la vente des quotas financera la rénovation thermique.
La commission du développement durable a adopté un amendement visant à rappeler l'échéance de 2027 pour la suppression des quotas gratuits. Le président de la République a souhaité fixer des objectifs très ambitieux, cela a été dit et redit : moins 40 % d'émissions de gaz à effet de serre en 2030 et moins 60 % en 2040. Il faut donc impérativement un système incitatif, si nous voulons réussir la lutte contre le changement climatique. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Au Parlement européen, je siégeais à la commission environnement. J'ai toujours été fondamentalement opposée au mécanisme du marché des quotas. Une stratégie de transition énergétique suppose une visibilité à long terme du coût du carbone. Or le marché est, par nature, erratique. Une stratégie alternative est possible. Mais, puisqu'elle n'est pas sur la table, ne bloquons pas la directive. Reste que la France doit oeuvrer pour des politiques industrielles innovantes, avec des objectifs de réduction carbone et des financements publics. Le mécanisme actuel ne pousse pas à l'innovation maximale qui n'est pas immédiatement rentable, et, donc, à l'investissement de long terme.
Nous avons perdu notre industrie de l'aluminium. Elle est partie pour le Canada. Nos émissions de gaz à effet de serre ont baissé, elles ont augmenté de 40 % au Canada. Qu'y a gagné la planète ?
La grande révolution sera celle du bilan carbone obligatoire pour tous les services et toutes les productions. Modifier la directive est un petit pas ; il en faudra un grand pour opérer une vraie transition énergétique. (Applaudissements sur quelques bancs socialistes)
L'article premier est adopté.
L'article 2 est adopté.
Le projet de loi est adopté.
Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - Je me réjouis de l'adoption de ce texte, d'apparence technique. La discussion a fait émerger une convergence d'appréciation. Nous constatons tous l'absence de résultat du marché carbone. Il n'y a pas d'alternative aujourd'hui - sans doute est-ce la conséquence du choix initial...
Souhaitons que le Sénat tout entier continue à réfléchir avec le Gouvernement sur ce système d'échange des quotas.
Mme Delphine Batho, ministre. - Je remercie tous les sénateurs. Oui, il faut maintenant travailler ensemble à des propositions de réforme structurelle du marché carbone. Je ne verrais que des avantages à le faire avec le Sénat. Enfin, merci de votre indulgence : j'ai laissé ma voix dans la tempête normande !
M. le président. - Merci pour la référence normande ! (Sourires)
Prochaine séance demain, mercredi 13 mars 2013, à 14 h 30.
La séance est levée à 23 h 45.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du mercredi 13 mars 2013
Séance publique
À 14 H 30 ET LE SOIR
1.Désignation des vingt-sept membres des deux missions communes d'information sur :
l'action extérieure de la France en matière de recherche et de développement
la filière viande en France et en Europe : élevage, abattage et distribution
2.Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modifiant le calendrier électoral et du projet de loi organique, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à l'élection des conseillers municipaux, des conseillers intercommunaux et des conseillers départementaux
Rapport de M. Michel Delebarre, fait au nom de la commission des lois (n°404, 2012-2013)
Textes de la commission (nos405 rect. et 406 rect., 2012-2013)