Débat sur les pesticides
M. le président. - L'ordre du jour appelle un débat sur les pesticides et leur impact sur la santé et l'environnement.
Mme Sophie Primas, présidente de la mission commune d'information sur les pesticides et leur impact sur la santé et l'environnement . - Mon devoir de présidente de la mission commune d'information est de rappeler quelques faits et de vous donner mes convictions. Cette mission a été créée il y a six mois à l'initiative de Mme Bonnefoy en raison des faits survenus dans son département, la Charente. Je veux particulièrement remercier M. Paul François et les membres de l'association phyto-victimes pour leur action, leur sincérité et leur dignité : leur témoignage nous a été précieux.
Cette mission, qui a débuté en mars 2012, a décidé de limiter son champ d'investigation aux impacts des pesticides en amont et sur les utilisateurs finaux : nous manquions de temps pour nous pencher sur la question de l'environnement et de l'alimentation, dont j'espère qu'elle pourra faire l'objet d'une future mission. Après 95 auditions et des déplacements dans cinq départements, nous avons adopté notre rapport à l'unanimité et sa centaine de recommandations. C'est un signal fort que nous voulons adresser à tous les acteurs concernés, depuis les jardiniers du dimanche jusqu'aux industriels, en passant, bien sûr, par les agriculteurs. La santé doit être au coeur de nos actions : voici le message que nous avons voulu adresser à tous alors que l'actualité était brûlante. Je pense au rapport controversé d'octobre 2012 sur les OGM -un sujet connexe mais parfaitement parallèle aux travaux de notre mission. D'où notre présence à l'audition organisée par l'Anses. Tout y était, dans cette affaire, pour générer ce qu'on peut appeler la fabrique du doute.
Nos cent propositions s'appuient sur cinq constats. D'abord, la sous-estimation du risque car il est lointain, diffus et aléatoire, donc plus difficile à dire, à cerner et à comprendre.
Nous avons l'ardente obligation, en ne délivrant les autorisations de mises sur le marché (AMM) qu'avec prudence, d'éviter que les nouvelles molécules ne génèrent de nouveaux risques sur les personnes exposées et leurs enfants. Ensuite, le suivi post-AMM. L'étude des perturbateurs endocriniens doit progresser, et en particulier être prise à bras-le-corps par l'Union européenne. Il faut, en troisième lieu, amener la protection à la hauteur des dangers et des risques, de la conception à l'utilisation.
Quatrièmement, les pratiques industrielles et commerciales n'intègrent pas assez les préoccupations phytosanitaires. Pouvons-nous imaginer de revenir en arrière ? Il le faut. Enfin, il faut renforcer le plan Écophyto 2018.
Malgré les alertes de membres de la communauté scientifique et des associations, la prise de conscience des risques que présentent les pesticides date essentiellement du Grenelle de l'environnement. Je salue la mobilisation de tous. La parole se libère chez les exploitants ; les jeunes, et c'est très encourageant, veulent mieux se former. A ce titre, les fermes « Dephy » doivent se développer. Cela dit, il faut entendre les inquiétudes des agriculteurs. Dans le Lot-et-Garonne, l'un d'eux déplore la fin de la production des noisettes quand nous étions les premiers producteurs et exportateurs il y a quelques années. Entendons aussi leur anxiété devant la fiscalité, la fraude fiscale, et même le rôle du grand banditisme, et écoutons leur colère face à la concurrence de produits étrangers soumis à des normes moins rigoureuses.
Je veux m'adresser aussi aux fabricants. Sans naïveté, travaillons avec ces industries et non contre elles. L'actualité récente concernant les produits néonicotinoïdes en témoigne : leurs efforts ne sont pas à sous-estimer.
Je salue l'Anses, son travail sur les épandages et le programme Périclès. Cela dit, elle a besoin de moyens humains pour aller de l'avant. C'est surtout l'Agence européenne de sécurité des aliments qui doit accomplir une véritable révolution : ne plus travailler sur les doses journalières minimales mais prendre en compte les doses infimes.
Enfin, je soulignerai l'importance de la recherche et la réduction du recours aux pesticides par les collectivités territoriales. Depuis cinq ans, le plan Écophyto a produit des effets. Bien du chemin reste pourtant à faire. Il faut poursuivre et réaffirmer les mesures de ce plan pour qu'elles atteignent leurs objectifs. Soyons ambitieux et exigeants mais donnons-nous du temps : nous parlons de cycles longs, de trois ans.
Merci à Mme Touraine, M. Le Foll et Mme Lebranchu de nous avoir reçus pour voir comment mettre en oeuvre nos recommandations. La santé doit être au coeur de nos préoccupations, encore et toujours ! (Applaudissements)
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur de la mission commune d'information . - Alertée par l'agriculteur Paul François, j'ai sollicité la création d'une mission commune d'information sur les pesticides au début de l'année 2012. Le sujet n'était pas entièrement nouveau pour le Sénat, certes. Pourquoi, alors, remettre l'ouvrage sur le métier ? Parce que le sujet est complexe et que nos concitoyens y étaient plus sensibles.
Dès le début de notre travail, nous avons pris la mesure de l'ampleur du sujet. D'où la limitation du champ de nos investigations, ainsi que l'a rappelé Mme Primas. Nous ne partions pas de rien : un rapport de l'OPECST, ceux de M. Barbier, sur les perturbateurs endocriniens, de Mme Procaccia sur le chlordécone, et de Mme Blandin, sur l'expertise sanitaire des risques chimiques du quotidien. Après plus de 95 auditions, nous avons adopté un rapport pour réorienter notre politique des pesticides en France et en Europe.
Si on a coutume de dire que le risque zéro n'existe pas, tous les groupes en sont d'accord : il faut réduire le risque lié à l'exposition aux pesticides. Preuve qu'en écoutant tous les acteurs et en dialoguant entre nous, on peut aboutir à un consensus sur un problème de santé publique.
Premier axe de réflexion : la priorité à la santé. Cela semble évident. Pourtant, ce n'est pas le cas. Pour la mise au point d'un produit phytosanitaire, ce qui est recherché, c'est l'efficacité sur les champignons ou les insectes. Les effets sur la santé ne viennent qu'ensuite. Les études qui y sont consacrées ne portent pas sur la durée de vie des animaux de laboratoire, moins encore sur la succession des générations. L'Anses a d'ailleurs souligné que l'étude controversée du professeur Séralini témoignait du manque d'études à long terme. Deuxièmement, au moment de la demande d'autorisation de mise sur le marché, la méthodologie révèle son insuffisance puisqu'elle se fonde sur la notion de dose journalière admissible, dite DJA, qui ne couvre pas les doses infimes responsables de perturbations endocriniennes ainsi que l'effet cocktail. Sur ce dernier point, l'agence européenne a conclu, en 2008, qu'il fallait avancer.
Enfin, après l'AMM, le suivi des effets négatifs sur la santé laisse à désirer. Pourtant, les agriculteurs doivent tenir un registre, il existe aussi d'innombrables réseaux d'alerte. Manque la centralisation de l'information et sa remontée à l'Anses ou à l'Institut national de veille sanitaire (INVS). Il faut souvent plusieurs dizaines d'années, l'histoire le prouve, avant d'obtenir l'interdiction d'un produit. Et encore, à ce stade, il faut donner du temps au temps : avant l'interdiction est décidée la suspension ; et le produit subsiste des années dans l'environnement. On parle de sept cents ans pour la chlordécone aux Antilles ! Le lien de causalité entre produit et maladie est malaisé à établir mais de plus en plus constaté : ainsi l'utilisation d'arsénite de soude, responsable de cancers de la vessie, est-elle interdite depuis 2003 et la maladie de Parkinson reconnue comme maladie professionnelle pour les agriculteurs depuis 2012.
Trop longtemps, les pesticides ont été considérés comme un mal nécessaire. Les mentalités changent, je m'en réjouis : il faut généraliser les registres de cancers qui n'existent que dans treize départements.
Deuxième axe de réflexion : revoir la réglementation. Le paquet Pesticides de 2009, entré en vigueur en 2011, prévoit une harmonisation européenne sous la houlette de l'agence européenne. La France fait figure de pays de référence pour l'évaluation des produits avec l'Anses. Néanmoins, les chercheurs « hors-sol » n'existent pas. Une nouvelle loi sur la prévention des conflits d'intérêt sera peut-être nécessaire pour rendre la recherche plus indépendante. Autre écueil : les scientifiques travaillent sur les données fournies par les industriels. La mission commune d'information recommande un réexamen complet des produits à mi-parcours, et non lors du seul renouvellement de l'AMM. Pour plus de transparence, il faut donner un statut aux lanceurs d'alerte et reconnaître à l'Anses le droit de choisir les laboratoires procédant aux études complémentaires.
Troisième axe, réduire l'usage des pesticides. En France, l'agriculture compte pour plus de 90 % des produits consommés. Ce marché représente un peu moins de 2 milliards par an. Les usagers non agricoles sont minoritaires mais c'est sur ce segment qu'une révolution des mentalités peut avoir lieu. L'agriculture conventionnelle commence à remettre en cause le « tout pesticides », le plan Écophyto 2018 y est pour quelque chose, quoi qu'il faille passer à la vitesse supérieure. Le concept « d'agro-écologie » que vous avez utilisé le 18 décembre dernier lors du colloque Produire autrement, monsieur le ministre de l'agriculture, peut y aider. Le recours aux pesticides a pourtant la vie dure. A preuve l'épandage aérien, certes marginal puisqu'il ne touche que 0,3 % des surfaces agricoles, soit moins de 100 000 hectares, mais éminemment symbolique. Alors qu'il devrait être exceptionnel, nous avons constaté, hélas, que les exceptions ne l'étaient pas. Elles doivent le redevenir.
Autre exemple, les équipements de protection individuels. Naguère les mélanges se faisaient sans gants ni masques mais les équipements aujourd'hui disponibles sont-ils suffisamment protecteurs ? L'obligation faite à tout agriculteur et professionnel utilisateur de suivre une formation de deux jours est une puissante incitation mais il faudrait aussi travailler sur les circuits de distribution.
Pour les jardiniers du dimanche, nous proposons de leur interdire l'emploi de produits autres que ceux utilisables en agriculture biologique ! Interdisons aussi la commercialisation des pesticides dans les commerces alimentaires et exigeons dans les autres enseignes la présence de vendeurs dûment formés.
Pour finir, un voeu : mettons nos recommandations en pratique. La présence des ministres et le bon accueil qu'ils ont fait à nos propositions est de bon augure.
Aux vingt sept membres de la mission commune d'information de se montrer persévérants pour obtenir la réduction des pesticides en France, dans nos collectivités territoriales. Merci au président du Sénat, aux ministres et à tous ceux qui nous ont reçus en province. Cette mission n'est pas un aboutissement, elle doit être un point de départ. (Applaudissements)
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé . - Merci à la mission commune d'information de son travail, et tout particulièrement à sa présidente et à sa rapporteur. Je me réjouis de notre dialogue fructueux en amont sur ce rapport riche et bien documenté qui fait de la santé une priorité. C'est également une des exigences de notre politique quand cet enjeu était encore, très récemment, ignoré. Lors du débat sur le bisphénol A, j'ai rappelé notre volonté de réduire l'exposition aux risques. Vous avez fait le choix de traiter le sujet du fabricant à l'utilisateur, du manipulateur aux riverains. Cette approche globale est la bonne, je le sais pour être une élue d'Indre-et-Loire.
La France est le premier pays agricole d'Europe et, donc, le premier utilisateur de pesticides : 80 à 100 000 tonnes par an. D'où un problème de santé publique majeur. Les données sur les pesticides sont collectées par l'Inserm.
Si la relation de causalité entre l'usage des pesticides et le cancer est parfois difficile à établir, il ne fait plus de doute qu'il faut limiter le recours à ces substances. En premier lieu, il faudra mieux connaître les risques, c'est-à-dire les mécanismes d'action des pesticides et leur lien de causalité entre exposition au produit et maladie. Je serai particulièrement attentive à l'expertise collective de l'Inserm sur les effets sanitaires des pesticides, à l'étude épidémiologique Agrican sur les cancers chez les agriculteurs, car le plan Cancer doit prendre en compte les données environnementales, et aux études de biosurveillance menées par l'INVS.
La mission commune d'information met en avant les perturbations endocriniennes induites par les pesticides. Après l'affaire du bisphénol A, je me suis engagée à mettre en place un groupe de travail sur les perturbateurs endocriniens, qui débouchera en juin 2013 sur une proposition de refonte de la réglementation.
La mission a pointé des failles au niveau européen. En relation avec le ministre de l'agriculture, nous travaillerons à renforcer le volet sanitaire des AMM.
Enfin, vous voulez des outils de veille concertés sur le territoire. Une refonte du système de vigilance est en cours, dont un décret sur la toxico-vigilance. Il faudra bien articuler risques au travail et risques environnementaux. Le Sénat peut compter sur ma détermination pour mener un travail interministériel et faire entendre la voix de la France en Europe.
Mon combat pour l'interdiction du bisphénol A en témoigne. Face aux risques émergents, il faut travailler en amont. Ce fut l'objet de la conférence environnementale. La stratégie nationale de santé en donnera la traduction concrète. (Applaudissements à gauche)
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt . - Je me félicite de la qualité du travail conduit par cette mission sénatoriale. J'ai rencontré les agriculteurs victimes de produits phytosanitaires et pris la mesure de la nécessité d'agir.
Il y a désormais consensus sur les relations de cause à effet entre l'utilisation de certains pesticides et des problèmes de santé majeurs, tels des cancers. Pour le ministre de l'agriculture que je suis, cela renvoie à trois grands sujets. Les AMM, tout d'abord. La question dépend beaucoup de l'Europe : le gouvernement français doit agir pour faire évoluer la réglementation européenne, de même que pour les OGM. Les positions prises par la France ont déjà fait évoluer l'Europe : nous poursuivons pour une séparation franche entre prescripteurs et fabricants, entre ceux qui proposent et ceux qui évaluent.
Après un rapport de 2012, confirmé par l'Anses, le ministère de l'agriculture a décidé de stopper l'utilisation du cruiser sur le colza et des produits néonicotinoïdes ; l'Autorité européenne de sécurité des aliments, l'EFSA, sollicitée, a répondu positivement il y a quelques jours. Dès qu'il y a un risque, des décisions claires doivent être prises : telle est la position que défendra le gouvernement français lors de la réunion du Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale du 31 janvier. S'il n'y a pas de décision européenne à cette occasion, nous en tirerions les conséquences au niveau national.
Deuxième point, l'utilisation de ces produits n'est-elle pas excessive ? Notre objectif est de la réduire de façon significative. Le plan Écophyto 2018, qui visait un objectif de réduction de 50 %, a eu des résultats contrastés. Reste que les molécules les plus dangereuses ont été écartées à 80 % ; que le réseau Certiphyto permet de mieux former les utilisateurs et que des démarches agricoles visant à réduire le recours à ces produits apparaissent. Mais il faut, parallèlement, réfléchir à de nouveaux modèles de production, sauf à laisser, en cessant d'utiliser certains produits, péricliter certaines productions. En 2012, le recours aux pesticides a augmenté de 2,5 % -pour des raisons légitimes avancées par les agriculteurs.
Tel est bien l'enjeu : faire évoluer les modèles de production. D'où l'intérêt d'Écophyto et de Certiphyto. Il faut trouver le moyen de concilier performance économique et performance environnementale.
Nous devons décliner précisément les objectifs sur le territoire, plutôt que nous en tenir à des objectifs nationaux. Les questions fiscales doivent aussi être prises en compte pour arriver à la séparation entre les activités de conseil et de vente des produits. Il faut aussi insister, comme vous le faites, sur les équipements de protection.
La question alimentaire est un défi. Il faut y être très vigilant. Nous avons pris la mesure des enjeux. Il faut que le moins possible de résidus de pesticides se retrouve dans l'alimentation. Le problème est le même que pour les antibiotiques.
Je veux vous dire combien je me réjouis de la réflexion qu'a suscitée ce rapport. La santé, l'agriculture, l'alimentation sont concernées. Sur vos cent propositions, soixante trois concernent mon ministère. Une quinzaine sont déjà mises en oeuvre. Et nous allons poursuivre. (Applaudissements à gauche)
Mme Bernadette Bourzai . - Cette mission commune d'information, engagée à l'initiative du groupe socialiste, nous a permis de mesurer l'ampleur du phénomène. Nous avons vu, dans le Morbihan notamment, des personnes véritablement infestées, et constaté combien le problème est sous-évalué. Comme si l'arbre sécurisant de l'AMM cachait la forêt des malades...
Certes, l'objectif du Grenelle était ambitieux mais, à quatre ans du démarrage du plan Écophyto, les résultats sont décevants : il ne s'est pas traduit par une baisse des usages ; on relève même une légère augmentation. Comment expliquer cette courbe ascendante ? Sans abandonner le plan Écophyto, il faut mieux responsabiliser les acteurs, promouvoir de nouvelles orientations en croisant disciplines et compétences, tant au niveau national que régional. Il est des alternatives, il faut les faire connaître, sachant que l'évaluation, notre rapporteur l'a rappelé, fonctionne sur le temps long. Il est paradoxal que l'utilisation des préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP), qui ont prouvé leur efficacité et leur non-toxicité, ne soit pas mieux soutenu : il faut adapter la procédure et le coût de leur AMM, qui restent dissuasifs.
La recherche de nouveaux modèles de production, fondés sur la vie du sol ou la rotation des cultures, passe par une réorientation de la recherche publique vers l'agrobiologie ou le biocontrôle -le recours aux prédateurs naturels des insectes nuisibles- et l'allocation en conséquence de moyens à l'Inra. Il importe aussi de fixer des objectifs ambitieux pour le développement de l'agriculture biologique à l'horizon 2020 ; en d'autres termes, passer à la vitesse supérieure.
La démarche Produisons autrement a été accueillie avec intérêt et succès. Nous savons, monsieur le ministre, votre volonté de faire évoluer les pratiques et votre attention à nos propositions. Nous sommes aujourd'hui bien informés : il nous revient d'amplifier la prise de conscience chez nos concitoyens et d'accompagner les changements qui s'imposent. (Applaudissements)
M. Gérard Le Cam . - Le travail réalisé par cette mission est colossal, même si la question de l'impact sur l'environnement de l'utilisation des pesticides -je pense aux effets sur les insectes pollinisateurs- et les résidus dans l'alimentation n'ont pu être abordés.
Je suis les conclusions du rapporteur et n'apporterai ici que quelques réflexions. Il faut réfléchir sur les pratiques agronomiques, des solutions alternatives existent. L'Inra, à la suite d'expérimentations menées sur dix ans dans sa station d'Epoisses, a constaté que l'on peut cultiver sans pesticide sans faire chuter les rendements ; l'efficacité de la lutte intégrée et d'un travail rationnel des sols est prouvée. Il faut aussi réorganiser les filières et les marchés pour accompagner la diversification des cultures. Le mélange de variétés permet de diminuer le recours aux produits phytosanitaires. De même que la pratique des semences fermières et de l'échange de semences. Autant de témoignages du savoir-faire ancestral de nos paysans.
La réduction de l'usage des pesticides doit être une des priorités de la PAC. Dans le cadre du verdissement du premier pilier, 30 % de l'enveloppe nationale pourraient aller aux pratiques qui préservent l'environnement. Où en sommes-nous, monsieur le ministre, sachant que la PAC a, jusqu'à présent, favorisé les cultures intensives -et donc la consommation de pesticides ?
Un mot sur le plan Écophyto. Cela a été dit, l'utilisation des pesticides reste en hausse. Les effets néfastes sur les abeilles de trois produits appartenant à la famille des néonicotinoïdes ont été reconnus par l'Agence européenne ; mais les grands groupes de l'agrobusiness insistent sur les risques pour la production et l'emploi d'un moindre recours aux pesticides -on comprend pourquoi ils associent semences et traitement. Les conclusions de ce rapport sont bienvenues : distinction nette entre prescription et vente, indépendance de l'expertise, effectivité du contrôle public sur les produits autorisés, encouragement à la recherche publique.
J'en viens au volet social. Les maladies professionnelles dues aux pesticides sont reconnues dans le régime général ; elles devraient l'être aussi dans le régime agricole. Il ne s'agit que de compléter une liste : le Gouvernement entend-il agir en ce sens ? Où en est-on du raccourcissement des délais en cas de recours ?
Les salariés qui travaillent après ou sous épandage sont particulièrement exposés. Or sont souvent concernés des salariés saisonniers immigrés -à cause de la pratique du « travail sans travailleur » au nom de la sacro-sainte rentabilité. Comment les informer quand ils ne savent pas lire ? Comment les suivre sur le long terme ? Comment leur assurer une protection quand une maladie se déclare des années plus tard ? Le document unique d'évaluation des risques, pourtant obligatoire, manque dans de nombreuses exploitations. Je me réjouis enfin des préconisations sur l'action de groupe : nous déposerons une proposition de loi pour en élargir l'usage aux litiges autres que de consommation ou de droit de la concurrence. (Applaudissements à gauche)
M. Henri Tandonnet . - Je salue l'ambiance d'écoute qui a présidé à nos travaux, dont il a été rappelé qu'ils ont été concentrés sur l'impact des pesticides sur les usagers de l'amont à l'aval. L'angle retenu est celui de la santé : aucun procès n'est fait à l'agriculture, non plus qu'aux agriculteurs dont les efforts sont réels : plus d'agrobiologie et d'agriculture raisonnée, moins d'épandage. Mais les habitudes des consommateurs sont tenaces, ils ne sont guère habitués à trouver des limaces dans leur salade ou à manger des fruits tâchés. Nos auditions nous ont rappelé cette réalité, comme elles nous ont rappelé les ravages que peut faire l'apparition soudaine d'un insecte prédateur comme la drosophile de Suzuki -dans les exploitations du sud-ouest, ceux qui ont traité chimiquement ont sauvé leur production.
Les écarts entre les législations européennes doivent en outre être dénoncés. Il est inacceptable que l'on importe des légumes traités ailleurs avec des produits interdits chez nous. Certes, l'encadrement européen est de plus en plus strict, mais il faut surveiller de près les échanges intra mais aussi extracommunautaires. Si rien ne change, on ne trouvera plus que des produits étrangers sur nos étals, à l'image de ces pommes portugaises dont la conservation est assurée avec un produit interdit en France -nous vous avions, monsieur le ministre, alerté à l'automne sur ce sujet.
En matière de fraude, il faut renforcer la coopération transfrontalière. Le système européen d'alerte rapide pour la fraude alimentaire est un exemple à suivre ; ses modalités d'intervention pourraient être adaptées pour lutter contre la fraude à la législation sur les pesticides. Il y faudra certainement un nouveau règlement européen.
Dernier défi, le renforcement de la régulation. Les lanceurs d'alerte doivent être juridiquement protégés, à l'image de ce qui existe dans la lutte contre la corruption ou la sécurité des médicaments. L'action collective en matière de santé devrait être autorisée car les victimes isolées, on l'a vu avec Paul François, ont les plus grandes difficultés à apporter seules les preuves de la contamination ou à payer les expertises. On peut attendre plus de résultats préventifs que de contentieux judiciaires d'une telle autorisation.
Nous appelons de nos voeux la mise en place d'un comité interministériel rendant ses avis publics, et dont le ministère de la santé serait le chef de file : le coeur de la mission d'information, madame Touraine, penche vers vous ! (Applaudissements)
M. Gilbert Barbier . - L'EFSA vient de publier un rapport intitulé Signaux précoces, leçons tardives qui dénonce les failles béantes du système de régulation et traite entre autres des pesticides. Belle actualité pour ce débat !
Je veux féliciter notre présidente et notre rapporteur. La question récurrente des pesticides, soulevée en 2007 par les effets du chlordécone aux Antilles, témoigne d'une vraie prise de conscience. Le plan Écophyto 2018 a engagé une logique vertueuse dont il faut se féliciter dans un pays grand producteur agricole, qui reste un grand consommateur de pesticides.
Cent recommandations, c'est peut-être beaucoup mais il est des urgences absolues : mettre en place des outils de surveillance et de veille épidémiologique en fait partie, comme le développement de la recherche. L'existence de registres aisément consultables s'impose, essentiels à la recherche. Mais seuls les effets aigus sont bien cernés ; les effets croisés ou retard restent difficiles à évaluer. Et la réglementation sanitaire repose sur le principe de Paracelse, remis en cause aujourd'hui, selon lequel c'est la dose qui fait le poison. La question se pose de façon aigüe des perturbateurs endocriniens. D'où la nécessité de renforcer la recherche sur les effets de l'exposition à faible dose et des expositions multiples. Réduire l'exposition prénatale de l'enfant et de la mère est essentiel, tant la période est sensible.
Les agriculteurs ne sont pas des irresponsables, ils ont fait de gros efforts ; beaucoup utilisent les pesticides à bon escient et en quantité aussi faible que possible. Globalement, l'agriculture conventionnelle cède progressivement le pas à une agriculture raisonnée. L'information et la formation sont les clés : la plus grande transparence s'impose.
L'agriculture, le rapport de mon collègue Yvon Collin le rappelle, doit répondre au défi alimentaire de demain : il ne faut pas l'oublier. Sans produit de substitution, ce défi ne pourra être relevé. C'est pourquoi il faut encourager la recherche vers les produits phytosanitaires mieux ciblés et moins dangereux pour l'homme, recherche qui doit être conduite sérieusement, comme sur les OGM, pour ne pas handicaper l'avenir. (Applaudissements au banc des commissions)
M. Joël Labbé . - On a voulu un consensus, on l'a eu, mais j'aurais aimé aller plus vite et plus loin. Je n'en salue pas moins la qualité du travail mené, auquel j'ai eu plaisir à participer. Le néophyte que je suis au Parlement ne sera pas tranquille tant que nos préconisations n'auront pas été reprises. Il ne s'agit pas ici de stigmatiser les agriculteurs, qui sont souvent les premières victimes des pesticides. Le volet Santé était si dense qu'il a fallu reporter le volet Environnement : nous veillerons à le voir effectivement repris rapidement et, si personne n'est candidat, je le suis pour être le rapporteur de la prochaine mission. (Sourires) Les pollutions, les atteintes à la biodiversité, les impacts sur l'alimentation sont énormes. Les abeilles, le plancton sont en danger. J'ai bien entendu que des décisions pourraient être prises le 31 janvier, mais les semences de la prochaine récolte sont déjà enrobées...
Je veux parler de l'avenir : celui de la loi agricole, mais aussi celui de la proposition de loi que nous entendons déposer sur la limitation des pesticides pour les usages non agricoles. Il faut que les AMM soient davantage encadrées ; que les producteurs soient obligés de faire des tests sur les effets cocktail de leurs produits et que leur responsabilité soit engagée sur les équipements individuels de protection ; que l'usage des pesticides soit taxé, comme au Danemark ; que les blocages sur les PNPP soient levés et que le plan Écophyto retrouve une nouvelle jeunesse ; que les moyens soient donnés à la recherche ; qu'enfin la filière agrobiologique soit fortement encouragée -j'en ferais volontiers une grande cause nationale... (Sourires)
Le rapport de la mission montre les risques pour la santé humaine de l'usage des pesticides, qui sont des poisons. Des cancers à la maladie de Parkinson, récemment ajoutés à la liste de la MSA, leurs effets néfastes sont patents. Les parlementaires que nous sommes ne pourront dire qu'ils ne savaient pas.
J'ai relevé, monsieur le ministre, vos propos pertinents sur l'agroécologie, domaine dans lequel vous voulez faire de la France un leader européen. Nous ne pouvons que vous soutenir contre le lobby agrochimique, prompt à fabriquer le doute et à produire sur le champ des contre-études... Pour l'heure, nous sommes leaders européens de l'utilisation des pesticides. C'est dire que nous partons de loin.
« Ils ne savaient pas que c'était impossible ; alors ils l'ont fait » disait Mark Twain. Alors, ensemble, nous allons le faire !
Est-ce être utopiste que de considérer avec l'ONU que la question ne peut être appréhendée que dans sa dimension mondiale, de voir dans une réduction des pesticides partout dans le monde un moyen de réduire de moitié la pauvreté des agriculteurs des pays en développement et ainsi de l'immigration ?
Nous avons déposé une proposition de loi interdisant les pesticides dans les espaces publics dès 2018 -ma commune du Morbihan est un modèle, nous travaillons beaucoup avec les enfants- ; nous préconisons également l'interdiction de la vente de pesticides aux particuliers dès 2018. Le père de l'agro-écologie, Pierre Rabhi, avait raison de proclamer « il faut prendre conscience de l'inconscience » ! (Applaudissements)
M. Jean-François Husson . - Le bon sens a rassemblé les groupes politiques autour de ce rapport dont nous voulons une traduction rapide. D'autres orateurs ont rappelé les cinq axes de réflexion que nous avons suivis. Nous ne sommes pas des empêcheurs de tourner en rond obsédés par le sacro-saint principe de précaution. Notre souci est de poser des questions, d'interpeller et de proposer des pistes de réflexion. Cette démarche est utile et salutaire, j'espère que nos industriels s'en saisiront pour aller de l'avant sur la chimie verte, plus respectueuse des personnes, et les équipements de protection individuels. Pourquoi, madame la ministre, ne pas consacrer des fonds à ces initiatives dans le cadre du commissariat général à l'investissement ? Concilier protection de la santé et de l'environnement avec développement de la production sera un atout pour la France.
D'après l'Inra, 25 à 75 % des pesticides employés se retrouvent dans l'air. Il faut mieux évaluer leur concentration via les associations agréées de surveillance de la qualité de l'air.
Lesquelles de nos préconisations le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre dès à présent ? Dans quel cadre interministériel ? (Applaudissements)
Mme Laurence Rossignol . - A mon tour de saluer le travail de la mission. Merci à Mme Bonnefoy de son rapport, et déjà d'avoir voulu la création de cette mission
Trop longtemps, le risque lié aux pesticides a été sous-estimé par ignorance ou par inconscience, avant de l'être en toute connaissance de cause pour la défense d'intérêts économiques qui ne sont ceux ni des agriculteurs ni des consommateurs. Son coût est principalement assumé par les contribuables, en contradiction avec le principe pollueur-payeur. Un exemple : en 2009, 100 % des eaux d'Ile-de-France devaient être traitées pour être rendues propres à la consommation.
Au-delà du coût, la question est celle de l'impact à long terme de ces pesticides. Oui, monsieur le ministre, le succès du plan Écophyto dépend de l'évolution de notre mode de production agricole. Cela dit, l'usage non agricole de ces produits est aussi en cause.
La conférence environnementale, anticipant sur nos travaux, a mis à l'ordre du jour l'augmentation de la redevance « pollution diffuse », que je n'ai pu défendre lors de l'examen du budget. Néanmoins, il faut aller plus loin et interdire la vente de pesticides aux particuliers et leur utilisation par les collectivités locales. Deuxième annonce lors de la conférence environnementale, un groupe de travail sur les perturbateurs endocriniens responsables de cancers, de naissances prématurées, de modifications de notre appareil reproductif, et qui bouleversent les règles traditionnelles de la toxicologie, pour laquelle la dose fait le poison. Encore faut-il que les experts choisis le soient en raison de leur compétence en la matière plutôt qu'en vertu de leurs liens avec les industriels de la chimie : dans le groupe de travail européen, si quatre des dix-huit membres sont de véritables experts, huit ont reconnu des liens d'intérêt récents avec l'industrie.
Enfin, la fiscalité écologique, un sujet à explorer dans toutes ses dimensions. La table ronde consacrée à ce sujet par la commission des finances ce matin n'était pas ouverte aux membres de la commission du développement durable. Pourquoi ? Je m'étonne que des opposants si déterminés naguère à cette fiscalité veuillent s'en occuper si jalousement... L'esprit de consensus qui a présidé à cette mission commune d'information doit régner sur ces travaux futurs ! (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Noël Cardoux . - Je ne reviens pas sur l'excellent travail de cette mission et le constat partagé. L'usage des pesticides a crû après la deuxième guerre mondiale, à un moment où il fallait produire plus. Le plan Écophyto a échoué à en réduire l'usage.
Le problème est économique et financier : on ne pourra pas réduire l'usage des pesticides sans contrepartie aux agriculteurs. On veut augmenter la redevance « pollution diffuse », je suggère d'améliorer plutôt la fiscalité existante. On pourrait porter à 25 % le taux de la TVA sur les produits phytosanitaires impropres à l'agriculture biologique. Ce serait un levier plus efficace que d'interdire la vente de pesticides aux particuliers.
La redevance pour pollution diffuse est d'une complexité effarante, les coûts de gestion sont multipliés par le parcours imposé à la taxe, qui passe par les agences de l'eau et l'office national de l'eau avant d'arriver au plan Écophyto. Est-ce bien raisonnable ? En 2012, la Cour des comptes avait insisté sur la déperdition financière que causait ce mal bien français. La mission évoque 41 millions de redevance pour les agences de l'eau. Or on n'en voit que 34 inscrits en loi de finances. Il y a là des améliorations à apporter.
Nous avons les éléments, il faut y travailler, tout problème au XXIe siècle est économique et financier. Avançons ! (Applaudissements)
Mme Jacqueline Alquier . - Merci à Mme Bonnefoy de sa pugnacité et à Mme Primas de sa capacité d'écoute.
La semaine dernière, l'EFSA a publié un avis sévère sur trois produits très utilisés dans l'agriculture, qui échappaient au champ d'investigation de notre mission. J'y vois un signe de bon augure.
Les premières victimes des pesticides sont les agriculteurs. Les maladies se déclarent des années après, d'où la nécessité d'un suivi de long terme des exploitants, leurs familles et les travailleurs saisonniers. Comment tendre au risque zéro ? C'est peut-être trop demander aux agriculteurs : ceux-ci ont fait beaucoup d'efforts, on ne peut pas les culpabiliser pour l'utilisation de produits dont ils sont victimes. Plus qu'à l'agriculture biologique, je crois à l'agriculture de proximité. En tout cas, modifier les pratiques est urgent et ne coûtera rien à l'État.
De mêmes observations avaient inspiré le plan Écophyto, qui a donné des résultats décevants. La mission commune d'information propose de le renforcer de manière pragmatique.
Monsieur le ministre de l'agriculture, nous voulons des actes. Sachons aussi écouter les attentes de nos concitoyens. (Applaudissements)
M. Alain Houpert . - Les propositions de la mission sont riches. Il y a trente ou quarante ans, peu de personnes s'inquiétaient des atteintes à l'environnement ; aujourd'hui, la prise de conscience est citoyenne, sans doute grâce aux médias qui couvrent abondamment ce sujet, qui n'est pas seulement scientifique mais aussi social et économique. En un mot, complexe.
J'évoquerai le cas des travailleurs qui manipulent des produits phytopharmaceutiques. L'Anses, dans un avis du 29 octobre 2012, a rappelé l'importance des équipements de protection. Des modèles ont été élaborés pour les agriculteurs, qui soulignent la nécessité de recourir à des EPI, des équipements de protection individuels. Pour préciser lesquels, l'Anses doit recueillir des informations complémentaires. Elle s'est saisie en 2011, à ce sujet ; la direction générale de l'alimentation l'a également sollicitée, le 13 septembre 2012.
Dans ce cadre, il est urgent d'adopter une norme harmonisée qui figurerait dans la directive EPI. Trop souvent, ces équipements sont peu ou mal utilisés ; leur image est mauvaise. Pour surmonter ces résistances, il faut renforcer la coopération entre fabricants de pesticides et d'EPI et collecter les EPI usagés trop souvent jetés à la poubelle. (Applaudissements)
M. Maurice Antiste . - Ce débat est l'occasion de revenir sur la grève des marins-pêcheurs martiniquais du 20 décembre dernier, durement touchés par l'interdiction de la pêche à la langouste, contaminée à la chlordécone. Ces travailleurs ne sont nullement responsables de cette pollution. Ne laissons pas sombrer un secteur déjà touché par la crise, les contraintes croissantes qu'imposent les normes européennes, l'augmentation du coût des carburants et la concurrence, pas toujours maîtrisée, des autres pays. J'en appelle à la solidarité nationale.
L'interdiction de la pêche concernant toutes les espèces dans certaines zones maritimes de la Martinique est le révélateur d'un désastre économique, environnemental, sanitaire provoqué par le recours massif à la chlordécone, utilisée outre-mer jusqu'en septembre 1993, soit trois ans après son interdiction dans l'Hexagone, avec comme conséquence un empoisonnement dangereux du sol, de l'eau, des fruits, des légumes racines, de certaines viandes. Entre 1972 et 1993, environ 6 000 tonnes de curlone, qui contient 5 % de chlordécone, ont été vendues en Martinique. Moyennant quoi le tiers de la surface agricole utile est contaminé en Martinique et le cinquième en Guadeloupe, par un produit qui subsiste six cents ans dans l'environnement !
Je salue les progrès constatés lors du bilan à mi-parcours du deuxième plan de lutte contre le chlordécone. Néanmoins, les médecins nous alertent sur l'augmentation des cancers de la prostate, la baisse de la fécondité... Les Antillais ont payé un lourd tribut.
M. Joël Labbé. - C'est vrai !
M. Maurice Antiste. - De là mon opposition absolue à l'épandage aérien. Le principe de précaution et le principe pollueur-payeur doivent être appliqués. Les victimes de ce drame écologique, économique et social ne comprendraient pas que les responsables soient absous. La Martinique sera bientôt le département le plus vieux. (Applaudissements)
Mme Michelle Meunier . - Mmes Bonnefoy et Primas ont fait montre d'une ténacité et d'un engagement sans faille pour suivre leur fil rouge : priorité à la santé des Françaises et des Français.
La dangerosité des pesticides est bien réelle. S'il est difficile de prouver la responsabilité de ces produits dans les cancers, une vue globale enseigne que le nombre de nouveaux cas de cancer a doublé entre 1981 et 2005. Pour en savoir plus, il faut généraliser les registres des cancers et les centraliser au niveau national. Mon département de Loire-Atlantique en tient un, je sais son importance. Les pesticides sont aussi des perturbateurs endocriniens. Nous avons beaucoup parlé du bisphénol A, il faut maintenant interdire l'emploi de femmes enceintes à des postes où l'on manipule des pesticides.
Si le chemin est long pour réduire l'exposition aux pesticides, une étape a été franchie. Il faudra poursuivre le travail dans la transversalité, entre les ministères et les disciplines, pour que chacun puisse vivre bien et mieux ! (Applaudissements à gauche)
Mme Marisol Touraine, ministre . - Merci pour ce débat utile sur un sujet aussi sensible pour les Français.
A M. Le Cam, Mme Alquier et M. Houpert, je veux dire que l'enjeu de la reconnaissance des maladies professionnelles liées aux pesticides est de formaliser les parcours des personnes ayant cotisé au régime général et au régime agricole. En outre, il faut harmoniser les procédures entre les commissions départementales. Le registre est-il le meilleur moyen de recueillir l'information sur les cancers ? Nous en parlerons lors de l'élaboration du plan Cancer, que nous prolongeons.
Pour ce qui concerne les perturbateurs endocriniens dont M. Barbier et Mme Rossignol ont parlé, leurs effets ne font plus aucun doute ; je vous renvoie au débat sur le bisphénol A.
Nous mettons en place une stratégie nationale interministérielle sur les perturbateurs endocriniens, pour avancer.
Comment garantir, madame Rossignol, monsieur Labbé, l'indépendance de l'expertise ? Nous allons mettre en place un comité de déontologie et édicter une charte de l'expertise pour définir une procédure et être capable de réagir en cas de conflit d'intérêts. La question soulevée par M. Antiste renvoie à un enjeu de santé bien identifié. Le ministre de la santé s'est impliqué avec l'INVS -pour la recherche, la prise en charge des personnes atteintes par la chlordécone et la prévention pour l'avenir.
Merci à tous pour votre engagement. (Applaudissements)
M. Stéphane Le Foll, ministre . - Merci de ce débat de qualité qui m'engage à rappeler, tout d'abord, l'enjeu de prévention : il ne faut pas voir se répéter des contaminations comme celle dont souffre la Martinique avec la chlordécone. Un cas typique de ce que nous ne devons plus faire ! Oui, il faut en finir avec l'épandage aérien mais je rappelle que les surfaces concernées ne cessent de se réduire : 60 % en général, 80 % pour le maïs.
Sur l'AMM, la clarté nécessaire aux expertises pour éviter les conflits d'intérêts, je vous suis. Toute AMM requerra un avis de l'Anses. Il faudra, je m'y suis engagé devant le comité national du plan Écophyto, renforcer le suivi après l'AMM et une indication sur l'ETI correspondant à la molécule. Réduire l'usage des produits phytosanitaires ?
J'ai pris l'engagement de conserver l'objectif de 50 % de baisse en 2018 parce qu'il faut poursuivre et intensifier l'effort.
Les progrès dépendront de nos capacités à promouvoir, je l'ai dit, des modèles alternatifs de production. L'adoption à l'unanimité de votre rapport montre que nous sommes à un moment où ce pas peut être franchi. Je prends l'engagement d'avancer avec détermination. (Applaudissements à gauche)
La séance, suspendue à 17 h 40, reprend à 17 h 50.