SÉANCE
du mardi 18 décembre 2012
42e séance de la session ordinaire 2012-2013
présidence de M. Jean-Patrick Courtois,vice-président
Secrétaires : M. Jean Desessard, M. Jean-François Humbert.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement à des questions orales.
Avenir de la recherche intégrée dans le secteur de l'énergie
M. Michel Billout . - Des menaces pèsent sur la recherche intégrée à EDF et GDF-Suez, conséquence aberrante de la déréglementation européenne dans le secteur de l'énergie. Le troisième paquet Énergie, adopté en 2009, comprend deux directives, l'une sur le marché intérieur de l'électricité et une autre sur le marché intérieur du gaz, contre lesquelles le groupe Énergie du Sénat s'était élevé. Il impose de rendre les gestionnaires de réseaux indépendants des groupes. En conséquence, RTE s'est engagée à mettre fin d'ici quelques jours aux prestations d'études et d'essais réalisées par EDF. En Seine-et-Marne, le centre Les Renardières envisage de se séparer du laboratoire des matériels électriques et de 170 de ses 600 salariés. D'autres projets de réorganisation font craindre un morcellement des activités de recherche ; or les petites unités n'ont pas la taille critique nécessaire.
Alors que l'Agence internationale de l'énergie annonce une hausse de 20 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030, ce qui relèverait de 3,5 degrés la température moyenne de la planète, il importe de rompre avec le libéralisme à tout crin pour développer la recherche publique dans ce secteur.
Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie . - Merci de cette question qui souligne l'importance de la recherche pour la sécurité dans le domaine de l'énergie et la protection de l'environnement et qui met en lumière les conséquences de la logique de libéralisation qui a primé en Europe. Le Gouvernement a proposé une autre voie : l'ordonnance de transposition du 9 mai 2011, codifiée à l'article L. 111-18, a préservé la place de RTE au sein d'une entreprise verticalement intégrée ; en contrepartie, des dispositions strictes ont été prises pour garantir l'indépendance du gestionnaire de réseau et interdire à la société mère de lui fournir des prestations de services. Cette solution n'a pas été contestée par la Commission européenne. RTE doit ainsi mettre fin à ses relations contractuelles avec EDF fin 2012, ce que nous regrettons ; mais les activités de recherche et développement dans les réseaux ont un caractère spécifique.
Toutefois, la plate-forme « co-réseaux », qui regroupe plusieurs réseaux européens dont RTE en association avec plusieurs universités françaises, est un facteur de maintien d'un haut niveau de sécurité et d'innovation, essentiel pour la réussite de la transition énergétique.
L'Europe de l'énergie doit être aussi le moyen de porter de nouvelles ambitions de recherche. La France a proposé des projets de coopération qui seront discutés au Conseil européen de mai prochain, qui sera consacré à l'énergie.
M. Michel Billout. - Les projets de coopérations sont nécessaires. S'ils s'accompagnent d'un morcellement, quel sera leur résultat ? Je m'étonne que vous ne demandiez pas d'inclure la recherche et développement au contrat de service public passé avec EDF. Production et transport sont indissociables.
Lycée Alexandre Dumas à Moscou
M. Jean-Yves Leconte . - En février 2012, le ministre des affaires étrangères d'alors avait assuré, en réponse à une de mes questions orales, qu'un accord avait été trouvé avec les autorités russes pour l'extension du lycée Alexandre Dumas de Moscou avant la rentrée 2012. Cela n'a pas été le cas et celle-ci s'est déroulée dans de mauvaises conditions. Au moment du dépôt de cette question, la convention n'avait toujours pas été signée. L'accord a-t-il été discuté lors de la réunion intergouvernementale du 8 novembre ? Il reste à préciser le financement de l'opération d'extension et la rémunération des enseignants titulaires. L'attractivité de ce lycée, sous l'autorité directe de l'AEFE, doit être renforcée et la rentrée prochaine, anticipée. Une planification est en outre nécessaire.
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger . - Je suis très attachée à notre réseau de lycées à l'étranger qui répond aux besoins de nos compatriotes et contribue au rayonnement de notre culture, de notre langue et de nos valeurs.
Le lycée Alexandre Dumas, que vous connaissez bien, est victime de son succès : 1 277 élèves à cette rentrée. Un accord prévoyant la mise à disposition de deux bâtiments par la Fédération de Russie a été signé le 27 novembre. En attendant, des discussions ont eu lieu avec la mairie de Moscou pour la location de locaux à proximité de l'établissement. Quant à l'indemnité spécifique des enseignants, liée aux conditions de vie locale, elle est l'une des plus élevées au monde : 35 000 euros par an. Comptez sur ma vigilance.
M. Jean-Yves Leconte. - Je me réjouis de cet accord ; l'affaire, délicate, doit être suivie au jour le jour pour déboucher dès la rentrée 2013.
Imprimerie de timbres en Dordogne
M. Claude Bérit-Débat . - La France a perdu plus de 700 000 emplois industriels en dix ans. Vous savez la difficulté à enrayer la désindustrialisation. Le CICE vise à remédier à cette situation. Les entreprises historiquement liées à l'État ne doivent-elles pas jouer le jeu ? Préservons ce qui existe. Philaposte, implantée à Boulazac en Dordogne, est unanimement reconnue pour la qualité de son travail. Elle imprime chaque année trois milliards de timbres et plus de cent mille livres et produits dérivés. Hélas, une saignée des effectifs -220 en quatre ans- s'est accompagnée de la délocalisation de certaines activités en Roumanie. Les salariés sont prêts à relever le défi de la conquête de nouveaux marchés mais, malgré les engagements de la direction, les inquiétudes subsistent sur le site de Dordogne. Comment comptez-vous inciter Philaposte à conserver cet outil de pointe et à arrêter la fonte des effectifs ?
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger . - L'article 16 de la loi du 2 juillet 1990 accorde à La Poste l'exclusivité de l'édition des timbres. Philaposte produit trois milliards de timbres par an. Son savoir-faire en taille douce lui a permis de diversifier ses activités : timbres fiscaux, documents d'état civil, chèques bancaires. Cependant, l'entreprise et le site de Boulazac pâtissent de la baisse du volume du courrier. Philaposte doit donc innover et conquérir de nouveaux marchés. La livraison de deux nouvelles machines à Boulazac -pour l'impression personnalisée et l'impression sécurisée- confirme la volonté de La Poste de maintenir l'activité sur le site. Une rencontre a eu lieu le 19 novembre dernier entre une délégation de parlementaires, le maire de Périgueux et la direction de l'entreprise ; celle-ci a réaffirmé son ambition pour Boulazac. Nous suivons ce dossier avec attention.
M. Claude Bérit-Débat. - Nous avions demandé cette rencontre. Malgré les réponses rassurantes de la direction, nous notons une baisse des effectifs -650 postes en 2007, 430 aujourd'hui-, le recours à des intérimaires et des délocalisations en Europe. L'État doit montrer l'exemple et stopper la désindustrialisation du pays. Ne perdons pas le savoir-faire des imprimeurs de Boulazac.
Fermeture du site d'IBM à la Gaude
M. Marc Daunis . - Hélas, M. Bérit-Débat le rappelait, nous sommes engagés dans un véritable bras-de-fer pour réussir le redressement productif de notre pays. Le 23 octobre dernier, après une première vague de délocalisations durant cet été, la direction d'IBM La Gaude a annoncé une réflexion sur son implantation dans les Alpes-Maritimes. Selon l'intersyndicale, quarante à cinquante emplois seraient supprimés d'ici 2014.
En parallèle, Texas Instruments se désengage du marché du mobile ; les salariés craignent la fermeture du site de Villeneuve-Loubet : 600 emplois sont menacés, après la suppression de 300 postes en 2008.
Les élus locaux doivent agir, aux côtés de l'État, pour maintenir ces deux entreprises emblématiques de la région implantées dans les années 1960.
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger . - Vous avez raison de souligner la place de Texas Instruments dans l'histoire industrielle des Alpes-Maritimes. L'abandon par cette entreprise de la technologie wireless pourrait toucher quatre centres : Dallas, berceau historique de l'entreprise, Bangalore, Tel Aviv et Villeneuve-Loubet. Outre les emplois directs, cinquante emplois seraient menacés chez les sous-traitants, ainsi que cinquante emplois annexes. Le comité d'entreprise doit se réunir aujourd'hui : le ministre du redressement productif sera très attentif à ses conclusions.
Quant à l'implantation IBM France de La Gaude, son bail arrive à échéance en 2015, d'où des hypothèses de relocalisation dans la plaine du Var ou à Sophia Antipolis. Le président de l'entreprise a promis au ministre du redressement productif que l'emploi serait préservé. Nous prenons acte de la mobilisation des élus locaux ; le Gouvernement fait tout pour maintenir l'emploi dans les Alpes-Maritimes.
M. Marc Daunis. - Nous avons eu une réunion hier avec le maire de La Gaude, le premier vice-président de la région et mon collègue Louis Nègre pour envisager les conditions d'une mobilisation de tous. IBM a pris des engagements, je ne soupçonne pas a priori l'entreprise, nous serons vigilants. Sophia Antipolis est un outil extraordinaire, ce technopôle présente une richesse humaine extraordinaire. Prolongeons l'innovation technologique par l'innovation sociale : créons des emplois !
Concernant Texas Instruments, il y a eu une erreur de stratégie, soit. Mais certains emplois ont bénéficié du crédit impôt recherche. Veillons à une meilleure articulation territoriale des plans de mutation et de reconversion des salariés.
Déserts médicaux dans l'Essonne
M. Jean-Vincent Placé . - La santé, avec le logement et l'emploi, est l'une des préoccupations majeures des Français. Après dix ans de casse du service public hospitalier, les inégalités en santé se sont creusées et de plus en plus de Français retardent, voire renoncent aux soins. L'apparition de déserts médicaux touche aussi l'Ile-de-France, comme le confirme le diagnostic de l'ARS ; nombre de médecins vont partir en retraite et les jeunes se désintéressent de la médecine libérale. Quatre territoires de l'Essonne figurent parmi les territoires déficitaires -Grigny, La Ferté-Alais, Méréville et Vigneux-sur-Seine- et deux parmi les vingt-et-un fragilisés -Saint-Chéron et Morsang-sur-Orge.
Le ministre a annoncé un pacte de santé, je m'en réjouis. Quelles en seront les conséquences concrètes ?
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger . - Effectivement, les zones urbaines sont aussi touchées par les déserts médicaux. 27 % des médecins généralistes ont plus de 60 ans et la relève n'est pas assurée ; seuls 10 % environ des médecins ont moins de 40 ans. Dans l'Essonne, plus de 31 % des médecins généralistes ont plus de 60 ans, 7,5 % moins de 40 ans.
Le problème est davantage celui de la répartition, des nouveaux modes d'exercice choisis par les jeunes médecins qui veulent plus de temps pour leur vie privée. La coercition ne fonctionnera pas, il faut une réponse globale qu'a présentée Mme Touraine le 13 décembre dernier dans la Vienne, le pacte territoire-santé. Celui-ci se compose de diverses mesures : changer la formation et faciliter l'implantation des jeunes médecins, transformer les conditions d'exercice, favoriser le recours à la télémédecine. Les différentes solutions seront concertées aux niveaux national et régional.
M. Jean-Vincent Placé. - Merci pour cette réponse. Les objectifs du pacte annoncé par Mme Touraine sont bienvenus : formation, aide à l'installation et aux nouvelles formes d'exercice, rôle d'appui des centres hospitaliers, tout cela pour assurer une médecine de proximité. Le Gouvernement y est attaché, je lui apporterai mon soutien.
Avenir des communes rurales
M. Jean Boyer . - Les communes s'effacent devant la moitié de l'intercommunalité. La France rurale ne peut pas être une spectatrice de son déclin, elle doit être acteur de son renouveau.
Or, ce gouvernement comme le précédent ne tient pas suffisamment en compte de l'espace à gérer. Un village de 150 habitants tiendrait dans un immeuble mais il y a des dizaines de kilomètres de chemins à entretenir ! Dans dix ans, trouvera-t-on des candidats pour être maires ? Accepteront-ils d'être seulement un officier d'état civil ou un garde-champêtre ? Le monde rural est une chaîne dont tous les maillons sont complémentaires. Nous ne réclamons pas de privilèges mais la reconnaissance de nos spécificités.
Les 36 000 communes françaises représentent 32 % des communes européennes. Personne ne veut d'oasis ruraux ; dans mon département, il y a trois cantons qui ont moins de dix habitants par kilomètre carré. Aidons les zones de revitalisation rurale (ZRR) ! Merci de porter ce message !
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger . - Le Gouvernement a conscience du problème, c'est bien pourquoi il a créé un ministère à l'égalité des territoires. Son premier objectif est de réparer les territoires meurtris, le deuxième est la mise en capacité de tous les territoires à trouver les moyens de leur développement. Le zonage des ZRR n'est plus pertinent, je pense au critère du nombre d'agriculteurs qui n'est pas nécessairement signe d'un moindre développement. D'où le lancement d'une réflexion sur le zonage.
En outre, Mme la ministre Cécile Duflot a annoncé, la semaine dernière au Sénat, une loi sur l'égalité des territoires en 2013 qui fera une large place aux services publics. L'enjeu, c'est la mise en cohérence des politiques publiques au service de l'aménagement du territoire, notamment grâce à la contractualisation.
M. Jean Boyer. - Là où il y a une volonté, il y a un chemin. Il faudrait relancer les pôles d'excellence rurale, qui s'appuient sur des initiatives locales.
Logement à Mayotte
M. Thani Mohamed Soilihi . - Le logement est rare, cher et insuffisamment sécurisé et aménagé à Mayotte. La majorité de la population mahoraise est éligible au logement social. Après la case SIM, on a lancé, en 2006 et en 2008, le logement en accession très sociale et le logement en accession sociale. Sur les 237 logements mis en chantier, 150 ont été achevés. Ils ne sont pas occupés, faute pour les accédants de pouvoir accéder à un crédit bancaire en l'absence de titre de propriété. Le logement locatif social et le logement locatif très social connaissent un succès très relatif. L'allocation de logement familiale ne bénéficie qu'à 173 familles et son montant est inférieur à ce qu'il est dans les autres départements d'outre-mer.
Le président de la République, en janvier 2010, avait promis d'aider à la construction de 40 000 logements d'ici 2017. Le rapport de janvier 2011 a réévalué à la baisse les besoins. Quelles suites le Gouvernement entend-il donner aux recommandations de ce rapport ?
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger . - Les recommandations formulées dans le rapport de janvier 2011 seront suivies. La création d'un établissement public foncier d'État est en cours. Parallèlement, le conseil général travaille au titrage de 20 000 propriétés coutumières. Un plan départemental pour le logement des personnes défavorisées doit être établi et, dès janvier 2013, Mayotte se verra confier la gestion d'un fonds de solidarité logement.
Le rapport de 2011 a fait d'autres préconisations : le recours à l'expertise de l'État, l'extension à Mayotte de l'allocation de logement social, de la distribution du PTZ + et des règles fiscales.
L'instance collégiale qu'évoque le rapport existe et se réunit régulièrement sous la présidence du préfet pour faire le point sur le logement social. Le développement de celui-ci est effectivement primordial à Mayotte.
M. Thani Mohamed Soilihi. - Merci de cette réponse rassurante. Le Gouvernement, j'en suis certain, tiendra enfin les promesses de l'État. La situation est difficile : Mayotte manque de logements et d'aides. Résultat paradoxal, on construit des logements mais il n'y a pas de candidats faute de ressources financières suffisantes.
Vous voulez associer les collectivités territoriales de Mayotte, je salue cet engagement. Elles manquent de moyens mais ce n'est pas un problème de gestion. Le niveau de leurs dotations est insuffisant par rapport aux besoins. Je compte sur le Gouvernement pour que les Mahorais tendent de plus en plus vers l'égalité républicaine.
Avenir des voies navigables à grand gabarit en France
M. René Beaumont . - Les voies navigables à grand gabarit sont l'outil le moins cher en fonctionnement et en investissement, le plus écologique et le plus durable. A l'heure de la maritimisation de l'économie mondiale, la voie d'eau est la mieux placée pour redistribuer le fret sur tout le territoire.
La liaison Rhin-Rhône a été définitivement anéantie en 1997. Dès lors, les élus rhône-alpins, bourguignons, lorrains et champenois ont conçu un tracé par le plateau de Langres et la Moselle, laquelle s'avère aujourd'hui l'axe fluvial français transportant le tonnage de fret le plus élevé. Ainsi est née l'association Seine-Moselle-Saône, qui a assuré avec l'État le financement des pré-études de ce nouveau tracé. Ces études ont confirmé très largement cette hypothèse et l'État lui-même a confirmé ce tracé comme possible après la réalisation Seine-Nord-Escaut en cours. Le Grenelle de l'environnement de juillet 2009 a ajouté au tracé la possibilité de desserte des ports rhénans français de Strasbourg et de Mulhouse à la demande des élus alsaciens.
L'État a décidé, en accord avec la commission nationale du débat public, que le débat public concernant cette nouvelle liaison aurait lieu courant 2013. Dans cette perspective, Voies navigables de France (VNF) a récemment déposé un dossier qui programme à partir de Saint-Jean de Losne, en Côte-d'Or, au sud de la Bourgogne, un ouvrage à deux branches, l'une verticale vers la Moselle, qui correspond bien à l'engagement primordial, et l'autre rejoignant Mulhouse et le Rhin. Solution qui augmente singulièrement le coût de l'investissement et risque d'en amoindrir très significativement la rentabilité. Un tracé strictement mosellan sur lequel on grefferait un barreau entre Port-sur-Saône et Mulhouse serait plus réaliste et permettrait la desserte du triangle Mulhouse-Bâle-Montbéliard. Le sud de la Franche-Comté, traversé par la liaison prévue par VNF, est une région à risques écologiques et sans activité économique lourde cliente de la voie d'eau.
Que pense faire le Gouvernement du projet Seine-Nord Europe ? Cet équipement lancé, quel tracé retiendra-t-on pour la liaison Saône-Rhin ? Les études définitives seront-elles réalisées pour permettre le lancement de ce projet indispensable à l'achèvement d'un réseau à grand gabarit ? Celui-ci pourrait être complété par une liaison Seine-Moselle, dans une région durement touchée par l'abandon des activités minières et métallurgiques.
M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire . - Le ministre des transports, dont je vous prie d'excuser l'absence, veut favoriser le transport fluvial des marchandises, gage d'un développement durable des territoires.
Le projet hors norme de liaison Saône-Moselle/Saône-Rhin, pour lequel des études préfonctionnelles ont déjà été conduites par VNF, est certes inscrit au Snit mais il coûterait entre 8,5 et 11,5 milliards d'euros. Au total, le Snit représente un coût de plus de 245 milliards d'euros en vingt cinq ans, sans qu'aucune priorité ni aucun financement n'aient été définis.
M. Cuvillier a donc mis en place une commission pour réfléchir sur la faisabilité du schéma et ses perspectives de financement -sachant que le Gouvernement entend donner la priorité aux transports du quotidien et à la rénovation des réseaux existants. La commission nationale du débat public sera saisie à l'issue des travaux de cette commission.
Quant au canal Seine-Nord-Europe, son coût global avait été sous-évalué par le gouvernement précédent. M. Cuvillier a demandé un bilan, attendu début 2013, à l'IGF et au Conseil général de l'environnement et du développement durable. Tout sera mis en oeuvre pour rendre ce projet viable et réalisable.
M. René Beaumont. - J'ai entendu beaucoup de paroles d'espoir... La voie navigable a toujours été négligée en France. C'est pourtant l'un des principaux outils du transport du fret, un outil écologique et économique.
Industrie agro-alimentaires
Mme Esther Sittler . - Les industries agro-alimentaires ont vu leurs marges se contracter depuis deux ans, en raison du renchérissement des matières premières et de l'impossibilité de renégocier les contrats avec les distributeurs. Ne faudrait-il pas mobiliser tous les acteurs de la filière pour trouver des solutions ?
M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire . - Nous avons pris la mesure du problème et apporté des premières solutions. Le pacte de compétitivité donnera un ballon d'oxygène aux entreprises les plus vulnérables et soutiendra l'innovation et l'investissement. Pourquoi le bilan de la LME n'est-il pas satisfaisant ? Parce nos PME sont prises en étau entre la hausse du prix des matières premières et l'impossibilité de la répercuter dans le prix de vente à la grande distribution.
Nous voulons aboutir à un meilleur équilibre, pour que chacun puisse vivre de son travail et dégager des marges suffisantes pour investir et exporter. D'où la table ronde que nous avons réunie et les groupes de travail sur les ajustements à apporter à la LME. MM Le Foll, Hamon et moi-même travaillons à une grande loi pour 2013 ; des dispositifs contractuels ont aussi leur place.
Certaines filières souffrent particulièrement, la volaille, le porc. Le délégué interministériel Alain Berger doit nous faire, d'ici la fin de l'hiver, des propositions pour leur venir en aide.
Traiter l'urgence et ouvrir des perspectives, dialoguer et agir : voilà le sens de notre action.
Mme Esther Sittler. - J'espère que vous réussirez. La LME est contournée... Nos producteurs et transformateurs ont besoin de prix corrects pour vivre. J'attends des projets concrets.
Conséquences territoriales de la réorganisation du temps scolaire
M. Jean-Paul Amoudry . - Oui, l'enfant et l'école doivent être des priorités publiques. Mais la réorganisation du temps scolaire pèsera sur les collectivités territoriales : l'obligation d'accueil des élèves de primaire et des deuxième et première années de collège jusqu'à 16 heurs 30, voire 17 heures, obligera à créer des activités péri-scolaires, le cinquième jour d'école et l'allongement de l'année scolaire auront un coût en termes de transport, de restauration, de garderie, de surveillance, etc. Les petites communes dépourvues de structures adaptées en souffriront le plus.
Des moyens leur seront-ils donnés ? Comment éviter un accroissement des inégalités entre élèves ?
M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale . - Merci d'avoir rappelé que nous sommes tous d'accord pour revenir à la semaine de quatre jours et demi qui existait en 2008. La semaine de quatre jours décidée par le gouvernement précédent, qui constitue un préjudice lourd pour les enfants, est unique en Europe et traduit l'abandon de notre jeunesse. Les indicateurs montrent que nous décrochons sur l'apprentissage des fondamentaux. Il faut revenir à une année de 180 jours de classe.
La priorité donnée à l'éducation oblige à réduire les crédits d'autres ministères : gouverner, c'est choisir nationalement et localement.
Pour répondre à votre question, le président de la République a annoncé un fonds d'amorçage de 250 millions d'euros, et le Premier ministre doit rendre ses arbitrages d'ici quelques jours pour que cette réforme voie le jour en 2013 avec des dérogations accordées jusqu'en 2014. C'est l'intérêt des enfants et de la France.
M. Jean-Paul Amoudry. - Cette aide sera temporaire alors que les collectivités devront durablement assumer des charges nouvelles et que l'on annonce une baisse des dotations de l'État... On fait surtout peser sur elles la réduction des dépenses publiques.
La scolarisation à partir de deux ans aura aussi un coût. Le Gouvernement doit en tenir compte. Il y va de l'égalité des élèves des villes et des campagnes.
Indemnisation des victimes de l'amiante
Mme Michelle Demessine . - Les victimes de l'amiante mènent un combat exemplaire pour faire reconnaître le préjudice qu'elles ont subi. La Cour de cassation leur a reconnu, dans l'arrêt du 11 mai 2010, le droit à l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété : avoir travaillé sur un site avec de l'amiante, c'est vivre sous une épée de Damoclès.
Or la réduction à cinq ans du délai de prescription en juin 2008 en matière civile privera bientôt les victimes de cette possibilité. Il faut modifier la loi de juin 2008 pour prévoir une exception en faveur des victimes de l'amiante.
M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale . - Veuillez excuser Mme Taubira, retenue à l'Assemblée nationale. Convaincue qu'il faut apporter une réponse efficace au problème que vous soulevez, elle ne croit pas nécessaire de modifier la loi. Lorsque le préjudice d'anxiété est lié à une pathologie déclarée, le délai de prescription, aux termes de l'article L. 2226 du code civil, est de dix ans, voire plus en pratique. Dans les autres cas, le délai de prescription est de cinq ans mais l'article L. 2224 du code civil donne au juge une grande latitude pour apprécier la date à partir de laquelle court le délai, c'est-à-dire celle où la victime a eu connaissance du préjudice. Le Gouvernement veillera à la bonne information des personnes concernées afin qu'elles puissent faire valoir leurs droits.
Mme Michelle Demessine. - Merci de cette réponse argumentée, qui me paraît devoir rassurer les associations.
Dotations pour la délivrance de passeports biométriques
M. Michel Houel . - Conformément à la réglementation européenne, depuis fin juin 2009, 2 074 communes délivrent au public les passeports biométriques. Ainsi, 3 506 stations d'enregistrement ont été installées dans les mairies concernées qui se sont engagées dans ce nouveau service au public. Trois ans plus tard, ces communes constatent une montée en puissance des demandes et déplorent l'insuffisance de la dotation annuelle de compensation attribuée par l'État. Dans ma commune, en 2011, 1 500 passeports ont été établis ; il faut en moyenne trente minutes pour enregistrer la demande et dix minutes pour délivrer le document et la dotation de l'État ne s'élève qu'à 6 000 euros par an, montant qui ne couvre donc pas le coût réel de ces stations. Cette offre de service va prochainement s'accroître avec la création de la carte nationale d'identité électronique.
Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour améliorer l'indemnisation des communes ? Son caractère forfaitaire ne pourrait-il pas être remplacé par une indemnisation au prorata des titres délivrés ?
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur . - Le principe de l'indemnisation des communes volontaires est admis. Son montant forfaitaire, fixé à 5 000 euros par an et par station en loi de finances pour 2009, a été porté à 5 030 euros dans la loi de finances pour 2013. Mais 69 communes sur 2 079 supportent un coût supérieur. Un nouveau mode de calcul de l'indemnisation pour les non-résidents a été envisagé. S'agissant de la carte d'identité électronique, un sujet évoqué lors du congrès des maires, le ministère, en novembre dernier, a missionné l'IGA, qui doit bientôt rendre un rapport sur le mode de calcul pour les non-résidents. Il faut également tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel de mars 2012. En attendant, le régime actuel ne devrait pas être modifié.
M. Michel Houel. - Ma commune de 4 200 habitants établit 1 500 titres par an parce qu'on y vient d'autres départements. Il faut toutefois se féliciter qu'on puisse aujourd'hui obtenir un passeport en huit jours, contre deux mois autrefois. La population en est très heureuse.
Contournement autoroutier de Strasbourg
M. André Reichardt . - Je regrette de devoir vous alerter une nouvelle fois sur les conséquences de l'abandon du contournement autoroutier de Strasbourg par l'ouest, alors que les travaux devaient bientôt commercer. C'est un coup dur pour l'économie alsacienne pénalisée par les nombreux bouchons.
M. Cuvillier, qui a reçu les représentants de l'économie régionale et des élus, a parlé d'étudier toutes les options pour régler le problème. De quelles études s'agit-il et dans quel délai ?
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur . - M. Cuvillier a été retenu par la réunion des ministres européens de la pêche.
Le Gouvernement n'a pas décidé d'abandonner le projet de contournement ouest de Strasbourg : il a seulement dû retirer à Vinci la qualité de concessionnaire pressenti parce que le groupement n'avait pas réuni les financements attendus, après deux prolongations. Les autres candidatures n'étaient pas recevables.
Mais nous reconnaissons la nécessité de mette fin à la congestion routière autour de Strasbourg. M. Cuvillier a confié au Conseil général de l'environnement et du développement durable une mission de quatre mois à ce sujet ; tous les acteurs locaux seront consultés.
M. André Reichardt. - Je ne reviens pas sur les motifs de cet abandon... Le temps presse. La région développe le TER, le département, les transports en site propre, mais cela ne suffit pas. Les bouchons nuisent à l'image de Strasbourg et de l'Alsace, et font fuir certaines entreprises. Je le sais pour être le président de l'Agence du développement économique de l'Alsace à l'international.
Centre de l'Insee à Metz
Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - La délocalisation de l'Insee à Metz, voulue par M. Sarkozy, devait compenser la fermeture des sites militaires : le centre emploie à ce jour 130 agents, majoritairement non Insee, sur le technopôle et devrait s'installer dans l'ancienne gare, achetée 8 millions par l'État et dont la rénovation est estimée à 34 millions. Rien n'est encore tranché, aucun marché n'a été lancé et le ministre de l'économie et des finances a reporté pour la deuxième fois sa visite à Metz. Le député Alain Fauré, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2013 a dénoncé une véritable gabegie : le projet coûterait 70 millions d'euros. Il est grand temps de le geler. Il aurait de lourdes conséquences sur l'emploi : le volontariat n'a pas fonctionné.
Le Gouvernement conduira-t-il le projet à son terme ou le gèlera-t-il, comme le réclame l'intersyndicale de l'Insee ?
Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur . - Le précédent gouvernement a voulu délocaliser l'Insee à Metz, pour compenser la refonte de la carte militaire : 1 500 emplois doivent être transférés depuis plusieurs ministères. Le centre de statistiques de Metz a ouvert ses portes en septembre 2011. Trois entités sur six sont déjà actives. En 2013, les capacités des locaux actuels seront atteintes : 180 agents.
Une réflexion sera engagée pour réduire le coût du projet. Si le recrutement d'agents locaux ne pose pas problème, son accélération nuirait à d'autres administrations. D'autre part le volontariat du côté de l'Insee est modéré.
Les élus réclament que les engagements pris en termes d'emplois soient tenus. C'est chose faite jusqu'à présent.
La statistique publique n'est pas menacée par l'ouverture du centre messin. En tout cas, le réseau des directions régionales n'est pas remis en cause, en particulier celle de Nancy.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Les inquiétudes que j'avais exprimées en 2008 ne sont pas apaisées. L'objectif de ce projet, c'est la recentralisation. Il existe déjà une entité régionale à Nancy. On peut craindre que le déploiement du centre expérimental informatique à Metz ne condamne ceux d'Aix et d'Orléans.
Enfin, le coût du projet est exorbitant si l'on doit déplacer les 180 agents. Les agents de l'Insee ont besoin de sérénité !
Recettes locales des douanes dans l'Hérault
M. Robert Tropeano . - Trois centres seraient concernés par le projet de suppression de trois recettes locales des douanes dans le département de l'Hérault : ceux de Gignac, d'Olonzac et de Saint-Chinian dès la prochaine campagne viticole de 2012-2013. Les usagers de ces services, qui sont majoritairement des viticulteurs, devraient désormais se rendre à Montpellier ou à Béziers pour bénéficier des conseils et des aides des agents des douanes. Ces trois recettes locales couvrent plus d'une centaine de communes du département de l'Hérault qui en compte 343, soit près d'un tiers. La mise en place de cette décision s'appuie sur le projet de dématérialisation des déclarations récapitulatives mensuelles (DRM) qui, jusqu'à présent, sont traitées par les fonctionnaires de ces recettes locales alors que cette informatisation ne sera effective qu'au cours du premier trimestre de 2014 et l'administration des douanes, par l'intermédiaire des centres de viticulture, ne pourra pas accompagner les viticulteurs dans la mise en place de ce nouveau programme. Une fois encore les territoires ruraux sont touchés par la fermeture des services publics, obligeant les usagers à se déplacer vers des centres toujours plus éloignés de leur domicile, et sans pour autant avoir un meilleur service rendu.
Après la fermeture des perceptions, des tribunaux, des subdivisions de l'équipement, c'est maintenant au tour des recettes locales des douanes. Où est la logique territoriale, dans un département dont l'activité viticole est très importante, de contraindre les adhérents à se rendre à Montpellier ou à Béziers ? Les agences, telles qu'elles étaient situées au coeur des bassins viticoles, répondaient à un véritable service public de proximité. La réforme de l'État ne peut pas se limiter à une recentralisation des services publics. Elle doit répondre à un souci d'aménagement du territoire, comme l'ont souligné de très nombreux élus qui ont participé aux états généraux de la décentralisation.
Le 28 novembre, Mme Duflot soulignait l'accroissement d'inégalités au sein des régions. L'accès aux services publics est déterminant, pour lutter contre le sentiment de relégation des ruraux. Reviendrez-vous sur cette décision ?
Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur . Nous sommes tous attachés au maintien du service public dans les territoires ruraux comme à leur modernisation. La douane s'est effectivement engagée dans cette direction. La procédure « EMCS Gamma » évitera des déplacements, de même que l'envoi par internet d'une déclaration récapitulative mensuelle et l'annualisation des paiements. Les viticulteurs n'auront plus à se déplacer, d'où un moindre besoin de proximité.
La réorganisation des trois centres de l'Hérault début 2014 donnera lieu à une information et à un accompagnement. Il faut trouver un juste équilibre entre maintien des services publics et modernisation dans un contexte économique contraint. En tant que ministre du commerce extérieur, je m'occupe un peu des douanes. La lourdeur des procédures est souvent dénoncée par les entreprises, leur modernisation et la dématérialisation des procédures est utile, j'en suis convaincue et je voudrais vous en convaincre.
M. Robert Tropeano. - Je le suis mais le directeur régional des douanes, que j'ai rencontré il y a quelques semaines, ne serait pas opposé au maintien de permanences pour aider les viticulteurs qui ne sont peut-être pas tous à l'aise avec l'informatique. Nous en avons besoin.
Enseignement supérieur dans le Cantal
M. Jean-Claude Requier, en remplacement de M. Jacques Mézard . - Quelque 1 400 étudiants poursuivent leurs études dans le Cantal dans les secteurs de l'agroalimentaire, de la biologie, de la santé et de la communication.
L'IUT d'Aurillac est un outil qu'il faut préserver. La diminution du nombre d'élèves de 12 % entre 2010 et 2012 est due non à une baisse des candidatures mais à un défaut de moyens. Encore une fois, la ruralité fait figure de variable d'ajustement. Qu'entend faire le Gouvernement qui place la jeunesse au coeur de ses priorités ?
Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Mon ministère, conformément à la priorité du Gouvernement en faveur de la jeunesse, veut garantir une offre de formation de proximité pour tous les jeunes, quelle que soit leur origine sociale ou géographique. Je veux maintenir les antennes locales dans les villes moyennes, celles-ci assurent un avenir aux jeunes qui, sans cela, n'auraient pas poursuivi d'études supérieures ; elles offrent aussi un accueil de qualité et des conditions de logement moins coûteuses. Les IUT sont un instrument précieux par leurs liens avec les entreprises. Nous nous efforçons de favoriser leur inscription dans le paysage universitaire, qui a été mise à mal par la loi LRU et le passage à l'autonomie des universités.
Une convention d'objectifs et de moyens a été signée entre l'IUT d'Aurillac et l'université de Clermont-Ferrand. La baisse des effectifs n'est pas liée à un manque de moyens ni à un trop faible taux d'encadrement : l'antenne d'Aurillac reçoit un soutien de son université de rattachement comme des collectivités locales et deux postes de professeurs d'université lui seront attribués en 2013. Il faut consolider son offre de formation en lien avec Clermont-Ferrand et tous les établissements de la région. Dans la loi en préparation sur l'enseignement supérieur, nous proposerons des schémas régionaux pour une offre de formation diversifiée sur tout le territoire français.
M. Jean-Claude Requier. - Je laisse à M. Mézard le soin de répondre.
Ordonnances bizones et dépenses sanitaires
Mme Laurence Cohen . - Institué en 1945, le dispositif des affections de longue durée (ALD) permet la prise en charge de pathologies lourdes. A chacun selon ses besoins, tel était le principe d'Ambroise Croizat. Les ordonnances bizones créées en 1994 ont remis en cause ce principe : on distingue les médicaments et soins relevant de l'ALD et ceux qui y sont seulement liés. L'assurance maladie en profite pour réduire les dépenses de santé. Certes, il faut s'attaquer à ce déficit mais, pour le groupe CRC, nous devons, plutôt que de soupçonner les médecins et de prôner « la coresponsabilité », trouver des recettes nouvelles. Le gouvernement de gauche peut encore y revenir.
Ces ordonnances sont un véritable casse-tête. Le diabète occasionne par exemple des affections bucco-dentaires. Comment les distinguer ? Le docteur Poupardin, de Vitry, condamné récemment par la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, est devenu un symbole : il a été condamné à 4 000 euros d'amende pour avoir respecté le serment d'Hippocrate quand d'autres médecins pratiquent les dépassements d'honoraires en toute impunité, comme le conforte la dernière convention signée avec le Gouvernement. Allez-vous supprimer les ordonnances bizones ?
Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Mme la ministre de la santé, retenue, m'a demandé de la remplacer. Depuis vingt ans, l'ordonnance bizone différencie ce qui relève de l'ALD des autres affections. La haute autorité de la santé (HAS) a publié des référentiels qui sont traduits dans les protocoles de soins établis avec l'assurance maladie. Cela dit, les médecins bénéficient d'une marge de liberté et les patients aux revenus modestes peuvent demander la CMU-C.
L'existence de contrôles est légitime, la condamnation est prononcée par une commission paritaire et un recours est possible devant le juge. En 2011, sur 112 médecins contrôlés, 61 médecins ont fait l'objet de mises en garde et 9 de condamnations. Ces cas sont donc très minoritaires. Que le médecin que vous avez cité fasse appel.
Mme Laurence Cohen. - La prise en charge du patient doit être globale. La HAS donne des indications mais la médecine n'est pas une science exacte car elle a affaire à des êtres humains. Peu de médecins reçoivent des pénalités car ils préfèrent s'arranger avec les caisses. Le docteur Poupardin, appuyé par un comité de soutien, voulait mener un combat de principe. Le directeur de la caisse l'a menacé de saisie s'il ne règle pas ses pénalités, cela relève de l'acharnement. Il faut apporter un peu d'apaisement dans cette affaire : cet homme, connu et respecté à Vitry et dans le Val-de-Marne, n'a voulu faire que son métier.
Politique de l'Afpa pour les Français de l'étranger
Mme Claudine Lepage . - Après la gestion désastreuse de l'ancien gouvernement, l'Afpa est victime d'une grave crise sociale et économique ; un déficit de 12 millions en juillet, voire plus selon Le Monde aujourd'hui. Le Gouvernement a débloqué 80 millions mais la situation de l'association reste fragile : elle a besoin de 200 millions en fonds propres.
En 2011, elle a aidé 170 000 stagiaires et 70 000 salariés. En période de crise, quand la France compte 9 millions de pauvres, cet outil doit être préservé.
Nos compatriotes de l'étranger ne sont pas épargnés. Or, ces dernières années, ils ont eu plus difficilement accès aux comités consulaires pour l'emploi et la formation professionnelle, supprimés ou transformés en service associatif. D'où le recours à l'Afpa. Qu'entend faire le Gouvernement ?
M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage . - L'Afpa était au bord du dépôt de bilan à mon arrivée. Nous soutenons le plan global dessiné par le nouveau directeur : cet outil formidable sera préservé.
Le code de l'éducation dispose que la formation des Français de l'étranger relève de l'État. En 2011, quarante six personnes en ont bénéficié. Le marché a été reconduit le 14 novembre pour un an : il en coûtera 974 000 euros, en plus des 200 000 euros pour la rémunération des stagiaires. Entre quarante et soixante dix Français continueront ainsi à être formés.
Le dispositif prévoit des prestations de suivi personnalisé, de restauration et d'hébergement. Dans le cadre de la future loi de décentralisation, nous cherchons à intégrer ces publics dans le droit commun. En attendant, les Français de l'étranger pourront continuer à se tourner vers l'Afpa.
Mme Claudine Lepage. - Merci de m'avoir rassurée.
Filière hippique
M. Jean-Pierre Chauveau . - L'ensemble de la filière hippique s'inquiète de la décision du 8 mars 2012 de la Cour de justice de l'Union européenne. Après les Pays-Bas, l'Allemagne et l'Autriche, la France devra relever son taux réduit de TVA. La filière compte 70 000 emplois, et le Sénat a adopté une proposition de résolution le 29 mai 2011 pour demander le maintien d'une TVA réduite.
Nous en sommes à une autre étape, celle des mesures de compensation. Les centres équestres doivent être considérés comme des équipements sportifs et les éleveurs comme des TPE.
Le ministre a dit qu'une disposition fiscale existait depuis le 1er janvier 2012 à destination des activités sportives. La filière course doit obtenir un plan global de soutien.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt . - La Cour de justice de l'Union européenne a tranché. La France, qui s'est mise en conformité pour les courses, plaide pour le maintien des centres équestres dans le champ de la TVA réduite. Comme vous, je pense que ces centres participent de la vitalisation de nos territoires et doivent être considérés comme des centres sportifs.
Concernant la filière dans sa globalité, j'ai engagé un dialogue avec les professionnels pour rééquilibrer un secteur d'une grande importance par son patrimoine de races équines et sa place dans le monde rural, notamment dans la Sarthe et dans l'Orne.
Le Gouvernement résiste aux pressions européennes, veuillez le croire !
M. Jean-Pierre Chauveau. - Le cheval est la troisième fédération, après le football et le tennis, et fait plus pour l'aménagement du territoire. Une TVA réduite le conforterait.
Distorsion de concurrence pour les producteurs de fruits et légumes
M. Roland Ries . - La production de fruits et légumes représente 200 000 emplois peu qualifiés et occupés par les jeunes à titre saisonnier. La surface agricole qui y est consacrée a reculé de 30 % ces quinze dernières années, surtout pour les asperges, les fraises et les carottes. Cela s'explique par le coût horaire du travail et la législation sociale plus protectrice en France qu'en Allemagne ou en Espagne. La distorsion de concurrence touche davantage les zones transfrontalières.
Face à cette situation, le gouvernement précédent avait allégé les charges, notamment pour les travailleurs occasionnels et demandeurs d'emplois (TODE). La vraie solution, vous le savez, monsieur le ministre, est l'Europe intégrée, une Europe de solidarité de la production pour reprendre les termes de Robert Schuman. Depuis le discours de Jaurès au monde agricole, les socialistes sont toujours demeurés attentifs aux difficultés des campagnes. Continuons !
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt . - Les États restent souverains sur la politique sociale et fiscale. Nous pouvons prendre des mesures internes, comme celle qui concerne les TODE. D'où une ligne budgétaire de 500 millions dans le précédent budget, que j'ai tout fait pour préserver. Le CICE s'appliquera aux entreprises dès 2013, en particulier à celles qui sont très intensives en emploi.
Enfin, le débat européen. Dans le cadre des prochaines élections du grand voisin de l'Alsace, la question d'un salaire minimum est lancée. Des évolutions sont possibles. Ensuite, la directive Détachement, extrêmement déstabilisatrice, doit être refondue ; le Gouvernement défendra cette refonte. Enfin, de l'harmonisation fiscale et sociale on ne parle même plus depuis dix ans. On a même constaté un approfondissement des divergences. Il faut revenir à la convergence, pendant nécessaire du marché intérieur.
M. Roland Ries. - Merci pour cette réponse précise. Peut-être s'étonnera-t-on qu'un élu d'une grande ville défende l'agriculture mais je suis sénateur du Bas-Rhin. En outre, à Strasbourg, je promeus le développement des circuits courts en commun avec la chambre d'agriculture. La division traditionnelle entre ville et campagne doit être dépassée. Une fois par an, nous présentons une ferme place Kléber. La proximité est indispensable, nos concitoyens se préoccupent de ce qu'ils avalent et se méfient des produits de provenance lointaine, sans doute moins contrôlés. J'ai acheté des terrains pour restaurer l'activité maraîchère autour de Strasbourg, qui avait disparu.
La séance est suspendue à midi quinze.
présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente
La séance reprend à 14 h 25.