Ressortissants de nationalités roumaine et bulgare (Proposition de résolution)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution relative aux ressortissants de nationalités roumaine et bulgare, présentée, en application de l'article 34-1 de la Constitution, par Mme Aline Archimbaud et les membres du groupe écologiste.

Mme Aline Archimbaud, auteure de la proposition de résolution .  - Lors de mon arrivée au Sénat, l'an dernier, j'ai souhaité engager un travail de fond sur les ressortissants de nationalités bulgare et roumaine, particulièrement les plus précaires, communément appelés Roms bien que tous n'appartiennent pas au peuple rom. J'ai vu de près, comme élue locale, les discriminations dont ils sont victimes, indignes de la République. Associations et ressortissants, tous ont répondu présents à mon appel ; nous avons donc organisé des déplacements et des auditions des responsables nationaux de ces citoyens ainsi que des associations caritatives et de protection des droits de l'homme. Tous ont insisté sur l'urgence sanitaire, les difficultés de scolarisation et bien d'autres auxquelles est confrontée cette population.

Permettez-moi un bref rappel historique : esclavage, stigmatisation, persécution ont été, pour les Tziganes, le lot commun. Entre le quart et la moitié du million de Tsiganes que comptait l'Europe furent exterminés sous l'occupation nazie, d'autres déportés dans les camps. Aujourd'hui encore, les Tsiganes sont vus comme des fainéants qui ne souhaitent ni travailler ni s'intégrer. Cette vision culturaliste est erronée, je peux en témoigner pour les avoir entendus. La crainte d'une arrivée massive conforte également la méfiance à l'égard de cette population. Or, depuis le début des années 2000, leur nombre reste stable et faible : 15 à 20 000 ressortissants.

En majorité de nationalités bulgare et roumaine, ils sont soumis aux mesures transitoires des traités d'adhésion signés en 2007, que les États membres peuvent prolonger jusqu'à la fin 2013. Résultat, ils sont traités comme des ressortissants de pays tiers : pour travailler, ils doivent être titulaires d'un titre de séjour et d'une autorisation de travail. Le 26 octobre 2009, la Halde a condamné cette situation, que vient encore aggraver la directive de 2004.

Depuis les dernières élections, le contexte a changé. Lors de la réunion du 29 août dernier, le ministre de l'intérieur a déclaré que le problème était clairement humanitaire. Il a annoncé la levée de nombreuses restrictions, dont la taxe due à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) par l'employeur. Je salue ces mesures. Allons jusqu'au bout et sortons de l'absurdité : l'aide au retour coûte 3 millions par an sans compter les frais de fonctionnement -qui sont loin d'être négligeables- et elle est totalement inefficace puisqu'ils peuvent revenir en France et que, s'ils avaient accès au marché du travail, ils paieraient des cotisations sociales.

Absurdité financière mais aussi économique : en dépit de la crise, de nombreux secteurs manquent cruellement de main-d'oeuvre. Le risque d'un appel d'air ? On ne l'a pas constaté quand l'Italie a levé les mesures transitoires fin 2011 et que l'Irlande, le mois dernier, a rejoint les 19 autres pays qui l'ont déjà fait. Le rapport de la Commission européenne du 18 novembre 2011 se prononce pour la liberté de circulation des travailleurs, dont l'impact n'est pas négatif dans les pays d'installation. Surtout, comment construire l'Europe si l'on maintient des citoyens de seconde zone ?

Aucune considération d'ordre « racial », génétique ou culturel ne justifie cet état de fait. Les Roms font preuve de solidarité, de courage, de fierté. Certains d'entre eux sont réputés comme musiciens ou artistes. Savez-vous que la jeune fille qui a reçu l'an dernier, au Sénat, la médaille d'or du meilleur apprenti est tsigane et qu'elle était scolarisée en France depuis cinq ans ?

La responsabilité est triple. Il y a d'abord celle des gouvernements roumain et bulgare qui doivent faire cesser les discriminations dont pâtissent chez eux les Tziganes, considérés comme minorité ethnique. Il convient, d'autre part, que les instances européennes s'assurent que les fonds destinés à l'intégration sont bien affectés à cette destination. Enfin, la France ne doit pas se défausser de l'exigence d'offrir des conditions d'accueil dignes.

Comme dans tout groupe humain, il y a une délinquance rom, qui doit être combattue. Moi aussi, je suis contre les bidonvilles et le travail illégal. Je constate pourtant que les mesures transitoires font obstacle à l'intégration des Bulgares et des Roumains. Je demande pour eux l'égalité des droits avec les autres ressortissants communautaires, ni plus ni moins.

Pour combattre les illégalismes, il faut légaliser. Ce sera une mesure structurelle d'apaisement ; après les récents événements à Marseille où des habitants s'en sont pris à des Roms, il y a urgence. Il n'y a pas besoin d'une nouvelle loi. Tous les élus, qu'ils soient de Bordeaux, de Mantes ou du Nord, soutiennent la levée immédiate des mesures transitoires : les dispositifs sanitaires et d'aide à l'hébergement, financés avec l'aide de l'État, sont fragilisés.

Cette question, instrumentalisée avant mai 2012 par populisme, doit être réglée. Vaclav Havel jugeait que « la façon dont sont traités les Tziganes représente le vrai test, non seulement pour une démocratie mais aussi pour une société civile ». Pour une société d'apaisement, respectueuse de l'égalité, réussissons le test. (Applaudissements à gauche)

M. Pierre Hérisson .  - Je m'exprimerai au nom de l'UMP et du Cahrom du Conseil de l'Europe, spécialisé sur la question des Roms. Certes, le problème est humanitaire mais il est aussi, en définitive, celui de l'accueil des Roms en Europe. Pour le traiter, il faut le dépassionner.

D'abord, une précision sémantique. Les citoyens de nationalités bulgare et roumaine sont considérés comme une communauté à part entière dans leur pays d'origine. Ce n'est pas le cas en France, république une et indivisible. Ils sont souvent confondus avec les gens du voyage, de nationalité française.

Installés dans des camps de fortune, ils soulèvent un problème sanitaire et social. Reconnaissons-le plutôt que de faire comme s'il y avait d'un côté les biens pensants et de l'autre les méchants. En France, il n'existe pas de discrimination ethnique.

Mme Archimbaud évoque les expulsions. Mais depuis l'arrivée au pouvoir de la nouvelle majorité, le 6 mai dernier, les expulsions n'ont pas cessé : 1 500 personnes ont été éloignées, dont 550 en moins de deux mois dans l'agglomération lyonnaise. Il est vrai que 94 ont été régularisées sur place.

Est-il bien raisonnable de lever les mesures transitoires ? Non, elles se justifient et peuvent être maintenues jusqu'au 1er janvier 2014, voire au-delà. A cette date, ces ressortissants pourront s'inscrire sur les listes électorales. Évitons l'amalgame que fait votre majorité avec les ressortissants des pays tiers.

La délinquance, le vol à la tire, la prostitution ? Ces populations en sont à la fois victimes et acteurs. Profitons de cette période transitoire pour régler la situation. D'ailleurs, contrairement aux annonces de la gauche, on n'a trouvé aucune solution alternative lors des expulsions. Dans les conditions actuelles, nous n'avons pas les moyens d'une politique de générosité. J'espère une évolution de la loi Besson de 2000 sur les 400 000 gens du voyage Français -sujet dont on ne me contestera pas l'expertise.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous la reconnaissons.

M. Pierre Hérisson.  - Ne mettons pas la charrue avant les boeufs. Développer les programmes d'insertion de ces populations en Roumanie et en Bulgarie est la priorité absolue. J'ai constaté, à Bucarest, qu'il y avait, pour le moins, des lacunes en la matière : les fonds européens ne sont pas utilisés à cette fin. Adopter ce texte serait contre-productif. Cela reviendrait à exonérer les pays d'origine puisque la France s'occuperait de tout. Cela décrédibiliserait l'Europe et le processus d'intégration. La solution ne peut qu'être européenne.

Alors, madame Archimbaud, aussi louables que soient vos intentions, vous comprendrez que le groupe UMP vote contre. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Yves Leconte .  - La semaine dernière, le prix Nobel de la paix a été décerné à l'Union européenne. Elle est parvenue, de fait, à construire un espace de paix et de sécurité, où les droits fondamentaux comme la liberté de circulation et d'installation sont réalité. Mais cette construction fragile et complexe ne va pas de soi, et d'autant moins en période de crise. Cela dit, il était nécessaire de ne pas laisser de côté une partie de l'Europe, après le grand élargissement de 2004. Ce volontarisme politique était nécessaire pour conjurer un retour en arrière démocratique, à preuve, a contrario, la situation en Ukraine.

Pourtant, parce que la Bulgarie et la Roumanie affichent un PIB équivalent à 25 % de la moyenne européenne, certains États membres ont craint un afflux massif de travailleurs, de là les mesures transitoires. D'après le rapport de la Commission européenne de novembre 2011, l'apport de ces migrants économiques -ils sont 2,9 millions installés dans 25 autres États membres- est dans l'ensemble positif pour les économies d'accueil. La plupart avaient émigré avant l'adhésion de 2007. Cette conclusion a incité le Parlement européen à adopter une proposition le 15 décembre 2011 sur la libre circulation des travailleurs. Faisons de même.

La proportion de travailleurs bulgares et roumains en France est équivalente à celle dans leur pays d'origine : 10 %. Élargir les possibilités de travail légal serait un moyen de réduire le recours au détachement de salariés, qui n'impose le paiement d'aucune cotisation sociale en France, ou le travail au noir. Sur le chantier de l'EPR de Flamanville, un tiers des travailleurs sont roumains ; ils sont payés 9 euros de l'heure, ne sont pas syndiqués et leurs cotisations sociales ne sont pas versées en France. En outre, aucune réciprocité n'est prévue pour les travailleurs français, en Bulgarie et en Roumanie, contrairement au choix fait par la Pologne. Qu'aurait dit la France à propos des expatriés de Renault travaillant sur le site des Dacia à Pitesti ?

Cette proposition de résolution marque clairement un refus de la politique de la précédente majorité. Depuis, elle a perdu un peu de son actualité. La circulaire fondatrice du 26 août 2012 pose le principe de l'intégration par l'emploi et l'éducation. La nomination d'un délégué interministériel, Alain Régnier, est une bonne nouvelle pour lever les difficultés sur le terrain. Est-il normal que notre communauté nationale porte seule cette stratégie d'inclusion ? Il faudra renégocier les fonds structurels européens, voire permettre aux collectivités locales d'en faire usage au profit des associations qui oeuvrent en faveur des Roms.

Reste à vérifier la mise en oeuvre de cette circulaire fondatrice. Peut-être un groupe sénatorial pourrait-il s'en charger. Nous avons avancé dans la mise en oeuvre des engagements du candidat François Hollande à Romeurope ; poursuivons ! (Applaudissements sur les bancs socialistes, CRC et écologistes)

M. Michel Billout .  - Je ne prétends pas être un expert de la question mais je présenterai dans un mois un rapport à la Commission européenne, après six mois de travail. Les 20 000 Roms, au sens donné par les institutions européennes, souffrent de discriminations. La question est devenue politique. Pourtant, la dégradation économique de ces populations en Europe de l'Est depuis les années 1990 est connue. La misère en fait des victimes -plus que des acteurs, j'y insiste- des trafics. L'État français leur fait subir une discrimination supplémentaire : ils peuvent venir en France mais n'ont le droit d'y travailler que sous certaines conditions très restrictives.

On accueille plus volontiers les médecins et les entreprises sous-traitantes que les travailleurs non formés. Ce statut dérogatoire, de seconde zone, est choquant dans tous les cas.

La continuation des expulsions, parfois avant même une décision de justice à Évry, a semblé poursuivre la politique du précédent gouvernement. Cela dit, la réunion ministérielle du 22 août et la circulaire du 26 août vont dans le bon sens.

Cette proposition de résolution demande la levée immédiate des mesures transitoires, j'y souscris. Pourquoi attendre quinze mois ? Ces mesures n'ont servi à rien : les collectivités territoriales sont démunies pour accueillir ces migrants privés du droit de travailler.

La question ne doit pas faire l'objet d'un traitement « ethnique » : il ne s'agit que d'appliquer le droit commun à des citoyens européens, dans une logique européenne d'ensemble plus cohérente. L'Europe doit rendre ses interventions plus efficaces et ses aides mieux opérantes.

Cette proposition de résolution engage une dynamique positive contre les discriminations : nous la voterons. (Applaudissements à gauche)

M. Vincent Delahaye .  - Pour bien comprendre le problème, il faut en revenir au processus d'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l'Union européenne: on a préféré l'élargissement à l'approfondissement. Il n'a pas été assorti de l'accompagnement suffisant. En 2007, Bulgares et Roumains sont devenus ressortissants communautaires. Quelles étaient la pertinence et l'urgence à intégrer ces deux pays qui pratiquent notoirement des discriminations envers certaines communautés ? Les difficultés étaient largement prévisibles.

La période transitoire, adoptée pour sept ans, limite les possibilités de recrutement des ressortissants roumains et bulgares. Si certaines des dispositions de cette proposition de résolution sont acceptables, comme les dispositions relatives à l'accès au travail et à la formation, elle opère, en revanche, certains amalgames. Ainsi de la question des expulsions, où vous sous-entendez que les moyens humains et matériels prévus en matière d'hébergement ne sont pas employés. Je suis maire de Massy et le conteste. Je note la subtilité sémantique de Mme Archimbaud. Elle parle de lieux de vie irréguliers pour les camps illicites. Le ministre de l'intérieur a procédé, à juste titre, à certaines expulsions. Sans doute son savoir-faire lui vient-il de son expérience d'élu local. Preuve que le cumul des mandats est souvent fructueux ! (On approuve vivement sur les bancs du RDSE)

Le secrétaire d'État aux affaires européennes Pierre Lellouche, en 2010, dénonçait le fait que la seule perspective offerte à certains citoyens de l'Europe soit l'immigration vers des pays riches. C'est exonérer de tout effort les pays d'origine.

Pour toutes les raisons exprimées, nous ne voterons pas cette proposition de résolution qui manque de cohérence, et qui ne met jamais, selon un mal bien français, l'accent sur les devoirs à respecter, ne rappelant que les droits.

M. Pierre Hérisson.  - Absolument !

M. Jacques Mézard .  - Je sais l'implication et la générosité de Mme Archimbaud. Nous ne nous sommes jamais inscrits dans la logique du discours de Grenoble, que nous avons fermement combattu, mais nous nous abstiendrons sur ce texte pour deux raisons fondamentales. La première, c'est que la circulaire d'août 2012 et l'arrêté publié -hasard ? -hier soir répondent à ses voeux. La politique du Gouvernement est donc conforme à nos souhaits : application de la loi de la République et traitement égal de toute personne en situation de détresse.

Quel est donc le but de cette proposition de résolution ? Ce qui s'est passé à Marseille, le 28 septembre, est grave. Gardons-nous de tout angélisme. Ces faits, intolérables, doivent être dénoncés et sanctionnés. Hélas, ils se reproduiront, car ces camps ou règnent précarité et violence sont insupportables pour les riverains.

On peut tenir un discours humaniste dans les restaurants parisiens où se côtoient politiques et journalistes, se poser en donneur de leçon, mais, sur le terrain, il en va autrement. Oui, il faut faciliter l'accès de ces ressortissants à l'emploi : l'arrêté d'hier y pourvoit.

L'Union européenne a mis à disposition des crédits importants pour l'intégration des Roms : cela oblige les pays d'origine. Rappelons que la Roumanie et la Bulgarie ne sont pas rentrées dans l'espace Schengen faute de lutter suffisamment contre la corruption et le crime organisé.

Le Gouvernement français a pris des mesures de bon sens : accompagnement en amont, pour la formation, l'emploi, le logement ; garanties de la continuité d'accès aux droits des personnes -obligation scolaire, accès aux soins, hébergement d'urgence, insertion, suppression de la taxe à l'Office d'immigration. Le ministre de l'intérieur a montré que la fermeté dans l'application des lois de la République allait de pair avec le respect des droits fondamentaux des personnes.

Pour toutes ces raisons, la majorité de notre groupe s'abstiendra (Applaudissements sur les bancs du RDSE)

Mme Esther Benbassa .  - Pourquoi les Roms nous font-ils si peur ? Au XVIIe siècle, le destin de la nation bohémienne bascule. Assimilés à des errants, des vagabonds, les Tsiganes sont pourchassés dans toute l'Europe après que les Égyptiennes ont fait les délices des châteaux par leurs danses et leurs chants ; ils sont chassés des villes et empêchés d'exercer toute activité itinérante légale. Il y a un siècle, le 4 mars 1907, un article du Matin n'hésitait pas à évoquer « le péril errant » propagateur d'épidémie et de criminalité. Les Tziganes y sont présentés comme des voleurs de poules et d'enfants, leurs femmes seraient d'une « lubricité éhontée ». On se souvient de la Carmen de Mérimée, qui inspira Bizet. On voulut ensuite leur imposer la sédentarisation, sans les tolérer davantage. C'est leur nomadisme qui fait peur. Cette vision persiste aujourd'hui, qui accule ces citoyens européens à survivre misérablement dans des campements de fortune. Or, selon le rapport qu'avait publié la Halde, les Roms aspirent à l'intégration. En cette matière, nous sommes loin du compte. Croyez-vous que ces hommes et ces femmes viennent chez nous sans raison et qu'ils sont heureux chez eux ? Non, ils préfèrent la misère ici à la persécution là-bas. Je n'oublierai jamais les grappes de miséreux en haillons, errant nuit et jour, que j'ai vus en Europe centrale. Je veux bien admettre qu'il y ait des abus et des désagréments pour les voisins de campements improvisés mais notre devoir est d'assurer à ceux qui sont ici un égal accès au droit, combiné à une politique, en amont, dans les pays d'origine. L'Europe est notre maison. Je le dis en tant qu'historienne, en tant que juive, en tant que citoyenne de ce pays : je croyais que grâce à la construction européenne, les mots de camps et de pogroms n'auraient plus cours. Alors que les Roms s'entassent dans des campements de fortunes et que des riverains organisent des sortes de battues, des milliers de visiteurs se pressent au Grand Palais pour admirer « La bohême, de Léonard de Vinci à Picasso » tant les bohémiens ont fait rêver les artistes et tout un chacun par leur liberté sans attaches. Mais on ne va pas hésiter à chasser sans pitié une pauvre famille de Roms dont la pauvreté et la saleté insultent à notre confort intellectuel. 200 000 Tsiganes ont été assassinés dans les camps de la mort ; faisons oeuvre de mémoire, manifestons notre empathie. Il est temps d'ouvrir le grand chantier de l'intégration, qui répond à notre belle tradition ancienne de l'accueil. (Applaudissements à gauche et sur les bancs écologistes)

M. Pierre Charon .  - Ce texte pointe les difficultés que rencontrent les ressortissants bulgares et roumains en France. Cette misère nous est insupportable à tous : le coeur n'est l'apanage d'aucun parti. Mais je m'interroge. Les difficultés d'accès au marché du travail ? Mais c'est le lot commun des pays en phase d'intégration à l'Union européenne. Il faut aborder le sujet sans hypocrisie ni malhonnêteté. Le terme de rom serait stigmatisant. Mais il a sa définition à l'échelon du Conseil de l'Europe. Je suis d'accord avec Pierre Hérisson pour ne pas faire l'amalgame avec nos gens du voyage. Restons-en à l'article premier de notre constitution et ne poussons pas le souci de l'égalité jusqu'à un égalitarisme forcené.

Je suis élu d'une ville parmi les plus prestigieuses du monde et suis atterré de voir ce que Paris devient : un vrai parcours du combattant entre des pickpockets en bande organisée. (Exclamations à gauche)

Mme Éliane Assassi.  - Ça suffit des discours réactionnaires.

M. Gérard Longuet.  - C'est la vérité. Venez dans les beaux quartiers.

M. Pierre Charon.  - Allez donc dire aux familles moyennes qui peinent à se loger que vous allez attribuer des logements sociaux à ces migrants ! (Nouvelles exclamations)

Mme Éliane Assassi.  - Continuez à diviser la population ! On voit le résultat !

M. Gérard Longuet.  - C'est un élu de Paris qui parle !

M. Pierre Charon.  - Même raisonnement pour l'emploi. Je suis effaré par la disparition de l'arrêté anti-mendicité, en même temps que l'on se déchaîne contre la reconduite à la frontière des personnes qui bafouent les droits de l'enfant, en lui volant son innocence : lisez le rapport de Mmes Garriaud-Maylam et Debré. Je déplore votre manque de réalisme et de pragmatisme. Le politique a pour devoir de sauvegarder la cohésion sociale.

L'impuissance et le laxisme des autorités par rapport aux campements illégaux insupportent nos concitoyens, qui ne veulent plus voir se développer des bidonvilles en bas de chez eux. C'est la société tout entière qui est en danger. La fracture menace la République. Ne détruisons pas ce qui reste de confiance chez nos concitoyens avec de telles déclarations de bonnes intentions.

L'Europe, c'est l'union d'États responsables, capables d'offrir un avenir à leur peuple : offrons à la Roumanie et à la Bulgarie les moyens de répondre à cette exigence.

M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - J'ai entendu un débat posé et qui a, presque jusqu'au bout, évité les extrêmes. Sur la question du travail, de l'insertion, le consensus est possible, M. Delahaye l'a bien dit. Je regrette, par conséquent, l'attitude de certain.

Vous voudrez bien excuser le ministre du travail, en déplacement à Marseille.

Le vote d'une résolution est une voie d'affirmation du Parlement, distincte de la voie législative. C'est une bonne chose. Quand l'Europe, après la deuxième guerre mondiale et la fin de la guerre froide, a voulu renouer les fils de son histoire avec les pays de l'est européen, elle a mis des conditions, tant les écarts étaient grands entre pays européens. Après l'intégration de la Bulgarie et de la Roumanie, des mesures transitoires ont été prises, restreignant l'accès à l'emploi : nous l'élargissons aujourd'hui à 291 métiers, contre 150, par souci de justice et d'efficacité, n'en déplaise à M. Charon.

Le critère retenu est objectif. Il correspond à des secteurs en tension sur le marché de l'emploi. Dans un souci de justice et pour ne pas ajouter l'entrave à la restriction, nous supprimons la taxe due par l'employeur à l'OFII.

Parmi les autres pays de l'Union européenne, dix n'appliquaient pas les mesures transitoires, cinq en sont sortis. Les autres, dont la France fait partie, s'acheminent vers la sortie.

Pas d'amalgame. L'image du migrant affamé et dépenaillé n'est plus de mise pour la majorité d'entre eux. On ne peut pas se battre pour faire venir des médecins roumains, dans son territoire, en fin de semaine et, dès le lundi, demander l'expulsion des Roms. Outre que, comme le relève l'OCDE, 28 % des migrants ont un diplôme de l'enseignement supérieur, la « France qui se lève tôt », pour reprendre une expression fameuse, se compose en grande partie de travailleurs immigrés occupant des emplois peu prisés.

Sur cette question des Roms, je sais que vous attendez une réponse. Nous sommes un gouvernement qui marche sur ses deux jambes. Les camps illégaux ne sauraient être tolérés, c'est une question d'ordre public. Les expulsions continueront donc. Mais la République n'est pas, pour autant, hémiplégique. Elle croit au travail et à l'insertion comme à l'ordre et à la justice. Nous sommes les successeurs de Clémenceau, mais aussi ceux de Jaurès. L'un ne va pas sans l'autre. Un événement est passé inaperçu : l'accord entre les gouvernements français et roumain sur la question des mineurs isolés.

Ratifié sous l'ancienne législature, il a été annulé par le Conseil constitutionnel. Pourquoi ? Parce que la majorité d'alors avait décidé que pour les enfants roms, l'ordonnance de 1945, la justice des mineurs, ne valait pas ! Notre Gouvernement, quant à lui, respecte les lois de la République.

Sur l'accompagnement et la scolarisation, une mission interministérielle doit dresser un état des lieux, recenser les bonnes pratiques. Je vous ai exposé ce qu'est le fil rouge de notre action républicaine. Pour le reste, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

A la demande du groupe UMP, la proposition de résolution est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 330
Majorité absolue des suffrages exprimés 166
Pour l'adoption 157
Contre 173

Le Sénat n'a pas adopté.

La séance est suspendue à 16 h 25.

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La séance reprend à 16 h 30.