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Table des matières
Organismes extraparlementaires (Candidatures)
Remplacement de commissaires démissionnaires (Candidatures)
Questions prioritaires de constitutionnalité
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé
Hommage à une délégation étrangère
Mme Patricia Schillinger rapporteur de la commission des affaires sociales.
Mme Marisol Touraine, ministre
Organismes extraparlementaires (Nominations)
Article additionnel avant l'article premier
Conventions internationales (Procédure simplifiée)
Remplacement de commissaires démissionnaires (Nominations)
Logement (Conclusions de la CMP)
Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement
Emplois d'avenir (Conclusions de la CMP)
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire
SÉANCE
du mardi 9 octobre 2012
4e séance de la session ordinaire 2012-2013
présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président
Secrétaires : M. Jean Boyer, M. Gérard Le Cam.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.
Organismes extraparlementaires (Candidatures)
M. le président. - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de cinq organismes extraparlementaires, en remplacement de M. Thierry Repentin, nommé membre du Gouvernement.
La commission des affaires économiques a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Claude Dilain pour siéger au sein du Conseil national des villes, du conseil d'administration de l'Agence nationale de l'habitat, de la Commission nationale chargée de l'examen du respect des obligations de réalisation de logements sociaux, du Comité de liaison pour l'accessibilité des transports du cadre bâti et du Conseil national de l'habitat.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
Accord en CMP
M. le président. - La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
Dépôt d'un rapport
M. le président. - M. le Premier ministre a transmis au Sénat le rapport sur l'autonomie financière des collectivités territoriales pour 2010. Ce rapport a été transmis à la commission des lois et à la commission des finances. Il est disponible au bureau de la distribution.
Remplacement de commissaires démissionnaires (Candidatures)
M. le président. - J'ai reçu avis de la démission de M. Richard Yung comme membre de la commission chargée des comptes et de l'évaluation interne et de M. François Trucy comme membre de la commission d'enquête sur l'influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé.
Le groupe socialiste et apparentés a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l'évaluation interne en remplacement de M. Richard Yung.
Le groupe UMP a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission d'enquête sur l'influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé en remplacement de M. François Trucy.
Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu conformément à l'article 8 du Règlement.
Questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. - M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 5 octobre 2012, les décisions du Conseil sur trois questions prioritaires de constitutionnalité portant sur l'article 20 de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, le 3° de l'article 16 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 en tant qu'il prévoie que les candidats à l'auditorat doivent « être de bonne moralité » et les articles 2 à 11 de la loi du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe.
Bisphénol A
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à la suspension de la fabrication, de l'importation, de l'exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A.
Discussion générale
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé . - Je suis heureuse de vous présenter cette proposition de loi déjà ancienne qui traduit une heureuse prise de conscience : en matière de santé publique, la protection des consommateurs doit seule guider notre action ; nous devons être intransigeants dans l'application du principe de précaution qui n'est pas, contrairement à ce qu'on dit trop souvent, une sanction. La protection de la santé de nos concitoyens doit prévaloir sur les intérêts industriels.
Nous ignorons la composition de nombreux objets qui nous entourent : il est légitime que nous nous interrogions sur leurs effets. La nocivité de certains est avérée, raison pour laquelle l'initiative européenne Reach doit être soutenue et poursuivie. Je rends hommage au député Gérard Bapt, dont la croisade contre le bisphénol A a débuté en 2009 dans sa commune ; en 2010, une proposition de loi interdisant ce produit dans les biberons a été adoptée par les deux assemblées à l'unanimité, à l'initiative de l'opposition d'alors.
Nous franchissons aujourd'hui une nouvelle étape. Le bisphénol A est un perturbateur endocrinien. Les premiers doutes à son sujet remontent aux années 1930 mais c'est dans les années 2000 que sa nocivité a été démontrée. Sa toxicité sur l'animal est établie et ses effets nocifs sur l'homme, en particulier à certaines périodes de la vie, sont très probables : il serait associé à des maladies métaboliques ou cardiovasculaires, ainsi qu'à l'obésité. La responsabilité des décideurs publics est d'autant plus importante que le bisphénol A entre dans la composition d'objets quotidiens comme les contenants alimentaires et il peut spontanément migrer vers les aliments. Le rôle des pouvoirs publics est d'encadrer, de réglementer, de contrôler et, le cas échéant, de sanctionner. D'où la proposition de loi déposée en 2010 par M. Bapt, qui vise à interdire la commercialisation, l'importation et l'exportation de tous les conditionnements à vocation alimentaire contenant du bisphénol A. L'attentisme serait dangereux. Le 12 octobre 2011, cette proposition de loi a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale ; la détermination de votre rapporteur vous permet de l'examiner aujourd'hui. Le Premier ministre y a apporté son soutien lors de la récente conférence environnementale.
Dès le 1er janvier 2013, tous les contenants alimentaires produits avec du bisphénol A et destinés aux enfants de moins de 3 ans seront interdits, prohibition qui sera généralisée à tous les contenants alimentaires produits avec du bisphénol A à compter du 1er janvier 2015.
Nous débattrons tout à l'heure de cette dernière échéance. Mais en adoptant ce texte, la France sera pionnière en Europe. Dès lors qu'il n'y a plus de doute sur la nocivité du produit, dès lors que les industriels ont été informés d'une future interdiction et auront le temps de s'adapter, la date de 2015 paraît donc raisonnable.
C'est un processus plus large qu'il nous faut engager. La conférence environnementale, exercice de démocratie environnementale, a fixé une méthode. Les risques émergents suscitent des inquiétudes légitimes : la recherche à leur sujet est indispensable -je pense notamment aux phtalates.
Notre action reposera sur trois piliers : coordination des recherches -un groupe de travail sera rapidement mis en place, qui remettra ses conclusions en juin 2013 ; priorisation des actions -effets des autres perturbateurs endocriniens au travers d'études plurielles, contradictoires et indépendantes ; vigilance quant aux produits de substitution appelés à remplacer le bisphénol A, qui devront avoir fait la preuve de leur innocuité.
Le premier devoir des responsables publics est de protéger leurs concitoyens. C'est dans cette perspective que s'inscrit ce texte, que je vous appelle à adopter à l'unanimité. (Applaudissements à gauche et sur les bancs écologistes)
Hommage à une délégation étrangère
M. le président. - (Mme et MM. les sénateurs se lèvent) Je suis particulièrement heureux de saluer en votre nom la présence dans notre tribune d'honneur d'une délégation de la Chambre des conseillers du Maroc, conduite par M. Abderrahim Atmoun, conseiller et président du groupe d'amitié France-Maroc de la Chambre des conseillers. La délégation est accompagnée par M. Christian Cambon, président du groupe d'amitié sénatorial France-Maroc, et des membres de son groupe. (Applaudissements)
La délégation marocaine s'intéresse tout particulièrement, pendant sa visite, aux questions de transports, notamment ferroviaires avec le projet de TGV.
Alors que le Maroc est engagé dans un vaste mouvement de réformes, politiques économiques et sociales, nous formons le voeu que cette visite conforte l'excellence des relations entre nos deux pays, relations tout à la fois historiques et tournées vers l'avenir. Nous leur souhaitons la bienvenue au Sénat français. (Applaudissements)
Bisphénol A (Suite)
Discussion générale (Suite)
Mme Patricia Schillinger rapporteur de la commission des affaires sociales. - La France, comme tous les pays occidentaux, est confrontée à une augmentation inquiétante de certaines maladies, dont les causalités restent débattues ; mais il est certain que les facteurs environnementaux jouent un rôle majeur. Les perturbateurs endocriniens, notamment, sont mis en cause. Quel degré de certitude scientifique faut-il avoir atteint pour prendre des mesures ? C'est la question centrale du principe de précaution.
Sur le bisphénol A, les expertises de l'Inserm et de l'Anses ont établi sa toxicité pour l'animal et l'ont suspectée pour l'homme. Le principe toxicologique classique selon lequel la dose fait le poison ne vaut pas ici : le produit a des effets nocifs à faible dose, sans compter les effets « cocktail » -en combinaison avec d'autres produits-, « fenêtre » -à certains âges- et trangénérationnels.
Cette proposition de loi tend donc à suspendre dès le 1er janvier 2013 la commercialisation de conditionnements alimentaires contenant du bisphénol A à destination des enfants de moins de 3 ans, à alerter par un étiquetage approprié les femmes enceintes, les enfants et -à l'initiative de notre commission- les femmes allaitantes, et à interdire tout conditionnement contenant du bisphénol A en 2015. Sur ma proposition, la commission a souhaité donner mandat à la DGCCRF pour contrôler les produits et constater d'éventuelles infractions. Je me félicite qu'un consensus se soit dégagé pour affirmer le principe da la fin programmée de l'utilisation du bisphénol A.
Il fallait cependant conserver un certain délai afin que les chercheurs puissent oeuvrer et les industriels s'adapter. Ne remplaçons pas le bisphénol A par un substitut mal expertisé ! Mais les faits établis par l'Inserm et l'Anses sont trop précis pour que nous tardions davantage. Les industriels ont d'ailleurs anticipé cette décision. Depuis une semaine, les réactions se sont multipliées. Mais la date de 2015 est à la fois raisonnable et volontariste.
M. François Patriat. - Pas du tout !
Mme Patricia Schillinger, rapporteur. - Pour alerter les consommateurs, envisagez-vous ce message écrit ou un pictogramme, madame la ministre ? L'avertissement doit être clair, précis et lisible.
Il faut aussi sensibiliser nos partenaires européens à cette question, dont certains ont déjà pris des mesures d'interdiction partielle, comme le Danemark ou la Suède. Nous devons également nous préoccuper des autres perturbateurs endocriniens et des usages autres qu'alimentaires du bisphénol A.
Le Premier ministre a fait de la santé environnementale une priorité, ce qui impose d'intensifier les recherches sur le sujet et de renforcer la coopération internationale. (M. Jean Desessard approuve)
Comme le note justement l'Inserm dans la préface de son étude, il ne faut pas attendre la preuve de la causalité pour protéger la santé de la population. C'est dans cet esprit que je vous invite à adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
Mme Laurence Cohen . - En 2010, lors de l'examen de la proposition de loi du RDSE, le groupe CRC avait déjà défendu l'interdiction à terme du bisphénol A mais la majorité de l'époque s'était montrée plus frileuse. Nous soutenons donc ce texte, qui aura sans doute le même effet d'entraînement en Europe que le précédent.
En commission, j'ai entendu des sénateurs de l'opposition s'étonner que l'on aille plus loin que les autres pays en interdisant à la fois la fabrication, l'importation et l'exportation des produits contenant du bisphénol A. Nous ne sommes pas de ceux qui font prévaloir le principe de la liberté du commerce sur la santé et l'environnement -on sait à quelles catastrophes écologiques et sanitaires ce principe a conduit.
Nous ne sommes pas des scientifiques mais des législateurs. Devons-nous renoncer à adopter ce texte en l'absence de consensus scientifique sur le caractère pathogène du bisphénol A ? De nombreuses études ont établi ses effets nocifs sur l'animal et l'Anses estime prioritaire de protéger les publics les plus sensibles. Mais cette étude est contestée. Sortons donc de ce débat qui peut durer encore longtemps. Pour mémoire, le Canada continue de contester les dangers de l'amiante ! Appliquons le principe constitutionnel de précaution et donnons-lui une portée réelle, en agissant avant même que le risque se réalise. Ne soyons pas des observateurs du risque mais des acteurs de la prévention. Il faut anticiper les risques et les conséquences de nos décisions sur les futures générations, ainsi que les possibilités de demander réparation, écrit le philosophe Hans Jonas dans Le principe de responsabilité. Faisons du doute une raison d'agir. Nous voterons ce texte. (Applaudissements à gauche)
Mme Chantal Jouanno . - La question du bisphénol A me tient à coeur : quand j'étais secrétaire d'État à l'écologie, je me suis d'ailleurs opposée à la Direction générale de la santé à ce sujet. Aujourd'hui, avec l'étude de l'Anses, la nocivité du bisphénol A est avérée. Bien des maladies ne s'expliquent pas par l'analyse sanitaire classique. Cette proposition de loi nous donne l'occasion d'inscrire dans la loi un principe sanitaire nouveau. Le bisphénol A ne relève pas du principe de précaution mais du principe de prévention car les faits sont établis : on sait qu'il s'agit d'un oestrogène de synthèse, que le foetus est vulnérable, que 90 % de la population sont exposés. L'aveuglement n'est pas de mise.
La priorité absolue, ce sont le foetus, les femmes enceintes et allaitantes, les enfants. La gent masculine, en général, ne s'en préoccupe guère (protestations sur divers bancs) mais, messieurs, la faculté de reproduction est en cause... Il s'agit ici de santé publique.
Le lait maternel est aussi contaminé que celui qui sortait des biberons au bisphénol A. Et la présence du produit est attestée dans des dispositifs médicaux utilisés lors des accouchements médicalisés. Le bisphénol A doit donc être interdit dans tous les produits destinés aux femmes enceintes et allaitantes. Je vous proposerai deux amendements, l'un prohibant -après un certain délai- tous les perturbateurs endocriniens dans les dispositifs médicaux destinés aux nourrissons, l'autre de repli se limitant au bisphénol A.
Les lobbies, dit-on, auraient obtenu un report d'un an, mais il est normal de s'assurer de l'innocuité des substituants : je proposerai un amendement en ce sens.
Il serait étrange d'être plus restrictif pour les adultes que pour les enfants. J'ai pourtant entendu arguer d'un problème économique spécifique aux dispositifs médicaux à destination des enfants...
Nous avons l'occasion de proposer une nouvelle approche, en rupture avec l'analyse toxicologique classique -la dose fait le poison- qui ignore en outre les effets à long terme, effets « cocktail » et effets « fenêtre ».
L'exercice physique et une alimentation saine sont certes les meilleurs garants d'une bonne santé mais la santé environnementale est trop souvent le parent pauvre de la réflexion sur l'environnement. Ce texte est l'occasion de donner corps à certains principes de santé environnementale. Je l'ai voté en commission mais souhaite qu'il soit enrichi. (Applaudissements)
M. Gilbert Barbier . - La nocivité du perturbateur endocrinien qu'est le bisphénol A est avérée chez l'animal et très probable chez l'homme. C'est pourquoi, sur l'initiative du groupe RDSE, une interdiction a été envisagée en 2010, mais le Sénat, en l'absence d'études suffisantes, avait préféré se limiter aux biberons. Une étape a néanmoins été franchie à cette occasion.
L'Opecst a ensuite été saisi, et j'ai été rapporteur d'une mission d'information sur les perturbateurs endocriniens. Vu le danger, j'ai préconisé de protéger immédiatement les femmes enceintes et les jeunes enfants. Le rapport de l'Anses, à son tour, a établi, en 2011, la nocivité du bisphénol A, même à faible dose.
Je me félicite donc que le Sénat examine ce texte, un an après l'Assemblée nationale. Mais la loi doit être applicable. Soyons pragmatiques et réalistes, laissons aux industriels le temps de s'adapter. Ils y travaillent depuis quelques années. Les substituts doivent être sans danger et scientifiquement validés. L'impératif de préservation de la santé de nos concitoyens nous interdit de légiférer dans la précipitation : je proposerai donc un amendement reportant l'entrée en vigueur de la mesure d'interdiction.
Notre action doit aussi être coordonnée avec celle des autres pays européens. Le Parlement européen doit adopter en février 2013 un rapport sur les perturbateurs endocriniens. Mais on ne peut que s'inquiéter de la récente passe d'armes sur le sujet entre les administrations européennes compétentes... La vigilance s'impose.
Quant au message d'avertissement, il devra être plus lisible que le seul pictogramme obligatoire pour les boissons alcoolisées, dont j'ai dénoncé l'inefficacité. Mieux vaut un message simple et compréhensible, comme celui qui figure sur les biberons ou les cosmétiques « sans paraben ».
Protéger nos concitoyens et les générations futures est un devoir. Il faudra élargir le débat à tous les perturbateurs endocriniens : phtalates, paraben et autres. (M. Jean Desessard approuve) Il est en particulier urgent de s'intéresser aux dispositifs médicaux utilisés en obstétrique et en pédiatrie : j'ai déposé un amendement relatif à l'utilisation des phtalates qui, je le rappelle, est déjà interdite dans les jouets. Faire avancer la protection de nos concitoyens, notamment des enfants et des femmes enceintes, est une priorité absolue. (Applaudissements)
Mme Aline Archimbaud . - Le bisphénol A est l'un des produits chimiques les plus répandus au monde ; son marché est estimé à 6 milliards de dollars. Le réseau environnemental santé a recensé près de 700 études à son sujet : selon 95 % d'entre elles, il est nocif, cancérigène et neurotoxique. Ses effets sont héréditaires même à des niveaux d'exposition très faibles. Il ne suffira donc pas d'interdire le bisphénol A pour que ses effets sur la population disparaissent. Les conséquences potentielles sont peut-être pires que celles de l'amiante...
Sur 143 études récentes, seules 9 n'ont pas mentionné d'effets sur l'animal ni sur l'homme.
Il faut changer de paradigme sur l'évaluation des risques de santé publique. Les agences sanitaires, au nom des « bonnes pratiques de laboratoire », ne prennent en compte que les études financées par l'industrie... Avec le bisphénol A, la dose ne fait pas le poison. Et la période d'exposition doit être prise en compte.
Le groupe écologiste se réjouit que ce texte soit enfin examiné. Nous reparlerons lundi, avec le texte de Mme Blandin, de l'expertise et de la protection des lanceurs d'alerte. (Applaudissements sur les bancs écologistes)
Nous présenterons des amendements sur les dispositifs médicaux et les perturbateurs endocriniens en général.
Reporter d'un an l'interdiction générale du bisphénol A, c'est déjà beaucoup à nos yeux. Les difficultés des industriels ont déjà été prises en compte. Pour nous, il est hors de question d'aller plus loin, ne serait-ce que d'un jour !
Dans la notice du PLFSS pour 2013, le Gouvernement affiche sa volonté de lutter contre les maladies chroniques « liées au vieillissement de la population », responsables d'une grande part de l'inflation des dépenses d'assurance maladie, à commencer par le diabète. Or le rôle des perturbateurs endocriniens est avéré dans le développement de ces maladies. Cette loi devra être appliquée sans tarder car l'enjeu est grave. (Applaudissements à gauche)
M. Gérard Dériot . - En janvier 2010, l'Afssa publiait un avis mitigé sur la nocivité du bisphénol A. En juin de la même année, l'Assemblée nationale adoptait une proposition de loi de notre collègue Yvon Collin suspendant la fabrication de biberons contenant ce produit. L'initiative est revenue au Sénat, madame la ministre... La France était pionnière, avec le Danemark.
C'est lorsque les produits au bisphénol A sont chauffés que les aliments peuvent être contaminés. Il faut donc être vigilant.
J'avais signalé, à l'époque, le problème des biberons réchauffés au micro-ondes, souvent à une température trop élevée. Les bébés sont les plus vulnérables.
Les suspicions étaient suffisamment fortes pour que l'Union européenne décide à son tour, en 2011, l'interdiction de la commercialisation et de l'importation de biberons au bisphénol A.
Le bisphénol A est utilisé depuis plus de quarante ans pour fabriquer des plastiques, comme les polycarbonates et les résines utilisés dans de très nombreux contenants alimentaires. Avec cette proposition de loi, nous franchissons une étape : tous les conditionnements destinés aux enfants de moins de 3 ans seront interdits. L'Anses devra publier un rapport d'étape sur les substituts et leur innocuité.
Notre commission a décidé de repousser la date d'entrée en vigueur de l'interdiction au 1er janvier 2015. Les biberons étant déjà interdits, les enfants de moins de 3 ans étant déjà visés par la nouvelle interdiction, cette échéance est trop proche pour permettre au secteur de l'agroalimentaire de s'adapter aux nouvelles normes. La dangerosité des substituts est une préoccupation majeure pour notre groupe. Rien ne garantit leur innocuité totale au contact avec les aliments. En outre, si un récipient mal protégé est attaqué par un aliment acide, le danger peut être bien plus grave qu'avec du bisphénol !
Celui-ci sert, je le rappelle, à éviter le contact à la fois avec l'extérieur et, à l'intérieur, avec l'aluminium des canettes.
M. Alain Chatillon. - Exactement.
M. Gérard Dériot. - Le rapport de l'Anses sur les substituts doit être publié d'ici la fin de l'année. Il est indispensable pour établir l'innocuité des substituts. Il faut se donner un peu de temps, mettre les industriels devant leurs responsabilités afin qu'ils accélèrent leurs recherches.
M. le Premier ministre a déclaré, le 15 septembre dernier, soutenir cette proposition de loi « sous réserve que les produits de substitution aient fait la preuve de leur innocuité ». Attention à ce que le remède ne soit pas pire que le mal ! Si le principe de précaution est légitime, il doit être accompagné de mesures adéquates.
La précipitation serait mauvaise conseillère. C'est pourquoi nous demandons un délai supplémentaire et proposons de repousser l'entrée en vigueur au 1er janvier 2016. (Applaudissements à droite)
M. Bernard Cazeau . - M. Gérard Bapt a déposé cette proposition de loi à l'Assemblée nationale le 22 juin 2011. Le 5 février 2010, l'Anses avait rendu un avis sur le bisphénol A mettant en évidence une toxicité avérée chez l'animal et suspectée chez l'homme et ce, à faibles niveaux. Le rapport note l'impact oestrogénique sur le nourrisson, sans effet de seuil. Plus la santé est fragile, plus les conséquences risquent d'être graves.
En 2010, M. Collin nous a fait voter l'interdiction de la commercialisation des biberons contenant du bisphénol A -interdiction confirmée par l'Union européenne. Preuve que l'Europe suit nos recommandations !
Faut-il aller plus loin, comme le propose M. Bapt ? Oui. L'interdiction ne couvre pas tous les contenants qui contiennent du bisphénol A, comme les petits pots pour bébé. Fâcheuse incohérence !
La Cour de justice européenne, le 7 juillet 2009, a souligné qu'il est des sujets où l'on ne peut se contenter d'attendre que le risque soit avéré pour agir. Belgique, Suède, Danemark ont déjà mis en oeuvre cette interdiction ; le Canada et divers États d'Amérique du nord s'apprêtent à le faire.
La commission a modifié le texte en reportant la date d'entrée en vigueur de l'interdiction d'un an, au 1er janvier 2015, pour permettre aux PME de se retourner. Il faut en effet prendre en compte les contraintes auxquelles ces PME sont confrontées.
La commission a également permis aux agents de la DGCCRF de rechercher et constater ces infractions : l'interdiction doit s'appliquer à tous, pas question d'autoriser le dumping sanitaire.
Un troisième amendement de la commission renvoie au décret certaines modalités de l'interdiction. Enfin, il était de bon sens de reporter la date de remise du rapport de l'Anses, qui ne doit pas être bâclé.
Faut-il élargir le texte à tous les objets contenant du bisphénol A? Notre rapport sur les dispositifs médicaux implantables en cite plusieurs comme les cathéters, appareils d'oxygénation, instruments de chirurgie. Il me paraît toutefois préférable de traiter ce sujet à part -ces dispositifs sont de certification communautaire. La Commission européenne a pris conscience de la nécessité d'assurer une sécurité optimale pour les utilisateurs. La réglementation sera revue... en 2019 ! Il faudra, madame la ministre, inciter l'Union européenne à se prononcer plus vite pour les matériaux utilisés en néonatalogie et en pédiatrie.
Il reste beaucoup à faire. Ce texte ne réglera pas tous les problèmes mais constitue une étape nécessaire. Il faut bien sûr tenir les délais. (Applaudissements à gauche)
Mme Muguette Dini . - Le bisphénol A est toxique, nous le savons. La loi du 30 juin 2010 était une décision modérée, mais importante, qui a poussé la Commission européenne à modifier la réglementation.
Je souhaite insister sur trois points. Le premier, l'avertissement à destination des personnes fragiles. Quelle forme prendra l'étiquetage : mention écrite ou pictogramme ? La mention écrite exclut les consommateurs qui lisent mal et ne diffuse aucun message de danger. Je préfère donc le pictogramme. L'INPS a été chargé d'en imaginer un et d'en tester la compréhension. Trois pictogrammes ont été proposés. Les résultats montrent que la population de 18 à 45 ans y est réceptive : le triangle jaune a sa préférence. L'avertissement doit être lisible pour tous. La loi ne doit pas être bafouée par un pictogramme ridiculement petit comme celui qui orne les bouteilles d'alcool !
L'Anses publiera d'ici la fin de l'année une étude sur les substituts du bisphénol A, mais qui ne portera pas sur leur innocuité. Le professeur Jégou appelle à mener des recherche scientifiques sur ces substituts, faute de quoi l'interdiction sera une supercherie. Qu'en pensez-vous, madame la ministre ?
Enfin, attention aux distorsions de concurrence au niveau européen. A la demande de l'Anses, l'Agence européenne des produits chimiques devra statuer sur la qualification du bisphénol A comme toxique pour la reproduction.
Les choses bougent au niveau européen, mais avec frilosité et réticence. Notre groupe souhaite vivement que son amendement reportant l'entrée en vigueur de la loi soit retenu. (Applaudissements au centre et à droite)
M. François Grosdidier . - Oui, nous devons prolonger la loi du 30 juin 2010, étendre cette mesure à tous les récipients contenants du bisphénol A. Certains défendaient hier l'innocuité des biberons au bisphénol. Aujourd'hui, ils prétendent qu'il n'y a pas de risque pour les récipients que l'on ne chauffe pas. C'est oublier que l'on peut chauffer des boîtes de conserve au bain-marie, par exemple.
Je comprends le report de l'échéance mais je le regrette car il faut agir vite. Les femmes enceintes et les foetus continueront à être exposés après 2013. Une année perdue, c'est 800 000 foetus potentiellement atteints ; 2015 est le maximum acceptable. Les industriels savent depuis des années que le bisphénol A est condamné.
Je partage les propos de Mme Jouanno, sauf sur le prétendu désintérêt des hommes pour les enfants. Je regrette d'avoir moi-même chauffé des biberons pour mon enfant né en 2004 : ils m'avaient été remis à la maternité. Je me réjouis de l'avoir évité à ma petite fille née en 2011.
C'est toujours le même débat, la même justification du manque de recul, comme pour l'amiante. On l'a vu avec la convocation de Mme Aubry, ancien haut fonctionnaire en charge du sujet...
Les industriels ont pu anticiper l'adoption de cette proposition de loi. Le temps, c'est de l'argent, certes, mais qui ne ferait pas prévaloir la santé de ceux qu'il aime sur l'intérêt financier ? Transposer le raisonnement à l'échelle de la société, cela s'appelle l'humanisme -qui n'est pas le domaine réservé de la gauche, madame Cohen ! Les régimes collectivistes ont été bien peu soucieux de la santé des gens... (Protestations sur les bancs CRC)
Il est plus que temps d'agir et d'interdire le bisphénol A, ainsi que les autres perturbateurs endocriniens.
Mme Marisol Touraine, ministre . - Merci pour la qualité de ce débat. Il y a une prise de conscience, une volonté généralisée de poursuivre dans cette voie, d'être pionnier en Europe. Je partage l'analyse de Mme Jouanno : nous ne pouvons plus nous contenter des critères d'analyse sanitaires classiques. Il faut revoir nos modèles, nos manières de penser. L'augmentation des maladies chroniques, soulignée par Mme Archimbaud, nous incite à adapter nos réponses sanitaires pour accompagner les patients tout au long de leur maladie.
En effet, faisons du doute une raison d'agir, madame Cohen, au lieu qu'il joue contre les consommateurs.
Rendons au Sénat ce qui est au Sénat : je salue bien volontiers son rôle de pionnier avec la proposition de loi Collin, dont vous avez été le rapporteur monsieur Dériot !
Première question : le calendrier. Donnons du temps aux industriels, disent certains. Cela fait un an que cette proposition de loi a été examinée à l'Assemblée nationale : il est donc normal d'en tenir compte en reportant la date d'entrée en vigueur. Mais en un an, les industriels ne sont pas restés inactifs : ils ont commencé à s'adapter. Ceux que j'ai rencontrés ne demandent qu'un délai de six mois ! Un nouveau report enverrait un mauvais signal. Il y a d'ailleurs comme une contradiction à le demander et à vouloir étendre le dispositif aux phtalates !
Si nous étions confrontés à un problème majeur, le Parlement pourrait remettre en cause cette suspension, qui n'est pas une interdiction définitive. Toutes les garanties sont là pour que nous puissions avancer. On ne peut parler de précipitation, madame Dini, monsieur Barbier.
Deuxième point : l'élargissement de la mesure aux dispositifs médicaux. Il faut être très attentif, encourager la recherche sur les produits de substitution. Nous ne possédons pas, aujourd'hui, les éléments nécessaires. Il faut tenir compte de l'aide médicale, parfois vitale, qu'apportent ces dispositifs médicaux !
Troisième point, l'appel à une action française à l'échelle européenne. J'ai rencontré le commissaire européen ; la France doit continuer à être l'aiguillon de l'Europe en matière de santé et d'environnement.
J'en viens aux pictogrammes. Madame Dini, je partage votre appréciation du pictogramme sur les bouteilles d'alcool. Il faut une réflexion plus large sur les messages sanitaires. Un décret sera pris en application de ce texte, dès le vote de la loi. Il faudra être précis, réfléchir, par exemple au sein d'un groupe de travail associant mes services et les parlementaires, à cette importante question. C'est tout un nouveau champ de la politique sanitaire qu'il nous faut défricher ! (Applaudissements à gauche et au centre)
La discussion générale est close
Organismes extraparlementaires (Nominations)
M. le président. - Je vous rappelle que la commission des affaires économiques a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Claude Dilain pour siéger au sein du conseil national des villes, du conseil d'administration de l'agence nationale de l'habitat, de la commission nationale chargée de l'examen du respect des obligations de réalisation de logements sociaux, du comité de liaison pour l'accessibilité des transports et du cadre bâti et du conseil national de l'habitat. Le délai d'une heure ayant expiré, ces candidatures sont ratifiées.
Bisphénol A (Suite)
Discussion des articles
Article additionnel avant l'article premier
M. le président. - Amendement n°19 rectifié, présenté par Mmes Jouanno et Farreyrol, MM. Lorrain, Gaillard, Cambon et Duvernois, Mmes Bruguière et Giudicelli et MM. B. Fournier, J.P. Fournier, Laufoaulu, Pointereau, Grignon, Dallier, Grosdidier, Revet, J. Gautier, P. Leroy et Hérisson.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre unique du titre VII du livre Ier du code de la santé publique est complété par un article L. 1171-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 1171-2. - Dans les cinq ans à compter de la publication de la loi n° du visant à la suspension de la fabrication, de l'importation, de l'exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A, les pouvoirs publics prennent toutes les mesures qui s'imposent pour interdire l'exposition des femmes enceintes, des femmes allaitantes et des enfants de moins de trois ans au bisphénol A. »
Mme Chantal Jouanno. - Cet amendement pose le principe général de l'interdiction d'exposition au bisphénol A pour les populations les plus fragiles, à commencer par les femmes enceintes et allaitantes. Peut-être faut-il remplacer « interdiction » par « limitation », mais il me semble important d'inscrire ce principe dans la loi. Nous avons assez d'éléments scientifiques pour le faire.
Mme Patricia Schillinger, rapporteur. - C'est la formulation de l'amendement qui pose problème. Il n'a pas de portée normative réelle, constitue une injonction au Gouvernement et pourrait tendre à déléguer la capacité du législateur, ce qui est anticonstitutionnel. Défavorable.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Défavorable. Au-delà des obstacles constitutionnels, l'amendement est trop général : le terme d'exposition est notamment trop imprécis.
M. Jean Desessard. - L'amendement est pourtant intéressant. Mais il est vrai qu'à embrasser trop large, on rate sa cible ! Pouvez-vous préciser votre réponse, madame la ministre ?
Mme Marisol Touraine, ministre. - Il y a une inconstitutionnalité fondamentale : l'injonction faite au Gouvernement. La réflexion sur les autres perturbateurs endocriniens, sur l'extension de l'interdiction du bisphénol A à d'autres objets doit se poursuivre. C'est ainsi que l'on progressera, étape par étape.
L'amendement n°19 rectifié n'est pas adopté.
Article premier
Mme Laurence Cohen. - Nous souscrivons au principe de l'interdiction du bisphénol A. Je souhaite que le Gouvernement se penche bientôt sur les phtalates, mais aussi sur l'huile de palme, dangereuse pour la santé et dont la production détruit la forêt tropicale et fragilise l'écosystème.
Le groupe CRC aurait souhaité une entrée en vigueur plus rapide de la proposition de loi et s'était abstenu, en commission, sur l'amendement de la rapporteure reportant la date à 2015.
Nous mesurons les difficultés pour les entreprises et leur impact sur l'emploi. Mais les industriels auraient dû commencer dès 2010 les recherches sur les substituts possibles. Or, celles-ci ne sont pas concluantes, voire n'ont pas débuté... Il faut encourager la recherche industrielle au lieu de favoriser la rente ! Que dire de ce producteur de salades ensachées qui a préféré augmenter massivement les dividendes de ses actionnaires plutôt que les salaires ou investir ? Décidément, la constitution d'un pôle public financier est indispensable.
Nous voterons cet article, mais 2015 est vraiment la date limite !
M. le président. - Amendement n°25, présenté par Mmes Archimbaud, Aïchi, Ango Ela, Benbassa, Blandin et Bouchoux, MM. Dantec, Desessard, Gattolin et Labbé, Mme Lipietz et M. Placé.
I. - Alinéa 2
Avant le mot :
tout
insérer les mots :
tout matériel médical risquant d'entrer en contact avec le patient et de
II. - Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 1er. - Lorsqu'ils sont destinés à des nourrissons et enfants en bas âge au sens des a et b de l'article 2 de la directive 2006/141/CE de la Commission du 22 décembre 2006 concernant les préparations pour nourrissons et les préparations de suite et modifiant la directive 1999/21/CE, la fabrication, l'importation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de tout matériel médical risquant d'entrer en contact avec le patient ou de tout conditionnement, contenant ou ustensile comportant du bisphénol A et destiné à recevoir des produits alimentaires sont suspendues à compter du 1er janvier 2013, jusqu'à ce que le Gouvernement, après avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, autorise la reprise de ces opérations. »
III. - Alinéa 5
Après les mots :
au 1er janvier 2015
insérer les mots :
pour tout autre matériel médical risquant d'entrer en contact avec le patient ou
Mme Aline Archimbaud. - Cet amendement étend la suspension de la fabrication, de l'importation, de l'exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement alimentaire contenant du bisphénol A aux matériels médicaux risquant d'entrer en contact avec le patient.
Une étude de l'InvS, publiée dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire le 28 juin dernier, a montré que les patients des hôpitaux étaient aussi exposés au bisphénol A que le reste de la population. On suspecte une contamination par le matériel médical utilisé, en particulier les poches urinaires. On sait également que les prématurés sont huit fois plus exposés que les adultes au bisphénol A.
M. Jean Desessard. - Très bien !
M. le président. - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Collombat, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Alinéas 2, 4, 5 et 7
Remplacer les mots :
comportant du
par les mots :
fabriqué à partir de
M. Gilbert Barbier. - Amendement de précision.
M. le président. - Amendement identique n°17 rectifié, présenté par M. Dériot, Mmes Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mmes Cayeux, Debré, Deroche et Hummel, MM. de Raincourt, Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Lorrain, Milon et Pinton, Mme Procaccia, MM. Savary, Bizet, Lecerf, Lefèvre, Cléach et Paul et Mme Jouanno.
M. Gérard Dériot. - C'est le même.
M. le président. - Amendement n°10, présenté par MM. Adnot, Husson et Türk.
Alinéas 2, 4, 5 et 7
Remplacer les mots :
comportant du
par les mots :
produit à base de
M. Philippe Adnot. - Même argument.
M. le président. - Amendement identique n°22 rectifié, présenté par Mme Dini, M. Tandonnet, Mme Létard et MM. Dubois et Vanlerenberghe.
Mme Muguette Dini. - Plutôt que de multiplier les formulations, pourquoi ne pas s'en tenir à « produit à base de bisphénol A » ?
L'amendement n°32 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°6 rectifié bis, présenté par M. Paul, Mme Procaccia et MM. Lenoir et Pierre.
Alinéa 4
Supprimer les mots :
, l'exportation
M. Philippe Paul. - N'alourdissons pas exagérément les contraintes pesant sur nos entreprises.
M. le président. - Amendement n°7 rectifié bis, présenté par M. Paul, Mme Procaccia et MM. Lenoir et Pierre.
Alinéa 4
Supprimer les mots :
et la mise sur le marché
M. Philippe Paul. - Les fabricants doivent pouvoir vendre leurs stocks.
M. le président. - Amendement n°14, présenté par MM. Adnot, Husson et Türk.
Alinéas 4 et 5
Remplacer les mots :
conditionnement, contenant
par les mots :
matériau d'emballage destiné à entrer en contact direct avec des denrées alimentaires
M. Philippe Adnot. - Cet amendement reprend la réglementation relative aux matériaux au contact des denrées alimentaires.
M. le président. - Amendement n°16 rectifié, présenté par M. Dériot, Mmes Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mmes Cayeux, Debré, Deroche et Hummel, MM. de Raincourt, Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Lorrain, Milon et Pinton, Mme Procaccia et MM. Savary, Bizet, Lecerf, Lefèvre et Paul.
Alinéa 4
Remplacer la date :
1er janvier 2013
par la date :
1er juillet 2013
M. Gérard Dériot. - La seule durée de la navette parlementaire rend irréaliste la date du 1er janvier 2013.
M. le président. - Amendement n°12, présenté par MM. Adnot, Husson et Türk.
Alinéa 4
Remplacer les mots :
jusqu'à ce que le Gouvernement, après avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, autorise la reprise de ces opérations
par les mots :
sous réserve d'une décision du Gouvernement basée sur un avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail relatif à l'innocuité et l'adaptation à des usages alimentaires des substituts du bisphénol A
M. Philippe Adnot. - Afin de garantir la sécurité du consommateur, il est absolument nécessaire de s'assurer de l'innocuité et de l'adaptation des substituts au bisphénol A à des usages alimentaires.
L'amendement n°31 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°8, présenté par MM. Adnot, Husson et Türk.
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Cette suspension prend effet, dans les mêmes conditions, au 1er janvier 2016 pour tout autre conditionnement, contenant ou ustensile à usage alimentaire comportant du bisphénol A, sous réserve d'une décision du Gouvernement basée sur un avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail relatif à l'innocuité et l'adaptation à des usages alimentaires des substituts du bisphénol A. » ;
M. Philippe Adnot. - Même objet que le précédent.
L'amendement n°30 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°11, présenté par MM. Adnot, Husson et Türk.
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Cette suspension prend effet, dans les mêmes conditions, au 1er janvier 2015 pour tout autre conditionnement, contenant ou ustensile à usage alimentaire comportant du bisphénol A, sous réserve d'une décision du Gouvernement basée sur un avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail relatif à l'innocuité et l'adaptation à des usages alimentaires des substituts du bisphénol A. » ;
M. Philippe Adnot. - Cet amendement s'explique par son texte même.
M. le président. - Amendement n°18 rectifié bis, présenté par M. Dériot, Mmes Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mmes Cayeux, Debré, Deroche et Hummel, MM. de Raincourt, Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Lorrain, Milon et Pinton, Mme Procaccia, MM. Savary, Bizet, Lecerf, Lefèvre, Cléach et Paul et Mmes Primas et Jouanno.
Alinéa 5
Après les mots :
dans les mêmes conditions,
insérer les mots :
sous réserve de la confirmation de l'innocuité des substituts au bisphénol A,
M. Gérard Dériot. - Comme l'a dit le Premier ministre, les substituts doivent avoir fait la preuve de leur innocuité.
M. le président. - Amendement n°4, présenté par M. du Luart.
Alinéa 5
Remplacer la date :
1er janvier 2015
par la date :
1er janvier 2016
M. Roland du Luart. - Je partage la position de la commission sur les biberons et autres petits pots. Pour le reste, on court des risques sanitaires à vouloir généraliser l'interdiction dès le 1er janvier 2015 car les produits de substitution ne sont pas encore bien connus.
M. le président. - Amendement identique n°15 rectifié, présenté par M. Dériot, Mmes Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mmes Cayeux, Debré, Deroche et Hummel, MM. de Raincourt, Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Lorrain, Milon et Pinton, Mme Procaccia, MM. Savary, Bizet, Lecerf, Lefèvre, Cléach et Paul et Mme Primas.
M. Gérard Dériot. - Le remplacement du bisphénol A par une autre substance prendra du temps et coûtera de l'argent : une fois trouvés les substituts, il faudra modifier les process industriels. Nous demandons donc un an de plus. Pour les biberons, il suffisait de revenir au bon vieux biberon en verre, ce n'est pas le cas ici.
Le bisphénol A n'est dangereux que lorsqu'on le chauffe. Or, personne ne chauffe ses conserves, sinon peut-être les scouts. (Protestation à gauche) Mettons que vous partez pique-niquer ! (Sourires)
Dans cette période de chômage, n'accablons pas les industriels.
M. le président. - Amendement identique n°24 rectifié, présenté par Mme Dini, M. Tandonnet, Mme Létard et MM. Dubois et Vanlerenberghe.
Mme Muguette Dini. - En janvier 2010, l'Afsa suggérait la réévaluation des substituts au polycarbonate actuellement sur le marché. En juin de la même année, elle indiquait que les substituts aux résines époxy étaient rares et qu'il fallait encore vérifier leur innocuité.
M. le président. - Amendement n°27, présenté par Mme Aïchi.
Alinéa 5
Remplacer la date :
1er janvier 2015
par la date :
1er janvier 2014
Mme Leila Aïchi. - Cet amendement rétablit le délai fixé par l'Assemblée nationale.
Le report n'a aucun fondement économique et annonce un désastre sanitaire : 830 000 femmes enceintes de plus seront exposées à ce poison ! Et je ne parle pas des conséquences financières, pour la sécurité sociale, des maladies qu'il entraîne...
Si certaines entreprises s'adaptent en trois mois, pourquoi les autres ne pourraient-elles pas le faire en quinze mois ? Cela fait un an que le problème est évoqué, les industriels ne sont donc pas pris au dépourvu. La conserve en carton peut servir pour toutes sortes d'aliments : on économiserait ainsi 12 000 tonnes de CO2 par an. En Italie, la marque Coop l'a adoptée, et les clients sont satisfaits. D'autres pays ont fait de même, preuve que c'est faisable.
Va-t-on sacrifier les générations futures sur l'autel de la rentabilité économique ?
M. le président. - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Baylet, Collin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Alinéa 5
Remplacer la date :
1er janvier 2015
par la date :
1er juillet 2015
M. Gilbert Barbier. - Tout le monde ici est favorable à l'interdiction du bisphénol A. Faisons tous un pas : dans un esprit de compromis, le RDSE propose le 1er juillet 2015.
M. Bernard Cazeau. - Voilà bien du radicalisme ! (Sourires)
M. le président. - Amendement n°9, présenté par MM. Adnot, Husson et Türk.
Alinéas 6 et 7
Supprimer ces alinéas.
M. Philippe Adnot. - L'étiquetage est du ressort communautaire. Ne nous exposons pas à des contentieux ou à des distorsions de concurrence.
M. le président. - Amendement n°5 rectifié, présenté par M. du Luart.
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette disposition ne s'applique qu'aux conditionnements fabriqués après la publication du décret précité.
M. Roland du Luart. - Le nouvel étiquetage ne doit être obligatoire que pour les conditionnements fabriqués après l'entrée en vigueur du décret.
Mme Patricia Schillinger, rapporteur. - Comme pour les médicaments, il faut réfléchir aux dispositifs médicaux en termes de bénéfice-risque pour le patient. Je serais plutôt pour un retrait de l'amendement n°25. Qu'en pense le Gouvernement ?
Je suis défavorable aux amendements nos1 rectifié, 17 rectifié, 10 et 22 rectifié. On pouvait se satisfaire, en 2010, de la rédaction proposée par M. Dériot pour les biberons ; la question est plus délicate aujourd'hui car les conditionnements visés sont divers et les matériaux utilisés nombreux. Peut-on dire qu'une canette ou une boîte de conserve est produite « à partir de » bisphénol A ? Pas exactement. C'est pourquoi mieux vaut la formule « comportant du ».
Le bisphénol A présente un risque pour la santé humaine. Comment accepterions-nous donc d'en exporter ? Faut-il d'ailleurs faire coexister deux chaînes de fabrication ? Avis défavorable à l'amendement n°6 rectifié bis.
La question des stocks se pose effectivement mais le délai d'un an est suffisant et, au cas où des problèmes surviendraient, le Gouvernement pourra prendre des mesures. Avis défavorable à l'amendement n°7 rectifié bis, ainsi qu'à l'amendement n°14, qui limite le champ de la proposition de loi : le contact direct avec les denrées n'est pas seul en cause.
Défavorable à l'amendement n°16 rectifié : les nourrissons sont très exposés au bisphénol A et la très grande majorité des industriels ont d'ores et déjà trouvé des substituts pour les produits qui leur sont destinés.
L'amendement n°12 inverse la logique de la proposition de loi. Certes, les industriels ont du mal à trouver un substitut aux propriétés aussi universelles que le bisphénol A mais l'argument ne peut suffire quand est mise en cause la protection de la santé. Et beaucoup de substituts ont déjà été trouvés, sauf pour les cornichons et les produits contenant du vinaigre.
Même avis sur les amendements nos8 et 11. L'amendement n°18 rectifié bis est plus explicite mais lui aussi inverse la logique du texte. Avis défavorable aux amendements nos4, 15 rectifié et 24 rectifié
La date de 2015 est raisonnable. Un délai de deux ans est tout de même préférable. La France n'en sera pas moins pionnière. Avis défavorable à l'amendement n°27. Nous serons plus volontaristes que M. Barbier : avis défavorable à l'amendement n°2 rectifié, ainsi qu'à l'amendement n°9 : il n'y a pas plus de distorsions de concurrence qu'avec le pictogramme sur les boissons alcoolisées.
L'amendement n°5 rectifié pose la question des stocks. Le décret pourra prévoir des adaptations. Avis défavorable.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Je ne répéterai pas les excellents arguments de Mme le rapporteur.
S'agissant des dispositifs médicaux qui, pour beaucoup, comportent du bisphénol A, il n'existe pas encore de substituts. L'ANSM aide les industriels à en trouver. La Commission européenne est en train d'élaborer un répertoire des dispositifs médicaux, qui sera très utile. Le Gouvernement veut aller dans le même sens que vous, madame Archimbaud, mais, pour des raisons techniques, ne peut approuver votre amendement n°25.
La rédaction de la proposition de loi considère le produit au moment de la consommation, non de la production. Les amendements nos1 rectifié, 17 rectifié, 1° et 22 rectifié sont insuffisamment protecteurs : avis défavorable, comme à l'amendement n°6 rectifié bis : ce qui n'est pas bon pour les consommateurs français ne l'est pas davantage pour les étrangers.
Avis défavorable également à l'amendement n°7 rectifié bis. Ce texte ne vise pas seulement les matériaux d'emballage : avis défavorable à l'amendement n°14, ainsi qu'à l'amendement n°16 rectifié, qui allonge le délai, et à l'amendement n°12, qui inverse la charge de la preuve.
Les amendements nos8, 11 et 18 rectifié bis obéissent à la même logique. Nous ne souhaitons pas reporter plus longtemps l'entrée en vigueur du texte ni inverser la charge de la preuve. Même avis défavorable sur les amendements nos4, 15 rectifié et 24 rectifié. Les études mentionnées par Mme Dini sont déjà anciennes. Les industriels sont en mesure de s'adapter.
Avis défavorable à l'amendement n°27 de Mme Aïchi qui va, quant à lui, dans le sens inverse. Nous ne faisons que respecter la logique initiale, en donnant aux industriels un délai de deux ans.
Je salue l'esprit de compromis de M. Barbier avec son amendement n°2 rectifié mais l'entrée en vigueur a déjà été reportée d'un an. Tenons-nous en là. Avis défavorable à l'amendement n°9 : même en période de transition, il faut alerter la population. Je comprends l'intention de M. du Luart et j'en tiendrai compte dans la rédaction du décret ; il peut donc retirer son amendement n°5 rectifié.
M. Alain Chatillon. - En tant que président d'un grand pôle de compétitivité qui regroupe des industriels du sud-ouest, je sais qu'il faudra du temps pour avoir des substituts sûrs, au moins deux ou trois ans puisque l'Anses doit effectuer des vérifications. Mme le ministre dit que les industriels sont prêts ; j'aimerais bien savoir lesquels. Les Américains ont voulu remplacer le bisphénol A par une résine ; elle était un vrai poison ! Ne remplaçons pas la peste par le choléra.
L'agroalimentaire en France, ce sont surtout des PME et des TPE. Les grands groupes sont chez nos voisins. Les arbitrages sur l'étiquetage des produits fabriqués en Suisse ou en Allemagne prendront des années... Ne confondons pas vitesse et précipitation. L'agroalimentaire représente 12 milliards d'euros dans la balance commerciale ! Les amendements de mes collègues méritent notre attention. (Applaudissements sur plusieurs bancs UMP)
M. François Patriat. - J'irai dans le même sens que M. Chatillon. J'avais déposé des amendements qui ont été refusés par le service de la séance car arrivés prétendument trop tard, et l'on me traite même de tricheur... Ils n'allaient pas dans le sens de mon groupe mais, sur un sujet de santé publique et de politique industrielle, je revendique la liberté de m'exprimer.
J'ai eu de la part des industriels un autre son de cloche que la ministre. Les deux logiques se rejoignent : si nous nous retrouvons demain à devoir importer des contenants en bisphénol A, nous aurons perdu au tirage et au grattage, sur le plan industriel comme sur le plan sanitaire. Alors que le ministre du redressement industriel nous demande de consommer français, nous devrons consommer étranger, avec du bisphénol ! Les industriels ne demandent que du temps. L'agroalimentaire est un fleuron de notre économie. Ne parle-t-on pas de supprimer des normes ?
Je suis pasteurien de formation. Si le principe de précaution avait existé, Pasteur n'aurait jamais inventé le vaccin contre la rage ! (Applaudissements à droite, au centre et sur certains bancs à gauche)
Mme Catherine Génisson. - En ce qui concerne les dispositifs médicaux, une contamination peut être tout aussi dangereuse par voie sanguine qu'orale. Des recherches ont-elles déjà été entreprises sur ce sujet ? Pour les perfusions, il existait jadis des flacons de verre.
Il faut inciter les industriels à rechercher des substituts. Je suivrai Mme le rapporteur mais, puisque le groupe écologiste demande un rapport, ne peut-on y ajouter la question des dispositifs médicaux ? Cela pourrait tous nous satisfaire. (Applaudissements sur les bancs écologistes ainsi que sur quelques bancs socialistes)
M. Philippe Adnot. - N'en déplaise à certains, vous n'avez pas en face de vous d'affreux sénateurs qui ne défendraient que l'industrie en se moquant bien de la santé ! J'ai apprécié l'intervention de M. Patriat. Je vous laisse face à vos responsabilités. Je retire mes amendements et m'abstiendrai sur ce texte.
Les amendements nos10, 14, 12, 8, 11 et 9 sont retirés.
M. Alain Milon. - Pourquoi ne pas avoir opposé à tous les amendements la réponse que vous faites à l'amendement n°25 ? Pourquoi ne pas interdire immédiatement les tubulures et poches de transfusion contenant du bisphénol A qui, dans ce cas, va directement dans le sang ? Si la nocivité du bisphénol A est établie, il faut être cohérent. Si elle ne l'est pas, on peut attendre 2016 pour trouver des substituts.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Ce débat me rappelle celui sur l'amiante. Déjà, les uns se préoccupaient de la santé, les autres de l'industrie. Il n'y a pas de substitut, disait-on déjà. Les pays qui ont interdit l'amiante avant nous n'ont pas connu de choc industriel ; ils n'ont pas, non plus, eu à résoudre les mêmes problèmes de santé que nous.
S'agissant de l'étiquetage, certains craignaient naguère que le pictogramme sur les bouteilles de vin freine les exportations. Or il n'en a rien été. (M. François Patriat le conteste)
Nous protégeons la santé publique en tenant compte des contraintes. Ce cap doit être tenu. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Aline Archimbaud. - Pour les tubulures, les substituts du bisphénol A existent déjà. Si nous retirons cet amendement, accepteriez-vous que le rapport demandé par notre deuxième amendement aborde aussi la question des dispositifs médicaux ? Il faut encourager la recherche et inciter les industriels à trouver des substituts.
M. Jean-Pierre Leleux. - Un industriel de ma ville, responsable d'une vieille entreprise familiale, m'a dit ses inquiétudes : il va falloir trouver des substituts au bisphénol A, s'assurer de leur innocuité... Il avance. Il est d'accord avec la suppression progressive du produit mais demande au moins un report -surtout si notre amendement relatif à l'exportation est rejeté. Car alors nous serons en concurrence avec des pays moins vertueux. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)
M. Jean-René Lecerf. - Mon département du Nord, le plus peuplé de France, où le chômage atteint 13 %, accueille une industrie agroalimentaire puissante. Or nombre de ces usines travaillent quasi exclusivement pour l'exportation. Si cette loi passe, elles devront licencier ! (Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales, s'exclame) Je précise qu'elles exportent dans des pays où le bisphénol A est autorisé... Leurs concurrents gagneront des parts de marché sans coup férir.
Est-il vrai que l'autorité sanitaire du Canada vient de confirmer l'innocuité du bisphénol A pour les utilisations autres que les biberons ?
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. - Les Canadiens utilisent encore l'amiante ! Ce n'est pas une référence !
M. Jean-René Lecerf. - Quid des substituts ? Certains chercheurs disent que le remède risque d'être pire que le mal ! Faudra-t-il interdire tous les emballages, toutes les canettes ?
M. Bernard Cazeau. - A entendre certains de nos collègues, rien n'est possible... J'ai assisté à l'audition de cinq industriels représentant des fédérations. Ils ne m'ont pas paru aux abois ! Ils auraient préféré 2016, certes, mais se sont rendus à nos arguments. Les cornichons méritent peut-être une dérogation mais la règle générale doit être 2015 : cela laisse le temps de trouver des substituts. Pour les nourrissons, on a trouvé très rapidement ! Et on ne trouverait pas dans les mêmes délais pour l'ensemble de la population ? Arrêtons ce cinéma ! (Applaudissements sur de nombreux bancs à gauche) A Mme le ministre de prendre les mesures qui s'imposent pour les cornichons ou la moutarde : elle est là pour ça. (Sourires)
M. François Grosdidier. - J'appartiens à une famille politique qui a fait adopter le principe de précaution et qui se targue d'humanisme. Je suis élu d'un bassin sidérurgique qui produit de la tôle, où les industriels, les salariés, même l'académie de médecine ont défendu l'amiante. Non, le principe de précaution n'aurait pas empêché Pasteur de découvrir le vaccin mais il aurait empêché le drame de l'amiante. Aujourd'hui, on l'invoque à tort et à travers, contre les produits de substitution au détriment du principe de précaution ! La peste du bisphénol est avérée et on voudrait prévenir le choléra, tout à fait hypothétique, des produits de substitution. Ne reportons pas davantage l'échéance ! (Applaudissements sur les bancs écologistes et sur de nombreux bancs à gauche)
M. Alain Houpert. - Comparer le bisphénol A à l'amiante, ce n'est pas raisonnable. En Bourgogne, on préfère boire dans un verre -pas un verre en cristal où il y a du plomb ! J'avais proposé de rétablir la consigne des bouteilles en verre : la santé comme l'environnement y gagneraient.
M. Gérard Dériot. - Le raisonnement de M. Cazeau me paraît un peu simpliste... Pour les biberons, il suffisait de reprendre les vieux biberons en verre ! La solution immédiate existait ! Je rappelle, puisqu'on ne semble pas l'avoir entendu, que c'est uniquement quand on le chauffe que le bisphénol A est dangereux !
Mme Patricia Schillinger, rapporteur. - Les conserves, on les chauffe, monsieur !
M. Gérard Dériot. - Les canettes ne sont pas données aux nourrissons !
Mme Patricia Schillinger, rapporteur. - Les enfants de 1 an boivent du coca-cola !
M. Gérard Dériot. - Laissons à l'industrie le temps nécessaire pour trouver des substituts dont l'innocuité est certaine et ensuite adapter leur process industriel. Nous nous donnerons ainsi le maximum de sécurité et nous remplirons notre mission : être vigilants en matière sanitaire et protéger notre industrie.
Quant à supprimer le bisphénol A dans les canettes, c'est s'exposer à des matériaux autrement plus dangereux !
M. Jacky Le Menn. - Ne me dites pas que les industriels n'ont pas encore réfléchi à des solutions depuis que cette proposition de loi a été adoptée à l'Assemblée nationale ! Ils auront encore deux ans de plus : c'est assez pour trouver des produits de substitution sans danger. La conserverie, c'est 35 000 emplois -je pense à la Bretagne : personne ici n'est contre l'industrie ! La date de 2015 est parfaitement acceptable. Ne transigeons pas sur le principe de précaution ! M. Godefroy a rappelé le précédent de l'amiante, il faut tout faire pour ne pas le revivre.
M. Gérard Dériot. - Rien à voir !
M. Jacky Le Menn. - S'il doit y avoir des exceptions pour tel ou tel secteur, les autorités sanitaires verront. Mais le principe général doit être appliqué.
M. Gilbert Barbier. - Je suis un peu surpris par cette discussion. Le bisphénol A a été découvert en 1891. En 1930, on lui a reconnu un effet ostrogénique insuffisant -il fut alors remplacé par le distilbène, dont on a vu les effets... Le bisphénol A est condamné, tout le monde en est d'accord. Et on se bat pour un an de plus ou de moins ? Il faut que la législation européenne avance. Un an, six mois, en matière de recherche, ce n'est pas grande chose. Il n'y a pas lieu de s'écharper pour si peu...
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - On introduit un doute sur la réalité du danger : le bisphénol A sera-t-il plus dangereux en 2016 qu'en 2013 ? Le bisphénol A est dangereux quand il est chauffé, il faut le rappeler. D'ailleurs, on ne parle que de suspension, pas d'interdiction. Est-ce que l'on n'est pas sûr ? Il faut fixer une date, oui, mais en précisant que l'on pourra reprendre le bisphénol A si l'on ne trouve pas de produit de substitution fiable ! Dans ce cas, on peut garder la date de 2015. Ne frappons pas de plein fouet les industriels, qui privilégient toujours la sécurité sanitaire.
M. François Rebsamen. - L'opposition entre défenseurs supposés de l'industrie et défenseurs supposés de la santé publique est stérile : nous sommes tous préoccupés par les deux. Il est temps d'avancer.
Ce texte est ouvert : ce n'est pas un texte d'interdiction mais de suspension. Il faut dénoncer les risques, qui sont avérés en cas de chauffage.
Il faut fixer une date butoir pour inciter les industriels à avancer. Qui peut dire ici s'il vaut mieux le 1er janvier ou le 1er juillet 2015 ? Personne... Le seul problème est celui des produits vinaigrés. Actons le principe, envoyons un signal, rassemblons-nous, en conscience, sur ce sujet de santé publique.
Mme Virginie Klès. - En matière de recherche, six mois, ce n'est rien, en effet. Les alternatives ? Des milliers de molécules chimiques sont utilisées sans jamais avoir été testées. Attention à ne pas inonder le marché de nouvelles substances insuffisamment testées ? (Applaudissements sur quelques bancs UMP ; M. François Patriat applaudit aussi)
Mme Marisol Touraine, ministre. - Ce débat me paraît disproportionné. Il n'y a pas d'un côté les gentils et de l'autre les méchants ! Nous sommes tous attachés à l'emploi et au dynamisme économique, mais aussi à la sécurité sanitaire, qui ne se marchande pas. Les risques sont gigantesques. Et on débat d'une date, à un an près...
L'échéance a déjà été reportée d'un an. Qui peut croire que les industriels trouveront des solutions si on leur accorde un an de plus ? Que si le risque est avéré, il ne pourrait pas être mieux encadré d'ici 2015 ? Nous avons déjà assoupli un dispositif qui ne vise pas à sanctionner mais à protéger. Oui, la recherche sur les produits acides doit se poursuivre. Je suis d'ailleurs friande de cornichons, surtout bourguignons... Les entreprises avancent, certaines d'entre elles veulent aussi capitaliser sur cette démarche sanitaire : c'est un élément favorable pour notre compétitivité internationale.
Quant aux dispositifs médicaux, même si nous savons que le bisphénol A passe dans le sang et l'urine, nous ignorons encore comment stériliser les dispositifs médicaux alternatifs. Des études ont été lancées au niveau européen. Je suis d'accord pour élargir l'amendement de Mme Archimbaud aux dispositifs médicaux.
Prévoir une suspension, cela signifie qu'en cas de difficulté ponctuelle, on pourra adapter la législation, donner du temps à telle ou telle entreprise. Mais nous avons besoin d'une date. N'envoyons pas comme signal que le doute ne profite pas au consommateur. J'en appelle à votre esprit d'innovation : face à des enjeux nouveaux, il faut des politiques nouvelles. (Applaudissements à gauche)
L'amendement n°25 est retiré.
Les amendements nos1 rectifié et 17 rectifié, identiques, ne sont pas adoptés.
Mme Muguette Dini. - Je me rends aux arguments de la rapporteure et retire l'amendement n°22 rectifié.
L'amendement n°22 rectifié est retiré.
L'amendement n°6 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que les amendements nos7 rectifié bis, 16 rectifié et 18 rectifié bis, Les amendements identiques nos4, 15 rectifiéet 24 rectifié ne sont pas adoptés.
Mme Leila Aïchi. - Je suis devant un cas de conscience. On sacrifierait 830 000 enfants à naître pour que les industriels s'adaptent ? Le bisphénol A est dangereux quelle que soit la température ! S'il est chauffé, il dégage du plastique, ce qui le rend encore plus nocif. Je voterai ce texte mais la toxicité de ce perturbateur endocrinien est avérée !
Le texte initial prévoyait le 1er janvier 2014, les industriels en avaient pris acte, comme ils ont pris acte du 1er janvier 2013. Pourquoi accepter le report à 2015 ? Des alternatives existent, agences et associations les ont recensées. Mieux vaudrait aider la recherche que repousser la date au détriment des générations futures.
Je regrette qu'on ne prenne pas la mesure de l'urgence, d'autant que le bisphénol A n'est qu'un perturbateur endocrinien parmi beaucoup d'autres qui tous contaminent notre environnement. C'est la conséquence de notre système productiviste, dont les impératifs à court terme hypothèquent le long terme -avec ses effets sur les dépenses d'assurance maladie. Pourquoi amputer la sécurité sociale pour rassurer les industriels ?
Lors de la Conférence environnementale, le président de la République s'est engagé, suscitant l'espoir des écologistes et des associations. Un recul se dessine... Pourtant, l'action de la France est regardée par ses partenaires, nos voisins du nord attendent un signal. Nous avons une responsabilité à l'égard de la communauté humaine, soyons à la hauteur. Quand on veut faire quelque chose, on trouve un moyen ; quand on ne veut rien faire, on trouve une excuse.
M. Ronan Dantec. - Mme Aïchi s'est exprimée à titre personnel. Le groupe écologiste votera contre l'amendement n°27. (Mouvements divers à droite)
Mme Éliane Assassi. - Le groupe CRC s'abstiendra.
L'amendement n°27 n'est pas adopté.
A la demande du groupe du RDSE, l'amendement n°2 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 168 |
Pour l'adoption | 177 |
Contre | 158 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements à droite ; M. François Patriat applaudit également)
L'amendement n°5 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°20 rectifié, présenté par Mmes Jouanno et Farreyrol, MM. Lorrain, Gaillard et Duvernois, Mmes Bruguière et Giudicelli et MM. B. Fournier, J.P. Fournier, Pointereau, Grignon, Hérisson, Laufoaulu, Dallier, Revet, Grosdidier, J. Gautier et P. Leroy.
Après l'alinéa 7
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
...° Après l'article 2, il est inséré un article 3 ainsi rédigé :
« Art. 3. - Sont suspendues à compter du 1er janvier 2015 la fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de tout dispositif médical destiné aux femmes enceintes, aux femmes allaitantes, aux nourrissons ou aux enfants jusqu'à trois ans comportant :
« 1° soit une des substances définies comme cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques de catégorie 2 au sens de la Partie 3 de l'Annexe VI du Règlement CE n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) n°1970/2006 ;
« 2° soit un perturbateur endocrinien présentant de probables effets sérieux pour la santé humaine, identifié dans les conditions fixées à l'article 59 du Règlement (CE) n°1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) n°793/93 du Conseil et le règlement (CE) n°1488/94 de la Commission ainsi que la directive 75/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission. »
Mme Chantal Jouanno. - Cet amendement reprend la proposition n°10 du rapport de la mission commune d'information sur les dispositifs médicaux implantables et les interventions à visée esthétique. Il interdit l'ensemble des substances cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques de catégorie 2 et perturbateurs endocrinien dans les dispositifs médicaux destinés aux nourrissons, jeunes enfants et femmes enceintes. Le rapport de notre collègue Barbier au nom de l'Office parlementaire ne disait pas autre chose. Nos travaux seraient-ils inutiles ?
Comment accepter qu'un dispositif médical soit considéré moins dangereux qu'un jouet ? Mme la ministre dit qu'une telle interdiction pour tous les dispositifs médicaux serait prématurée. Dans cet amendement, j'en ai considérablement limité le champ. Je rappelle que le rapport de la mission commune d'information a été adopté à l'unanimité. A quoi bon faire des rapports si on en ignore les préconisations ? Pas la peine de parler de santé environnementale si on refuse le principe de non-exposition ! Il n'y a aucune logique à imposer l'interdiction dans les contenants alimentaires dès 2015 et à refuser pareille précaution pour les dispositifs médicaux, surtout destinés aux nourrissons et femmes enceintes !
M. le président. - Amendement n°21 rectifié bis, présenté par Mmes Jouanno et Farreyrol, MM. Lorrain, Gaillard, Cambon et Duvernois, Mme Bruguière, M. Milon, Mme Giudicelli et MM. B. Fournier, J.P. Fournier, Hérisson, Pointereau, Grignon, P. Leroy, Laufoaulu, Dallier, Grosdidier, Revet et J. Gautier.
Après l'alinéa 7
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après l'article 2, il est inséré un article 3 ainsi rédigé :
« Art. 3. - La fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de tout dispositif médical comportant du bisphénol A destiné aux femmes enceintes, aux nourrissons ou aux enfants jusqu'à trois ans sont suspendues à compter du 1er janvier 2015. »
Mme Chantal Jouanno. - Amendement de repli visant à interdire l'utilisation du seul bisphénol A dans les dispositifs médicaux destinés aux femmes enceintes, nourrissons et enfants en bas âge.
Mme Patricia Schillinger, rapporteur. - L'amendement n°20 rectifié a un champ très large : quel est l'avis du Gouvernement ? Je penche pour le retrait. Il faut tenir compte du risque qu'il y aurait à se priver de dispositifs médicaux indispensables au traitement des patients, voire à leur survie.
Sur l'amendement n°21 rectifié bis, la commission privilégie là encore une demande de retrait. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. - Retrait. J'ai dit que je souhaitais que des rapports fassent rapidement le point. Je ne vois pas ce qui vous permet de dire que je néglige la santé publique, madame Jouanno ! Comme si ma présence ici était fictive... J'aurais aimé vous entendre tout à l'heure sur la nécessité d'aller vite sur les contenants alimentaires !
La question des dispositifs médicaux est une question majeure. C'est un enjeu européen, difficile car nous prônons un encadrement plus strict des dispositifs médicaux que nos partenaires européens. Il faut lancer des études aux niveau national et européen, disposer rapidement d'un rapport pour faire le point. Ce sujet doit nous rassembler. Retrait, sinon avis défavorable (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Chantal Jouanno. - Madame la ministre, si vous m'aviez écoutée lors de la discussion générale, vous sauriez que la date proposée par la commission me convenait. Mais la priorité, ce sont les publics fragiles : les nourrissons, les femmes enceintes et allaitantes. J'ai été étonnée d'entendre que l'on envisage des exceptions pour les cornichons mais pas pour les cathéters destinés aux nourrissons. Je maintiens les amendements.
M. Gilbert Barbier. - Ancien rapporteur de l'Office parlementaire sur cette question, je soutiens les amendements de Mme Jouanno. Il faut distinguer entre les différents types de dispositifs médicaux : les plastiques rigides, comme les couvercles de couveuses qui contiennent du bisphénol A, et les plastiques souples, où le problème tient essentiellement aux phtalapes. Là, on dispose d'études épidémiologiques : le taux de phtalates dans le sang des nouveau-nés est jusqu'à cent fois supérieur à la dose journalière admise ! Pour les tubulures souples et les poches, il y a des substituts fabriqués par des entreprises françaises. Quant au bisphénol A, les nouveau-nés y sont aussi très exposés. Nous avons tous le même objectif, mais il faut se préoccuper des femmes enceintes et des nouveau-nés avant les cornichons de M. Patriat.
Mme Laurence Cohen. - L'amendement de Mme Jouanno, me semble-t-il, va dans le même sens que la proposition de loi. Ne cherchons-nous pas à protéger les publics les plus fragiles ? Il ne lui était toutefois pas nécessaire d'être aussi clivante dans son exposé : Mme la ministre a fait la preuve de son volontarisme et s'est montrée sensible au problème. La commission a voulu s'en remettre au Gouvernement, faute de données nécessaires. Pour ma part, je suis favorable à ces amendements.
Mme Nathalie Goulet. - J'ai été vice-présidente de cette mission d'information et suis solidaire de ces amendements. D'ici 2015, nous pourrons éventuellement rectifier le tir.
M. Bernard Cazeau. - Je suis pris entre deux feux. En tant que rapporteur de la mission sur les dispositifs médicaux, je suis responsable de la dixième de ses recommandations. Mais j'entends Mme la ministre : ces dispositifs, certifiés à l'échelle européenne, n'ont pas de substitut. Je pensais que Mme Jouanno ou Mme la ministre feraient un geste...
Pourquoi ne pas prévoir un rapport ....
Mme Sylvie Goy-Chavent. - Encore un rapport !
M. Bernard Cazeau. - ...pour faire un bilan d'ici six mois ? Mais si vous préférez passer au vote...
M. Ronan Dantec. - Il est difficile, sur un sujet de santé publique aussi technique, d'écrire une loi cohérente : d'où l'intérêt de notre proposition de loi sur l'indépendance de l'expertise. Sur le fond, nous soutenons l'amendement, même s'il pourrait être plus précis. Les clivages politiciens ne sauraient prévaloir. Mais le ton de Mme Jouanno n'allait pas dans ce sens... Il est trop facile de dire, avec des trémolos dans la voix : « si vous n'acceptez pas mon amendement, vous refusez de protéger la population ». Les choses sont plus complexes.
Mme Marisol Touraine, ministre. - La question des dispositifs médicaux est bel et bien posée. Mais nous n'avons pas de substituts. (M. Gilbert Barbier le conteste) Je suis surprise que vous affirmiez avec autant de certitude le contraire alors que vous disiez que les industriels de l'agroalimentaire ne pourraient pas s'adapter en deux ans... Nous ne savons pas comment stériliser des produits flexibles sans bisphénol A.
Soyons réalistes : le problème ne pourra être réglé avant 2015. Il faut travailler à un rapport en lien avec les instances européennes, les entreprises, etc., afin de dresser la liste des dispositifs médicaux concernés et d'évaluer le risque.
Le Parlement ne doit pas se contenter d'énoncer des principes inapplicables ! Je vous appelle à mettre en place un groupe de travail, avec des parlementaires, des chercheurs et des industriels, afin d'élaborer un calendrier précis, produit par produit, dans un esprit de responsabilité, de rassemblement et de consensus. (Applaudissements à gauche)
M. Jacky Le Menn. - Le groupe socialiste demande une suspension de dix minutes.
La séance, suspendue à 18 h 50, reprend à 19 heures.
Mme Chantal Jouanno. - J'ai peut-être mis trop de véhémence à défendre mes amendements... Par cohérence avec l'amendement de M. Barbier, je propose de rectifier mon amendement pour reporter la date au 1er juillet 2015 et pour prévoir l'avis préalable de l'ANSM. Faisons tous un pas les uns vers les autres.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Je propose d'ajouter que les modalités seront précisées par décret pour pouvoir prendre des mesures d'adaptation quand il n'existe pas de substitut. Mais je demeure sceptique sur la possibilité de donner un contenu à cette mesure déclaratoire...
L'amendement n°20 rectifié ter est adopté.
L'amendement n°21 rectifié ter devient sans objet.
L'article premier, modifié, est adopté.
L'amendement n°28 est devenu sans objet.
Les amendements identiques nos13 et 33 ne sont pas défendus.
L'article 2 est adopté.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°3 rectifié bis, présenté par MM. Barbier, Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Collombat et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 5231-2 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 5231-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 5231-2-1. - Est interdite dans les services de pédiatrie néonatologie et de maternité, l'utilisation de matériaux de nutrition parentérale, tubulures et contenants, comportant un des phtalates suivants :
1° le di (2-éthylhexyl) phtalate (DEHP) ;
2° le dibutyl phtalate (DBP) ;
3° le butyl benzyl phtalate (BBP).
M. Gilbert Barbier. - En néonatologie et en maternité, le principal danger est lié aux phtalates. Cela dit, je rectifie en reportant par cohérence l'interdiction au 1er juillet 2015.
Mme Patricia Schillinger, rapporteur. - Plusieurs directives européennes ont encadré sévèrement l'usage de phtalates. On ne peut qu'être surpris qu'ils soient autorisés dans les dispositifs médicaux destinés aux nourrissons et interdits dans les jouets... Cela dit, il ne semble pas y avoir de substituts. Attention à ne pas déstabiliser les services hospitaliers. Qu'en pense le Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. - L'amendement est satisfait par des mesures de portée plus large sur les dispositifs médicaux.
M. Gilbert Barbier. - Je rappelle que la mesure ne serait pas d'application immédiate et que, s'agissant des tubulures, les substituts existent.
L'amendement n°3 rectifié ter est adopté.
M. le président. - Amendement n°29, présenté par Mmes Archimbaud, Aïchi, Ango Ela, Benbassa, Blandin et Bouchoux, MM. Dantec, Desessard, Gattolin et Labbé, Mme Lipietz et M. Placé.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente au Parlement, dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport relatif aux perturbateurs endocriniens. Ce rapport précise notamment les conséquences en termes sanitaires et environnemental de la présence croissante de perturbateurs endocriniens dans notre alimentation, dans notre environnement direct et dans nos organismes. Il évalue également le coût pour la société de ces conséquences et précise les mesures législatives et réglementaires à prendre pour protéger la population et les générations futures.
Mme Aline Archimbaud. - Les effets des perturbateurs endocriniens sont connus ; la troisième conférence internationale sur les produits chimiques a adopté une déclaration de consensus qui en fait un enjeu émergeant. Mais en France, nous tardons à agir. Nous demandons donc un rapport sur le sujet, qui aborderait aussi la question des dispositifs médicaux.
Mme Patricia Schillinger, rapporteur. - Un rapport peut être utile mais Mme Batho a annoncé une stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens. Retrait.
Mme Marisol Touraine, ministre. - Je maintiens mon avis favorable, y compris à la modification demandée tout à l'heure.
Mme Aline Archimbaud. - Il s'agissait que le rapport aborde aussi la question des dispositifs médicaux.
Mme Catherine Génisson. - Il faudrait aussi faire le point régulièrement sur les avancées de la recherche et des industriels, pour les contenants comme pour les dispositifs médicaux.
M. le président. - Cela me paraît un peu flou...
Mme Marisol Touraine, ministre. - Le rapport demandé par Mme Archimbaud semble suffisamment général.
Mme Patricia Schillinger, rapporteur. - La commission se range à l'avis du Gouvernement.
Mme Aline Archimbaud. - Comme l'a rappelé la ministre, il faut ajouter à la fin de la première phrase : « y compris pour les dispositifs médicaux ».
L'amendement n°29 rectifié est adopté.
Les amendements nos26 et 23 rectifié sont devenus sans objet.
Mme Leila Aïchi. - Je crois avoir commis un impair lors du vote sur l'article premier : j'étais pour la date de 2014.
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.
(Applaudissements sur la plupart des bancs)
Conventions internationales (Procédure simplifiée)
L'article unique du projet de loi autorisant la ratification de la convention du travail maritime de l'OIT est adopté.
L'article unique du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du protocole additionnel à l'accord de coopération entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République fédérative du Brésil, relatif à la création d'un centre de coopération policière, est adopté définitivement.
L'article unique du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord d'entraide judiciaire en matière pénale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République fédérale du Nigéria est adopté définitivement.
L'article unique du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République libanaise relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure, de sécurité civile et d'administration est adopté.
L'article unique du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de Géorgie, relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure, est adopté.
Remplacement de commissaires démissionnaires (Nominations)
M. le président. - Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste et apparentés a présenté une candidature pour la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l'évaluation interne et que le groupe UMP a présenté une candidature pour la commission d'enquête sur l'influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé. Le délai prévu par l'article 8 du Règlement est expiré. La présidence n'a reçu aucune opposition. En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame M. Jean-Claude Frécon membre de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l'évaluation interne, en remplacement de M. Richard Yung, démissionnaire, et M. Bernard Saugey membre de la commission d'enquête sur l'influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé, en remplacement de M. François Trucy, démissionnaire.
La séance est suspendue à 19 h 25.
présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président
La séance reprend à 21 h 35.
Logement (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire chargé d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.
Discussion générale
M. Daniel Raoul en remplacement de M. Claude Bérit-Débat, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. - Veuillez excuser M. Claude Bérit-Débat, que je supplée. Le 13 septembre dernier, notre Haute assemblée adoptait ce projet de loi après l'avoir modifié et complété. Le 27 septembre, l'Assemblée nationale l'adoptait à son tour. La CMP, réunie le 4 octobre, a abouti à un accord. Ce texte essentiel, attendu par les acteurs de terrain, traduit l'engagement du président de la République et du Gouvernement en faveur d'une politique ambitieuse pour le logement.
La mise à disposition gratuite de terrains afin de construire des logements sociaux, le relèvement du taux obligatoire de logements sociaux de 20 à 25 % dans les communes soumises à l'article 55 de la loi SRU et situées dans des zones tendues constituent une première réponse à la crise du logement.
Les prix des logements ont été multipliés par 2,2 depuis 2001 ; le taux d'effort atteint 21 % du revenu disponible, 30 % pour un ménage sur cinq. On compte 1,7 million de demandeurs de logement social. L'engagement du Gouvernement est de construire 2,5 millions de logements en cinq ans. Le deuxième programme de mobilisation du foncier favorisera la construction de 110 000 logements d'ici 2016, le renforcement des obligations des communes, celle de 40 000 logements entre 2014 et 2016.
D'autres mesures seront toutefois nécessaires. Nous nous félicitons de l'annonce d'une grande loi sur le logement début 2013, qui abordera notamment le Dalo, les rapports entre bailleurs et locataires et la question du foncier.
Le Sénat avait modifié le dispositif de cession gratuite afin d'inverser la logique de fixation de la décote. L'Assemblée nationale est revenue sur cette modification après avoir obtenu des garanties du Gouvernement. La CMP a donc retenu le texte de l'Assemblée nationale. Il faudra toutefois être vigilant sur la mise en oeuvre du dispositif. Physicien, je sais que la principale force de l'univers est l'inertie !
A l'issue de la CMP, le projet de loi comprend de nombreuses dispositions introduites par le Sénat. C'est le cas de l'article premier A, initiative du groupe CRC, de l'article 4 bis, sur la Soginorpa, dû à Mmes Létard, Lienemann et Blandin, de l'article 4 ter, dû à M. Labbé et à Mme Lienemann, en faveur des communes carencées. La possibilité de déduire le coût des fouilles archéologiques étaient une initiative du groupe UCR. Un amendement de M. Dallier a également été retenu, ainsi qu'un amendement de Mme Schurch et M. Mézard. Ce dernier s'est aussi attaqué au prélèvement sur les organismes HLM. Bref, nombre d'apports du Sénat, de tous les groupes politiques, ont été conservés.
L'Assemblée nationale a modifié et complété le texte. Je salue sa rapporteure de la commission des affaires économiques. L'article 4 A, introduit par le Sénat à l'initiative de M. Cambon, prévoyait un avis conforme du maire en cas de vente de logements sociaux sur sa commune. L'Assemblée nationale a prévu qu'en cas de désaccord entre le maire et le préfet sur l'aliénation, il reviendrait au ministre du logement de trancher. Autre ajout utile de l'Assemblée nationale, l'article 2 bis favorise la mobilisation du foncier public par le biais de baux emphytéotiques administratifs gratuits. Je regrette d'ailleurs de n'y avoir pas pensé car cela me paraît un bon moyen de débloquer certains organismes que je ne nomme pas.
La CMP a enfin modifié, voire supprimé, certains apports des députés, dont l'article 3 bis A qui prévoyait un seul établissement public foncier par région. Cette question trouvera sa place dans le cadre du projet de loi à venir. Madame la ministre, vous n'échapperez pas à ce débat ! Cet article aurait impacté certains territoires sans prendre en compte les réalités locales et risquait de remettre en cause l'action des établissements publics fonciers qui fonctionnent. Sans doute faudra-t-il envisager une péréquation au sein des régions...
Enfin, la CMP a modifié la disposition, introduite par l'Assemblée nationale, obligeant les communes de 1 500 à 3 500 habitants de compter 10 % de logements sociaux, qui paraissait acceptable à beaucoup d'entre nous. Elle s'est limitée aux communes situées en zone tendue, c'est-à-dire celles qui appartiennent à la zone A du dispositif Scellier, la plupart de celles qui appartiennent à la zone B1 et la plupart de celles qui sont visées par le décret encadrant les loyers à la relocation.
Madame la ministre, j'espère que vous pourrez confirmer le champ géographique du décret prévu à l'article 4. En zone tendue, nombre de communes sont déjà engagées dans des programmes locaux. L'obligation permettra d'éviter les stratégies d'évitement de certaines, au sein des intercommunalités.
Le texte issu de la CMP prévoit que le prélèvement prévu à l'article 55 ne sera effectué qu'à partir du 1er janvier 2017. La mise en oeuvre de cette nouvelle mesure ne sera donc pas brutale et les communes auront le temps de s'adapter. Le projet de loi concernait initialement 700 communes ; le Sénat a réduit ce chiffre. Il s'agissait d'éviter que les petites communes ne soient trop durement frappées.
J'invite notre Haute assemblée à approuver ce texte, très attendu par les acteurs du logement, qui comporte des réponses à la crise du logement. En l'adoptant, nous serons fidèles à l'article premier de la loi Besson de 1990, qui proclame que « garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l'ensemble de la Nation ». (Applaudissements à gauche)
Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement . - Ce projet de loi est l'un des premiers éléments de réponse à cet impératif social qu'est l'accès de chacun au logement dans des conditions adaptées à ses moyens. Merci à votre assemblée, qui a examiné ce projet de loi dans des conditions dont je conviens qu'elles auront été difficiles. Vos travaux ont néanmoins été de grande qualité.
Cette loi répond à l'objectif ambitieux de construction de logements affiché par le président de la République et le Premier ministre. Vous en connaissez les principales mesures. Un certain nombre d'amendements, du Sénat et de l'Assemblée nationale, ont enrichi le projet du Gouvernement. La CMP a abouti à un texte qui en renforce la portée.
S'agissant de la mobilisation du foncier public, l'application d'une décote, jusqu'à 100 %, facilitera des opérations de logement social. La décote sera obligatoire pour certains bénéficiaires et pour des terrains figurant sur une liste dressée par le préfet, que consultera le comité régional de l'habitat, les maires et présidents d'EPCI. La gouvernance du dispositif sera assurée par une instance interministérielle, composée de parlementaires, des représentants des ministères compétents, des associations de collectivités locales, des organismes de logement social, des professionnels de l'immobilier, des associations de protection de l'environnement. La transparence y gagnera, d'autant qu'un rapport annuel sera adressé au Parlement. Les acquéreurs devront rendre compte de l'avancement du programme de construction. Les clauses anti-spéculation sont durcies. La décote appliquée aux baux emphytéotiques sera très utile aux élus de terrain. Il s'agit désormais d'agir sans délai.
Le titre II du projet de loi a été adopté avec enthousiasme par le Parlement, je m'en félicite. Le renforcement de l'article 55 de la loi SRU est nécessaire mais juste. Dix ans après le débat houleux autour de cette loi, votre Haute assemblée a montré son attachement à cette disposition. Je me félicite de ce consensus. Vous avez voulu que les dispositions soient réalistes et applicables. Le texte final concilie ces exigences, en revenant au coeur de l'obligation de la loi SRU. Le taux est renforcé là où c'est nécessaire. L'échéancier n'est plus glissant, l'obligation n'est plus théorique mais réelle. Le périmètre d'application a été étendu aux communes de 1 500 à 3 000 habitants dans les agglomérations et EPCI de plus de 50 000 habitants et sous tension. Au terme de la CMP, 334 communes sont concernées. L'obligation ne s'appliquera pas de façon brutale. Il n'y aura pas de prélèvement avant 2017. Un travail sera mené pour en évaluer finement les conséquences : je suis à votre disposition pour en faire le bilan. Les communes de plus de 15 000 habitants, en forte croissance démographique, ont également été incluses. Aucune ne sera prise au dépourvu.
Pour que la mixité sociale ne soit pas un voeu pieux, vous avez introduit à l'article 4 ter l'obligation, pour les communes faisant l'objet d'un constat de carence, de prévoir une part minimale de 30 % de logements sociaux dans les nouvelles opérations. Je m'en félicite. Le logement doit être accessible à tous. C'est une mission partagée, il faut cesser de stigmatiser le logement social.
La déclinaison de l'obligation de production de logements sociaux en fonction du type de loyer a été prise en compte : la part minimale de PLAI devra être de 30 %. Nos objectifs doivent être non seulement quantitatifs mais aussi qualitatifs.
Les communes dont le territoire est grevé d'inconstructibilités seront exonérées. C'est justice, notre but n'est pas d'exiger l'impossible. Vous avez veillé à ce que soient pris en compte les efforts consentis par les communes pour rattraper leur retard. Les possibilités de déduction des dépenses engagées sont élargies. Quant aux communes qui choisissent délibérément de ne pas respecter la loi, elles seront lourdement sanctionnées.
Le titre III traite plus spécifiquement de l'Ile-de-France. C'est une sécurisation juridique bienvenue. Je saisis l'occasion de rappeler mon attachement au projet de métro automatique du Grand Paris. Ce projet doit être priorisé. L'État tiendra son engagement d'apporter à la société du Grand Paris le financement nécessaire à ses emprunts, à hauteur de 1 milliard s'il le faut.
M. Robert Tropeano. - Très bien !
Mme Cécile Duflot, ministre. - Je me félicite des avancées. Nous prendrons le temps de bien évaluer les établissements publics fonciers ; le futur projet de loi en traitera.
Je tiens à vous remercier pour la qualité de nos échanges, pour avoir enrichi ce texte que je crois à la hauteur des enjeux. Dans dix ans, cette nouvelle page de la mixité sociale sera saluée comme il se doit ! (Applaudissements à gauche)
M. Daniel Dubois . - A l'issue de la première lecture, le groupe UCR était dubitatif. Depuis, le texte a évolué. Nous nous félicitons de la suppression de l'article 3 bis, qui organisait la mainmise de l'État sur le logement. L'article 11 ter a été utilement modifié : le document d'orientation devra assurer la cohérence d'ensemble du Scot.
Idem pour l'article 4 ter : la rédaction de l'Assemblée nationale était bien préférable à celle du Sénat. C'est un moindre mal, mais on peut aussi faire de la mixité avec des PLS, de la mixité par le haut.
L'article 11 ter illustre votre méfiance à l'égard des élus. Contrainte, sanction, voilà votre credo. Vous dites non à l'accompagnement et au soutien. Exemple criant : l'extension de la loi SRU aux petites communes. On ne règlera pas le problème du logement en méprisant les élus, y compris les parlementaires, consultés à la va-vite, sans qu'il y ait eu, sur cette dernière mesure, ni étude d'impact ni débat en commission.
Ce texte est injuste pour les collectivités, sur lesquelles va porter tout l'effort, l'État s'étant largement désengagé. Elles devront s'acquitter de prélèvements de plus en plus lourds, sans parler des sanctions. La cession de foncier public ne résoudra pas le problème des zones denses.
Grave lacune, le texte ignore l'accession sociale à la propriété. Il faut mieux tenir compte des réalités locales. La loi SRU est trop rigide : il faut apprécier les objectifs par agglomération, non par commune.
En première lecture, la majorité des sénateurs centristes s'étaient abstenus ; compte tenu de l'évolution du texte en CMP, ils voteront contre ce texte. (Applaudissements au centre)
M. François Trucy. - Très bien.
M. Jacques Mézard . - Je ne reviendrai pas sur les conditions d'examen de ce texte... Vous avez noté néanmoins la qualité du travail parlementaire -preuve de l'intérêt qu'il y a à avoir des parlementaires qui sont aussi présidents d'exécutifs locaux. (Sourires)
M. François Patriat. - Merci de le dire !
M. Jacques Mézard. - Oui aux principales mesures du texte, même s'il faudra revoir la délimitation des zones tendues et non tendues.
Il faut construire pour réduire la pénurie. Construire, c'est trouver du foncier, réduire les contraintes administratives, faciliter la densification, sanctionner les recours abusifs contre les permis, trouver des financements, ne pas décourager les investisseurs privés, privilégier une offre diversifiée comprenant du logement très social.
Nos amendements ont souligné la nécessité d'un effort en direction des ménages les plus modestes : c'est l'article 7. La suppression du prélèvement sur le potentiel financier des organismes HLM est bienvenue, même si elle n'est pas immédiate. La garantie d'une participation financière de l'État nous tenait aussi à coeur. Idem pour le fonds national de développement des logements locatifs sociaux destinés aux ménages les plus défavorisés.
L'Assemblée nationale est allée beaucoup trop loin en imposant un taux obligatoire de 10 % aux communes de 1 500 à 3 500 habitants, hors Ile-de-France. Le compromis trouvé en CMP est insuffisant. J'ai pris acte de l'engagement formel du Gouvernement de revoir cette mesure lors du prochain projet de loi. Étant donné cet engagement, nous voterons très majoritairement ce texte, espérant bien ne pas être déçus. (Applaudissements sur les bancs du RDSE)
M. Joël Labbé . - Ce texte traduit la volonté du président de la République, du Gouvernement et de la majorité de répondre à la crise du logement. Le logement, droit essentiel, devoir de solidarité. Le projet est ambitieux : 10 millions de personnes sont touchées par la crise du logement ; il y a 3,1 millions de mal-logés, dont 600 000 enfants. Lorsqu'il y a urgence, il faut y aller.
Cette action s'inscrit dans le droit fil de la loi SRU, due au gouvernement Jospin. Cette loi révolutionnaire a porté ses fruits, freinant notamment l'étalement urbain. Depuis lors, une bulle s'est constituée : le logement se fait toujours plus rare, toujours plus cher. Le futur projet de loi devra prendre en compte l'habitat alternatif, l'habitat partagé, les demandeurs d'asile, les publics sensibles. La mobilisation du foncier public est un investissement que fait l'État, pas un gaspillage ! Renforcer la loi SRU permettra d'en finir avec les ghettos de pauvres comme avec les ghettos de riches.
Plusieurs amendements écologiques ont été adoptés. On peut regretter que trop peu de villes soient concernées par les obligations en matière de PLAI.
Je regrette aussi le rejet de notre amendement sur la biodiversité. (M. Jean Desessard approuve)
Ce projet se veut solidaire avec les ménages les plus modestes. Il relance l'effort national, soutiendra le secteur du bâtiment. Les écologistes le voteront avec force. (Applaudissements à gauche)
Mme Élisabeth Lamure . - Fait inédit, le Gouvernement, confronté aux mauvais sondages de l'été, a précipité l'examen de ce texte en session extraordinaire, dans de telles conditions d'improvisation que la commission n'a même pas déposé de texte -bafouant le droit d'amendement en commission. La procédure n'est pas constitutionnelle : nous saisirons le Conseil constitutionnel. Ce texte aura des conséquences lourdes pour les collectivités locales : il méritait un travail de fond au Parlement.
La discussion s'achève alors qu'est franchie la barre des 3 millions de chômeurs.
M. Alain Néri. - La faute à qui ?
Mme Élisabeth Lamure. - Je croyais que le changement, c'était maintenant ! Sur l'emploi comme sur le logement, nous attendions une ambition forte, une mobilisation massive. Mais le texte ne répond pas aux attentes de nos concitoyens. Pire, vous cherchez à faire croire que les maires sont responsables du logement social, tout cela parce que 199 d'entre eux -sur 36 000 !- n'ont pas atteint l'objectif de 20 %. Nous n'acceptons pas le transfert de compétences déguisé. C'est à l'État de trouver les moyens nécessaires.
M. Alain Néri. - Que ne l'avez-vous fait ?
Mme Élisabeth Lamure. - L'aggravation des sanctions est aberrante et inefficace.
Ce projet de loi ne produira pas un logement de plus : on ne fera que répartir autrement l'offre entre logement social et autres types de logement. Ce texte n'est que de l'affichage. Quant au nouveau fonds, il alimentera les caisses de l'État à bon compte...
Mme Christiane Demontès. - Que vous avez vidées !
Mme Élisabeth Lamure. - Tous les logements ayant une fonction sociale doivent être pris en compte, donc l'accession sociale.
La cession gratuite de terrains ? Quel sera le manque à gagner pour les finances publiques, déjà mal en point ? Et que feront les communes qui ne disposent pas de terrains cessibles ? Les maires, pourtant bâtisseurs, feront-ils l'objet d'un constat de carence ?
L'Assemblée nationale a de plus aggravé certaines dispositions. L'article 4 oblige ainsi les communes, hors Ile-de-France, de 1 500 à 3 500 habitants, situées dans une agglomération de plus de 50 000 habitants, à détenir au moins 10 % de logement social -dans des « zones tendues » qui restent cependant à définir. Heureusement, la CMP a supprimé l'article 3 bis A relatif aux EPF.
La mixité sociale ne se décrète pas plus qu'elle ne se décline en objectifs irréalistes. Nous voterons contre ce texte. (Applaudissements à droite)
M. Gérard Le Cam . - Depuis dix ans, le logement est devenu un simple objet de spéculation, voire un capital garanti pour la retraite. Ce projet de loi symbolise le réengagement public en faveur du droit au logement. Mais la route est encore longue. Le Gouvernement annonce une nouvelle loi en 2013 : nous l'attendons impatiemment.
Le renforcement des obligations et des sanctions imposées aux communes est une bonne chose : trop de maires ont impunément violé leurs obligations, au point d'en faire parfois un argument de campagne électorale... Nous prônions un seuil de 30 %. Parallèlement à la définition d'obligations nouvelles, l'État doit soutenir davantage les communes bâtisseuses, ce qui suppose d'augmenter les enveloppes budgétaires et d'aider davantage les offices HLM. Or, les premières annonces en la matière ne nous rassurent pas. Le plafond du livret A n'a pas doublé comme annoncé ; il faudra y revenir...
Dans ce manque d'ambition, nous voyons la marque du traité européen ; la rigueur budgétaire qu'il impose est incompatible avec la garantie effective du droit au logement. Le logement est une compétence de la puissance publique. C'est pourquoi nous proposions la création d'une agence nationale foncière pour le logement ou, à défaut, un rapport sur le sujet : double refus. Le rôle des EPF est central, nous rouvrirons le débat.
Les possibilités de cessions de terrains publics restent limitées, comme le sont les garanties sur la destination de ceux-ci. L'accès au logement se heurte à deux obstacles. D'abord, la baisse du pouvoir d'achat de nos concitoyens -83 % d'entre eux jugent l'accès au logement difficile, selon l'Ipsos. Un des leviers de l'action est donc l'augmentation des salaires. Le coût du logement et des charges ne devrait pas, en outre, dépasser 20 % du revenu. Il faut aussi combattre la spéculation immobilière. La puissance publique doit reprendre la main : une agence nationale foncière permettrait de créer un domaine public sorti de la logique financière et réservé au logement social.
Quelques mesures nous paraissent particulièrement urgentes : interdiction des expulsions locatives, réquisition ou taxation des biens immobiliers vacants. Avoir un toit n'est pas un luxe mais un droit. Cela dit, les communistes sont des partenaires loyaux à gauche. Nous voterons ce texte qui va dans le bon sens. (Applaudissements à gauche)
M. Claude Dilain . - En septembre, au congrès de l'USH, le Premier ministre affirmait que le logement était une priorité du Gouvernement. « Le logement est devenu une denrée rare, chère, trop chère. La situation s'aggrave d'année en année, cela doit cesser. Faisons preuve d'audace et d'imagination, mobilisons-nous, rendons effectif le droit au logement pour tous », disait-il.
L'urgence justifiait la hâte du Gouvernement. Je félicite le rapporteur et le président Raoul pour leur travail remarquable, dans des conditions difficiles. L'urgence est bien là. Aujourd'hui même, je me suis occupé d'une mère enceinte avec ses trois enfants, sans problème de revenus mais qui ne trouve pas de logement : si quelqu'un a une solution, je suis preneur !
Le titre I ouvre la voie à une décote de 100 %. Les terrains cessibles ont été définis précisément. Attention aux éventuelles oppositions, nous aurons besoin de votre soutien, madame la ministre, pour que l'esprit de la loi soit respecté. Les baux emphytéotiques sont un enrichissement important, de même que la possibilité de réaliser des équipements publics. Nous pourrons ainsi mener des opérations équilibrées.
Sur les communes de 1 500 à 3 500 habitants, je peux comprendre les inquiétudes mais il ne s'agit que des communes situées dans un EPCI à fiscalité propre, comptant au moins 50 000 habitants et situées en zone tendue. Cette extension est légitime mais il n'est pas question pour autant de construire des logements sociaux là où ce n'est pas nécessaire !
L'article sur l'EPF unique a été supprimé, ce qui réjouit, semble-t-il, tout le monde, mais le problème reste entier. On ne peut se contenter d'avoir des EPF dans les zones où il fait bon vivre. Le président Raoul a eu raison de parler de péréquation, il s'agit bien d'arbitrages politiques. Si j'ai bien compris, le problème ne se pose qu'en Ile-de-France... Il faudra y revenir.
S'agissant du Grand Paris, je vous remercie, madame la ministre, d'avoir réitéré l'engagement du Gouvernement : le Grand Paris doit se faire, surtout la rocade Grand est !
Cette loi est équilibrée et juste. Nous attendons avec impatience et confiance les étapes suivantes. (Applaudissements à gauche)
M. Yves Rome . - Je me félicite que la CMP ait supprimé l'article 3 bis A, qui généralisait les EPF d'État et traitait tous les territoires de la même façon.
L'objectif est de construire 500 000 logements par an, dont 150 000 sociaux. Ne fragilisons pas les outils performants que sont les EPFL. Depuis la loi de 1991 et la loi SRU, ils ont capitalisé un savoir-faire et leur position intermédiaire entre propriétaires et collectivités favorise dialogue et réactivité. Deux nouveaux EPFL sont créés chaque année, leur périmètre ne cesse de croître. Pour un euro prélevé, l'EPFL en investit trois sur le même territoire. Ce qu'il faut faire, c'est créer un EPFL là où il n'y en a pas pour couvrir intégralement le territoire : ce sera l'objet d'une proposition de loi que je déposerai. L'aide de l'État sera indispensable. Responsabiliser les collectivités et leur donner les moyens d'atteindre les objectifs fixés par le président de la République : tel est le sens de cette proposition (Applaudissements à gauche)
La discussion générale est close.
Interventions sur l'ensemble
M. Pierre-Yves Collombat . - J'ai voté le texte en première lecture, bien qu'il ne prévoie rien en matière de financement. Il est vrai que par les temps qui courent, il est grossier de parler d'argent, sauf pour renflouer les banques...
Les conclusions de la CMP ne reprennent pas l'amendement que j'avais déposé. Pourquoi ? Le fait du prince ? Elles comprennent une mesure irrecevable pour les communes de 1 500 à 3 500 habitants, non qu'elles ne connaissent pas de problème de logement social - elles aimeraient bien être aidées pour bâtir- mais parce que les opérateurs traînent les pieds pour venir y réaliser ces petites opérations, et parce que c'est là que les quelques ménages peu argentés qui veulent construire peuvent le faire, car le terrain y est peu cher. Or l'accession sociale n'est pas prise en compte...
Je ne suis pas d'accord avec l'appréciation du rapporteur sur la prétendue mauvaise volonté des maires. Dans les petites communes, l'application du texte sera encore plus complexe qu'ailleurs. Elles ne demandent qu'à rattraper le retard, mais comment peuvent-elles y parvenir avec leurs pauvres moyens, tout en protégeant leur patrimoine agricole et la biodiversité ? Nous avons devant nous force palabres et beaucoup de temps perdu. En tout cas je ne vois guère d'évolution dans la manière de traiter les élus...
Je ne suis pas seul à douter de l'intérêt de cet amendement nocturne. Mais parce que j'ai -encore- confiance dans la parole du Premier ministre, je voterai ce texte. Manquant de souplesse vertébrale, je ne pourrai pas renouveler souvent l'exploit.
M. Pierre Jarlier . - J'ai moi aussi voté ce texte en première lecture. Mais l'Assemblée nationale a modifié l'architecture de la loi SRU en étendant les obligations de construction aux communes de 1 500 à 3 500 habitants situées dans une agglomération de 50 000 habitants.
Sur la forme, j'avais déjà été surpris de ne voir arriver le rapport qu'en séance : c'était inédit ! Sur le fond, ces petites communes ne sont pas prêtes ! Souvent, elles sont en zone rurale, elles n'ont pas toujours de documents d'urbanisme. Elles ne seront pas en mesure d'organiser les transports, les services, bref la cohésion sociale et territoriale, parce qu'il n'y a pas eu de réflexion préalable sur un PLH, un PLU ou un Scot. Je m'abstiendrai donc.
M. François-Noël Buffet . - Ce texte est arrivé devant le Sénat en extrême urgence, au point que la commission n'a pas établi de texte. Madame la ministre, vous avez vous-même reconnu l'imperfection de votre projet initial, et vous annoncez un nouveau texte pour 2013 : preuve qu'il fallait se donner du temps.
Vous avez rejeté nos amendements sur l'accession sociale à la propriété, qui fait pourtant partie du parcours résidentiel et touche les mêmes publics que les PLS. Même refus sur nos proposions de renforcer les PLAI en faisant en sorte qu'ils comptent double.
Nous regrettons de n'avoir pas eu le loisir d'un ample débat sur le logement et l'urbanisme. Nous l'aurons en 2013, espérons-le, dans de meilleures conditions. Nous voterons contre ce texte. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Jacques Mirassou . - Nous ne faisons pas le même diagnostic. Oui, il y a bien urgence. La question du logement a été largement abordée lors de la campagne présidentielle, sanctionnée par un vote. Les objectifs de ce texte sont précis et ambitieux : il nous fera prendre un nouveau départ.
Voir se répéter toujours les mêmes souffrances est intolérable. C'est avec enthousiasme que nous voterons ce texte. (Applaudissements à gauche)
A la demande du groupe UMP, les conclusions de la CMP sont mises aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 173 |
Pour l'adoption | 176 |
Contre | 168 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements à gauche)
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. - Je remercie le rapporteur et le service de la commission pour le travail accompli dans un délai très court.
Mme Cécile Duflot, ministre. - Je remercie l'administration du Sénat et du ministère, ainsi que chacun d'entre vous : la navette a enrichi le texte, je le reconnais volontiers. Merci aussi aux sénateurs de l'opposition dont les apports ont été retenus. J'espère que nous pourrons dans dix ans faire le même bilan que celui que nous faisons aujourd'hui de la loi SRU. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Pierre Caffet. - Inch'Allah !
Emplois d'avenir (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant création des emplois d'avenir.
Discussion générale
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire . - Je salue la qualité du travail accompli par les deux assemblées dans un délai très court. L'Assemblée nationale a considérablement enrichi le texte : prise en compte la situation des handicapés, renforcement des garanties tenant au contrat et au temps de travail, amélioration des dispositions relatives à la formation. Le Sénat de son côté a introduit une priorité d'embauche au profit de jeunes recrutés en CDD, prévu que le suivi personnalisé se déroulerait obligatoirement pendant le temps de travail, permis que les jeunes employés par les collectivités locales aient accès à une formation délivrée par le CNFPT.
Les divergences entre les deux chambres étaient peu nombreuses. La principale question était celle du public éligible aux emplois d'avenir. Nous convenions tous qu'il fallait cibler les jeunes les moins favorisés, décrocheurs scolaires, titulaires d'un CAP ou d'un BEP qui ne trouvent pas d'emploi et, dans les ZUS, les ZRR et outre-mer, les bacheliers qui y trouvent difficilement du travail. Le Sénat, en revanche, refusait d'étendre le dispositif aux diplômés du supérieur afin d'éviter l'effet d'éviction constaté avec les emplois jeunes. Toutefois, nous avions maintenu une dérogation pour l'outre-mer.
La CMP est parvenu à un compromis satisfaisant. Nous avons estimé que les emplois d'avenir pouvaient être une solution pour les étudiants qui « décrochent » avant d'avoir obtenu un diplôme : il s'agit de 70 000 étudiants chaque année, confrontés alors à de graves difficultés d'insertion professionnelle. Leur recrutement supposera l'aval de l'administration de sorte qu'il demeure l'exception.
La CMP a également prévu que les opérateurs privés de placement ne pourront prescrire un emploi d'avenir. Les fonctions de prescription et de suivi relèveront exclusivement d'organismes publics.
Ce projet de loi constitue la première étape d'une stratégie plus globale destinée à relancer la création d'emplois. Nous examinerons bientôt le projet de loi relatif au contrat de génération, qui devrait inciter les entreprises à recruter des jeunes et à conserver des seniors. Le ministère de la ville expérimentera des contrats francs, exonérés de charges sociales, destinés à des jeunes diplômés. C'est une réponse supplémentaire.
La lutte contre le chômage passe aussi par des réformes plus structurelles. Un accord sur la sécurisation de parcours professionnel est en cours de négociation. Le rapport de Louis Gallois fera des propositions sur la compétitivité de nos entreprises.
Je vous invite à approuver les conclusions de la CMP afin de permettre la mise en oeuvre d'un dispositif attendu. L'urgence et la gravité de la situation l'exigent. (Applaudissements à gauche)
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social . - Merci pour cet excellent rapport. Nous arrivons ce soir au parachèvement de ce projet de loi. Merci aux deux rapporteurs du Sénat pour leur implication, à tous ceux qui ont fait vivre le débat et enrichi le texte. J'espère que l'accord sur ce texte sera aussi large au Sénat qu'à l'Assemblée nationale.
Malgré nos divergences d'appréciation sur l'outil, nous partageons tous l'objectif de donner une chance à des jeunes, qui souvent n'espèrent plus rien. Redonner espoir aux jeunes, c'est la plus belle mission d'un gouvernement. Le Parlement a précisé les obligations de suivi, de tutorat, de formation, ouvert le champ du dispositif aux jeunes handicapés.
Un point a fait débat : l'ouverture des dispositifs aux jeunes titulaires du bac ou d'un diplôme supérieur au bac. La cible prioritaire des emplois d'avenir reste les jeunes sans diplôme, dont les difficultés sont les plus grandes.
J'ai toutefois entendu vos arguments concernant certains territoires -ZUS, ZRR, outre-mer- où les jeunes diplômés pourront être concernés. Nous serons très vigilants : la modalité de droit commun d'accès à l'emploi doit être le recrutement en CDI par une entreprise ou un employeur non-marchand.
Il faut maintenant faire vivre ce dispositif -aller chercher les jeunes, convaincre les employeurs. Je compte sur vous tous pour que ce dispositif soit une vraie réussite. Je souhaite qu'il entre en vigueur le plus vitre possible -dès novembre.
Tous, nous avons reçu dans nos permanences des jeunes, des familles angoissées. Tous, nous nous sommes sentis impuissants face à leur détresse. Les emplois d'avenir sont une première marche pour leur redonner espoir. D'autres étapes suivront, à commencer par le contrat de génération, avant la fin de l'année. Les négociations en cours sur la sécurisation de l'emploi donneront lieu à une nouvelle loi. Un comité interministériel sur la jeunesse développera une approche globale pour que les jeunes vivent demain mieux qu'aujourd'hui et deviennent des adultes libres et autonomes. Merci de nous soutenir dans notre lutte contre le chômage des jeunes ! (Applaudissements à gauche)
M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage . - Je veux me féliciter de ce bel exemple de coproduction législative entre les deux chambres. Le texte issu de la CMP fait consensus. Cet après-midi, l'Assemblée nationale l'a voté à une très large majorité : l'unanimité de la gauche, des centristes et beaucoup de votes pour et d'abstentions au sein de l'UMP. L'intérêt général l'a emporté sur les clivages partisans.
Je remercie la présidente David pour le travail de la commission des affaires sociales, ainsi que la commission de la culture et tous ceux qui ont participé à ces travaux. Dans la bataille que nous menons pour l'emploi des jeunes peu qualifiés, le Sénat a renforcé le volet formation. La Haute assemblée a ainsi adopté un amendement du Gouvernement qui prévoit que les jeunes recrutés auront accès -une première !- aux formations du CNFPT. Une contribution spécifique sur la rémunération sera créée, dont le taux sera fixé en fonction des besoins. Un contrat d'objectifs et de moyens sera signé à ce sujet avec le CNFPT.
La formation se fera sur le temps de travail et visera l'acquisition de compétences de base et transférables.
Enfin, l'État paiera les sommes qu'il doit à l'Afpa au titre du contrat de transition professionnelle et du contrat de sécurisation professionnelle : 20 millions d'euros ! (Applaudissements sur les bancs socialistes) Cet outil occupe une place majeure.
En votant ce texte, vous apporterez à 150 000 jeunes une première expérience professionnelle et une formation. Ces deux conditions sont le sésame de l'émancipation de ces jeunes dans une République qui leur tend enfin les bras. C'est votre vote qui le permettra ! (Applaudissements à gauche)
M. Robert Tropeano . - La situation de l'emploi des jeunes en France est alarmante. Lorsqu'il y a 3 millions de chômeurs, il est impossible de rester plus longtemps indifférent à ce mal qui ronge la société. 150 000 emplois à l'horizon 2014, ce n'est pas rien. Pourtant, l'opposition n'a eu de cesse de dénoncer un texte imparfait. Les emplois d'avenir ne règleront pas tout mais ils marquent la première étape de la politique volontariste du Gouvernement en matière d'emploi. Le temps de l'immobilisme est révolu.
Les jeunes sortis de l'école trop tôt sont en plein désarroi, entre stages, intérim et chômage. Le Gouvernement nous propose des réponses concrètes. C'est un signe fort.
Le texte issu de la CMP est cohérent et pragmatique. Merci à M. Jeannerot pour son travail de grande qualité. Le Parlement a considérablement enrichi le dispositif. Le CDI à temps plein sera la règle alors que le CDD l'emporte de plus en plus par rapport au CDI. D'ailleurs, les employeurs rechignent à recruter des jeunes inexpérimentés.
Nous avons traité les effets d'aubaine, renforcé l'accompagnement des jeunes, qui doivent reprendre confiance. Je me félicite que nous ayons sécurisé les versements de l'État à l'Afpa. Je regrette toutefois que l'on ait oublié les saisonniers. Dans les territoires ruraux, le travail saisonnier est la voie privilégiée d'accès à l'emploi.
Le chômage des jeunes, surtout des moins qualifiés, ne doit plus être une fatalité. La grande majorité des membres du RDSE soutiendront cette mesure.
M. Jean Desessard . - Lors de l'examen de ce projet de loi, j'ai félicité le Gouvernement d'avoir proposé ce dispositif ciblé des emplois d'avenir. Le Sénat et l'Assemblée ont enrichi le texte d'éléments structurants pour une insertion sociale et professionnelle réussie, pour redonner confiance à ces jeunes exclus, voire stigmatisés : accroissement de responsabilités au cours du contrat, valorisation des acquis de l'expérience...
Je veux dénoncer une quadruple peine. On sait l'effet boule de neige de l'exclusion sociale et scolaire : décrochage, pas de diplôme, difficulté à trouver du travail, dévalorisation, ennui, dégoût du système scolaire, souffrance sociale. Le groupe écologiste soutient donc pleinement ce texte.
Je veux toutefois revenir sur l'élargissement du dispositif aux bacheliers et diplômés.
Certes, il se fait sous condition, dans des zones prioritaires, sur décision de l'autorité administrative. Mais cette ouverture crée de la confusion. Le dispositif était réservé au secteur non-marchand -le plus susceptible d'accueillir et d'accompagner les jeunes initialement visés. C'est cette cohérence que nous avons soutenue. Comment justifier la modification proposée ? Nous encourageons la mise en concurrence entre jeunes bacheliers et non-bacheliers, qui participe au déclassement général de la jeunesse. Les employeurs préfèreront toujours des jeunes qualifiés pour occuper des postes destinés à des non-qualifiés. Nous ne pouvons accepter cette dévalorisation des diplômes, ce moins-disant social. C'est affaiblir le dispositif que le détourner de son objectif. Quand 500 000 jeunes sont sans emplois, nous créons 150 000 emplois d'avenir...
Les emplois d'avenir, c'est lutter pour le bien-être social, éviter le délitement social. Nous voterons ce texte : c'est une urgence mais aussi une étape vers le retour à l'emploi. Car l'objectif d'un gouvernement de gauche, c'est un emploi et un revenu pour tous ! (Applaudissements à gauche)
Mme Marie-Thérèse Bruguière . - Notre groupe a déjà fait part de sa position. Agir pour l'emploi des jeunes, telle est notre préoccupation commune. Mais nous ne pouvons accepter ce dispositif.
Les emplois d'avenir seront créés principalement dans le secteur non-marchand, administrations et associations.
Vous créez de l'emploi public alors que les collectivités locales n'ont pas les moyens de suivre ! De tels emplois ne sont pas des tremplins. Seul le secteur marchand est susceptible de créer des emplois pérennes. Pourquoi avoir fermé cette porte ?
Les contrats de génération concerneront, eux, les entreprises. Pourquoi ne pas leur ouvrir les emplois d'avenir ?
M. Alain Néri. - C'est donc une bonne solution !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Un jeune qui n'est pas issu d'une ZUS ou d'une ZRR peut rencontrer les mêmes difficultés et il n'aura pas accès à un emploi d'avenir.
Il aurait fallu concentrer le dispositif sur les publics qui en ont le plus besoin, sans dérogation territoriale. Un bachelier sur un territoire ciblé aura priorité sur un autre jeune non-bachelier !
M. Michel Vergoz. - Où avez-vous vu cela ?
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Je regrette que la politique de l'emploi de M. Hollande se réserve à reprendre la vieille recette des emplois jeunes !
M. Alain Néri. - 70 % de pérennisation !
Mme Christiane Demontès. - Qu'avez-vous fait ?
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - En août, Der Spiegel ralliait la gauche française et ses vieilles lunes. Ces emplois d'avenir coûteront 1,5 milliard par an, sans générer un euro de croissance. Il aurait mieux valu consacrer cette somme à lutter contre le décrochage scolaire.
Seul un environnement favorable aux entreprises encouragera l'emploi durable. Mais vous faites tout le contraire, depuis la suppression de la TVA compétitivité, la défiscalisation des heures supplémentaires jusqu'au budget pour 2013...
L'emploi des jeunes mérite mieux que des lois d'affichage ! (Applaudissements sur les bancs de l'UMP)
Mme Isabelle Pasquet . - Le constat est partagé. La crise frappe durement les jeunes, stigmatisés hier, devenus priorité du nouveau Gouvernement. Les jeunes ne sont pas le problème de notre pays mais une partie de la solution. Il faut tout mobiliser pour les faire accéder non à un emploi mais à l'emploi. Au-delà des réformes d'ampleur, comme une sécurité sociale professionnelle, il fallait prendre des mesures d'urgence.
Nous saluons l'engagement du Gouvernement, qui mobilise plus de 2 milliards d'euros. Cela change de l'ancienne majorité, qui avait organisé la radiation massive des personnes privées d'emploi. La priorité d'embauche des jeunes concernés est indispensable si l'on ne veut pas désillusionner les jeunes à qui l'on n'aurait offert qu'un contrat précaire de plus.
Je regrette que le volet formation n'ait pas été davantage renforcé. Nous aurions préféré que la formation se déroule systématiquement pendant le temps de travail et vise l'acquisition de compétences de niveau supérieur. Idem sur le ciblage : on ouvre le dispositif aux jeunes ayant engagé des études supérieures. Les employeurs, et notamment les collectivités locales, risquent de choisir ces jeunes diplômés en priorité. Nous avions défendu une modulation des aides publiques en fonction de la précarité du contrat proposé et l'interdiction de la succession de contrats précaires sur des postes qui devraient être pourvus en CDI.
Notre appréciation est donc partagée. Nous sommes exigeants en matière de droits accordés aux salariés et aux jeunes, oui, mais le projet de loi est ambitieux : le groupe CRC s'abstiendra.
M. Jean Boyer . - La CMP a très peu fait évoluer le texte, sauf pour ouvrir le dispositif aux jeunes ayant engagé des études supérieures dans les territoires prioritaires. Une rédaction plus floue que celle du Sénat... Jusqu'à quel niveau de diplôme aura-t-on droit à un emploi d'avenir ? Les emplois d'avenir sont un dispositif spécifique destiné à un public spécifique. Ne réitérons pas l'erreur des emplois jeunes. Les emplois d'avenir doivent être concentrés sur les jeunes les plus éloignés de l'emploi, peu ou pas qualifiés.
La priorité d'embauche ? C'est un nid à contentieux. Que se passera-t-il en cas de concurrence entre une personne offrant toutes les qualités requises et l'ancien emploi d'avenir, surtout si ce dernier n'a pas donner entière satisfaction ?
Il s'agit moins ici d'une politique de l'emploi que d'une politique sociale de l'emploi. Certes, il y aura les contrats de génération -attendons de connaître leurs modalités. Mais que fera-t-on pour les autres chômeurs ? Les emplois d'avenir n'ont rien de nouveau. C'est une nouvelle mouture des emplois aidés. Certes, il n'existe pas de recette miracle.
M. Alain Néri. - Même pas au Puy !
M. Jean Boyer. - Ni à Clermont !
Le dispositif est concentré sur le secteur non-marchand. Quel paradoxe : vous créez encore plus d'emploi public et parapublic. Le secteur non-marchand est le moins susceptible de générer des emplois pérennes. On risque surtout de favoriser les effets d'aubaine...
La répartition des emplois d'avenir ? L'introduction de territoires prioritaires n'est pas cohérente avec l'universalité affichée de la réforme. Nous ignorons d'ailleurs les quotas réservés à ces zones.
Les emplois d'avenir pourront représenter, dans certains cas, une chance pour se réinsérer.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. - Saisissez-là !
M. Jean Boyer. - Monsieur le ministre, je vous sais sensible à la question de la formation. Le groupe UCR a très objectivement débattu : une majorité s'abstiendra, les autres voteront pour.
M. Ronan Kerdraon . - Nous concrétisons aujourd'hui une priorité de François Hollande, une volonté forte de la majorité gouvernementale. Je me félicite du compromis trouvé par la CMP, en particulier sur les décrocheurs du système universitaire. Les garde-fous existent.
Je salue le sens de l'intérêt général de notre rapporteur lors de cette CMP, qui a permis de trouver un consensus. Cette mesure s'adresse à une jeunesse trop longtemps sacrifiée : dès lors qu'il y a divorce entre les orientations d'un régime et les aspirations de la jeunesse, la catastrophe est proche, disait Mendès-France.
Le dispositif sera complété dès 2013 par les emplois francs et les contrats de génération.
Le service public de l'emploi sera seul garant du bon déroulement du dispositif. Les emplois d'avenir seront proposés dans le secteur public. Rémunérés à 75 % du Smic, ils offriront aux jeunes un véritable revenu d'insertion. Musset évoquait dans Les confessions d'un enfant du siècle la « jeunesse soucieuse » « dans un monde en ruines » : donnons-lui une chance.
Les emplois d'avenir ont leur place au sein du débat sur la réussite scolaire, ce dont je me réjouis. Ils seront proposés aux boursiers se destinant aux métiers de l'enseignement. Ce sera une aide précieuse pour les enseignants, victimes de la RGPP.
Notre groupe votera ce texte avec enthousiasme, car il apporte une réponse adaptée à une jeunesse en désespérance.
M. Jean-Pierre Godefroy . - Ce projet de loi n'est que le premier volet du renouveau des politiques de l'emploi engagées par le Gouvernement. Mais il est essentiel car il s'adresse aux jeunes les plus malmenés par notre société.
Un jeune sur cinq quitte le système éducatif sans diplôme. Dans les zones sensibles, 45 % des jeunes sont au chômage. Il faut leur redonner espoir. Ce texte s'adresse spécifiquement à eux. Les compétences acquises devront être transposables chez d'autres employeurs.
La CMP a décidé d'ouvrir le dispositif aux bacheliers, sous réserve de l'accord de l'administration. C'est une bonne chose dans certains cas. Mais le Gouvernement devra veiller à ce que la mesure ne doit pas détournée. Vos propos, monsieur le ministre, nous rassurent pleinement. Je regrette cependant que les emplois d'avenir ne soient pas comptabilisés dans les effectifs de l'entreprise ; on va encore marginaliser ces jeunes.
Nous attendons beaucoup des prochains textes. Le groupe socialiste vous apporte son soutien plein et entier (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jacques-Bernard Magner . - Les « emplois d'avenir professeurs », prévus à l'article 2, s'adresseront à des étudiants boursiers inscrits en licence 2 ou 3 ou en mastère 1. C'est une réponse aux réformes désastreuses du précédent gouvernement. L'attrait pour le métier d'enseignant et la qualité de la formation ont souffert de la baisse des effectifs et de la mastérisation. Grâce à l'emploi d'avenir, ces jeunes pourront passer les concours d'enseignement ; ils devront d'ailleurs s'y engager.
Le Gouvernement prévoit la signature de 6 000 emplois d'avenir professeurs par an pendant trois ans. C'est une très bonne nouvelle pour les métiers de l'éducation, qui seront ainsi démocratisés. Comment mieux se former que devant les élèves ?
Vous aurez notre soutien, monsieur le ministre.
La discussion générale est close.
Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire
M. le président. - En application de l'article 49-2 du Règlement, le Sénat examinant les conclusions de la CMP après l'Assemblée nationale, il se prononce par un seul vote en ne retenant que les amendements approuvés par le Gouvernement.
M. Michel Sapin, ministre. - Les jeunes sans qualification pourront bénéficier des emplois d'avenir sur tout le territoire français. Mais la concentration des difficultés dans certaines zones impose de fixer des priorités. Celles-ci ne sont pas des exclusivités.
Ce qui oppose le Sénat et l'Assemblée nationale, tous groupes confondus, c'est que votre Haute assemblée souhaitait, comme le Gouvernement, viser exclusivement les jeunes non qualifiés. Au terme de la navette, la possibilité sera ouverte aux bacheliers, mais seulement dans les ZUS, les ZRR et outre-mer. Et faites-moi confiance pour serrer le robinet.
Je le répète, les contrats aidés seront maintenus au même niveau, les emplois d'avenir viendront en plus. Alors que la durée des contrats aidés a une fâcheuse tendance au raccourcissement, j'ai même demandé que la durée des contrats d'avenir soit en tout état de cause supérieure à neuf mois.
M. le président. - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 6, première phrase
Remplacer (deux fois) les mots :
des conditions
par les mots :
les conditions
Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 1° Soit, pour le compte de l'État, l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1, les organismes mentionnés à l'article L. 5314-1 ou, selon des modalités fixées par décret, un des organismes mentionnés au 1° bis de l'article L. 5311-4 ;
Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.
Après l'alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 3° Soit, pour le compte de l'État, les recteurs d'académie pour les contrats mentionnés au I de l'article L. 5134-123.
M. Michel Sapin, ministre. - Amendements de pure coordination formelle et de parachèvement.
M. Claude Jeannerot, rapporteur. - Avis évidemment favorable.
M. le président. - Le vote sur ces amendements est réservé.
Intervention sur l'ensemble
Mme Christiane Demontès . - Ce texte a été examiné en urgence parce qu'il y a urgence. Le travail conjoint du Gouvernement et du Parlement l'a enrichi. Il s'adresse à des jeunes sortis du système scolaire sans qualification ou qui seront allés jusqu'au bac mais auront échoué à l'université. Le taux de chômage des jeunes atteint 20 %, et même 50 % dans certaines villes. Triste résultat de la politique économiquement et socialement irresponsable menée depuis cinq ans par la droite : suppression de la formation professionnelle au lycée, l'école et la formation considérés comme un coût, alors que c'est un investissement !
Ce texte aidera aussi des jeunes qui veulent devenir enseignants et qui, en raison de leurs origines sociales et géographiques, ont besoin d'être soutenus.
En trois ans, les jeunes acquerront une vraie expérience. Le service public de l'emploi se mobilisera pour assurer leur formation. En redonnant confiance à la jeunesse, on aidera chacun à construire son avenir. Tel est le sens de ce texte, que le groupe socialiste votera avec enthousiasme.
Les conclusions de la CMP, modifiées par les amendements du Gouvernement, sont adoptées.
M. Claude Jeannerot, rapporteur. - Merci à tous pour ce débat digne, à la hauteur des enjeux ; merci aux ministres pour leur capacité d'écoute, à la présidence et aux services du Sénat.
M. Michel Sapin, ministre. - Nous avons, nous aussi, beaucoup apprécié votre travail. Il n'est jamais facile d'examiner dans l'urgence un texte important. Mais le fait est qu'il y a urgence. Dès le début de novembre ce texte sera mis en application. Le service public de l'emploi est déjà mobilisé et les élus de tout bord, je n'en doute pas, auront recours à ce dispositif.
Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 10 octobre 2012, à 14 h 30.
La séance est levée à minuit cinquante cinq.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du mercredi 10 octobre 2012
Séance publique
A 14 heures 30 et le soir
1. Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, sur les nouvelles perspectives européennes
2. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire.
Rapport de M. François Marc, fait au nom de la commission des finances.