Bisphénol A
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à la suspension de la fabrication, de l'importation, de l'exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A.
Discussion générale
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé . - Je suis heureuse de vous présenter cette proposition de loi déjà ancienne qui traduit une heureuse prise de conscience : en matière de santé publique, la protection des consommateurs doit seule guider notre action ; nous devons être intransigeants dans l'application du principe de précaution qui n'est pas, contrairement à ce qu'on dit trop souvent, une sanction. La protection de la santé de nos concitoyens doit prévaloir sur les intérêts industriels.
Nous ignorons la composition de nombreux objets qui nous entourent : il est légitime que nous nous interrogions sur leurs effets. La nocivité de certains est avérée, raison pour laquelle l'initiative européenne Reach doit être soutenue et poursuivie. Je rends hommage au député Gérard Bapt, dont la croisade contre le bisphénol A a débuté en 2009 dans sa commune ; en 2010, une proposition de loi interdisant ce produit dans les biberons a été adoptée par les deux assemblées à l'unanimité, à l'initiative de l'opposition d'alors.
Nous franchissons aujourd'hui une nouvelle étape. Le bisphénol A est un perturbateur endocrinien. Les premiers doutes à son sujet remontent aux années 1930 mais c'est dans les années 2000 que sa nocivité a été démontrée. Sa toxicité sur l'animal est établie et ses effets nocifs sur l'homme, en particulier à certaines périodes de la vie, sont très probables : il serait associé à des maladies métaboliques ou cardiovasculaires, ainsi qu'à l'obésité. La responsabilité des décideurs publics est d'autant plus importante que le bisphénol A entre dans la composition d'objets quotidiens comme les contenants alimentaires et il peut spontanément migrer vers les aliments. Le rôle des pouvoirs publics est d'encadrer, de réglementer, de contrôler et, le cas échéant, de sanctionner. D'où la proposition de loi déposée en 2010 par M. Bapt, qui vise à interdire la commercialisation, l'importation et l'exportation de tous les conditionnements à vocation alimentaire contenant du bisphénol A. L'attentisme serait dangereux. Le 12 octobre 2011, cette proposition de loi a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale ; la détermination de votre rapporteur vous permet de l'examiner aujourd'hui. Le Premier ministre y a apporté son soutien lors de la récente conférence environnementale.
Dès le 1er janvier 2013, tous les contenants alimentaires produits avec du bisphénol A et destinés aux enfants de moins de 3 ans seront interdits, prohibition qui sera généralisée à tous les contenants alimentaires produits avec du bisphénol A à compter du 1er janvier 2015.
Nous débattrons tout à l'heure de cette dernière échéance. Mais en adoptant ce texte, la France sera pionnière en Europe. Dès lors qu'il n'y a plus de doute sur la nocivité du produit, dès lors que les industriels ont été informés d'une future interdiction et auront le temps de s'adapter, la date de 2015 paraît donc raisonnable.
C'est un processus plus large qu'il nous faut engager. La conférence environnementale, exercice de démocratie environnementale, a fixé une méthode. Les risques émergents suscitent des inquiétudes légitimes : la recherche à leur sujet est indispensable -je pense notamment aux phtalates.
Notre action reposera sur trois piliers : coordination des recherches -un groupe de travail sera rapidement mis en place, qui remettra ses conclusions en juin 2013 ; priorisation des actions -effets des autres perturbateurs endocriniens au travers d'études plurielles, contradictoires et indépendantes ; vigilance quant aux produits de substitution appelés à remplacer le bisphénol A, qui devront avoir fait la preuve de leur innocuité.
Le premier devoir des responsables publics est de protéger leurs concitoyens. C'est dans cette perspective que s'inscrit ce texte, que je vous appelle à adopter à l'unanimité. (Applaudissements à gauche et sur les bancs écologistes)