Logement (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire chargé d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.
Discussion générale
M. Daniel Raoul en remplacement de M. Claude Bérit-Débat, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. - Veuillez excuser M. Claude Bérit-Débat, que je supplée. Le 13 septembre dernier, notre Haute assemblée adoptait ce projet de loi après l'avoir modifié et complété. Le 27 septembre, l'Assemblée nationale l'adoptait à son tour. La CMP, réunie le 4 octobre, a abouti à un accord. Ce texte essentiel, attendu par les acteurs de terrain, traduit l'engagement du président de la République et du Gouvernement en faveur d'une politique ambitieuse pour le logement.
La mise à disposition gratuite de terrains afin de construire des logements sociaux, le relèvement du taux obligatoire de logements sociaux de 20 à 25 % dans les communes soumises à l'article 55 de la loi SRU et situées dans des zones tendues constituent une première réponse à la crise du logement.
Les prix des logements ont été multipliés par 2,2 depuis 2001 ; le taux d'effort atteint 21 % du revenu disponible, 30 % pour un ménage sur cinq. On compte 1,7 million de demandeurs de logement social. L'engagement du Gouvernement est de construire 2,5 millions de logements en cinq ans. Le deuxième programme de mobilisation du foncier favorisera la construction de 110 000 logements d'ici 2016, le renforcement des obligations des communes, celle de 40 000 logements entre 2014 et 2016.
D'autres mesures seront toutefois nécessaires. Nous nous félicitons de l'annonce d'une grande loi sur le logement début 2013, qui abordera notamment le Dalo, les rapports entre bailleurs et locataires et la question du foncier.
Le Sénat avait modifié le dispositif de cession gratuite afin d'inverser la logique de fixation de la décote. L'Assemblée nationale est revenue sur cette modification après avoir obtenu des garanties du Gouvernement. La CMP a donc retenu le texte de l'Assemblée nationale. Il faudra toutefois être vigilant sur la mise en oeuvre du dispositif. Physicien, je sais que la principale force de l'univers est l'inertie !
A l'issue de la CMP, le projet de loi comprend de nombreuses dispositions introduites par le Sénat. C'est le cas de l'article premier A, initiative du groupe CRC, de l'article 4 bis, sur la Soginorpa, dû à Mmes Létard, Lienemann et Blandin, de l'article 4 ter, dû à M. Labbé et à Mme Lienemann, en faveur des communes carencées. La possibilité de déduire le coût des fouilles archéologiques étaient une initiative du groupe UCR. Un amendement de M. Dallier a également été retenu, ainsi qu'un amendement de Mme Schurch et M. Mézard. Ce dernier s'est aussi attaqué au prélèvement sur les organismes HLM. Bref, nombre d'apports du Sénat, de tous les groupes politiques, ont été conservés.
L'Assemblée nationale a modifié et complété le texte. Je salue sa rapporteure de la commission des affaires économiques. L'article 4 A, introduit par le Sénat à l'initiative de M. Cambon, prévoyait un avis conforme du maire en cas de vente de logements sociaux sur sa commune. L'Assemblée nationale a prévu qu'en cas de désaccord entre le maire et le préfet sur l'aliénation, il reviendrait au ministre du logement de trancher. Autre ajout utile de l'Assemblée nationale, l'article 2 bis favorise la mobilisation du foncier public par le biais de baux emphytéotiques administratifs gratuits. Je regrette d'ailleurs de n'y avoir pas pensé car cela me paraît un bon moyen de débloquer certains organismes que je ne nomme pas.
La CMP a enfin modifié, voire supprimé, certains apports des députés, dont l'article 3 bis A qui prévoyait un seul établissement public foncier par région. Cette question trouvera sa place dans le cadre du projet de loi à venir. Madame la ministre, vous n'échapperez pas à ce débat ! Cet article aurait impacté certains territoires sans prendre en compte les réalités locales et risquait de remettre en cause l'action des établissements publics fonciers qui fonctionnent. Sans doute faudra-t-il envisager une péréquation au sein des régions...
Enfin, la CMP a modifié la disposition, introduite par l'Assemblée nationale, obligeant les communes de 1 500 à 3 500 habitants de compter 10 % de logements sociaux, qui paraissait acceptable à beaucoup d'entre nous. Elle s'est limitée aux communes situées en zone tendue, c'est-à-dire celles qui appartiennent à la zone A du dispositif Scellier, la plupart de celles qui appartiennent à la zone B1 et la plupart de celles qui sont visées par le décret encadrant les loyers à la relocation.
Madame la ministre, j'espère que vous pourrez confirmer le champ géographique du décret prévu à l'article 4. En zone tendue, nombre de communes sont déjà engagées dans des programmes locaux. L'obligation permettra d'éviter les stratégies d'évitement de certaines, au sein des intercommunalités.
Le texte issu de la CMP prévoit que le prélèvement prévu à l'article 55 ne sera effectué qu'à partir du 1er janvier 2017. La mise en oeuvre de cette nouvelle mesure ne sera donc pas brutale et les communes auront le temps de s'adapter. Le projet de loi concernait initialement 700 communes ; le Sénat a réduit ce chiffre. Il s'agissait d'éviter que les petites communes ne soient trop durement frappées.
J'invite notre Haute assemblée à approuver ce texte, très attendu par les acteurs du logement, qui comporte des réponses à la crise du logement. En l'adoptant, nous serons fidèles à l'article premier de la loi Besson de 1990, qui proclame que « garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l'ensemble de la Nation ». (Applaudissements à gauche)
Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement . - Ce projet de loi est l'un des premiers éléments de réponse à cet impératif social qu'est l'accès de chacun au logement dans des conditions adaptées à ses moyens. Merci à votre assemblée, qui a examiné ce projet de loi dans des conditions dont je conviens qu'elles auront été difficiles. Vos travaux ont néanmoins été de grande qualité.
Cette loi répond à l'objectif ambitieux de construction de logements affiché par le président de la République et le Premier ministre. Vous en connaissez les principales mesures. Un certain nombre d'amendements, du Sénat et de l'Assemblée nationale, ont enrichi le projet du Gouvernement. La CMP a abouti à un texte qui en renforce la portée.
S'agissant de la mobilisation du foncier public, l'application d'une décote, jusqu'à 100 %, facilitera des opérations de logement social. La décote sera obligatoire pour certains bénéficiaires et pour des terrains figurant sur une liste dressée par le préfet, que consultera le comité régional de l'habitat, les maires et présidents d'EPCI. La gouvernance du dispositif sera assurée par une instance interministérielle, composée de parlementaires, des représentants des ministères compétents, des associations de collectivités locales, des organismes de logement social, des professionnels de l'immobilier, des associations de protection de l'environnement. La transparence y gagnera, d'autant qu'un rapport annuel sera adressé au Parlement. Les acquéreurs devront rendre compte de l'avancement du programme de construction. Les clauses anti-spéculation sont durcies. La décote appliquée aux baux emphytéotiques sera très utile aux élus de terrain. Il s'agit désormais d'agir sans délai.
Le titre II du projet de loi a été adopté avec enthousiasme par le Parlement, je m'en félicite. Le renforcement de l'article 55 de la loi SRU est nécessaire mais juste. Dix ans après le débat houleux autour de cette loi, votre Haute assemblée a montré son attachement à cette disposition. Je me félicite de ce consensus. Vous avez voulu que les dispositions soient réalistes et applicables. Le texte final concilie ces exigences, en revenant au coeur de l'obligation de la loi SRU. Le taux est renforcé là où c'est nécessaire. L'échéancier n'est plus glissant, l'obligation n'est plus théorique mais réelle. Le périmètre d'application a été étendu aux communes de 1 500 à 3 000 habitants dans les agglomérations et EPCI de plus de 50 000 habitants et sous tension. Au terme de la CMP, 334 communes sont concernées. L'obligation ne s'appliquera pas de façon brutale. Il n'y aura pas de prélèvement avant 2017. Un travail sera mené pour en évaluer finement les conséquences : je suis à votre disposition pour en faire le bilan. Les communes de plus de 15 000 habitants, en forte croissance démographique, ont également été incluses. Aucune ne sera prise au dépourvu.
Pour que la mixité sociale ne soit pas un voeu pieux, vous avez introduit à l'article 4 ter l'obligation, pour les communes faisant l'objet d'un constat de carence, de prévoir une part minimale de 30 % de logements sociaux dans les nouvelles opérations. Je m'en félicite. Le logement doit être accessible à tous. C'est une mission partagée, il faut cesser de stigmatiser le logement social.
La déclinaison de l'obligation de production de logements sociaux en fonction du type de loyer a été prise en compte : la part minimale de PLAI devra être de 30 %. Nos objectifs doivent être non seulement quantitatifs mais aussi qualitatifs.
Les communes dont le territoire est grevé d'inconstructibilités seront exonérées. C'est justice, notre but n'est pas d'exiger l'impossible. Vous avez veillé à ce que soient pris en compte les efforts consentis par les communes pour rattraper leur retard. Les possibilités de déduction des dépenses engagées sont élargies. Quant aux communes qui choisissent délibérément de ne pas respecter la loi, elles seront lourdement sanctionnées.
Le titre III traite plus spécifiquement de l'Ile-de-France. C'est une sécurisation juridique bienvenue. Je saisis l'occasion de rappeler mon attachement au projet de métro automatique du Grand Paris. Ce projet doit être priorisé. L'État tiendra son engagement d'apporter à la société du Grand Paris le financement nécessaire à ses emprunts, à hauteur de 1 milliard s'il le faut.
M. Robert Tropeano. - Très bien !
Mme Cécile Duflot, ministre. - Je me félicite des avancées. Nous prendrons le temps de bien évaluer les établissements publics fonciers ; le futur projet de loi en traitera.
Je tiens à vous remercier pour la qualité de nos échanges, pour avoir enrichi ce texte que je crois à la hauteur des enjeux. Dans dix ans, cette nouvelle page de la mixité sociale sera saluée comme il se doit ! (Applaudissements à gauche)
M. Daniel Dubois . - A l'issue de la première lecture, le groupe UCR était dubitatif. Depuis, le texte a évolué. Nous nous félicitons de la suppression de l'article 3 bis, qui organisait la mainmise de l'État sur le logement. L'article 11 ter a été utilement modifié : le document d'orientation devra assurer la cohérence d'ensemble du Scot.
Idem pour l'article 4 ter : la rédaction de l'Assemblée nationale était bien préférable à celle du Sénat. C'est un moindre mal, mais on peut aussi faire de la mixité avec des PLS, de la mixité par le haut.
L'article 11 ter illustre votre méfiance à l'égard des élus. Contrainte, sanction, voilà votre credo. Vous dites non à l'accompagnement et au soutien. Exemple criant : l'extension de la loi SRU aux petites communes. On ne règlera pas le problème du logement en méprisant les élus, y compris les parlementaires, consultés à la va-vite, sans qu'il y ait eu, sur cette dernière mesure, ni étude d'impact ni débat en commission.
Ce texte est injuste pour les collectivités, sur lesquelles va porter tout l'effort, l'État s'étant largement désengagé. Elles devront s'acquitter de prélèvements de plus en plus lourds, sans parler des sanctions. La cession de foncier public ne résoudra pas le problème des zones denses.
Grave lacune, le texte ignore l'accession sociale à la propriété. Il faut mieux tenir compte des réalités locales. La loi SRU est trop rigide : il faut apprécier les objectifs par agglomération, non par commune.
En première lecture, la majorité des sénateurs centristes s'étaient abstenus ; compte tenu de l'évolution du texte en CMP, ils voteront contre ce texte. (Applaudissements au centre)
M. François Trucy. - Très bien.
M. Jacques Mézard . - Je ne reviendrai pas sur les conditions d'examen de ce texte... Vous avez noté néanmoins la qualité du travail parlementaire -preuve de l'intérêt qu'il y a à avoir des parlementaires qui sont aussi présidents d'exécutifs locaux. (Sourires)
M. François Patriat. - Merci de le dire !
M. Jacques Mézard. - Oui aux principales mesures du texte, même s'il faudra revoir la délimitation des zones tendues et non tendues.
Il faut construire pour réduire la pénurie. Construire, c'est trouver du foncier, réduire les contraintes administratives, faciliter la densification, sanctionner les recours abusifs contre les permis, trouver des financements, ne pas décourager les investisseurs privés, privilégier une offre diversifiée comprenant du logement très social.
Nos amendements ont souligné la nécessité d'un effort en direction des ménages les plus modestes : c'est l'article 7. La suppression du prélèvement sur le potentiel financier des organismes HLM est bienvenue, même si elle n'est pas immédiate. La garantie d'une participation financière de l'État nous tenait aussi à coeur. Idem pour le fonds national de développement des logements locatifs sociaux destinés aux ménages les plus défavorisés.
L'Assemblée nationale est allée beaucoup trop loin en imposant un taux obligatoire de 10 % aux communes de 1 500 à 3 500 habitants, hors Ile-de-France. Le compromis trouvé en CMP est insuffisant. J'ai pris acte de l'engagement formel du Gouvernement de revoir cette mesure lors du prochain projet de loi. Étant donné cet engagement, nous voterons très majoritairement ce texte, espérant bien ne pas être déçus. (Applaudissements sur les bancs du RDSE)
M. Joël Labbé . - Ce texte traduit la volonté du président de la République, du Gouvernement et de la majorité de répondre à la crise du logement. Le logement, droit essentiel, devoir de solidarité. Le projet est ambitieux : 10 millions de personnes sont touchées par la crise du logement ; il y a 3,1 millions de mal-logés, dont 600 000 enfants. Lorsqu'il y a urgence, il faut y aller.
Cette action s'inscrit dans le droit fil de la loi SRU, due au gouvernement Jospin. Cette loi révolutionnaire a porté ses fruits, freinant notamment l'étalement urbain. Depuis lors, une bulle s'est constituée : le logement se fait toujours plus rare, toujours plus cher. Le futur projet de loi devra prendre en compte l'habitat alternatif, l'habitat partagé, les demandeurs d'asile, les publics sensibles. La mobilisation du foncier public est un investissement que fait l'État, pas un gaspillage ! Renforcer la loi SRU permettra d'en finir avec les ghettos de pauvres comme avec les ghettos de riches.
Plusieurs amendements écologiques ont été adoptés. On peut regretter que trop peu de villes soient concernées par les obligations en matière de PLAI.
Je regrette aussi le rejet de notre amendement sur la biodiversité. (M. Jean Desessard approuve)
Ce projet se veut solidaire avec les ménages les plus modestes. Il relance l'effort national, soutiendra le secteur du bâtiment. Les écologistes le voteront avec force. (Applaudissements à gauche)
Mme Élisabeth Lamure . - Fait inédit, le Gouvernement, confronté aux mauvais sondages de l'été, a précipité l'examen de ce texte en session extraordinaire, dans de telles conditions d'improvisation que la commission n'a même pas déposé de texte -bafouant le droit d'amendement en commission. La procédure n'est pas constitutionnelle : nous saisirons le Conseil constitutionnel. Ce texte aura des conséquences lourdes pour les collectivités locales : il méritait un travail de fond au Parlement.
La discussion s'achève alors qu'est franchie la barre des 3 millions de chômeurs.
M. Alain Néri. - La faute à qui ?
Mme Élisabeth Lamure. - Je croyais que le changement, c'était maintenant ! Sur l'emploi comme sur le logement, nous attendions une ambition forte, une mobilisation massive. Mais le texte ne répond pas aux attentes de nos concitoyens. Pire, vous cherchez à faire croire que les maires sont responsables du logement social, tout cela parce que 199 d'entre eux -sur 36 000 !- n'ont pas atteint l'objectif de 20 %. Nous n'acceptons pas le transfert de compétences déguisé. C'est à l'État de trouver les moyens nécessaires.
M. Alain Néri. - Que ne l'avez-vous fait ?
Mme Élisabeth Lamure. - L'aggravation des sanctions est aberrante et inefficace.
Ce projet de loi ne produira pas un logement de plus : on ne fera que répartir autrement l'offre entre logement social et autres types de logement. Ce texte n'est que de l'affichage. Quant au nouveau fonds, il alimentera les caisses de l'État à bon compte...
Mme Christiane Demontès. - Que vous avez vidées !
Mme Élisabeth Lamure. - Tous les logements ayant une fonction sociale doivent être pris en compte, donc l'accession sociale.
La cession gratuite de terrains ? Quel sera le manque à gagner pour les finances publiques, déjà mal en point ? Et que feront les communes qui ne disposent pas de terrains cessibles ? Les maires, pourtant bâtisseurs, feront-ils l'objet d'un constat de carence ?
L'Assemblée nationale a de plus aggravé certaines dispositions. L'article 4 oblige ainsi les communes, hors Ile-de-France, de 1 500 à 3 500 habitants, situées dans une agglomération de plus de 50 000 habitants, à détenir au moins 10 % de logement social -dans des « zones tendues » qui restent cependant à définir. Heureusement, la CMP a supprimé l'article 3 bis A relatif aux EPF.
La mixité sociale ne se décrète pas plus qu'elle ne se décline en objectifs irréalistes. Nous voterons contre ce texte. (Applaudissements à droite)
M. Gérard Le Cam . - Depuis dix ans, le logement est devenu un simple objet de spéculation, voire un capital garanti pour la retraite. Ce projet de loi symbolise le réengagement public en faveur du droit au logement. Mais la route est encore longue. Le Gouvernement annonce une nouvelle loi en 2013 : nous l'attendons impatiemment.
Le renforcement des obligations et des sanctions imposées aux communes est une bonne chose : trop de maires ont impunément violé leurs obligations, au point d'en faire parfois un argument de campagne électorale... Nous prônions un seuil de 30 %. Parallèlement à la définition d'obligations nouvelles, l'État doit soutenir davantage les communes bâtisseuses, ce qui suppose d'augmenter les enveloppes budgétaires et d'aider davantage les offices HLM. Or, les premières annonces en la matière ne nous rassurent pas. Le plafond du livret A n'a pas doublé comme annoncé ; il faudra y revenir...
Dans ce manque d'ambition, nous voyons la marque du traité européen ; la rigueur budgétaire qu'il impose est incompatible avec la garantie effective du droit au logement. Le logement est une compétence de la puissance publique. C'est pourquoi nous proposions la création d'une agence nationale foncière pour le logement ou, à défaut, un rapport sur le sujet : double refus. Le rôle des EPF est central, nous rouvrirons le débat.
Les possibilités de cessions de terrains publics restent limitées, comme le sont les garanties sur la destination de ceux-ci. L'accès au logement se heurte à deux obstacles. D'abord, la baisse du pouvoir d'achat de nos concitoyens -83 % d'entre eux jugent l'accès au logement difficile, selon l'Ipsos. Un des leviers de l'action est donc l'augmentation des salaires. Le coût du logement et des charges ne devrait pas, en outre, dépasser 20 % du revenu. Il faut aussi combattre la spéculation immobilière. La puissance publique doit reprendre la main : une agence nationale foncière permettrait de créer un domaine public sorti de la logique financière et réservé au logement social.
Quelques mesures nous paraissent particulièrement urgentes : interdiction des expulsions locatives, réquisition ou taxation des biens immobiliers vacants. Avoir un toit n'est pas un luxe mais un droit. Cela dit, les communistes sont des partenaires loyaux à gauche. Nous voterons ce texte qui va dans le bon sens. (Applaudissements à gauche)
M. Claude Dilain . - En septembre, au congrès de l'USH, le Premier ministre affirmait que le logement était une priorité du Gouvernement. « Le logement est devenu une denrée rare, chère, trop chère. La situation s'aggrave d'année en année, cela doit cesser. Faisons preuve d'audace et d'imagination, mobilisons-nous, rendons effectif le droit au logement pour tous », disait-il.
L'urgence justifiait la hâte du Gouvernement. Je félicite le rapporteur et le président Raoul pour leur travail remarquable, dans des conditions difficiles. L'urgence est bien là. Aujourd'hui même, je me suis occupé d'une mère enceinte avec ses trois enfants, sans problème de revenus mais qui ne trouve pas de logement : si quelqu'un a une solution, je suis preneur !
Le titre I ouvre la voie à une décote de 100 %. Les terrains cessibles ont été définis précisément. Attention aux éventuelles oppositions, nous aurons besoin de votre soutien, madame la ministre, pour que l'esprit de la loi soit respecté. Les baux emphytéotiques sont un enrichissement important, de même que la possibilité de réaliser des équipements publics. Nous pourrons ainsi mener des opérations équilibrées.
Sur les communes de 1 500 à 3 500 habitants, je peux comprendre les inquiétudes mais il ne s'agit que des communes situées dans un EPCI à fiscalité propre, comptant au moins 50 000 habitants et situées en zone tendue. Cette extension est légitime mais il n'est pas question pour autant de construire des logements sociaux là où ce n'est pas nécessaire !
L'article sur l'EPF unique a été supprimé, ce qui réjouit, semble-t-il, tout le monde, mais le problème reste entier. On ne peut se contenter d'avoir des EPF dans les zones où il fait bon vivre. Le président Raoul a eu raison de parler de péréquation, il s'agit bien d'arbitrages politiques. Si j'ai bien compris, le problème ne se pose qu'en Ile-de-France... Il faudra y revenir.
S'agissant du Grand Paris, je vous remercie, madame la ministre, d'avoir réitéré l'engagement du Gouvernement : le Grand Paris doit se faire, surtout la rocade Grand est !
Cette loi est équilibrée et juste. Nous attendons avec impatience et confiance les étapes suivantes. (Applaudissements à gauche)
M. Yves Rome . - Je me félicite que la CMP ait supprimé l'article 3 bis A, qui généralisait les EPF d'État et traitait tous les territoires de la même façon.
L'objectif est de construire 500 000 logements par an, dont 150 000 sociaux. Ne fragilisons pas les outils performants que sont les EPFL. Depuis la loi de 1991 et la loi SRU, ils ont capitalisé un savoir-faire et leur position intermédiaire entre propriétaires et collectivités favorise dialogue et réactivité. Deux nouveaux EPFL sont créés chaque année, leur périmètre ne cesse de croître. Pour un euro prélevé, l'EPFL en investit trois sur le même territoire. Ce qu'il faut faire, c'est créer un EPFL là où il n'y en a pas pour couvrir intégralement le territoire : ce sera l'objet d'une proposition de loi que je déposerai. L'aide de l'État sera indispensable. Responsabiliser les collectivités et leur donner les moyens d'atteindre les objectifs fixés par le président de la République : tel est le sens de cette proposition (Applaudissements à gauche)
La discussion générale est close.
Interventions sur l'ensemble
M. Pierre-Yves Collombat . - J'ai voté le texte en première lecture, bien qu'il ne prévoie rien en matière de financement. Il est vrai que par les temps qui courent, il est grossier de parler d'argent, sauf pour renflouer les banques...
Les conclusions de la CMP ne reprennent pas l'amendement que j'avais déposé. Pourquoi ? Le fait du prince ? Elles comprennent une mesure irrecevable pour les communes de 1 500 à 3 500 habitants, non qu'elles ne connaissent pas de problème de logement social - elles aimeraient bien être aidées pour bâtir- mais parce que les opérateurs traînent les pieds pour venir y réaliser ces petites opérations, et parce que c'est là que les quelques ménages peu argentés qui veulent construire peuvent le faire, car le terrain y est peu cher. Or l'accession sociale n'est pas prise en compte...
Je ne suis pas d'accord avec l'appréciation du rapporteur sur la prétendue mauvaise volonté des maires. Dans les petites communes, l'application du texte sera encore plus complexe qu'ailleurs. Elles ne demandent qu'à rattraper le retard, mais comment peuvent-elles y parvenir avec leurs pauvres moyens, tout en protégeant leur patrimoine agricole et la biodiversité ? Nous avons devant nous force palabres et beaucoup de temps perdu. En tout cas je ne vois guère d'évolution dans la manière de traiter les élus...
Je ne suis pas seul à douter de l'intérêt de cet amendement nocturne. Mais parce que j'ai -encore- confiance dans la parole du Premier ministre, je voterai ce texte. Manquant de souplesse vertébrale, je ne pourrai pas renouveler souvent l'exploit.
M. Pierre Jarlier . - J'ai moi aussi voté ce texte en première lecture. Mais l'Assemblée nationale a modifié l'architecture de la loi SRU en étendant les obligations de construction aux communes de 1 500 à 3 500 habitants situées dans une agglomération de 50 000 habitants.
Sur la forme, j'avais déjà été surpris de ne voir arriver le rapport qu'en séance : c'était inédit ! Sur le fond, ces petites communes ne sont pas prêtes ! Souvent, elles sont en zone rurale, elles n'ont pas toujours de documents d'urbanisme. Elles ne seront pas en mesure d'organiser les transports, les services, bref la cohésion sociale et territoriale, parce qu'il n'y a pas eu de réflexion préalable sur un PLH, un PLU ou un Scot. Je m'abstiendrai donc.
M. François-Noël Buffet . - Ce texte est arrivé devant le Sénat en extrême urgence, au point que la commission n'a pas établi de texte. Madame la ministre, vous avez vous-même reconnu l'imperfection de votre projet initial, et vous annoncez un nouveau texte pour 2013 : preuve qu'il fallait se donner du temps.
Vous avez rejeté nos amendements sur l'accession sociale à la propriété, qui fait pourtant partie du parcours résidentiel et touche les mêmes publics que les PLS. Même refus sur nos proposions de renforcer les PLAI en faisant en sorte qu'ils comptent double.
Nous regrettons de n'avoir pas eu le loisir d'un ample débat sur le logement et l'urbanisme. Nous l'aurons en 2013, espérons-le, dans de meilleures conditions. Nous voterons contre ce texte. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Jacques Mirassou . - Nous ne faisons pas le même diagnostic. Oui, il y a bien urgence. La question du logement a été largement abordée lors de la campagne présidentielle, sanctionnée par un vote. Les objectifs de ce texte sont précis et ambitieux : il nous fera prendre un nouveau départ.
Voir se répéter toujours les mêmes souffrances est intolérable. C'est avec enthousiasme que nous voterons ce texte. (Applaudissements à gauche)
A la demande du groupe UMP, les conclusions de la CMP sont mises aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 173 |
Pour l'adoption | 176 |
Contre | 168 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements à gauche)
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. - Je remercie le rapporteur et le service de la commission pour le travail accompli dans un délai très court.
Mme Cécile Duflot, ministre. - Je remercie l'administration du Sénat et du ministère, ainsi que chacun d'entre vous : la navette a enrichi le texte, je le reconnais volontiers. Merci aussi aux sénateurs de l'opposition dont les apports ont été retenus. J'espère que nous pourrons dans dix ans faire le même bilan que celui que nous faisons aujourd'hui de la loi SRU. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Pierre Caffet. - Inch'Allah !