Gaz de schiste (Question orale avec débat)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la réponse du Gouvernement à la question orale avec débat n° 11 de Mme Nicole Bricq à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement sur le devenir des permis exclusifs de recherche d'hydrocarbures conventionnels et non conventionnels après le vote de la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011.
Mme Nicole Bricq, auteure de la question. - Cette question est toujours d'actualité, au cas où certains l'auraient oublié. La loi Jacob de juillet 2011 n'a rien réglé. Aucune suite n'a été donnée au rapport remis au Gouvernement et les partisans de l'expérimentation du gaz de schiste reprennent l'offensive.
La loi de juillet 2011 était censée calmer la colère des élus et des citoyens, indignés par la délivrance de permis sans aucune concertation ; et offrir un cadre juridique solide. Depuis, grâce à la mobilisation des populations, trois permis exclusifs ont été annulés, mais le doute perdure : 61 permis demeurent. L'un des trois permis concédés au groupe Total ne mentionnait pas le recours à la technique interdite de la fracturation hydraulique. Et les explications de la ministre ne sont pas convaincantes, tandis que le groupe Total, qui vient de déposer un recours contentieux devant le Tribunal administratif de Paris, affirme ne procéder qu'à des carottages verticaux et respecter la loi. Le Gouvernement justifie le maintien des autres permis au motif que les bénéficiaires ont pris l'engagement formel de ne pas recourir à la fracturation hydraulique. Mais comment faire le tri entre les groupes auxquels faire confiance et les autres ? Récemment, six parcelles ont été achetées par la société Vermilion, dans l'Essonne et le Bassin parisien : pourquoi un tel investissement, alors que la loi est censée empêcher la fracturation hydraulique et qu'il n'est pas de technique alternative ?
Les discours du Gouvernement ont bien varié. Lors de la discussion de la loi Jacob, il affirmait qu'il était impossible de distinguer entre exploitation conventionnelle et non conventionnelle, et voilà trois mois après qu'il dit le contraire. Les techniques auraient-elles évolué ? Pour nous, la question n'est pas de savoir quelle technique interdire -en interdire une, c'est accepter potentiellement les autres- mais décider ou non d'exploiter les gaz de schiste.
Pour nous, c'est l'interdiction totale qu'il faut viser. Et le code minier doit distinguer entre exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels. Rien ne doit être fait sans cela. La commission prévue par la loi Jacob, lorsqu'elle sera mise en place, permettra des expérimentations testant la fracturation hydraulique, dont les risques sont connus, ou toute autre technique : ce sera ouvrir la voie à l'exploration et à l'exploitation des hydrocarbures de roche mère. L'impatience de l'Ufip à voir cette commission installée ne peut que nous alerter. Comment seront distinguées exploration et exploitation ? Nous ne le savons pas.
Et le Gouvernement ne cesse de tergiverser. La France a toujours été favorable à la directive européenne sur les sables bitumineux, « forme de pétrole la plus néfaste pour le climat », mais elle vient de se déclarer contre une mesure de leur impact sur l'effet de serre. Revirement inquiétant...
Aux États-Unis, où le gaz de schiste est largement exploité, on sait les dégâts causés à l'environnement. Les enjeux financiers sont importants. En Europe, la tentation est réelle ; la Pologne entend devenir le « Qatar de l'Europe centrale » tandis que la Bulgarie vient d'interdire l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels. En France, le débat n'est pas clos.
Quoi qu'il en soit, la population n'est pas associée. La loi Jacob ne garantit pas la transparence. Le Gouvernement s'était engagé à faire voter par le Parlement un projet de loi de ratification de l'ordonnance de codification de la partie législative du code minier, afin de prévoir une consultation publique avant délivrance des permis ou prolongation des concessions. Las, ce projet, déposé en avril 2011 à l'Assemblée nationale, n'est toujours pas inscrit à l'ordre du jour. Le Gouvernement n'entend pas favoriser l'exercice démocratique, à l'encontre de ce que préconise le rapport qui lui a été remis : la création de commissions départementales des mines et celle d'un Haut conseil associant État, collectivités territoriales, syndicats, ONG et entreprises.
Les partisans de l'exploitation reprennent l'offensive. Le club Energie et développement vient d'organiser un colloque, où s'est tenue une table ronde intitulée « L'interdiction française, comment en sortir ? ». On ne peut être plus clair. Quant au PDG du groupe Total, n'a-t-il pas déclaré que le code de conduite de son groupe ne lui interdisait pas de recourir à la fracturation hydraulique et que la ministre de l'écologie n'avait pas le monopole de l'interprétation de la loi ? Autant de preuves de l'insécurité dans laquelle nous demeurons. L'Ufip, encore elle, lors d'une conférence de presse, a enfoncé le clou, appelant à un débat public « constructif et rationnel » -sous-entendu, il ne l'a pas été jusqu'ici- libéré des considérations idéologiques. Mais les maires qui se mobilisent ne sont-ils pas de tous les horizons politiques ? (M. Claude Bérit-Débat le confirme)
La ligne rouge est franchie. Le secteur pétrolier n'a pas renoncé à une stratégie mêlant bataille judiciaire et attente de jours meilleurs, preuve de la faiblesse de la loi Jacob. A quoi s'ajoute l'attentisme de la Commission européenne.
Tout justifie que le Sénat connaisse la position du Gouvernement sur les permis non abrogés et sur les raisons qui l'ont conduit à ne pas déposer, devant le Parlement, un projet de réforme du code minier. Nous attendons impatiemment vos réponses. (Applaudissements à gauche)
M. Daniel Dubois. - La loi de juillet 2011 interdit l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels par la technique de la fracturation hydraulique et abroge les permis exclusifs ayant recours à cette technique. Quand, monsieur le ministre, la commission créée par la loi à l'initiative de notre groupe sera-t-elle mise en place ?
La technique de fracture hydraulique demeure régulière pour les hydrocarbures conventionnels et la géothermie : ce n'est donc pas la technique qui pose problème, mais l'exploitation même de nouvelles sources d'énergie. Je comprends mal ce débat. Cela ne choque-t-il personne que la facture de nos importations d'hydrocarbures atteigne 65 milliards d'euros ? La France dispose-t-elle, oui ou non, d'un important potentiel d'hydrocarbures non conventionnels ? Pour le rapport Gonnot-Martin, ce sont 100 ans de consommation de gaz qui sont devant nous. (Mme Nicole Bricq proteste) S'agissant des huiles, les réserves du basin parisien seraient moitié moins importantes que le champ pétrolifère de la mer du nord. Pour leur exploitation, des forages doivent être autorisés sous contrôle public, afin d'en maîtriser l'impact sur l'environnement.
M. Michel Teston. - Il n'y a pas de technique sans impact sur l'environnement.
M. Daniel Dubois. - Alors, soyons cohérents. Interdisons tout forage par fracturation hydraulique, y compris pour les gisements conventionnels. La pollution sur les nappes phréatiques ? L'exemple américain, sans cesse brandi pour attiser l'inquiétude de nos concitoyens, doit être conjuré : l'encadrement est bien plus souple aux États-Unis et l'essentiel des fuites est dû à des malfaçons. Cessons donc d'opposer économie et environnement. Pas un euro ne sera investi sur les techniques possibles si l'on n'améliore pas l'exploration, destinée à connaître précisément les gisements. Défendons donc une position ouverte à la recherche, dans le respect du développement durable.
Je regrette que la majorité sénatoriale nous incite à renoncer purement et simplement à cette source d'énergie. Je préfère, pour ma part, cette solution à celle qui consiste à importer du gaz russe ou encore du gaz de schiste polonais, où je doute que les règles d'exploitation soient aussi strictes qu'elles l'auraient été chez nous. N'ayons pas d'oeillères et restons ouverts au rapport de la commission à venir. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Michel Teston. - Le groupe socialiste a voté contre la loi de juillet 2011, frappée d'ambigüités majeures. Ainsi, la déclaration par le titulaire de l'utilisation ou non de la technique de la fracturation hydraulique, principal critère de décision pour abroger les permis exclusifs, laisse trop de place à l'interprétation. Le recours de Total contre l'abrogation de son permis de Montélimar l'atteste. D'où le dépôt par notre groupe d'une nouvelle proposition de loi visant l'interdiction de l'exploration et de l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels. Il s'agit de modifier le code minier, conformément aux préconisations du rapport d'étape -puisque le rapport final, prévu pour juillet 2011, n'est toujours pas déposé. Il faut introduire une claire distinction entre hydrocarbures de roche mère et conventionnels. Les seconds se raréfiant, les compagnies voient dans l'exploitation des premiers une source de profits pour l'avenir. Dans la confusion, on risque de voir conduites des explorations en sous-main, comme cela s'est sans doute produit en Seine-et-Marne. Quant aux demandes de permis, elles jouent de l'imprécision sur le type d'hydrocarbures recherché et les techniques utilisées.
L'information des populations et leur association en amont, en même temps que des études d'impact, doivent être rendues obligatoires par la loi.
Le Gouvernement n'a pas respecté ses engagements -voir le projet de loi de ratification de l'ordonnance portant modification de la partie législative du code minier. Voilà qui prive le Parlement de débat. On est loin des bonnes intentions du Grenelle. (Applaudissements sur les bancs CRC, socialistes et RDSE)
Mme Évelyne Didier. - Le président de la République, à Pamiers, lors de ses voeux au monde rural, déclarait que la protection de l'environnement était une « question de mesure », écho à « l'environnement, ça commence à bien faire » du salon de l'agriculture 2010.
La question des gaz de schiste est une bonne illustration de cette méthode. Après avoir promis l'abrogation de tous les permis, le Gouvernement a fait voter la loi du 13 juillet 2011. Neuf mois plus tard, seuls trois permis sur 64 ont été abrogés. Mme la ministre a justifié l'abrogation de celui accordé à Total par le fait que l'entreprise a annoncé vouloir continuer ses recherches par une technique dont on ne sait si elle est opérationnelle. En tout état de cause, aucune technique, s'il en était une autre que la fracturation hydraulique, n'est respectueuse de l'environnement : mieux eût valu abroger tous les permis. Aujourd'hui la détermination des industriels reste entière. Et les lobbies redoublent d'ardeur -voir la table ronde évoquée par Mme Bricq.
Des permis seraient en cours d'instruction. Est-ce le cas ? En l'état, sans modification du code minier, aucune consultation du public n'est obligatoire. Je demande solennellement des explications au Gouvernement.
Le Gouvernement espère-t-il donc gagner du temps ? La loi permet la poursuite de l'exploration aux fins de recherche, comme pour ménager l'avenir. Sur le site du ministère, on explique benoîtement que les pouvoirs publics ont accordé des permis de recherche pour réduire notre dépendance et notre facture énergétiques. Et le président de la République a assuré la Pologne, qui se lance dans une exploitation de grande ampleur, de son soutien au niveau européen.
On encourage ainsi les grands groupes pétroliers. Total continue d'avancer, s'associe dans l'Ohio avec un gazier américain pour 2,3 milliards de dollars. Alors que la fin annoncée du pétrole devrait être anticipée, les pétroliers s'obstinent à exploiter des gisements de plus en plus profonds, de plus en plus coûteux, dans une logique de profitabilité maximum qui ne prend nullement en compte les exigences du développement durable. Tels sont les effets pervers du modèle libéral.
La transition écologique nous invite à reprendre le contrôle, à faire porter nos efforts sur la recherche dans les énergies renouvelables. Le Gouvernement doit revoir sa copie, comme l'a fait la Bulgarie, abroger tous les permis, réformer le code minier. Nous attendons, monsieur le ministre, des éclaircissements sur ses intentions. (Applaudissements à gauche)
M. Robert Tropeano. - Je l'ai dit en juillet 2011, je le dis aujourd'hui : la détermination de nos concitoyens reste sans faille.
Le président de la République a annoncé l'abrogation de trois permis seulement. Lors de l'examen du projet de loi, la ministre de l'écologie assurait que l'interdiction de la fracturation hydraulique aboutissait au même résultat que l'annulation des permis, mais était moins coûteuse pour les finances de l'État. En d'autres termes, il s'agissait d'éviter de payer des indemnités.
Mais nos concitoyens restent très mobilisés. Le recours du groupe Total contre l'annulation de son permis a réveillé la vigilance. Entre Montélimar et Montpellier, 4 327 kilomètres carrés étaient concernés.
Les pétroliers contre-attaquent : voir la table ronde du colloque organisé à la Maison de la chimie, en présence de la ministre : « L'interdiction sur le gaz de schiste, comment en sortir ? ». On ne peut être plus explicite. Nous attendons du Gouvernement qu'il confirme sa détermination. Je regrette qu'il ait voulu, en 2011, limiter l'interdiction à la fracturation hydraulique : c'était laisser des espoirs aux industriels, qui montent aujourd'hui à la charge. Nous attendons des réponses claires. Alors que l'ouverture de travaux de recherche est soumise à simple déclaration, il est urgent de réformer notre arsenal législatif. Sachez que nous resterons vigilants. (Applaudissements à gauche)
Mme Chantal Jouanno. - Le débat de 2011 nous a conduits à adopter une législation inédite dans le monde en un temps record. Reconnaissons les avancées de ce texte.
Mme Nicole Bricq, auteure de la question. - Il ne sert à rien !
Mme Chantal Jouanno. - Jean-Louis Borloo a reconnu l'erreur qui fut la nôtre en accordant, en 2008, ces permis. Je ne reviens pas sur le débat sémantique, pour m'attacher au fond. M. le ministre répondra, en effet, aux questions.
M. Daniel Raoul. - J'en doute !
Mme Chantal Jouanno. - Dans le cadre du Grenelle I, nous avons clairement fait le choix d'un mix énergétique, mais il est vrai que le texte est moins clair sur la part des hydrocarbures. Avez-vous, monsieur le ministre, des données objectives sur le coût d'exploitation des ressources non conventionnelles ? Le Grenelle avait écarté l'hypothèse, tant paraissait élevé leur coût environnemental et incertain leur potentiel.
La commission prévue par la loi sera-t-elle compétente pour se prononcer sur toutes les recherches d'hydrocarbures conventionnels et non conventionnels ? C'est un vrai débat. Voyez l'exploration en mer, au large de la Guyane. Ce sont des données objectives que j'attends de vous, pour nous éclairer. (Applaudissements à droite ; M. Daniel Raoul applaudit aussi)
Mme Marie-Christine Blandin. - Six mois après la loi Jacob, adoptée à la suite d'une mobilisation sans précédent dans toute la France, il apparaît qu'elle n'était qu'un trompe-l'oeil : seule la fracturation hydraulique fut visée, alors que nous proposions, avec le groupe socialiste, l'interdiction pure et simple de l'exploration et de l'exploitation des hydrocarbures de roche mère.
Où en sommes-nous ? Les permis de Nantes, Villeneuve-de-Berg et Montélimar ont été annulés, mais 61 autres demeurent. Et l'on reste englué dans le débat démocratique. Les mots changent, mais les champs de ruines que laissent derrière eux les forages non conventionnels demeurent identiques. D'autres techniques sont utilisées aux États-Unis, qui peuvent rapidement traverser l'Atlantique. Ainsi, la technique de fracturation pneumatique dont il est aujourd'hui avéré qu'elle reste éminemment toxique. Interdire une méthode d'extraction n'était donc pas de nature à régler définitivement le problème. La pulvérisation de la roche libère dans tous les cas des substances toxiques.
L'objectif des industriels est de faire sortir le maximum de gaz, au prix d'intrusions très profondes dans la roche mère, expression que M. Teston a bien fait de mettre en exergue. Comment des réserves si profondément enfouies pourraient-elles être exploitées sans fracturation ? Qu'est devenu le principe de précaution ? Quant au recours de Total, il peut créer un précédent. Soyons assurés que chaque annulation donnera lieu à un recours.
Les écologistes s'étaient prononcés pour une interdiction pure et simple de l'exploration et de l'exploitation des hydrocarbures de roche mère. Pour des raisons plus ou moins avouables, vous avez cédé devant les lobbies qui, selon une méthode éprouvée, accusent les opposants de gêner la recherche et font du chantage à la pénurie. Nous ne connaissons que trop l'argument, il est utilisé pour le nucléaire.
Nous sortons d'un débat sur l'application des lois. Tous les décrets n'ont pas été pris pour la loi du 13 juillet.
Nous, écologistes, ne transigerons pas et réaffirmons la pertinence de la transition énergétique que nous appelons de nos voeux. (Applaudissements à gauche)
M. Claude Bérit-Débat. - En juin dernier, le Parlement adoptait en urgence une loi qui n'était en réalité qu'un modeste paravent. Le Gouvernement avait temporisé.
Sans revenir sur les dangers de la fracturation hydraulique, j'insisterai sur ceux de votre politique de faux-semblants. C'est bien parce que la loi est restée au milieu du gué que Total dépose un recours contre l'abrogation du permis de Montélimar. Pourquoi trois permis seulement supprimés sur 64 ? L'État cherche à gagner du temps alors qu'il aurait dû se montrer catégorique. Les élus et la population doivent continuer à se mobiliser.
C'est le cas en Dordogne où l'instruction sur deux permis a été suspendue. Nous, nous demandons leur suppression pure et simple. Le collectif « non au gaz de schiste » a organisé des manifestations très suivies à Sarlat et à Cahors contre le permis de Cahors. La mobilisation citoyenne, que relaient les élus, se poursuivra jusqu'à ce que nous obtenions gain de cause.
Il n'est plus temps de tergiverser : il faut interdire définitivement l'exploration et l'exploitation des gaz de schiste sous quelque forme que ce soit ! (Applaudissements à gauche)
M. Michel Houel. - Ce débat m'offre l'occasion d'une mise au point. En Seine-et-Marne, la proposition de loi Jacob, dont j'étais le rapporteur, était très attendue. C'est une première mondiale...
Mme Nicole Bricq, auteure de la question. - Dites-le à Total !
M. Michel Houel. - ...dont il ne faut pas nier la portée. Peut-être n'en voulez-vous pas parce qu'elle émane de l'UMP ?
Mme Nicole Bricq, auteure de la question. - Parce qu'elle est inefficace.
M. Michel Houel. - Que les inquiétudes aient été fortes, on le comprend. Avant toute exploration, il convient de s'enquérir de l'impact environnemental d'un éventuel forage. Cela dit, je vois fleurir des panneaux « non au gaz de schiste » dans mon département alors qu'il n'y en a pas en Île-de-France.
Mme Nicole Bricq, auteure de la question. - Et l'huile de schiste ?
M. Michel Houel. - Si nous sommes d'accord, pourquoi remettre en cause la loi que nous avons votée en juin dernier ? Parce que la loi omet de définir la technique de la fracturation hydraulique et qu'elle n'interdit pas le recours à d'autres techniques, comme la fracturation pneumatique ou celle avec injection de propane gélifié ? La notion de fracturation hydraulique est très claire pour les professionnels et parfaitement définie en deux mots. Votre proposition de loi n'est d'ailleurs pas cohérente avec son exposé des motifs puisqu'elle ne conteste pas l'expression ni ne la redéfinit. La fracturation hydraulique est la seule technique opérationnelle ; en tout état de cause, l'administration ne permettrait pas l'utilisation de techniques nouvelles qui n'auraient pas fait leurs preuves, que ce soit pour l'exploration ou pour l'exploitation. Les permis litigieux ont été abrogés.
Le Gouvernement a réalisé des efforts considérables pour les énergies décarbonées et renouvelables (On ironise à gauche) et la modernisation du code minier. La loi du 13 juillet est efficace. Nous faisons confiance au Gouvernement pour bien l'appliquer.
Juste une petite remarque pour conclure. Le 19 janvier dernier, les États-Unis ont affiché le prix du gaz le plus bas depuis dix ans, trois fois inférieur au prix européen. Et ce, grâce à l'exploitation des gaz de schiste. Cela donne à réfléchir... (Applaudissements à droite)
Mme Laurence Rossignol. - Un jour peut-être, aura-t-on le temps d'écrire un ouvrage qui s'intitulerait De la duplicité dans la conduite des politiques publiques. Duplicité dans l'accord d'une soixantaine de permis par M. Borloo tandis qu'il occupait le devant de la scène avec le Grenelle.
Duplicité de la majorité qui prône les énergies décarbonées pour mieux justifier son choix nucléaire, et n'hésite pas à laisser la porte ouverte à l'exploitation des gaz de schiste, qui produit trois fois plus de gaz à effet de serre que celle du pétrole conventionnel. Duplicité du Gouvernement qui affirmait abroger tous les permis et en laisse une soixantaine.
Devant la mobilisation des citoyens et des élus locaux, le Premier ministre déclare que les autorisations ont été données dans des conditions pas satisfaisantes et, la main sur le coeur, dit qu'il faut tout remettre à plat et qu'il soutiendra toute proposition de loi en ce sens. Alors qu'il s'était engagé à soulever une montagne, le Gouvernement a accouché d'une petite souris : trois permis abrogés sur 64, aucune structure de concertation, pas de projet de loi présenté au Parlement sur la réforme du code minier, aucun soutien du Gouvernement aux propositions de loi sur l'interdiction de l'exploration et de l'exploitation des gaz de schiste. Tout porte à croire, de fait, qu'il cherche à temporiser : on autorise l'exploration et on attend.
Dernier acte de la duplicité gouvernementale : il semble que la France ait retiré son soutien à une initiative du Parlement européen et qu'elle en vienne à demander que soit retardée l'application de la directive de 2009. Il est vrai que les dirigeants de Total passent beaucoup de temps chez M. Besson, un bon relais pour ce genre de choses.
Ma question sera simple : quelle est exactement la position de la France au niveau européen ? A-t-elle rejoint le groupe des pays qui veulent exploiter le gaz de schiste ? (Applaudissements à gauche)
M. Alain Milon. - En juin dernier, un texte sur l'exploration et l'exploitation des gaz de schiste avait donné lieu à de riches discussions. Le parti socialiste, après avoir repoussé la proposition de loi Jacob, avait aussitôt déposé un texte quasiment identique...
Mme Nicole Bricq, auteure de la question. - Pas du tout !
M. Alain Milon. - Moi aussi, j'ai été saisi de nombreuses demandes d'éclaircissements. Avec la création d'une structure de concertation, l'interdiction de la fracture hydraulique, la remise d'un rapport annuel, la loi du 13 juillet 2011 a apaisé les inquiétudes, qui étaient légitimes. Pour l'heure, elle suffit. Nous ne pouvions pas autoriser n'importe qui à faire n'importe quoi. La situation n'impose pas un nouveau texte. Enfin, le Gouvernement, n'en déplaise à certains, consacre d'importants efforts au développement des énergies renouvelables. Il peut compter sur le soutien du groupe UMP. (Applaudissements à droite) Il n'est pas question que le gaz de schiste soit matière à un recul environnemental !
Mme Nicole Bricq, auteure de la question. - On verra.
M. Thierry Mariani, ministre auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. - Mme Kosciusko-Morizet, retenue, n'a pu assister à ce débat sur les gaz de schiste, qui lui tient tant à coeur. Le parti socialiste a refusé de voter la loi Jacob, au motif qu'elle ne serait qu'un prétexte pour aider les sociétés extractrices à attendre des jours meilleurs. Ce n'est pas l'avis, semble-t-il, des détenteurs des permis de Nantes, Villeneuve-de-Berg et Montélimar.
Trois permis abrogés seulement ? Ce sont les permis qui autorisaient non la recherche d'hydrocarbures en général, qu'ils soient ou non conventionnels, mais la recherche d'hydrocarbures dans la roche mère par fracturation hydraulique, seule visée par le texte de 2011.
Mme Nicole Bricq, auteure de la question. - C'est bien le problème !
M. Thierry Mariani, ministre. - Il n'y a aucune alternative à la fracturation hydraulique, interdite par la loi. La loi du 13 juillet 2011 serait contraire à l'exigence de transparence posée dans la charte de l'environnement ? Et, pourquoi pas aussi, tant que vous y êtes, à la Constitution ! Nathalie Kosciusko-Morizet a commandé un rapport...
Mme Nicole Bricq, auteure de la question. - Elle n'en a rien fait !
M. Thierry Mariani, ministre. - ... qui alimentera la réforme du code minier.
M. Claude Bérit-Débat. - Quand ?
Mme Nicole Bricq, auteure de la question. - Nous l'attendons avec impatience.
M. Thierry Mariani, ministre. - Comment expliquer le retard pris ? Le projet de loi a été déposé en avril à l'Assemblée nationale.
Les arguments, qui ne tiennent pas, visent en fait un seul but : justifier le dépôt de votre proposition de loi sur le gaz de schiste, la troisième au Sénat et la septième au Parlement. Mais ce texte est mal rédigé. Une abrogation a posteriori, cela n'existe pas. Il faudrait une annulation, ce qui supposerait que l'on reconnaisse une faute de l'administration...
Mme Nicole Bricq, auteure de la question. - Elle a fauté !
M. Thierry Mariani, ministre. - ... ce qui ouvrirait la porte à de ruineuses procédures en dommages et intérêts.
Je remercie M. Dubois, M. Houel, Mme Jouanno et M. Milon de leur soutien.
À M. Dubois, je réponds que le projet de décret sur la structure de concertation, en cours d'examen au Conseil d'État, sera signé en février ou en mars. L'interdiction de la fracturation hydraulique est totale sur le territoire français, relisez la loi pour vous en convaincre. Madame Didier, oui, nous aurons besoin longtemps des hydrocarbures pour les transports. Monsieur Tropeano, vous avez cité, avec d'autres, un colloque, mais l'expression est libre dans une démocratie !
Madame Jouanno, la Commission nationale de suivi s'intéressera à tous les hydrocarbures. Madame Rossignol, la France n'est pas opposée au projet de directive sur la qualité des hydrocarbures. Ce texte a d'ailleurs été adopté sous présidence française, nous avons seulement demandé des éclaircissements.
Enfin, madame Bricq, les 61 permis restants, qui ont fait l'objet de recours par des associations, feront l'objet de toute notre attention quand les industriels passeront aux travaux pratiques.
Oui, nous sommes devant un choix de société. C'est nous qui avons voté la charte de l'environnement, quand la gauche s'abstenait.
Mme Nicole Bricq, auteure de la question. - Je l'ai votée !
M. Thierry Mariani, ministre. - Il y a toujours des exceptions !
Bref, votre proposition de loi est mal rédigée et inutile, restons-en à la loi Jacob qui est une première mondiale.