Exercice des professions médicales par des titulaires de diplômes non européens (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi relative à l'exercice des professions de médecin, chirurgien-dentiste, pharmacien et sage-femme pour les professionnels titulaires d'un diplôme obtenu dans un État non membre de l'Union européenne.
Discussion générale
Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. - Cette proposition de loi reprend les dispositions sur les praticiens ayant obtenu leur diplôme hors Union européenne examinées dans le cadre du PLFSS pour 2012. Il s'agit à la fois d'un problème humain, et d'une menace pour notre système sanitaire.
Merci, monsieur le rapporteur, pour votre implication et la qualité de votre travail, qui devrait permettre de trouver très rapidement une issue satisfaisante.
Le dispositif proposé fait l'objet d'un consensus. Il avait été adopté à l'unanimité de l'Assemblée nationale et du Sénat dans le PLFSS pour 2012, mais a été censuré par le Conseil constitutionnel.
En 2011, le Gouvernement a été saisi de deux difficultés, par suite du caractère inadapté de certaines épreuves de vérification des connaissances des médecins concernés, et surtout parce que certains praticiens devaient cesser d'exercer après le 31 décembre 2011. D'où la proposition de loi prorogeant la situation jusqu'au 31 décembre 2014, date repoussée de deux ans par les députés avec l'accord du Gouvernement.
D'autre part, la proposition de loi organise une nouvelle épreuve de vérification des connaissances moins académique avant que la commission d'autorisation ne se prononce.
Par souci de cohérence, la mesure, initialement limitée aux chirurgiens-dentistes et aux médecins, a été étendue à d'autres professions médicales.
Le Gouvernement soutient ce texte. (Applaudissements à droite)
M. Yves Daudigny, rapporteur de la commission des affaires sociales. - Les professionnels diplômés hors de l'Union européenne assurent le fonctionnement quotidien de services hospitaliers, particulièrement dans les zones sous-dotées.
La procédure de reconnaissance des diplômes est longue et complexe ; elle n'offre, de surcroît, qu'un nombre de places limitées. Ceux qui ne vont pas jusqu'au bout du parcours continuent à exercer dans des conditions précaires, pour des salaires indécents, alors qu'ils multiplient les gardes.
Cette proposition de loi vise à résoudre un problème ancien, en reconnaissant le travail accompli par ces professionnels. Son dispositif permet aux médecins ou chirurgiens dentistes concernés d'exercer jusqu'au 31 décembre 2016. D'ici là, ceux qui auront travaillé trois ans pourront se présenter à une épreuve de vérification des connaissances, qui reposera exclusivement sur l'expérience professionnelle des intéressés. Ceux qui auront franchi cette épreuve devront exercer une année probatoire avant de présenter leur dossier à une commission ad hoc.
Cette nouvelle procédure est étendue aux pharmaciens et sages-femmes.
Il est urgent d'adapter ce texte, car le régime transitoire a pris fin le 31 décembre : la période de vide juridique doit être brève. Le Gouvernement a tardé à assurer la continuité du service public ! On peut aussi s'étonner de la décision inattendue prise par le Conseil constitutionnel, alors qu'il n'avait rien trouvé à redire à la procédure, elle aussi inscrite dans une loi de financement. La jurisprudence change.
Le délai supplémentaire de deux ans permettra-t-il de résoudre tous les cas ? En effet, le recrutement direct par les établissements avait lieu sous prétexte d'aider des étudiants à suivre une spécialisation. Or depuis le 3 août 2010, une nouvelle procédure, centralisée à Strasbourg, a changé la donne. Pouvez-vous en tirer un premier bilan ?
Ce texte est intéressant, mais permettra-t-il de résoudre les difficultés de recrutement dans les zones sous-dotées ?
Mme Nathalie Goulet. - En effet !
M. Yves Daudigny, rapporteur. - Je doute que l'évolution du numerus clausus suffise : le Gouvernement vient de le relever légèrement ; la Cour des comptes estime qu'il faudra bientôt le réduire. Il faudrait une vision pluriannuelle fiable. Comme le recrutement de praticiens diplômés hors de l'Europe date des années 70, quand le numerus clausus était tout autre, la difficulté tient donc au manque d'attractivité des carrières hospitalières : 22 % des postes de médecins hospitaliers à temps plein et 37 % des temps partiels ne sont pas pourvus statutairement. En Basse-Normandie et en Picardie ...
Mme Nathalie Goulet. - Dans l'Orne !
M. Yves Daudigny, rapporteur. - ... on atteint un tiers des postes statutairement vacants. Sur le plan national, on observe la même proportion dans certaines disciplines, comme l'ophtalmologie ou l'oncologie.
J'ai été frappé par la variété des positions statutaires des médecins hospitaliers. Il faudrait simplifier. Pas moins de six rapports ont été adressés au Gouvernement sur la médecine hospitalière. La situation est donc connue. Il faut revaloriser les carrières, améliorer les conditions de travail, concentrer le temps disponible sur l'activité médicale, recourir à la pluridisciplinarité.
J'ai lu hier avec surprise une dépêche annonçant la signature par le ministre de la santé d'un accord-cadre sur l'emploi à l'hôpital, repoussant presque tous les sujets à des négociations ultérieures... Le coeur de l'accord consiste à s'attaquer au problème des comptes épargne temps, mais rien ne semble réglé. Enfin, je suis perplexe face à la nouvelle strate des « équipes médicales » s'ajoutant aux services et pôles. L'hôpital est ouvert 24 heures sur 24, 365 jours par an. Il est au coeur du système de soins. Son organisation doit s'adapter à l'évolution de la société. Hélas, la solidarité face aux soins régresse. Tout cela dépasse l'objet de la proposition de loi mais je devais en faire état.
Notre commission a voté conforme le texte, pour conforter le fonctionnement des hôpitaux. Je vous appelle à faire de même ! (Applaudissements à gauche)
Mme Aline Archimbaud. - L'adoption de cette proposition de loi est indispensable, après que le Conseil constitutionnel a censuré l'article de la loi de financement de la sécurité sociale autorisant les médecins diplômés à l'étranger à exercer après le 31 décembre. Depuis, certains sont menacés de reconduite à la frontière...
Or ces médecins sont indispensables à nos hôpitaux publics, qui jonglent avec le droit depuis quarante ans pour fonctionner et en particulier assurer les gardes. À Argentan, dans l'Orne, douze praticiens sur trente-deux ont un diplôme étranger !
Mme Nathalie Goulet. - Eh oui !
Mme Aline Archimbaud. - À Alençon, ce sont un tiers des postes qui ne sont pas pourvus statutairement.
M. Jean-Claude Lenoir. - Merci de le rappeler !
Mme Aline Archimbaud. - L'urgence ne doit cependant pas nous dispenser de réfléchir à la démographie médicale. Se servir de médecins diplômés à l'étranger est une béquille dont nous ne pourrons toujours nous servir. Ces hommes et ces femmes, qui assurent bien des gardes de nuit et du week-end, travaillent dans des conditions très précaires et sont trois à quatre fois moins payés que leurs homologues français. La procédure actuelle est trop sélective, avec seulement dix postes en médecine générale. En outre, nombre de diplômés étrangers exercent sur des postes d'infirmiers. Pour les personnes en poste avant 2004, la situation est meilleure, mais quelle injustice pour les autres !
Je demande aujourd'hui un assouplissement des procédures.
Le groupe écologiste votera conforme cette proposition de loi, pour ne pas perdre de temps, mais nous espérons que le Gouvernement entendra nos remarques. (Applaudissements à gauche)
M. Alain Milon. - Dans sa décision du 15 décembre, le Conseil constitutionnel a censuré l'article 51 de la loi de finances pour la sécurité sociale, comme « cavalier social ».
En l'absence de mesure législative rapide, 4 000 praticiens devraient donc cesser leur activité. Adopter le texte qui nous est soumis est donc une urgence, puisque la censure du Conseil constitutionnel empêche la prorogation du système transitoire.
À cette urgence conjoncturelle s'ajoute une nécessité structurelle, car l'hôpital public n'est pas suffisamment attractif.
Pour ces raisons, le Gouvernement avait déposé un amendement au PLFSS prorogeant le dispositif transitoire et modifiant le contrôle des connaissances. Le groupe UMP du Sénat était allé plus loin en intégrant les sages-femmes et en évitant d'imposer une période probatoire aux lauréats de l'épreuve d'aptitude ayant déjà une expérience professionnelle en France. Cet amendement a été voté à l'unanimité.
La présente proposition de loi reprend ce dispositif, avec une application rétroactive au 1er janvier 2012, ce qui est nécessaire en l'espèce.
Ainsi, le système dérogatoire sera maintenu au profit des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des pharmaciens.
Il importe aujourd'hui que le Centre national de gestion informe les intéressés. J'espère en outre que l'épreuve de vérification des connaissances sera adaptée à la spécialité des candidats.
L'amendement adopté par l'Assemblée nationale permettra de régulariser la situation des nombreux médecins diplômés hors de l'Union européenne. Leur charge de travail les empêche de se présenter au concours, alors qu'ils représentent parfois 30 % des médecins hospitaliers.
Cette proposition de loi donne donc une bouffée d'oxygène aux hôpitaux publics.
Enfin, je salue la détermination du Gouvernement à solder les comptes des 35 heures pour les médecins hospitaliers, la loi de 2002 ayant déstabilisé l'hôpital public. (Applaudissements à droite)
Mme Nathalie Goulet. - L'Orne est dans une situation difficile, d'où mon intervention sur l'article 51 du PLFSS.
Les médecins dont il s'agit n'ont pas nécessairement connaissance des décisions du Conseil constitutionnel. Soyons donc discrets sur le débat de ce soir.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Nous avons la solution !
Mme Nathalie Goulet. - Il y a un certain nombre de médecins étrangers dans l'Orne, dont la situation a ému les élus.
Reste le problème de la démographie médicale, quoi que puisse faire le directeur de notre ARS, même si les chiffres de Mme Archimbaud n'étaient pas tout à fait exacts. La loi HPST comportait des mesures de contrainte pour faire venir des médecins en zones rurales. Je ne cesserai d'y revenir ! L'État paie leurs études.
M. Alain Milon. - Celles de tous les étudiants.
M. Jean-Claude Lenoir. - Dans l'Orne, les élus préfèrent les pôles de santé !
Mme Nathalie Goulet. - Je sais que je serai comprise par le côté gauche de l'hémicycle.
M. Jean-Claude Lenoir. - Et voilà ! La gauche à la rescousse !
Mme Nathalie Goulet. - Un jour, j'en suis convaincue, des mesures contraignantes seront prises, dans un cadre coordonné par les ARS. D'autant que les collectivités locales sont aussi mises à contribution.
Mme Catherine Génisson. - Vous avez parfaitement raison !
M. Jean-Claude Lenoir. - Il faut des pôles de santé !
Mme Nathalie Goulet. - Les pôles de santé ne peuvent rien sans médecins. Mme Berra, la ministre de la santé, nous a envoyé, monsieur Lenoir, la même lettre... J'espère que nous pourrons contraindre un peu les médecins.
M. Roland Courteau. - Très bien !
Mme Nathalie Goulet. - Il est temps de prendre des mesures qui soient appliquées ! (Applaudissements à gauche)
M. Gilbert Barbier. - À l'heure actuelle, les praticiens diplômés hors Union européenne ne peuvent plus exercer, ce qui met en cause la continuité des soins dans certains établissements et surtout la couverture assurancielle de la responsabilité civile. À problème urgent, réponse urgente. Une fois de plus, nous aurions aimé connaître au moins l'ébauche du décret d'application.
En majorité, ces praticiens occupent des postes indispensables, mais en percevant de faibles rémunérations. Ils sont souvent Français par mariage, avec des enfants français. Ne pas les intégrer placerait trop d'établissements en difficulté. Cependant, je m'interroge : pourquoi tant d'intéressés n'ont-ils pas présenté les épreuves de vérification des compétences ? Pourquoi imposer un numerus clausus aussi sévère aux étudiants français, tout en créant une procédure dérogatoire pour les étrangers ?
La sélection drastique en fin de première année est-elle actuellement justifiée en France ? Des mesures ont été prises, notamment la régionalisation du numerus clausus et le contrat de service public, mais elles ne suffisent pas.
Nous voterons cette proposition de loi, en espérant que le problème sera réglé à l'horizon 2016, sans recours à des mesures coercitives. Il faudra aussi penser aux diplômés hors Union européenne, qui exercent des emplois paramédicaux, car ce texte ne règle pas leur situation. (Applaudissements au centre)
M. Dominique Watrin. - Je rends hommage aux praticiens exerçant en France, après avoir obtenu un diplôme à l'étranger. Ils ont souvent effectué une partie de leur formation dans notre pays, mais exercent dans des conditions incertaines. Bien que leur recrutement soit interdit depuis 1999, ils pallient l'insuffisance des praticiens formés en France et leur inégale répartition.
La récente augmentation du numerus clausus ne résoudra rien : ces diplômés de l'étranger, dont beaucoup exercent des fonctions paramédicales alors qu'ils sont docteurs en médecine, restent indispensables aux hôpitaux de proximité.
Le 27 février 2006, la Halde a estimé que ces praticiens étaient victimes de discriminations. Pour remédier à cette situation intolérable, la loi de financement de la sécurité sociale a instauré un processus dérogatoire jusqu'au 31 décembre 2011. Depuis, leur droit d'exercer a pris fin lorsqu'ils n'ont pas satisfait à l'épreuve de contrôle des connaissances. Quelque 4 000 praticiens sont concernés. Ils sont aujourd'hui en grande difficulté, tout comme les hôpitaux employeurs. La situation est connue depuis longtemps, mais le Gouvernement a attendu le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale pour déposer un amendement. La censure du Conseil constitutionnel explique une urgence que nous déplorons.
Notre débat est précipité, car nous sommes prisonniers de la proposition de loi. Privés d'un véritable débat sur les déserts médicaux, le Sénat est cantonné à un texte de circonstance.
Nous serons très vigilants pour que les décrets d'application s'appliquent à tous les praticiens concernés, même lorsqu'ils occupent un emploi d'infirmier, sont enseignants ou travaillent dans l'industrie pharmaceutique.
Quel accompagnement prévoyez-vous pour que le maximum d'entre eux réussissent ?
Par respect pour les diplômés hors Union européenne, nous voterons ce texte, tout en regrettant l'incurie du Gouvernement. Cette loi n'est qu'une rustine de plus sur notre système de santé, qui a besoin d'une réforme structurelle. (Applaudissements à gauche)
Mme Claudine Lepage. - Ce texte, déposé le 20 décembre 2011 à l'Assemblée nationale, a été examiné le 18 janvier 2012 par les députés. Efficacité imposée par l'urgence de la situation. Le Conseil constitutionnel ayant estimé que ces dispositions, votées dans le PLFSS pour 2012, étaient un cavalier, s'est montré, pour certains, bien scrupuleux. Mais le problème ne se serait pas posé si la majorité présidentielle avait anticipé...
Il a fallu attendre 2006 pour mettre en place une procédure dérogatoire pour les praticiens étrangers en poste. Cette mesure prenait fin le 31 décembre 2011. Précipitamment, le Gouvernement a donc déposé un amendement au dernier PLFSS : belle anticipation ! Puis est venue la censure... Près de 4 000 praticiens exercent illégalement depuis le 1er janvier. Dans les hôpitaux du Nord-Pas-de-Calais, ils représentent 50 % des effectifs ! La désertification médicale est telle que ces praticiens sont devenus indispensables à la continuité du service public de santé. Ils représentaient, en 2011, entre 6 700 et 7 100 personnes dans les hôpitaux, sans compter les praticiens en formation. Ils sont victimes d'une véritable discrimination : statut précaire ; mêmes responsabilités, mais salaires plus bas que leurs collègues ; conditions d'exercice difficiles dans des zones désertées ; gardes nombreuses ; absence de perspectives de carrière. Ce texte, indispensable, ne résout pas cette situation d'exploitation, qu'a dénoncée la Halde en février 2006.
Le prolongement de la période transitoire jusqu'en 2016 votée par les députés est bienvenu, mais quid des étudiants et médecins à diplôme étranger ayant débuté leur exercice après août 2010 ? Il faudra revoter un texte en 2016 ! À quand une solution pérenne pour ces hommes et ces femmes indispensables, qui méritent un statut qui leur rendra leur dignité. À quand un véritable statut ?
Nous voterons ce texte, mais tenions à rappeler ces évidences.
Un mot sur les Faisant fonction d'interne (FFI). L'article premier de l'arrêté du 8 juillet 2008 devrait être amendé pour permettre aux ressortissants communautaires résidant dans un pays extracommunautaire d'accéder à cette forme d'internat. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Jacques Mirassou. - Ce texte apporte, de fait, une garantie à très court terme pour assurer la continuité des soins dans nos hôpitaux. La situation difficile dans nombre d'établissements est connue depuis bien des années. Le manque de réactivité des ministres tient-elle à une simple inertie ? Le phénomène s'est accéléré depuis le vote de la tristement célèbre loi HPST, qui transforme l'hôpital en entreprise soucieuse d'une certaine forme de rentabilité. Ce n'est pas un hasard si les jeunes médecins formés à l'hôpital le fuient et qu'il faut faire appel à des professionnels étrangers.
M. Roland Courteau. - Eh oui !
M. Jean-Jacques Mirassou. - Simples variantes d'ajustement, victimes des zones grises de la réglementation, ces praticiens sont mis à corvée dans les zones les plus difficiles de notre système de santé. Outre que l'hôpital est dans une situation juridique hasardeuse, de lourdes incertitudes pèsent sur ces praticiens compétents, dévoués, qui restent sous-payés. Personne n'est capable de dire quel est leur nombre ; ils sont devenus indispensables au fonctionnement de notre système. Qu'arrivera-t-il en cas d'incident ? Il faut leur donner les moyens d'exercer. C'est pourquoi nous voterons ce texte.
Pour autant, pourquoi une des premières puissances économiques mondiales est-elle incapable d'assurer un fonctionnement harmonieux de son système de santé ?
M. Roland Courteau. - Bien dit !
M. Jean-Jacques Mirassou. - Pourquoi le numerus clausus n'est-il pas lié à une projection démographique à dix ou vingt ans ? Pourquoi tant de sélection ? Quid, dans ces conditions, de la ventilation entre l'urbain et le rural, la médecine de ville et la médecine hospitalière ? Quid de la féminisation croissante de la profession ? Quid de l'avenir à long terme des diplômés étrangers exerçant en France ? Quid enfin des étudiants en médecine étrangers que menace la circulaire Guéant ? (Applaudissements à gauche)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Article premier
M. Jacky Le Menn. - Je voterai ce texte : quand le feu est là, il faut appeler les pompiers. Mais pourquoi attendre le dernier moment pour résoudre un problème connu depuis si longtemps ? La solution proposée reste juridiquement très fragile. Voilà des années que le problème se pose, je puis le dire pour avoir géré des établissements. Il y a des déserts, depuis des années, dans le service public hospitalier. La vacance massive de postes pose des difficultés permanentes, insurmontables, dans les campagnes, dans les banlieues, des zones qui souffrent déjà plus que d'autres.
On ne peut indéfiniment tolérer que coexistent des zones où les médecins sont surreprésentés, d'autres où ils manquent et où l'on recourt à une main-d'oeuvre exploitée et sous-payée, tandis que les hôpitaux de proximité disparaissent. Il faudra bien prendre le sujet à bras-le-corps. Sinon, comment les malades seront-ils pris en charge ? Le problème est d'autant plus lancinant que la population vieillit. Le problème est assez important pour que l'on ne puisse l'occulter indéfiniment ! (Applaudissements à gauche)
Mme Catherine Génisson. - Je salue le travail de notre rapporteur sur ce sujet récurrent. On a cité le Pas-de-Calais : sans ces étudiants qui rendent d'immenses services, des hôpitaux devraient fermer. Les urgences, la chirurgie, l'obstétrique et bien d'autres spécialités sont en tension.
Ces praticiens, nous devons les traiter avec respect et ne pas avoir à leur égard une approche utilitariste. Jacky Le Menn a dit combien ils étaient maltraités. Mal reconnus, mal payés, ils n'ont pas de perspective de carrière et la précarité de leur situation poserait, en cas d'incident, un problème de responsabilité. Nous allons jusqu'à faire de la prospection à l'étranger pour les attirer en France : il ne faudrait pas que cet expédient devienne le moyen pour les hôpitaux de faire des économies à bon compte.
La désaffection des praticiens pour l'hôpital public n'est pas seulement un problème financier, il est aussi de reconnaissance. Et la loi HPST a multiplié les tracasseries administratives, qui empêchent les médecins de travailler sereinement. La variation du numerus clausus ne règlera pas tous les problèmes.
L'annonce miracle de l'accord sur les RTT ? Les praticiens croulent sous le travail, sans doute en partie du fait de l'application des 35 heures, mais il faut bien reconnaître la pénibilité de leur travail et les exigences de sécurité. Je salue, au passage, le travail de M. Mattei, bien qu'il n'ait pas totalement mesuré les conséquences des dispositions qu'il avait proposées.
Il est urgent de donner à ces praticiens étrangers un statut digne et d'améliorer l'attractivité comme le fonctionnement de l'hôpital public. (Applaudissements à gauche)
Mme Sylvie Goy-Chavent. - Je voterai ce texte. Mais le niveau de sélection des études pousse nos étudiants à s'expatrier, tandis que le numerus clausus est pour beaucoup dans la désertification médicale... et le recours à des praticiens étrangers dans nos hôpitaux.
Former des médecins coûte cher, surtout lorsqu'il s'agit de femmes ayant la mauvaise idée de vouloir fonder une famille et s'y consacrer un temps. Le malaise aujourd'hui est profond. J'espère que nous saurons enfin un jour prendre ce problème à bras-le-corps.
M. Jean-Claude Lenoir. - Nous devons, en effet, respect et reconnaissance aux praticiens étrangers. Nous sommes tous sensibles à leur situation -surtout dans le département de l'Orne, où 73 % des nouveaux inscrits à l'Ordre des médecins sont étrangers...
M. Yves Daudigny, rapporteur. - Il y en a encore plus dans l'Aisne.
M. Jean-Claude Lenoir. - M. Xavier Bertrand m'a associé à sa réflexion sur l'amendement déposé lors du PLFSS. Je pensais le problème résolu. Je me réjouis donc, aujourd'hui, que ce texte vienne rapidement régler le problème soulevé par la censure du Conseil constitutionnel.
Mais nous avons ici dérogation à la loi de 1999 sur la CMU et à la loi du 17 janvier 2002, qui mettaient fin à la possibilité donnée aux centres hospitaliers de recruter des médecins étrangers. Toutes les difficultés viennent de là !
Vous êtes sévère, monsieur le rapporteur, et même injuste : il fallait bien donner du temps aux praticiens en poste pour valider leur parcours ou faire reconnaître leur titre ; ils ont disposé pour cela de cinq ans. Mais à la fin de cette période, on s'est aperçu que certains n'avaient pas réuni les conditions nécessaires. Reconnaissons que le sujet est complexe et n'accablons pas le Gouvernement...
J'appartiens à un territoire rural ; je crois beaucoup, comme d'autres ici, aux pôles de santé, qui apportent une bonne réponse pour redensifier le territoire ; ils sont une des voies offertes pour attirer de jeunes médecins dans des structures interdisciplinaires. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Merci d'accueillir favorablement ce texte. Il fut l'occasion d'évoquer bien des sujets : la situation humaine des intéressés ; le fonctionnement de l'hôpital, notamment depuis la loi HPST ; la répartition géographique des médecins... Les ARS sont en train d'élaborer les projets régionaux de santé, qui seront achevés fin 2012 et traiteront de la démographie médicale.
Mme Catherine Génisson. - Elles n'ont pas de moyens !
Je suis mobilisée sur la question des médecins étrangers depuis ma prise de fonctions. La date butoir du 1er janvier 2012 exigeait de réfléchir à un nouveau dispositif. Nous y avons travaillé de concert avec les syndicats concernés : c'est ainsi que l'on aboutit aux textes les plus justes et les plus pertinents. Quant au décret, nous l'élaborerons également en concertation ; l'épreuve de vérification des connaissances devra être conforme à la validation des acquis de l'expérience : on ne peut attendre que des praticiens exerçant depuis des années formulent des réponses purement académiques.
Les médecins doivent, bien sûr, pouvoir travailler en toute légalité. Faute de quoi, nous serions d'ailleurs les premières victimes, car nous avons besoin d'eux.
Un mot sur les déserts médicaux : nous avons aujourd'hui 9 % d'installations de plus que de départs. Une dynamique vertueuse s'enclenche, car les mesures prises vont dans le bon sens. Nous en sommes déjà à 231 maisons ou pôles de santé pour un objectif de 250 à fin 2012. C'est un signe de succès.
Mme Catherine Génisson. - Grâce à qui ? Aux collectivités territoriales !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Il n'y a pas de solution miracle ; sinon le problème serait réglé depuis des années... C'est par la conjonction de mesures diversifiées que nous progressons. Les contrats d'engagement de service public ? 180 ont été signés. Nous généralisons les stages en cabinet libéral au cours du deuxième cycle, pour susciter des vocations de médecins généralistes. La coercition ? Le Gouvernement est contre...
M. Jean-Claude Lenoir. - Il a raison !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - ... parce qu'elle ne marche pas. Nous n'avons pas abandonné le dispositif de la loi HPST, nous l'avons intégré dans la rémunération à la performance pour inciter les médecins à travailler à temps partiel dans les zones sous-dotées.
Les statuts des médecins étrangers, il est vrai, sont hétérogènes. Il faut y remédier. Quand ces praticiens auront acquis leur autorisation d'exercice, nous veillerons à établir un statut homogène, qui leur permette d'entrer dans le droit commun, par exemple en passant le concours de praticiens hospitaliers.
Sur la question de la coopération, je suis la première à engager des démarches pour rendre notre pays attractif. Chine, Liban, Qatar : nous avons signé des conventions. J'essaie d'encourager les étudiants étrangers à préférer la France pour leurs études.
Par ce texte, nous travaillons à sortir les médecins à diplôme étranger de la précarité. (Applaudissements à droite et au centre)
L'article premier est adopté.
L'article 2 est adopté.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. - je me réjouis de l'unanimité qui nous rassemble en cette urgence, même si la sonnette d'alarme avait été tirée par les acteurs depuis très longtemps et que je regrette que l'on ait tant attendu.
Le débat a débordé le cadre strict de ce texte, merci à la ministre d'avoir joué le jeu. Toutes les questions soulevées doivent nous amener à nous retrouver au plus vite, après les échéances électorales, pour un grand débat de santé publique -qui n'oubliera pas la santé mentale.
Le Sénat a fait ce soir preuve de responsabilité : notre unanimité en témoigne et je vous en remercie. (Applaudissements à gauche)
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - La censure constitutionnelle faisait suite à une saisine du parti socialiste.
M. Jean-Claude Lenoir. - Il fallait le rappeler !
M. Jean-Jacques Mirassou. - Du groupe socialiste !
M. Yves Daudigny, rapporteur. - Pas pour cet article !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Et le numerus clausus n'a jamais été aussi bas que sous les gouvernements socialistes.
M. Jean-Claude Lenoir. - Il fallait le dire aussi !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Reste que je remercie l'assemblée d'avoir voté ce texte dans le consensus. (Applaudissements au centre et à droite)
L'ensemble de la proposition de loi est adopté.